de ? Sem papéis, sem sa sem saúde ? Sem papé ? Pas de papiers, pas d pas de santé ? Pas de p zt? Keine Papiere - kein - kein Arzt? Keine Papie no G.P? No I.D, no G.P? I.D, no G.P? No I.D, no G. Premier observatoire européen de l’accès aux soins septembre 2007
dad ? ¿ sin papeles, sin s n papeles, sin sanidad ?
« Il faut forger le respect et non la peur » F., patiente de MDM France, Lyon, février 2006
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MdM Grèce
Sommaire
QUI SONT LES MIGRANTS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE EN EUROPE ? 1 Profil des migrants …………………………..…………………………………………….……… 04 1 Problèmes de santé ……………………………………………………………..……………..… 05
INÉGAUX FACE AUX DROITS 1 Quels droits dans les pays européens ? ……………………………………………………..… 07 1 Accès effectif : une toute autre réalité ……………………………………………………..… 08 1 Les obstacles à l’accès aux soins ……………………………………………………………….. 10
LES DEMANDES DE MÉDECINS DU MONDE 1 Pour une non discrimination des migrants …………………………………………….….. 14 1 Peut-on renvoyer des malades mourir dans leur pays ? ….………………………..….... 14
MDM ET LA SANTÉ DES MIGRANTS EN EUROPE 1 En Europe …………………………………………………………………………….………….…. 16 1 Pendant leur traversée …………………………………………………………………….….… 17 .
MDM ET LA SANTÉ DES MIGRANTS EN FRANCE 1 Accueillir et soigner dans des centres de soins fixes ……..………………………...….. 19 1 Aller au-devant des plus vulnérables …………………………………………….…….….... 20 1 Au-delà de l’hexagone ……………………………………………………………….………….. 21 aa* Mayotte * Cayenne 1 Menaces sur la santé des migrants ……………………………………………….…………. 22
ANNEXE 1 Charte pour la santé de toutes les personnes étrangères résidentes en Europe …. 23
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Contact Presse : Florence Priolet / Annabelle Quénet Tél. : 01 44 92 14 31 / 14 32 – 06 09 17 35 59 infomdm@medecinsdumonde.net www.medecinsdumonde.org
MdM France / Calais
03 11
Synthèse La conférence « Health and Migrations in the EU » se tiendra à Lisbonne les 27 et 28 septembre 2007 sous l’égide de la présidence portugaise. Elle réunira les ministres de la santé de l’Union Européenne. À cette occasion, un recueil de 25 « bonnes pratiques » autour du thème Migration et Santé sera remis aux Ministres. Parmi celles-ci, figurera l’enquête européenne réalisée par Médecins du Monde sur l’accès aux soins des personnes en situation irrégulière. En 2005, le réseau de MdM en Europe a créé un Observatoire Européen de l’Accès aux Soins afin d’apporter un regard objectif sur l’accès aux soins des personnes vivant dans la précarité dans les différents pays de l’UE. L’objectif est de repérer les dispositions les plus favorables à une vraie politique de santé publique pour ensuite les appliquer à l’ensemble des pays, faisant ainsi progresser l’Union toute entière. Pour sa première édition, le réseau a choisi de porter son attention sur les personnes les plus vulnérables, auprès desquelles les 12 Médecins du Monde en Europe travaillent : les migrants, et en particulier les personnes en situation irrégulière, car ils sont parmi les plus pauvres, les plus exclus, les plus discriminés. Quel est leur accès aux soins comparé dans plusieurs pays de l’UE, sur le plan des droits mais aussi dans la pratique ? Les données présentées ici sont inédites, puisqu’il n’existe ni enquêtes nationales ni, à plus fortes raisons, internationales prenant en compte ces personnes. Le premier rapport concerne essentiellement 7 pays : Belgique, Espagne, Grèce, France, Italie, Portugal et Royaume-Uni. MdM Pays Bas y a par ailleurs contribué en recueillant des témoignages. 1 Les conditions de vie des personnes interrogées sont difficiles : 40 %
des personnes ont un logement précaire et 11 % vivent à la rue. Toutes sont sans ressources. 1 Sur l’ensemble de la population interrogée, deux personnes sur dix
perçoivent leur état de santé comme mauvais ou très mauvais. Seul un tiers des personnes souffrant d’un problème de santé chronique bénéficie d’un traitement en cours. Près de la moitié des personnes ayant déclaré au moins un problème de santé a souffert d’un retard au recours aux soins. Lors du dernier problème de santé rencontré, une personne sur dix a essuyé un refus de prise en charge par des professionnels de santé. 1 78 % des personnes interrogées peuvent théoriquement, au vu de la législation, bénéficier d’une couverture santé. Cependant, les situations sont extrêmement différentes selon les pays, que ce soit en termes d’accès à la couverture santé ou du niveau de prise en charge. Par exemple, en Espagne, à condition d’être inscrites sur les registres municipaux, les personnes ont le même accès aux soins que les résidents. À l’inverse, la Grèce ne prévoit la prise en charge que de quelques soins d’urgence.
concrètement d’une couverture santé. En France, seules 7 % des personnes sont parvenues à faire valoir leurs droits. En Belgique, de la même façon, seules 14 % bénéficient concrètement d’une couverture santé. 1 D’une manière générale, les personnes ne sont pas informées de leurs droits : un tiers des personnes ne sont pas informées de leur droit à bénéficier d’une couverture santé. 1 Dans le domaine du VIH, la majorité des personnes ignore qu’elles
peuvent bénéficier gratuitement d’un dépistage du VIH et près des deux tiers ignorent que les traitements sont accessibles à tous. 1 Un autre exemple de déficit d’information : la vaccination des enfants. Sur l’ensemble de la population concernée par ce sujet, une petite majorité seulement sait que leur enfant peut bénéficier gratuitement de la vaccination et/ou dans quel lieu il est possible de s’adresser pour cela.
Ce rapport démontre ainsi qu’une partie de la population, vivant dans l’Union européenne, n’a accès ni à la prévention la plus élémentaire, ni aux soins essentiels alors même qu’il s’agit de personnes vivant dans des conditions particulièrement néfastes à la santé. Le réseau de MdM en Europe, s’appuyant sur son expérience de terrain et sur des chiffres fiables, demande un égal accès aux soins de toutes les personnes résidant sur le territoire européen, quel que soit leur statut administratif. Par ailleurs, s’appuyant sur son expérience internationale et le constat de la carence de soins de santé dans les pays d’ou viennent les migrants résidents en Europe, le réseau MdM demande : la non expulsion, la régularisation et l’accès aux soins des étrangers gravement malades qui ne peuvent avoir un accès effectif aux soins dans leur pays d’origine. Notre expérience dans les pays européens où, tant la régularisation pour raison médicale que l’accès aux soins sont une réalité, montre que les malades ne viennent pas en Europe pour se faire soigner : ils ne peuvent pas, malades, affronter la migration. L’accès aux soins et à la santé est un préalable incontournable pour répondre aux valeurs de l’Union européenne. Oublier d’intégrer les populations les plus pauvres dans le processus d’amélioration des systèmes de santé serait une faute fondamentale en termes de santé publique, financier et humain.
Synthèse
1 Mais dans les faits, seules 24 % des personnes rencontrées bénéficient
La situation des migrants vivant en Europe en situation irrégulière est mal connue .Les enquêtes sanitaires nationales ne les prennent pas en compte, à plus forte raison il n’existe pas d’enquête européenne sur la question. Les résultats présentés ici permettent de dégager certaines tendances fortes et certaines différences par pays qui, malgré la prudence nécessaire à leur interprétation, illustrent et renseignent l’étendue des difficultés d’accès aux soins rencontrées par cette population. Ces résultats doivent être lus comme un témoignage des situations observées dans les différents centres de cet Observatoire européen. Au total, 835 personnes, étrangères en situation irrégulière, ont été interrogées dans 7 pays : la Belgique, l’Espagne, la France, la Grèce, l’Italie, le Portugal et le Royaume-Uni.
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05 Extraits de propos recueillis, par MdM Espagne, auprès d’une femme de 50 ans de nationalité uruguayenne
Problèmes de santé
1. Le mythe du « tourisme médical » en Europe
Nous savons que les personnes ne viennent pas en Europe pour se soigner. Beaucoup se découvrent malades à leur arrivée ou tombent malades pendant leur parcours migratoire. Les problèmes de santé sont une barrière évidente pour les candidats à l’immigration. Le chemin pour gagner l’Europe est long et dangereux : il nécessite une bonne santé pour pouvoir le supporter.
L’origine des migrants est très diverse puisqu’on compte 85 nationalités différentes sur les 835 personnes interrogées. Près d’un tiers vient d’Afrique subsaharienne (dont Cameroun, Nigeria, Sénégal et RDC) et près d’un quart, d’Amérique Latine (dont Equateur, Bolivie, Colombie). 22 % sont originaires de pays européens hors Union européenne et 13,5 % viennent du Maghreb. La plupart des personnes originaires du Moyen-Orient viennent d’Afghanistan ou d’Irak. La population rencontrée est majoritairement composée d’hommes (53 %). Les hommes viennent plus souvent d’Afrique subsaharienne et du Maghreb, tandis que les femmes sont principalement originaires d’Amérique latine. Près de la moitié des personnes interrogées ont des enfants, mais près des trois quarts des parents ne vivent pas avec tous leurs enfants.
Nous savons que les personnes ne viennent pas en Europe pour se soigner.
Une étude, réalisée en 2006 au Pays Basque espagnol par Médecins du Monde et l'université du Pays Basque sur la population immigrée y résidant, montre que le taux d'usage des services sanitaires par la population étrangère se situe au-dessous de la moyenne de la population espagnole. Cette étude, réalisée auprès de 700 personnes, montre que la population immigrée n'a pas fréquemment recours aux services de santé et qu'elle les utilise uniquement pour des motifs curatifs. Par ailleurs, les données recueillies par le Comede (association française travaillant à la promotion de la santé des migrants) démontrent que seuls 6 % des patients atteints d’hépatite B ou C connaissaient déjà leur statut sérologique dans leur pays d’origine. Pour le VIH, 95 % des migrants sont dépistés positifs en France, qu’ils aient été contaminés dans leur pays d’origine, durant la migration ou en France. En 2003, l’institut français de veille sanitaire indiquait que 66 % des migrants d’Afrique subsaharienne découvraient leur séropositivité au stade sida, entraînant une prise en charge trop tardive.
1. Durée de séjour Le temps passé dans le pays varie d’un mois à 24 ans, la moyenne étant de 2 ans. La moitié est là depuis un peu plus d’un an. C’est en France qu’on observe la plus forte proportion de personnes présentes depuis plus de 10 ans (4 %), puis en Italie (3 %). Près d’un quart a reçu un ordre de quitter le territoire.
Moins de la moitié des personnes rencontrées dispose d’un logement fixe. 11,5 % dorment dans la rue et 40 % sont dans un logement précaire (hébergées chez des connaissances, en squat, dans une caravane, en hébergement d’urgence, etc.)
« Les conditions politiques de l’Uruguay en 2004 empêchaient les gens de s’en sortir. Je suis diplômée et dotée d’une solide expérience professionnelle, c’est pourquoi j’ai pensé, pour le bien de mes enfants et du mien, qu’en Espagne m’attendait un meilleur avenir. Je savais que cela ne serait pas facile à 49 ans. J’ai décidé de venir seule au début et de laisser mes enfants à leur père avec l’idée de les ramener définitivement auprès de moi quand ma situation serait devenue stable. J’ai pris un avion et je suis arrivée à Tenerife le 25 janvier 2004 avec 50 euros. On m’a donné un emploi d’aide de cuisine bien que je ne possède aucune expérience dans ce domaine. Ici, je n’ai trouvé que des emplois aux conditions déplorables. On m’a même proposé d’exercer la prostitution. »
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Profil des migrants
2. Logement
C’est en France (34 %), en Grèce et en Belgique (près de 40 %) que les enquêtés sont les moins nombreux à exercer une activité professionnelle. À l’inverse, près de 60 % travaillent en Italie et en Espagne : dans ces deux pays, le travail non déclaré et le secteur informel sont généralement plus développés. Cela n’est pas sans incidence sur les revenus puisque dans les pays où cette question a été soulevée (France, Grèce et Italie), la quasi-totalité des personnes vit sous le seuil de pauvreté.
Moins de la moitié des personnes rencontrées dispose d’un logement fixe.
Cela est corroboré par le faible nombre de demandes de régularisations pour raisons médicales. En France, la loi existe depuis 1998 et n’a pas pour autant entraîné un afflux de malades venant en France pour se faire soigner. Ainsi, en 2005, seuls 75 nouveaux titres ont été délivrés par rapport à ceux alloués en 2004. La totalité des titres accordés ne représente que 2 % de l’ensemble des nouveaux titres de séjour.
6% des patients atteints d’hépatite B ou C connaissaient déjà leur statut sérologique dans leur pays d’origine.
Qui sont les migrants en situation irrégulière en Europe ?
Qui sont les migrants en situation irrégulière en Europe ?
3. Emploi et revenus
Deux personnes sur 10 perçoivent leur état de santé comme mauvais ou très mauvais.
PROJECT : LONDON, MÉDECINS DU MONDE UK Depuis 2006, Médecins du Monde UK mène à Londres un programme d'accès aux soins en faveur des plus vulnérables et plus particulièrement des migrants. Le rapport 2006 démontre que les situations rencontrées dans le centre de soins de MdM sont bien loin du mythe du tourisme médical. La moyenne des patients vit en GrandeBretagne depuis près de 3 ans et vient consulter pour des pathologies « classiques » ou pour des suivis de grossesses, et non pour des soins spécialisés. C’est ce que confirme une étude du Collège Impérial (section médicale) et du Newham PCT, qui montre que le nombre de migrants consultant pour des soins de santé primaires est minime. Ces deux études s’interrogent sur la pertinence de faire payer les soins aux migrants au lieu de leur faire bénéficier d’actions préventives gratuites.
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au problème de santé qui l’amène, une hépatite C doublée d’une syphilis, j’évoque avec elle le dépistage VIH. Elle connaît, même si elle ne sait pas qu’en France, il est possible d’en bénéficier gratuitement. Là-bas, c’était son cadeau d’anniversaire : “Chaque année, pour mon anniversaire, je m’offrais un dépistage, c’est normal, avec mon mari…” La vie en France ? F. conclut notre rencontre sur ces mots : “Ici, on nous aide, mais il faut nous élargir la route pour que les sans papiers, ils puissent se faire soigner sans peur. Il faut forger le respect et non la peur. On se cache comme si on était des bêtes.” » FRÉQUENCE DE L'IGNORANCE DU DÉPISTAGE GRATUIT DU VIH PAR PAYS :
Grèce Royaume-Uni Portugal Italie
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Belgique
2. Pathologies
Espagne
Deux personnes sur 10 perçoivent leur état de santé comme mauvais ou très mauvais. Les principales pathologies sont digestives, ostéoarticulaires et psychiques, mais aussi, pour les femmes, gynécologiques. On retrouve une fréquence élevée de douleurs abdominales, ostéoarticulaires et gynécologiques, de symptômes anxio-dépressifs, de symptômes infectieux (toux, fièvre) mais aussi des infections graves (VIH, hépatite virale).
France Ensemble
Les problèmes de santé mentale sont fréquents chez les demandeurs d’asile ou déboutés du droit d’asile, liés aux chocs et traumatismes subis dans le pays qu’ils ont fui et parfois aux conditions de voyage jusqu’en Europe. De surcroît, la vie « en situation irrégulière », avec la peur de l’arrestation ou des dénonciations, la vulnérabilité, la perte des réseaux sociaux et les discriminations, fragilise l’état de santé psychologique des personnes.
54%
3. Le cas du VIH
des personnes ignorent qu’elles peuvent bénéficier gratuitement d’un test VIH.
La séroprévalence du VIH pour l’ensemble des personnes interrogées (sans compter la Belgique3) est très élevée : 2,3 %, alors que dans la population générale de l’Union européenne, la prévalence est de l’ordre de 1 %4. Les personnes originaires d’Afrique subsaharienne ont une prévalence particulièrement élevée (14 %) tandis qu’aucun cas n’a été observé, au cours de l’enquête, chez des personnes originaires du Proche et du Moyen Orient. Dans tous les pays étudiés, le test de dépistage du VIH est théoriquement possible et gratuit. Pourtant, 54 % des personnes ignorent qu’elles peuvent bénéficier gratuitement d’un test VIH. « F. a poussé la porte du bureau accompagnée par l’accueillante. Elle a commencé à parler de sa vie là-bas, sa voix s’est tour à tour animée puis éteinte. Animée lorsqu’elle évoque une vie d’artiste comédienne, animée lorsqu’elle parle de ses enfants, d’une vie belle et aisée… Puis éteinte au moment d’évoquer l’excision, le don de sa fille aînée pour la sauver de cette torture, la “disparition” organisée des plus petites et les violences d’un mari volage et refusant le métier de son épouse. “Comédienne ? Prostituée oui !” Aux outrages verbaux viennent s’ajouter les violences physiques : un corps traîné sur des barbelés, et les menaces : “Si tu rentres, je te crève un œil”. F. a résumé sa vie comme on respire, et pour respirer aussi peut-être. Revenant
MdM France témoigne au sujet d’une jeune femme, d’origine sénégalaise 3
Sur l’ensemble des personnes interrogées, on observe une prévalence très élevée : 5,7 %. Mais il faut savoir qu’une partie des personnes interrogées en Belgique l’ont été dans un centre spécialisé sur le VIH, ce qui influence ce résultat. 4
Source EuroHIV, Institut de Veille Sanitaire, 2006
Il est possible d’établir un « palmarès » entre les pays : En Grèce, 84 % des personnes interrogées ignorent la possibilité de se faire dépister. N’ayant quasiment aucun droit aux soins, ils n’imaginent pas pouvoir bénéficier du dépistage gratuit. Au Royaume-Uni et au Portugal, 67 % et 65 % des personnes ignorent le dépistage gratuit. Autre point à souligner : au Royaume-Uni, une personne en situation irrégulière peut avoir accès aux traitements pour les infections opportunistes, mais non aux anti-rétroviraux… C’est la France qui présente le meilleur taux d’information (59 % et même 69 % à Paris), grâce en partie aux campagnes réalisées sur le sujet notamment auprès des migrants.
4. Retards de soins Plus des deux tiers des problèmes de santé déclarés sont chroniques et dans le même temps, seul un tiers d’entre eux fait l’objet d’un traitement en cours. Près de la moitié des personnes ayant déclaré un problème de santé a souffert d’un retard au recours aux soins. Les personnes souffrant de troubles graves ou constitués (dépression, infection par le VIH, diabète, hépatite virale, HTA notamment) n’ont pas moins de retard au recours aux soins que ceux rapportant des troubles plus bénins ou des symptômes non étiquetés (fatigue, fièvre, douleurs articulaires, etc.). Globalement, la gravité des troubles ne s’accompagne donc pas d’un meilleur recours aux soins – ce qui est particulièrement inquiétant du fait des conséquences que peuvent avoir les retards aux soins dans le cas des pathologies graves.
Seul un tiers des problèmes de santé chroniques fait l’objet d’un traitement en cours.
Qui sont les migrants en situation irrégulière en Europe ?
Par ailleurs, l’existence en France de l’Aide Médicale Etat, qui assure un accès aux soins gratuits aux étrangers en situation irrégulière depuis 2000, ne s’est pas traduite par une augmentation de l’arrivée de migrants sans titre de séjour. D’ailleurs nombre de personnes rencontrées par MdM ignorent qu’elles ont la possibilité d’accéder à des soins de santé.
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Quels droits dans les pays européens? Les législations des différents pays européens sur l’accès à une couverture santé pour les étrangers en situation irrégulière sont très diverses : certaines sont très restrictives et n’accordent quasiment aucun droit à cette population (c’est le cas de la Grèce). D’autres pays prévoient au contraire un large accès à la couverture santé pour ces migrants (Italie, Belgique et France dans une moindre mesure). Mais le type de prise en charge inclus dans cette couverture santé diffère d’un pays à l’autre. 1 En Belgique, le système repose sur l’assurance maladie et l’assistance sociale. L’assurance maladie laisse un important reste à charge (25 à 45 %). Les personnes démunies peuvent être prises en charge à 100 % avec la carte d’aide médicale. Les niveaux de remboursement des médicaments diffèrent selon leur classement d’utilité thérapeutique. Le système est complexe : les compétences sont réparties entre l’autorité fédérale, les régions et les communautés. Par conséquent, un grand nombre de personnes restent en dehors du système. Une loi de 1976 reconnaît aux sans-papiers le droit d'obtenir gratuitement des soins médicaux, à condition qu’ils soient sans ressource. Ils peuvent bénéficier de l’Aide Médicale Urgente (AMU) qui prend tout en charge sauf les soins en hôpital psychiatrique, les médicaments pour lesquels aucun remboursement n'est prévu, les lunettes et les prothèses dentaires. Dans les faits, la mise en œuvre de la loi dépend de chaque centre public d’action sociale. 1 En Espagne, la constitution espagnole et la loi relative à la santé de 1986 reconnaissent « le droit à la protection de la santé et à l’assistance pour les soins médicaux à tous les Espagnols et ressortissants étrangers qui ont établi leur résidence sur le territoire national ». Le système public de santé est financé par l’impôt, il est gratuit. Seuls les médicaments ont un reste à charge de 40 % sauf pour les maladies chroniques (10 %). Pour accéder aux soins, il faut avoir la carte de sécurité sociale (liée au travail) ou la carte de santé (pour ceux qui ne peuvent pas cotiser ou qui sont sans-papiers). Pour cette dernière, il faut être enregistré dans le registre civil local. Les étrangers, enregistrés dans le fichier de la commune où ils résident, bénéficient, quel que soit leur statut, des mêmes droits que les Espagnols d’accéder gratuitement aux soins. Dans la pratique, certains gouvernements régionaux appliquent difficilement la loi. Depuis 2003, la loi permet à la police d’accéder aux registres locaux. De nombreux étrangers préfèrent par prudence ne pas s’enregistrer et n’ont donc pas accès aux soins. S’ils ne bénéficient pas de la carte de santé, ils ont uniquement droit aux soins d’urgence (nécessaires suite à une maladie grave ou à un accident), à l’exception des mineurs et des femmes enceintes, qui bénéficient des mêmes droits que les assurés sociaux espagnols. 1 En France, le système d’assurance maladie repose sur le principe « chacun cotise selon ses moyens et reçoit des soins selon ses besoins ». Depuis la création, en 2000, de la Couverture Maladie Universelle (CMU), toute personne résidant légalement et depuis plus de 3 mois sur le territoire a droit à la couverture maladie dite de base (qui couvre environ 65 % des frais). Si ses revenus sont inférieurs à un seuil (587 euros par mois), largement inférieur au seuil de pauvreté en France
09 Inégaux face aux droits
Inégaux face aux droits
(788 euros), elle a droit à la couverture complémentaire (CMU complémentaire) qui couvre tous les frais, en étant exonérée de toute avance de frais. L’Aide Médicale Etat (AME) est réservée aux étrangers résidant en France depuis plus de 3 mois, en situation administrative irrégulière, avec des revenus mensuels inférieurs à 587 euros. Ils sont couverts gratuitement, sans avance de frais, pour tous les soins, hormis les prothèses. Les personnes en situation irrégulière résidant depuis moins de 3 mois en France peuvent bénéficier d’une prise en charge à l’hôpital « des soins urgents dont l’absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l’état de santé de la personne ou d’un enfant à naître » (circulaire du 16 mars 2005). 1 En Grèce, le système national de santé grec n’existe que depuis 1983. Depuis les années 90, on assiste à une décentralisation vers des structures régionales et locales et le nombre de dispensaires publics s’accroît au fil du temps. Mais en même temps, on constate une re-privatisation partielle du système. Pour exemple, neuf dentistes sur dix exercent dans le privé. Trois cents organismes de sécurité sociale proposent plus de 40 couvertures différentes. Un reste à charge de 25 % existe pour les médicaments (sauf pour certaines pathologies chroniques). L’accès aux soins des sans papiers est devenu quasiment impossible depuis une loi de 2001, en dehors des urgences hospitalières, et uniquement pour des urgences vitales, mais aussi les soins périnataux et certaines maladies infectieuses. 1 En Italie, le service national de santé italien est financé par les cotisations de toute la population sur le principe de résidence. L’organisation des soins est régie par les agences sanitaires locales. Des systèmes de dispenses de paiement des soins sont prévus pour les personnes à très bas revenus. Pour les sans papiers, l’accès aux soins gratuits est garanti à l’hôpital pour les soins essentiels (ceux qui se rapportent à des pathologies qui ne présentent pas de danger dans l’immédiat mais qui pourraient être préjudiciables à la vie ou à la santé de l’intéressé à plus long terme) et urgents (ceux qu’il n’est pas possible de différer car tout retard mettrait en danger la vie ou la santé de l’intéressé), la maternité, les vaccinations obligatoires et les maladies infectieuses. 1 Au Portugal, le droit à la protection de la santé au sein d’un service national de santé universel et général est garanti par la Constitution. Les soins sont accessibles à tous dans les dispensaires locaux et dans les hôpitaux de service public. Ce système est financé par l’impôt. Une privatisation du système est observée depuis 1989. Des restes à charge (1 à 3 euros) existent tant pour les consultations médicales que pour les médicaments selon leur classement d’utilité thérapeutique. De même, il existe un reste à charge pour les prises en charge hospitalières en urgence (2 à 9 euros). Mais certaines populations peuvent être exemptées. Pour les étrangers, y compris les sans papiers, il faut attester (avec 2 témoins) de la résidence depuis plus de 90 jours pour obtenir la carte d’usager du service national de santé. Mais ils devront toutefois s’acquitter d’un reste à charge. Des exonérations sont possibles pour les personnes sans ressources. Les migrants sans papiers résidant au Portugal depuis moins de 90 jours doivent payer pour la totalité du traitement sauf en cas de risque pour la santé publique par exemple pour une maladie contagieuse comme la tuberculose, le VIH ou les IST. 1 Aux Pays Bas, avant 2006, un régime d’assurance était ouvert à tout résident légal en dessous d’un certain seuil de revenu couvrant toutes les dépenses courantes (accès aux médecins généralistes, qui pouvaient prescrire une consultation de spécialiste). Au-delà du seuil, il fallait avoir recours aux caisses d’assurance privées. Ce système était complété par une couverture universelle des soins les plus onéreux et de longue durée, contre cotisation. Depuis janvier 2006, les Néerlandais ont l’obligation de cotiser à une assurance qui couvre une grande partie des soins (environ 90 euros par mois). Un système complexe de remboursements pour les plus pauvres est mis en place. L’accès aux soins des sans papiers est problématique depuis 1998, où tout accès aux services publics leur a été retiré. Ils ont seulement le droit de bénéficier des « soins médicaux nécessaires ».
78% des personnes interrogées peuvent en théorie bénéficier d’une couverture santé.
11 1 Ceux où les droits théoriques à une couverture santé des personnes en situation irrégulière concernent la quasi-totalité des individus interrogés mais où, dans la pratique, seule une infime minorité des personnes interrogées en bénéficie. C’est
1 Au Royaume-Uni, le système est fondé sur le double principe d’universalité et d’équité. Le service national de santé est financé par l’impôt à plus de 80 %. L’accès aux médecins généralistes (GP) est gratuit pour tous du moment que la personne arrive à s’inscrire sur leur liste de patients (les sans papiers sont admis à la discrétion du GP). Les GP sont le passage obligé pour tout accès à un spécialiste (uniquement à l’hôpital). Un reste à charge important existe pour toute prescription (9 euros) sauf pour les traitements prescrits à l’hôpital. Certaines personnes peuvent être exemptées. En revanche certains soins sont gratuits pour tous : les soins aux urgences, le planning familial, certaines maladies mentales, les infections sexuellement transmissibles mais pas le VIH, les autres maladies contagieuses, le SRAS… Une médecine privée et payante se développe actuellement. Depuis avril 2004, les sans papiers n’ont plus droit aux soins de seconde ligne (spécialistes, hôpital). Ils peuvent avoir accès au dépistage gratuit du VIH mais pas aux traitements. Théoriquement, il existe un droit permettant la prise en charge des grossesses mais il est mal compris par les migrants et par les soignants. À l’exception notable du VIH, les traitements pour les maladies opportunistes sont, elles, prises en charge gratuitement.
le cas en Belgique où la couverture théorique est très bonne (99 %), mais seules 14 % des personnes y ont accès dans les faits, ou en France où seules 7 % des personnes ont effectivement une couverture santé sur les 90 % qui peuvent en théorie y prétendre. 1 Ceux où les droits théoriques à une couverture santé des personnes en situation irrégulière concernent la quasi-totalité des individus interrogés et où, dans la pratique, 5
pas plus d’une moitié en bénéficie : l’Italie et l’Espagne (ainsi que le Portugal ). 1 Le Royaume-Uni où les personnes en situation irrégulière pourraient avoir accès aux consultations de médecine générale mais où les traitements de seconde ligne et de spécialistes ne sont pas pris en charge. 1 La Grèce, enfin, est le pays où les droits théoriques sont les plus restrictifs et aussi les moins accessibles en pratique (aucun des rares bénéficiaires théoriques interrogés n’y avait accès en pratique). ----------------------------------------------------------------------
Au total, 78 % des personnes interrogées peuvent, en théorie, au vu de la législation de leur pays de résidence, bénéficier d’une couverture santé.
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Accès effectif: une toute autre réalité Avoir théoriquement droit à une couverture santé qui permet un accès aux soins sans reste à charge financière ne signifie pas automatiquement que les personnes le sachent, ni qu’elles aient pu faire valoir ce droit dans la réalité. Ainsi, il est important de distinguer accès théorique à une couverture santé (qui concerne 78 % des personnes) et accès effectif, puisque seules 24 % de toutes les personnes interrogées bénéficient concrètement d’une couverture santé. Tout se joue comme si les États se donnaient une image irréprochable en légiférant sur le droit. Sans pour autant avoir la volonté de le rendre effectif.
Inégaux face aux droits
AINSI, AU TOTAL, ON DISTINGUE PLUSIEURS TYPES DE PAYS
Un fonds spécifique a été créé pour permettre aux sans papiers d’être soignés pour les urgences vitales, maladies infectieuses ou pathologies mentales à risque pour les autres, pour prendre en charge les femmes enceintes et tout soin néonatal. Mais en pratique, tous les professionnels de santé n’utilisent pas ce fonds.
« À première vue, elle ne ressemblait pas du tout à une personne en situation difficile. Tenue correcte, coiffure soignée, on aurait pu la prendre pour une responsable de service. Quand on l’aborde, l’illusion laisse place à la désolation, voire la compassion. “J’ai mal partout, je ne sais plus qui je suis »”. Et le visage se renferme. Elle semblait me dissimuler un objet quand je me suis présenté à elle. Ah, c’est un simple GSM, je n’ai pas saisi tout de suite pourquoi elle était si gênée... Veuve à 37 ans, elle a dû fuir le conflit armé dans le Caucase il y a six ans, laissant famille et emploi. Depuis, elle déambule à travers l’Europe de l’ouest. Rattrapée par des problèmes de santé de toute sorte, S. a posé ses valises aux consultations de MdM. On ne compte plus le nombre de visites médicales et le motif n’est jamais le même. Vivant seule dans un espace négocié par une amie, le seul bien qu’elle possède reste son GSM. Ses vêtements ? Ce sont des prêts de son amie. Pourquoi n’a-t-elle pas demandé l’aide médicale urgente ? “On me demande de communiquer mon domicile alors que je suis sans papier, donc pas droit au logement; et celle qui m’a négocié le bail ne voudrait pas avoir d’ennuis.” Et ce n’est pas tout, lors de son dernier rendez vous chez l’assistante sociale (il y a 2 ans), on l’aurait jugé “pas assez indigente pour bénéficier de l’Aide Médicale Urgente”. Raison invoquée “Vous êtes trop bien habillée, vous avez même les moyens de vous acheter un GSM ! “. Je comprends maintenant… En entendant les jours meilleurs, auxquels elle ne croit plus, S. continue son calvaire en silence et dans l’indifférence générale. Elle a un cancer du col de l’utérus… »
24% bénéficient concrètement d’une couverture santé.
PROPORTION DE PERSONNES AYANT DROIT (EN THÉORIE) À UNE COUVERTURE SANTÉ ET DE PERSONNES AYANT EFFECTIVEMENT ACCÈS À UNE COUVERTURE SANTÉ (EN %)
Italie Belgique
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France Ensemble Espagne
A théoriquement droit à une couverture santé
Grèce
A effectivement accès à une couverture santé
Témoignage recueilli par un médecin de MdM Belgique
Les obstacles à l’accès aux soins Les obstacles les plus fréquents à l’accès et à la continuité des soins, exprimés par les personnes elles-mêmes, concernent principalement la méconnaissance des droits, la méconnaissance des lieux de soins où s’adresser, le coût des traitements, les difficultés administratives, la peur d’une dénonciation et de la discrimination, et les barrières linguistiques et culturelles. « Un soir, vers 22 h 00, j’étais très malade, j’ai eu des saignements internes. J’ai retardé la consultation parce que j’avais très peur d’aller à l’hôpital, je ne savais pas quoi faire, si l’hôpital allait appeler la police. Tout le monde à la maison était effrayé.
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Au Portugal, les effectifs enquêtés sont trop faibles pour pouvoir vraiment estimer la pratique du droit.
Extrait de propos recueillis par MdM Pays Bas, auprès d’une jeune femme de 21 ans
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1 - L’absence d’information Parmi les personnes qui ont en théorie le droit de bénéficier d’une couverture santé, 32 %, au jour de l’enquête, n’étaient pas informées de leur droit à une couverture santé. L’enquête permet de repérer là aussi des différences significatives entre les pays. C’est en Espagne que les personnes interrogées sont le mieux informées de leur droit à bénéficier d’une couverture santé (pratiquement la quasi-totalité des bénéficiaires théoriques). En Italie, environ un tiers des bénéficiaires théoriques ne sait pas qu’il peut bénéficier d’une couverture santé et cette proportion atteint même 40 % en Belgique et 45 % en France. En Belgique et en France, le droit à une couverture santé semble donc particulièrement souvent méconnu. Être informé de ses droits apparaît naturellement comme une condition indispensable, nécessaire et préalable à l’obtention effective de ce droit. Pour cette raison, le déficit très important d’informations observé en Italie, en Belgique et en France notamment, devrait être corrigé. « R. est arrivé au Royaume-Uni via la France en janvier 2000. Il a atterri à Paris puis a pris l'autobus pour Douvres où il a fait une demande d'asile le jour de son arrivée. Comme il avait un contact avec une personne vivant à Londres, il s’y est rendu le jour suivant. Sa demande d’asile a été rejetée en septembre 2002. Il est au Royaume-Uni depuis plus de sept ans maintenant et la situation d’irrégularité dans laquelle il se trouve le rend vraiment nerveux et déprimé. En 2001, un ami l’avait aidé à s’enregistrer auprès d’un médecin généraliste. Comme en septembre 2002, on lui a dit qu’il ne recevrait plus l'appui du gouvernement, il a pensé qu’il n’avait plus le droit de consulter librement un médecin, et qu’il devait payer ses soins. Nous avons informé R. que même si sa demande d’asile a échoué, il est toujours possible qu’il consulte un médecin généraliste. Quand j'ai demandé à R. ce qu'il pensait de l’aide que nous lui proposions, il m'a donné la réponse suivante : “Quoi que le docteur fasse, qu’il s’intéresse à ma douleur me fait vraiment plaisir.” »
DÉFICIT D’INFORMATION : LE CAS DE LA VACCINATION DES ENFANTS, UN PROBLÈME DE SANTÉ PUBLIQUE Le déficit d’information concernant l’accès aux soins gratuits pour les adultes est tout aussi criant en ce qui concerne l’accès à la vaccination infantile. 1 Pour l’ensemble des pays étudiés, une petite majorité seulement (53,5 %) sait que leur enfant peut bénéficier gratuitement de la vaccination et/ou dans quel lieu il est possible de s’adresser pour cela (51,5 %).
Trop chère Ne sait pas où aller
Peur de la dénonciation
32% des personnes interrogées n’étaient pas informées de leur droit à une couverture santé.
Barrière culturelle
OBSTACLES À LA VACCINATION
Barrière linguistique
Même pour aller faire vacciner son enfant, la crainte de se faire arrêter est omniprésente, comme le témoigne les propos recueillis par MdM Pays-Bas, auprès d’une jeune mère de 20 ans, originaire des Philippines : « E. a déclaré son enfant à la municipalité, elle a par conséquent reçu un appel du service de santé publique pour effectuer les vaccinations. Elle a vraiment dû chercher l'endroit où elle devait aller pour faire vacciner son enfant. Elle se souvient avoir été prudente, la crainte de se faire arrêter est omniprésente. Elle nous dit : “Mais heureusement, aujourd’hui, mon enfant est vacciné”.» --------------------------------------------------------------
2. Les refus de soins
Témoignage recueilli par MdM Royaume Uni, au sujet d’un homme de 42 ans, originaire de République Démocratique du Congo, débouté du droit d’asile
Lors de leur dernier problème de santé, plus d’une personne sur dix a essuyé un refus de soins par un professionnel de santé. Or certains de ces problèmes sont des urgences (fractures, brûlures, grossesses ou troubles de la personnalité), des maladies graves (diabète, hépatite) ou infectieuses (pneumonie). En France, une enquête menée par Médecins du Monde début 2006 auprès de 725 médecins généralistes révélait que 37 % des médecins refusent, de façon directe ou déguisée, de recevoir les bénéficiaires de l’Aide Médicale Etat.
Inégaux face aux droits
1 Parmi les obstacles à la vaccination rapportés dans l’enquête, viennent en premier la méconnaissance des lieux où elle est disponible (56 %) ainsi que la peur de la dénonciation (24 %).
Vers midi le lendemain, c’était devenu trop urgent et j’ai dû me rendre à l’hôpital, avec un taxi, mais pas en ambulance, parce que c’était trop cher. Là, le docteur m’a dit que si j’avais attendu 3 minutes de plus, je n’aurais probablement pas survécu. Mais qu’est-ce que je pouvais faire ? À part retarder ! Le docteur m’a expliqué que la prochaine fois, je ne devais pas être effrayée, parce qu’à l’hôpital, ils ne s’occupent pas des problèmes d’enregistrements; ils n’appellent pas la police. Beaucoup de gens l’ignorent, et par conséquent, ils ne savent pas où ils peuvent aller et où ils ne peuvent pas. Durant mon séjour à l’hôpital, j’ai reçu de bons soins. Mais maintenant, je suis coincée avec une grosse facture. J’ai pu m’arranger avec l’hôpital pour les paiements. Aujourd’hui, je vais bien, mais je suis très inquiète du montant de la facture des soins médicaux. »
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Pour une non discrimination des migrants Cette enquête démontre ce que nous redoutions : la possibilité d’accès aux soins des migrants en situation précaire reste très limitée dans plusieurs pays de l’Union européenne. Elle est surtout marquée par une différence de traitement important entre résidents en situation régulière et résidents en situation non régulière. Les résultats de cette première enquête doivent donc servir à améliorer les politiques de santé publique en Europe afin qu'elles abandonnent définitivement les discriminations liées au statut administratif des personnes résidant sur le territoire européen. Dans une perspective de santé publique qui doit nécessairement être déconnectée des politiques d’immigration, MdM demande une égalité dans l’accès aux soins pour les migrants : le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil de l’Union européenne doivent s’accorder sur des normes contraignantes qui obligent chaque pays membre à assurer concrètement l’accès aux soins des personnes vulnérables et en particulier migrantes, quel que soit leur statut. L’accès effectif à la prévention et aux soins appropriés de toutes les personnes résidant sur le territoire, passe en Europe par le bénéfice d’une couverture santé. Celle-ci doit prévoir la gratuité pour les plus vulnérables, ne disposant pas des moyens financiers suffisants pour assumer elles-mêmes leurs frais de santé.
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15 Les demandes de Médecins du Monde
Les demandes de Médecins du Monde
1 Absence ou carence grave de personnel soignant en particulier dans
les zones reculées, mais également dans un grand nombre de villes ; 6
1 Non disponibilité de traitements essentiels (antirétroviraux , insuline,
traitements cardiogéniques, anticancéreux) ou coût inaccessible ; 1 Faible accès aux structures de soins en raison de leur éloignement ou de leur coût ; – La régularisation par l’obtention d’une carte de séjour de la durée nécessaire des soins ou du suivi sur le sol européen . Celle-ci est indispensable à la sérénité nécessaire au suivi de soins, parfois lourds ; – L'accès aux soins sur le territoire européen, durant le temps de traitement de la maladie dont la personne est atteinte. En effet, laisser résider sur le sol européen des personnes gravement malades, sans leur donner un accès aux soins, serait en contradiction avec les droits humains fondamentaux. Ce pourrait être en outre un réel problème de santé publique dans le cas de pathologies contagieuses. Plusieurs pays de l’Union européenne ont déjà mis en place des dispositifs
MdM demande un égal accès aux soins de toutes les personnes résidant en Europe, quel que soit leur statut administratif.
de protection des étrangers malades, pour respecter notamment l’article 3 de la Convention européenne de la sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » . C’est la cas de la France, de la Belgique, de l’Espagne, de l’Allemagne, du Portugal, de la Grèce, de l’Italie, du Royaume-Uni ou encore de la Suède. La proposition de Médecins du Monde, basée sur une longue expertise de terrain dans 11 des pays de l'Union européenne, relève des Droits de l'Homme, mais aussi d'une conception pragmatique de la santé individuelle comme de la santé publique.
Peut-on renvoyer des malades mourir dans leur pays? Il faut que l'Union européenne s’implique davantage dans le renforcement des systèmes de santé des pays d'où sont issus les migrants en situation irrégulière, afin de faire progresser la qualité et l'accessibilité des structures de santé. Cependant, dans l’attente d’un accès aux soins universel, il est de notre devoir commun de ne pas envoyer ces personnes malades vers un décès quasi certain faute de soins nécessaires. C’est pourquoi Médecins du Monde demande la non expulsion, la régularisation et l’accès aux soins des étrangers gravement malades : – La non expulsion des étrangers gravement malades, sauf s’il peut être prouvé qu'ils peuvent avoir un accès effectif aux soins dans le pays d’origine. Dans le rapport 2006 de l'OMS sur la santé dans le monde, il est prouvé que dans de nombreux pays d’origine des migrants, il n’existe pas d’accès aux soins satisfaisant. À cela les raisons sont bien connues :
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Médecins du Monde demande la non expulsion, la régularisation et l’accès aux soins des étrangers gravement malades.
Une circulaire du Ministère français de la Santé du 30 septembre 2005 rappelle que l’accès aux soins VIH est quasiment impossible dans la plupart des pays d’origine et que les avis médicaux concernant les étrangers porteurs d’une infection par le VIH doivent prendre en compte les difficultés avérées dans l’ensemble des pays en développement pour l'accès effectif à la prise en charge médicale globale nécessaire : accès aux traitements VIH, au suivi biologique – notamment surveillance immunologique et virologique -, au suivi clinique…
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MdM et la santé des migrants en Europe En situation régulière ou non, les migrants croisent les équipes de Médecins du Monde tout au long de leur parcours : avant leur traversée vers l’Europe mais aussi dans 12 pays européens.
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En Europe
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Médecins du Monde est présent auprès des migrants en Allemagne, Belgique, Chypre, Espagne, France, Grèce, Italie, Pays Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suède et Suisse.
Pendant leur traversée L’association suit également les migrants en partance vers l’Europe, comme en Mauritanie, au Maroc ou, une fois arrivés en Europe, à Malte.
* Aix-en-Provence, Ajaccio, Angers, Angoulême, Bayonne, Besançon, Bordeaux, Calais, Cayenne (Guyane Française), Grenoble, La Plaine Saint Denis, Le Havre, Lyon, Marseille, Mayotte, Metz, Montpellier, Nancy, Nantes, Nice, Paris, Pau, Poitiers, Rennes, Rouen, Saint Denis de la Réunion, Strasbourg, Toulouse, Valenciennes. (29 villes) ** Alicante, Avilés, Barcelona, Bilbao, Lanzarote, Las Palmas, Madrid, Málaga, Palma de Majorque, Saragosse, Santiago de Compostelle, Séville, Ténérife, Tolède, Valence. (15 villes)
1 En Allemagne : centre d’accueil, de soins et d’orientation à destination des migrants (consultations médicales gratuites et soutien psycho-social, référencement vers des structures spécialisées et activités de prévention). 1 En Belgique : programme d’accès aux soins généralistes dans un Centre d’Action Sociale d’Urgence (CASU) ; programme d’accès aux soins spécialisés et d’information ; programme d’écoute auprès des femmes. 1 À Chypre : action auprès des personnes isolées ; actions médicales en cas d’urgence (arrivées massives de migrants…) 1 En Espagne : centres d’assistance socio-sanitaire (Centros de Atencion Socio Sanitaria a Inmigrantes – CASSIN) ; programmes auprès de personnes se prostituant ; programmes de réductions des risques auprès des usagers de drogues. 1 En France : Centres d’Accueil de Soins et d’Orientation (CASO) ; actions mobiles auprès de personnes à la rue, de Roms migrants, de gens du voyage, de personnes se prostituant, d’enfants victimes de saturnisme ; programmes de réductions des risques auprès des usagers de drogues.
MdM et la santé des migrants en Europe
1 En Grèce : activités dans 2 policliniques (accueil, soins et orientation) ; programme d’action dans des camps de réfugiés ; unités mobiles auprès d’usagers de drogues et personnes se prostituant. 1 En Italie : programme de lien social dans les quartiers ; unités mobiles auprès des personnes à la rue. 1 Aux Pays Bas : action de promotion de la santé auprès des femmes Rroms-Sinti ; création et promotion d’un livret santé afin de faciliter l’accès aux soins des migrants. 1 Au Portugal : unités mobiles auprès de migrants et personnes à la rue, auprès de personnes âgées et auprès des jeunes. 1 Au Royaume-Uni : programme d'accès aux soins pour les migrants, les personnes à la rue… 1 En Suède : clinique mobile, spécialisée VIH. 1 En Suisse : programme d’accès aux soins des personnes migrantes (accueil, écoute et orientation vers un réseau de praticiens et vers les institutions), action mobile auprès des personnes se prostituant.
1. En Mauritanie : abandon et externalisation des frontières L’année 2006 a vu les routes migratoires évoluer et s’allonger, vers toujours plus de dangers pour les migrants. Les candidats à l’immigration ont tenté d’arriver en Europe par la porte des Iles Canaries, qu’ils ont essayé de rejoindre en partant des côtes mauritaniennes, sénégalaises et de Guinée Conakry sur des embarcations de fortune. Ce voyage de plusieurs centaines de kilomètres a coûté la vie à environ 6000 à 7000 personnes en 2006, constituant une véritable catastrophe humanitaire. Les équipes de Médecins du Monde-Espagne sont intervenues en Mauritanie, en particulier à Nouadhibou, un des points de départs des migrants vers les Canaries, pour déployer, en partenariat avec la Croix Rouge et le Croissant Rouge, un dispositif d’urgence afin de porter secours aux victimes de naufrage sur les côtes mauritaniennes. Par ailleurs, toujours en 2006, on a continué d’assister à l’expulsion de migrants subsahariens par les autorités marocaines en plein désert. Ainsi, 53 personnes ont été abandonnées à Kandahar, une bande de 5 kilomètres entre le Sahara occidental et la Mauritanie, un no man’s land miné dans lequel ce groupe est resté une semaine avant que la Mauritanie autorise leur transit sur son territoire et qu’ils soient rapatriés vers le Mali. Déjà en juin 2006, la gendarmerie marocaine y avait renvoyé 5 personnes, qui y sont restées 22 jours, pendant lesquels MdM leur a fourni soins médicaux, nourriture, eau et abri jusqu’à leur rapatriement. Depuis lors, Médecins du Monde n’a eu de cesse d’alerter sur le mépris des droits humains des personnes migrantes, parmi lesquels le droit d’asile. Un autre exemple est celui du bateau-poubelle le « Marine 1 ». Le 12 février dernier, 369 passagers d’origine asiatique et subsaharienne furent récupérés par un navire des autorités espagnoles entre le Sénégal et la Mauritanie et envoyés en Mauritanie où ils étaient depuis lors retenus par la police espagnole et la gendarmerie mauritanienne. Après de multiples accords de rapatriement, 23 personnes continuaient de refuser de retourner dans leur pays par crainte pour leur sécurité. Ce n’est qu’au prix d’une grande campagne menée par Amnesty International, Médecins du Monde-Espagne et un troisième partenaire, le CEAR, que l’Espagne a accepté le 19 juillet dernier sur son sol 13 de ces 23 personnes,
En 2006, le voyage jusqu’en Europe a coûté la vie à environ 6 000 à 7 000 personnes
2. Au Maroc : l’attente interminable des migrants subsahariens Le Maroc constitue l’une des dernières étapes pour les migrants subsahariens qui tentent de rejoindre clandestinement l’Europe dans l’espoir d’une vie meilleure. Principalement en provenance d’Afrique de l’Ouest, du Nigéria et de RDC, ils se greffent aux filières marocaines d’émigration clandestine qui organisent la traversée au niveau du détroit de Gibraltar et des Canaries. Mais depuis les tentatives massives de passage des grillages de Melilla et de Ceuta à l’automne 2005, le Maroc maintient la pression policière autour des zones de passage. Pour les migrants, les risques et le prix de la traversée augmentent.
Médecins du Monde intervient dans les camps destinés aux réfugiés en transit à Malte. Dans le cadre d’un projet pilote, MdM France réalise un diagnostic des principaux problèmes de santé et d’accès aux soins des migrants placés dans deux camps ouverts, le centre d’Hal-Far et de Marsa. À partir de cette étude qui sera diffusée fin 2007, MdM soumettra des recommandations au gouvernement et à la société civile afin de mieux faire respecter le droit à la santé des populations migrantes. Les personnes rencontrées lors des consultations menées par MdM dans les deux camps ouverts, sont majoritairement des hommes (88 %), jeunes (entre 18 et 47 ans, moyenne d’âge 28 ans) et en provenance du Soudan, de Somalie, d’Erythrée et de la Côté d’Ivoire. Vivant dans des conditions de vie et d’hygiène extrêmement précaires, ils développent des pathologies dermatologiques, des gastroentérites et des problèmes respiratoires. « Les camps ouverts sont surchargés et sans aucune intimité. Les migrants vivent dans des tentes ou des chambres, à 15 ou 20 personnes. Ces conditions ont un lien direct avec ces pathologies » explique le coordinateur médical, en mission pour MdM.
Entre 15 000 et 30 000 migrants vivent en transit dans les bidonvilles marocains sans droit, victimes de violences et de discriminations.
Ils se replient alors dans les grandes villes pour se réorganiser. On estime qu’entre 15 000 et 30 000 migrants vivent ainsi en transit dans les bidonvilles marocains sans droit, victimes de violences et de discriminations. 60 % ont entre 18 et 30 ans et environ 10 % sont des mineurs. Pour certains, la durée de transit s’allonge sur des années. Ils s’installent alors dans la pauvreté et la précarité des quartiers périphériques des grandes villes, principalement Rabat qui regroupe 75 % des migrants. L’état de santé physique se détériore : dermatoses, troubles respiratoires dont la tuberculose, troubles digestifs, génitaux et urinaires. Les problèmes de santé mentale sont également très fréquents, liés à la perte de perspectives, aux traumatismes vécus sur le parcours, aux viols et autres séquestrations des autorités étatiques et des communautés de migrants. « Mes mains sont en lambeaux, mon visage tailladé et j'ai eu le tibia brisé. J'ai été tabassé par un Marocain en plein jour et personne n'a bougé. J'ai baigné dans mon sang pendant une heure avant que quelqu'un m'amène à l'hôpital. Médecins du Monde me suit. J'ai quitté le Nigéria en 2001. Au Maroc, le bateau qui devait nous conduire aux Canaries a coulé. 15 personnes sont mortes. J'ai été sauvé. On m’a refoulé et j’ai recommencé. Depuis 2003, je lutte pour survivre à Rabat. Je n'ai pas le droit de travailler. Et il me faut de l'argent pour repartir. Dès que je vais mieux, je retente. Je veux aller en Europe !
Seuls 12 % des migrants souffraient de ces pathologies dans leur pays d’origine. Les migrants souffrent également de pathologies psychosomatiques et psychiatriques dues aux traumatismes passés, au voyage éprouvant ou encore à la séparation familiale.
MdM et la santé des migrants en France
Depuis 2001, J. multiplie les tentatives pour atteindre l'Europe. Il survit à Rabat dans la violence.
En France, Médecins du Monde intervient auprès des migrants depuis 1986. La Mission France est aujourd’hui présente dans 29 villes avec 119 programmes. L’objectif est de favoriser l’accès aux soins et l’ouverture de droits à une couverture santé pour les populations rencontrées.
Je vais laisser ici mon amie et notre fille de 3 ans. » Pour améliorer l’accès aux soins des migrants, MdM a démarré en juillet 2006 une mission en soutenant 2 structures locales : Caritas Maroc et l’Association de lutte contre le sida (ALCS). « Grâce à ce partenariat, un Centre d’accueil pour migrants (CAM) a été créé dans le quartier de Takadoum, à Rabat. Il reçoit environ 150 personnes par jour et touche tous les migrants réfugiés ou non. MdM a renforcé les actions menées par Caritas et l’ALCS, structuré un parcours de soins avec les centres marocains existants qui refusaient de soigner les migrants. Désormais, ils sont reçus comme tout le monde. MdM prend en charge leurs frais de santé » explique le coordinateur de la mission.
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Accueillir et soigner dans des centres de soins fixes Implantés sur l’ensemble du territoire, les 21 centres d’accueil, de soins et d’orientation de MdM accueillent plus de 90 % d’étrangers, la plupart primoarrivants. 77 % sont en situation irrégulière, 20 % demandeurs d’asile, mais la plupart n’ont pas accès à la couverture maladie. « La grande majorité a droit à l’Aide médicale Etat (AME), ou à la CMU. Mais ils ne savent pas s’orienter dans notre système de soins », explique une coordinatrice des Missions France.
19 MdM et la santé des migrants en France
3. À Malte, les migrants développent des pathologies liées à leurs conditions de détention
après plus de 6 mois de rétention à Nouhadibou afin qu’elles puissent y demander l’asile. Nos organisations ont protesté contre le manque d’assistance juridique. De plus, du fait de la présence de policiers espagnols en Mauritanie et de leur participation dans cet épisode, les trois organisations ont critiqué l'absence d'autorité judiciaire espagnole, habilitée à contrôler l'application de la loi sur les migrants. Jusqu’au transfert de ce dernier groupe, MdM a fourni soins et aide psychologique aux 369 personnes du Marine 1, affectées physiquement et psychologiquement par la traversée et leur longue détention.
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En France, Médecins du Monde intervient également sur des zones confrontées à de situations particulières, comme à Mayotte ou à Cayenne.
1. Mayotte, une exception française
la coordinatrice MdM au sein de la Coordination d’accueil des familles demandeuses d’asile (Cafda). Cette structure accompagne à Paris les familles dans la reconnaissance officielle de leur statut, les aide dans la rédaction de leur dossier en français, leur trouve un logement.
Par ailleurs, la diabolisation accentuée des migrants ne facilite pas la tâche des associations. Les Rroms sont parmi les populations les moins intégrées dans le système de soins. « Mais le problème peut être étendu aux Roumains », explique la coordinatrice du Caso Saint-Denis. « Depuis l’entrée de leur pays dans l’UE en janvier 2007, leur ouverture de droit est compliquée : dans certains départements, ils ont la CMU, dans d’autres, l’AME. Et dans le département de Seine Saint Denis, ils n’ont droit à aucune couverture maladie. »
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Aller au-devant des plus vulnérables Plus les migrants sont rejetés, exclus, plus il est difficile de les atteindre. C’est sur ce constat que Médecins du Monde a développé des missions mobiles de proximité.
L’Après Sangatte : des migrants à la dérive Le 5 novembre 2002, le centre d'hébergement d'urgence de la Croix-Rouge à Sangatte était fermé. Une décision qui a laissé pendant longtemps la ville de Calais dépourvue de structures offrant une aide alimentaire, sanitaire ou médicale aux migrants en transit pour la Grande-Bretagne. 5 ans après, la situation est toujours aussi dramatique. Les migrants (Afghans, Irakiens, Kurdes, Soudanais, Éthiopiens notamment) continuent à affluer dans la région. Des centaines d’hommes (jeunes adultes, mineurs), des femmes enceintes, des enfants, survivent dans des abris de fortune ou dans les bois, dans une situation d’extrême précarité et des conditions d'hygiène épouvantables qui ne sont pas sans conséquences sur leur santé. Les migrants le disent eux-mêmes, « nous vivons comme des chiens ». À ces conditions de vie s’ajoute la pression à laquelle ils sont soumis : arrestations continuelles, destruction des lieux d'habitation... D’avril à novembre 2006, Médecins du Monde a organisé à Calais plus de 2 000 consultations médicales pour les migrants. Mais depuis la mise en place d’une permanence d’accès aux soins de santé (PASS) à l’hôpital de Calais, demandée par l’association, MdM a réorienté ses activités vers le littoral, où les migrants tentent leur chance pour rejoindre la Grande-Bretagne. L’association demande que l'État et les collectivités territoriales mettent en place des structures pour les accueillir durant cette période de transit (hébergement, accès à l’eau, nourriture…). Quelles que soient les raisons d'une telle politique, il reste inacceptable que des dizaines de femmes et d'enfants subsistent sans abri.
Au-delà de l’hexagone
5 ans après, la situation est toujours aussi dramatique.
L’Aide Médicale Etat existant en métropole ne s’applique pas pour les personnes en situation irrégulière.
Mayotte : une collectivité départementale d'outre-mer française… où toutes les lois françaises ne s’appliquent pas. En avril 2005, la mise en place de la sécurité sociale a bouleversé le paysage de l’accès aux soins, auparavant gratuits pour tous. Aujourd’hui, les soins sont payants pour les personnes qui ne peuvent obtenir la sécurité sociale à Mayotte. Le dispositif de l’Aide Médicale Etat (AME) existant en métropole ne s’applique pas pour les personnes en situation irrégulière qui représenteraient près de 40 % de la population… certaines vivant sur l’île depuis près de dix ans. Elles doivent aujourd’hui s’acquitter de 10 € / semaine pour une consultation (plus médicaments prescrits) ; 200 € pour une réanimation ou encore 300 € pour un forfait accouchement… pour un SMIC mahorais qui n’atteint toujours pas la moitié du SMIC métropolitain7. Depuis janvier 2007, Médecins du Monde a mis en place un Observatoire de l’accès aux soins et aux droits et anime un réseau de professionnels de santé et du social afin de comprendre les obstacles rencontrés dans l’accès aux soins et de repérer les pathologies mal ou non prises en charge. Parallèlement, l’association propose un dépistage nutritionnel et développe des actions de prévention et de sensibilisation. Sur le terrain, les équipes de MdM constatent que les personnes en situation irrégulière sont confrontées à des retards d’accès aux soins, en particulier chez les mineurs et que beaucoup d’entre eux renoncent aux soins pour des raisons financières (difficultés de paiement des consultations et des frais liés aux traitements). La politique du ministère de l’Intérieur qui préconise plus de 1000 expulsions par mois contribue à précariser un peu plus cette population : difficultés de suivi des pathologies chroniques du fait des reconduites à la frontière régulières, craintes des contrôles inopinés limitant les déplacements et entraînant des retards dans l’accès aux soins.
2. Cayenne Le département français de Guyane se situe dans un contexte régional difficile, cumulant problèmes démographiques, économiques et sanitaires. La population est majoritairement jeune (50 % de moins de 25 ans), pluriethnique et avec une forte proportion d’étrangers (40 %) dont la moitié serait en situation irrégulière. Le contexte socio économique est difficile : plus de 40 % de la population active est au chômage (dont 56 % de jeunes), plus de 15 % vit du RMI et 15 % des femmes n’ont aucune ressource. Dans ce contexte, de nombreuses personnes, et plus particulièrement les migrants, vivent dans une extrême pauvreté, la marginalité et l’exclusion, notamment par rapport au système de santé. Or les problèmes de santé sont très importants : en matière de VIH (plus fort taux de prévalence en France) ou encore d’infections sexuellement transmissibles. La prise en charge et le suivi médical représentent donc un défi, tant pour les patients souffrant de maladies virales et bactériennes ou parasitaires (malaria, dengue, etc.), que pour les femmes enceintes (fort taux de mortalité infantile). Enfin il existe de graves problèmes d’intoxication au mercure liés aux pratiques anciennes et persistantes de l’orpaillage.
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En 2005, le SMIC Mahorais était de 647,27 euros.
MdM et la santé des migrants en France
Les médecins bénévoles les soignent jusqu’à l’obtention de leurs droits ou les orientent vers des dispositifs plus à même de les prendre en charge en fonction de leur situation. En plus d’une évaluation sociale et d’une consultation médicale, plusieurs programmes ont mis en place des entretiens de prévention (sida, hépatites, tuberculose). La rencontre avec MdM sert aussi d’appui psychologique. Il est vital pour ces personnes d’exprimer ce qu’elles ont fuit et ce qu’elles ont subi pendant leur transit jusqu’ici. « La souffrance psychique est énorme. Ils arrivent malades, épuisés. Beaucoup de femmes arrivent à 7-8 mois de grossesse. Tous pensent avoir fait le plus dur », témoigne
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Un des cinq thèmes de cette campagne portait sur les populations boucs émissaires : les usagers de drogue, abordés uniquement comme des délinquants, les personnes se prostituant, criminalisées par la Loi de Sécurité Intérieure, les Roms, contraints de vivre dans des bidonvilles d’où ils sont évacués régulièrement, les demandeurs d’asile, qui doivent faire face à un vrai parcours du combattant pour obtenir demande d’asile et droits sociaux auxquels ils ont droit, ou encore les sans-papiers. Ces derniers concentrent depuis quelques années tous les fantasmes et idées fausses. Les textes visant à limiter l’immigration se multiplient : la régularisation après 10 ans de présence en France est supprimée, les conditions de regroupement familial se voient durcies. La loi française crée les sans-papiers, et les pourchasse chaque jour davantage. Leur santé, déjà souvent précaire en raison de leur pauvreté et de conditions de vie, est menacée par les restrictions de plus en plus importantes à l’obtention de la couverture santé. On assiste depuis peu à des renvois, au mépris de la loi, d’étrangers gravement malades vers des pays où ils ne pourront accéder aux traitements nécessaires, et n’ont donc aucun espoir de survie.
Menaces sur la santé des migrants Médecins du Monde mesure directement les conséquences néfastes de certaines lois. D’où la nécessité de témoigner. Deux exemples : la mobilisation contre la circulaire de février 2006 détaillant les modalités d'interpellation des personnes sans titre de séjour et la campagne menée par Médecins du Monde à l’occasion des élections présidentielles et législatives.
1. Février 2006 : un mode d’emploi détaillé pour interpeller les étrangers en situation irrégulière La circulaire ministérielle du 21 février 20068, adressée aux préfets et procureurs, explique dans les moindres détails les modalités d'interpellation des personnes sans titre de séjour. Elle mentionne les lieux où peuvent être effectuées les interpellations : hôpitaux (salles d'attente, halls d'accueil, blocs opératoires…)9, centres d'accueil pour toxicomanes, véhicules (donc les bus associatifs, les véhicules des pompiers, les ambulances …), sièges d'associations. Les interpellations peuvent également être effectuées dans des quartiers connus pour abriter des personnes en situation irrégulière, des foyers et centres d'hébergement et leurs alentours ou encore les guichets des préfectures après s'être assurés que les termes de la convocation au guichet ne puissent être contestés dans leur légalité (mais cachent à l'étranger l'intention de l'arrêter). C’est là remettre en cause les principes fondateurs de la déontologie médicale à commencer par cette règle tacite mais admise qui protège les patients dans les lieux de soins. L'hôpital et les lieux de soins ont une mission de santé publique et remplissent à ce titre un rôle de protection de l'ensemble de la population. Mais en allant jusqu'à évoquer la possibilité d'interpellation au bloc opératoire, la circulaire indique bien qu'aucun lieu n'est plus protégé. Le droit aux soins est inscrit dans le préambule de la constitution française. C'est un droit fondamental de la personne humaine et ne doit jamais être utilisé à d'autres fins que la préservation de la santé. C’est pourquoi Médecins du Monde lançait en mars 2006 la pétition « Se faire soigner sans se faire arrêter » pour demander le retrait de la circulaire.
2. Élections 2007 : Médecins du Monde part en campagne Comme en 1995 et 2002, MdM décide de porter dans le débat électoral des propositions en faveur d'un meilleur accès aux soins pour les plus démunis. Forte de ses 20 ans d’actions en France, l’association sillonne en bus la France pendant près de 3 mois à la rencontre du public et des candidats aux élections législatives et présidentielles pour informer et débattre de cette problématique.
Le droit aux soins est un droit fondamental et ne doit jamais être utilisé à d'autres fins que la préservation de la santé.
Annexe 11
Charte pour la santé de toutes les personnes étrangères résidentes en Europe Considérant qu’il serait indigne de participer à un continent qui n’aurait pas pour principe de base la protection de la santé de tous ses habitants, Médecins du Monde, à l’issue de ce premier rapport européen, demande que le Parlement européen, la Commission européenne, et le Conseil de l’Union européenne, s’accordent sur des normes contraignantes qui obligent chaque pays membre à assurer concrètement l’accès aux soins des personnes vulnérables et en particulier migrantes, quel que soit leur statut. Afin de proposer de premières avancées dans ce domaine, les 12 représentations de Médecins du Monde en Europe, à partir de l’expérience de terrain de chacune d’entre elles, 1 proposent une charte pour la santé de toutes les personnes étrangères résidentes en Europe, 1 demandent que cette charte soit intégralement appliquée dans la prochaine stratégie santé de l’Union européenne.
8
Circulaire du 21.02.2006 signée par Messieurs Clément et Sarkozy.
9
Le directeur de cabinet de M. Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, a envoyé un télégramme aux préfets leur précisant de ne pas envoyer de forces de police dans les hôpitaux. Toutefois, un télégramme de « directeur de cabinet » n'a pas la même valeur qu'une circulaire signée de 2 ministres.
La loi française crée les sans-papiers, et les pourchasse chaque jour davantage.
MÉDECINS DU MONDE INTERNATIONAL
Considérant l’article 25 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme reconnaissant que « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux… » ;
MdM et la santé des migrants en France
Face aux difficultés d’accès aux soins auxquelles se heurtent plus particulièrement les migrants, Médecins du Monde s’est implanté sur le département en 2003 et a ouvert à Cayenne un centre d’accueil de soins et d’orientation. Ce centre propose aux populations exclues des consultations médico-sociales gratuites, oriente les patients vers les structures socio sanitaires de droit commun et développe des activités de prévention et d’éducation à la santé. Depuis 2007, l’équipe mène une action mobile de promotion de la santé dans les quartiers les plus insalubres de l’Ile de Cayenne.
Considérant que la Convention européenne des Droits de l’Homme se réfère explicitement à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ; Fort de son expérience médicale de terrain auprès des populations les plus vulnérables dans l’Union européenne comme en dehors de l’Europe ; Engageons l’ensemble des États signataires de la Convention européenne à prendre les mesures propres à assurer la garantie collective d’un droit à l’accès effectif aux soins et à la prévention pour tous les résidents* européens. Remarquant à travers nos actions que les migrants, en particulier les « sans-papiers » et les demandeurs d’asile, ont un état de santé et un accès aux soins inférieurs à la population générale, Demandons à l’ensemble des États signataires de la Convention européenne de reconnaître un droit à l’accès effectif aux soins et à la prévention** opposable pour chaque résident étranger présent sur son territoire. Demandons à l’ensemble des États signataires de la Convention européenne de refuser toute discrimination dans l’accès aux soins et à la prévention fondée sur le caractère régulier ou irrégulier du séjour de ses résidents étrangers. EN CONSÉQUENCE : Demandons à l’ensemble des États signataires de la Convention européenne : 1 d’assurer un accès aux soins et à la prévention à l’ensemble des résidents étrangers indépendamment du caractère régulier ou irrégulier de leur séjour dans les mêmes conditions – à niveau de ressources identiques – que celui qui est proposé aux nationaux. 1 d’assurer la gratuité du suivi médical et des soins médicaux de la grossesse, de l’accouchement et des suites de couche ainsi que des soins médicaux apportés aux mineurs et pour tous les résidents étrangers dont le revenu est inférieur au seuil de pauvreté***.
MdM France / Maroc
1 de mettre en place un véritable accueil sanitaire des demandeurs d’asile prenant en compte la spécificité des effets de la violence dont ils ont pu être victimes dans leur pays d’origine. 1 qu’ils accordent à toute personne étrangère souffrant d’une maladie grave, un titre de séjour autonome ou toute autre autorisation conférant un droit de séjour et l’accès effectif aux soins, à moins qu’il ne soit prouvé qu’elle peut avoir un accès effectif aux traitements et soins médicaux appropriés dans son pays d’origine. 1 d’assurer un accès aux soins gratuits à l’ensemble des personnes étrangères retenues, maintenues dans des centres de rétention ou des zones d’attente, présents sur leur territoire. 1 la reconnaissance d’un droit de visite permanent d’une ou plusieurs associations indépendantes de l’État – en particulier médicales et de Droits de l’homme – dans tous les centres fermés présents sur leur territoire et recevant des étrangers (zone d’attente, centre de rétention). --------------------------------------------------------------
* Est résident d’un pays toute personne qui souhaite faire de ce pays sa résidence habituelle. En pratique, cela exclut les personnes qui séjournent dans ce pays pour des raisons touristiques. ** L’accès aux soins comprend la consultation médicale, les traitements éventuellement prescrits et les examens complémentaires éventuellement prescrits. *** Le seuil de pauvreté est égal à 60 % du revenu médian d’une population.
MdM UK / Londres
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Sem papéis, sem saúd m saúde ? Sem papéis, e papiers, pas de santé ? santé ? Pas de papiers, Keine Papiere - kein Arz in Arzt? Keine Papiere ? No I.D, no G.P? No I.D, G.P? No I.D, no G.P? No
¿ sin papeles, sin sanid eles, sin sanidad ? ¿ sin