CuaderRos de
Madlnat al -Zahr谩'
Vol. 5 C贸rdob
a, 2004
CTJADERI{OS DE MADiNAT AL-ZAI]RÁ'
Cuadernos de Madinat a|-Zahra Revista de difusión científica del Conjunto Arqueo.lógico Madrnat al-Zahra
CONSEJO DE REDACCIÓN (Miembros de ia Comisión Técnica de Madinat al-Zahra)
Presidente: D. JESÚS ROMERo BENÍTEZ Directur Genera/ d¿ Biene.¡ Calnrales
Vocales: D." MERCEDES MUDARRA BARRERO De/egada
Prorjrcia/ le Ca/ttra
rJe
Cít'daba
D. ANTONTO VALLEJO TRTANO Dirrtor del Con.funto Arquealígico Madjrat dl Z¿br¿ D. MANUEL ACIÉN ALMANSA Uniru':idad
de
rtIálaga
D." CARMEN BARCELÓ TORRES L,ttt. n)J¿J J. \ L/.ttri¡ D." JULIA CARABAZA BRAVO Uú¡w¡irlad d¿ ,\eúllt
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COMITÉ ASESOR D. PATRICE CRESSIER Ca:a de Vlázqrcz
D. CHRIST]AN E\rERT Irntituta Arqaeolígico A lenún
D. PIERRE GUICHARD tJnit,ersidad ¿tt llon II D. ESTEBAN HERNÁNDEZ BERMEJO Director delJardín Batánico rk Córdoba
D, M,'ANTONIA ]\4ARTíNEZ NUNEZ Uniursidal le lIálaga
D. ALASTAIR NORTHEDGE Uniuersi¿lad de
Parí:
I
D. VÍCTOR PÉREZ ESCOLANO fl n irer.¡ i tlad de S eú / la
O Junta de Andalucía. Consejcría dc Cultura (c) Los
Sor
autores
Imprenta San Pablo, S. L. - Córdoba Ángela de Ia Cruz, 1 2 - Teléfir¡o 951 283 106 ISSN:1119-9996 Depósito Legal: CO. 1.64412004
SUMARIO . ESTUDIOS EDUARDO MANZANO MORENO El
círculct de pocler de los califas ornelas cle
Córclaha
Pág. 9
JEAN-PIERRE VAN STAÉVEL
Prítoir jzgaler, bátir : droit de la judiciairu
)
Cordoae rJurant le
cr¡nslruclian et institarians
í'lX'
si¿cle
Pág.
3L
MOHAMED MEOUAK Madinat al-Zabm'
en las fuentes
árabu del occidente
i¡láttica
Pág. 53
BRUNA SORAVIA Une bistaire de la f.rna. Aurariré er le tuIutpaltis
d'Ibn
lígitirnirí dan:
Hayan
Pág. 81
MANIIELA MARÍN A/tos fancionarios para e/ ca/ifa: jueces 1 otras cargos de la
Adntinisnación cle'Al¡d al-Rabntan
III
Pá9.97
M.' ANTONIA MARTÍNEZ NÚÑEZ. MANUEL ACIÉN ATMANSA La epi¡1rafra
de
al-Zabra'
Pá9. I07
ya - pa / e s t i n i enne
Pás.159
Madinar
SOLANGE ORY L'
ep
i grap b i e umayy ade
s
CARMEN BARCETÓ El cíJin andalusi de "praaincias" durante el Califato
(3a0_403t9j2_10j3)
pá9. t73
ANTONTO VALLEJO TRTANO, ALBERTO MONTEJO CÓRDOBA, ANDRÉS GARCÍA CORTÉS /a interaenciín art¡aeo/ígica en /a "Ca:a de Ya'far" 1 en el ecliJicia cle "Patio cle los Pilaru" de X[adinat al-Zahra' Resa/tados preliminares de
Pá9.
I99
PATRICE CRESSIER,
MOURAD RAMMAH S¿bra al-A4ansariya : [Jne autre aille
caltfale
Pág.241
JUAN F. MURILLO REDONDO, MARÍA TERESA CASAL GARCÍA, ELENA CASTRO DEL RÍO Madinat Qar¡aba. Aproxinaciín al procesa de forntaciín de la ciudad emiral 1 califal a patir de la información arquealógica Pág. 217 VICENTE SALVATIERRA La instauraciín clel Califato en el AIra
Gaadalqaiuir
Pá5. 291
PEDRO GURRIARÁN DAZA Hacia una canstrucción del poder. Las prácticas edi/icias en la periferia andalusi duranre el
Pág. 297
ALBERTO CANTO GARCÍA El dinar en al-Andalas en el sigla X
Pás.327
Califaro
CAROLINA DOMÉNECH BELDA La
rnaneda
farimí 1 sa relaciín
con
al-Andalus
Pág. 339
PATRICE CRESSIER Histarias de capiteles: ¿Hubo talleres califales
pratincialesi'
Pá9. 751
TILO ULBERT Resafa en
Siria. Una
residencia
califal
de los últimrts onteyas en
)riente Pá9. 377
BERNABÉ CABAÑERO SUBIZA, VALERO HERRERA ONTAÑÓN La tecbu¡nbre de la ampliación de al-Hakan II rJe la mezqaita aljama d¿ Círdoba. Análisi: tícnico 1 estulio forxul de sa policrarnía
Pá9. 391
SABINE NOACK.HALEY Los capireles de
la hlezt¡aita
de
Madinar
al-Zaltra'
Pág.
Egypte
Pág. 445
4I3
MARIANNE BARRUCAND Le prentier clécor arcltitectural
fatimide
en
PIERRE GUICHARD Canc/usions
.
Pág.463
CRÓNICA DEL CONJUNTO
ANTONIO VALLEJO TRIANO, JOSÉ ESCUDERO ARANDA Crínica del Conlanto, añas 1998-2003
Pág. 47
I
ESTIJDIOS ACTAS DE LAS IV JORNADAS DE MADINAT AL-ZAHRÁ': Nuevas investigaciones sobre eI Califato de Córdoba Córdoba, 10-12 Noviembre 2003
CONCLUSIONS PIERRE GUICHARD U
u
it:er.r i t é L
e
a¡r¿
iire - LJ o n l
l
programme du colloque, que nous remercions
tous la Consejería de Cultura de Ia Junta de Andalucía d'avoir organisé par l'intermédiaire du Conjunto Arqueológico de Madinat al-Zahrá' et de son directeur Antonio Vallejo, a inclus la v.isite de l'ensemble monumental réellement exceptionnel qui donne son titre ) ces journées, Mad?nat alZabrá'. La mise au jour progre ssive, depuis le début du XXe siécle, de la ville palatine des califes de Cordoue , peut certainement étre considérée comme l'une des plus remarquables aventures archéologiqiles menées depuis un siécle sur le sol de l'Europe . Sans doute, d'inévitables problémes et dysfonctionnements ont-iis pu se produire au cours de cette longue redécouverte, comme il en surgit lors de toute celrvre humaine, méme d'ordre scientifique : nous en avons eu un exemple avec Ie rappel historique, Iors d'un échange entre Sergio Martínez et Jtan Zozaya, du peu de compréhension qui avait pu s'établir entre deux des responsables de cette entreprise. Cela n'a pas empóché Madinat al-Zahñ' de devenir le site majeur de l'archéologie andalasí. Les Cordouans, les Andalous, et plus généralement les Espagnols, peuvent étre légitimement fiers de l'énorme effort réalisé pour découvrir, reconstruire et mettre en valeur cet ensemble magnifiqlle. Lancienne " conurbation " Cordouane du Xe siécle comportait, comme chacun le sait, non seulement cette immense ville-palais mais aussi une
grande mosquée prestigieuse. Alors que la premrére n'a duré qu'environ soixante dix ans, la seconde fait
toujours l'admiration de ses visiteurs, qu'ils soient touristes ou spécialistes, apr¿s sensiblement pius d'un millénaire d'existence. Labandon et la des-
truction rapides de la premiére contraste donc
avec
le soin minutieux et le respect dont les musulmans ont entouré la seconde. Les chrétiens eux-mémes ont toi-rjours admiré cette derniére et I'ont, jusqu'á un certain point, respectée : lors de la visite faite au manument, Christian Ewert nous a par exemple bien montré que les arcs arabes que l'on avait dü détruire pour édifier la cathédrale avaient ensuite
été soigneusement reconstruits pratiquement
á
l'identique par les architectes de celle-ci. Avec ce vif contraste entre le caract¿re éphémére du centre de pouvoir et la longue conservation de 1'édifice religieux, dont les monuments cordouans ne sont qu'un exemple entre bien d'autres, on entre dans la problématique de la relation dinda--/a, religion-Etat, ) laquelle Federico Corriente nolrs a, trés opportunément je crois, introduit dans sa conférence inaugurale. I1 nous a rappelé en effet la dichotomie qui existe dans la civilisation arabomusulmane entre d'une part Llne révélation coranique établissant avec un grand luxe de détails des normes de conduite personnelle et sociale pour les fidéles, sans se préoccuper de la direction et de Ia gestion de la communalrté, et d'autre part le carac467
tére historiquement trés pragmatique de l'organisation de 1'Etat musulman. Etat et religion ont d¿s lors tendu á évoluer de fagon divergente. D'un cóté le corpus juridico-religieux a été en quelque sorte sacralisé - c'est á l'issue de cette évolution Ia ¡harla telle que la conEoivent les fondamentalistes actuels -, alors que se constituait le corps des hommes de
droit et de religion conservateurs de la tradirion,
l'" étatisation ' du Dár al-Is/án. se faisait d'une faEon clue I'on pourrait se risquer á quaiifier de " laique ,, au gré des nécessités politico-adde l'autre
et Ies califes s'abstenaient de Ie faire . Mais, avec la transformation du califat en monarchie er I'appa-
rition des formes et dignités royales, 1a premiére chose que firent les souverains, ce fut d'interdire I'accés du palais au public (al-jnmh|r). En effet, ils craignaient, pour leur vie, I'éventuelle menace de rebelles, et Ie sort de 'Umar, de 'AIi... Ils voulaient éviter aussi que 1'afflux des visiteurs ne vint les distraire des afTaires publiques. Bref, Ie prince chargea rn hádjib. de cette táche "r. LAndaius n'échappe pas á cette dualité institutionnelle, particuliére-
" religion ) et << Erat > ou
ministratives concrétes, en suivant fréquemment
ment visible iorsqr-re
I'exemple des civilisations antérieures á I'Islam ou voisines. Ar-r fond, les insritutions qui apparurent alors ne pouvaient étre considérées comme véritablement " islamiques ,, dans ia mesure oü elles ne trouvaient ar-rcun appui ni référence dans le Coran, ni véritablement, me semble-t-il. dans le haditbl . Avec sa pénétration coutumiére, Ibn Khaldñn exprime ciairement, dans la fuIuqadditua, cette di-
pouvoir se sont affrontés violemment comme lors de la fameuse révolte du Faubourg de 818. La prépondérance apDaremment incontestée du pouvoir et de ses plus majestueuses manifestations - et en premier lieu, bien sür, Madinat al.-Zahrá'- sous le califat, ne fait que dissimuler temporairement un antagonisme qui est I'un des fiis conducteurs de 1'histoire musulmane , mais qui s'exprime pelrr-érre dans le caract¿re étonnamment < laique des ins" criptions proprement ( palatines " de Madinar alZahñ' dont nous ont parlé Manuel Acién et María Antonia Martínez. Madinat al-Zahrá' est ainsi l'r-rne des expressions médiévales les plus fortes d'une structure de pouvoir dont le centre esr Ia dynastie, et I'assise Lln groupe d' . hommes de pouvoir (ridjál a/" dau,/a) dont le dévouement est asslrré par la place dans l'Etat et les bénéfices qu'ils en tirenr. Edr-rardo Manzano nous a bien montré, jusqu'á l'époque du califat, et les stratégies parfois lor-rvoyantes mises en ceuvre par la dynastie omeyyade pour assurer la succession dans une méme lignée, en ligne directe, et la consistance d'un groupe de lignages consrirué principalement par les familles des ntataáli d'ortgine orientale qu'avait déj) étudiées Mohamed Meouakl, grolrpe qr-ri constitue véritablement le < noyau dur du pouvoirt. Si l'on suit l'interpré' tation développée jusqu'ici, sur la base de la dis-
chotomie entre pouvoir politique et pouvoir religiei-rx : il est normal, écrit-il, que les légistes et les cadis soient exclus du conseil du souverain ; ils ne peuvent conseiller ce dernier que par leurs consultations juridiques, en raison de leur connaissance des lois religieuses. Mais, étant dénués de Ia'asabiya , c'est á dire de l' " esprit de corps , - rribal ) ses yeux et dans Ie Maghreb de son temps, mais qui peut étre une assise de pouvoir d'un autre type - qui donne sa force au pouvoir politique, la politique n'est pas leur domaine. 11 est cependant opportun que le pouvoi¡ leut témoigne de la considération : . l-ionorer Ies docteurs et les savants est une marqrle de bienveillance , de la part des monarques et des princes : c'est un témoignage de respect
pour l'Islam et pour les personnages religieux
"2.
On ne saurait dire plus clairement que l' Islam " " est représenté par les hommes de religion face ) un pouvoir dont le fondement n'a rien de religieux. Entre autres exemples de ces institr-rtions gouvernementales n'ayant aucun caractére islamique, on trouve l'entourage militaire du calife et
plus tard de tout souverain - Federico Corriente nous a rappelé que trois des quatre premiers califes avaient, faute de I'existence d'une garde, péri assassinés - et, bien sür, le palais. Lá encore, Ibn Khaldñn exprime clairement cette évolution : . La loi religieuse interdisait de refouler les solliciteurs, 464
tinction nette entre ridjál al-daula et ridjál a/-d?n, on souscrira volontiers á la constatation d'Eduardo Manzano d'une forte identiré des premiers, eui ne se confondraient pas ou trés peu avec les seconds, puisqu'on ne les retrouve pas dans Ies dictionnaires biographiques de savanrs qui sonr norre source primordiale pour connaitre le groupe des ridjál a/dín.IJne discussion avec Manuela Marín, qr-ri pour
sa paft a suftout porté son attention sur le second groupe, ou plutót, dans le cadre de ce colloque, sur le personnags " phare " du cadi qui Ie représente, s'est établie á ce sujet, et c'est un point qui mériterait certainement une étude plus approfondie. Déjá, sous les Omeyyades de Damas, une cer-
taine distanciation entre la capitale iniciale et les résidences du califat avait tendu á se produire. Tilo
Ulbert a ainsi évoqué l'une de ces résidences, la Rusáfa syrienne oü s'installa le dernier grand calife de la dynastie en Orient, Hishám b. 'Abd alMalik. Le méme nom, indicateur sans doute d'une continuité volontairement marquée, se retrouve, on le sait, dans une résidence de son petit-fils 'Abd al-Rahmán Ier á Cordoue, et peut-étre aussi dans une fondation disparue de son arri¿re petit-fiIs, 'Abd Aliáh a/-Balansi ) Valence". Mais c'est dans l'Orient abbasside que se dessine vraiment avec netteté le modéle " géographique " de la dualité
(mort en 996), qti est un traité sur la construction et les droits de voisinage, et soulignait l'absence de référence ) l'autorité publique. A l'extréme, des hommes de religion refusent le cadicat auquel veut les nommer le souverain, pour éviter les compromissions avec le pouvoir. Au minimum, il convient que le cadi maintienne á l'égard du souverain une vigilance critique dont un grand cadi comme
Mundhir b. Sa'id al-Ballüti, le plus connu des juges du califat de Cordoue, fournirait un bon exemplee. Lune des manifestations les plus visibles, encore aujourd'hui, du respect que le califat démontre
envers Ia religion est I'embellissement de la grande
mosquée cordouane : principalement l'extraordinaire agrandissement d'al-Hakam II dont Bernabé Cabañero nolls a présenté, dans la communication qu'il a rédigée avec Valerio Herrera, un détail remarquable avec les restes, actuellement non visibles pour Ie public, du plafond construit á ce mo-
des hommes de religion, les fuqahá'
ment et de leur trés riche décoration peinte, qui représente r-rn jalon trés important er encore mal connu d'un art décoratif omeyyade qui s'exprime
l'assise est bien
aussi dans l'épigraphie. On a mentionné plus haut
entre le cercle assez restreint des gens du pouvoir " dont le palais constitue le centre, et le groupe
",
ott'alawá' dont plutót la " ville des musulmans o
située á une distance plus ou moins grande du pa-
lais, mais toujours spatialement bien distincte de celui-ci. Les exemples d'un antagonisme visible, parfois violent - que l'on pense á la fameuse " révolte du Faubourg "' de 818 - entre les der-rx réalités sont nombreux á toutes les phases de l'histoire des premiers siécles de I'islamS.
Cette dualité ne s'exprime évidemment qu'exceptionnellement par des frictions ou des révoltes.
Manuela Marín a insisté sur la nécessité, pour Ie pouvoir omeyyade, d'une collaboration des ulémas, qu'il s'efforce d'obtenir en jouant des nominations á la magistrature supréme. Ce sont en effet ces . hommes de droit et de religion " qui font fonctionner, á travers les . magistratures " (u')láyals ott khattals), la société civile et assurent sa tranquillité. IIs sont, en al-Andalus, les gardiens d'un droit malikite plus flexible qu'on ne l'a souvent dit, comme nous l'a montré Jean-Pierre Van Staével. Mais dans le domaine de l'urbanisme dont il nous a parlé, quelle esc la part du pouvoir et celle des autorités politiques i' Dans sa th¿se sur Les usages de la uille. Discours nonnatif . babitat et clnrtrilctizil urbaine dans I'Occident mu¡ultnan tnédiéaal, il étudiait le Kitáb al-Qadá' du juriste tudélan Ibn al-Imám
celle de Madinat al-Zahrá', et Solange Ory s'est interrogée sur les origines orientales de cette " écritu¡e du cali{at ", alors que Carmen Barceló posait la question de sa diffusion dans les provinces. La
méme question de Ia diffusion de l'art cordouan dans d'éventuels ateliers provinciaux a été traitée par Patrice Cressier au sujet des chapiteaux. C'est en effet Lrne vue d'ensemble de la civilisation de i'Andalus omeyyade qu'auraient vouh-r dégager les organisateurs du colloque. D'une part l'énorme conurbation califienne, la seule ville du monde musulman du Xe siécle dont le géographe oriental Ibn Hawqal, qui l'a visitée , dit qu'elle pouvait se comparer á Bagdad, d'autre part des provinces dont la relation avec cette derniére mérite au premier chef d'étre étudiée? et nous reste assez mal connue pour la plupart de ses aspects.
Du vaste ensemble urbain qlre constituaient la vieille capitale émiraie et ses tr¿s importants faubourgs, et les villes princiéres " satellites " de Madinat al-Zahrá' et, á la fln du siécle, de Ia Madinat al-Zdhka amiride, encore plus éphémére et dont I'emplacement méme pose probléme, l'archéologie dévoile progressivement de nombreux aspects qui nous étaient jusqr-re Iá inconnus. Les
46t
vestiges les ph-rs spectaculaires par leur ampleur sont sans doute ceux de la fondation princiére des deux premiers califes, dont il apparait maintenant, comme nous l'a bien montré Antonio Vallejo avec les rés¡-rltats trés neufs des travaux archéologiques menés dans Ie Patio de los pilaru, qu'il fit au cours du siécle 1'objet d'importants réaménagements que
I'on ne coupqonnait pas jusqu'ici, et dont peutétre les campagnes ultérieures révéleront la nature exacte et les intentions. Mais en nous exposant les résultats des fouilles récentes menées á Cordoue et ) ses abords, Juan Murillo nous a bien fait voir aussi que I'on prenait progressivement conscience de bien des aspects d'un ensemble r,rrbain plus densément construit et structuré qu'on ne le pensait, slu Lrne surface pius vaste qu'on ne pouvait I'imaginer avant ces découvertes. Les cartes < optimistes > de la conurbation cordo¡-rane, qui elles aussi l'apparentent i Bagdad par la superficie " urbanisée " qu'elles font apparaitre, acquiérent de ce fait une crédibilité plus grande que celle que I'on osait leur accorder avant que ces preuves matérielies aient été mises au jour '0. On ne doute pas que d'autres p61es significatifs ne soient ultérieurement mieux éclairés par la progression des travaux archéologiques, ou éventuellement la ( relecture , de travaux anciens, comme celle que Sergio Martínez Lillo propose de la mosquée de Madinat al-Zahñ', édifice dont on peut en tout état de cause, au vu de son seul plan et de sa situation topographiqr"re, déjá faire ressortir la modestie par rapport á l'ensemble palatin qui, en quelque sorte, la domine et I'écrase. Il est évident, toutefois, que I'importance considérable de I'ensemble urbanistiqr,re cordouan ne
peut s'expliqlrer que par la concentration d'hommes, de richesses et de moyens de toute sorte, pro-
venant en définitive du territoi¡e politiquement contrólé par le califat. Lambition théoriquement universaliste de ce dernier se Iimita á la domination effective du Maroc, mais place un
il
se
mit tout de méme en
" empire " allant en principe des Pyrénées
aux portes du Sahara
de 378/988 -89 á 3L)t I I0O405 des monnaies au nom du calife de Co¡doue sont
-
- préfiguration des ensembles berbéro-andalous du XIIe siécle, á f intérieur duquel eurent lieu des échanges humains et matériels de nature diverse, dont il conviendrait sans doute de mieux cerner Ia consistance. Si les réalités frappées á Sidjilmassa
466
provinciales n'ont pas été au centre des préoccupations de ces journées, dont la perspective ne pouvait qu'étre relativement . centraliste " en raison de leur titre méme, elles n'ont tout de méme pas été absentes de nos travaux. Sans doute, le Maghreb, composante importante á maints égards de l'ensemble politique ainsi constitué - s'il ne l'avait pas été, 1es conséquences de I'importation de guerriers maghrébins sur l'évolution du califat auraient-el1es
été aussi importantes ? - n'est-il intervenu que
de fagon trés incidente, á propos de la monnaie ou des fortifications, mais on a déjá évoc1ué la ques-
tion de la diffusion provinciale des modes cali6ennes en mati¿re d'épigraphie et de taille des chrpiteaux, ilvec les contributions de Carmen Barceló, Patrice Cressier et Sabine Noack-Haley. Il n'était sans doute pas possible d'aller beaucoup plus loin dans Ia prise en considération de cette dimension
" périphériqus,, dont Vicente Salvatierra a
été
en quelque sorte ie représentant avec I'exemple de Jaén et des fouilles trés importantes de Marroquíes Bajos. On notera cependant avec intérét la prise en considération de tout I'espace anda/usí dans la trés suggestive et intéressante communication de Pedro
Gurriarán, mettant en perspective les modes de construction " califrenne r
á
travers tous les édifices
connus pouvant étre datés de cette époque.
On n'a pas oublié, d'autre part, le contexte plus général dt Dár al-Islátn avec le rappel par Ma¡ianne Barrucand, Patrice Cressier et Mourad Rammah. et lusqu'á un certain point Carolina Doménech, de di-
dll califat avec son grand adversaire fatimide. La présence en nombre significatif de piéces fatimides du XIe siécle dans les trouvailles monétaires, aussi bien dans le Sbarq a/Andalus qu'en Andalousie, semble bien témoigner indirectement de I'effondrement de la construction califienne : une fois celle-ci disparue, Ies monnaies fatimides se mettent á circuler dans tout l'espace antérieluement dominé par Cordoue. Les monnaies sont, á l'inverse, les témoins les plus directs et irrécusables de la constrlrction de l'Etat omeyyade et de sa puissance au moment de son apogée. Elles vers aspects de la confrontation
sont aussi, certainement aussi bien la sou.rce la plus
utile pour mesurer Ie degré de centralisation
de
I'Etat, qr-r'un indicateur du va-et-vient qui s'établit entre les régions et les périphéries. A travers l'étude minutieuse qu'Alberto Canto leur a consacrée, on
entrevoit en premier lieu les réalités politiques á travers les titres califiens et, avec le nom 'Atnir qur
sollventL2.
justiflait
On pourrait peut-étre dire que ce qui l'unité de l.'Utn-
au fond la dynastie , c'était
frgure á cóté des titres du calife, la mention discréte
ntd,
du pouvoir amiride. Elles traduisent sans doute
solrs son autorité, et non pas la
aussi divers problémes politiques et économiques,
ou califes eux-mémes, susceptibles d'étre critiqués. En un sens. cela résoud¡ait la contradiction relevée initialement entre Etat et religion. Les grands califats se légitiment en définitive par I'unité réalisée de la communalrté. Eux disparus, il deviendra trés dif6cile d'établir cette Iégitimité pour des pouvoirs divisés, ainsi qu'on le verra clairement sous ies tai-
qu'il appartient aux historiens numismates de décoder, armés des méthodes modernes de traitement des données dont ils disposent. Mais il est bien évi-
dent qu'avant de se livrer á trop d'interprétations - Alberto Canto l'a rappelé, en réponse á une question de ma part, s'agissant de l'énigmatiqr-re hiatus des émissions monétaires que l'on constate entre 3681978-919 et i761986-9871' - il s'agit encore surtout, pour l'instant, de faire f inventaire précis du matériel numismatique á notre disposition. Les organisateurs scientiflques de ces journées
- et
sans doute en premier
lieu Antonio Vallejo
que l'on doit féliciter pour la parfaite organisation matérielle et scientifique - n'ont certainement pas pensé qu'i1 serait possible d'établir, dans un espace de temps densément occupé mais tout de méme res-
treint, un bilan exhaustif, et encore moins définitif, de l'ét¿rt actuel des études sur Madinat aI-Zahrá' et
le caiifat. Ils ont sans doute ph-rt6t voulu marquer r-rne étape et lelrr donner une nouvelle impulsion. Dans plusieurs domaines, ce sont des études en cours, olr méme des projets, qui nous ont été présentés. Cela est évident pour tout ce qui touche á I'archéologie et méme á l'histoire de I'art. On a bien vu ) quel point il éta.it nécessaire de continuer á travailler sur des données dont l'importance qLrantitative s'accroit de jour en jour, qu'il s'agisse de ce que mettent au jour les fouilles ou de ce que révélent de nouveaux trésors monétai¡es parfois considérables, á la limite sont susceptibles á chaque instant de remettre en cause tout ce que I'on pouvait croire acquis. En mati¿re d' " écriture ), sans parler méme
qui
de l'épigraphie dont on a bien vu I'intérét, mais qr-ri s'apparente plutót aux disciplines qui viennent d'étre évoquées, Mohamed Meouak nous a rappelé que du c6té des sources textuelles Ie corpus n'était pas vraiment clos, et Bruna Soravia pour sa part, revenant quelque peu sur ce qu'elle avait pu écrire antérieurement, a présenté i-rne interprétation sugélestive de ia grande histoire d'Ibn Hayyán, comme exprimant davantage une réfiexion sur la perte de
l'unité de I'Umtta ) travers
Ia Jitna que comme le manifeste de légitimisme omeyyade qr-re l'on y voit
oLr
plus exactement de Ia djantf a d'al-Andalus
politique
des émirs
fas.
Deux remarques pour fini¡. La richesse de ce ces trois journées n'a certainement pas épuisé les qr-restions que pose le cali-
qui est apparu dans fat omeyyade.
Les ponenci¿zJ et commLrnications se sont, et c'était encore une fois logique puisqu'elles avaient pour arriére plan Madinat aL-Zahrá', centrées sur la période d'établissement et d'apogée de la dynastie, sans entrer trds avant dans les importantes transformations internes qu'elle expérimente au Xe siécle, ni dans son déclin et sa disparition.
Ainsi Mohamed Meouak a-t-il fáit observer au cours des débats qu'un fait important comme l'ascension et le róle des Saqáliba, ridjál al-daula par excellence, si présents á Madinat al-Zahrá' et dans
l'économie étatique des derniers temps du califat, méritait certainement de ne pas étre oublié. J'ai évoqué aussi plus haut les dimensions maghrébines de Ia construction politique omeyyade, qui sont restées quelque peu en dehors de nos perspectives. Lépoque amiride, puis la crise aigüe du califat dans lcs années lO09-l0jl. pourraient ainsi cerrainement faire l'objec d'autres réunions. Sans doute s'éloigne-t-on alors de l'époque dominée par la puissance et l'éclat de Madinat alZahrá'. Mais on ne s'éloigne pas de 1a problématique fondamentale des constructions politiques musulmanes des Xe-XIe siécles, oü s'épanouissent, puis disparaissent, les grands califats d'Occident, dont Madinat al-Zahñ' est le plus brillant témoignage, et de trés loin le mieux mis en valeur, mais pas le seul. Patrice Cressier et Mourad Rammah nolrs ont présenté le site presque exactement paralléle quant á sa chronologie, á son ampleur spatiale, et á ses fonctions, de Sabra Mansüriya, la ville califienne des Fatimides construite á la périphérie de Kairouan. A la faveur des fouilles qui viennent d'y reprendre , on
+o/
pouvait envisager un ambitieux programme médi-
sation incontr6lée, de graves menaces de destrucrion
terranéen associant les chercheurs de plusieurs pays autour de l'étude de ces grands ensembles princiers
pésent malheureusement sur ce site
et de leur signification dans l'histoire du monde musulman. Madinat al-Zahrá' et les chercheurs qui en ont la responsabilité auraient évidemment eu un r6le
moteur dans un tel projet. En raison d'une urbani-
468
" frére "
quelque sorte de Mad?nat al-Zahñ'. P1ut6t que sur ces derniéres, on s'arrétera sur l'idée de ces perspectives d'avenir, dont on ne peut qu'espérer qu'elles puissent se réaliser un jour. en
NOTES cer ) étre fouillés, comme l'a indiqué Juan Murillo ; en peu d'endrc¡its on peut espérer disposer cl'infb¡mations archéolo-
Je risque peut étre hátivement cette afhrrnation, qui mérite rait certainement une discussion bien plus approfondie. Sur cc vcrsant n lalque
il me
"
des constructions politiques musulma
giques aussi bien datées sur la période émirale. Je ne dévclopperai évidemmert f¿5 re poinr ici, mars je me
semble clue Jocelyne Dakhlia fournit, dans son Dit'¿n de¡ ill.r (Paris, 1998), une réflexion intércssante. Elle nes,
parle d'une
. dimension
sultanienne
"
des cultures
qucs musulmanes, dimension qui, trjoute-t-elle,
"
permettrai de renvoycr i une contribution intitulée . Du tldrr úrbaln i Ia rudína palatine ,, i parraitre dans Ie volume des actes d'un colloque snr Le paldit dans la ti//e qui devrait
politi-
n a guére
perception ordianire que l'on a communément de l'islam hors de ses frontiércs, mais aussi, fiéquemment, iL I'intérieur de celles-ci ,' (pp. 31-32. Il exis-
paraitre prochainement aux P¡esses Universitaires cle Lyon.
¡ait
évoqué la figrLre, on pourra voir les quelques pages que lui
eu dc répcrcussions sur
iL
ses
lar
yeux, dans I'Islam ancien,
"
Sur ce grand
c¿rcli cle
ne berbére, mort cn
des fcrrmes icléologiques
Co¡doue de'Abcl al-ltahmán III, d'origi!66, dont Manuela Marín a évidemment
clc séparation du religieux et du politrque, des ibrmulations
consacre E. Lévi-ProvenE¿l d¿ns sa classicluc Histoire dc /'Eqta
e-rhéologiclues du lien politiquc, auxquelles les historiens
gne mmtrhnaw
ont concédé une place trop restrictive... Ces traditions politiques sultaniennes sont dllns !ettc ¡ers¡ecrive circonscrites dans le temps. Schématiquement, les lloraisons mécliévales
"
man aux premiers siécles cle leur histoire. Une hypothése récente,, dans Geaise de la ui/le i.rlaniqru n ¿tl-And¿t/as el at llaghreb, actes réunis par P Cressier et M. Garcíar-Arenal, Madrid, Casa dc Vclázquez et CSIC, 1998, p ,1/1, et su¡tout ) la synthése sur Cordouc de Manuel ACIEN et Antonio VALLEJO, dans: Graude.¡ ú//e.r níditerr¡níew¡es du nonda nt¡t salnan nídiíul (J.-Cl. Garcin dir.), Ecole Franqaise de Rome, Romc, 2000, pp. I I 7-1 3,i, et les bonnes cartes comparatives
miroirs des princcs, aux VIIIe-IXe siécles ou aux XIesiécles, en représentent l rpogée (pp. 2t-25t. De ee laicisme " " politique de l'islam ancien, le mot al-nilk, sr fréquent sur les épigraphies omeyyades, serait il I'expresdes
XIie
sion
?
IBN KHALDUN,
Di.¡conr.¡ .¡w /'bi.¡toire utitersel/¿ (.alMuqaddima), trad. Vincent Monteil, t. I, Beyroutir, lr)61 ,p.
44)
données en annexc de cet ouvrage.
lbitl., p.
187
L1
.
Mohamcd MEOU AK. P orruir soat,tr¿tin. adnini-¡tratian ceillrd le et íüte.¡ poliüqae: dans / E.rpagne nnullade (lIe-lVelVllI*Xt .r¡Jrl¿r),
.
cles
sion d'al-Mansür, en raison de I'exacte coincidence chronologiqne des deux faits (P GUICHARD, De la expans)ón árabe a
clients omeyyades, principaux soutiens
cie lar clynarstie jusqu'eru
la Recanqntsta, Esplndor 1 Jragilidad de al-Andalur, Grcnacle, El Legado andaiusí, 2002, pp. I 1 0 et 28,i), Voir aussi, pour ur décompte plus exact, Rafáel FROCHOSO SANCHEZ, L¿il iltltrcdas califale.r de rcca al-And¿las 1' Aladinat il-7,ahrá' J 16-40 3 H,1928- 101 3 J.C. , Cordoue, 1996, pp. 69-71 et les
milieu du Xe siécle, apparait dés son
origine lors cic I'avénement au pouvoir de l'émir'Abd
al
R¿rhmán Ier. Peu dc tcxtcs montrent ¿lvec au¡ant d'évidence ses contolrrs que Ie p¿ssage
Htryyán relatrf
)
du volrrme III lhqtabis c|Ibn émir'Abd Alláh
i'accession ¿u polrvoir cle I
cn il88 (éd. Antuña, Pa¡is, 1 937, pp 1 -3). Sur ces deux Rusáfa, voir E. LEVI-PROVENQAL, Histoire
J'ar été tenté en effet dc met¡re ce vide ou quasi vide numismatique su¡prenanti e¡ totalement insolite par rapport á la périocle du califat d¿ns son ensemble, en rapport avec i'¿scen-
Helsinki, 1999.
Ce o noyau dur
/'
(pp. 119-141 du t. III, Paris, rééd. 1999).
10 Je renverrai sur cc point aux schémas qui accompagnent mon article sLrr Les vllles cl'al-Andalus et de l'Occident musul-
table¿rux correspondants.
t2 Voir porrr la premiire interprétation : Bruna SORAVIA, " Ibn Hayyíin, historien du siécle cles taifás. Une relecture de Dhakh?ra, 1 2, 57 3 602 ", Al-Qantara,XX, 1999, fasc. l, p.
de
E:pagw nurn lnaue, I, pp. 1 15-1 36. tout i fait intéressant que les vestiges.les habitations
I1 est
de ce faubourg méridional de Cordoue aient pu commcn-
101
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