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3. Modification des rapports avec l’entourage
posées. Ethnographiquement, ces silences en disent long sur les maux psychologiques sur lesquels elles n’entendent plus mettre des mots. Comme si revenir sur les épisodes de l’avortement leur rappelait des traces et des souvenirs douloureux qu’elles avaient délibérément fait le choix de biffer de leur vie.
Les conséquences de l’avortement sur les femmes ne sont pas que psychologiques. Elles sont aussi relationnelles.
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3. MODIFICATION DES RAPPORTS AVEC L’ENTOURAGE
La pratique de l’avortement est un facteur de bouleversement de la vie des femmes qui en ont connu. Ces bouleversements s’observent soit, dans la relation avec l’auteur de la grossesse, soit dans le couple lorsque la femme est mariée ou vit maritalement.
Dans la majorité des cas, l’on a pu noter la fin de la relation amoureuse avec l’auteur de la grossesse. La grossesse révèle le plus souvent la fragilité des relations marquée par la fuite des responsabilités de l’auteur face à la survenue de la grossesse et par la rupture du lien de confiance quand celui-ci n’est pas associé à la prise de décision d’avorter. Ou encore, elle montre la précarité de la relation en raison des difficultés à rassembler la somme nécessaire pour passer à l’acte même lorsque les deux parties s’accordent sur le non-désir d’enfant ou le report de la parentalité.
Dans les ménages, la pratique de l’avortement donne lieu à des tensions dans le couple. Car, la responsabilité de l’avortement est encore inégalement répartie, même lorsque la décision a été prise d’un commun accord. La responsabilité de la grossesse non désirée qui a conduit à l’avortement est généralement imputée à la femme, soit pour n’avoir maîtrisé sa fécondité, soit parce qu’elle aurait, selon son conjoint ou son compagnon, un agenda caché : piéger l’homme. En cas de dissension ou de moindre dispute au sein du couple, le registre accusateur du conjoint vis-à-vis de la femme sur fond de non-respect de l’interdit moral de l’avortement prend le pas. Il en résulte souvent un affaiblissement du lien affectif.
Aussi, après un avortement, les incertitudes autour des chances pour la femme de procréer sont diversement gérées au sein des couples qui en ont fait l’expérience. L’avenir de la relation étant le plus souvent conditionné par la capacité de procréation de la femme, le désir d’enfant devient un objet de conflit pour des raisons différentes. L’homme le pose comme condition pour continuer la relation tandis que la femme vit cette conditionnalité comme une hantise. L’histoire d’Elo, 22 ans, sans emploi illustre ces cas rencontrés :
«En ce moment quand je faisais ces deux avortements de lui là, on ne vivait pas ensemble parce que je n’avais pas encore eu le bac. (…) Il m’a dit que de laisser, j’ai dit que je ne suis pas prête donc il est allé dire ça à ses frères pour me convaincre de laisser. La deuxième fois, lui il a informé ses frères. Son frère m’a même supplié. S’il te plaît, ne fais pas passer la grossesse. (…) On fait palabre de ça (avortement) souvent. Parce qu’il m’a dit que lui il voulait enfant et moi je n’ai pas gardé et aujourd’hui on cherche enfant. Souvent je lui pose des questions: si demain tu apprends que je suis stérile, tu vas me laisser? Il ne me répond pas ou bien il me dit que lui il a déjà un enfant… Je sais que si aujourd’hui, je fais un test et puis on me dit que je suis enceinte là, j’aurai une grande joie contrairement aux autres années.»
Aussi, la découverte de la grossesse et/ou la fuite de l’information sur l’avortement pratiqué ont pu provoquer chez certaines femmes l’effritement des liens avec certains membres de leurs familles. Ceux-ci se sentent, de fait, trahis de n’avoir pas été informés et de n’avoir pas été associés à la gestion de ces risques (grossesse et avortement) dont les conséquences auraient pu rejaillir sur