MÉDECINS E D N O M U De magazine des donateurs L
Focus /
Cambodge, Opération Sourire En images / Paris, auprès des sans-abri En bref / Népal, le pays se relève
SOIGNE AUSSI L'INJUSTICE
N° 130 PRINTEMPS 2018 TRIMESTRIEL 0,60 € — 1FS
RENCONTRE
GUATEMALA
Gustavo
Président, Association des retournés guatémaltèques Gustavo Adolfo Juárez Panamá coordonne les activités de l’Association des retournés guatémaltèques (ARG), qui intervient auprès des personnes rapatriées de force au Guatemala. Une initiative soutenue par Médecins du Monde dans le cadre de son programme d’amélioration de l’accès aux droits et à la santé des populations migrantes entre l’Amérique centrale et le Mexique. QUEL CONTEXTE ? « Depuis 2001, la migration est devenue une question de sécurité nationale pour les États-Unis. La sécurité des frontières a été renforcée, le service de l’immigration et de la naturalisation a été restructuré et des technologies sophistiquées de détection et de contrôle des migrations irrégulières ont été mises en place. La loi criminalise la migration irrégulière et permet à l’État américain d’effectuer des retours forcés en plus grand nombre. Ainsi, en 2016, les États-Unis ont expulsé et retourné par avion 32 020 personnes vers le territoire guatémaltèque. »
QUELS ENJEUX ? « Face à l’augmentation attendue des rapatriés au Guatemala, l’ARG prévoit notamment d’ouvrir de nouveaux centres d’accueil. Cela nous permettra de continuer à offrir un accompagnement aux personnes retournées dans le centre-ville de Guatemala City et d’étendre notre action à d’autres villes de la frontière mexicaine. » 2
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« Notre objectif est de soutenir les personnes retournées de force au Guatemala. » Gustavo, Président de l'Association des retournés guatémaltèques
© Joeffrey Guillemard
QUELLE MISSION ? « Nous sommes une organisation de la société civile composée d’hommes et de femmes renvoyées des États-Unis. Nous nous sommes rencontrés au Guatemala suite à un projet développé par l’Organisation internationale des migrations (OIM) en 2013. Notre objectif est de soutenir les personnes retournées de force au Guatemala. À cette fin, nous menons des activités de plaidoyer auprès des institutions gouvernementales pour améliorer l’accueil et la prise en charge globale des retournés, en particulier dans les domaines du travail et de la santé. En 2016, nous avons obtenu un espace dans le centre d’accueil pour les rapatriés arrivant des États-Unis par avion de l’aéroport de la Fuerza Aérea Guatemalteca. Ainsi nous pouvons leur apporter un soutien psychosocial et une aide financière pour le transport ou les appels téléphoniques vers leurs proches. »
OPINIONS
PRINTEMPS 2018
, Editorial
Inquiets
Loin de l’image du territoire accueillant,
l’Amérique centrale est aussi la terre de toutes les violences à l’égard des milliers de déplacés internes et des migrants venus du Salvador, du Honduras, du Guatemala ou du Mexique. Là-bas, les populations qui fuient les crimes organisés par les « Maras » et les cartels de la drogue se heurtent aux différents décrets anti-immigration de l’administration Trump et à une rhétorique haineuse. Ici, en Europe, les discours sont tout aussi violents. Et les politiques mises en œuvre également inhumaines, privilégiant sécurité et expulsion aux dépens de l’accueil et de la protection. Là-bas comme ici, l’espoir réside dans le travail d’organisations telles que Médecins du Monde ainsi que sur des citoyens qui se mobilisent et interpellent les pouvoirs publics. Pour que soient considérées, respectées et sauvées les vies de celles et ceux qui, partout dans le monde, affrontent les dangers des routes migratoires.
On dit que la France est le pays des droits de l’Homme. Mais avec cette loi asile-immigration qu’il prépare, Édouard Philippe semble surtout vouloir organiser une « chasse aux sans-papiers » pour pouvoir les renvoyer chez eux. Bravo pour ce que vous faites pour eux. Jeanine, Belfort
Outrés
Je suis outrée de voir qu’on minimise le nombre de SDF dans nos rues alors qu’on en croise tous les jours. Quand j’ai entendu parler d’une cinquantaine d'hommes à la rue en Île-de-France, j’ai crû tomber de ma chaise. Comment un ministre peut-il être à l’origine de telles inepties ? Est-ce du mépris, ou de l’ignorance ? Dans les deux cas, c’est inadmissible. Jean-Jacques, Pantin
Touchés
« Seul tu iras vite. Unis, nous irons loin. » J’ai vu le spot SHUT UP DEATH à la télévision. J’ai été très touchée par les images mais aussi par le message. C’est intéressant de voir que, dans de nombreux pays, Médecins du Monde forme des personnes au lieu de s’imposer. Huguette, Bègles
Dr Françoise Sivignon Présidente de Médecins du Monde
Au sommaire du N° 130 / printemps 2018
Cambodge P. 6
France P. 8
Squats
Vous aussi, réagissez ! magazine@medecinsdumonde.net
Qui fait le journal ? Médecins du Monde — Journal trimestriel publié par Médecins du Monde France — 62, rue Marcadet, 75018 Paris – Tél. : 01 44 92 15 15 – Fax : 01 44 92 99 99 – www.medecinsdumonde.org – Service donateurs : 0800 014 014 (N° gratuit) – Directeur de la publication France : Dr Françoise Sivignon – Rédacteur en chef : Thomas Flamerion – Maquettiste : Clémence Hivert – Comité éditorial : Jean-Baptiste Matray, Emmanuelle Pons, Violaine Gagnet, Elise Joisel – Rédaction : Thomas Flamerion, Elsa Oliveira, Justine Roche, Lisa Véran – Ont collaboré à ce numéro : le comité des donateurs, les desks urgence, Afrique, Amérique latine, Asie, Europe de l'Est, Moyen-Orient, la direction des opérations France – Secrétariat de rédaction : Pauline De Smet – Crédit photo de couverture : Mylène Zizzo – Création maquette : Citizen-Press – www. citizen-press.fr – Tél. : 01 77 45 86 86 – Copyright : toute reproduction doit faire l'objet d'une demande écrite préalable. Ce numéro est tiré à 288 080 exemplaires et envoyé aux donateurs de Médecins du Monde, GC (Grande Cause) – ISSN 2429-2370 – Commission paritaire N° 1018H84740 — Fabrication : Koryo – 43, rue Pierre Valette, 92240 Malakoff — Une invitation à l’Assemblée des donateurs est jointe à ce numéro.
P. 10
Médecins du Monde N° 130 — 3
PANORAMA
EN BREF
En chiffres :
Népal / Le pays se relève En avril 2015, un violent tremblement de terre de magnitude 7,9 frappait le Népal. Trois ans plus tard, Médecins du Monde arrive au terme d’un programme de reconstruction mené dans le district du Sindhulpalchok. Reconstruire le système sanitaire d’une région montagneuse parmi les plus durement touchées par le séisme représentait un défi de taille. Les actions menées par nos équipes ont permis de le relever avec succès. En premier lieu en garantissant l’accès aux soins d’une population blessée et traumatisée alors même que la majorité des infrastructures de santé étaient détruites. Ce sont ainsi 23 cliniques semipermanentes, pouvant fonctionner une dizaine d’années, qui ont été construites. Outre des activités de soins de santé primaires et maternoinfantiles, un soutien psychologique a été mis en place pour la prise en charge spécifique des victimes de catastrophes naturelles ou d’autres formes de violence. Autre axe important de l’intervention de Médecins du Monde, l’amélioration de la santé sexuelle et reproductive. Pour y parvenir, près de 250 agents de santé ont été formés et des sessions de sensibilisation ont été organisées dans les établissement scolaires du district, à destination
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de plus de 2 500 étudiants. Mais la promotion de ces questions se fait également directement dans les villages. À cette fin, Médecins du Monde a participé à la reconstruction de 16 coopératives de femmes. Car c’est dans ces lieux de regroupement et de partage – des organisations villageoises locales capables de soutenir leurs propres communautés à travers des prêts – que sont menées des séances d’éducation à la santé et d’information sur la planification familiale. Un vecteur d’émancipation important pour les femmes autant qu’un facteur de développement économique pour les familles. Agir sur l’amélioration de l’accès aux soins dans un pays en reconstruction passe également par la surveillance des épidémies et des actions d’assainissement. Ainsi un système de surveillance et de notification par SMS a été mis en place. Il a notamment permis de réagir efficacement lors des inondations provoquées par les moussons. En matière d’assainissement, Médecins du Monde a travaillé avec un partenaire népalais à la réhabilitation de 58 citernes endommagées par le séisme. Un vaste chantier de reconstruction, donc, mené à bien par nos équipes, grâce au large soutien de nos donateurs.
1 540 000
euros de dons privés
140 000
consultations de santé primaire
50 000
personnes ont bénéficié d’activités d’assainissement
52 000
personnes ont bénéficié de prêts via les coopératives
Italie / Soutenir les réfugiés
© Olivier Papegnies
© Olivier Papegnies
La Calabre a vu des milliers de réfugiés – près de 22 000 entre janvier 2016 et juillet 2017 – débarquer sur ses côtes. C’est dans ce contexte que Médecins du Monde a décidé de soutenir les autorités italiennes dans la prise en charge médicale de ces personnes et de mener des activités de soutien psychosocial pour les femmes et les mineurs isolés. Nos équipes ont également accentué leur intervention en ouvrant un second projet à Rome, où les réfugiés représentent 12 % de la population. Sans solution d’hébergement, la plupart d’entre eux sont contraints de vivre dans des bâtiments abandonnés ou autour des gares. Alors qu’ils souffrent de l’insalubrité et de troubles liés à leur parcours douloureux autant qu’à leurs conditions de vie en Europe, se faire soigner et accéder aux systèmes de protection demeure extrêmement compliqué. Depuis novembre 2017, Médecins du Monde concentre ses activités sur certains campements informels de la capitale en renforçant les structures qui viennent en aide aux migrants. L’objectif est notamment de leur permettre de bénéficier de services de santé mentale et de santé sexuelle et reproductive tout en plaidant pour un meilleur accès aux services de santé italiens.
Le saviez-vous ?
Près de 4 millions de personnes souffrent de mal-logement en France. Source : 2 3 e rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre sur la situation du mal-logement en France, 30 janvier 2018.
© Lâm Duc Hîen
Pakistan / Des accouchements plus sûrs Médecins du Monde œuvre à l’amélioration de l’accès aux soins dans la province du Khyber Pakhtunkhwa, au nordouest du Pakistan. Une région tribale où la population rurale côtoie de nombreuses personnes déplacées à cause du conflit entre le gouvernement et les talibans ainsi que des réfugiés afghans. Les hôpitaux sont rares, difficilement accessibles et le taux de mortalité maternelle important dans certaines zones reculées. Les naissances ont pour l’essentiel lieu à domicile en présence d’un accoucheur traditionnel. C’est pourquoi l’association, en lien avec le ministère de la Santé, a lancé un projet pilote d’urgence obstétricale de base et de soins néonataux. Adossé à un centre déjà soutenu par nos équipes, il permet aux femmes d’accoucher en toute sécurité 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Les cas les plus compliqués sont orientées vers l’hôpital le plus proche, à près de 2 heures de route. Un projet qui soulève un vif intérêt. Lors des trois premiers mois d’activité, 70 bébés sont nés dans le centre et une trentaine de femmes ont pu être transférées en urgence. Médecins du Monde N° 130 — 5
FOCUS
CAMBODGE
LA SITUATION :
CAMBODGE PHNOM PENH
L’Opération Sourire est un programme humanitaire de Médecins du Monde créé en 1989. Des équipes médicales bénévoles mènent des missions de chirurgie réparatrice à destination de patients atteints de pathologies congénitales ou acquises dans différents pays du monde.
EN 2017 L’Opération Sourire portée par Médecins du Monde France c’est 12 missions dans cinq pays (Bénin, Cambodge, Madagascar, Mongolie, Pakistan), 80 bénévoles et près de 450 patients opérés.
LA MISSION CAMBODGE DE L’HIVER 2017
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’équipe bénévole de la L mission est composée de deux infirmières de bloc, deux chirurgiens maxillo-faciaux, un neurochirurgien, un chirurgien plastique, un médecin anesthésiste et une infirmière anesthésiste.
Ce projet est soutenu par la Fondation d’entreprise L’Oréal
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Redessiner l’avenir Deux fois par an, une poignée de bénévoles toulousains de l’Opération Sourire s’envole vers Phnom Penh pour deux semaines intensives de chirurgie. Entre novembre et décembre derniers, une centaine de patients ont ainsi été opérés gratuitement de pathologies et de malformations sévères.
S
ous l’auvent du Children’s Surgical Centre (CSC) de Phnom Penh, les deux rangées de bancs verts n’y suffisent pas. La foule qui attend l’équipe chirurgicale de l’Opération Sourire déborde dans le jardin attenant où margelles, tables, pelouses, hamacs et balançoires sont réquisitionnés. S’y pressent de jeunes enfants, des adolescents, des hommes et des femmes souffrant de fentes labio-palatines – les becs de lièvres –, de méningo-encéphalocèles, de tumeurs, de séquelles de noma et de brûlures. Des familles entières, père, mère, grands-parents, qui se relaient pour consoler les bébés épuisés, acheter des graines de lotus et des œufs aux vendeurs ambulants, tailler de grands rouleaux d’étoffe en dizaines de compresses et veiller leurs proches convalescents.
Le centre humanitaire de chirurgie est gratuit. Fait rare dans un pays où le système de santé demeure coûteux. Réservé aux Cambodgiens les plus défavorisés, il accueille l’Opération Sourire depuis 2004. Les besoins sont énormes. À 8 heures, la consultation commence pendant qu’au bloc opératoire les infirmières de la mission s’activent. « On voit ici des cas que l’on ne rencontre pas chez nous et qui ne pourraient pas être opérés ailleurs à Phnom Penh », explique le professeur Frédéric Lauwers, chef du service de chirurgie maxillofaciale et plastique de la face au CHU de Toulouse, qui pilote le volet cambodgien de l’Opération Sourire. Sophally, 50 ans, se présente pour la reconstruction de la moitié droite de sa mâchoire. « La tumeur que nous lui avons retirée il y a quelques années faisait 20 centimètres. En France, elle aurait été prise en charge à 3 centimètres. » Malgré 9 heures d’intervention, la greffe tentée au cours de la mission précédente n’a pas pris. Le chirurgien plasticien Aymeric André hésite à réessayer. Mais cette fois, Sophally préfère retourner aux champs pour la récolte du riz. Elle reviendra dans quelques mois. Rendez-vous est pris.
© Mylène Zizzo
L’essentiel
CAMBODGE /
dans la durée. « Ils viennent pour des problèmes physiques mais aussi des soucis esthétiques qui les gênent dans leur vie quotidienne, dans leur relation à la société, souligne Frédéric Lauwers. Mais nous essayons de ne pas multiplier les interventions pour limiter les risques de complications, pour laisser à la rééducation le temps de porter ses fruits. Nous expliquons au patient que c’est mieux pour lui et qu’il pourra revenir. » Comme Srey, venue de Battambang. Lorsqu’elle est opérée d’une importante fente bilatérale en 2009, elle n’a qu’un an. Suivront des opérations du palais, de l’œil droit, afin de restaurer son visage. Aujourd’hui Srey grandit comme n’importe quelle enfant de neuf ans. « Elle est en quatrième année d’école, elle parle et elle mange normalement », se réjouit sa mère. Dans quelques jours, une autre intervention permettra de corriger la forme de son nez et de regonfler sa lèvre supérieure. Une nouvelle étape dans la reconstruction de la fillette.
Depuis 28 ans que Médecins du Monde intervient au Cambodge à travers l’Opération Sourire, la mission s’est transformée. Notamment grâce à la Car malgré les six mois environ qui séparent transmission de compétences lors des intervenchaque mission, les patients sont pris en charge tions – menées systématiquement avec un chirur-
Te, moignage Muriel Guillot, infirmière anesthésiste diplômée d'État
« Quand Bernard Coustets, le médecin anesthésiste de l’Opération Sourire au Cambodge, m’a proposé de l’accompagner sur cette mission parce qu’il ne peut être présent à la fois au bloc et en salle de réveil, j’ai tout de suite accepté. J’ai toujours voulu faire de l’humanitaire. Évidemment, on part pour aider les gens mais on part aussi pour son enrichissement personnel. Et la formation qui est dispensée aux équipes locales est une opportunité en or. Elles n’ont pas l’habitude de nos protocoles. Il faut composer, parce que le but est de les amener à découvrir de nouvelles méthodes, à se les approprier. Je pourrais faire les choses toute seule mais je ne veux pas m’imposer. Ça n’est pas comme ça que l’on fonctionne. »
gien et le personnel du centre – et la formation d’internes cambodgiens en France. « Au départ nous voyions beaucoup de fentes labio-palatines. Aujourd’hui les chirurgiens du CSC les opèrent seuls tout au long de l’année », se félicite Frédéric Lauwers. Le progrès est également matériel. « Nous apportons 150 à 200 kilos d’équipement à chaque mission. Des consommables, des instruments, des moteurs pour la craniotomie. » Et des armoires de rangement que Florence Giroussens, une infirmière de bloc qui accompagne l’Opération Sourire depuis dix ans, attend de pied ferme. « Elles nous permettront de mieux stocker et de protéger notre matériel entre deux missions. » Au fil des jours, les opérations complexes s’enchaînent. Le chirurgien maxillo-facial Franck Delanoë reconstitue la mandibule d’une patiente à l’aide de greffons osseux prélevés sur son péroné. Sergio Boetto, le neurochirurgien, opère des méningo-encéphalocèles, ces malformations congénitales reconnaissables à la hernie molle qui se forme au niveau du visage, avant d’extraire un méningiome de 7 centimètres qui compresse le cerveau d’une patiente et provoque une hémiplégie. De son côté, Aymeric André détourne un lambeau
de peau de la cuisse de Vibol, 43 ans, pour recouvrir la plaie chronique de son tibia, déformé par l’explosion d’une mine lorsqu’il avait 10 ans. « C’est une blessure courante au Cambodge, commente-til, comme les chutes d’arbre ou de maisons à pilotis, les accidents de mobylette et les brûlures dues aux câbles électriques. » Alors que la mission de l’Opération Sourire avance vers son terme, les regards dans la salle d’attente accusent plus de fatigue. Certains dorment sur place depuis des jours. La nuit, sous l’auvent, les bancs verts placés face à face font office de lits. Dans la cour, les parents de Panha, 8 mois, déroulent une natte et déploient une moustiquaire. Leur fille, dont la commissure des lèvres tombait, a été opérée un peu plus tôt. Malgré des difficultés à téter, elle s’endort enfin. La nuit est douce fin novembre à Phnom Penh. Elle berce les espoirs de celles et ceux qui attendent encore leur tour. Leur chance de retrouver une mobilité et une apparence harmonieuses et de s’éveiller enfin à des lendemains qui sourient.
Le centre humanitaire de chirurgie est gratuit. Fait rare dans un pays où le système de santé demeure coûteux.
Thomas Flamerion Médecins du Monde N° 130 — 7
FOCUS
EN IMAGES
Les équipes bénévoles de Médecins du Monde apportent du thé, du café, de la soupe, pour mettre en confiance et rassurer ceux que la rue abîme.
, est La tournée SDF, crée en 1993 organisée deux à trois fois par s arrêt cinq de n semaine. À raiso environ par soir, elle permet dent rencontrer des personnes viva seules ou en groupe.
Les équipes de la veille sanitaire évaluent l’état de santé des migrants. Elles les orientent vers des centres de soins et des iène, structures adaptées pour l'hyg le vestiaire, la nourriture, l'hébergement, etc.
ants se disent qu’ils « En arrivant en Europe, les migr , qu’ils vont pouvoir sont enfin au bout du parcours confrontés dans décompresser. En réalité, ils sonte de violence leur accès aux droits à une form institutionnelle. »
,
Louis Barda, coordinateur de
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ique. Maria, 50 ans, vient du Mozamb. Les équipes la connaissent bien res Elle vit entre la rue et les cent d’hébergement d’urgence . Paris de du Samu social
la veille sanitaire
France Paris à la rue L’annonce avait provoqué un tollé. Fin janvier dernier, le secrétaire d'État auprès du ministre de la Cohésion des territoires annonçait qu’« une cinquantaine d’hommes isolés en Île-de-France » dormaient à la rue. Une estimation hasardeuse, bien en-deçà de la réalité et depuis démentie. Car si Emmanuel Macron avait déclaré ne plus vouloir personne dans les rues fin 2017, nombreux sont celles et ceux qui, faute de solution d’hébergement et de système de protection efficace, y vivent encore début 2018. À Paris, selon le recensement initié par la mairie mi-février, ils sont au moins 3624. Dans la capitale, Médecins du Monde mène différents programmes destinés à favoriser l’accès aux soins de ces personnes en situation de grande précarité. Notamment à travers les tournées nocturnes de la mission SDF qui permettent de créer du lien avec des personnes isolées, de les orienter vers les structures de santé adaptées et parfois de faciliter des demandes d’hébergement d’urgence. Trois fois par semaine, une veille sanitaire de jour destinée aux réfugiés vivant dans les rues de la capitale vient renforcer ce dispositif mobile. Elle permet d’atteindre des personnes épuisées, souvent en transit, qui ne sont pas en lien avec leurs communautés. Reportage photographique d’Olivier Papegnies
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DE VOUS À NOUS
EN BREF
, A lire !
FRANCE AQUITAINE
Délégation Aquitaine / Un abri solidaire
La France qui accueille Impossible, dit-on, de faire plus de place aux réfugiés dans notre pays. Pourtant, il existe une France qui accueille. Des gens qui ne peuvent plus passer devant les réfugiés sans rien faire. Des maires qui pensent que leur commune a les moyens d’accueillir. Des associations qui s’engagent pour organiser un accueil large et digne.
La Ruche. C’est un ancien bâtiment du Conseil régional, rue du Mirail à Bordeaux, qui accueille depuis septembre 2017 une quinzaine de mineurs isolés originaires d’Afrique subsaharienne. Investi et cogéré par une poignée d’étudiants constitués en collectif citoyen, il a été meublé, retapé, pour offrir un refuge à ceux que les structures de mise à l’abri d’urgence ignorent.
De Jean-François Corty et Dominique Chivot
D’abord, ils ont effacé notre nom En 1982, les Rohingyas, minorité musulmane de Birmanie, sont privés du droit à la citoyenneté. Habiburahman, alors âgé de trois ans, devient apatride dans son propre pays. Il raconte les humiliations et les travaux forcés, l'extorsion, la ségrégation, les arrestations arbitraires, la torture. De Habiburahman et Sophie Ansel La Martinière
Agenda 26 mai
Assemblée des donateurs De 14h à 18h, le comité des donateurs de Médecins du Monde organise un après-midi de rencontre au siège de l’association. Un temps d’échange et de débats pour présenter l’actualité des programmes et du comité.
62 rue Marcadet, 75018 Paris Inscription sur journeedonateursmdm.org
© Emilie Noyer Ronteix
Les éditions de l’Atelier
L’électricité y a été rétablie, les fuites ont été colmatées pour rouvrir l’accès à l’eau. Et les associations, dont Médecins du Monde, ont soutenu l’initiative. Ils ont négocié et obtenu du Conseil régional la pérennisation du lieu de vie pendant un an. Une nécessité pour mettre en sécurité ceux en qui attendent de rentrer dans le dispositif d’évaluation de l’aide sociale à l’enfance et ceux qui ont déposé un recours devant le juge des enfants. L’occasion pour nos équipes de mettre en place un suivi social et médical. Car connaître la rue en France, en dépit des conventions des droits de l’enfant, est pour ces mineurs un traumatisme de plus. Une énième épreuve dans leurs parcours de vie douloureux, après l’exil dès l’âge de 13 ou 14 ans, après la Lybie, les tortures, l’esclavage, la traversée de la Méditerranée. Médecins du Monde soutient l’accès à une prise en charge psychologique adaptée et indispensable pour ces mineurs, qui oscillent entre mutisme et angoisses. Des visites pluridisciplinaires (médecins, infirmiers, et accompagnants sociaux) sont ainsi organisées. Pour recueillir leur parole et les accompagner vers une stabilisation et une véritable prise en charge par les autorités compétentes.
Le programme squats en chiffres 4 5 20 40 600 à
sorties par semaine
squats environ suivis par nos équipes bénévoles et salariés (assistants sociaux, médecins, infirmiers, psychologues) bénéficiaires de nos activités
Coordonnées MdM Aquitaine 2 rue Charlevoix-de-Villers, 33300 Bordeaux / Tél. : 05.56.79.13.82 / aquitaine@medecinsdumonde.net
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Vos questions Martine F, donatrice
Je soutiens Médecins du Monde
© Ludovic Combe
J’ai reçu un courrier me proposant la mise en place d’un prélèvement automatique. Je donne déjà ponctuellement. En quoi le prélèvement est-il plus intéressant ?
Partenariats / Promouvoir la santé avec le groupe Crédit Agricole Depuis plusieurs années, le groupe Crédit Agricole est un soutien fidèle des actions menées par Médecins du Monde dans les zones où l’accès aux soins est particulièrement difficile. C’est le cas notamment en Auvergne, dans les Combrailles, où médecins spécialistes et structures de santé sont rares. La Fondation Crédit Agricole Solidarité et Développement y appuie notre programme en faveur des ruraux isolés qui doivent se réinscrire
dans un parcours de soins. La Fondation participe également au financement d’une action mobile en faveur des populations défavorisées de Saint-Louis, sur l’île de la Réunion, conjointement avec la Caisse régionale du Crédit Agricole Mutuel de La Réunion. Dans le quartier sensible de Lille-Sud, enfin, c’est un programme de médiation en santé auprès de « précaires invisibles » que subventionne la Fondation du Crédit Agricole Nord de France.
Comité des donateurs / Parler santé dans les prisons de Nantes Le Comité Indépendant de l’association, le Comité des donateurs mène une réflexion critique et constructive sur la gestion, la collecte de fonds, la communication et les grandes orientations de Médecins du Monde. Il témoigne auprès des donateurs de la qualité des missions qu’il visite et il s’exprime au conseil d’administration et à l’assemblée générale de l’association. En savoir plus sur : journeedonateursmdm.org
La santé des détenus est un droit élémentaire. Pour Médecins du Monde, l’améliorer est un devoir. L’association a donc imaginé une mission innovante qui donne la parole aux détenus et les amène à devenir acteurs de leur propre environnement de soins et de santé. Le programme, expérimenté sur trois ans, est soutenu par l’ARS et l’INPES/Santé publique France. Le temps d’un après-midi, le comité des donateurs a suivi l’équipe à l’intérieur du centre de détention de Nantes. Nous avons admiré l’efficacité de la démarche, basée sur le principe d’« aller-vers », inspirée par des décennies d’expérience de la réduction des risques et inscrite dans le respect de dignité humaine. Une démarche qui repose sur le non-jugement, la conviction a priori des capacités de l’autre et la volonté d’en faire émerger qualités et ressources. Seuls des « petits pas » peuvent amener les détenus à retrouver le chemin d’une demande, d’un retour à la vie normale, d’une reconnaissance sociale par l’estime de soi. Cette démarche permet d’agir avec ceux que l’on oublie trop facilement. Jean-Pierre Lhomme, médecin engagé qui vient de nous quitter, l’annonçait : « Nos bricolages peuvent un jour devenir des politiques de santé publique. »
C’est grâce à vous et à l’ensemble de nos donateurs que nous pouvons agir en toute indépendance en France comme à l’international et nous vous en remercions grandement. Les dons par prélèvement automatique sont essentiels pour certaines missions, où tous les jours nous devons fournir des médicaments, construire ou rénover des structures de soins, acheter du matériel médical ou chirurgical. Ce mode de soutien est celui qui nous donne le plus de visibilité sur le long terme. C’est la raison pour laquelle nous le proposons à nos donateurs. Le prélèvement automatique vous permet de ne pas recevoir d’autres sollicitations, sauf en cas d’exceptionnelle urgence dont nous tenons à vous informer. Sachez également qu’une fois mis en place, il est tout à fait possible de modifier le montant ou même la périodicité de votre don régulier. Hélène Granville,
responsable du service donateurs
Posez votre question, Hélène Granville vous répondra ! magazine@medecinsdumonde.net – 0 800 014 014 Médecins du Monde – Service donateurs 62, rue Marcadet 75018 PARIS
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Bangladesh /
900 000 Rohingyas sont actuellement réfugiés dans le district de Cox’s Bazar, au sud du Bangladesh. La majorité d’entre eux s’entasse dans des camps.
BULLETIN DE SOUTIEN RÉGULIER
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CP : Ville . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . À compléter par Médecins du Monde RUM : ....................................................................................
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