[Travail du sexe] Réponses à l'évaluation de la loi de 2016

Page 24

D. La priorisation de la lutte contre la prostitution au détriment de la protection des victimes de traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle

36. Rapport concernant la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains par la France, GRETA, 2017, op. cit., p. 51. 37. Article L 316-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) : « Sauf si sa présence constitue une menace à l’ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée à l’étranger qui dépose plainte contre une personne qu’il accuse d’avoir commis à son encontre les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions. […] En cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, une carte de résident est délivrée de plein droit à l’étranger ayant porté plainte ou témoigné ». 38. https://www.immigration. interieur.gouv.fr/Immigration/L-admission-au-sejour-Les-titres-de-sejour-visas-statistiques 39. Ibid. 40. https://inhesj.fr/sites/default/ files/publications/files/2020-02/3e_ enquete_annuelle.pdf 41. Circulaire N° INTK1229185C du 28 novembre 2012 relative aux conditions d’examen des demandes d’admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. 42. C'est parce que le Nigéria constitue le pays d’origine le plus important des victimes de traite à des fins d’exploitation sexuelle que nous choisissons cet exemple. 43. https://ofpra.gouv.fr/sites/default/files/atoms/files/rapport_dactivite_2018.pdf.pdf 44. https://www.ohchr.org/Documents/ProfessionalInterest/ProtocolTraffickingInPersons_fr.pdf, art. 7.

24

Entre les discours, les grandes annonces, et les réalités des politiques sur le travail sexuel, il y a de grandes disparités, pour ne pas parler d’hypocrisie. C’est le cas, en ce qui concerne la protection des victimes de traite et de proxénétisme. Le rapport GRETA 201736 indique une moyenne de moins de 200 titres de séjour délivrés chaque année en faveur de victimes de traite qui collaborent avec les forces de police en portant plainte ou témoignant contre leur exploiteur37. En 2018, seuls 88 titres de séjour sur le fondement de l’article L. 316-1 du Code de l’entrée et du séjour et du droit d’asile (CESEDA) ont été délivrés38. S’il semble que ce chiffre augmente en 2019 puisque les estimations parlent de 169 titres de séjour délivrés sur ce fondement39, il reste en-deçà du nombre de victimes identifiées. En effet, d’après l’enquête de la MIPROF et de l’ONRDP menée auprès des associations sur les victimes de traite des êtres humains, 2160 victimes de traite à des fins d’exploitation sexuelle ont été identifiées en 2018, dont 2003 étaient étrangères40. Cela signifie donc que seuls 4% ont bénéficié de la délivrance d’un titre de séjour sur le fondement de l’article L. 316-1 du CESEDA. Nous ne disposons d’aucun chiffre relatif aux victimes de traite qui auraient obtenu un titre de séjour humanitaire sans avoir déposé plainte par peur de représailles, possibilité prévue dans la circulaire Valls41. L’ensemble du tissu associatif rappelle cependant la rareté de la délivrance d’un tel titre de séjour dès lors que cela reste à l’appréciation des préfets, peu enclins à des régularisations. Dans le même sens, nous ne disposons pas du nombre de victimes de traite des êtres humains protégées au titre de la protection internationale (statut de réfugié ou protection subsidiaire) puisqu’il n’existe pas de statistique sur les motifs de la délivrance des statuts de réfugié. Même en considérant que toutes les protections nationales accordées en 2018 à des femmes originaires du Nigéria42, à savoir 35443 , l’ont été pour des motifs de traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle, cela ne représente un taux de protection que de 16% des victimes. Il apparaît ainsi clairement que nous sommes bien en deçà en termes de protection au regard du droit au séjour tel que cela est pourtant prévu par le protocole de Palerme44 que la France a ratifié, puisqu’il apparaît qu’au mieux, seule une victime sur cinq bénéficie d’un droit au séjour.

En outre, la protection des victimes de traite des êtres humains au titre de l’asile ou de la protection subsidiaire qui permettait d’obtenir la délivrance d’un titre de séjour pour les personnes refusant de porter plainte par crainte

R E P O N S E S A L’ E V A L U A T I O N D E L A L O I D E 2 0 1 6


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.
[Travail du sexe] Réponses à l'évaluation de la loi de 2016 by Médecins du Monde - Issuu