Rapport sur des conférences liées à la planification urbaine Modérées par Mme Saloua Ferjani
Séminaire architecture et règlement de l’aménagement MEHDI BEN TEMESSEK G11 2017/2018
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Sommaire
‘’PAYSAGES URBAINS DE LA TUNISIE’’ Jalel Abdelkefi – 1heure
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‘’APPORT DU PROJET DU CODE DE L’URBANISME ‘’ Mahmoud Gdoura – 1heure
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‘’LA PLANIFICATION URBAINE STRATEGIQUE ET LA GOUVERNANCE LOCALE - APPROCHE CONCEPTUELLE ET PRATIQUES’’ Henda Gafsi – 30 min P.7 ‘’LA REVISION DU CATU DANS LE CADRE DE LA DECENTRALISATION’’ RAOUDA BEL ARBI – 1 Heure
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CONCLUSION ET AVIS PERSONNEL
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ANNEXES
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‘’PAYSAGES URBAINS DE LA TUNISIE’’ – Jalel Abdelkefi – 1heure Un architecte-paysagiste et urbaniste tunisien travaillant auparavant aux services techniques de la municipalité de Tunis Il publie à partir des années 1980 des thèses, ouvrages et livres sur l'architecture, l'histoire et l'urbanisme en Tunisie et dans le monde arabe. Un des fondateurs de l’Association Tunisienne des Urbanistes (ATU). Auteur de plusieurs études urbaines, des plans d’aménagements et des plans d’aménagement de détail dont le projet du Lac. Son intervention est un regard posé sur la question de la planification urbaine, en Tunisie en l’occurrence. Il dresse les problèmes engendrés par les plans d’aménagement en introduisant ses propos par deux questions : ‘’Quels sont les enjeux et les acteurs se rapportant à la planification urbaine ? Existet-il une réelle collaboration ?’’ Urbanisation? Urbanisme? Urbaniste? Ces notions analogues viennent en aval de la remarque du conférencier portant sur l’amalgame et la confusion qui subsistent entre le métier d’architecte, celui du paysagiste et de l’urbaniste. Il insiste sur le fait que ce sont bien trois métiers distincts, trois disciplines différentes relevant ainsi de trois réalités complémentaires. Il précise que la question de l’urbanisme n’est pas récente mais que c’est sa théorisation ne remonte qu’au milieu du 19ème siècle. Ce phénomène vient légitimer l’extension de l’espace habitable, qualifier les pratiques de l’aménagement des villes et désigner les professionnels spécialistes. L’origine et l’étymologie de ces mots n’est pas fortuite. En effet, ils ont été formulés en 1867 pour la première fois par le théoricien, urbaniste et architecte espagnol Ildefonso Cerdà dans son manuscrit la teoria general de la urbanizacion et ce pour justifier sa proposition du plan d’extension de la ville de Barcelone de 1859. Selon Jalel Abdelkefi, l’urbanisme ‘’désigne le phénomène de concentration croissante des populations dans les villes (autrefois) et dans les agglomérations urbaines (aujourd’hui)’’. Il a ensuite définit l’urbanisme qui est ‘’une discipline autonome définie alternativement comme science, art et technique de l’organisation spatiale des établissements humains’’. Quant à l’urbaniste, il désigne ’’le spécialiste de l’urbanisme; de la pratique de l’aménagement des villes’’. Afin d’étayer ces nuances, Abdelkefi explicite l’évolution typomorphologique de la ville de Barcelone depuis qu’elle était une cité médiévale jusqu’à ce qu’elle devienne une agglomération urbaine de grande envergure. Il a souhaité ainsi attirer notre attention sur l’importance du travail d’équipes et la collaboration interdisciplinaire en ayant toujours la concertation et le commun accord en ligne de mire. La Tunisie entre 1885 et 1981 Le conférencier a porté la suite de son intervention sur les quelques acteurs participant dans le paysage urbain tunisien et plus particulièrement dans les stratégies et les formes urbaines de la ville de Tunis. Cette ancienne régence beylicale s’est développée de part et d’autre de son enceinte protectrice. A cet égard, nous pourrons citer la direction des travaux publics (DTP) créée en 1885 menée par des ingénieurs des ponts et chaussées remplacée par la SETPH ; Secrétariat d’Etat aux Travaux Publics et à l’Habitat et l’ATU ; Association Tunisienne des Urbanistes. Afin de mieux saisir l’intervention, Jalel Abdelkefi a jugé bon d’opter pour une démarche pragmatique et une explication figurée par des cartes qui retrace l’histoire de la ville de Tunis. Il dira même qu’’après l’indépendance chaque plan a son histoire politique et syndicale.’’ De prime à bord, il décrit une médina organique préindustrielle, précapitaliste et précoloniale du début du 19ème siècle. Elle se compose d’un noyau central originel et de deux faubourgs, le tout couvrant une surface de près de 270 ha. Cet urbanisme qualifié d’organique manifeste sa propre logique avec la centralité de la mosquée, d’un assemblage en grappe et de chemins d’accès résiduels avec une attention particulière à la notion d’intimité. Même l’extension de la médina se faisait d’une manière intramuros sans schémas préétablis. Cette expansion va de pair avec une interculturalité et une mixité sociale et religieuse éminente surtout que plus de la moitié de la population urbaine de la régence de Tunis habite la capitale. Avec l’avènement du protectorat français, le quartier franc déjà constitué par les maltais et les italiens se développe le long de l’avenue de la Marine ou Jules Ferry et les anciens égouts des vergers se transforme en avenues et rues. On essayait même de remblayer un sol marécageux pour faire naître une nouvelle ville et pallier à la limité physique contraignante. Selon la structure urbaine de Tunis en 1890, on fit édifier l’infrastructure ferroviaire, portuaire et industrielle comme aboutissement de l’axe Est Ouest du centre-ville. Abdelkefi qualifie ce geste et ce choix par une ‘’contre-performance’’ et une ‘’hérésie technique’’ qui ne dénote d’aucune vision prospective de la ville sachant que cette même
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structure se retrouve transférée à la Goulette quelques années plus tard. En 1920, plusieurs projets d’aménagements, d’embellissements et d’extension de la ville de Tunis commence à prendre forme dont celui de Victor Valensi. Cet architecte urbaniste italien théorise la valeur historique de la ville et essaie par sa proposition d’alléger son quadrillage systématique en avançant une urbanisation ouverte de faible densité tout en adoptant une approche sensible au noyau historique. Il décide de remplacer le cimetière juif par un jardin sur lequel donne l’hôtel de ville, encourage le transport public raccordant les périphéries au centre, aménage le versant ouest de Tunis en parc et multiplie la vue sur le lac. Son intention la plus majeure est le fait de dédoubler l’axe de l’actuelle avenue de Habib Bourguiba et d’avancer l’idée de piétonnisation. Cependant en 1935, un autre plan a été adopté et heureusement pas complètement réalisé car on prévoyait de traverser la médina par des voies véhiculaires et de reloger des habitants. En 1945, c’était la première fois qu’on parlait de la région de Tunis et d’urbanisme intercommunal. Une pensée menée par Bernard Zehrfuss en préconisant un dispositif d’organisation du territoire sur différentes phases et non pas celle des voiries. En 1948, le principe de gros plan est énoncé par l’architecte Deloge en dressant un plan directeur d’aménagement de toute la zone s’étendant de Raoued jusqu’à Hammam-Lif au biais de voies intercommunales et de nouvelles collectivités. Si nous saluons cette attitude et cette posture de prise de recul, nous devons déplorer le retour au plan des zones de Berlanger en 1954 se conformant au périmètre communal s’élevant au rang de document normatif.
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‘’APPORT DU PROJET DU CODE DE L’URBANISME– Mahmoud Gdoura – 1heure Urbaniste et ex-Directeur Général de l’Habitat puis ex-Directeur Général de l’Urbanisme au Ministère de l’Equipement et de l’Habitat. Expert auprès des nations Unis, consultant en urbanisme et en planification. Il a participé à différentes journées d’études et colloques scientifiques sur les thèmes de l’habitat, la réglementation urbaine et récemment le projet de révision du CATU. La conférence porte essentiellement sur le degré de pertinence de la réforme du CATU actuel préalablement adopté en 1994. Pour se faire, il suit une approche didactique et comparative relevant à la fois des textes règlementaires en vigueur et ceux projetés. Afin de mieux appréhender la chose, il a jugé bon de rappeler en première instance les principes de base en matière de planification urbaine et plus particulièrement les instruments employés à cet effet. Limites du CATU de 1994? ‘’Les temps changent et les nos villes aussi’’. C’est dans cet état d’esprit que le conférencier entame son intervention en insistant sur le fait que le CATU actuel, qui régit tout ce qui se rapporte à la planification urbaine sur différentes échelles, est bien dépassé par la situation. Il dresse ainsi des constats préliminaires sur le document de référence en question lui servant par la suite dans son argumentation du nouveau projet proposé du CATU. Il évoque une inadaptation des instruments d’urbanisme actuels au rythme et aux besoins de l’urbanisation, une inefficience des SDA, PAU et PAD pour planifier et gérer l’intercommunalité, les grands projets urbains et le patrimoine ancien. Il avance aussi la faible application des documents d’urbanisme comme celle du PAU qui ne dépasse même pas le quart dans certaines situations. A cet égard, Gdoura vient expliciter la nuance entre la notion d’applicabilité et celle de l’application en précisant que la première vient en amont de la sortie du plan d’aménagement. Il ajoute que la planification est souvent entreprise sur une vue aérienne servant de fond de plan. Néanmoins, cette méthodologie de travail est en décalage par rapport à l’occupation du sol qui peut se faire durant la phase d’élaboration. C’est bien ces deux maillons de la chaîne qui manquent manifestement au domaine de l’urbanisme en Tunisie. A titre d’explication, le conférencier prend du recul en pointant du doigt la centralisation excessive des instruments, la faible participation des acteurs locaux et l’insuffisance voire l’absence de l’assistance technique locale. De ce fait, et dans ce cadre de constats négatifs sur le CATU, il est indéniable qu’une réforme s’impose. Instruments de planification urbaine en Tunisie Gdoura met en exergue la catégorisation de ces outils en les qualifiant de stratégique, règlementaire et opérationnel. En premier lieu, il invoque le SDA comme instrument de prédilection de la planification stratégique non opposable aux tiers. Par la suite, nous avons le PAU qui est opposable aux tiers vu qu’il indique les prescriptions d’utilisation des sols. Pour finir, nous considérons le PIF, le PAD et plan de lotissement qui ont des enjeux plus pragmatiques et plus opérationnels. Il vient ainsi remettre les pendules à l’heure et rappeler la hiérarchisation existante des outils.
Lecture critique de la révision du CATU C’est après cette longue introduction, qui est à mon sens tant bien que mal nécessaire, que le conférencier entre dans le vif du sujet: Le projet de révision du CATU. Il présente d’emblée la conjoncture de ce projet en mettant l’accent sur le rôle de la révolution de 2011 comme catalyseur. En effet, la révision du CATU a démarré dès le lendemain portant quelques résultats deux années plus tard avec la présentation de quelques nouveaux articles. Ce n’est qu’au mois de décembre 2015 que le premier projet de refonte totale du CATU a été proposé suivi par un second projet en octobre 2016. Et c’est à partir de ce nouveau code de l’urbanisme que Gdoura a pu établir son approche comparative sous forme de tableau qui reprend chaque instrument de planification ainsi que les structures consultatives dans leurs deux manifestions ; actuelle (CATU 1994) et future. Cette manière, exhaustive mais synthétique, de présenter les choses nous montre bien la révision des dénominations et l’introduction de nouveaux outils. A titre d’exemples, le SDA, le PAU, le PAD deviennent respectivement le SDAD, le PDUC et le PDUC concerté/ différé. Ces changements soulignent la notion de développement sur des échelles territoriales,
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communales et de détail. Quant aux nouveaux outils, on peut citer le PDUS (plan de développement urbain communal simplifié), le PP (plan de protection), le VN (ville nouvelle), le GPU (grands projets urbains), opération urbaine d’ensemble et le lotissement informel. Ces nouvelles propositions viendront apporter une assise règlementaire législative à de nouveaux besoins. De plus, il indique la constitution des nouvelles structures consultatives à savoir le comité interministériel des villes nouvelles et les nouvelles institutions telles que l’agence d’A.T.U. et l’agence de gestion et de maîtrise foncière. En ce qui concerne sa lecture critique, Gdoura remet en question certaines propositions. Il démontre la contradiction entre le plan de développement urbain intercommunal –PDUI- et le PAU ou futur PDUC en précisant que le premier outil ne dispense pas les communes de faire leur propre PAU. Il salue en contrepartie la prise de conscience de l’importante de la concertation et la collaboration intercommunale dans la planification. Il déplore aussi la même procédure de préparation et d’approbation du PAU et le PDUS qui est censée être plus simplifiée et donc moins lente. Par ailleurs, il juge aberrant le double emploi du plan de protection – PP- et le plan de sauvegarde et de mise en valeur –PSMV. En dernier lieu, il condamne l’inspiration adoptée pour l’élaboration de nouveaux outils jugée non concluante comme c’est le cas en Algérie, au Maroc et même en Europe. Il finira par admettre que ces modifications sont inutiles voire contraignantes pour les collectivités locales vu que le fond du problème est au niveau de l’application. Figurez-vous qu’en 20 ans, seulement 22 textes d’application sur 24 sont sortis ce qui dénote d’un décalage manifeste entre les délais règlementaires et effectifs. Serait-il de même pour les 55 textes d’application proposés par le nouveau projet du code? En somme, Mahmoud Gdoura dénonce l’amalgame d’instruments et d’échelles de planification jugés inappropriés ainsi que la tendance prépondérante de centralisation surtout au niveau des grands projets urbains. Même si la nouvelle proposition accorde plus de compétences aux collectivités locales, elle les dispense de précisions quant aux délais, aux ressources voire la définition même de ces compétences. ‘’ Ces instruments d’urbanisme façonnent-ils à eux seuls la ville ou bien c’est aussi le rôle des acteurs?’’ Il qualifie la révision du CATU par un projet trop ambitieux entaché de plusieurs lacunes et aspirant à des besoins plus éminents ayant une assise plus réelle et effective à l’instar de l’impact des technologies intelligentes et des énergies renouvelables sur le développement des villes. Ainsi, il revendique la nécessité de changer la manière d’aborder la chose sans pour autant s’affairer à la refonte totale du CATU actuel. Selon lui, il suffit d’une part de réviser certains articles, de mettre le CATU en conformité avec la nouvelle constitution et le nouveau code des collectivités locales et d’autre part de sortir du cadre législatif et de voir les choses d’une manière plus effective et opérationnelle.
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‘’LA PLANIFICATION URBAINE STRATEGIQUE ET LA GOUVERNANCE LOCALE - APPROCHE CONCEPTUELLE ET PRATIQUES’’ – Henda Gafsi – 30 min Actuellement experte sénior CILG-VNG International (le centre international de développement pour la gouvernance locale innovante avec sa filière en Tunisie), elle a passé dix ans de sa carrière d’urbaniste dans le district de Tunis qui est aujourd’hui disparu. Elle œuvre à présent comme consultante pour le développement local sur un schéma de politique durable. Afin de définir une suite logique de son intervention, la conférencière part d’un constat actuel quant à la planification urbaine en Tunisie et de par le monde, nous introduit la notion de gouvernance locale comme réponse aux enjeux actuels pour répondre à deux questions : ‘’Quelles pistes ouvrir en priorité pour une meilleure contribution de la planification urbaine stratégique à la gouvernance locale ? Quelle contribution de la CILG-VNG International ?’’ Etat des lieux Henda Gafsi affirme bien l’éminence du phénomène d’urbanisation en opposant la théorie aux pratiques urbaines. En effet, le monde de nos jours est de plus en plus urbain ou urbanisé et c’est au sein des villes que 80% de la richesse est produite. Elle insiste aussi sur le fait que ce cadre urbain est ‘’depuis toujours le creuset de la civilisation et de l’innovation.’’ Ce qui sous-entend la notion de changement. C’est bel et bien dans cette situation charnière de transition que la Tunisie s’inscrit actuellement. Après le soulèvement populaire de 2011, les aspirations des citadins voire des citoyens à la démocratie et à la participation s’intensifient à coup d’associations et de manifestations en tous genres par analogie au mouvement de décentralisation en marche partout dans le monde. Ceci est corroboré davantage par la municipalisation totale du territoire tunisien qui n’était que de l’ordre de 9% quelques années auparavant. Toutefois, et dans le cadre de cette situation de flottement législatif et de non élection des conseils municipaux, ces institutions locales perdent de la légitimité et se trouvent en marge des nouveaux enjeux; des disparités sur tous les plans aussi bien sociales que spatiales accentuées par le problème de chômage, de mobilité, d’équipement et de disfonctionnement des centres urbains. On parle d’hypercentres et pourtant ils perdent de leur vitalité faute d’une mauvaise distribution fonctionnelle et d’une tertiarisation de l’espace. Gafsi extrapole ces constatations en questionnant l’identité de nos villes avec une stratégie de planification centralisée et tournant le dos aux spécificités locales. Ainsi la décision urbaine est forcément centralisée vu l’insuffisance des ressources des municipalités en matière de technicité et de financement opposée à l’ampleur des problèmes énoncés. Même les sociétés civiles existantes se rapportent essentiellement au patrimoine, au social et à la citoyenneté mais sûrement pas à l’urbanisme. Planification urbaine 2.0 en Tunisie ? La conférencière soulève la question de la planification urbaine dans une conjoncture actuelle; celle du développement durable portant à la fois sur le social, l’environnemental et l’économique. A cet égard, elle revendique la nécessité de l’inscrire dans un leadership local dans une optique stratégique, prospective, participative, durable et multidimensionnelle. Tant de qualificatifs afin d’introduire l’idée de la gouvernance locale. Certes les outils actuels de planification urbaine accordent une part au principe de consensus par le biais d’instruments opposables aux tiers mais cette part est infime sur le plan pratique. Selon Henda Gafsi, il faudrait appréhender la ville dans toutes ses dimensions multisectorielles et multiacteurs en étant attentif aux droits des citoyens à la ville et aux droits des villes sur ses citadins. Ceci s’illustre bien par le principe de décentralisation paru dans la nouvelle constitution au niveau de l’article 129. Cette bonne initiative, étant ramenée à la réalité des choses, n’est pas évidente à employer. En effet, le territoire communal est à dominante rurale et non agglomérée, et par conséquent, il faudrait mettre en place une synergie entre le code de l’urbanisme, le code des eaux,…. De plus, le découpage administratif et le montage institutionnel sont inachevés surtout au niveau des instances métropolitaines et régionales et les agences urbaines. Même le district de Tunis a fini par disparaître en dépit des prérogatives et des initiatives d’aménagement régional du grand Tunis. A cela s’ajoute le lourd handicap que subissent les communes dépourvues de ressources techniques et financières suffisantes afin de mener à bien la gouvernance locale.
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La gouvernance locale : mode d’emploi Henda Gafsi avance à cet égard que ‘’la question qu’il faut se poser est comment gérer au mieux nos villes et non pas juste les gérer.’’ En réponse à cette problématique, elle nous donne certaines pistes à envisager en vue d’aboutir à une planification urbaine concertée et gérée localement dans une prospective de développement durable. Nous devrons travailler sur la définition du statut et la politique inhérente à chaque ville, sur une stratégie d’aménagement et de développement de l’espace urbain et sur une réflexion collective sur les nouveaux outils d’aménagement urbain avant de réviser les textes. Pour se faire, la conférencière stipule qu’une bonne base de recherche et d’étude devrait précéder la phase interventionnelle. Cette étude peut s’inscrire dans le cadre d’un diagnostic ou d’un audit urbain portant sur l’état des villes. Il faudrait aussi partir des statistiques locales, des témoignages concrets à travers des interviews, des entrevues et des réunions. A la fin de cette étape, nous serons en droit d’aboutir à une charte de ville ; une sorte de contrat social, qui vient formuler les principes du vivre-ensemble, la vision de la ville à court, moyen et long terme ainsi que les contours de la stratégie de la ville du futur. Un plan de redressement et de mise à niveau des municipalités serait apprécié. Par ailleurs, et toujours selon Gafsi, il pourrait exister des instruments de planification urbaine stratégique comme le SDV (stratégie de développement local) au service du pouvoir local et du projet d’agglomération. Elle favorisera la participation des jeunes et des femmes avec la société civile, la réflexion par rapport aux quartiers et les populations défavorisées et à terme renforcer le principe d’intercommunalité. ‘’Mais existent-ils un cadre législatif à ce beau discours ? Et quelles seraient les plateformes à envisager dans le cadre de ces développements croisés ?’’ C’est bien le rôle de la CILC-VNG International qui apporte une contribution significative au renforcement de la planification urbaine stratégique et de la gouvernance territoriale et locale. Cette association internationale d’associations municipales travaille sur une analyse critique des textes législatifs et du projet de code de l’urbanisme. Elle propose des sessions de formation à la planification d’une vingtaine de villes tunisiennes et libyennes. Elle met l’accent sur la notion de charte de ville à l’initiative des associations ou en collaboration avec des associations de la société civile. Ces chartes devront être à portée générale ou spécifique aux jeunes ou à l’environnement par exemple. Actuellement, elle serait en pleine discussion sur l’élaboration de stratégies de développement économique de la ville de Béja et de Sidi Bouzid. Débat post-conférence Question : Quelle est le degré de responsabilité de l’Etat dans le cadre de la gestion optimale des villes même sans s’appuyer sur le principe de la gouvernance locale compte tenu du fait que les citoyens payent leurs impôts pour s’assurer d’une bonne qualité de vie ? Réponse : La participation n’est pas seulement qu’un partage de pouvoirs mais c’est aussi des règles de participation avec des compétences et des champs d’intervention relatifs à chacun. Actuellement, l’Etat essaie de demander l’avis des citoyens sur 10% des projets envisagés. Certes cette estimation est loin de justifier la gouvernance locale mais c’est en droit de changer. Question : Quels sont les outils des chartes ? Existe-il un modèle de charte à adopter ? Réponse : La charte de ville est un document de référence. C’est une sorte d’accord de principes généraux et consensuels. Il faudrait se focaliser sur le fait de pouvoir rassembler les gens autour d’une situation donnée et d’expliquer, une fois pour toute, les prérogatives de la municipalité. ‘’Là où il y a eu un projet participatif, le recouvrement de taxe a augmenté.’’ Ainsi, les chartes dressent des valeurs à véhiculer afin d’esquisser les grandes lignes de la ville de demain relatives aux ambitions communes.
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‘’LA REVISION DU CATU DANS LE CADRE DE LA DECENTRALISATION’’ – RAOUDA BEL ARBI – 1 Heure Actuellement directrice générale de l’urbanisme au ministère de l’équipement et de l’habitat La conférencière vient souligner les axes et la philosophie sous-jacents de la réforme du CATU de 1994 tout en partant d’un constat éminent de la question de la planification urbaine en Tunisie et en dressant les problématiques dégagées à partir des nouveaux enjeux auxquels nous faisons face. Elle inscrit son intervention dans ces interrogations : Comment avoir une approche anticipative pour une vision prospective? Comment accorder plus d’importance à la qualité de la ville et à sa cohérence ? Etat des lieux Raouda Bel Arbi entame son discours en dressant un bilan sur la situation actuelle. En effet, elle condamne le déséquilibre régional et l’inégalité de la répartition des richesses. De plus, elle déplore l’envahissement de l’habitat anarchique entrainé par l’échec de la politique de l’aménagement et la rigidité des instruments de la planification dans un décor de spéculation foncière à outrance. Ceci s’explique davantage avec le non-respect des outils d’aménagement étant donné la lenteur des procédures de révision qui peuvent durer jusqu’à 8 ans voire 40 ans comme l’approbation du PAU de Hammamet. Outres ces lacunes relevant de la responsabilité de l’Etat, nous assistons de nos jours à une faible implication des différents acteurs et de la société civile dans l’aménagement des villes ce qui nous amène à replonger dans l’idée de la centralisation et de l’approche linéaire, sectorielle et non interactive loin de toute vision participative opérationnelle et conceptuelle. Ces acteurs peuvent pourtant révéler au grand jour l’élargissement du fossé entre les documents théoriques d’urbanisme et les réalités observées. Un suivi au quotidien des agissements entrepris montre combien nos villes ont perdu de leur valeur et de leurs identités respectives à défaut d’une image urbaine forte et d’une spécification des procédures. Il explique aussi l’absence de maîtrise de l’étalement urbain et la prolifération de l’habitat anarchique. Par conséquent, Bel Arbi nous explique la répercussion sur la qualité environnementale des villes et des retards dans la production de l’habitat qui restent en marge des innovations technologiques. La réforme du CATU ‘’Planifier, c’est prévoir l’avenir et non rattraper ce qui a été fait.’’ Aujourd’hui et en Tunisie, tous les efforts sont reconduits dans la réintégration des constructions anarchiques dans le circuit de la planification urbaine. Ceci s’apparente donc à une politique de rattrapage et non d’anticipation comme le préconise les nouveaux enjeux. En effet, dans un contexte de mondialisation, les villes sont en concurrence permanente sur la question de la durabilité, de l’équité sociale et du développement économique. Ceci s’est amorcé par la simplification des procédures et du cadre législatif en considérant la ville comme une entité dynamique et complexe. C’est bien dans cette conjoncture que la réforme du CATU de 1994 s’installe. La conférencière déclare que les axes de cette dernière tendent vers la notion de la ville décentralisée, transversale et multisectorielle. Le futur code de l’urbanisme prendra forme à partir de la révision des documents et du cadre général de planification et de l’étude des possibilités de financement ainsi que les éventuels partenariats entre le public et le privé. Cette philosophie se prolonge dans la volonté de dépasser le système du simple zoning actuel vers un projet plus pertinent de l’urbain et de la ville. Le PAU ou futur PDUC n’est pas un outil d’attribution des autorisations de bâtir et n’est pas simplement pensé sur fond de carte sans aucune assise réelle. Il est bel et bien porteur de potentialités s’il est réfléchi d’une manière plus consensuelle et effective. Pour se faire, Bel Arbi juge bon d’y intégrer la question de la gestion des déchets, celle du transport et des eaux sans tourner le dos aux villes ou aux communes voisines. C’est pourquoi elle vient étayer ses propos par la formulation du plan de développement intercommunal. Ce nouvel instrument servirait à coordonner la planification territoriale entre plusieurs communes et à optimiser les politiques publiques pour des programmes de développements locaux et une mise en cohérence des opérations sectorielles. Tandis que le PAU se requalifiera par le plan de développement urbain communal qui ne se substituerait pas au plan précédemment cité mais viendrait en complément plus détaillé et spécifique. Dans la vision de la réforme du CATU, c’est outil anciennement employé pour réguler l’occupation du sol serait plus évolutif et flexible en fonction du contexte socio-économique et aux programmes d’investissements. Une attention particulière serait portée sur les centres historiques et les constructions existantes tout en réservant des ‘’zones stratégiques’’ permettant l’insertion de futurs ‘’projets urbains’’ et les zones péri-urbaines.
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Toutefois, ces bonnes intentions demeureront utopistes s’il n’y a pas de suivi du degré d’application du PDUC. Il faudrait, qu’en plus des institutions de l’Etat, les autres acteurs de la ville et plus particulièrement ses habitants veillent à cela. Leur rôle serait plus indispensable à l’élaboration des projets urbains multidimensionnels. Ces derniers dénotent d’un mode de production de l’espace urbain, initiés par des investissements portant un intérêt à l’architecture, à la forme urbaine et à la planification. En dernier lieu, Raouda EL Gabsi vient expliquer un nouvel outil de planification urbaine à savoir la ville nouvelle –VN- qui serait considérée comme une réponse judicieuse globale allégeant la pression sur les tissus urbains existants. La création de ces villes sera le résultat d’études approfondies sur le choix des sites potentiels et sur la viabilité et la faisabilité des projets compte tenu des paramètres extrarégionaux et les connexions aux centres urbains existants. Le projet urbain, au même titre que les villes nouvelles, pourrait s’assimiler à une opération d’ensemble qui est la réalisation d’un programme résidentiel, touristique ou industriel intégrant des équipements publics et privés. Cette approche vise à aboutir à une cohérence des typologies et à une unité des entités urbaines polyfonctionnelles en se focalisant sur la qualité de vie des futurs occupants de l’espace. De ce fait, la conférencière félicite la réforme du CATU actuel pour son apport à une planification intégrée, concertée et durable venant en réponse à des enjeux complexes de renouvellement urbain.
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Conclusion et avis personnel
Au travers des conférences, nous pourrons s’accorder sur le fait que la question de la planification urbaine est toujours d’actualité vu que la plupart du territoire est d’ores et déjà urbanisé. Cette problématique s’inscrit de plain-pied dans notre conjoncture actuelle; celle de la nouvelle constitution et du nouveau souffle dont notre pays jouit à présent. C’est bel et bien l’opportunité rêvée pour faire changer les choses. Toutefois, il faudrait se poser les bonnes questions afin de pallier aux problématiques actuelles de l’ordre de la spéculation foncière, des constructions anarchiques et du décalage entre l’offre et la demande sur différentes échelles. Pour se faire, les conférenciers d’une manière synthétique oscillent entre les instruments stratégiques, règlementaires et opérationnels ainsi que les acteurs à prendre en compte lors de l’étude et le suivi de la planification urbaine. Cette dernière se veut plus prospective et participative. Et c’est bel et bien à ce niveau que réside tout le problème à mon sens. Certes, aujourd’hui tout est discutable mais c’est les modalités de ce beau discours qui sont à remettre en cause voire le cas échéant à créer. En effet, il ne faut pas s’attendre à ce que les résultats d’une telle démarche plus décentralisée se fassent ressentir à court terme. C’est après des efforts et de l’Etat et du citoyen que tout ceci sera mené à bon terme. La France a passé 25 ans afin de décentraliser totalement sa politique. Mais entretemps, comment gérer les besoins et les problèmes éminents ? Comment retarder la prolifération de l’habitat anarchique qui serait une plaie difficile à recoudre par la suite ? Serait-ce par une simple réforme voir une refonte totale du CATU avec toute la procédure et les textes d’application qui s’en suivent dans une situation d’urgence ? Le fait de s’inspirer des expériences étrangères à titre de solutions à des problèmes spécifiques qui touchent notre pays serait-il suffisant ? Pourquoi ne pas créer à cet égard notre propre réponse ? Certes, il faudrait se munir d’un cadre législatif et des acteurs conséquents mais ceci est à envisager à moyen et long termes. Nous pourrons commencer par des interventions ponctuelles impliquant les premiers acteurs de la ville à savoir ses habitants dans le cadre de projets participatifs. Celui de ‘’EL HOUMA KHIR’’ l’illustre bien. En effet, cette opération vise après une phase d’étude sociale, de dégager les besoins des citadins et de les matérialiser au niveau des espaces publics à des degrés différents par le biais de la co-construction. Ce mouvement a pris naissance au sein des murs de la médina de Tunis et tend à se généraliser. Ces études sociales, aussi ponctuelles soient-elles seront de véritables base de données pour de futurs projets urbains. De plus, Il faudrait peut-être envisager d’intégrer des facilitateurs dans la chaîne de production d’une planification urbaine car généralement c’est le manque de médiatisation et l’incompréhension voire l’amalgame, dans certaines situations, qui sont à l’origine du manque de concertation. Plus de séance à huit clos et plus d’ignorance des citoyens. Ces facilitateurs assureront désormais la médiation entre un public non aguerri et des professionnels, de l’urbanisme en l’occurrence. Ainsi nous dépasserons le caractère normatif et rigide de la planification urbaine actuelle pour aller vers de nouveaux horizons plus effectifs émanant des premiers bénéficiaires.
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Annexes
Plan d’extension de Ildefonso Cerdà de Barcelone 1859
La médina de Tunis en 1860
Tunis : structure urbaine en 1890
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Tunis : Structure urbaine en 1914
Projet de Valensi d’aménagements, d’embellissement et d’extension de la ville de Tunis en 1920
Plan général d’aménagement de la ville de Tunis en 1935
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Schéma d’aménagement de la région de Tunis
Plan directeur d’aménagement du grand Tunis 1948
Plan de zones de la comune de Tunis en 1954
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Tableau comparatif du CO 2016 et du CATU 1994 17
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