VIH et hépatites en france : Médecins du Monde en première ligne

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Dossier de presse Journée mondiale de lutte contre le sida 1er décembre 2008

VIH ET HÉPATITES EN FRANCE : Médecins du Monde en première ligne


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En 1987, Médecins du Monde ouvre rue du Jura, à Paris, le premier centre de dépistage volontaire, anonyme et gratuit du VIH en France. A l’époque l’épidémie, largement méconnue, touche de manière dramatique les usagers de drogues. Dès 1989, l’association met en place un programme d’échanges de seringues dans la rue. Cette action est alors hors la loi et ne deviendra légale qu’en 1995. Cependant elle contribue à la diminution des nouvelles contaminations, à tel point que le ministère de la Santé souhaitera en 1992 joindre son logo au message de prévention distribué dans les kits de seringues. Médecins du Monde sera l’un des promoteurs de la politique de réduction des risques qui a fait preuve de son efficacité en matière de santé publique.

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Encore aujourd’hui, les équipes de Médecins du Monde sont en première ligne face aux populations les plus exposées à l’épidémie : les personnes qui fréquentent tant les centres d’accueil, de soins et d’orientation (CASO) que les missions mobiles de l’association sont marquées par la précarité et constituent une population particulièrement exposée aux risques du VIH, mais aussi des hépatites. Depuis 2003, Médecins du Monde mène des actions de prévention du VIH et des hépatites afin de sensibiliser et d’orienter ces personnes, ainsi que pour faciliter leur accès au dépistage et aux traitements si nécessaire.

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UNE MISSION DE PRÉVENTION AUPRÈS DE PUBLICS TRÈS EXPOSÉS

Les personnes qui fréquentent les 22 centres de Médecins du Monde partout en France sont en très grande majorité des migrants (90 %), dont beaucoup sont en France depuis moins d’un an (58 %). Les principales régions d’origine sont le Maghreb (24 %), l’Afrique subsaharienne (23 %), et l’Europe. Dépourvus de couverture maladie dans plus de 8 cas sur 10, ils sont en situation de grande vulnérabilité : 92.2 % n’ont aucune ressource, près de la moitié vivent à la rue ou dans un logement précaire. Ce sont également des patients jeunes (34 ans en moyenne).

difficultés à aborder, surtout lors d’une première consultation des sujets touchant à la vie intime et à des pathologies très stigmatisantes.

Ils font partie des populations les plus exposées au VIH et aux hépatites : beaucoup des pays d’origine connaissent une prévalence forte de ces maladies. Par exemple, 68 % des personnes infectées par le VIH dans le monde vivent en Afrique Subsaharienne1. Par ailleurs, le dépistage et la prise en charge des migrants sont souvent moins bons que dans la population générale, du fait du manque d’information, de la barrière de la langue, des retards dans l’accès aux soins, des difficultés administratives, et de l’absence de couverture maladie.

Monsieur A, Algérien, est arrivé en France en 2002. Il est venu consulter à MdM il y a quelques mois et revient aujourd’hui pour renouveler son AME. A la fin de son entretien, l’assistante lui propose un entretien de prévention, un moment privilégié pour faire passer des messages de prévention et lui permettre de poser toutes les questions relatives au VIH, aux hépatites ou aux IST. « Tout d’abord nous faisons le point sur leur niveau de connaissances » explique Nadia, une des dix infirmières, qui se relaient pour animer plusieurs fois par semaine des sessions de prévention au CASO de Saint-Denis. « En fonction de leurs connaissances et de leur vécu, j’adapte mon discours de prévention ». A. a une partenaire depuis un an. Elle a déjà fait le test ; lui jamais. « En Algérie, on ne parle pas de la sexualité, c’est un vrai tabou, on ne parle pas du VIH à l’école. Pour acheter un préservatif il faut se cacher pour être sûr de ne pas être reconnu » confie A.

Néanmoins, ces pathologies sont rarement le motif de leur venue dans les CASO, les patients consultant en premier lieu pour des affections respiratoires, digestives ou ostéoarticulaires. De plus, la plupart des patients ne viennent qu’à une ou deux reprises dans les CASO, car ils sont ensuite réorientés vers le système de droit commun. Cela constitue une difficulté supplémentaire car les patients éprouvent des

Depuis 2006, les intervenants des CASO ont mis en place un projet spécifique: financé par la Direction Générale de la Santé, ce projet a pour but de favoriser la prévention du VIH, des infections sexuellement transmissibles (IST) et des hépatites et d’améliorer l’accès au dépistage et aux soins pour la population rencontrée dans les programmes de santé de Médecins du Monde en France.

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Selon l’ONUSIDA : « épidémie mondiale de sida, décembre 2007 »

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Etape 1 : des messages de prévention Une équipe de prévention multidisciplinaire (infirmiers, accueillants, médecins, sage femmes, pharmaciens, aide soignants...) et un référent par équipe ont été identifiés dans chaque mission participant au projet. Des formations ont été dispensées aux équipes par le CRIPS (centre régional d’information et de prévention du sida) Ile-de-France afin de se former aux techniques d’entretien et d’adapter les messages de prévention aux particularités socio-culturelles et aux représentations de la maladie spécifiques aux différents publics rencontrés. Depuis octobre 2007, Médecins du Monde grâce à l’appui du ministère de la Santé a obtenu la gratuité partielle des services d’interprétariat, via l’association Inter Service Migrants-Interprétariat, gratuité jusqu’alors réservée aux Centres de Dépistage Anonyme et Gratuit (CDAG) et aux services de maladies infectieuses et d’hépatologie des hôpitaux. Cela permet aux intervenants de lever l’obstacle lié à la langue en ayant la possibilité de recourir à un interprète professionnel.

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« Une idée qui revient souvent sur le sida, notamment dans les consultations gynécologiques du CASO, c’est qu’une femme contaminée ne pourra plus jamais avoir d’enfants. Nous essayons de montrer que des solutions existent et, plus globalement, de faire passer des messages afin que les personnes changent leur pratique. C’est déjà beaucoup. Je me souviens par exemple de cette femme, suivie dans le cadre de sa grossesse, qui avait demandé un nouvel entretien de prévention deux semaines après le premier simplement pour s’assurer qu’elle avait bien retenu les informations. » Edith, infirmière en charge de la prévention, Lyon « Les patients ont parfois connu en Afrique des personnes qui sont décédées du sida, donc elles ont une représentation de la maladie dans ses derniers stades et n’ont pas conscience qu’il peut s’écouler plusieurs années, jusqu’à 10 ans, sans symptômes ». Armelle, médecin de prévention, Paris


animations collectives L’animatrice de prévention profite du temps en salle d’attente, avant la consultation, pour faire passer des messages de prévention et instaurer un dialogue avec la salle. Au CASO de Paris, précurseur du projet depuis 2003, un membre de l’équipe de prévention est présent sur chaque demi-journée d’ouverture du CASO. En 2007, 242 entretiens individuels et 76 animations en salle d’attente ont été réalisés. Jeudi 13 novembre, salle d’attente du CASO de Paris, face à une population très hétéroclite tant au niveau des nationalités (Maghreb, Afrique, Europe de l’Est) que des âges. Armelle, médecin bénévole, un des piliers de l’équipe de prévention, interpelle les patients sur les modes de transmission de la tuberculose, des hépatites et du VIH. Dans la salle, plusieurs regards curieux, quelques sourires nerveux et des oreilles attentives… Armelle fait partie des six bénévoles qui se relayent, 7 demi-journées par semaine, pour assurer des sessions de prévention collective. Dans un langage simple et pédagogique, elle teste les connaissances de chacun sur les modes de contamination de chaque maladie en s’appuyant sur des exemples de la vie courante. Puis elle présente le matériel de prévention, parfois méconnu : préservatif masculin, féminin, carré de latex. « J’aborde la question de la prévention par les hépatites qui engendrent moins d’angoisse et de stigmatisation que le sida. On essaie de dédramatiser en disant que, pour le VIH, il y a un traitement à vie, ce sont des maladies chroniques comme le diabète. Ce sont des gens éduqués donc les messages passent bien, et même s’ils sont parfois gênés et ne veulent pas participer, au moins ils tendent l’oreille ». Mais ce matin, la participation est au rendez-vous. « Est-ce qu’on peut transmettre le VIH quand on a les lèvres gercées ? Quand on a un rapport non-protégé, qu’est-ce qu’il faut faire après ? Quand on n’a pas d’argent, pas de travail, comment on peut se protéger ? » Les questions fusent, un véritable échange se crée sans tabou pour aborder à la fois les aspects médicaux, sociaux et juridiques, liés au statut de migrant. Les sessions de prévention collective sont aussi un moyen d’alerter, Armelle insiste « les contaminations ont lieu aussi en France, vous ne laissez pas le VIH chez vous, il existe aussi en France ». Quelques patients non-francophones suivent les explications interloqués ; à la fin de l’animation, Armelle reprendra en aparté tous les messages de prévention en anglais et distribuera des brochures multilingues (anglais, espagnol, bulgare, arabe, turc…). Selon le médecin responsable du CASO de Paris « ces sessions de prévention changent véritablement l’action

des médecins, les patients sollicitent d’eux-mêmes des entretiens individuels et demandent plus facilement le dépistage ». Pour Armelle, elles permettent aussi d’« éveiller les consciences quant à la responsabilité de chacun pour stopper la transmission du VIH ».

entretiens individuels Les patients peuvent être orientés vers la consultation de prévention individualisée soit par un accueillant social, en amont de la consultation médicale, soit dans la salle d’attente par l’équipe de prévention. Enfin les médecins peuvent proposer l’entretien en cours de consultation et orienter le patient vers l’équipe de prévention. Ces entretiens individuels permettent, en se focalisant sur le VIH et les hépatites, de lever le tabou que peuvent avoir les patients au cours d’une consultation « classique ». Au CASO de Saint-Denis, 14 personnes ont été formées en 2007 aux techniques du « counselling », et la prévention a lieu elle aussi tous les jours. L’équipe de prévention a réalisé 315 entretiens individuels de prévention en 2007. Les entretiens de prévention ont touché plus d’hommes (60 %) que de femmes (40 %). Mme K, 28 ans et originaire de Guinée, est arrivée en France il y a 3 mois. Elle est venue au CASO de St Denis faire sa demande d’AME et accepte de suivre une session de prévention. Mme K a déjà été dépistée en Guinée. « J’ai entendu parler du sida en Guinée à la télé mais surtout à la radio, j’écoutais régulièrement les émissions de prévention ». Mme K a déjà entendu parler des préservatifs féminins mais n’en a jamais vu, l’occasion de faire le point. « S’ils ne connaissent pas les modes de prévention nous leur expliquons ce qu’est un préservatif féminin et masculin. Si nous voyons qu’ils sont à l’aise nous leur montrons comment les poser, parfois même ils le font eux-mêmes. » Nadia, infirmière en charge de la prévention, Saint-Denis.

une approche particulière dans les missions mobiles Ces activités de prévention se sont étendues au-delà des centres de Médecins du Monde, dans les missions « mobiles » de l’association qui vont au-devant de publics souvent marginalisés (personnes sans domicile, usagers de drogues, personnes se prostituant). Ainsi, à Lyon, l’équipe du bus destiné aux sans abris fait passer des messages de prévention dans la rue : sur de grands panneaux, des images aimantées (rasoir, dentiste, tatouages, seringues…), sont utilisées pour engager le dialogue avec les personnes sans domicile.

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« Nous cherchions des supports pour les entretiens de prévention, adaptés aux personnes non francophones. J’ai puisé cette idée en Afrique où j’ai passé quelques années » explique Edith, infirmière responsable de la prévention. Nous avons choisi des images simples, volontairement éloignées de la réalité afin de ne pas être trop cru

Le jeu de cartes, pour évaluer ses connaissances

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et de ne pas choquer. Lors de nos sorties, le soir, nous installons le panneau et demandons aux personnes de parler des pratiques à risque pour les hépatites et le sida. Lorsqu’un mode de contamination est évoqué, nous affichons l’image correspondante. A la fin, nous réajustons les connaissances. »


La prévention sur le Lotus Bus Le Lotus Bus s’adresse aux femmes chinoises qui se prostituent à Paris. Il stationne trois fois par semaine sur plusieurs sites et propose aux femmes information, matériel de prévention et orientation, en vue d’obtenir une couverture maladie (Aide médicale Etat le plus souvent), accès aux soins et dépistage. Pour beaucoup, les femmes parlent mal le français et l’équipe pluridisciplinaire du lotus Bus (médecins, psychologue, éducateurs….) est composée de nombreux bénévoles sinophones. Les femmes qui fréquentent le bus font partie d’une génération (35-50 ans) qui a eu peu d’informations sur le sida et les IST en Chine où le tabou sur ces questions est encore très pesant. A leur arrivée en France, la méconnaissance des dispositifs, la barrière de la langue et la clandestinité les éloignent des structures de dépistage et de prise en charge. De fait, un questionnaire posé à 93 d’entre elles à l’automne 2007 a révélé que 45 % n’avaient jamais effectué un dépistage VIH. Pourtant, 70 % ont déjà été confrontées à une rupture de préservatif. Seules 3 femmes sur les 64 confrontées à une telle situation se sont rendues dans les 48 heures à l’hôpital. Une donnée très encourageante : la fréquentation du bus a permis d’augmenter le recours au dépistage. Ce dernier s’effectue souvent dans un centre de la Croix Rouge partenaire du Lotus Bus, le Moulin Joly. En effet la permanence d’une personne parlant chinois explique que les femmes s’y rendent plus facilement. Dans sa file active de personnes d’origine chinoise (182 personnes), la prévalence des maladies infectieuses est la suivante : 1 cas pour le VIH, 10 % pour l’hépatite B, et 3 % pour la syphilis. 6 orientations vers les urgences ont été réalisées en vue d’un traitement post-exposition

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© Elisabeth Rull

Une expérience innovante est mise en place depuis novembre 2008 : un dépistage « hors les murs » par les équipes du CDAG de l’hôpital Saint Louis sur le Lotus bus : 4 vacations sont organisées par les intervenants du CDAG qui vont venir effectuer des prélèvements et conduire les entretiens pré-test pour les hépatites, le VIH et certaines IST. La semaine suivante, les femmes iront au CDAG récupérer les résultats et bénéficieront d’un accompagnement par des sinophones de l’équipe du Lotus Bus.

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Etape 2 : orienter vers le dépistage La mission de prévention vise à inciter les patients à se faire dépister pour le VIH, les hépatites, les IST afin de faciliter une prise en charge précoce. Le dépistage est proposé aux nouveaux patients, suite à l’entretien de prévention individualisé ou lors des consultations médicales. A SaintDenis, depuis la mise en place de cet effort de prévention, 77 % des patients orientés ont été effectivement dépistés. Ce taux monte à 90 % pour les patients ayant bénéficié d’un entretien individuel de prévention. Le dépistage est ensuite effectué dans des CDAG (centres de dépistage anonyme et gratuit). Cela ne permet pas d’obtenir d’information sauf au CASO de Marseille où un partenariat entre le CDAG et MDM permet un retour anonymisé de l’activité de dépistage. A Paris et St-Denis, des conventions ont été signées avec des laboratoires de villes ; les résultats sont donc adressés aux médecins prescripteurs du CASO qui se chargent également de la remise des résultats dans le cadre d’une consultation post-test. Témoignage de Jeanine, médecin bénévole, Caso de St Denis « L’entretien de rendu de résultats est bien évidemment conduit de manière complètement différente selon que le résultat est positif ou négatif. Autant que faire se peut l’annonce d’un résultat positif est faite conjointement par le médecin et un membre de l’équipe de prévention. Au cours de cette consultation il est proposé au patient d’être dirigé vers un service de maladies infectieuses qui sera choisi en fonction de son lieu de résidence le plus souvent. En accord avec lui un rendez-vous de consultation est pris. Il s’agit bien sûr d’un moment très fort et très douloureux qui se fait dans le respect des paroles et tout autant des silences du patient. Une rencontre avec le psychologue est systématiquement proposée. A la suite de la consultation médicale, l’intervenant de prévention prolonge l’entretien dans le local dédié à la

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prévention et essaie de répondre à toutes les questions du patient, si tant est que dans l’état de choc où il se trouve, il puisse poser une question. II lui est proposé entre autres une aide pour l’annonce à son conjoint et à son entourage immédiat, des listes d’associations lui sont remises et on lui rappelle qu’il aura la possibilité de faire une demande de régularisation pour soins en cas de séropositivité au VIH. Malheureusement nos ressources humaines insuffisantes ne nous permettent pas d’aller plus loin dans l’accompagnement physique du patient à la première consultation hospitalière. En cas de résultat négatif, la consultation de rendu de résultats donne lieu à un 2ème entretien de counselling, qui nous permet de vérifier ce que le patient a retenu de l’entretien pré-test et comment il a assimilé le message de prévention et se l’est éventuellement approprié. Certes nous ne pouvons être certains qu’il saura faire et qu’il saura être mais du moins nous vérifions qu’il sait ! Cette consultation est d’autant plus « productive » qu’elle est faite dans la décontraction et la satisfaction d’un résultat négatif, conférant au patient une oreille plus attentive et une parole plus libérée. » Dans un avenir proche, il est prévu qu’un CDAG procède aux dépistages directement dans les locaux de MdM. Le CASO de St-Denis sera le précurseur de cette initiative. Cela permettra aux patients qui n’osent pas ou ne peuvent pas se rendre au laboratoire (par peur de ne pas savoir s’orienter ou du fait du coût trop important du transport,…) de se faire dépister dans un lieu où ils se sentent en confiance. En effet, nous avons pu constater à Saint Denis que parmi les patients ayant bénéficié d’un entretien, ce sont les patients francophones, plus aptes à s’orienter et à se déplacer, qui vont effectivement se faire dépister. Les personnes qui ont le moins recours au dépistage sont celles qui viennent de pays non francophones et essentiellement d’Asie. D’où l’importance de la présence d’un CDAG dans les locaux de MDM.


Etape 3 : accompagner l’annonce du diagnostic à la fois le médecin, l’assistante sociale, le psychologue… L’accompagnant va pouvoir réexpliquer ce qui a été dit mais aussi écouter : il arrive que la personne choisisse de ne pas en parler à son entourage par peur du rejet, d’être remis à la rue ce qui malheureusement arrive. Des accompagnants suivent les femmes enceintes tout au long de leur grossesse. »

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A Paris et St-Denis, des bénévoles se proposent pour accompagner les personnes à qui leur séropositivité vient d’être annoncée lors de leur première visite à l’hôpital. « Le ciel vient de leur tomber sur la tête » résume Emmanuelle, coordinatrice du CASO. Ils sont bouleversés et parfois pas en mesure d’écouter toutes les informations qui vont leur être délivrées, d’autant qu’ils vont rencontrer

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DES PRÉVALENCES PLUSIEURS FOIS SUPéRIEURES AUX MOYENNES NATIONALES

Les données sur la prévalence du VIH et des hépatites proviennent de l’Institut National de Veille Sanitaire (INVS). Les résultats présentés ci-dessous sont les prévalences des patients des centres de Médecins du Monde à Paris et St-Denis, données qui ont pu être obtenues grâce à des partenariats avec des laboratoires.

VIH : de fortes prévalences en Ile-de-France Prévalence en France2 : 0,22 % Prévalence MdM : 3,2 % soit 15 fois plus Ce résultat concerne nos CASO basés en Ile-de-France, dont les départements sont, avec la Guyane, les plus touchés par l’épidémie, en particulier Paris et la Seine-Saint-Denis. Or la spécificité du VIH en Ile-de-France est de concerner majoritairement les personnes de nationalité étrangère. Cela est à relier au fait que l’Ile de France est le principal foyer d’immigration en France métropolitaine. La prévalence du VIH parmi les patients dépistés dans les CDAG est estimée à 0.39 % en 20063, mais les consultants des CDAG sont Français à plus de 90 %4. Ainsi, à Médecins du Monde, la prévalence du VIH est plus importante que celle rapportée dans les CDAG. La méconnaissance des dispositifs, du VIH et des traitements, la barrière de la langue, expliquent sans doute la fréquentation moindre des CDAG par les étrangers, qui sont pourtant plus exposés au risque. D’où l’importance de la présence d’un CDAG dans les CASO de Médecins du Monde et du rôle des CASO pour favoriser au maximum l’orientation des patients vers les dépistages et la prise en charge.

augmentation, chez les patients originaires d’Afrique sub saharienne, des contaminations ayant lieu en France et non dans leur pays d’origine, ce qui doit être pris en compte dans les programmes de prévention en direction de ces populations. Cela montre la nécessité de poursuivre les actions de prévention auprès des populations migrantes dans un objectif de santé publique.

HÉPATITES Hépatite B (Ag HBs+) : 6.9 % soit 10,5 fois la moyenne nationale (0.65 %) Hépatite C : 5.8 %, soit 7 fois la moyenne nationale (0.84 %)6 Plus encore que pour le VIH, les prévalences des hépatites dans les pays d’origine des patients sont très élevées : par exemple, en Egypte ou en Mongolie, la prévalence de l’hépatite C est supérieure à 10 %.

COINFECTIONS Au CASO de Paris, parmi les patients diagnostiqués séropositifs au VIH en 2007, 7 % sont coinfectés par le virus de l’hépatite B, et 7 % par le virus de l’hépatite C.

BIENTÔT LES TESTS RAPIDES ? Grâce à la mobilisation des associations de lutte contre le sida, les tests de dépistage rapides sont actuellement en cours d’expérimentation en France. Les Tests de dépistage rapides peuvent être réalisés à partir d’un seul prélèvement de sang et permettent de délivrer le résultat en moins de 30 minutes. La France est en retard dans l’utilisation de ces tests par rapport à certains de ses voisins européens ; pourtant, ils ont un intérêt pour les populations en dehors du système général de soins, qui n’ont pas facilement accès au dispositif commun de dépistage.

Les données5 concernant la population migrante montrent des résultats encourageants : une diminution depuis 2003 des découvertes de séropositivité VIH chez les femmes migrantes en France, et depuis 2005 chez les hommes, même s’il est difficile de faire la part des choses entre les flux migratoires, le recours au dépistage, et le nombre de nouvelles contaminations. Par ailleurs, les personnes originaires d’Afrique subsaharienne découvrent moins souvent leur séropositivité au stade SIDA et le nombre de cas de SIDA dans cette population diminue depuis 2002. A noter que ces dernières données sont en faveur d’une 2 3

INVS, BEH, no 46-47, 27 novembre 2007 INVS, BEH no 7-8, 19 février 2008

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INVS, Dépistage anonyme et gratuit du VIH. Profil des consultants dans les CDAG en 2004 5 INVS, BEH no 46-47, 27 novembre 2007 6 INVS, prévalence des hpatites B et C en France, en 2004, mars 2007 4


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LA GUYANE,

La Guyane est en situation d’épidémie généralisée selon les critères de l’OMS, avec plus de 1 % des femmes enceintes infectées par le VIH. Le département connaît les mêmes caractéristiques de l’épidémie que celles de la région, auxquelles s’ajoute un contexte de fortes migrations de populations précaires. 40 % des personnes touchées par le virus accèdent trop tardivement aux soins. Les personnes étrangères éprouvent de réelles difficultés à constituer les dossiers administratifs requis comme en atteste ce témoignage transmis par Aides Guyane, basée à St-Laurent du Maroni : « Une jeune femme de 27 ans est suivie depuis 2005 par l’hôpital de St-Laurent ; elle n’a actuellement pas encore d’AME. En 2008, la demande d’AME a été refusée deux fois par la sécurité sociale (pour absence de justificatif d’identité, alors que des professionnels de santé avaient donné une attestation d’identité). Cette personne n’a aucun document d’identité. Son traitement ARV est délivré depuis peu quotidiennement par un centre, mais pas le week-end car le centre est fermé. » En février 2008, un rapport du Conseil national du sida sur la politique de lutte contre le VIH en Guyane préconisait une approche spécifique de l’épidémie bien plus volontariste et rappelait que « la politique de lutte contre les migrations illégales ne favorise pas un accès aisé aux soins et façonne trop souvent l’approche de l’épidémie au détriment des considérations de santé publique. » De fait, les ruptures de droits et de soins sont fréquents comme en témoigne l’association Entr’aides Guyane7, partenaire de la mission MdM à Cayenne : « Femme haïtienne séropositive de 46 ans qui a une petite fille de 9 ans et bénéficie de l’allocation adulte handicapé depuis 2 ans. Ses droits à l’AAH se terminaient en juin 2008. En janvier 2008, elle fait donc la demande de renouvellement afin d’éviter une rupture qui mettrait ses faibles moyens d’existence à mal. Elle n’obtient la réponse qu’au mois d’octobre et ne touchera son allocation qu’à nouveau en novembre. Elle s’est donc retrouvée sans revenu de juin à octobre 2008 pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa fille alors que son état de santé ne lui permet pas d’avoir une

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LE DÉPARTEMENT FRANÇAIS LE PLUS TOUCHÉ

activité « normale ». Enfin, elle vient d’apprendre qu’elle n’aura plus de logement fin novembre. Elle était soutenue par un dispositif qui dure normalement un an maximum, elle en a bénéficié 2 ans, mais ce dispositif rencontre les plus grandes difficultés pour offrir des alternatives en logement social une fois son mandat arrivé à son terme. Une contrainte très importante aussi est l’obligation pour les personnes de fournir un certificat d’hébergement dans le cadre des démarches à la Préfecture car les domiciliations associatives ou CCAS ne sont pas acceptées. » De nombreuses personnes séropositives ou orientées vers un dépistage, dont beaucoup sont en situation irrégulière, sont perdues de vue par les soignants : ils ne viennent pas chercher leur résultat, ou leur suivi à l’hôpital est interrompu. L’utilisation des tests de dépistage rapides permettra sans doute de limiter ce phénomène des « perdus de vue » et d’orienter plus rapidement les personnes dépistées vers les traitements. Les autorités de santé se sont engagées à autoriser dès le printemps 2009 l’utilisation des tests rapides de dépistage en Guyane ; face à la gravité de la situation, il est à espérer que cet engagement ne souffre d’aucun retard. L’équipe de MDM basée à Cayenne, espère pouvoir rapidement utiliser ces tests pour les patients reçus au Caso. Actuellement, l’équipe de MdM en Guyane mène des actions d’éducation et de prévention sur le VIH et les IST au CASO en entretien individuel, dans les quartiers défavorisés de l’Ile de Cayenne au mais aussi lors d’événements comme le Carnaval ou le 1er décembre.

7 Nous adressons nos remerciements à Aides Guyane et à Entr’aides Guyane pour lur contribution.

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RÉGULARISATIOn POUR RAISON MÉDICALE : UN DROIT à PRéSERVER IMPéRATIVEMENT

Les personnes vivant avec le VIH en France, cumulant les facteurs de précarité et parfois les coinfections (VIH + hépatites) nécessitent donc une prise en charge et une protection particulière. Cette protection est garantie par la loi de 1997 qui impose le principe de non-expulsion des étrangers gravement malades ne pouvant se soigner dans leur pays d’origine, et par celle de 1998 qui instaure leur régularisation pour raison médicale. Pourtant, au mépris du droit à la santé et en dépit des textes internationaux ratifiés par la France, ce droit est progressivement menacé et fait l’objet d’attaques répétées. Ainsi, en 2007 des « fiches-pays » qui réduisent la notion de l’accessibilité effective à un suivi médical à la seule existence dans un pays d’une possibilité de soins sont mises en ligne sur les sites intranet des ministères de l’Intérieur et de la Santé. Depuis, on assiste à une véritable épidémie de refus de renouvellement des titres de séjour pour raison médicale, à des placements en rétention, voire à des expulsions de malades. Or renvoyer ou laisser renvoyer un étranger malade dans un pays où il n’aura pas accès aux soins équivaut à une peine de mort différée. Le VIH fait encore toutefois figure d’exception, les personnes vivant avec le VIH parvenant le plus souvent à obtenir un titre de séjour pour raison médicale. En revanche, les hépatites

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figurent bien dans les « fiches pays » qui exposent les malades à des refus de titre de séjour voire à des expulsions. De plus, en lieu et place des titres de séjour, les malades se voient attribuer des Autorisations Provisoires de Séjour, valables 3 à 6 mois. Dans le rapport de l’observatoire du droit à la santé des étrangers, il est rapporté que « les APS représentent plus du tiers des titres de séjour pour raison médicale ». Or celles-ci leur interdisent de travailler, ce qui les maintient dans une spirale de pauvreté de précarité vis-à-vis du logement et de la vie quotidienne, et de recours à la solidarité. « Les difficultés apparaissent après deux ou trois renouvellements » explique Bernard, médecin du CASO de Lyon agréé auprès de la Préfecture pour délivrer des certificats médicaux dans le cadre des procédures de régularisation pour raisons médicales. Les personnes peuvent se voir ensuite délivrer des autorisations provisoires de 3 ou 6 mois, et subissent alors une véritable course d’obstacles pour obtenir leur renouvellement. Cette course d’un guichet à l’autre en déstabilise plus d’un qui, de peur d’un refus et d’une arrestation consécutive, disparaissent et arrêtent leur traitement. » L’association Entr’aides Guyane pose le même constat : « Globalement, les personnes vivant avec le VIH obtiennent


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leur titre de séjour pour raisons médicales mais les difficultés sont importantes d’une part pour le renouvellement du titre et, d’autre part, pour l’obtention du récépissé de demande de renouvellement et surtout son renouvellement jusqu’à l’obtention de la carte de séjour ce qui provoque généralement des ruptures de droits. De nombreuses cartes de séjour délivrées sont des cartes « visiteurs » qui ne donnent pas le droit au travail et posent donc encore plus de difficultés d’insertion pour les usagers. » « Femme d’origine Dominicaine, âgée de 43 ans, séropositive, vivant en Guyane depuis 2001. En mai 2007, elle effectue sa demande de renouvellement de carte de séjour. Ce premier dossier est renvoyé pour un problème de pièce justificative. La deuxième demande est égarée par la Préfecture. Ces problèmes conduisent à une rupture de droit à la couverture maladie sans que les raisons en soient très claires. La troisième demande de renouvellement est acceptée avec une réponse en novembre 2007. Mais, alors qu’elle a déjà eu plusieurs cartes de séjour et qu’elle a un travail salarié, la Préfecture lui délivre une carte de séjour « visiteur » sans droit au travail ! Malgré des démarches en Préfecture pour corriger l’erreur, elle n’obtiendra pas la correction demandée qui sera finalement rectifiée lors de la demande de carte de séjour suivante… c’est-à-dire en juillet 2008.

Le groupe d’experts, sous la direction du Pr Yeni, a remis en septembre 2008 au ministre de la Santé son rapport intitulé « Prise en charge médicale des personnes infectées par le VIH » qui recommande le respect des dispositions législatives et réglementaires relatives aux étrangers malades. Les équipes de Médecins du Monde à Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes et Toulouse ont mis en place des actions spécifiques pour accompagner les étrangers gravement malades qui ne peuvent avoir un accès effectif aux soins dans leur pays d’origine dans leurs démarches de demande de régularisation pour raisons médicales. Cet accompagnement est indispensable devant les obstacles croissants que rencontrent des personnes qui doivent à la fois faire face à la maladie et affronter la crainte d’être arrêtées et expulsées. L’association a aussi lancé en octobre 2007 une pétition : « Médecine et immigration, non aux liaisons dangereuses », dénonçant l’instrumentalisation de la médecine à des fins de politique migratoire. Ses 26 000 signatures ont été remises le 17 janvier 2008 à Roselyne Bachelot. Par la suite, Médecins du Monde a lancé une campagne d’affichage pour sensibiliser l’opinion sur ce que signifie le renvoi d’étrangers gravement malades.

Dossier de presse 1er décembre 2008 - Médecins du Monde

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Dossier de presse 1er dĂŠcembre 2008 - MĂŠdecins du Monde

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Contact Annabelle Quénet / Florence Priolet Tél : 01 44 92 14 31/32 – 06 09 17 35 59

www.medecinsdumonde.org

Nous soignons ceux que le monde oublie peu à peu


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