L'accès aux soins des plus démunis en 2007

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L’accès aux soins des plus démunis en 2007 Dossier de presse

© Bénédicte Salzès / Sophie Brandström

Journée internationale du refus de la misère 17 octobre 2007

Contact Annabelle Quenet/Florence Priolet Tél : 01 44 92 14 31/32 – 06 09 17 35 59

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Introduction ème

Ce 7 rapport de l’Observatoire de l’accès aux soins de la Mission France de Médecins du Monde se fonde sur les 119 programmes qui travaillent auprès des plus démunis dans 27 villes en 2006, 20 ans après la création de la Mission France. Il s’est donc passé 20 ans après la réunion de quelques médecins et assistantes sociales dans un local parisien pour prouver en 6 mois qu’il était impératif de faciliter l’accès aux soins des plus démunis dans un pays aussi riche que la France. 20 ans après, les reculs législatifs concernant l’accès aux soins et la couverture maladie poussent les militants de MDM à continuer leur action pour ne pas abandonner les populations boucs émissaires des politiques publiques. Certes, 2006 aura vu une part de la mobilisation associative autour du logement porter ses fruits après de longues années de bataille : Les tentes de Médecins du Monde puis celles des Enfants de Don Quichotte, ont placé la question du logement au cœur des discussions. En 2007, une loi vient de consolider cette avancée, loi dont il faudra observer la mise en œuvre et les résultats effectifs sur le terrain. La santé n’a pas cette chance. La seule évocation de la santé des populations vivant dans des conditions précaires se limite à son aspect comptable, et les programmes politiques sont d’une étonnante pauvreté sur l’accès aux soins. En 2006, tant les reculs législatifs que l’atmosphère de déni de droits, de suspicion et bien sûr les chasses à l’étranger expliquent sans doute la baisse (-16%) du nombre de patients reçus en consultations médicales dans les Centres d'Accueil, de Soins et d'Orientation, baisse qui semble se confirmer en 2007. Ainsi une circulaire promulguée en février 2006 encourage-t-elle les forces de l’ordre à interpeller les sans papiers dans les foyers d’accueils, dans les salles d’attentes, dans les locaux des associations…La peur empêche de se déplacer, de s’adresser à des structures institutionnelles. La peur empêche l’accès aux soins. Elle vient s’ajouter à la méconnaissance des dispositifs, à la barrière financière et linguistique, aux obstacles administratifs et parfois aux refus de soins. Ce cumul aboutit à ce que 86% des personnes qui se présentent à Médecins du Monde n’ont pas de couverture maladie. C’est la raison pour laquelle Médecins du Monde continue de plaider pour une simplification du système en demandant une seule couverture maladie universelle pour toutes les personnes en dessous du seuil de pauvreté au lieu du double système AME et CMU qui ne crée que confusion, méfiance et coûts supplémentaires de gestion. Parallèlement, 2006 aura vu une augmentation des roumains dans les centres. Parmi eux, beaucoup de Rroms qui en quittant leur pays d’origine espèrent échapper aux discriminations : malheureusement, ils les retrouvent trop souvent en France dès leur arrivée. L’entrée de la Roumanie dans l’Union Européenne aura même été à l’origine d’un nouveau texte de loi qui écarte TOUS les européens en recherche de travail, voire inactifs, de la couverture maladie universelle. Il faut arrêter de se servir de boucs émissaires pour expliquer pourquoi l’un des pays les plus riches du monde arrive si peu à atteindre l’un des trois principes de sa devise, l’égalité : ce ne sont de toute évidence ni les Rroms, ni les « sans-papiers » qui sont responsables du déficit de la sécurité sociale. En revanche, ils en sont devenus les premières victimes. 2


La mission France en 2006 La Mission France est sur le terrain au travers de

27

programmes dans

villes et mobilise, toutes actions confondues,

Les salariés représentent moins de

21

119 2 042

4.5 %

bénévoles.

des équipes mobilisées.

Centres d’Accueil, de Soins et d’Orientation

38 490

consultations médicales (

24 977

patients reçus dont

-16%

17 343

par rapport à 2005)

nouveaux patients

Le nombre moyen de passages dans les Caso par patient s’élève à 2.25, avec des disparités selon les centres,

de 1 à plus de 100

passages pour un même patient.

84

actions mobiles d’accès à la prévention et aux soins, dont 6 missions

auprès des personnes se prostituant

14

programmes de Réduction des Risques

3


I. L’accès aux soins des plus démunis en 2006 A. EVOLUTIONS DEPUIS 2000 Depuis 2000, Médecins du Monde publie une photographie des plus démunis issue de l’analyse des consultations sociales et médicales prodiguées dans ses 21 centres d’accueil, de soins et d’orientation. Ce tableau permet de pointer, outre les difficultés d’accès aux soins, quelles sont les caractéristiques et les évolutions des populations les plus vulnérables en France.

1. Un signe inquiétant : consultations en baisse

le

nombre

de

En 2006, la Mission France de Médecins du Monde mène 119 programmes. Parmi ces missions majoritairement mobiles, les 21 centres d’accueil, de soins et d’orientation (Caso) ont enregistré 56 137 passages pour 24 977 patients différents et effectué près de 40 000 consultations médicales. Ce nombre est en baisse de 16% par rapport à 2005 et semble se confirmer en 2007, parallèlement à une augmentation dans certains Caso des consultations sociales. Evolution de l’activité des Caso de 2000 à 2006 2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Nombre de Caso 32 29 24 22 21 21 21 Nombre de patients reçus en consultation médicale et/ou 27 227 25 627 24 682 19 863 20 641 22 754 19 202 dentaire Nombre de consultations 37 163 48 535 50 176 43 526 40 625 45 776 38 490 médicales et dentaires Au cours des années 2000 – 2002, une baisse des consultations avait également été enregistrée. Elle s’expliquait alors par la mise en place de la CMU et une amélioration réelle de l’accès aux soins dans les structures de droit commun Nous avions ainsi pu fermer un certain nombre de centres (de 32 centres en 1999 à 24 en 2002). Aujourd’hui notre analyse de la situation est différente : nous y voyons plutôt le signe d’un contexte répressif qui entretient les patients en situation irrégulière dans la peur de se déplacer pour recourir aux soins. 4


2. Répartition des patients : toujours plus de femmes L’une des évolutions qui s’est confirmée au cours de ces années est la part toujours plus importante des femmes parmi les consultants à MDM : de 41 % en 2000, elle est passée à plus de 45 % en 2006.

La proportion des consultants mineurs a peu varié au cours des ces années, se situant autour de 10 %, à l’exception de l’année 2006 où elle a perdu environ 2 points par rapport aux années précédentes. Cette tendance sera à confirmer ou non dans l’avenir.

Par ailleurs, on constate une diminution constante de la part et du nombre des patients français (alors même que la part des patients français augmente cette année dans certains centres comme à Ajaccio, Rouen ou Toulouse). Leur nombre a en effet été divisé par 2 entre 2000 et 2006, grâce à la CMU.

La répartition des patients selon le groupe continental d’origine a connu également d’importantes modifications depuis 2000 : Les consultants en provenance du Maghreb sont restés largement majoritaires jusqu’en 2004 alors que la part des patients d’Afrique subsaharienne est restée globalement stable. Entre 2000 et 2006, la proportion des ressortissants de pays européens hors UE a été multipliée par 3, dépassant très largement en 2006 celles du Maghreb et d’Afrique subsaharienne. L’entrée de la Roumanie dans l’UE en 2007 modifiera à nouveau ce chiffre.

Les nationalités les plus représentées depuis 2000 restent l’Algérie, la France, le Maroc, la Roumanie et le Cameroun. Les Roumains qui étaient en 2000 la quatrième nationalité la plus fréquente occupent largement en 2006 la première place avec environ 22 % des patients. Nous publions en cahier séparé un témoignage sur la situation des Rroms en France.

Une situation administrative qui se précarise

Etrangers concernés par une demande d’asile (en %)

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

nd

30.0

30.0

27.0

31.2

29.0

19.8

La part d’étrangers concernés par une demande d’asile est restée stable jusqu’en 2005, et est en très nette baisse en 2006. Cette baisse est liée en grande partie aux difficultés croissantes pour déposer une demande d’asile à cause des complexités sans cesse accrues des procédures (règlement dit « Dublin 2 », pays dits sûrs, etc.) Par ailleurs la part des étrangers pouvant se prévaloir de titres de séjour stables est passée de 50,7% en 2000 à 23,2% en 2006.

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B. EN 2006 Le profil démographique montre que les patients des Caso sont encore majoritairement des hommes (55 %), jeunes (âge moyen de 34,2 ans, 69 % ont moins de 40 ans, 8 % sont mineurs), et étrangers (90 %). 1

Les cinq nationalités les plus représentées sont la Roumanie (22% des consultants ), l’Algérie, la France (10%), le Maroc et le Cameroun. 56 % des patients étrangers sont en France depuis moins d’un an, le quart depuis moins de trois mois, et 23 % depuis au moins 3 ans. La durée de séjour en France présente de grandes disparités suivant l’origine géographique, ainsi les Maghrébins sont ceux qui vivent en France depuis le plus longtemps (4,2 ans en moyenne), tandis que ce sont les européens hors UE qui sont arrivés le plus récemment. Près de 2 patients sur 10 sont à la rue. 41% des patients déclarent vivre dans un logement précaire, 18 % des mineurs sont sans logement, la moitié d’entre eux a moins de 7 ans. Lorsque le logement existe, celui-ci est décrit par les patients comme insalubre (20 %) ou surpeuplé (29 %). La quasi-totalité des patients vit sous le seuil de pauvreté (788 euros mensuels2). Près de 70% n’ont pas de travail et 20% ont un travail non déclaré. N’ayant pas le droit de travailler, les étrangers n’ont souvent d’autre choix que de recourir au travail non déclaré avec tous les aléas qui l’accompagnent : salaires souvent très faibles, pas toujours versés, horaires imprévisibles... Témoignage de l’équipe de MDM à Paris recueilli auprès d’une jeune cambodgienne Danseuse dans la troupe du ballet royal de son pays, elle n’a pas rejoint son groupe lors d’une représentation en France. Elle travaille dans une famille cambodgienne dont la femme est pharmacienne. Cette dernière la menace et lui dit qu’elle sera reconduite à la frontière de son pays si on la trouve sans papiers. Pour 300 euros par mois, elle est corvéable à merci, sans congés, sans repos. Alors qu’elle tombe malade, sa patronne lui fait faire une prise de sang… Hépatite B… Elle lui donne des médicaments, même des contraceptifs pour soigner ses boutons. Mais pas de visite chez un médecin. Deux français retraités qui la connaissent, réussissent à la convaincre de venir chez Médecins du Monde. Nous lui faisons faire une domiciliation puis l’aidons à déposer son dossier pour obtenir l’AME. Nous l’envoyons avec ce couple vers une autre association connue pour la dénonciation de l’esclavage moderne… 20 % des étrangers qui se sont présentés à MDM sont concernés par une demande d’asile. Parmi eux, 72 % ont déjà déposé leur demande, dont une sur trois a déjà été rejetée. Seuls 25.6% des demandeurs d’asile disposent d’un logement en Centre d’Accueil pour Demandeurs d’Asile, alors que les statistiques montrent que ceux qui y sont hébergés obtiennent plus souvent le statut de réfugié. 1

80% des roumains ayant consulté dans les Centres d'Accueil, de Soins et d'Orientation l’ont fait à Saint Denis (93) où MDM mène une action mobile auprès des Rroms migrants. 2 Seuil publié par l’Insee sur la base des revenus 2004 6


C. PATHOLOGIES 1.

principaux motifs de consultation

Les patients viennent majoritairement consulter dans les CASO pour des troubles ostéoarticulaires, respiratoires, digestifs, psychologiques et enfin les affections de la peau. Notons la fréquence importante des consultations liées à des problèmes de toux (6 %) et également à l’anxiété et au stress (5 %).

2.

pathologies chroniques

A l’issue de 39% de consultations, le problème de santé diagnostiqué nécessitait une prise en charge à moyen ou long terme (hypertension, diabète, syndrome dépressif, cardiopathies, troubles du rythme, asthme, psychose, épilepsie, …) ainsi, dans près de 4 consultations sur 10 ayant donné lieu à un diagnostic, la durée à prévoir de prise en charge est d’au moins 6 mois. Et pourtant, comme nous l’avons vu, les patients n’ont, le plus souvent, pas de couverture maladie et n’ont de fait pas accès aux soins, alors que leur état de santé le nécessite. 34% des consultations concernant les personnes sans abris nécessitent un suivi dans le temps, ce qui apparaît difficile compte tenu de leur situation. Dans près de 15 % des consultations où un diagnostic a été posé, une de ces pathologies chroniques potentiellement graves en l’absence de prise en charge a été diagnostiquée : hypertension artérielle, diabète, asthme, hépatites virales, infection à VIH/Sida et syndrome de stress post-traumatique3. Ces affections présentent un potentiel de gravité important, nécessitent un accès aux soins et un suivi régulier et peuvent entraîner le cas échéant des demandes de régularisation pour raisons médicales.

3.

VIH et hépatites

Seuls 17% des consultants connaissent leur statut sérologique concernant les hépatites B et C et moins de 20% pour le VIH. Citons les résultats spécifiquement recueillis par notre Caso de Paris : 3.3 % des patients orientés vers un dépistage sont VIH+. De même, parmi les personnes orientées vers un dépistage des hépatites, 4.7 % sont VHC+ et 7.7 % sont VHB+. La prévalence du VIH est 7 fois plus importante que dans les CDAG ; celle de l’hépatite B est 12 fois plus importante que la moyenne nationale, celle de l’hépatite C l’est 5 fois et demie plus.

3

Nous avons choisi les pathologies documentées par le COMEDE (Comité médical pour les exilés), www.comede.org, afin de pouvoir comparer nos données 7


4.

vaccins

Seuls 30% des patients sont, de façon sûre ou très probable, à jour des principales vaccinations. Chez les moins de 15 ans, seuls 40% des enfants ont eu le vaccin Rougeole, Oreillons, Rubéole (ROR) et coqueluche.

5.

santé mentale

Dans près de 14% des consultations, les médecins ont constaté un (ou des) trouble(s) psychologique(s). Il s’agit le plus souvent d’anxiété ou de stress (44 %), mais aussi assez souvent de syndromes dépressifs (21 %), alors que les psychoses représentent environ 8 % des troubles psychologiques. Paris, «Comme une bombe dans son cerveau, comme un film qui se débobine » N., 33 ans, est originaire d’un état africain soumis aux exactions croisées de l’armée et des milices rebelles. Il nous arrive dans un état de détresse émotionnelle extrême qu’exprimaient son visage angoissé, un tremblement et des manifestations comportementales hyper expressives. En 2003, en voulant protéger un camarade soumis à des violences de la part de militaires, il est interpellé et emmené dans un camp militaire. Il est alors soumis à des séances répétées de coups avec menaces de mort, d’humiliations sadiques, des violences sexuelles Libéré dans l’attente d’une convocation judiciaire, il s’enfuit et rejoint la France – ce que ses frères lui reprocheront dans la seule lettre reçue d’eux. N. présente un syndrome psycho traumatique très accentué, caractérisé par des crises de larmes et l’envahissement brutal de reviviscences traumatiques très pénibles sous forme, de « flashes », d’un « déstockage », comme « une bombe dans son cerveau », « un film qui se débobine ». Ce vécu s’accompagne d’une perte d’appétit et d’importantes perturbations du sommeil. L’écoute psychothérapeutique et un traitement antidépresseur et anxiolytique permettent une lente amélioration. Son intégration dans un centre d’accueil du Secours Catholique pour des activités culturelles, et spirituelles va l’aider à se reconstruire une image de soi satisfaisante, lui qui se disait « annihilé » par les sévices dégradants subis. En 2004, N. est débouté par l’Ofpra de sa demande d’asile, mais, après sa comparution devant la commission de recours, il obtient en 2005 une autorisation de séjour renouvelable (effectivement renouvelée en 2006) avec une autorisation de travail. Cette reconnaissance, même tardive, des sévices subis contribue à sa réhabilitation. Il s’inscrit aussitôt à un stage de perfectionnement en comptabilité et obtient début 2006 par l’ANPE un emploi intérimaire de service dans un grand hôtel des Champs-Élysées. Il y travaille toujours un an après. Trois ans plus tard, N. ne peut pas être dit guéri, mais son état de santé s’est amélioré et stabilisé, « sorti d’affaire », dit-il.

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6.

santé bucco-dentaire

L’indice CAO (indice de santé bucco-dentaire) des patients de Médecins du Monde examinés s’élève à 10.5, témoignant d’un état bucco-dentaire très dégradé dans cette population. On constate un nombre de dents absentes quatre fois plus élevé chez les consultants de Médecins du Monde que dans la population générale.

7.

retards aux soins

Dans 13 % des consultations, un recours tardif aux soins a été constaté. Dans 11 % des consultations, des soins urgents se sont imposés. Les retards aux soins augmentent lorsque les droits à une couverture maladie ne sont pas ouverts.

Une journée au CASO de Lyon Extraits de témoignages recueillis auprès des médecins du Caso de Lyon montrant la diversité et la complexité des situations rencontrées : - Trois enfants Rroms en bas âge, souffrant d’une infection du nez et de la gorge. Un autre enfant du même squat est somnolent, hypotonique, fébrile, manifestement infecté et déshydraté, des soins d’urgence sont nécessaires, l’enfant sera reçu à l’hôpital. - Un SDF aux pieds complètement macérés, qui ne sait où dormir ce soir. - Un homme obèse et diabétique, hypertendu, qui se plaint de douleurs thoraciques atypiques faisant redouter un problème cardiaque. - Une femme ivoirienne de 40 ans. Opérée à l’âge de 6 ans à l’hôpital d’une tumeur de l’œil, avec enucléation et radiothérapies, elle se présente avec une suppuration chronique de l’orbite, des cicatrices rétractiles, des douleurs cervicales et une masse abdominale… - Encore un homme vivant à la rue, se décidant à venir consulter pour une énorme tumeur du plancher de la bouche. Il avait entendu parler du scorbut… - Une femme africaine débarquant au 9ème mois de grossesse. - Un patient suivi à l’hôpital, mais ne voulant plus y retourner, en manque de neuroleptiques, agressif. - Une réfugiée de Mongolie, porteuse d’une thyroïdite confirmée par une échographie réalisée par une amie radiologue. Le dépistage VIH, vers lequel nous l’orientons, Porte 17 à l’Hôtel Dieu, révèle en plus une hépatite B.

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D. QUELLES SONT LEURS DIFFICULTES D’ACCES AUX SOINS ? 1. Des droits trop rarement ouverts En théorie, près de 80% des personnes que nous rencontrons ont des droits à une couverture maladie : 55% des patients relèvent du dispositif Aide Médicale Etat et 24% de l’assurance maladie (sécurité sociale/CMU). 21% ne peuvent bénéficier d’aucun dispositif : il s’agit de personnes ne pouvant justifier de trois mois de résidence sur le territoire français (11%) ou d’étrangers de passage en France, n’ayant droit à aucune couverture maladie (10%). Depuis 2001 : une augmentation des personnes sans droit Les évolutions amorcées depuis plusieurs années se confirment en 2006 : une baisse régulière des personnes relevant de l’assurance maladie (de 41% en 2001 à 24% en 2006) une faible augmentation du nombre de patients relevant de l’AME (de 50% en 2001 à 55% en 2006) une forte augmentation du nombre de personnes ne relevant d’aucun dispositif de couverture maladie (de 9% en 2001 à 21% en 2006), essentiellement due au durcissement des critères d’attribution (obligation de prouver une présence ininterrompue de trois mois en France). Ces personnes n’ont alors d’autres recours que de venir consulter dans des centres de soins gratuits. Notre équipe de Nice témoigne : « En novembre 2006, un jeune homme tchétchène vient dans notre centre car il présente des difficultés de mobilité importantes. L’examen montre : - des troubles de la marche - une paralysie - une abolition quasi-complète de la sensibilité - de nombreuses cicatrices post traumatiques Les radiographies quant à elles montrent l’existence de multiples éclats d’obus sous cutanés. Il faudrait l’opérer pour retirer les éclats provoquant les paralysies. Or ce jeune homme ne peut bénéficier d’aucune couverture maladie pendant 3 mois. Une prise en charge par notre kinésithérapeute commence afin de l’aider à se mobiliser. Au bout de trois mois, le jeune homme marche un tout petit mieux et a pu être enfin orienté vers les services hospitaliers pour un traitement plus complet et éventuellement chirurgical… » En réalité, parmi les patients ayant droit à une couverture maladie, 82% n’ont pas de droits ouverts le jour où nous les rencontrons. Rapporté à l’ensemble de la population rencontrée, ce sont 86% de patients qui ne bénéficient pas d’une couverture maladie le jour où nous les rencontrons. Ce constat est encore plus frappant pour les personnes qui relèvent de l’AME : 93 % n’ont pas leurs droits ouverts.

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2. De nombreux obstacles à l’accès et à la continuité des soins

L’obligation de domiciliation

Toutes les personnes qui ne peuvent apporter de justificatif de domicile doivent fournir une domiciliation administrative pour l’ouverture des droits CMU ou AME. Cette obligation constitue la première difficulté d’accès à une couverture maladie. Elle concerne les personnes sans domicile et les logés précaires, qui ont un domicile mais qui ne peuvent fournir aucun justificatif (d’autant plus que les personnes hébergeant des personnes sans-papiers peuvent être poursuivies pour aide au séjour irrégulier). Pour fournir une attestation de domiciliation, ces personnes peuvent se tourner vers les Centres Communaux d’Action Sociale (CCAS), qui assurent, de droit, les domiciliations administratives, mais tous ne le font pas. Les associations agréées se retrouvent saturées par la demande. En 2006, 52% des patients ne pouvaient fournir de justificatif de domicile le jour de leur première consultation à MdM. Parmi eux, 21% disposaient d’une domiciliation réalisée le plus souvent par une association et 79% en étaient dépourvus : ils ne peuvent donc pas déposer une demande de couverture maladie. Cet obstacle est en constante augmentation : en 2000, 41% des patients étaient concernés par une domiciliation, et parmi eux, 45% n’en disposaient pas… Ils sont près de 80% à ne pas en disposer en 2006. L’accès à une couverture maladie ne doit pas être tributaire du domicile.

La peur de se déplacer

Un autre frein à l’accès aux soins réside dans la peur de se rendre dans les lieux de soins, par crainte de se faire arrêter par la police. Ces craintes peuvent être fondées si l’on se réfère à la circulaire du 21 février 20064, adressée aux préfets et procureurs, expliquant dans les moindres détails les modalités d'interpellation des personnes sans titre de séjour5. Il est précisé aux forces de l’ordre : - d’arrêter les sans-papiers sans commettre d’erreurs de procédure, afin que les personnes concernées ne soient pas relâchées par la justice ; - de chercher des lieux favorables à l’arrestation : hôpitaux, centres de soins spécialisés pour toxicomanes, véhicules (donc les bus associatifs, les véhicules des pompiers, les ambulances…), sièges d’associations mais aussi dans les quartiers connus pour abriter des personnes en situation irrégulière, les foyers d’hébergement.

4

Circulaire du 21.02.2006 signée par Messieurs Clément et Sarkozy. Médecins du Monde a lancé en mars 2006 la pétition « Se faire soigner sans se faire arrêter » pour demander le retrait de la circulaire. 5

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Les autres obstacles à l’accès aux soins

- les difficultés financières (37 %) : "restes à charge" ; demandes abusives d’avance de frais ou dépassements d’honoraires ; - la méconnaissance des droits et des structures (23 %) ; - les difficultés administratives (16 %) dues à la complexité des démarches, notamment des demandes, parfois abusives, de justificatifs de plus en plus compliqués à obtenir et que les textes n’exigent pas toujours ; - la barrière linguistique (13 %) ; - des expériences difficiles dans le système d’accès aux droits ou dans le système de soins : certaines pratiques discriminatoires dont sont victimes les étrangers ou des refus de soins de certains professionnels de santé. Si « seuls » 0,6% des patients font état d’un refus de soins, c’est parce que nous les rencontrons avant l’obtention d’une couverture maladie et parce qu’il est difficile d’avoir à dire qu’on a été rejeté par un professionnel de santé. En réalité, les refus de soins sont beaucoup plus importants, en particulier lors de la prise de rendez-vous. Ces refus de soins sont aussi fortement notés (11%) dans l’enquête menée dans 7 délégations de Médecins du Monde en Europe sur l’accès aux soins des personnes en situation irrégulière6. Demandes abusives de justificatifs : la mission de Marseille témoigne : « Bien qu'habitant en France depuis 2003, A., Togolais de 36 ans, ne connait pas ses droits à l'AME et vient consulter notre médecin à plusieurs reprises début 2006. Nos équipes l'informent et l'aident à constituer un dossier de demande d'AME en avril 2006. Le Centre de paiement lui retourne l'intégralité du dossier quelques jours plus tard, lui réclamant un acte de naissance et un autre justificatif de domicile. Pourtant, A. a fourni la photocopie de son passeport. L'acte de naissance demandé est inutile puisqu’il ne sert qu’à la création d'un numéro de sécurité sociale définitif et cela n'est jamais réalisé pour les bénéficiaires de l'AME comme lui. Comme justificatif de domicile, A. a fourni un certificat d'hébergement et une facture de téléphone. Il ne comprend pas qu'on lui demande de nouvelles pièces. Le 12 mai, il est reçu par une de nos assistantes sociales à laquelle il montre son dossier refusé. Celle-ci, ne comprenant pas ce refus, téléphone à la CPAM. La personne traitant les dossiers AME répond que l'acte de naissance est obligatoire dans son centre pour tout dossier de Sécurité Sociale, sans donner de raison particulière. Pour le justificatif de domicile, elle explique qu'une facture téléphonique n'est pas une bonne preuve car n'importe qui peut se faire mettre le téléphone à son nom à une adresse. « Déjà que les certificats d'hébergement sont tous faux ! », ajoute-t-elle. Par chance, A. a tous les justificatifs supplémentaires demandés. L'assistante sociale essaie de démontrer à l'agent administratif la difficulté qu'aurait pu représenter l'ajout de ces documents, leur inutilité, et le risque d'abandon des démarches par la personne ».

6

Enquête européenne sur l’accès aux soins des personnes en situation irrégulière, « Il faut forger le respect et non la peur », Observatoire européen de l’accès aux soins, Médecins du Monde, juin 2007. 12


II. Alerte sur les refus de soins : les suites de notre enquête Les bénéficiaires de la CMU ou de l’AME ont des difficultés à accéder à certains services et professionnels de santé dans les conditions prévues par la loi CMU/AME. C’est un constat que nous faisons malheureusement depuis plusieurs années. Or, les refus de soins des bénéficiaires de la CMU ou de l’AME constituent une discrimination au sens de la loi, de l’éthique médicale et des engagements internationaux.

1. Rappel des résultats de l’enquête Médecins du Monde menée en 2006

de

MdM a mené début 2006 une enquête téléphonique auprès de 725 médecins généralistes dans 10 villes pour mesurer le taux de refus de soins des bénéficiaires de l’AME ou de la CMU7. Ce testing a donné lieu à des résultats éloquents : - Près de 4 médecins sur 10 (37%) refusaient les soins pour un bénéficiaire de l’AME - 10% des médecins enquêtés refusaient les soins aux bénéficiaires de la CMU. - Les médecins du secteur 2 refusaient pratiquement deux fois plus souvent les soins que les médecins du secteur 1, quel que soit le type de couverture maladie.

2. La réaction des pouvoirs publics et des partenaires

La mobilisation de la Halde

La Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité des chances a rendu deux délibérations à ce sujet : - Le 6 novembre 2006 concernant la CMU8 : la Halde avait alors été saisie par le CoMeGAS (Comité des médecins généralistes pour l’accès aux soins) ; - Le 5 mars 2007 concernant l’AME9, la Halde s’étant auto-saisie suite à la publication du rapport 2005 de l’Observatoire de l’accès aux soins de la Mission France, elle a par la suite été saisie par l’Observatoire du Droit à la Santé des Etrangers. La Halde considère que selon le Code de santé publique « Aucune personne ne peut faire l’objet de discriminations dans l’accès à la prévention et aux soins ».

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Rapport 2005 de l’Observatoire de l’accès aux soins de la Mission France ; Rapport d’enquête « Je ne m’occupe pas de ces patients », Testing sur les refus de soins des médecins généralistes pour les bénéficiaires de la CMU ou de l’AME dans 10 villes de France, Médecins du Monde, novembre 2006. 8 HALDE - Délibération n° 2006-233 du 6 novembre 2006 9 HALDE – Délibération n° 2007-40 du 5 mars 2007 13


« Tout refus d’accès à la prévention et aux soins opposé par un professionnel de santé aux bénéficiaires de la CMU / de l’Aide Médicale Etat est en opposition avec les mesures et les objectifs du législateur […] et constitue une discrimination au sens de la loi et des engagements internationaux […]. Cela constitue une violation des principes déontologiques. […] Pour prévenir la réitération de tels faits discriminatoires, le Collège de la haute autorité recommande au Conseil National de l’Ordre des Médecins d’informer les professionnels de santé, notamment du secteur 10 libéral, du caractère [illégal] et discriminatoire du refus d’accès à la prévention et aux soins à l’encontre des bénéficiaires de la CMU/de l’AME et des conséquences de telles pratiques, eu égard aux mesures disciplinaires qui pourraient être prises à leur encontre. Le collège de la haute autorité recommande au ministère de la Santé et des Solidarités de prendre les mesures nécessaires et appropriées pour mettre un terme à ces pratiques discriminatoires et, dans un objectif de sensibilisation des bénéficiaires de la CMU/de l’AME, invite les organismes de sécurité sociale en charge du dispositif, à leur transmettre une information sur leurs droits aux soins, sur le caractère discriminatoire d’un éventuel refus, ainsi que sur les modalités de saisine du Conseil Départemental de l’Ordre des Médecins et de la Halde […]. Le ministre de la Santé s’est également saisi de la question des refus de soins des bénéficiaires de la CMU.

Il a mandaté le directeur du Fonds CMU, M. Chadelat, pour rencontrer l’ensemble des acteurs du dispositif CMU (professionnels de santé, caisses d’assurance maladie, associations...). Celui-ci a fait un certain nombre de propositions dans son rapport remis au ministre le 30 novembre 200611. « Rien n’excuse les refus de soins. Mais nous devons en comprendre les raisons et les prétextes ». Tels sont les propos tenus par le ministre de la santé lors de la réunion du 19 décembre 2006 où étaient réunis les conseils de l’Ordre des médecins, des dentistes, syndicats de médecins, de dentistes, représentants de la CNAM, des mutuelles, des associations… Lors de cette réunion, un comité de suivi des refus de soins des bénéficiaires de la CMU a été créé. Il a par ailleurs été décidé de traiter les refus de soins des bénéficiaires de l’AME dans un autre comité : Comité de suivi de l’AME, qui à ce jour ne s’est réuni qu’une seule fois. Sur les recommandations du même rapport, plusieurs mesures ont été annoncées en décembre 2006, avec des effets attendus en 2007. Les sanctions supplémentaires à l’égard des professionnels de santé refusant les bénéficiaires de la CMU ont d’emblée été écartées.

3. Une seconde enquête sur l’AME : les raisons évoquées par les médecins Compte tenu des résultats préoccupants de notre première enquête et de la mobilisation engagée uniquement autour la CMU, MdM a souhaité affiner la connaissance des motifs de refus de soins pour l’AME. En novembre 2006, des questionnaires anonymes ont donc été adressés à tous les médecins ayant participé à la première enquête par testing afin de : cerner les raisons qui amènent certains d’entres eux à refuser les bénéficiaires de l’AME recueillir leurs propositions d’amélioration de la prise en charge de ces patients.

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Le terme « illégal » a été rajouté dans la délibération concernant l’AME. Rapport pour Monsieur le Ministre de la Santé et des Solidarités, les refus de soins aux bénéficiaires de la CMU, Jean-François Chadelat, Inspecteur Général des Affaires Sociales, 30 novembre 2006, teléchargeable sur le site du ministère de la santé - www.sante.gouv.fr/htm/actu/chadelat_131206/rapport_chadelat_131206.pdf 14 11


Parmi les 725 médecins interrogés, 130 nous ont répondu (taux de retour de 18%). 14,6% n’ont pas répondu sur les motifs de refus de soins car ils disent accepter tous les patients. Les médecins ayant répondu évoquent quatre principaux motifs de refus de soins: des lourdeurs supplémentaires : nécessité de remplir des formulaires spécifiques (pour 56% d’entre eux) ; la barrière linguistique (pour 49,5%) ; des délais de remboursements trop longs (pour 39,5%), et ce, malgré les résultats nationaux annoncés par le ministre d’un délai de 5 jours à 3 semaines maximum. un manque d’information sur le fonctionnement de l’AME pour près de 34% ; Propositions d’amélioration : les médecins pointent deux solutions primordiales : une carte vitale pour les bénéficiaires de l’AME comme pour la CMU (pour 88,5 % des médecins enquêtés) une AME intégrée à la CMU (pour plus de 83%) un raccourcissement du délai de remboursement des prestations (plus de 70%) un manque criant de formation : * 75% des médecins font état d’un manque de formation/information sur les problèmes de santé rencontrés chez les patients en grande précarité, * 58% prônent des actions de formation médicale continue spécifiquement centrées sur le fonctionnement de l’AME, * 53% estiment que cette question devrait être traitée lors de la formation médicale initiale. un système d’interprétariat gratuit (pour 56%) 57% sont favorables à une tarification supplémentaire au titre de l’accompagnement social requis par ces patients. Cette demande est à l’image des tarifications spécifiques mises en place ces dernières années dans le champ de la pédiatrie.

Cette enquête devrait permettre aux pouvoirs publics et aux décideurs de mieux cerner les pistes de progrès pointées par les médecins eux-mêmes et d’y apporter des réponses concrètes. Ceux-ci ont la possibilité de mobiliser 4 stratégies complémentaires : l’information des médecins, la simplification des procédures administratives (un seul système AME-CMU, carte vitale pour AME …), la mise en place d’un système de repérage des praticiens au comportement non éthique, la mise en place de mesures et de sanctions disciplinaires. Une fois ces mesures mises en place, nous pourrons alors considérer que les praticiens qui persisteraient dans des attitudes de refus de soins, le feraient de façon délibérée et de manière non déontologique.

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III. 5 demandes pour un accès aux soins des plus démunis 1. Un seul système de couverture maladie pour les plus pauvres En 1999, la couverture maladie universelle est créée. La CMU apporte alors une amélioration essentielle dans l’accès aux soins des plus démunis. 4 849 464 personnes sont couvertes par la CMU. Pourtant, en 2000, un double système complexe est mis en place : l’AME, réservée aux personnes en situation irrégulière, devient un système parallèle pour moins de 200 000 personnes. Cela entraîne discrimination, suspicion, complexité et surcoût :

Les médecins reconnaissent refuser les bénéficiaires de l’AME à cause des lourdeurs administratives supplémentaires mais aussi par manque d’information sur le fonctionnement du dispositif. 83% des médecins ayant répondu à notre enquête sur les refus AME proposent d’intégrer l’AME à la CMU.

Un double système de gestion pour la couverture maladie des plus pauvres, ce qui entraîne de la complexité et des coûts supplémentaires

Médecins du Monde demande l’intégration de l’Aide Médicale Etat dans la Couverture Maladie Universelle afin d’obtenir un seul système de couverture maladie universelle pour toutes les personnes résidant en France vivant en dessous du seuil de pauvreté. Médecins du Monde milite également pour que l’accès à une couverture maladie ne soit plus tributaire du domicile. Faute d’adresse officielle, une simple adresse postale déclarée doit suffire.

2. Peut-on renvoyer des malades mourir dans leur pays ? Pour la première fois depuis 10 ans, le gouvernement décide le renvoi de malades étrangers dans des pays où ils ne peuvent pas se soigner, ce qui revient à les condamner à un décès quasi certain faute de soins. Les sites intranet du Ministère de l’Intérieur et de celui de la Santé ont publié, en toute discrétion et au mépris de l’esprit de la loi, des outils facilitant l’expulsion de personnes étrangères gravement malades, condamnées dans leur pays d’origine par l’absence de traitement. Ces outils sont des fiches d’information renseignant sur l’offre de soins et de traitements proposée dans les pays d’origine des étrangers malades demandant une régularisation pour raisons médicales. 16


Or, ces « fiches-pays » ne prennent pas en compte la notion essentielle d’accessibilité effective aux soins et aux traitements. Elles ne tiennent pas compte des ressources financières pour obtenir les traitements. Ces éléments constituent pourtant le critère déterminant retenu par la loi de 1998 qui prévoit la régularisation pour raisons médicales d’étrangers gravement malades. Par exemple, en Egypte, la fiche mentionne qu’une tumeur maligne de l’estomac peut être traitée sur tout le territoire avec une offre de soins de qualité « moyenne mais suffisante ». Dans les faits, les traitements (chirurgie, chimiothérapie) sont très onéreux et uniquement disponibles dans les structures privées des grandes villes. Par exemple au Bénin, la fiche produite par le Ministère des Affaires Etrangères pour le Ministère de l’Intérieur stipule que la surveillance des tumeurs malignes de l’estomac existe mais … pas les traitements (pas de chimio). De plus, les médecins inspecteurs de santé publique sont invités à violer le secret médical puisqu’ils doivent désormais détailler au Préfet les traitements à dispenser aux malades étrangers. Les décisions prises par le gouvernement vont donc à l’encontre de l’esprit de la loi de 1997 protégeant les étrangers gravement malades de l’expulsion et de la loi de 1998 prévoyant leur régularisation pour la durée des soins. Médecins du Monde, au sein de L’Observatoire du Droit à la Santé des Etrangers12, demande : Le respect absolu du secret médical, La non expulsion, la régularisation et l’accès aux soins des étrangers gravement malades, Le retrait des instructions telles qu’elles figurent sur les sites intranet des ministères de l’Intérieur et de la Santé. Pour protester contre ces mesures, l'ODSE a également lancé en avril une pétition à l’attention du corps médical, des associations et du grand public13.

3. Généraliser les permanences d’accès aux soins à l'hôpital 1998 : la loi de lutte contre les exclusions crée les PASS (permanences d’accès aux soins de santé), dispositif hospitalier d’accès aux soins gratuits et d’ouverture de droits pour les plus démunis. La loi prévoit d’en créer 500 dans toute la France. Aujourd’hui, on en recense 36914, dont une très grande majorité ne répond pas au cahier des charges : accès au plateau technique hospitalier, délivrance sur place des traitements... Très probablement, moins d’une centaine correspondent à ces critères. Médecins du Monde demande la généralisation du système des PASS sur tout le territoire, permettant l’accès de tous aux soins et aux droits dans les hôpitaux.

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L'ODSE est un collectif d'associations luttant contre les difficultés rencontrées par les étrangers dans les domaines de l'accès aux soins et du droit au séjour pour raison médicale. Organisations membres : ACT UPParis, AFVS, AIDES, ARCAT, CATRED, CIMADE, COMEDE, CRETEIL SOLIDARITE, FASTI, FTCR, GISTI, MRAP, MEDECINS DU MONDE, PASTT, PRIMO LEVI, SIDA INFO SERVICE, SOLIDARITE SIDA 13 Pour signer la pétition : http://www.medecinsdumonde.org/mobilisation/petition 14 Evaluation du GRES médiation santé sur les PASS, rapport de la DHOS octobre 2003 17


4. Lutter contre le saturnisme 3 enfants sur 10 vivant dans des logements en état d’insalubrité sont imprégnés ou intoxiqués par le plomb.85 000 enfants de moins de 6 ans sont potentiellement atteints de saturnisme L’immense majorité des enfants ne sont pas repérés et, lorsqu’ils le sont, la suppression des sources d’intoxication prend généralement des années dans les rares cas où le repérage est suivi de mesures de protection. Il est nécessaire de généraliser le dépistage ciblé et gratuit de l’intoxication au plomb des enfants vivant dans un habitat indigne : aujourd’hui le dépistage est réalisé de façon aléatoire, et dépend de la bonne volonté des acteurs locaux. Médecins du Monde demande le lancement d’une campagne nationale de dépistage et de suivi de la protection des enfants intoxiqués au plomb.

5. La santé mentale On estime à au moins 25% le nombre de personnes vivant dans la rue souffrant de pathologies psychiatrique. Pour répondre aux besoins en santé mentale des personnes sans abri, Médecins du Monde demande que des unités mobiles de psychiatrie soient multipliées et développées.

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ANNEXE Les 21 Centres d’Accueil, de Soins et d’Orientation de Médecins du Monde Ouverts à toute personne en difficulté d’accès aux soins, les Centres d’Accueil, de Soins et d’Orientation (Caso) mobilisent des équipes pluridisciplinaires qui accueillent les patients sans imposer de contraintes de rendez-vous.

Valenciennes

Le Havre

Rouen

St Denis Paris

Nancy Strasbourg

Angers Nantes Besançon

Lyon

Bordeaux

Grenoble Aix en Provence

Toulouse Pau

Nice Montpellier Marseille Ajaccio

Cayenne

Les équipes assurent des consultations médicales, des soins infirmiers, des soins dentaires, favorisent l’accès et/ou la récupération des droits à la couverture maladie, l’accès au dépistage et au traitement des IST, des hépatites et autres maladies infectieuses. En 2006, les 21 Caso ont reçu 24 977 patients différents auprès desquels sont intervenus accueillants, médecins, dentistes, infirmiers, travailleurs sociaux, psychologues, … Les centres ont effectué 33 148 consultations médicales pour 16 948 patients différents et 5 342 consultations dentaires pour 2 254 patients différents. 19


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