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2.2. Avortement comme déconstruction de l’identité féminine

ne pas avoir. Et puis peut-être que, cette grossesse-là, c’est ce seul enfant que Dieu a voulu te donner, et puis tu as enlevé. Ce n’est vraiment pas un truc à conseiller.»

Aussi, la gestion des complications après un avortement conduit-elle les femmes qui en ont fait l’expérience, comme Mazo, 22 ans, élève, à penser souvent à la mort :

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«Ça été compliqué quoi, j’ai eu plus peur, mais, j’avais peur des médicaments indigénat, mais j’ai eu peur du comprimé qu’ils m’ont donné là parce que ça m’a beaucoup fatigué… Parce que je saignais beaucoup, je n’avais plus de force… J’ai failli mourir… J’ai peur que ça me rende stérile en tout cas.»

Également pour Géné, 35 ans, couturière, la conscience du risque est apparue après l’avortement :

«… Je me suis dit que grossesse là je vais faire passer, mais quand j’ai dit ça je n’ai pas pensé à la mort c’est quand j’ai fini maintenant que j’ai vu sang là c’est ça j’ai pensé que j’ai fait du mal.»

Quant à Pomme 20 ans, élève, elle affirme que malgré qu’il y ait la conscience du danger, cela n’empêche parfois pas la réalisation de l’acte au moment précis :

«J’avais peur…avant même de le faire, nous tous on sait même que c’est pas bon… Lorsque tu es face de la situation, tu ne penses même pas même. Tu sais que c’est pas bon, mais tu fais quand même.»

2.2. AVORTEMENT COMME DÉCONSTRUCTION DE L’IDENTITÉ FÉMININE

L’expérience de l’avortement affecte également la part subjective de l’identité féminine. Après l’expérience d’un avortement, les femmes ont le sentiment d’avoir touché à ce qui fonde leur féminité : la plénitude de leur statut de femme par la procréation. Car la peur des effets secondaires de l’avortement les fait douter de leur santé reproductive et les inscrivent dans une démarche de reconstruction de soi selon des modalités variées:

➔ Soit, par le recours à la religion : les récits de trajectoire d’avortement des femmes sont ponctués d’expressions de regret en rapport avec l’acte posé, mais aussi de sentiment d’auto-culpabilisation. Certaines d’entre elles se considèrent désormais comme des «assassins»’ comme l’exprime Victoire, 21 ans, élève :

«Souvent ça m’arrive à penser… Bon! Souvent je pleure même… Parce que je me dis que, même… Mais moi aussi je suis devenue assassin, j’ai tué un être humain.»

Ces femmes essaient donc de soulager cette auto-culpabilisation par la repentance et la dévotion, observent des périodes de jeûnes, se confessent auprès des guides religieux et, pour les chrétiennes, demandent des messes en tout anonymat ou changeant d’identité, comme pour implorer le pardon divin. Les propos de Solange, 25 ans, élève illustrent fort bien cet état d’esprit post-avortement :

«Chaque jour même, je regrette, je prie, je demande pardon à Dieu… Je suis partie me confesser à l’église là-bas».

➔ Soit, par l’oubli, ou le déni de l’acte posé: Pour éviter de culpabiliser par rapport à l’avortement qu’elles estiment «justifié», certaines femmes tentent de gérer le post-avortement par le déni et l’oubli. Elles se refusent à y repenser par souci de se déculpabiliser et/ou se libérer. Pour cette catégorie de femmes, l’évocation de l’avortement au cours des entretiens fut des moments d’intenses douleurs psychologiques. Au cours des entretiens, elles manifestaient leur choix de vivre dans le déni par les longs silences ou encore de courtes phrases faites de nondits en réponse aux questions qui leur étaient

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