A – Une logique de contrôle social a l’œuvre au détriment des droits des travailleuses du sexe Nos associations, dès les débats parlementaires, ont exprimé de fortes réserves et ont alerté les pouvoirs publics sur les effets délétères, en matière de droits des travailleuses du sexe, de l’instauration d’un dispositif spécifique, dérogatoire au droit commun alors que l’IGAS, dans son rapport de 2012 plaidait pour une approche par le droit commun. Nos critiques étaient partagées par le Défenseur des droits et la Commission nationale consultative des droits de l’Homme51. Et, aujourd’hui, force est de constater que nos inquiétudes se sont révélées durement justes. En effet, tout d’abord, c’est une exclusion du droit commun stigmatisante et désavantageuse pour les personnes. L’allocation financière à l’insertion sociale et professionnelle (AFIS) proposée par le parcours de sortie est d’un montant dérisoire, 330 €, bien en dessous du seuil de pauvreté établi par l’Insee à 1026 €. En comparaison, le RSA peut s’élever à environ 550 €, et d’autres minima sociaux sont possibles. Mais, l’allocation du parcours n’étant pas cumulable à d’autres droits sociaux, cela limite son intérêt aux personnes étrangères sans papiers ou qui ne bénéficient pas d’ouverture à ces droits. C’est également une forme de contrôle social et de chantage puisque les droits ouverts avec l’inscription dans le parcours de sortie sont conditionnés à l’arrêt d’une activité légale, imposable et assujettie aux cotisations sociales et sous la surveillance de commissions départementales qui peuvent retirer ces « droits » à tout moment. Comme l’a souligné le Défenseur des Droits52, cela crée des discriminations entre les travailleuses du sexe dans l’accès aux droits. Nous avons par exemple recueilli le témoignage d’une personne s’étant vu refuser une aide au logement sous prétexte qu’elle était travailleuse du sexe et qu’elle devait entrer dans le dispositif spécifique du « parcours de sortie » qui prévoit une aide au logement à laquelle la plupart n’ont en fait pas accès, faute de places. Dans les faits, le dispositif de parcours de sortie de la prostitution, à défaut de répondre aux besoins et enjeux des personnes exerçant le travail du sexe en termes d’insertion et de reconversion professionnelle, a surtout permis de donner une coloration sociale à une loi globalement très répressive et sécuritaire. Les pouvoirs publics peuvent ainsi communiquer sur « l’aide aux prostituées » alors que tout le contexte politique lié à la nouvelle loi réduit les ressources économiques et les droits des travailleuses du sexe pour que la seule issue pour elles – contrainte – soit l’arrêt d’une activité légale qu’ils ne souhaitent voir. De plus, l’intérêt du « parcours de sortie » est limité car les avantages sont restreints et peu de moyens y sont alloués. Pour les travailleuses du sexe étrangères, le parcours de sortie ne permet pas l’obtention d’un titre de séjour.
R E P O N S E S A L’ E V A L U A T I O N D E L A L O I D E 2 0 1 6
51. CNCDH, Avis sur la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, Assemblée plénière du 22 mai 2014. 52. https://www.defenseurdesdroits. fr/sites/default/files/atoms/files/ ddd_avis_20151216_15-28.pdf
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