Médecins du Monde auprès des femmes victimes de violence

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Une urgence politique et un défi de santé publique Qu’elles soient physiques, sexuelles, psychologiques ou institutionnelles, les violences faites aux femmes constituent une violation des droits humains fondamentaux. Dans le monde, au moins 1 femme sur 3 a été battue, contrainte d’avoir des rapports sexuels, ou a subi d’autres formes de sévices au cours de sa vie. La violence est la principale cause de décès ou d’incapacité pour les femmes âgées de 15 à 44 ans.

Des violences partout dans le monde Les violences faites aux femmes sont endémiques et touchent autant les pays en développement que les pays développées, dans chaque région, chaque société, chaque culture. Elle peut être perpétrée à l’intérieur de la famille, au sein du groupe social, de la communauté, ou encore commise au cours d’un conflit armé. Le viol devient alors une véritable arme de guerre. Selon la Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes de l’Assemblée générale des Nations Unies, cinq types de violences sont définis comme tels : ƒ les violences physiques ƒ les violences sexuelles (viol, harcèlement, exploitation sexuelle…) ƒ les violences morales et psychologiques ƒ les violences économiques et sociales (accès aux soins, à l’éducation, aux revenus…) ƒles pratiques traditionnelles préjudiciables (mutilation génitale, mariage forcé, avortement sélectif…)

Des victimes silencieuses La violence peut aussi entraîner la mort, par homicide, blessure grave ou suicide. En outre, l’opprobre entoure souvent les victimes, notamment lorsque les violences sont à caractère sexuel. Ces femmes sont alors souvent exclues par leur communauté et parfois même par leur propre famille. Face à ce risque, nombreuses sont celles qui gardent le silence sur les sévices qu’elles subissent.

Une mobilisation internationale Longtemps niées, ou acceptées comme telle, les violences faites aux femmes font depuis peu l’objet d’une grande mobilisation, notamment de la part de la société civile et des organisations internationales. Cette mobilisation se base sur la conviction que les comportements violents et leurs conséquences peuvent être évités. C’est parce que ces violences sont un problème majeur de santé publique que Médecins du Monde, soutenu par la MAAIONG1, contribue à la lutte contre les violences faites aux femmes dans 10 pays. Audelà du soin, la vocation de l’association est de témoigner des injustices dont elles sont les victimes : en France, où les personnes se prostituant sont confrontées à la violence physique et sexuelle ; en Moldavie où MdM intervient pour prévenir la traite des femmes ; en Algérie, où nos équipes soutiennent et forment les écoutantes d’une ligne téléphonique anonyme et gratuite à destination des femmes et des enfants ayant subi des violences domestiques… ou encore en RDC, où MdM mène auprès des acteurs nationaux un programme de renforcement des compétences dans la prise en charge de la santé mentale et des violences sexuelles.

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MAAIONG, Mission d’Appui à l’Action Internationale des ONG du Ministère des Affaires Etrangères et Européennes

© Médecins du Monde

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Une prise en charge pluridisciplinaire Soigner reste le premier mandat de Médecins du Monde. Pourtant dans un contexte aussi sensible que celui des violences faites aux femmes, la prise en charge médicale est indispensable mais pas suffisante. Les victimes doivent en effet bénéficier d’une prise en charge globale qui inclut également l’accueil, le suivi psychologique, le suivi juridique et la réinsertion. Médecins du Monde travaille ainsi de concert avec des associations locales pour assurer une prise en charge pluridisciplinaire et offrir à une femme victime de violence la possibilité d’une reconstruction entière et pérenne.

Nicaragua – © Stéphane Lehr

Former et sensibiliser Dans le cadre particulier de lutte contre les violences faites aux femmes, MdM travaille en partenariat avec des institutions ou des ONG locales. Au-delà de la prise en charge médicale, MdM intervient aussi via des actions de prévention et de sensibilisation auprès des communautés, la formation des acteurs locaux mais également par des activités de plaidoyer auprès des gouvernements. Grâce à ses différentes actions MdM cherche à redonner aux populations une autonomie et la capacité de lutter contre les violences faites aux femmes.

© Médecins du Monde

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LES MISSIONS DE MEDECINS DU MONDE AUPRES DES FEMMES

En Haïti, la prévalence des actes de violences est très élevée. Les femmes des quartiers pauvres sont les premières victimes des nombreuses violences sexuelles, normalisées dans une société patriarcale. Les condamnations sont exceptionnelles et les autorités, comme l’entourage des victimes, ne cherchent pas à identifier et à poursuivre les agresseurs. Cependant, grâce à la forte mobilisation des associations et du Ministère de la Condition Féminine et du Droit des Femmes, une prise de conscience collective émerge peu à peu. Un plan national de lutte contre la violence faite aux femmes a récemment vu le jour. La notion d’agression sexuelle a enfin été incluse dans le code pénal haïtien ; le viol est désormais qualifié de crime contre la personne. Médecins du Monde travaille à Port au Prince dans 7 structures de santé en partenariat avec plusieurs associations haïtiennes. MdM prend en charge l’aspect médical et psychologique, et les associations partenaires s’occupent d’accompagner les victimes dans leur réinsertion mais aussi de faire valoir leurs droits. Haïti – © Frédéric Ancelin

© Médecins du Monde

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Au Nicaragua, à Puerto Cabezas, 74,2% des femmes sont victimes de violences domestiques et sexuelles. MdM assure la prise en charge médicale de ces victimes et sensibilise les populations. Parallèlement, l’association a développé, en partenariat avec des acteurs nationaux, un réseau permettant d’assurer le suivi judiciaire et social des femmes victimes de violences. Le réseau s’est doté du Caimca, un centre de prise en charge intégrale de la femme caribéenne. Cette prise en charge globale contribue à rétablir les structures de santé dans leur rôle d’institution de contrôle social, dont la présence est nécessaire pour limiter le développement de la violence La construction de ce réseau permet également de relayer le message, via les médias traditionnels, des actions de lobbying, le recrutement et la formation de bénévoles (femmes relais, juges, etc.).

Je veux étudier pour être indépendante plus tard.”

Nicaragua - © Stéphane Lehr

© Médecins du Monde

« Mon père abusait de moi quand ma mère travaillait sur les marchés. Je n’osais rien dire car il disait que tous les pères faisaient ça et qu’il me tuerait si je parlais. J’avais peur car il battait ma mère et lui volait tout l’argent pour boire et se droguer. Quand ma grand-mère s’est aperçue de ma grossesse, j’ai d’abord nié mais elle m’a forcée à avouer et m’a amenée à la police pour porter plainte. Ils m’ont dit de me rendre au centre d’accueil. Là-bas, j’ai compris que je n’étais pas seule et que j’avais des droits. Puis, c’était bien, car je pouvais regarder la télé tous les jours ! Depuis, comme mon père s’est enfui au Honduras, j’ai pu quitter l’auberge du centre. Je vis dans le village de ma mère pour m’occuper de mes sept petits frères. J’ai hâte maintenant de retrouver l’école et mes amis à Puerto Cabezas. Ma vie reste là-bas et j’ai tellement de projets pour l’avenir ! »

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RDC – © Jacky Naegelen/Reuters

En République Démocratique du Congo, dans la seule région de Kivu, 5 000 femmes ont été violées entre octobre 2002 et février 2003, soit une moyenne de 40 par jour. Le droit à l’avortement est strictement encadré et ne peut être revendiqué lors d’une grossesse indésirable consécutive à un viol. C’est donc généralement lors des consultations prénatales que sont détectées les violences sexuelles, d’où l’importance de bénéficier d’outils et de moyens pour prendre en charge médicalement ces victimes et les orienter vers d’autres structures pour une aide psychologique et juridique appropriée. Médecins du Monde travaille ainsi à la réhabilitation des « conseillères traditionnelles ». Ces femmes suivent un cycle de formations en alternance sur la relation d’aide, le psychotraumatisme et le microcrédit. Des formations de « formateurs » permettront également, d’ici à la fin du programme, de constituer un pool de formateur.

© Médecins du Monde

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En Algérie, les violences faites aux femmes ont lieu dans plus de 50% des cas au domicile de la victime. Les femmes n’ont pas réellement la possibilité de s’exprimer et quand elles le font, elles restent confrontées au manque de structures adaptées : moins de 10% des victimes ont bénéficiées d’un soutien psychosocial. Face à ces besoins, Médecins du Monde est venu en appui à une ligne téléphonique d’écoute anonyme et gratuite. L’association propose aux équipes des formations à l’écoute, à la prise en charge juridique et à l’orientation. Au-delà, MdM cherche à sensibiliser tous les intervenants pouvant être confrontés à cette problématique : personnels médicosociaux, policiers ou encore magistrats. Des activités de sensibilisation à l’écoute et à l’accueil spécifique de ce type de plaintes, ainsi qu’à l’orientation vers des structures adéquates leurs sont proposées. Ce programme a pour objectif d’impliquer davantage les autorités dans la prise ne charge des femmes victimes de violences et la modification des dispositifs juridiques : les femmes célibataires ou répudiées n’ayant toujours pas un accès prioritaires aux logements sociaux, même accompagnées de leurs enfants.

Algérie – © François Moura

La Moldavie, est identifiée comme l’un des principaux pays d’origine de la traite des êtres humains et en particulier des jeunes femmes issues du milieu rural. Le nombre de victimes non identifiées est très élevé : sur les 100 000 femmes victimes de la traite en Moldavie, seulement 1 760 ont été enregistrées et prises en charge ces cinq dernières années par l’Office International des Migrations. Les victimes présentent pour la quasi-totalité des affections médico-psychologiques et éprouvent de grandes difficultés de réintégration dans la société moldave. MdM intervient à Balti, l’une des régions source de la traite d’être humain. L’association est un acteur majeur dans la coordination du réseau de prise en charge globale (médicale et psychologique, économique et sociale, juridique mais aussi de culture et de loisir). MdM appui ainsi la mise en place d’un Système National de Références permettant de mettre à disposition des acteurs nationaux, des moyens logistiques et humains de prise en charge des victimes. L’association agît directement en partenariat avec un centre de santé destiné aux jeunes, sur la prévention l’identification et la prise en charge des victimes. Le centre offre ainsi des services gratuits, confidentiels et anonymes à tous les jeunes de 13 à 25 ans. La création d’une unité mobile de prise en charge psychologique permet également d’appuyer l’orientation des victimes.

© Médecins du Monde

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Au Pakistan, même si l’ampleur des violences domestiques reste largement méconnue, certaines études estiment qu’entre 70 et 90% des femmes en souffriraient. Chaque année, dans la seule province du Pendjab, où MdM intervient, des centaines de femmes sont brûlées par le feu ou l’acide. Fuyant ces violences ou des mariages forcés, certaines femmes abandonnent foyer et famille pour venir chercher de l’aide dans des refuges, les Dar-Ul-Aman (« maisons de la paix »), créées et gérées par le gouvernement pakistanais. 2 000 femmes passent ainsi chaque année entre une semaine et plusieurs mois dans les différents refuges existant au Pendjab. Depuis octobre 2005, Médecins du Monde intervient dans 5 d’entre eux en partenariat avec le Ministère des affaires sociales et des ONG locales. Le programme prévoit une prise en charge globale des femmes : aide médicale et soutien psychologique, mais aussi une aide juridique, à l’intérieur des Dar-Ul-Aman. Un réseau d’avocats a ainsi permis de réduire les violations des droits de l’Homme perpétrés au sein des refuges. Des activités de formation professionnelle sont également organisées pour permettre aux femmes de retrouver une certaine estime de soi, nécessaire à leur reconstruction et à leur réinsertion sociale. La mission prévoit pour les enfants présents dans le refuge, des soins, un volet éducatif et des activités récréatives. Au-delà, les équipes MdM mettent en place des actions de sensibilisation et de formation du personnel des Dar-Ul-Aman, des autres institutions du Pendjab ainsi que des cadres gouvernementaux. Ce travail d’information et de mobilisation s’effectue en collaboration avec toute la société civile car son implication dans le projet en conditionne sa réussite audelà de la présence de Médecins du Monde.

Pakistan – © Isabelle Eshraghi

© Médecins du Monde

Naima vit dans un village. Avec l’accord de son père, elle va à l’école du village où elle suit 8 ans d’études. A l’issu de son diplôme, son père refuse qu’elle poursuive ses études. Ils décident alors ensemble d’un compromis : elle ira poursuivre son éducation dans un madrassa. Après 4 nouvelles années d’études, à l’âge de 22 ans, son père décide subitement qu’il est temps de la marier. Il lui a trouvé un homme de 35 ans, businessman. Naima voulant continuer ses études, refuse ce mariage mais sous la pression de son père, ils arrivent à un compromis : elle accepte de se marier sans aller vivre avec son mari pour le moment et peut ainsi poursuivre son éducation. [Au Pakistan, le mariage est en 2 étapes : le nikahnama, signature du contrat de mariage et le rouksati, cérémonie à l’issue de laquelle la mariée quitte ses parents pour aller vivre avec son mari. Très souvent, ces 2 étapes se font dans la même journée] Durant quelques mois, le mari se rend régulièrement au domicile de Naima. Il la taquine, lui écrit des lettres à caractère pornographique. Naima n’aime absolument pas son mari, son physique, ses manières…Elle explique donc à son père qu’elle ne veut pas aller vivre avec son mari et qu’elle refuse la poursuite de leur engagement. Un jour, lors d’une de ses visites, son mari la menace et lui assure qu’elle finira par accepter. Continuant à refuser, son père intervient, la frappe et la jette dans une pièce fermée où se trouve son mari. Celui-ci la frappe à son tour et la viole. Sa famille ne réagit pas et trouve cet acte normal étant donné que le contrat de mariage était signé. Ils souhaitent donc accélérer la procédure et organiser le roukhsati. Trois jours avant la date, elle s’enfui et se retrouve au Dar-ulAman. Aujourd’hui, elle reçoit des menaces de sa famille.

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