LE MICRO HABITAT Mémoire de master 2 - Mélanie Visciano Sous la tutelle de Sylvaine Bulle DE 4 : Processus de conception. Méthodes et supports théoriques école nationale supérieure d’architecture de paris val de seine - février 2014
SOMMAIRE
INTRODUCTION I.TINY HOUSE
P4 - 7 P11 - 21
i.I. envirronement : un cadre isolé en pleine nature I.2. Temporalité : un habitat caractérisé par une occupation souvent provisoire I.3. Forme : le mythe de la cabane I.4. Spatialité : habiter un espace minimum I.5. Rapport aux éléments naturels : un habitat écologique I.6. Intérieur / extérieur : un habitat ouvert sur l’extérieur
II.HOUSE TOWER
P22 - 33
i.I. envirronement : un micro habitat de ville I.2. Temporalité : des maisons pensées comme des «tableaux en mouvements» I.3. Forme : l’image de la tour I.4. Spatialité : des espaces fluides et interconnéctés I.5. Rapport aux éléments naturels : une architecture qui met en éveille les sens de l’Homme I.6. Intérieur / extérieur : un lieu à l’abris des regards
III.KERET HOUSE
P34 - 47
i.I. envirronement : habiter l’interstice I.2. Temporalité : un habitat éphémère I.3. Forme : entre Art et Architecture I.4. Spatialité : mise en scène du corps dans un espace vertical et exigu I.5. Rapport aux éléments naturels : un habitat urbain dépourvu d’espace naturel I.6. Intérieur / extérieur : un lieu coupé du monde extérieur
CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE TABLE DES ILLUSTRATIONS REMERCIEMENTS
P48 - 50 P51 - 52 P53 P54
INTRODUCTION Le thème de l’habitat a été au cœur de mon apprentissage de l’architecture, et c’est tout naturellement à cette thématique que j’ai décidé de consacrer mon rapport de licence et le présent mémoire de fin d’étude. Jacques PezeuMassabuau écrivait « Nous sommes chacun l’enfant d’une maison »1. Chaque maison est en effet porteuse de certaines valeurs religieuses, culturelles, esthétiques, et spatiales et les transmet, par le simple fait d’habiter, à ses occupants. Ainsi, la question de la maison, et plus largement celle de l’habitat, ont été omniprésentes dans la production de travaux théoriques car, à travers une infinie diversité formelle, elle rattache l’Homme à sa culture et participe à la constitution de son identité. A travers la conception d’une chambre étudiante en première année, j’ai travaillé sur les relations intérieures/extérieures, la spatialité d’une pièce, les matériaux et les couleurs. La réalisation d’un cabanon dans un paysage idéal, à l’image de celui de Le Corbusier, m’a également permis d’aborder les notions de dimensionnement, d’échelle, de proportion et de fabrication. Il s’agissait de réaliser un espace dont le confort était réduit à l’essentiel tout en assurant des qualités de vie optimums. Enfin, le projet de fin d’étude, m’a permis d’étudier la petite dimension dans un contexte urbain plus large : j’ai travaillé sur la conception d’un système urbain « utopique », situé dans la banlieue proche de Paris (entre Aubervilliers et Saint-Denis), proposant une densité élevée dans une planification horizontale, c’est-à-dire dont le bâti ne dépassait pas 15 mètres de haut. La structure urbaine dense du projet a nécessité une réflexion sur des cellules habitables minimales et les emboitements possibles entre elles.
Figure 1 : Maquette de la chambre étudiante de première année 1
4
PEZEU-MASSABUAU Jacques, La Maison espace social, Paris, PUF, « Espace et liberté », 1983
La plupart de ces travaux qui portaient sur des réalisations à petite échelle ont mis en lumière de façon aigue et très complète les problématiques liées à la conception d’un habitat. Parmi tous les enseignements que j’ai pu en retirer, la nécessité de se concentrer sur l’essentiel du fait de l’échelle réduite sans pour autant sacrifier les qualités fondamentales attendues d’un logement m’a particulièrement captivée : l’échelle minimale ne constitue pas une simple « version réduite » mais une concentration du potentiel de la plus grande échelle. C’est pourquoi le micro habitat, qui pousse la petite échelle vers ses limites extrêmes, a suscité tout mon intérêt comme sujet de mémoire. Du temps de Vitruve, il y a environ 2100 ans, la question de la petite échelle fascinait déjà comme l’illustre le « mythe de la cabane » à travers lequel l’architecte cherche à établir une définition de l’architecture. Des siècles plus tard les questionnements autours des petites unités spatiales continuent d’alimenter la production architecturale. En 1914 Le Corbusier, érige avec la conception de la maison Dom-ino, un « manifeste » de l’espace le plus petit reproductible. Ce projet témoigne de la vision techniciste de l’architecte pour qui « La maison est une machine à habiter »2.Dans les années 50, les travaux du collectif Archigram vont considérablement enrichir les réflexions autours de la « cellule individuelle » comme l’illustrent par exemple les réalisations des petites unités d’habitations de l’architecte Ionel Schein en 1956, ou les cellules polyvalentes de Jean-Louis Chanéac en 1960.
Figure 2 : Croquis réalisé dans le cadre du travail sur la chambre étudiante 2
5
LE CORBUSIER, Urbanisme, Paris, Crès, 1925, p.219
Dans la micro architecture, le micro habitat peut être défini comme le domaine dans lequel l’architecte réfléchit à la fabrication d’espaces de petites tailles offrant des lieux réellement habitables et de qualité; Il cherche à définir un espace de vie minimal habitable par l’Homme à l’intérieur de volume aux formes infiniment variés : le micro-habitat n’est pas la version simplifiée de la maison individuelle mais a la faculté de préserver dans une forme condensée certains fondements de l’habitat. Les micro-habitats revêtent un ensemble de formes très hétéroclite telles que la cabane, la capsule, l’œuvre d’art, et la hutte, etc. Tous ces projets ont en commun une taille réduite, dépassant rarement les 20m². Ils constituent de petits habitats individuels rarement envisagés dans une perspective d’habitat collectif. La micro architecture place l’Homme au cœur de ses réflexions et conçois l’espace à partir de ses dimensions. Parfois, certains architectes semblent même vouloir repousser les limites spatiales de l’habitat en fabriquant des espaces dont les dimensions avoisinent celles du corps humain. Un internaute passionné par la question du petit habitat écrivait sur son site « Il s’agit de bien plus qu’une question de dimension. C’est une approche différente. Une façon de repenser l’habitat, le ré-imaginer, le ré-inventer. » Aujourd’hui les projets de petites envergures se multiplient fortement, et font de plus en plus d’adeptes, comme le démontrent les nombreux salons et des concours organisés afin de mettre à l’honneur la petite échelle. Cet engouement croissant pour le micro habitat s’explique par le fait que ce modèle soit porteur de nombreuses solutions aux problématiques actuelles. En effet, il représente un logement peu coûteux dans un contexte économique difficile pour bon nombre de pays, peu consommateur de surface au sein d’un environnement urbain saturé, porteur de solutions écologiques, initiateur de nouvelles valeurs sociétales, et pour finir offrant de nouvelles perspectives architecturales. 6
Figure 3 : Coupe sur le projet urbain conçu dans le cadre du PFE
Figure 4 : Perspective des logements imaginés lors du PFE
Pour toutes ces raisons, la question du micro habitat constitue un thème très actuel sur lequel il m’a semblé intéressant de se pencher : ce mémoire tente de rendre compte des différents enjeux, à la fois économiques, sociologiques, philosophiques, architecturaux, et écologiques, qui se jouent autour du micro habitat. Afin de réussir à offrir une vue d’ensemble sur le micro habitat tel qu’il se présente aujourd’hui, j’ai choisi de sélectionner trois cas fortement représentatifs et de les analyser : - la « Tiny House » de Logan Smith et Tammy Strobel - un micro habitat dans un environnement naturel situé aux Etats-Unis - la Tower House de l’Atelier Bow-Wow - un micro habitat en milieu urbain dense situé au Japon - et la Keret House de Jakub Szczesnyen - située dans un interstice urbain en Pologne Ces trois projets exemplaires sont soumis à plusieurs points d’analyse : -
l’étude de leur environnement,
-
le rapport au temps,
-
la forme architecturale,
-
la spatialité interne,
-
le rapport aux éléments naturels,
-
et la relation intérieure/extérieur.
Figure 5 : La Tiny House de Logan Smith et Tammy Strobel
Par ces différents angles d’étude, j’ai cherché à questionner leurs qualités spatiales, la viabilité de ces habitations et leur possible développement sur différents territoires. A partir de tous ces éléments, en conclusion, j’ai également cherché à comprendre les modes de vie induits par ses formes d’habitations, et plus généralement à ouvrir la réflexion sur les nouvelles perspectives de logement induites par la micro architecture et leurs conséquences. 7
Figure 6 : La House Tower de l’Atelier Bow-Wow Figure 7 : La Ketet House de Jakub
Szczesnyen
Figure 8 : schéma comparatif de l’emprise au sol des différents projets
KERET HOUSE Surface au sol < 1m² TINY HOUSE Surface au sol de 10m²
HOUSE TOWER Surface au sol de 17m² Maison traditionnelle Surface de 60m² (8X8m)
250C
M 60C
M 300C
M
230C
M
8
Espace extérieur
tOWER.H > 4M² TINY.h > 1M² KERET.H = 0M²
salle de bain
tOWER.H > 11M² TINY.h < 1M² KERET.H > 1M²
chambre
tOWER.H > 7M² TINY.h < 5M² KERET.H > 2M²
séjour / salle à manger
tOWER.H > 11M² TINY.h > 3M² KERET.H > 6M²
cuisine
tOWER.H > 3M² TINY.h< 3M² KERET.H > 1M²
circulation
tOWER.H > 10M² TINY.h< 1M² KERET.H < 1M²
bureau
tOWER.H > 3M² TINY.h< 1M² KERET.H < 2M²
espace de rangement
tOWER.H > 11M² TINY.h< 1M² KERET.H < 2M²
Figure 9 : schéma comparatif des surfaces des différents projets
HOUSE TOWER
Surface habitable totale 55M²
TINY HOUSE
Surface habitable totale 13M²
KERET HOUSE
Surface habitable totale 13M²
TINY HOUSE
HOUSE TOWER
KERET HOUSE
I.TINY HOUSE
rdc
r+1
Figure 10 : plan de la Tiny House au 100éme
11
FIGURE 11 : coupe de la Tiny House au 100éme
C’est paradoxalement aux Etats-Unis, le pays du « bigger is better » (« plus grand, c’est meilleur ») que le « tiny houses movement » (« mouvement des maisons minuscules ») prend forme. On connaissait le goût des américains pour des maisons aux surfaces démesurées et pourtant ils sont de plus en plus nombreux à s’intéresser à ces petites maisons ne dépassant généralement pas les 20m² habitables, et à la nouvelle manière d’habiter qu’elles proposent : se contenter de l’essentiel en se débarrassant du superflu. Le mouvement est initié par Jay Shafer qui commencera par se construire sa propre mini maison puis diffusera ses idées en 1999 en publiant un article sur les mérites d’une vie simplifiée. Sa première petite maison construite en 1997 devient l’emblème du mouvement des Tiny Houses. En 2002 il fonde son entreprise, la Tumbleweed Tiny House compagny, afin de commercialiser et d’élargir ce concept de micro maison. Ses petites maisons, entièrement en bois et souvent montée sur remorque, ont une surface habitable rationnellement optimisée qui varie entre 9 et 20m², ce qui n’empêche pas le concepteur de proposer de nombreuses variations du plan. Petit à petit le phénomène prend de l’ampleur, les journalistes s’en emparent, un marché se crée et les entreprises de Tiny houses se multiplient. L’engouement pour ces petits habitats s’explique principalement par des raisons économiques. Il traduit le rejet d’un modèle de consommation dans lequel l’accès à la propriété est difficile et repose essentiellement sur le crédit. En effet les ménages américains sont habitués à s’endetter à des niveaux bien plus élevés que ceux de nos moyennes européennes afin de financer leur consommation et l’acquisition de leur logement. En contrepartie, leur bien immobilier est mis en gage et fait ainsi office de garantie pour les banques. Dans le cas où le débiteur n’est plus en mesure de rembourser ses charges celui-ci voit son bien vendu pour honorer le traitement de sa dette.
Depuis 2002, la banque centrale américaine ou Réserve fédérale (FED), qui encourage le crédit facile pour relancer l’économie, a permis à des millions de foyers modestes de devenir propriétaires, moyennant des prêts à surprime dits «subprimes». Elles ont pour caractéristique d’être basses au début mais peuvent atteindre 18% au bout de 3 ans Les taux d’intérêts varient en fonction de la valeur du bien immobilier, plus la maison a de la valeur, plus le taux est bas et inversement - lorsque la maison perd de la valeur le taux d’intérêt augmente -. En 2007 l’effondrement du marché immobilier américain révèle la fragilité de ce système : les ménages n’ont plus les moyens de rembourser les instituts de crédit et même la saisie de leur maison, dont la valeur est devenue inférieure à celle de départ, ne permet plus d’indemniser les établissements prêteurs, ce qui cause leur faillite. Les banques qui avaient investi dans les établissements prêteurs sont à leur tour touchées. Cette situation entraine à son tour des ventes massives d’actions qui contribuent à la chute des valeurs sur les marchés financiers. C’est « l’effet dominos » ! Il me semblait important d’éclaircir ce point car cette crise économique a participé à l’essor rapide du tiny houses’movement. En effet des milliers d’individus se sont retrouvés dépossédés de leurs biens, victimes des dysfonctionnements d’un système. Pour la plupart de ces personnes, habiter une grande demeure en banlieue avec jardin représentait le rêve d’une vie « The american way of life », et le Travail constituait la clef permettant d’y parvenir. Le choc a donc été terrible pour nombre de familles lorsqu’elles se sont retrouvées à la rue dépossédées de ce qu’elles affectionnaient le plus. Ainsi pour certaines de ces personnes la seule perspective d’avoir un logement même si celui-ci est considérablement plus petit représente une chance. Par conséquent, la Tiny House, s’impose comme une solution idéale permettant à l’habitant de s’affranchir d’un endettement puisqu’elle permet de 12 bénéficier d’un « chez-soi » sans avoir recours à l’emprunt.
Cependant, ce modèle d’habitat n’est pas seulement attractif par son coût, il est porteur de nouvelles valeurs et d’une nouvelle esthétique de vie. Choisir de vivre dans une Tiny House ne signifie pas seulement choisir une nouvelle maison mais s’engager dans une nouvelle vie. Adhérer aux idées du Tiny Houses’movement semble quasiment prendre une dimension politique. Le mouvement prospère principalement sur une exigence économique, et également sur un impératif écologique et un souci esthétique, le tout empreint d’une certaine idéologie. En 2005, Logan Smith et Tammy Strobel menaient la vie classique d’un couple marié dans un grand appartement avec deux chambres en Californie. Leurs emplois stables leur permettaient de posséder deux voitures, et d’habiter dans un certain confort, mais quasiment tout ce qu’ils gagnaient servait à l’entretien et la décoration de l’appartement, le paiement du loyer, des assurances et des taxes. C’est pourquoi en 2010 ils cherchent à se reconstruire une vie plus sobre en déménageant dans un appartement plus petit ce qui leur permet de réaliser d’importantes économies. Par la suite, ils décident se faire construire une petite maison d’à peine 12m² pour 33.000 dollars (environ 24 000 euros). Tammy Strobel, qui est à la fois photographe, écrivain et enseignante, crée sa propre entreprise et son mari, également enseignant, peut continuer d’exercer son métier à distance. La Tiny House de Logan Smith et Tammy Strobel est dessinée par Dee Williams et construite avec l’aide de Katy Anderson, mais elle est fortement inspirée par celle de Jay Shafer. L’analyse de leur micro maison va permettre de comprendre les nouveaux modes de vie induits par un tel habitat et le rôle qu’il joue dans la construction identitaire de l’individu.
Perla Serfaty-Garzon dans son texte « Le Chez-soi : habitat et intimité », rend compte de cet aspect de l’habitat « La présence du terme «soi» dans l’expression «chez-soi» indique que la maison est le lieu de la conscience d’habiter en intimité avec soi-même. Il est l’espace de la prise de conscience mais aussi celui de la connaissance de soi, de ses capacités et de ses responsabilités.»3. En raison de sa taille réduite, la micro architecture semble capable de synthétiser et intensifier ces réflexions sur le rapport habitat/habitant. De ce fait, la Tiny House peut fonctionner comme une forme d’habitat « thérapeutique » grâce auquel l’individu se reconstruit une identité, et se recentre sur ses désirs. A travers l’étude de son environnement, de son rapport au temps, de sa forme, de sa spatialité, de son rapport à la nature, et de la relation entre son intérieure et son extérieur, il s’agit de comprendre quels enjeux se jouent à l’intérieur du micro habitat.
FIGURE 12 : axonométrie de la Tiny House 3
13
SERFATY-GARZON Perla, « Le Chez-soi : habitat et intimité » in Dictionnaire critique de l’habitat et du logement, Paris, Armand Colin, 2003, p.8
i.I. envirronement : un cadre isolé en pleine nature La Tiny House est principalement destinée à un environnement naturel. Cette micro maison trouve aisément sa place en pleine nature, sur le versant d’une colline, au bord d’une rivière ou dans les bois. Selon l’écrivain Henry David Thoreau, cet isolement est nécessaire pour que l’individu se recentre sur ses propres désirs. Dans son œuvre littéraire « Walden ou la vie dans les bois » il exprime cette nécessité de se déconnecter, de sortir de la grille, afin de ne pas se laisser écraser par une société qui pousse l’individu à une consommation toujours plus excessive. Ainsi, pour l’écrivain « Vivre dans une cabane c’est aussi questionner la pertinence d’un système dont le fonctionnement pathologique consiste à combler un vide existentiel par l’acquisition compulsive de biens, mobiliers ou immobiliers, et/ou de capital. Là, exister ne saurait se concevoir sans posséder. Et plus on a, plus on est. »4 Il dénonce la futilité de « l’avoir » : « C’est le souci de posséder, plus que tout autre chose, qui nous empêche de vivre libre et avec noblesse »5. Ainsi pour acquérir cette liberté il est nécessaire de se détacher de ce besoin de possession, et d’accumulation, qui sont les causes de notre asservissement. Si nous portons autant d’importance à de telles questions c’est que la notion de possession matérielle constitue un gage de réussite et d’accès au bonheur. Il met ses pensées en pratique en passant quelques mois dans une cabane construite de ses propres mains, située dans les bois autour de « Walden Pond », à la recherche d’un moyen de retrouver cette liberté qui le conduit à la nécessité de « simplifier » sa vie. L’expérience de cette vie solitaire le pousse rapidement à se détacher de tout ce qui est superflu. L’œuvre de Henry David Thoreau met en lumière les idées du tiny houses’movement en expliquant que l’aspiration des individus à la « dés-intégration »6 et leurs désirs d’habiter un environnement naturel traduisent essentiellement le rejet d’un modèle de société. 14
FIGURE 13: croquis de la Tiny House lors d’un voyage dans le parc national de Siskiyou (Est des E.U) 4-5
6
THOREAU Henry David, Walden ou la vie dans les bois, Paris, Gallimard, 1990
Article Le mouvement des «Tiny Houses», les micromaisons,www.divergences2.divergences.be
Cela est d’autant plus réalisable que la particularité d’une Tiny House tient également au fait qu’il s’agit d’une maison nomade. La plupart sont montées sur des remorques et peuvent ainsi être déplacées aisément en fonction des désirs de son habitant. Il est alors difficile de ne pas faire le rapprochement avec l’héritage du pionnier conquérant qui constitue un des aspects culturels du « rêve américain ». La Tiny House semble être la métaphore d’un mouvement continu vers la quête du bonheur. Habiter une Tiny House c’est permettre à l’homme d’habiter n’importe où afin de saisir ces nouvelles opportunités qu’offrent l’ailleurs, d’envisager un avenir meilleur dans un milieu inconnu, de rendre possible un nouveau départ. C’est le cas de la Tiny House de Logan Smith et Tammy Strobel, dont la petite maison mobile leur a permis de partir facilement à la découverte de nouveaux lieux. Ils apprécient la flexibilité que permet leur habitation. Par exemple lorsque le père de Tammy Strobel a eu de grave problèmes de santé ils ont pu « emménager » directement dans le jardin de ses parents afin d’être au plus près d’eux. La mobilité de la micro maison permet également de changer de lieu selon les saisons.
FIGURE 14 : croquis de la Tiny House «on the road again»
La mobilité des Tiny Houser, à l’image des populations nomades, leur confère un statu de hors-la-loi. Dans un contexte de raréfaction de la terre et d’augmentation de son prix, la petite taille de la Tiny House aurait dû constituer un atout par l’occupation de parcelles plus petites et donc moins chers. Cependant il existe une loi qui fixe une surface de départ élevée en dessous de laquelle aucune autorisation de construire n’est accordée. La mobilité des Tiny Houses montées sur remorques aurait dû constituer une stratégie pour échapper à la Loi car cette maison n’ayant pas de fondations profondes elle n’est pas soumise aux mêmes réglementations. Cependant cette particularité tend à la marginaliser et elle peine à se faire accepter dans les zones résidentielles américaines constituées principalement de grandes demeures rigoureusement identiques. Les promoteurs sont réticents à l’irruption d’une forme d’habitat si peu conventionnelle dans leurs quartiers. Par conséquent, les Tiny Houser sont contraints de louer des terrains à des particuliers ou aux rares promoteurs favorables à ces nouvelles formes d’habitats. Il est assez courant que les Tiny Houser occupent temporairement le terrain de leurs proches. Néanmoins, en raison des avantages que présentent ces micro-habitats, les lois tendent aujourd’hui à s’assouplir.
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I.2. Temporalité : un habitat caractérisé par une occupation souvent provisoire Le caractère éphémère de la Tiny House est notamment dû à son lien avec l’image de la cabane. Leurs similarités rendent les comparaisons entre les deux modèles inévitables. Ainsi, la Tiny House, de même que la cabane, relève d’un état transitoire et son architecture est éphémère, à l’inverse de la maison, symbolisée par une architecture pérenne qui s’inscrit durablement dans le temps et dans l’espace. D’autre part, il s’agit d’une habitation temporaire car elle deviendra définitivement trop petite si le couple désire un jour avoir un enfant. Ce type d’habitat reste plus approprié à une personne vivant seule ou à un couple, cependant, comme le relate les réseaux sociaux, le Tiny Houses’movement a également su convaincre quelques familles. Pour finir, le micro habitat modifie sensiblement le mode de vie des individus par l’augmentation de temps libre qu’il leur apporte. Dans « Walden ou la vie dans les bois » Henry David Thoreau écrit que seulement trois heures de travaux dans les bois lui suffisent pour couvrir ses besoins quotidiens. Il consacre le reste de son temps à la méditation, la marche, la lecture et l’accueil d’amis proches. Ce constat donne à réfléchir sur cette « valeur/travail » si présente dans nos sociétés et souvent associée à la notion de bien-être. De la même manière, la Tiny House permet de libérer du temps libre car elle coûte beaucoup moins chère qu’une grande maison et demande donc moins de temps de travail. Elle demande également moins de temps de rangement et de nettoyage. Cet aspect de la micro maison est un véritable avantage pour les habitants et leur permet de prendre plus de temps pour eux, et de s’épanouir dans de nouvelles activités.
FIGURE 15 : réplique de la cabane de Thoreau au bord du lac Walden
FIGURE 16 : photo du lac de walden
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I.3. Forme : le mythe de la cabane La Tiny House évoque le mythe de la cabane, une architecture primitive qui constitue pour de nombreux architectes la forme originelle de l’habitat. De Gideion, à nos jours, en passant par Vitruve et Le Corbusier, chacun a cherché à revisiter le mythe afin de constituer une définition intemporelle de l’architecture. Chez Le Corbusier, l’habitat primitif prend la forme d’un cabanon conçu en 45 minutes le 30 décembre 1951, dans la salle d’un restaurant. Le cabanon est construit en juillet 1952 à Roquebrune-Cap-Martin dans le sud de la France. Avec ce cabanon de 16m², l’architecte s’offre une « bulle minimale optimisée à sa mesure »7 qui nous en apprend un peu plus sur l’homme
De plus internet est un outil de diffusion pratique car il existe de nombreux sites qui proposent des plans de mise en œuvre détaillés, ainsi que des communautés à travers lesquelles les internautes sont ravis de pouvoir partager leurs expériences et donner des conseils aux personnes qui souhaiteraient se lancer dans l’aventure. La Tiny House revêt une dimension identitaire, en rendant possible l’intervention des individus dans le processus de conception et de réalisation de leur habitat. En effet, l’individu sera plus enclin à se construire une identité et à s’approprier son logement s’il s’est personnellement impliqué dans sa conception et sa construction.
qu’il était. La hutte, l’abri, ou la cabane, illustrent la nécessité et l’envie des hommes, de se créer un monde à eux. Depuis toujours l’Homme a ressenti le besoin de se construire un abri pour se protéger d’une nature parfois sauvage et hostile. La cabane constitue l’archétype de la maison, dans une version simplifiée, dont l’unique but est de séparer le dedans du dehors. De ce fait, elle constitue davantage une aventure mentale, un lieu psychique qu’une véritable habitation. La Tiny House revisite le mythe sous la forme d’une petite habitation aux allures de cabane, tout en se définissant comme une véritable habitation. D’autre part, le Tiny Houser est souvent auto-concepteur et autoconstructeur de sa micro maison. Cette particularité le pousse à s’impliquer fortement dans la conception de son habitat et à s’y projeter plus facilement. Le fait qu’il s’agisse d’un concept peu coûteux et relativement facile à mettre en œuvre le rend accessible à tous. FIGURE 17 : photo de l’intérieur du cabanon de Le Corbusier 7
PAPILLAULT Rémi, « Le Corbusier, le « bon sauvage » en son cabanon » in Micro-Architecture, L’architecture d’aujourd’hui, n°338 Juin 2000, p.45
I.4. Spatialité : habiter un espace minimum Si chez certain individu vivre au jour le jour dans un espace aussi limité peut provoquer la sensation d’étouffer, pour d’autres, lorsque chaque objet finit par trouver sa place, il peut procurer une sensation de libération et l’impression de mener une vie plus saine, plus en accord avec ses propres désirs. C’est le cas pour les deux habitants de cette Tiny House qui ont su trouver leur équilibre dans cette habitation, comme l’explique Tammy dans une interview « Sept ans plus tard, nous vivons dans une petite maison et nous sommes libérés de nos dettes. Je suis écrivain et photographe, je fais désormais un travail que j’aime vraiment et qui me correspond, et j’ai beaucoup plus de temps et d’espace pour m’investir non seulement dans le travail que j’aime, mais également pour le passer avec les gens qui comptent le plus.»8 Ainsi, la Tiny House constitue un espace minimal qui à défaut de plaire à tout le monde questionne sur les valeurs et les exigences de vie de chacun.
L’espace interne de la micro maison est optimisé au maximum par l’emploi de meubles pliables, le positionnement de la chambre sur une mezzanine, … L’intérieur d’une Tiny House rappelle celui d’un chalet, tout en bois, afin de créer un lieu de vie le plus chaleureux possible. Vivre dans une Tiny House doit être un choix mûrement réfléchit car il entraine des conséquences sur la vie quotidienne. Par exemple, la vie sociale des individus est forcément affectée par ce changement de mode de vie. L’espace du salon est restreint et ne permet pas de recevoir beaucoup d’amis. En cela la Tiny House constitue un habitat qui peut conduire à un certain isolement. Le degré d’intimité très faible dans la micro maison peut également constituer un inconvénient pour de nombreux individus. L’unique pièce close est la salle de bain, le reste des espaces, tels que la cuisine, la salle à manger, et la chambre, sont entièrement ouverts. La chambre en mezzanine ouvre directement sur le salon, il est donc difficile de s’isoler de l’autre un moment. C’est pourquoi cette forme d’habitat est plus à même de convenir à une personne habitant seule. Or, dans le cas présent, le couple semble s’être bien adapté à ce mode de vie. La démarcation de leur espace de vie s’opère par des gestes simples, tels que le choix d’un côté du lit, ou d’un placard en particulier. D’autre part, pour vivre dans cette micro maison, il est nécessaire de se débarrasser de tous les objets superflus accumulés aux cours des années. Par exemple Logan et Tammy doivent se partager une petite penderie qui les contraint à posséder très peu de vêtements. Avant de vivre avec une telle contrainte spatiale, il est nécessaire de se demander les choix que cela implique et les besoins fondamentaux que doit satisfaire une habitation.
FIGURE 18 : Croquis de la chambre en mezzanine , un espace intime et lumineux
18
8
Interview de TYNAN Katy, Living the tiny home life, www.motherearthnews.com
I.5. Rapport aux éléments naturels : un habitat écologique L’individu réclame un droit de regard sur ce qu’il consomme et cherche à mettre en place une production plus saine. Redéfinir les fonctions de l’habitat c’est redéfinir la fonction même d’habiter. Ainsi l’habitant auto-suffisant qui s’abrite, se nourri, se chauffe, s’éclaire, par lui-même habite pleinement son logement.
La Tiny House a un rapport immédiat et concret avec la nature puisqu’elle est conçue pour être située en pleine nature. Le rapport du Tiny Houser avec la nature réside principalement dans une attitude écoresponsable. L’une des raisons évidentes qui en fait un habitat écologique est sa petite taille. En effet il est bien plus facile de chauffer et d’éclairer un volume réduit. Ce qui confère à la Tiny House le statut de logement à basse consommation voir dans certains cas à consommation « passive ». Les Tiny Housers sont généralement soucieux d’utiliser des énergies renouvelables telles que le solaire et l’éolien. De plus la construction même de la Tiny House fait l’objet d’une démarche écologique puisqu’elle se résume en trois mots : re-cycle, re-use, re-purpose. Il faut recycler, récupérer et réinventer, ce qui fait que de nombreux objets qui composent la tiny house ont une autre utilisation ou une autre fonction que celle pour laquelle ils étaient prévus. Les Tiny Housers préfèrent souvent la récupération. Ainsi, les décharges, les chantiers, et les trottoirs deviennent des lieux d’approvisionnement généralement gratuits. De leur côté, les entreprises qui construisent ces micro maisons sont fières d’utiliser jusqu’à 90% de matériaux recyclés. Il s’agit ainsi de redonner vie aux objets mais également d’économiser les ressources naturelles. Toujours en vue d’une démarche écologique et d’un rapport plus sain avec la nature, le Tiny Houser se revendique d’une certaine auto suffisance. Il s’agit d’une manière de sortir du circuit afin de reprendre le contrôle de soi. Cela se traduit par exemple par le fait de produire soi-même son énergie en refusant ainsi la consommation d’énergies fossiles qui détruisent petit à petit la planète, ou par le fait de ne pas consommer une alimentation modifiée, produite à des milliers de kilomètres du lieu de consommation.
nombreuses ouvertures sur l’extérieur
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FIGURE 19 : Croquis de l’intérieur de la Tiny House : un espace très ouvert sur l’extérieur
I.6. Intérieur / extérieur : un habitat ouvert sur l’extérieur grande hauteur sous plafond qui procure une sensation d’espace
La Tiny House constitue le passage d’un espace confiné à un espace totalement ouvert. Elle incarne ce mouvement paradoxal du microcosme vers le « macrocosme ». Celle de Logan Smith et Tammy Strobel est un lieu lumineux, composé de 10 fenêtres qui offrent un espace ouvert sur l’extérieur. Chaque ouverture est associée à une action afin d’agrandir la perception de l’espace et de sensibiliser l’individu à l’environnement extérieur. Ainsi, s’allonger sur le lit permet de bénéficier d’une vue exceptionnelle sur le ciel par le biais d’un bowwindow, s’assoir sur le canapé offre un cadrage sur le jardin, et la salle de bain est éclairée par une lumière naturelle ce qui n’était pas le cas dans leur ancien appartement. La transition entre l’intérieur et l’extérieur est amorcée par un porche, un espace caractéristique des maisons traditionnelles américaines. Dans la Tiny House, le porche est conservé : même si il n’y a plus la place pour l’incontournable rocking chair, les habitants peuvent s’asseoir directement sur les planches en bois. La conservation d’un prolongement extérieur malgré la taille de la petite maison montre l’importance de ces espaces pour les habitants. L’espace réduit de la Tiny House et l’environnement naturel dans lequel elle se situe poussent ses occupants à vivre plus proche de la nature et à passer moins de temps dans leur logement. Dans cette conception de l’habitat, l’individu considère sa maison comme un lieu d’occupation plus temporaire qui doit avant tout répondre à ses besoins élémentaires, à savoir, manger, dormir, se laver, et travailler.
travail du bois très maîtrisé avec des assemblages arrondis
FIGURE 20 : Croquis de l’intérieur de la Tiny House : la présence du bois rend l’espace
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chalereux, confortable et rappel l’esprit du chalet
CONCLUSION PARTIELLE La Tiny House est un habitat minimal qui laisse entrevoir de nouvelles perspectives. Elle constitue une réponse radicale en opposition à un modèle de société matérialiste qui pousse à l’extrême le besoin de posséder et d’accumuler. Elle fascine par sa capacité à remettre en question et à synthétiser des réflexions sur la fonction de l’habitat. La Tiny House est un habitat profondément identitaire car elle permet à ses occupants de se dépouiller du superflu afin de se recentrer sur eux, mais elle leur permet également de se définir en tant que Tiny Houser. Ces individus ont le sentiment d’appartenir à une communauté forte car ils partagent des désirs et des revendications communes, à savoir l’envie de se singulariser, voire de s’isoler, le goût pour les grands espaces, la nature, l’aspiration à la « dés-intégration », la non-connexion, le souci d’éco-responsabilité et d’auto-suffisance, et la mobilité. Ce mouvement qui continue de grandir aux Etats-Unis, n’a pour le moment pas fait de nombreux adeptes dans les pays Occidentaux. Cependant, quelques initiatives voient le jour, à l’image du projet de micro maison de Yvan Saint-Jours, le fondateur de la revue « La Maison écologique » et du magazine « Kaizen ». Il découvre la Tiny House en 2008 dans le dossier «éco-habiter petit et pas cher » qui lui plait immédiatement « il ne s’agit ni d’une caravane, ni d’un mobil-home ni d’un camping-car, et j’ai tout de suite trouvé ça très beau »9. Il décide de se lancer dans l’aventure et démarre le premier chantier français de micro maison le 6 mai 2013 en Normandie afin de se créer comme il le dit « un endroit où je pourrai voyager tranquillement à l’intérieur de moi-même »10. 9-10-11 12-13
Interview de NOVEL Anne-Sophie, Le Monde blog, http://alternatives.blog.lemonde.fr
HUBERTUS Adam, Diogene, www.vitra.com
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Ce grand changement ne s’accomplira pas sans sa famille, ce qui prouve qu’il ne s’agit pas seulement d’une expérience individualiste «c’est une opportunité de vivre quelque chose de différent, mes deux enfants sont fort partants: certains font le tour du monde, partent en bateau... nous, nous partons ici et le voyage ne s’arrête jamais, ou presque !»11 D’autre part, des projets architecturaux peuvent être mis en parallèle avec la Tiny House comme le projet Diogene présenté au salon Art Basel en 2013 par Renzo Piano et Rolf Fehlbaum. Cette réflexion autour d’un habitat minimal a toujours été présente chez Renzo Piano. Lorsqu’il était jeune étudiant en architecture il rêvait déjà d’une pièce à vivre de deux mètres sur deux, capable de contenir l’essentiel : un lit, une chaise et une table. « Diogène », du nom du philosophe de l’Antiquité qui vivait dans un tonneau car il jugeait le luxe terrestre superflu, est une micro maison qui répond aux besoins essentiels des individus. Elle est conçue pour être parfaitement autonome grâce à des systèmes techniques complexes qui garantissent à son occupant l’autosuffisance et l’indépendance vis-à-vis des infrastructures locales. L’architecte a par exemple intégré des cellules photovoltaïques et panneaux solaires, un réservoir d’eau de pluie, des WC biologiques, une ventilation naturelle, un triple vitrage isolant. Ainsi, l’architecte déclare « Diogène fournit à chacun ce dont il a besoin, et rien de plus »12. Dans Diogène, chaque pièce a été pensée pour que le projet puisse faire l’objet d’une fabrication en série. Il s’agit également d’un habitat mobile dans le sens où il peut être déplacé facilement d’un lieu à un autre. Pour Renzo Piano cette petite maison est « le fruit d’un long, très long voyage en partie déterminé par des rêves et des désirs, mais en partie aussi par la technique et par une démarche scientifique »13.
II.HOUSE TOWER
sous-sol
rdc
FIGURE 21: plan House Tower
R+1
R+2
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R+3
R+4
A l’inverse de nombreuses grandes capitales occidentales qui ont vu leur tissu médiéval modernisé par les grands travaux de restructuration, telle que Paris sous l’intervention d’Haussmann, Tokyo semble s’être modernisée
Au Japon le manque d’espace n’est pas un problème récent : avec un décompte de 128 millions d’habitant dans les années deux mille pour une superficie de 372 313km², la densité atteint les 340 habitants par kilomètre carré. En comparaison, la France compte 65 millions d’habitants pour 547 030km² avec une densité de 118 habitants par kilomètre carré. En outre, cette densité élevée, déjà révélatrice d’un manque de place, atteint les 1500 habitants par kilomètre carré lorsque l’on soustrait au calcul les nombreuses zones montagneuses inhabitables. La raréfaction de la terre fait grimper le prix du foncier et oblige les propriétaires à segmenter leurs terrains. Il en résulte au fil du temps une diminution progressive de la taille des parcelles constructibles. Les pouvoirs publics rencontrent des difficultés à réunir ces lotissements de petites tailles pour réaliser, en nombre suffisant des opérations immobilières à grande échelle ouvrant sur un véritable plan d’urbanisation ce qui tend à maintenir l’extrême hétérogénéité du tissu urbain. Ils ont toutefois le droit de recourir à l’expropriation mais ne l’utilise que très rarement. Ces opérations immobilières sont plutôt mises en œuvre à petite échelle par le secteur privé qui utilise un système de « réajustement foncier »14. Ce système fait appel aux voisins pour réunir les petites parcelles et les revendre sous forme de lotissements rationalisés et viabilisés. Pour les terrains de moins 0,1 hectare, le dépôt d’une demande de permis de construire n’est pas imposé aux promoteurs privés. Cette réglementation empêche les autorités d’exercer un contrôle sur ces projets, et favorise d’autre part les petites opérations immobilières, contribuant ainsi au développement « anarchique » de la ville.
en s’adaptant parfaitement à cette structure anarchique. Ce qui témoigne de la capacité du Japon à assimiler une réorganisation à petite échelle sans pour autant effectuer de restructuration à grande échelle. Ce contexte instable constitue une source d’inspiration pour le groupe des métabolistes formé en 1960 par les architectes KiyonoriKikutake, KishoKuroakawa, Fumihiko Maki, MasatoOtaka et NoboruKawazoe. Ces architectes considèrent cette capacité de la ville à se régénérer elle-même comme un potentiel et tente de le canaliser à travers des superstructures très innovantes. Ces structures greffées sur la ville sont envisagées comme des réponses au manque de place et ont la particularité de pouvoir intégrer diverses échelles allant du microscopique au gigantisme. Quoique jamais réalisées, elles permettront d’enrichir les travaux sur la cellule individuelle qui se concrétiseront par la réalisation de la Tour à capsule de KishoKurokawa. Aujourd’hui ces capsules servent notamment de bureaux, d’ateliers, ou de pied-à-terre à des employés. Ce projet a fortement contribué au développement des hôtels capsules qui font désormais partie du paysage des centres villes japonais. Aujourd’hui le manque de place engendré par la forte pression démographique reste un problème de taille pour les architectes japonais, qui, forcés de redoubler d’inventivité, sont nombreux à se pencher sur le concept de micro architecture.
14
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SORENSEN, « Land readjustement, urban planning and urban sprawl in the Tôkyô metropolitan area”, Urban Studies, vol. 36, 1999
L’Atelier Bow-Wow fait de cette problématique spatiale une force et développe un certain nombre de concepts qui visent à rendre habitables les espaces exiguës et morcelés de la ville. Fondé en 1992 par MomoyoKaijima et YoshiharuTsukamoto, l’Atelier Bow Wow subit la récession économique des années 1990 durant lesquelles la construction de projets publiques à grande échelle diminue. Par conséquent les architectes se concentrent essentiellement sur la conception de petites maisons pour des clients privés. Ils vont puiser leur inspiration directement dans les quartiers résidentiels de Tokyo qui regorgent de petites constructions atypiques, généralement commerciales. C’est ainsi qu’ils publient en 2001 « Pet Architecture », une étude qui recense les édifices interstitiels présents dans les quartiers résidentiels de Tokyo. Ce manifeste d’une architecture vernaculaire moderne se penche sur les moyens hors normes mis en œuvre par ces petites architectures pour pallier au manque d’espace. Il montre, à travers l’étude de ces petites constructions, la capacité à créer de la surprise dans le tissu urbain et de rompre avec les normes. Avec leur monographie Behaviorology parue en 2010, les architectes YoshiharuTsukamoto et MomoyoKaijima détaillent à travers leurs travaux, leur mode de conception de l’architecture. Ils montrent comment la forme du bâtiment est le résultat d’une interaction entre les éléments naturels (tels que la chaleur, le vent, la lumière, et l’eau), le « comportement » du bâtiment et la compréhension des comportements humains. J’ai choisi d’analyser la House Tower conçue en 2006 par l’Atelier Bow-Wow dans le quartier de Shinagawa-ku à Tokyo. Prévue pour un couple, cette micro architecture urbaine constitue un véritable modèle d’optimisation de l’espace, et de qualité architecturale. Bien que sa surface soit plus élevée que les deux autres exemples analysés (la Tiny House et la Keret House) - elle occupe une surface au sol d’environ 17m² - ses dimensions restent hors normes pour une maison de ville.
L’analyse de cet exemple a pour but de questionner l’habitabilité d’une micro architecture dans un milieu urbain dense : est-il possible de concevoir un espace de vie de qualité dans une si petite surface? Qui plus est dans un milieu urbain congestionné où le manque d’espace est déjà vécu comme une source de désagrément pour les individus? A traverse l’analyse de cette micro architecture, il s’agit de mettre en évidence les modes de vie qui se mettent en place dans un tel habitat. L’étude de son environnement, de sa spatialité, de sa forme, de son rapport à la nature, et de la relation entre son intérieur et son extérieur, sont autant de points qui vont permettre de questionner l’habitabilité du lieu et la capacité des architectes à renverser l’ordre des choses. Car malgré sa petite taille cette micro maison semble porteuse d’un certain art d’habiter, certes propre à la culture japonaise, mais qui nourrit la réflexion sur de nouveaux modèles d’habitats en dehors du Japon.
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i.I. envirronement : un micro habitat de ville La House Tower se situe sur une petite parcelle de 42m², une surface qu’il n’est pas si rare de trouver en ville. A l’inverse de la Tiny House souvent localisée dans des espaces isolés et naturels, la House Tower se fixe dans un environnement urbain dense. Cette micro architecture semble aujourd’hui séduire un grand nombre de Japonais comme l’observe l’historien de l’architecture Terunobu Fujimori, qui est amateur de cabanes et en dessine lui-même : “Comme ils savent qu’il leur est impossible d’avoir un grand espace, ils construisent une petite maison, un peu comme l’oiseau qui fait son nid. Et la cabane en est le summum.”15 D’autre part, ces micro architectures urbaines semblent s’adapter au mode de vie citadin. En effet M. Tsukamoto constate que lorsque l’habitat est réduit au strict minimum, il est nécessaire pour l’habitant d’étendre son espace de vie à l’extérieur de celui-ci. Les citadins sont plus enclins à s’approprier l’espace publique dans lequel ils considèrent « les supérettes du quartier [ouvertes vingt-quatre heures sur vingt-quatre] comme leur réfrigérateur et les restaurants comme leur cuisine »15. D’autre part, M. Tsukamoto explique lors d’une de ces conférences à l’Institut technologique de Tokyo que “le pavillon de banlieue ne représente plus la récompense de toute une existence, et beaucoup de gens souhaitent accéder à la propriété beaucoup plus simplement”16. Dans un contexte en pleine mutation, la micro maison s’impose comme un logement plus accessible, en accord avec le mode de vie urbain de Tokyo.
15-16
ASAHI Shimbun et Wakato OHNISHI, « Japon Les mini maisons sont le bonheur du
secret citadin », Le courrier international, n°2004-3, www.courrierinternational.com
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FIGURE 22 : croquis extérieur de la House Tower dans un environnement dense
I.2. Temporalité : des maisons pensées comme des «tableaux en mouvements»17
Comme je l’exprimai au début de cette seconde partie, le tissu urbain japonais est caractérisé par une forte instabilité. Cette particularité crée un rapport particulier au temps spécifique à la philosophie bouddhiste. Alors qu’en Europe on construit pour cent ans, au Japon le bâtit a une durée de vie de trente ans. Cette apparente précarité confère aux architectes, qui osent plus facilement s’aventurer sur le terrain de l’expérimentation, une certaine liberté comme c’est le cas de l’atelier Bow Wow qui transforme cette instabilité en dynamisme. De plus, les matériaux utilisés dans l’architecture traditionnelle japonaise renforcent son caractère éphémère. Alors que l’Occident a développé une architecture de pierre qui évoque la permanence, l’Extrême Orient a opté pour une architecture de bois plus provisoire. Ce caractère fragile des maisons nipponnes renvoie à l’existence éphémère de l’homme sur Terre, le poussant à prendre conscience de l’impermanence des choses. Même lorsque les architectes se démarquent résolument de la tradition dans le choix des matériaux, la culture de l’éphémère persiste dans leur approche. C’est ainsi que concernant la Tower House les architectes font un choix résolument moderne en utilisant du béton armé. Ce choix permet à la maison au gabarit discret de s’affirmer dans son environnement. Ce rapport particulier au temps n’est pas seulement une question de matériaux, il joue un rôle important dans la conception de l’espace au Japon. Par exemple une pièce peut accueillir différentes fonctions selon l’heure de la journée. C’est le cas des pièces à tatami (mot qui vient du verbe tatamu signifiant « plier ») dans lesquelles les futons sont stockés la journée à l’intérieur de rangement et dépliés le soir afin de servir de chambre à coucher.
Dans le cas de la House Tower, les architectes plongent l’individu dans un univers composé de formes abstraites, comme le dessin atypique des ouvertures, qui éveillent l’imaginaire et modifie le rapport de l’occupant à la temporalité. De plus, les éléments naturels tels que la lumière, la chaleur, l’eau et la nature, mis en scène par des procédés architecturaux constituent des éléments de mesure du temps. Les architectes accordent par exemple de l’importance à la contemplation des jeux de lumières qui éveillent les sens de l’habitant et le sensibilise à son environnement. L’échelle du temps est également celle de l’observation du quotidien des habitants que les architectes prennent soin d’étudier attentivement avant de réaliser un projet. Ainsi, qu’il s’agisse de comportements sociaux collectifs ou individuels le temps d’observation varie. Pour les architectes MomoyoKaijima et YoshiharuTsukamoto, les trois catégories qui définissent la Behaviorology - le bâtiment, les éléments naturels, et la vie humaine -entretiennent un rapport au temps différent, qu’il est nécessaire d’intégrer dans le processus de conception.
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BERTHET-BONDET Isabelle, 20 Maisons Nippones un art d’habiter les petits espaces, Marseille, Parenthèses, 2013, p.12
I.3. Forme : l’image de la tour La House Tower se dresse à 11,5 mètre dans le paysage urbain évoquant comme son nom l’indique l’image d’une tour. Cette image est renforcée par l’utilisation d’un béton brut, la forme atypique des ouvrants, et ses fines proportions. Elle se détache totalement de son environnement autant par sa hauteur que par le caractère onirique de ses formes. Le choix de cette analogie avec l’image de la tour n’est pas anodin car il renforce l’idée que le micro habitat doit constituer un lieu à l’abri du monde extérieur, capable de plonger son occupant dans un monde plus personnel. Ainsi, plus qu’une tour, la maison évoque l’image d’une« forteresse » de béton capable de protéger l’intimité de ses habitants.
FIGURE 23 : croquis de la façade de la House Tower rappelant l’image d’une forteresse mystéireuse
I.4. Spatialité : des espaces fluides et interconnéctés
l’escalier structure le volume en matérialisant une limite entre les différents espaces
La Machiya, maison traditionnelle de ville au Japon, est caractérisée par un espace très codifié qui associe des concepts philosophiques à des éléments architecturaux. Elle développe une spatialité horizontale dans laquelle tous les éléments sont liés, et s’inscrit toujours dans une relation étroite avec la nature. Les architectes japonais ont su réinterpréter ces codes dans les maisons actuelles, perpétuant ainsi un certain art de vivre. En raison du manque de place, la House Tower développe une spatialité verticale. Dix niveaux « s’entremêlent » dans un espace fluide. Les architectes, intéressés par la mixité des usages et les espaces ouverts, ont cherché à créer une continuité totale entre chaque élément. Chaque surface est mise en relation avec une autre de manière à en agrandir la perception. Les étages ne comportent quasiment aucune cloison, il y a peu de pièce distinctes afin de créer des espaces partagés. Il est d’ailleurs difficile de parler de « pièce » tant les limites entre les espaces sont floues. A l’inverse des schémas occidentaux dans lesquels l’espace est cloisonné, ici, la vue, le son et les odeurs peuvent circuler dans la maison. La limite est traitée comme une transition alors qu’en Occident elle est matérialisée par un élément plein. Vivre dans des espaces si ouverts nous paraît invraisemblable car dans notre conception de l’espace la sauvegarde de l’intimité et l’individualité de chacun est essentielle. Or pour les Japonais ces espaces ouverts sont rassurants et agréables à vivre. L’histoire japonaise raconte qu’au temps des « Shôguns » (militaires) on se confiait les secrets portes ouvertes afin d’être sûr de pas être entendu par d’éventuels espions. Cette pratique traduit une préférence pour des espaces ouverts, qui sont synonymes d’une meilleure visibilité.
volume avec une très belle hauteur sous plafond
les ouvertures sont situées en hauteur afin de préserver l’intimité des habitants
FIGURE 24 : croquis du séjour/cuisine de la House Tower, un lieu où les espaces
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s’entremêlent dans une atmosphère de claire/obscure
Ainsi, la House Tower est un lieu ouvert : la chambre à coucher ne comporte aucune cloison et la salle de bain un simple rideau de douche. Les espaces s’inscrivent à la suite les uns des autres pour former un ensemble plus volumineux. De plus, la spatialité japonaise repose sur la forte présence d’espaces intermédiaires. Dans la House Tower, l’espace est fractionné en une multitude de micros espaces afin de gagner en profondeur et d’élargir la perception. C’est par exemple le cas de la cuisine dont la séparation avec la salle à manger est matérialisée par deux marches. L’utilisation de la double hauteur agrandit les volumes des pièces et permet la création de demi-niveaux qui communiquent les uns avec les autres. La profondeur est mise en scène par cette succession de point de vue. L’escalier occupe une place centrale, il constitue la faille sur laquelle tous les espaces s’ouvrent mais agit également comme filtre entre deux espaces. Il joue le rôle d’un mobilier qui matérialise la délimitation entre la cuisine et la salle à manger. Cet « entre-deux » constitue un lieu suspendu au milieu des différents niveaux de la maison. Cette mise en scène des espaces transitoires est très utilisée dans l’architecture de l’Atelier Bow Wow qui considère les espaces intermédiaires comme de véritables lieux de vie. L’Atelier développe ainsi le concept de « l’escalier séjour » : un axe de circulation verticale devenu lieu de vie à part entière. La Tower House illustre comment la succession d’espaces intermédiaires peut donner de la qualité à l’espace de vie sans pour autant étendre la superficie de la maison. La multiplication du nombre de vues et la complexité des parcours renforce la perception d’un espace «presque infini ».
l’extérieur se devine depuis l’intérieur mais les vues ne sont pas directes
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FIGURE 25 : croquis du séjour/cuisine de la House Tower vue depuis la mezzanine
Comme l’expliquent les deux architectes dans leur monographie « Behaviorology », les comportements humains jouent un rôle déterminant dans leur processus de conception. L’architecture peut agir comme un catalyseur social, c’est-à-dire induire différentes pratiques sociales en fonction des procédés architecturaux utilisés. Ils expérimentent d’ailleurs eux même leurs concepts puisque leur propre maison, qui est également leur lieu de travail, est un exemple de mixité entre les deux. Cette pratique courante dans les années trente à disparue dans la seconde moitié du XXé siècle avec les réglementations du zonage qui imposait une séparation entre lieu de vie et lieu de travail. L’atelier Bow Wow tente de réintroduire cette mixité spatiale afin de modifier les modes de vie au sein de l’habitat. La House Tower est le résultat d’un travail en coupe complexe et extrêmement riche qui crée à l’intérieur de la maison de très beaux espaces de vie. Les architectes y développent une spatialité ouverte poussée à l’extrême afin d’optimiser au maximum cette micro parcelle. Les modes de vie induits par cette spatialité sont imprégnés par la culture japonaise et paraissent difficilement transposables aux modes de vie occidentaux.
partie en double hauteur qui constitue un apport de lumière et offre un aperçu de la terrasse
FIGURE 26 : croquis de la salle de bain de la House Tower totalement ouverte sur les autres espaces de la maison
I.5. Rapport aux éléments naturels : une architecture qui met en éveille les sens de l’Homme Dans la culture japonaise le rapport qu’entretient l’homme avec la nature est très fort. La maison s’impose comme ce lieu qui permet la rencontre de l’homme et de la terre. Les principes de la Behaviorology s’imprègnent des traditions en prenant en compte le comportement des éléments tels que l’eau, le vent, la chaleur, et la nature, dans la conception architecturale. Dans les villes occidentales les espaces naturels se situent soit à l’extérieur des villes ou à l’intérieur sous formes de parcs et de squares mais rares sont les individus qui peuvent bénéficier d’un jardin privé. Or au Japon, les places et les squares sont des typologies quasiment inexistantes ; c’est pourquoi l’habitat individuel intègre toujours un espace naturel même sous sa forme la plus abstraite. Ainsi, il est courant de trouver des patios à l’intérieur des maisons individuelles qui n’ont pas pour but d’être pratiqués mais qui recréent un espace naturel dans l’habitat. La maison traditionnelle japonaise accueille toujours en son fond de parcelle un jardin plus intime appelé « oku-niwa »qui ne cherchent pas à copier, ou à imiter la nature mais tentent d’en retransmettre les sensations à travers des symboles. Dans la House Tower celui-ci a disparu, laissant place à une terrasse, située au dernier étage, insoupçonnable depuis la rue. Cette terrasse est le point culminant de la maison et offre à ses occupants un véritable havre de paix. Délimitée par des murs de 2 mètres de haut faisant offices de garde-corps, elle constitue un lieu symbolique de connexion directe avec le ciel.
FIGURE 27 : croquis de la terrasse de la House Tower, un lieu intime à la fois propice au replis sur soi et à la
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contemplation de la ville
La manière d’intégrer les éléments naturels dans la House Tower relève d’une conception « sensible » et sensitive de l’habitat, c’est-à-dire qui vise à sensibiliser l’homme à son milieu par l’éveille des sens. Ainsi, à travers des procédés architecturaux, la maison peut enseigner à l’Homme un certain art d’habiter, plus proche des éléments naturels. De ce fait la maison s’inscrit dans une démarche écologique car elle incarne le lieu à travers lequel l’homme apprend à habiter en harmonie avec la nature. A l’inverse de la culture occidentale dans laquelle l’homme cherche à dominer et à maîtriser la nature, en Asie orientale l’homme cherche à cohabiter avec elle. Au Japon cette nature est d’autant plus précieuse qu’elle constitue la base de la principale et plus ancienne religion du pays : le culte polythéiste Shinto. Lorsque l’on regarde les caractéristiques géographiques du Japon, on comprend le lien très fort qu’entretiennent ses habitants avec la nature. Les montagnes, souvent inconstructibles du fait de leur dénivelé ou de leur caractère sacré, recouvrent quasiment 70% du territoire. Dans la House Tower, la conception écologique de l’habitat est induite par sa compacité qui génère de moindres coûts en dépense énergétique. De plus sa faible surface au sol l’inscrit dans une démarche visant à consommer moins d’espace afin de préserver les terrains naturels. Ainsi, c’est à travers le rapport très fort que la maison entretient avec les éléments naturels qu’elle contribue à sensibiliser ses occupants à leur environnement et peut leur inculquer une démarche écologique.
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I.6. Intérieur / extérieur : un lieu à l’abris des regards cadrage qui implicitement sensibilise l’homme à une autre manière de regarder l’extérieur
La House Tower est pensée de l’intérieur vers l’extérieur. Face à un contexte urbain imprévisible, car constamment en évolution, les architectes cherchent à organiser l’espace autour de celui qui l’habite. A l’intérieur chaque ouverture est ciblée et associée à un geste, un moment particulier de la journée. Il en découle une façade extérieure assez fermée sur la ville, sorte de métaphore d’une forteresse mystérieuse. Dans la House Tower les vues et les perspectives orientent le regard et guide le corps dans l’espace. Les ouvertures sont rarement à hauteur d’œil afin de protéger l’intimité des occupants. Chacune est soigneusement positionnée afin de diriger le regard ou de capter une lumière précise. La salle à manger bénéficie à la fois d’une lumière du matin avec une ouverture à l’Est et d’une lumière diffuse avec une ouverture au Nord. Cette préférence pour une lumière indirecte et diffuse fait référence aux codes de la maison traditionnelle japonaise où la lumière est tamisée par les Shôji (portes ou fenêtres coulissantes toile de papier blanc). De plus, les ouvertures sont toujours dessinées en fonction des positions du corps dans l’espace comme l’illustre l’ouverture au nord qui se prolonge au niveau supérieur dans la chambre à coucher offrant une vue rasante spécifiquement pour une personne allongée. La House Tower démontre que la réduction de l’habitat et donc la réduction de la distance privé/public ne signifie pas forcément une diminution de l’intimité dans l’habitation.
FIGURE 28 : croquis de la chambre de la House Tower, un «cocon» offrant différents cadrages sur l’extérieur
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CONCLUSION PARTIELLE
une spatialité fluide : des espaces en continuités les uns avec les autres
Avec le projet de la House Tower, les architectes Yoshiharu Tsukamoto et Momoyo Kaijima nous prouvent qu’habiter un petit espace ne signifie pas habiter un espace de moindre qualité. Bien au contraire la réduction de l’espace les a conduits à concentrer leur savoir-faire afin de créer une spatialité extrêmement riche. A travers l’analyse de la House Tower, j’ai découvert un art d’habiter spécifique à la culture japonaise. Le fait même d’Habiter y est associé à un art de vivre, qui implique une perception sensitive de l’espace. La maison doit permettre à l’individu de renforcer sa « présence au monde » et de ce fait la maison qu’il habite est révélatrice de sa manière d’être. C’est par l’éveil des sens au sein de l’habitat que l’Homme s’affirme et se construit. Cette approche sensible de l’habitat se rapproche de la conception de l’habitat de Martin Heidegger « l’homme habite en poète ». Dans son œuvre « Etre et temps » il explique le rôle que joue la relation entre l’homme et la nature dans la sensation de « l’Etre la ».
FIGURE 29 : coupe de la House Tower
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III.KERET HOUSE
FIGURE 30 : coupe sur la Keret House
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RDC FIGURE 31 : plan et coupe de la Keret House
R+1
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La Keret house a été conçue par l’architecte polonais Jakub Szczesny. Initialement présentée comme un concept artistique durant le festival WolaArt en 2009, le concept est devenu réalité en 2011. La maison est située à Varsovie dans le quartier de Wola. Ce projet ne peut laisser indifférent car il s’agit d’une architecture spectaculaire malgré sa petite taille qui relève le défi de bâtir un espace habitable dans une faille allant de 72 à 122 centimètres de large. En poussant jusqu’à l’extrême le concept de micro architecture il nous donne à réfléchir sur la viabilité et l’intérêt de la reproduction d’un tel habitat. Ce projet s’inscrit également dans une réflexion sur le manque d’espace constructible en ville. L’architecte implante son projet dans un « interstice urbain », ces zones en marges - terrains vagues, friches - qui représentent pour Pascal-Nicolas Le Strat « ce qui résiste encore dans les métropoles, ce qui résiste aux emprises réglementaires et à l’homogénéisation. Ils constituent en quelque sorte la réserve de « disponibilité » de la ville»18. Dans un contexte de saturation urbaine, ces espaces s’affichent de plus en plus comme une solution pour le renouvellement urbain. D’autre part, il s’agit d’une œuvre ambigüe puisqu’elle se situe à la frontière entre l’art et l’architecture. Conçue pour le festival WolaArt en 2009, elle tend à rassembler deux disciplines voisines et parfois rivales : l’architecture et le design. A travers cette ambigüité la micro architecture apparait comme une sorte de point de jonction entre les deux disciplines.
L’architecte fait passer l’utopie de la fiction à la réalité, soulevant ainsi un certain nombre de question sur le rapport entre l’habitant et son habitat. La Keret House est conçue comme une expérience sensorielle très personnelle dans laquelle l’habitant doit prendre conscience de son corps et plus largement de sa présence au monde. L’analyse de la Keret House pose à la fois la question de l’habitabilité d’un micro espace et du lieu marginal dans lequel elle s’implante. L’étude de son environnement, de sa spatialité, de sa forme, de son rapport à la nature, et de la relation entre son intérieure et son extérieur, vont permettre de questionner la viabilité d’un tel habitat et les modes de vies qui s’y développent.
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18
LE STRAT Pascal-Nicolas, Expérimentation politiques, Op. Cit.
i.I. envirronement : habiter l’interstice pour entrer dans la Keret
La forme actuelle de Varsovie témoigne des ravages de la guerre et des décisions urbaines qui ont suivi. Dans l’après-guerre les constructions provisoires et aléatoires se multiplient, sans continuité avec le tissu ancien de la ville. Ce processus a créé des fentes, des espaces vides, non productifs, dans la ville. Pour désigner ces lieux on emploi aujourd’hui le terme d’interstice urbain. Ces porosités, selon l’architecte Stéphane Malka « ne sont pas des non lieux mais de vrais espaces dépourvus de fonctionnalités. Il faut transcender l’âme du lieu en leur trouvant un nouvel usage »19. Jakub Szczesny confère à
House l’habitant doit se faufiler entre les murs de deux immeubles
ce lieu marginal la fonction d’habitat laissant ainsi entrevoir de nouvelles perspectives pour l’habitant en ville. L’architecte élargit le champ des possibilités car, s’il est vraisemblable d’habiter entre deux immeubles, pourquoi ne pourrait-on pas envisager d’habiter suspendu à la branche d’un arbre, sur une place de parking, ou sur le toit d’un immeuble ? D’autres projets expérimentaux laissent déjà entrevoir ces formes d’habitat tel que la Rucksac House de Stefan Eberstadt. Il s’agit d’une boite qui se greffe sur la façade d’un immeuble afin d’offrir un espace en plus à un logement. Clara Guillaud décrit l’interstice comme un lieu « où les questions sont posées, où les stéréotypes sont remis en question, où l’on sort d’un circuit fermé, pour ouvrir de nouvelles perspectives, et de comprendre certains mythes sur lesquels notre société se construit, et s’enferme de plus en plus »20. En somme, les interstices urbains apparaissent comme des lieux de résistance à un modèle de société. Avec la Keret House, Jakub Szczesny, met en évidence le potentiel de ces lieux « entre-deux » capables de générer de nouvelles formes d’habitat et d’impulser de nouvelles pratiques sociales. 19
ANTOINAT Déborah, « Porosités urbaines, une piste pour le renouvellement urbain », Journal Midionze, 1er septembre 2011, www.midionze.com
20
GUILLAUD Clara, « Interstices urbains et pratiques culturelle » in L’habitat un monde à échelle humaine, Dossier 2009, P.3, www.implications-philosophiques.org
FIGURE 32 : entrée dans la Keret House
La Keret House est située dans un lieu symbolique puisqu’il s’agit d’une fente où se confrontent deux époques historiques de la ville. D’un côté un bâtiment en brique sur Zelazna Street qui constitue un fragment de la ville avant le Seconde Guerre mondiale, de l’autre un immeuble en béton, une architecture moderne qui tranche avec le paysage de la ville ancienne. C’est cette proximité accidentelle, fréquente à Varsovie, qui a interpellé l’architecte. Avec la Keret House il souhaitait illustrer cette tension entre les deux bâtiments. Le projet devient un objet paradoxal qui met en évidence ce « non-alignement » tout en créant un élément de liaison entre les deux immeubles. Ce lieu est chargé d’histoire puisqu’il constitue le point de rencontre entre le grand ghetto et le petit ghetto de Varsovie. A quelques pas de la parcelle se situe une passerelle qui reliait les deux zones, ce qui confère à cette œuvre une portée symbolique d’autant plus forte. En réalisant cette œuvre, Jakub Szczesny suggère comment pourrait être densifiée la ville de demain. Face à une pression démographique et foncière de plus en plus forte, les interstices urbains apparaissent comme une piste intéressante dans la planification urbaine. En outre, construire dans ces espaces peut constituer une manière de contourner un prix du foncier très élevé dans les grandes agglomérations. En effet ces parcelles ne sont pas soumises aux mêmes évaluations foncières car elles restent pour le moment marginalisées. A terme, la généralisation de ces interventions pourrait permettre grâce à la densification du bâti d’augmenter l’offre de logement. Cependant ces projets se heurtent encore aux lois qui restent rigides vis-à-vis de ces propositions.
Construire dans les interstices urbains atteste aussi d’une volonté de penser la ville autrement. Ces projets visent à créer de la surprise, de la spontanéité, attiser la curiosité du passant et lui permettre de porter un autre regard sur la ville. Pour l’architecte le projet peut devenir un symbole de la Varsovie contemporaine, une ville capable de réinterpréter son patrimoine et de s’ouvrir à des formes et des idées artistiques non-standard. En conclusion les interstices urbains semblent être un terrain idéal pour l’expérimentation du micro-habitat. En effet la dimension souvent exiguë de ces espaces impose la construction à petite échelle et leur caractère marginal permet de bouleverser les normes établis. La Keret House constitue une sorte de manifeste de l’utilisation des interstices urbains.
39
I.2. Temporalité : un habitat éphémère
Dans la Keret House, le temps semble s’être arrêté. L’habitat offre un lieu coupé du monde à l’intérieur duquel une seule et unique fenêtre situé audessus du lit permet d’avoir une vue sur la rue. L’architecte semble avoir pensé la maison comme un espace de méditation au sein duquel l’extérieur ne doit pas perturber l’habitant. La faible visibilité de cet espace engendre une perte des repères et plonge l’individu dans une nouvelle temporalité, peut être plus proche de sa propre temporalité. D’autre part, la particularité qu’entretient la Keret House avec le temps tient au fait qu’il s’agit d’une architecture éphémère prévu pour ne durer que 4 ans. Elle doit être démontée en 2015 mais l’impact qu’elle a suscité force à croire que l’expérience sera réitérée et peut être même généralisée. Les matériaux mis en œuvre dans la réalisation, notamment du métal et du plastique, renforcent le caractère provisoire de l’œuvre. La Keret House n’est pas seulement une œuvre temporaire, elle est également prévue pour une occupation temporaire. Jakub Szczesny destine son œuvre à l’écrivain israélien, Etgar Keret, ce dernier ayant déclaré qu’il cherchait un pied à terre afin de pouvoir passer un certain temps à Varsovie, un lieu symbolique pour lui puisqu’il s’agit de la ville où ses parents se sont rencontrés. Cependant l’écrivain désir élargir cette expérience à tous les artistes ou personnes intéressées par l’occupation des lieux. Pour cela il prévoit de mettre en place un système de rotation des habitants. La maison devrait constituer un refuge dans lequel les artistes pourraient travailler, et se reposer. Ainsi le temps d’occupation du lieu varie, allant de la simple visite à l’occupation plus durable de l’œuvre.
Ce concept d’occupation temporaire met en relief le rôle que pourrait
jouer la micro architecture dans l’habitation d’appoint. Cette utilisation de la micro architecture rappel les projets des hôtels-capsules créés vers 1975 au Japon. Ils associent à la capsule, simple habitacle prévu pour loger un corps en position allongée, à des équipements collectifs attrayants tels bains, saunas, salles de télévision et restaurant. Si ce concept d’assemblage sériel de coffreslits peut déclencher une claustrophobie chez certain occidentaux, les japonais l’ont adopté dans leurs modes de vie. Ces hôtels furent une réponse à l’éloignement des distances entre le foyer et le lieu de travail causé notamment le manque d’espace et l’augmentation des prix du foncier en ville. Ils sont situés autour des gares et offrent aux employés de bureaux une « chambre » peu coûteuse lorsque ceux-ci ont raté le dernier train ou que le trafic ferroviaire est interrompu. La cellule constitue la seule zone privative de l’hôtel, ce faible degré d’intimité n’est pas perçu comme un inconvénient par les japonais qui apprécient ces espaces ouverts propices aux échanges entre les individus. Ce projet met en évidence d’autres perspectives d’utilisation que celle de l’habitat dans la micro architecture.
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I.3. Forme : entre Art et Architecture L’ambigüité de la Keret House vient du fait qu’elle recoupe deux disciplines : le design et l’architecture. Il s’agit d’une œuvre qui questionne le rapport du corps à l’objet et de l’objet à la ville mais elle est aussi une œuvre fonctionnelle qui répond à tous les besoins nécessaire pour habiter. C’est cette échelle réduite qui fait de la micro architecture un point de jonction entre le design, et plus largement entre l’art, et l’architecture. La rencontre de ces deux disciplines est avantageuse puisqu’elle permet d’élargir leur champ d’action. L’architecte Ionel Schein (1927-2004) était déjà conscient de l’intérêt de réunir ces différentes compétences en 1955 lorsqu’il fonde le Bureau pour l’étude des problèmes de l’habitat qui regroupe artistes, ingénieurs, entrepreneurs, étudiants et architectes. A travers des projets de micro architecture, l’architecte envisage de nouvelles formes d’habitat. Il déclare en 1956 « L’homme se défixera. Les formes construites auront l’allure d’enveloppes, d’abris portatifs […] L’aménagement évolutif doit être laissé à la libre détermination des individus ». Cette vision futuriste de l’habitat est illustrée par son prototype de « la maison tout en plastique »21 présenté en février 1956, à Paris, au Salon des arts ménagers, en collaboration avec Yves Magnant et René-André Coulon. Le projet constitue une réflexion sur la cellule d’habitation modulable. Plus tard dans la même année Ionel Schein imagine avec la même équipe une chambre d’hôtel toute équipée et mobile sous la forme d’une cabine monocoque en plastique. Ces projet ont rencontré un grand succès et ont eu une influence déterminante. La Keret House s’inscrit dans la même veine que ces projets visionnaires et marque un tournant puisque l’œuvre a quitté les musés et les salons pour prendre place dans la ville réelle. Elle est devenue ce que Yona Friedman appel une « utopie réalisable ».
FIGURE 33 : maquette de la maison en plastique de Ionel Schein
FIGURE 34 : plan schématique de la maison en plastique de Ionel Schein
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21
VANDEPUTTE Marie-Pierre, « Archigram, de l’utopie à la folle fiction », p.56
I.4. Spatialité : mise en scène du corps dans un espace vertical et exigu A l’intérieur, Jakub Szczesnya a conçu la maison avec tous les éléments fonctionnels nécessaires. Au premier étage, les toilettes et la cuisine se côtoient, la chambre occupe le second étage et contient un bureau placé juste à côté du lit. Un petit espace de rangement, ne dépassant pas les 3m², a été prévu sous les « combles ». Cette micro-maison est donc théoriquement habitable, mais on peut cependant se demander s’il serait possible d’y vivre durablement. Entre fascination et malaise, la micro échelle génère souvent chez les observateurs des sentiments contradictoires. Pour Jakub Szczesny, habitant lui-même un petit appartement de 21,5m² à Varsovie, le concept de réduction est fascinant. Les projets les plus intéressants sont ceux qui combinent plusieurs contraintes telles que le budget, la spatialité, et génèrent ainsi de nouvelles formes, et donc de nouvelles pratiques. Avec la Keret House l’architecte propose à l’individu de faire l’expérience d’une intimité exacerbée. L’habitat, réduit à son strict minimum, devient une sorte de bulle méditative. L’œuvre devient le lieu de la mise en scène de soi, de son individualité, un sujet majeur de l’art contemporain qui propulse l’intime individuel au premier plan de la réflexion. C’est par exemple le cas des mobiliers-abris et accumulations habitables de Vito Acconci qui met en scène l’intimité et l’individualité à travers des formes de micro architecture qui rappellent le cocon et le nid. Dans un contexte où notre perception du monde atteint une échelle maximum avec l’hyper connexion des réseaux à l’échelle mondiale, il semble nécessaire de considérer la micro échelle.
les paroies donnant sur l’extérieur sont transluscides et laisse se propager une lumière diffuse à l’intérieur de la maison
partie la plus étroite de la maison : 72cm de large
les paroies contres les murs pignons sont en plastiques blanc afin de réfléchir la lumière au maximum
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FIGURE 35 : intérieur de la Keret House, un espace vertical et étroit mais rendu très lumineux par les paroies translucides
Ainsi, la Keret House offre un espace propice au repli du corps et de l’esprit, un refuge protecteur contre le monde extérieur chaotique et non maîtrisable. Elle est à la mesure de l’individu qui l’habite, se l’approprie, et s’y construit une identité. PerelaKorozec écrivait « Entre mon intérieur et le monde, il y a les limites de mon corps, ma peau. De la même façon, entre l’intérieur habité et le dehors, il y a les murs de la maison »22. Ici les murs sont quasiment devenus une seconde peau pour l’habitant. La micro architecture, à travers un espace réduit, questionne sur le rapport qu’entretient le corps avec l’objet architectural. Ici l’échelle minimale agit comme un outil de mesure, puisqu’elle permet à l’individu de prendre conscience de la place qu’occupe son corps dans l’espace. Le fait de pouvoir toucher les parois rend le manque d’espace palpable et peut-être oppressant. Le corps est très sollicité par les déplacements physiques tels que l’utilisation de l’escalier pour entrer dans la maison, de l’échelle pour accéder au second niveau, et les déplacements dans les circulations étroites. La maison devient une sorte catalyseur des sens pour celui qui l’occupe. La Keret House, et plus largement la micro architecture, deviennent le lieu à travers lequel « son occupant s’extrait du monde extérieur et développe ainsi ses propres univers »23. Un lieu où se développe l’imaginaire et qui échappe à la réalité. Ce désir de « disparition » est décrit dans « Une chambre » de Gilles Barbeyet et Perla Korosec-Serfaty « Combien de fois, enfermé par exemple dans l’étroitesse des « cabinets d’aisance » n’avons- nous pas songé à un enfermement plus total encore, à une véritable clandestinité spatiale qui se serait abritée dans l’épaisseur des planchers et l’intervalle des cloisons ? Combien souvent n’avonsnous pas aspiré à la cachette, au refuge, à la disparition vers des repaires secrets et inexpugnables pour le bénéfice d’un meilleur ressaisissement de soi ? »24 La
Les positions inhabituelles que génère la structure de la maison lui confèrent un aspect ludique
espace vertical associé à des perspectives qui agrandissent le lieu et lui confère des qualités spatiales malgré sa petite taille
FIGURE 36 : une architecture qui sollicite le corps
Keret House semble donner corps à cet extrait car elle est située dans un espace SERFATY-GARZON Perla, « Le Chez-soi : habitat et intimité » in Dictionnaire critique de l’habitat et du logement, Paris, Armand Colin, 2003, p.7 quasi « clandestin » puisqu’il s’agit d’un interstice urbain, et ses dimensions, qui BRAUSTEIN Chloé, « Micro-architectures ou macro-design ? » in Micro-Architecture, L’architecture d’aujourd’hui, n°338 Juin 2000, p.93 avoisinent celles d’un mur épais, offrent une cachette discrète à celui qui l’occupe. 43 BARBEYET Gilles et KOROSEC-SERFATY Perla, « Une chambre », P.6 22
23
24
De plus, l’espace entièrement peint en blanc renforce l’image abstraite et imaginaire du lieu. D’autre part, il s’agit d’une œuvre qui illustre la monté de l’individualisme aujourd’hui. L’architecte fabrique un lieu destiné à une seule personne, en raison de sa taille minimale, dans lequel celle-ci peut se concentrer pleinement sur soi. Cependant l’œuvre risque de devenir une coquille nombriliste dans laquelle l’individu est isolé. Pour parler de micro architecture le terme de « cellule individuelle » est régulièrement utilisé et traduit l’angoisse de se retrouver piégé, à l’image d’un prisonnier, dans sa propre cellule. Avec la Keret House, Jakub Szczesny imagine un lieu où l’espace est optimisé au maximum. Il s’inspire des cabines de bateau pour réaliser la plomberie, le réseau d’eaux usées et l’électricité. Il use même de technologie hightech permettant à l’escalier de l’entrée de se replier sur la simple pression d’un interrupteur intégré à l’étage. Le volume triangulaire permet d’éviter de trop grandes hauteurs sous plafond qui, compte tenu de l’étroitesse des lieux, rendrait le lieu véritablement oppressant. Cependant, ce lieu reste avant tout un espace expérimental dans lequel il est difficile d’envisager d’habiter durablement. Il est davantage conçu comme un espace de replis destiné à une occupation temporaire.
l’espace est confiné, intime, et minimal : la Keret House constitue un lieu propice au développement de l’imaginaire et des rêves
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FIGURE 37 : vue de dessus du lit de la Keret House
I.5. Rapport aux éléments naturels : un habitat urbain dépourvu d’espace naturel Dans la Keret House, l’architecte n’a pas prévu d’espace naturel. Cette absence de nature est un désagrément dans un lieu situé dans un milieu urbain car non seulement ces espaces sont rares mais aussi parce qu’ils constituent des espaces de transition entre le logement et la ville. Ils opèrent le passage entre le statut intime du logement et le caractère public de la rue. De ce fait, les espaces intermédiaires tels que les balcons, les terrasses, ou les jardins, jouent un rôle qualitatif important dans l’habitat. La notion « d’espaces intermédiaires » émerge dans la seconde moitié de XXème siècle et fait l’objet de nombreuses recherches et propositions architecturales. Amélie Flamand, dans sa thèse « L’invention des espaces intermédiaires dans l’habitat » parue en juin 2008 explique le rôle clef de ces espaces dans la construction du « chez-soi ».Cependant le rôle de ces espaces est encore peu pris en compte dans la production actuelle. La micro architecture, du fait de sa petite taille, semble moins encline à intégrer des prolongements extérieurs. Cette caractéristique devrait être d’autant plus prise en compte que le lieu qu’elle propose est marqué par un fort degré d’intimité et donc une forte rupture avec l’espace public. A cet égard, il est intéressant de noter que le fait que la Keret House soit surélevée aurait pu permettre la création d’un espace extérieur sous celle-ci, de plein pied avec la rue. Malgré l’absence d’espace naturel, d’autres éléments sont pris en compte dans la Keret House, tel que la lumière. Il s’agit d’une lumière diffuse modulée par des parois translucides. La maison étant prise entre deux murs pignons, les murs donnant sur l’extérieur constituent une « peau » qui laisse passer la lumière. Il en résulte un espace intérieur très lumineux.
Par conséquent, il existe seulement deux ouvertures dans la maison, une au-dessus du lit et l’autre située à la pointe du triangle. Elles ne permettent d’entrevoir le paysage extérieur qu’à moitié puisqu’une tôle perforée passe devant. Il y à donc peu de visibilité sur l’extérieur, mais ce choix d’une mise en scène abstraite du dehors peut s’expliquer par la localisation de la maison. En effet, la Keret house est comprimée entre deux murs pignons insalubres et ternes qui s’élèvent à près de 20 mètres au-dessus d’elle, ce qui peut expliquer pourquoi l’architecte a choisi de limiter la visibilité sur l’extérieur. l’extérieur apparait de façon abstraite à l’intérieur de la maison en raison des paroies transluscides ainsi l’occupant oubli que la maison se stiue entre de mur pignon de 20m de haut
parcours veritcal
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FIGURE 38 : vue depuis le 2éme niveau de la Keret House
I.6. Intérieur / extérieur : un lieu coupé du monde extérieur Comme nous venons de le voir, la Keret House est un espace introverti, très peu ouvert sur l’extérieur. Elle ressemble à une sorte de bunker moderne dans lequel l’individu pourrait se réfugier afin de fuir le monde extérieur. Elle est d’ailleurs équipée contre toute tentative d’intrusion avec son escalier rétractable. Cette rupture très forte entre l’intérieur et l’extérieur du logement en fait un espace où l’on ne reste pas car l’isolement pourrait devenir pesant. Cependant, l’entrée dans la maison constitue un espace de transition avec la rue. Dans le cas de la Keret House, l’individu doit passer par le parking ouvert d’un immeuble collectif, puis ouvrir un portail, se nettoyer les pieds sur le paillasson et pour finir monter un escalier. Cet ensemble de geste constitue un dispositif de marquage de l’espace qui facilite l’appropriation de son espace de vie et rend la limite entre le dehors et le dedans moins brutale.
l’un des deux cadrages sur l’extérieur offrant un peu de visibilité sur la ville
FIGURE 39 : la chambre de la Keret House : un «cocon» grâce aulequel l’individu s’extrait du monde
CONCLUSION PARTIELLE Jakub Szczesny érige une œuvre hors normes, qui donne à réfléchir sur le rapport de l’habitant à son habitat, et sur la place de ce dernier dans la ville. Il crée un lieu de repli qui met en scène l’intimité de chacun. Le caractère éphémère de son œuvre pousse à entrevoir l’habitat et plus largement « l’habiter » comme une pratique temporaire et non comme un ancrage durable dans un lieu donné. Le travail exceptionnel d’optimisation de l’espace de Jakub Szczesny peut être mis en parallèle avec celui de Didier Fiuza Faustino qui, en 2003, érige un totem urbain sur la place de la porte d’Ivry qu’il nomme « 1SQMH ». Cette tour, qui s’élève à 17 mètres de haut et occupe 1m² carré au sol, est en réalité une micro maison individuelle. Elle est constituée de 4 niveaux formés par des modules géométriques emboités qui regroupent les pièces élémentaires d’un logement : une cuisine, une chambre, un salon et une salle de bain. Il s’agit d’un prototype expérimental réalisé en plastique translucide laissant deviner la présence de l’individu qui l’occupe. Ce projet a pour réflexions centrales la dimension du corps et la densification de la ville. A l’inverse de la Keret House qui est une architecture contextuelle dont la forme découle directement de l’environnement dans lequel elle s’insère, ce projet est un prototype théorique qui répond à une optimisation optimale de l’espace sans prendre en compte un contexte précis. Didier FiuzaFaustino fabrique un « objet » architectural, à la forme d’une sculpture urbaine, positionnable n’importe où dans la ville, même directement dans l’espace public comme c’est le cas lors de son exposition à la Porte d’Ivry. Cette vision futuriste de l’habitat bouleverse les normes et ouvre de nouvelle perspective dans l’utilisation de l’espace public.
FIGURE 40 : projet «1SQMH» de Didier Fiuza Faustino
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CONCLUSION L’étude de ces trois projets exemplaires confirme, si besoin en était, que le micro habitat est habitable. Cela peut paraitre un peu surprenant de commencer la conclusion de ce mémoire par ce simple constat, constat toutefois réconfortant et porteur d’espoir, mais il faut avoir l’honnêteté de reconnaitre que, si il fascine et stimule bon nombre d’architectes, le micro habitat interpelle la plupart des individus quant à sa réelle viabilité. Certes, son assimilation par le peuple japonais, dont l’héritage culturel est fortement imprégné par la problématique du manque d’espace, est sans discussion plus avancée que dans le reste du monde ; certes, la motivation des américains pour ce type de logement a beaucoup à voir avec des considérations économiques, une solution « anticrise » souvent écologique ; certes il n’est pas concevable d’habiter la Keret House de manière durable, mais les faits sont là : toutes les réalisations étudiées ont été, et sont toujours véritablement habitées, donnant ainsi raison et rendant hommage aux architectes qui les ont conçues. Au-delà de toutes motivations de l’habitant, au-delà de toute dimension culturelle, la prouesse architecturale, tant dans la spatialité interne, que le rapport aux éléments naturels et la forme entre sans doute pour beaucoup dans le succès de ces réalisations. A cela, il convient d’ajouter que ces trois œuvres, la Keret House en particulier, ont permis de mettre en évidence le lien existant entre la micro architecture et l’art : l’esthétisme et la taille de ces trois petits « objets » architecturaux les situe à la frontière entre l’art et l’architecture. 48
On découvre également que le micro habitat met en jeu de nouvelles valeurs sociétales et peut s’imposer comme un modèle critique vis-à-vis d’une société dans laquelle le besoin de possession et d’accumulation sont souvent poussés à l’excès : habiter dans un espace de taille minimum signifie vivre avec le minimum et conduit par conséquent à s’interroger sur ce qui est essentiel. Réduire ainsi ses besoins peut éventuellement permettre de travailler moins. Un changement de place de la valeur travail susceptible d’impacter à son tour le mode de vies des habitants qui, ainsi libérés d’une forte préoccupation matérielle, peuvent se consacrer à autre chose, et pourquoi pas, à eux mêmes. Masato Sasaki, professeur de psychologie écologique à l’université de Tokyo, résume peut-être d’une seule phrase le potentiel d’une telle évolution dans notre échelle de valeurs: “ Le fait de ne plus percevoir l’intérêt du monde en fonction de critères de grandeur et de richesse est le signe qu’une société et ses citoyens sont parvenus à maturité”25. Un tel bouleversement n’est évidemment pas sans soulever des questions importantes : - les trois projets étudiés constituent des lieux propices au repli sur soi, permettant à chacun de s’isoler du monde extérieur. Désiré ou pas, cet isolement peut venir renforcer la montée de l’individualisme que connait la société moderne et faire craindre une perte accrue de sociabilité chez les individus. Par exemple, la taille réduite des habitations ne permet plus aux habitants de recevoir et donc exclut du logement une partie des pratiques sociales très largement répandues. - Lorsque ces micro architectures sont occupées par plusieurs habitants, la convivialité du domicile prime sur l’intimité individuelle contribuant à renforcer la cellule « familiale nucléaire ».
25
Cette perception de l’intimité dans la maison rappelle une définition de la famille caractéristique du XXème siècle que la sociologue Perla Serfaty-Garzon définit comme un « sentiment de solidarité et un climat affectif qui lient entre eux les membres de l’unité domestique et qui les sépare du reste de la collectivité. »26. C’est l’espace social à l’intérieur de l’habitat qui prévaut sur l’espace social extérieur. Que de bouleversements potentiels autour du micro habitat ! Mais pourquoi ne pas aller plus loin encore ? En raison notamment de leur petite taille ces projets constituent une architecture « fragile », au caractère éphémère, souvent considérés comme mobiles. Même si ces petites maisons ne possèdent pas toujours de roues elles sont facilement démontables et repositionnables dans un autre lieu. A cet égard, il est intéressant de souligner que ce phénomène de miniaturisation de l’habitat est largement porté par les réflexions autour de l’habitat mobile aux Etats Unis. La globalisation des échanges et la multiplication des réseaux ont contribué à rendre les individus de plus en plus mobiles et l’habitat du futur semble devoir répondre à ce besoin croissant de mobilité. Ainsi, plus l’habitat est petit et plus il facile à transporter. Dans cette perspective il n’est pas impossible que l’habit devienne un jour la forme ultime de l’habitation. Les travaux de la designer Lucy Orta offrent un exemple saisissant de combinaisons capables de se transformer en abris pour la nuit. Les projets artistiques « Refuge Wear » et « Nexus architecture » sont à la fois envisagés dans une problématique d’architecture d’urgence mais alimentent également, avec beaucoup de poésie, les réflexions sur de nouvelles formes « d’habiter ». Primo Levi écrivait« J’habite ma maison comme j’habite ma peau» évoquant déjà des frontières de plus en plus floues entre le corps de l’Homme et son habitat.
ASAHI Shimbun et Wakato OHNISHI, « Japon Les mini maisons sont le bonheur du secret citadin », Le courrier international, n°2004-3, www.courrierinternational.com 26 SERFATY-GARZON Perla, « Dans l’intimité de la maison, un territoire pour l’enfant », In Le Furet, N° spécial « à la conquête de l’espace », été 2006, p.5
Enfin, si le micro habitat constitue aujourd’hui une source sérieuse de réflexion dans la conception de logement, il apparait que son véritable développement reste conditionné par le dessin de la ville et de ses infrastructures. A l’image des japonais qui considèrent la superette comme leur réfrigérateur personnel, il apparait nécessaire de compenser la perte d’espaces individuels par la création de structures collectives de proximité offrant une sorte de rééquilibrage du fait du bouleversement occasionné dans des modes de vie profondément ancrés ainsi peut-être qu’une possibilité de transition réussie vers de nouveaux modèles de société. C’est avec un formidable sentiment d’énergie que je termine ce mémoire, qui en dépit d’un travail que j’aurais voulu approfondir bien davantage, m’a conforté largement dans mon choix de l’architecture comme domaine auquel consacrer ma vie professionnelle, et m’a permis de mesurer, plus encore, l’incroyable potentiel créatif de l’architecture et son importance dans nos vies.
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BIBLIOGRAPHIE / WEBOGRAPHIE / FILMOGRAPHIE OUVRAGES :
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FILMS et CONFERENCES HUNZINGER Robin, Ă&#x2030;loge de la cabane TSUKAMOTO Yoshiharu, Behaviorologie, vimeo.com
SITES www.archdaily.com www.archimeo.org www.alternatives.blog.lemonde.fr www.deborahantoinat.wordpress.com www.courrierinternational.com www.habiter-autrement.org www.lecourrierdelarchitecte.com www.lemonde.fr www.transit-city.com www.metropolitiques.eu
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TABLE DES ILLUSTRATIONS Figure 1 : Maquette de la chambre étudiante de première année
FIGURE 24 : croquis du séjour/cuisine de la House Tower, un lieu où les espaces
Figure 2 : Croquis réalisé dans le cadre du travail sur la chambre étudiante
s’entremêlent dans une atmosphère de claire/obscure
Figure 3 : Coupe sur le projet urbain conçu dans le cadre du PFE
FIGURE 25 : croquis du séjour/cuisine de la House Tower vue depuis la mezzanine
Figure 4 : Perspective des logements imaginés lors du PFE
FIGURE 26 : croquis de la salle de bain de la House Tower totalement ouverte sur les autres
Figure 5 : La Tiny House de Logan Smith et Tammy Strobel
espaces de la maison
Figure 6 : La House Tower de l’Atelier Bow-Wow
FIGURE 27 : croquis de la terrasse de la House Tower, un lieu intime à la fois propice au
Figure 7 : La Ketet House de Jakub Szczesnyen
replis sur soi et à la contemplation de la ville
Figure 8 : schéma comparatif de l’emprise au sol des différents projets
FIGURE 28 : croquis de la chambre de la House Tower, un «cocon» offrant différents
Figure 9 : schéma comparatif des surfaces des différents projets
cadrages sur l’extérieur
Figure 10 : plan de la Tiny House au 100éme
FIGURE 30 : coupe sur la Keret House
FIGURE 11 : coupe de la Tiny House au 100éme
FIGURE 31 : plan et coupe de la Keret House
FIGURE 12 : axonométrie de la Tiny House
FIGURE 33 : maquette de la maison en plastique de Ionel Schein
FIGURE 13: croquis de la Tiny House lors d’un voyage dans le parc national de Siskiyou
FIGURE 32 : entrée dans la Keret House
(Est des E.U)
FIGURE 34 : plan schématique de la maison en plastique de Ionel Schein
FIGURE 14 : croquis de la Tiny House «on the road again»
FIGURE 35 : intérieur de la Keret House, un espace vertical et étroit
FIGURE 15 : réplique de la cabane de Thoreau au bord du lac Walden
mais rendu très lumineux par les paroies translucides
FIGURE 16 : photo du lac de walden
FIGURE 36 : une architecture qui sollicite le corps
FIGURE 17 : photo de l’intérieur du cabanon de Le Corbusier
FIGURE 37 : vue de dessus du lit de la Keret House
FIGURE 18 : Croquis de la chambre en mezzanine , un espace intime et lumineux
FIGURE 38 : vue depuis le 2éme niveau de la Keret House
FIGURE 19 : Croquis de l’intérieur de la Tiny House : un espace très ouvert sur l’extérieur
FIGURE 39 : la chambre de la Keret House : un «cocon» grâce aulequel l’individu s’extrait
FIGURE 20 : Croquis de l’intérieur de la Tiny House : la présence du bois rend l’espace
du monde
chalereux, confortable et rappel l’esprit du chalet
FIGURE 40 : projet «1SQMH» de Didier Fiuza Faustino
FIGURE 21: plan House Tower FIGURE 22 : croquis extérieur de la House Tower dans un environnement dense FIGURE 23 : croquis de la façade de la House Tower rappelant l’image d’une forteresse mystéireuse
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REMERCIEMENTS Je remercie Sylvaine Bulle, sociologue et professeur à l’ENSAPVS, de m’avoir suivi dans cette réflexion Je remercie particulièrement Jean-luc Visciano pour son soutien et ses réflexions avisées
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