Mehdi Ben Temessek - Installation "Fautographies en série" - 2022

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Mehdi Ben Temessek

“Fautographies en série”, 2022

« LA FABRIQUE »

« Le mot “fabrique” se passe d’explications ; il s’agit d’un lieu où l’on construit des choses, fussent -elles immatérielles. C’est un lieu en perpétuel mouvement dont l’énergie ne se tarit jamais. Tout ce dont l’être humain est capable est de fabriquer des souvenirs, parce qu’aujourd’hui représente déjà un passé, comme pour la photographie dans laquelle l’instant saisi n’existe plus. »

Photographie de Ferielle Zouari à l’affiche Affiche de la Biennale

Mehdi Ben Temessek

“Fautographies en série”

Installation

Manipulations de photographiques argentiques ratées en écho au livre de Clément Chéroux (2003)

Chapitre I de l ’exposition

"JOURNAL INTIME COLLECTIF, A COLLECTIVE DIARY,

aux anciennes imprimeries CERES à Tunis

Commissariat: Simon Njami

Scénographie: Wadi Mhiri

Production: Miryam Oueslati

Biennale de photographie Jaou Photos co-organisé par la fondation Kamel Lazaar & l ’IFT, octobre 2022

“LA FABRIQUE”
تﺎﯾﻣوﯾ ﺔﯾﻋﺎﻣﺟ "

1ère Prise de contact erronée avec l’argentique  Planche de contact

Déclinaisons: Négatif, Positif, Teinte, Noir & Blanc

 L’Image, de sa latence, révélée  Préparation du tirage au traceur

Narratif « Fautographies en série »

« (…) plus l'image est vague de forme, plus elle suscite le travail de projection. Car ces images ne représentent rien – si ce n'est la cartographie de leur propre mésaventure opératoire. (…) Et c'est justement parce qu'elles ne représentent rien que ces images peuvent tout imager et celui qui les regarde tout imaginer. » Clément Chéroux, Fautographie, une petite histoire de la photographie, Yellow Now, 2003, p.162.

L’erreur est bien humaine, dit-on dans l’espace de la locution « Errare humanum est, perseverare diabolicum », où les deux fausses jumelles, l ’erreur comme l’errance, sont appelées à la barre Aussi fatales soient-elles, elles seraient, par défaut, visuelles. Faute d’attention, notre pulsion scopique est noyée, à tort ou à raison, dans le noueux de l ’identification-réflexe et des illusions (é)perdues La photo par défaut donc, et en l ’occurrence la « fautographie », déroute, brouille les pistes et les pinceaux, interpelle l’indifférence et l ’immanence des idées, fait tâche et fâche à certains degrés. N’est-ce pas, tout compte fait l ’objet d ’une œuvre instantanée se voulant simultanément tare et art ?

Après des années de pratique numérique, je rebrousse chemin et reprends les bases de la photographie Le compteur remis à zéro, je me fais conteur d’un autre temps, d’un nouvel espace analogique. Rattrapé par la maladresse des premières fois, je commets l ’irréparable. Raté et damné est le sort voué à toutes mes trois pellicules argentiques baptistaires. La sentence de l’erreur n’en demeure pas moins lapidaire : Je suis condamné heureusement à n’être qu’un éternel apprenti. Nul plaidoyer ne saurait me dédouaner de cette fausse culpabilité. Comme tout passionné qui ne se respecte pas, animé par l’aiguillon du désir que sont le regard et le cœur, je sombre dans la récidive et le jeu. J’erre et éprouve l’erreur, je la cherche et la trouve. Elle me trouve. Cela fait partie du jeu. Je tâtonne, j’ânonne, je collectionne des archives et des reliques de négatifs comme potentielles pièces à conviction, comme futurs sujets à comparution, dans l ’attente d’une citation à s’exposer à nouveau dans le plus simple appareil

De cette première prise de contact sans grand tact, de cette entrée en la matière ayant davantage trait à l ’anecdote, une planche de contact a fini par voir le jour, son grand jour. Le tirage en positif des insuccès, accompli, quant à lui, avec succès, est ainsi mis en lumière comme réveillé d’une cécité première D’une latence donnée, l ’image est comme par magie révélée. Cette prise de contact déclenche une prise de recul qui oppose, à la fausse neutralité des images que nous voyons, le point de vue de celles qui nous regardent. Elles se tiennent là devant nous, innocemment persistantes D’un regard frontal et appuyé,

v Calcul des portées en vue d’un tirage au traceur sur papier transparent

^ Etat des lieux – Espace Assigné – Chambre Noire

elles nous fixent. Leurs défauts de surface font remonter quelque chose à la surface, disent quelque chose de la surface, de ce qui la fait et défait, une surface qui en soit, glisse de sa planéité, d’un plein à un creux, à la spatialité d’un volume. La chambre noire s’éclaire. Dans l ’antre des images murées et des portes butées, dans l’intimité de leur silence plaintif, résonne le chant secret de leur effacement : Des images-murmures où ce qui se donne aux yeux se dérobe et s’exhibe, où ce qui se tait s’écrie et s’écrit sur tous les toits et les murs Un jeu iridescent de va-et-vient de filiations se prolonge en enfilade à l ’infini. Une véritable effervescence des sens à l ’horizon, un horizon en ce sens à perte de vue, à en perdre la raison

Être en/au contact impulse une « vision tactile » qui supplée à la volatilité du coin de l’œil, à partir d’un quelconque seuil, la consistance du geste et du pas et la palpation des limites À partir de cette errance illimitée, une meilleure intelligibilité de l ’erreur prend place, une nouvelle sensibilité prend forme et se dilate La liberté de mouvement se double donc d’une liberté d’imaginaire dans un nouvel espace de projection sensorielle révélant à quel point nous avons besoin de peu d’informations lumineuses pour nos suppositions relationnelles. Cette imagination dé-finie comme fertile et débordante, en déborde, par dé-définition, et suit son cours. Elle est « en cours », en fabrique. Un usinage de ricochets s’imprime en nous. Par ce plan d’immanence lézardé de surgissements et de relais, par sa venue, l ’image fautographique, sortie de sa fausse formalité, devient convoitée. En filigrane, elle s’étire filaire et nous entraîne, par effraction, vers la puissance du vide, au foyer des tensions optiques. Nous, faiseurs d’images et de trouble, finissons par nous gripper dans le sillage des rouages et par remonter le fil d’Ariane d’une pellicule d’erreur se déroulant in fine en nous-même. Suivront les photographies des photographes, survivront les « fautographies » des photo-gaffes

Mehdi Ben Temessek

Éléments

Graphiques & Simulations

Relevé de l ’espace et Conception de l ’installation

Décantations

Les fautographies, les fautes, les faussetés, les manqués, les manquements, les insuccès, les imperfections, les malfaçons les malentendus, les lapsus, les hiatus, les aléas, les âneries, les accidents, les couac, les ratés, les petites misères, les défauts, les anomalies, les maladresses, les torts, les tares, les écarts, les décalages, les pas de côté, les sorties de routes, les contresens, les non-sens, les hors-champs, les horsjeu, les dérives, les virages, les marges, les fausses pistes, les fausses notes, les fauxbonds, les folies, les foutaises, les sottises, les surprises, les bêtises, les hérésies, les hasards, les coïncidences, les coquilles, les perles, les inadvertances, les mégardes, les égarements, les dépassements, les échecs, les défaites, les pertes, les bavures, les ratures, les ratages

Et autres incongruités visuelles transgressives de l’ordre du désordre du flou, du reflet, du basculement, du décadrage, du dérèglement, de la déformation, de l’obstruction, de la superposition, de l’aberration, des images fantômes…

Tou .te.s sont appelés à être adulés, idolâtrés, célébrés, déclinés, dérivés, dégradés, aggravés, altérés, exagérés, répétés, réitérés, accentués, accumulés, augmentés, loués, étoffés,

Une mise en image, en lumière, en scène, en série, en récit, en jeu, en vue, en vie,

> Photos du montage de l’installation: Trame, bandes, lumière & écriture

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