Libre blanc de la Mobilité

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LIVRE BLANC DE LA MOBILITE EN PROVINCE DE LUXEMBOURG


Préface du Ministre de la Mobilité et de l’aménagement du Territoire Mot du responsable de la grappe mobilité- Député provincial en charge de la mobilité et Président du Collège provincial Mot du Président de Luxembourg 2010, Gouverneur de la province de Luxembourg


Ce « Livre blanc de la mobilité en province de Luxembourg » est le fruit du travail de la Grappe mobilité de Luxembourg 2010. Luxembourg 2010 est un projet de territoire, né en 2001, qui associe sur une base volontaire les forces vives, des opérateurs privés et publics de la province en vue de définir collectivement un futur souhaitable pour la province de Luxembourg et d’oeuvrer à son émergence. Les objectifs et la stratégie d’action de Luxembourg 2010 sont consignés dans une Charte de territoire. Vision prospective, mise en réseau des acteurs, définition de plans d’action constituent le socle méthodologique de la démarche. Les thématiques liées de la mobilité et de la sécurité routière ont été, dès l’origine, identifiées comme deux préoccupations fondamentales de Luxembourg 2010. En 2006 est créée une « grappe mobilité » réunissant, sous le pilotage du Député provincial Daniel Ledent, plusieurs porteurs de projets et opérateurs de mobilité. Un an plus tard cette « grappe » arrête un plan d’action centré sur la recherche de solutions concrètes aux problèmes rencontrés par les chercheurs d'emploi ou de formation et les personnes à mobilité réduite, mais aussi aux problèmes posés par les flux transfrontaliers. En 2008, la grappe mobilité organise le « Trimestre de la Mobilité », qui révèle que l’ambition en la matière doit être plus grande et le réseau des acteurs, plus large. Le « Livre blanc de la mobilité en province de Luxembourg » est une réponse à cette exigence d’ambition.


Préface De plus en plus la mobilité pose problème. Des problèmes d’ordre individuel comme des problèmes de modèle de développement. Le constat n’est pas neuf. Mais avec la crise financière, la crise pétrolière et, surtout, la crise environnementale, il prend une acuité cinglante. Mortalité sur les routes, congestion du trafic, rejet massif de gaz à effet de serre, dépendance énergétique, délocalisation d’unités de production, exclusion sociale des « immobiles » : le prix élevé que nous avons accepté de payer pendant des décennies pour bénéficier des bienfaits – indéniables – d’une mobilité toujours plus grande apparaît aujourd’hui exorbitant. Comment dès lors préserver les avantages offerts par la mobilité tout en corrigeant les défauts du modèle précédent ? Les réponses à cette question vitale – car la mobilité est le socle de notre organisation économique et sociale – n’appartiennent pas à un pouvoir particulier ou à un type précis d’opérateur. Elles concernent et engagent chaque niveau de pouvoir, chaque acteur de la société, chaque citoyen. Ces réponses seront nécessairement multiples, relèveront à la fois de l’innovation, du changement de comportement, de nouveaux modes d’aménagement du territoire et de consommation, de la coopération entre opérateurs. Elles réclameront de la volonté, de l’imagination, des remises en question, de la concertation, de l’organisation, de la méthode, des moyens et du temps. Il est clair en tout cas que les solutions technologiques et infrastructurelles ne suffiront pas. Nous aurons à changer bien plus que le carburant des véhicules : nous aurons à changer le mode d’organisation de nos vies, le mode de développement de nos territoires ! Quelle mobilité demain, à la ville comme à la campagne ? C’est là un vrai débat pour un vrai projet de société. Ce Livre blanc, écrit au terme d’un trimestre de la mobilité qui donna la parole à nombre d’acteurs locaux, pose les premiers jalons d’une stratégie de réponse globale à l’échelle de la province de Luxembourg.


La mobilité, une valeur en crise La mobilité est au principe du développement industriel et commercial de nos sociétés, de leur enrichissement matériel, de leur métissage, de l’élargissement de leur horizon mental et culturel. Elle constitue d’ailleurs le socle politique de l’Union européenne : liberté de mouvement des marchandises, des services, des personnes et des capitaux. Et c’est aussi elle que l’on aperçoit au fondement de la mondialisation des échanges. Ce qui était « courroie de transmission », moyen d’entrer en contact, est devenu un secteur économique à part entière, d’un poids considérable : fabrication et commerce de véhicules, transport de personnes et marchandises, infrastructures afférentes. Le seul secteur du transport représente 7% du PIB européen et environ 5% de l’emploi dans l’Union 1. Et selon le Bureau fédéral du Plan, le total des dépenses en matière de transport atteint en Belgique 21% du PIB La facilité de déplacement augmentant et le monde s’élargissant, la mobilité est devenue une valeur en soi, autonome, encensée pour elle-même : la mobilité, c’est bien ! Puis la valeur s’est fait devoir, mot d’ordre : il y a aujourd’hui une obligation morale à être mobile, qui peut même devenir injonction dans un contexte professionnel : comment ? vous cherchez un emploi mais vous n’êtes pas mobile ? Elle est ainsi devenue une sorte de « marqueur social », établissant une distinction ou une hiérarchie de fait entre citoyens sur base de leur capacité de mobilité, stigmatisant les moins mobiles d’entre eux. Dit autrement, ne pas être mobile, c’est encourir le risque d’une forme de marginalisation ou d’exclusion sociale. La valeur s’est aussi fait émotion ; en témoignent les rapports affectifs que nombre d’entre nous ont noués avec les objets de la mobilité, voiture, train, avion. Et cette valeur, que nous avons tous intégrée, est devenue principe structurant de notre rapport au monde et aux autres, de notre mode de vie et d’occupation du territoire. Elle est consubstantielle de la société et de l’économie. Mais comme toute valeur elle est culturelle, tissée de présuppositions et de croyances. En particulier, la mobilité telle qu’elle s’est développée pose que : - son expansion est sans limite ; - elle est désirable ; - elle est un bien et un droit individuels ; - elle est accessible à tous. Ces présuppositions ne sont pas sans conséquences majeures. La principale est le choix généralisé du « tout à la route » : aujourd’hui, à l’échelle de l’Union européenne, 80% des déplacements sont effectués en voiture, 8% en bus, 6% en train et 5% en avion, et chaque année, trois millions de véhicules supplémentaires circulent sur les routes de l’Union2. L’augmentation de la circulation, des personnes comme des marchandises, se marque dans 1

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Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen : Pour une Europe en mouvement – Mobilité durable pour notre continent. Examen à mi-parcours du livre blanc sur les transports publié en 2001 par la Commission européenne, Bruxelles, 2006, p. 3. Commission européenne : L’Europe à la croisée des chemins. Le transport durable : une nécessité, Luxembourg : Office des publications officielles des Communautés européennes, 2003, p.6.


les statistiques comme dans les paysages : depuis 1985, le trafic a plus que doublé sur les autoroutes belges (+120%) et sur les routes régionales il a augmenté de 60%. En 2001, dans son Livre Blanc sur les transports, la Commission Européenne tablait sur une augmentation prévisible de 38% des transports de marchandises et de 24% pour les voyageurs à l’horizon 2010 et estimait que le trafic de poids lourds croîtrait de 50% entre 1998 et 20103. Il est en effet notoire que les services porte à porte et juste à temps sont devenus une norme de l’industrie et du commerce qui accroît la pression sur le réseau routier. L’aménagement du territoire reflète ce choix : diffusion urbaine, dispersion du bâti, augmentation croissante de la distance domicile-travail. S’est imposée au cours du siècle dernier la conception de séparation fonctionnelle de l’espace : chaque lieu doit accueillir une fonction et une seule. Entre ces fonctions séparées, conséquence inévitable, il faut mettre en place des moyens de circulation. L’automobile est devenue l’instrument de l’articulation entre des fonctions désormais discontinues dans l’espace ; cet engin de déplacement est présenté comme liberté alors qu’il est un moyen obligé. Et cette ségrégation fonctionnelle (en bref, les zonings, les lotissements, les hypermarchés) s’accompagne de ségrégation sociale4. Effets accentués par cet étalon du rêve qu’est devenue la maison individuelle, entourée d’un jardin, isolée du voisin, dans un lotissement : bien que sauf rares exceptions, les populations de nos communes n’augmentent pas significativement, l’habitat est de plus en plus dispersé, éclaté en une multitude de lotissements5. Nous sommes ainsi entrés, de notre plein gré, dans un système de dépendance généralisée à la route et en particulier à l’automobile, dépendance que renforce désormais notre système résidentiel. Nous ne pouvons pas nier que la mobilité ainsi conçue et promue fut un facteur de développement personnel et collectif extrêmement positif ! Mais les limites de son expansion sont atteintes. La mobilité actuelle est insoutenable. Il s’agit là d’un constat partagé par l’usager de la route, privé comme professionnel, par les différents niveaux de pouvoir politique, Europe en tête et par les opérateurs économiques et sociaux. Le révélateur fondamental de l’impasse est la problématique urgente et mondiale des modifications climatiques induites par les émissions de gaz à effet de serre. Or les transports sont responsables de 28% des émissions de dioxyde de carbone (CO²), le principal gaz à effet de serre, dont 84% proviennent des véhicules routiers et 13% des avions6. On estime à 1,1% du PIB le coût environnemental des transports 7. Bref, nos

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Luc Maréchal : Mobilité et Aménagement du Territoire, in Les Semaines sociales du MOC, Eloge de la Mobilité, Couleur Livres ASBL, Bruxelles, 2004, p.53. René Schoonbrodt : Du « code de la route » au « code de la rue », Eloge de la mobilité, le rail, la péniche et le bitume, couleur livres, 2004, p.77 et p.79. Pierre Georis : Le droit à la mobilité, un enjeu pour le mouvement social, Eloge de la mobilité : le rail, la péniche et le bitume, couleur livres, 2004, p.6. Commission européenne, idem, p.11. Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, idem, p.9.


schémas actuels en matière de croissance des transports ne sont pas compatibles avec le principe du développement durable8. L’enchaînement des crises récentes accentue, accélère la prise de conscience générale : crise pétrolière, crise financière, crise du pouvoir d’achat, crise économique mettent à mal le secteur du transport et rendent de plus en plus onéreux, voire impossible pour certains, l’usage du véhicule. On ne sait quelles seront la durée et l’ampleur de la crise économique, mais on la pressent grave. Par contre on mesure désormais combien les prix du pétrole peuvent être volatiles et combien, en Europe, nous sommes dépendants d’approvisionnements énergétiques qui peuvent se révéler aléatoires. D’autres vérités, dissimulées jusqu’ici derrière les bénéfices de la mobilité, viennent crûment au jour. Le « tout mobile » de la mondialisation des échanges menace des pans entiers de notre économie. Quelque 41.600 personnes décédées et plus de 1,7 millions de blessés en 2005 dans l’Union européenne font de la route le mode de transport le moins sûr9. L’engorgement du réseau routier paralyse progressivement l’activité économique : certaines sources estiment à 1,1% du PNB en Europe le coût de cette congestion. Rien qu’aux Pays-Bas, l’International Transport Forum estime à 30% l’accroissement de la congestion sur les routes d’ici 2020. Mais le coût de notre mobilité inclut aussi pollution sonore, lumineuse, frais d’infrastructures et effets - insuffisamment pris en compte ? - sur la santé10. Enfin, la mobilité en crise accroît, mais aussi révèle, l’exclusion sociale qu’elle engendre. La mobilité n’entraîne pas ipso facto la motilité11, faculté à se mouvoir que confèrent à un individu des ressources physiques, financières et culturelles, ni l’accessibilité, possibilité donnée à chacun d’atteindre des biens, des services, des informations par la mise en place par la société, de moyens adéquats et suffisants. Le rêve du « plus vite, plus loin, plus sûr » a vécu. D’autres valeurs doivent se construire et s’imposer.

Commission européenne, idem, p.8. Ibidem. 10 La multiplication, mais aussi la banalisation des « alertes aux pics de pollution » dans nos villes sont de ce point de vue fort inquiétantes. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, le transport routier est la principale cause de pollution atmosphérique en ville. 11 On trouvera une définition complète du concept de motilité dans Travaux et Recherches 46 : Mobilité, fluidité... libertés ? sous la direction de Bertrand Montulet et Vincent Kaufmann, Bruxelles, Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, pp.32-33. 8 9


Des changements inévitables et incommensurables On lit dans un document récent de la Commission européenne une synthèse éclairante du traitement nouveau de la problématique de la mobilité par l’Europe : Les problèmes, nombreux, ont été identifiés ; les solutions sont évidentes mais difficiles à appliquer ; il convient d’adopter une approche globale impliquant tous les acteurs, aux niveaux local, national et européen. La politique européenne des transports est à un carrefour. L’avenir dépend de l’utilisation rationnelle des transports routiers, du passage de la route vers le rail, sans qu’il y ait de pertes sur le plan de la compétitivité, de l’efficacité, de la vitesse ou du confort, ainsi que du recours renforcé au transport combiné et de la réduction de la pollution due aux transports.12 Très symptomatiquement, ce texte est intitulé « Changer les choses ». Mais il pourrait aussi s’appeler « quadrature du cercle » ! On ne modifie pas en effet le cap d’un paquebot comme on arrête une trottinette. On ne passe pas du jour au lendemain d’un système de dépendance à autre chose.13 Et, comme le dit Michel Balon lors de son exposé aux Assises de la Mobilité, on attend du transport qu’il réponde, le plus rapidement possible aux priorités sociétales, et aux changements de l’économie. Concrètement on attend de lui plus d’emplois, plus de sécurité, plus d’accessibilité aux personnes défavorisées, moins d’impact sur l’environnement. Tout ceci est légitime mais encore faut-il pouvoir arbitrer les compromis en priorités parmi tous ces objectifs14. Il est certain que la voiture ne va disparaître, les voyages, s’arrêter, ni les marchandises, rester à quai. Cependant, le nombre et l’ampleur des problèmes, l’urgence du développement durable entraîneront des changements majeurs, dont nous entrevoyons à peine la nature et la portée. C’est une mutation de société - une « transition de système »15 qui s’amorce et qui aura des effets sur les infrastructures, les activités économiques, l’organisation sociale, l’aménagement du territoire, le mode de vie, comme sur les relations aux loisirs, au travail, à la culture, à la santé. Il nous faut accepter l’idée que face à un problème global, et dès lors complexe, rien n’est simple et qu’il n'y a pas qu’une seule réponse16. Les solutions de l’Europe Mais quelles sont aujourd’hui ces « solutions évidentes » prônées par l’Union européenne, « difficiles à appliquer » ? Elles sont au nombre de quatre et s’affirment davantage comme des principes majeurs dont doivent découler des applications concrètes. La plus importante consiste en un report du trafic vers des modes de transport plus respectueux de l’environnement, en particulier sur les longues distances, dans les zones urbaines et sur les axes saturés17. Pour l’essentiel, il s’agit d’opérer un basculement de la 12 13 14 15 16 17

Commission européenne, idem, p.22. Bruno Marzloff, idem. Michel Balon, idem. http://eugene-mommen.be/page9/page9.html Michel Balon, idem.. Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, idem, p.4.


route vers le rail. La déprise de l’automobile apparaît comme une conséquence logique de cette solution. La réalisation de grands projets d’infrastructure de transport à l’échelle européenne destinés à réduire la pression environnementale sur des couloirs spécifiques 18 est une deuxième solution. La co-modalité, autrement dit le recours efficace à différents modes de transport isolément ou en combinaison19 en constitue une troisième. Les solutions technologiques pour rendre les transports plus respectueux de l’environnement 20 et l’imposition de normes environnementales toujours plus strictes forment la quatrième. Dans le principe, sont recherchés le choix de la durabilité et de l’économie d’énergie, la recherche d’une chaîne de transport globalement plus efficace, le rééquilibrage des modes de transports et le découplage de la croissance du PIB de l’Union européenne et de la croissance des activités de transport21. Dans la méthode, on prône dès lors le recours à une panoplie vaste et souple d’instruments d’action et à l‘articulation entre différents niveaux de pouvoir qui est prôné, ainsi que l’optimisation du potentiel que recèle chaque mode de transport et l’intégration dans un tout cohérent des divers réseaux de transport régionaux et nationaux22. Mais le simple réformisme ne suffira pas : il faudra de vraies ruptures avec l’existant ! Rupture entre croissance économique et transport, rupture entre croissance économique et croissance dans l’espace. Plus fondamentalement encore, rupture avec une définition exclusivement économique de la croissance et avec son outil de mesure : le PIB. Il est illusoire de croire que la technologie, la création d’infrastructures nouvelles et la multiplication des moyens de transport suffiront à régler les problèmes, à inscrire la mobilité et les transports dans une logique de développement durable. Le véhicule propre n’est pas pour demain, nul ne sait ce qu’il coûtera et il n’apportera une réponse qu’au problème environnemental. Quant aux infrastructures supplémentaires (portuaires, routières, aéroportuaires, ferroviaires), elles ne suffiront qu’un temps si rien d’autre ne change. Lorsqu’on se contente d’augmenter la capacité, on crée les conditions favorables à un nouvel accroissement de la demande et, bien vite, on se retrouve confronté à la congestion et à ses effets pervers23. Conséquences futures Il est très intéressant d’estimer dès maintenant quelques-unes des principales conséquences de l’application de ces principes sur notre organisation sociale et économique. Tout d’abord, nous ne pourrons plus demain nous servir de notre voiture comme nous le faisons aujourd’hui. Nous connaîtrons la fin du porte à porte en voiture individuelle. La place de celle-ci sera de plus en plus contingentée. Et son usage nous coûtera plus cher, quelle que puisse être l’évolution du prix des carburants. Comme on ne peut pas forcer l’usager à réduire ses déplacements en voiture, on ne peut que l’inciter à la faire. Il convient d’imputer directement aux usagers certains coûts qui sont endossés jusqu’à présent par l’ensemble de la société. le prix payé par les usagers ne reflète pas, par exemple, le coût total des infrastructures, des encombrements, des nuisances pour

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Ibidem. Ibidem. Ibidem. Commission européenne, idem, pp.13-14. Idem, p.4. Hugues Duchâteau : La mobilité globale : problèmes et solutions, in Eloge de la Mobilité, p. 46.


l’environnement et des accidents24. La perception électronique intelligente, ou péage électronique, l’établissement de tarifs de pointe ne sont plus une fiction. Progressivement, notre relation patrimoniale à la voiture passera à une relation davantage partagée, d’usage, qu’augurent de manière encore balbutiante la pratique du co-voiturage et des expériences urbaines de voiture partagée. Il est probable qu’il faudra s’adosser aux transports collectifs pour continuer à faire de la voiture. De nouvelles centralités verront le jour et les gares deviendront des lieux d’articulation entre tous les transports25. Une urbanisation nouvelle pourrait s’imposer, qui condenserait sur les noeuds du réseau des transports en commun des fonctions qui demandent plus d’accessibilité26. Cela suppose évidemment que des transports publics de qualité, rapides, sûrs, confortables et propres27 soient disponibles et que de nouvelles articulations efficaces entre modes de transport soient mises en place. Par ailleurs, les modes de déplacement alternatifs, non polluants, seront promus, rendus plus faciles et prioritaires dans nombre de lieux. Quant au transport de marchandises, il subira des évolutions de même nature : la fin du porte à porte en camion, l’application d’un coût-vérité intégrant les diverses externalités, la perception électronique intelligente et l’incitation au basculement vers le rail. Se pose ici la question de l’existence en nombre suffisant d’infrastructures permettant ce basculement. Le recul certain de la voiture pourrait avoir une incidence sur la valeur immobilière des biens. C’est ainsi que la crise des subprimes a révélé aux Etats-Unis que la chute des valeurs immobilières était directement proportionnelle à la distance qui sépare ces maisons du centre-ville. Désormais, on ne peut plus calculer la valeur d’un bien sans la relier au coût du transport.28. Il pourrait aussi avoir une incidence sur l’implantation du commerce. Les hypermarchés sont totalement dépendants de l’automobile et s’aperçoivent qu’ils ne captent plus les jeunes. L’Amérique a commencé à remettre en cause le principe du « mall » commercial, le principe du no parking, no business. Au Japon, les commerces s’installent là où passent les gens, les gares, les lieux de transit. Le couple voiture-hypermarché va disparaître, remplacé par un duo piéton-Internet 29. Car le commerce électronique transforme progressivement le système de mobilité urbaine, entraînant des modifications importantes dans la localisation d’une partie des commerces et une reconfiguration du magasin de demain30. Naissent ainsi de nouveaux défis cruciaux : comment concevoir l’urbanisme et l’aménagement du territoire, urbain comme rural, à la lumière de ces évolutions prévisibles ? Comment faire en sorte que les gens n’aient plus nécessairement à faire certains déplacements, en particulier les déplacements quotidiens domicile – travail ? 24 25 26 27 28 29 30

Idem, p19. Bruno Marzloff, idem. http://eugene-mommen.be/page9/page9.html Commission européenne, idem, p.19. Bruno Marzloff, idem. François Bellanger, Le couple hypermarché-voiture va disparaître, Le Monde, 27/11/2008. Pierre Georis, op. cit., pp. 11-12.


L’immobilité elle-même se fait désirable : le meilleur déplacement est celui que l’on ne doit pas faire. Une partie importante de la solution au problème de la mobilité réside dans l’élaboration de nouveaux principes et règles d’accessibilité aux services, aux biens et à l’emploi, dans un déplacement de la charge de mobilité, de l’individu à la collectivité. Autrement dit, travailler la question des mobilités, c’est toucher à ce que la politique a de plus profond : l’orientation de la vie collective.31

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Bertrand Montulet : La mobilité : une question de temps ?, in Eloges de la mobilité, op. cit., p. 38.


Relever le défi de la mobilité en province de Luxembourg Les problématiques et perspectives évoquées ci avant concernent bien entendu la province de Luxembourg. Mais les réalités géographiques, économiques et sociales de notre territoire leur donnent une densité particulière, en accentuant certaines et en atténuant d’autres. Ce territoire essentiellement rural est fort étendu et peu peuplé au regard du reste de la Belgique : il ne compte que six agglomérations de plus de dix mille âmes. La plupart des 264.084 habitants réside donc dans des villages et des bourgs de petite taille. L’activité économique y est essentiellement le fait d’une majorité de PME et TPE, également dispersées sur le territoire qui compte une quarantaine de parcs d’activité économique. Mais les salariés de la province de Luxembourg sont particulièrement mobiles : ils sont un millier à se déplacer vers la Flandre, le double vers Bruxelles, autant vers Liège et près du triple vers Namur. Ce sont ainsi près de 9.500 salariés de la province qui travaillent dans d’autres régions et provinces de Belgique. Et ils sont plus de 24.000 à travailler au Grand Duché de Luxembourg32. Ces caractéristiques pèsent toutes sur le développement de la mobilité chez nous. Nous sommes, plus qu’ailleurs, tributaires de l’automobile. Nous en possédons d’ailleurs proportionnellement plus que le reste des Belges33. Nous effectuons des déplacements plus longs que nos compatriotes, mais pour une durée sensiblement comparable. Ces déplacements concernent tous les habitants : ils sont autant le fait des « actifs » (travailleurs) que des « passifs » (demandeurs d’emploi, aînés, jeunes). Il est important d’avoir à l’esprit, au moment de définir des nouvelles stratégies de mobilité, que le déplacement vers le lieu de travail n’est pas du tout le premier motif de déplacement ; l’ensemble des motifs « shopping, loisirs, déposer et chercher quelqu’un quelque part » domine largement les motifs « travail-école ». Si on se déplace pour participer à des activités, alors politique des transports et politique des activités doivent être articulées34. En nombre de kilomètres, le réseau routier de la province est le plus important de Wallonie. Mais les axes majeurs sont orientés Nord-Sud, ce qui a pour effet de compliquer les déplacements Est-Ouest et de concentrer le développement économique et résidentiel sur un axe central Arlon – Libramont, qu’irriguent l’autoroute et la ligne ferroviaire Bruxelles-Luxembourg. Des disparités sociales et économiques importantes s’étagent dès lors sur le territoire. C’est ainsi que dans une province globalement plus jeune et moins âgée qu‘ailleurs en Wallonie, on voit se dessiner deux grandes poches - approximativement autour de la Semois et de l’Ourthe - concentrant une part plus importante de personnes de plus de 60 ans35. Ces deux zones sont aussi les destinations touristiques les plus prisées du territoire. C’est dire si les problèmes, besoins et solutions en matière de mobilité et de services aux personnes ne sauraient être uniformes sur le territoire.

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Le Forem : Etat des lieux socio-économiques de la province de Luxembourg, édition 2007, pp. 25-27. Jean-Paul Hubert et Philippe Toint : La mobilité quotidienne des Belges, Presses universitaires de Namur, 2002, p. 69. Philippe Toint : Mobilité et société, in Eloges de la Mobilité, op. cit., p. 21. Province de Luxembourg, Département des Affaires sociales et hospitalières : Etude Bien vieillir en province de Luxembourg, 2007, pp. 14-15.


Le « tout à la route » extrêmement prononcé en province de Luxembourg a entraîné une multiplication et une dispersion des zones résidentielles, industrielles et commerciales, ainsi qu’un éloignement entre domicile et lieu de travail. Comme les habitants, les entreprises sont extrêmement tributaires du transport par route. Mais, sauf à quelques endroits précis, en particulier dans la zone frontalière avec le GrandDuché, nous ne subissons pas le problème de congestion du réseau routier. Cette importance des relations transfrontalières que nous entretenons avec la France et surtout le Grand Duché de Luxembourg 36 ne se traduit malheureusement pas en un schéma de mobilité spécifique. C’est ainsi que l’incidence du développement de Esch-Belval, futur pôle majeur d’activités économiques, d’emploi, de culture et de formation n’est actuellement pas prise en compte dans la réflexion sur la structuration de notre territoire. La primauté de la voiture, la longueur des déplacements ainsi que le profil particulier de nos routes sont à l’origine chez nous d’un problème de sécurité routière plus aigu qu’ailleurs. La province représente 7,6% des habitants de la Région wallonne, mais concentre 9,5% des accidents de la route et 10,2% des victimes37. Nos spécificités Les solutions préconisées à un niveau général ne seront pas toutes valables ni aisément applicables chez nous. D’emblée se pose la question fondamentale de la destination, ou de la vocation de notre territoire. S’agit-il d’une « merveilleuse terre de tourisme » ou d’un tronçon de l’eurocorridor reliant Bruxelles à Luxembourg (option du SDER) ? La politique de transport et d’investissement, la localisation des activités, la type d’infrastructures et le message promotionnel ne sont pas identiques selon que l’on incline d’un côté ou de l’autre. Est-on bien certain que l’autoroute soit systématiquement facteur de développement ?38 Est-on certain que le tourisme est davantage facteur de développement ? Comment concilier les deux et le mode de mobilité afférent à chacun ? L’aménagement et la multiplication des voies lentes, encouragé et soutenu par nombre de programmes wallons39, n’apporteront que des solutions très limitées à des endroits très précis, vu la longueur moyenne de nos déplacement, le relief et le climat de notre région. leur intérêt sera davantage d’ordre touristique. Le recours aux transports en commun devra s’appuyer sur une multitude de solutions souples, définies et mises en oeuvre à une échelle locale. C’est le principe du bus local, adopté par plusieurs communes. Le transport à la demande constitue une autre réponse intéressante chez nous. C’est le principe du Telbus, dont le principal handicap reste le coût élevé. En tout cas, le manque de potentiel régulier et constant limitera probablement le développement de nouvelles lignes fixes et régulières40. Et les restructurations successives imposées par le TEC et la 36

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Au 31/03/2006, 32.685 résidents belges exerçaient une activité au Grand Duché, dont 24.213 résidents de la province de Luxembourg. Source : IBSR 2008. En 2007, 51 personnes avaient perdu la vie sur les routes de la province et 294 avaient été blessées gravement. Pierre Georis, op. cit., p.10. Programme RAVel, Plan escargot, Plan Mercure, Plan PICverts, PCDR. Tom de Schutter, Directeur de département à l’Union des Villes et Communes de Wallonie : Le transport en zone rurale : organisations et opportunités pour les communes, mars 2006.


SNCB41 n’incitent pas à l’optimisme ; elles se sont traduites davantage par la fermeture de lignes, dessertes et points d’arrêt que par la création de nouvelles centralités. En outre, suite au transfert à la SNCV des lignes de bus gérées par la SNCB, puis à la régionalisation des transports publics, la coordination train-bus est devenue extraordinairement laborieuse42. Par contre le covoiturage constitue une solution pragmatique, qui s’adapte bien aux réalités de notre territoire. Il coûte peu aux pouvoirs publics - qui ne supportent pas l’achat des véhicules – dont il est d’abord attendu qu’ils promeuvent et sécurisent le système. Dans un futur proche, il bénéficiera de plus d’applications technologiques et informatiques 43 qui élargiront ses possibilités. Quant à la volonté de répondre au problème de la mobilité par une densification des villes, par une nouvelle urbanisation, elle se heurte directement chez nous à l’absence ou à l’éloignement des villes. Ce n’est cependant pas une raison pour ne pas s’interroger, à l’aune des défis nouveaux, sur le bien-fondé des principes d’aménagement du territoire qui ont prévalu en province de Luxembourg jusqu’à présent. Il se pourrait même que nombre de zones très rurales comme il y en a tant chez nous soient les premières cibles et premières victimes d’une volonté de reconcentration de la mobilité sur certains espaces. Le programme de recherche suisse « Transport et environnement » est parvenu à la conclusion que l’aménagement du territoire et le système de transport qui le caractérise peuvent assurer un développement durable à condition que les trajets soient courts, favorisant ainsi les transports en commun et les déplacements non motorisés. Une telle situation peut être obtenue essentiellement par une densité d’utilisation de l’espace. Les espaces ruraux génèrent un nombre disproportionné de déplacements individuels motorisés. De ce point de vue, un aménagement durable du territoire privilégie la croissance des structures urbaines44. De même, le temps est peut-être venu de chercher à développer vraiment la pratique du travail à distance. Mais cela réclame un investissement bien pensé dans les technologies de l’information et de la communication – à certains endroits stratégiques, aisément accessibles par des transports publics - et dans la formation de la population à leur utilisation. En synthèse, on dira que, vu l’étirement du territoire provincial, la faible densité de population et son éclatement en une multitude de très petits pôles, nous combinons un important besoin de mobilité et un handicap à organiser et amplifier l’accessibilité. Nos choix Le défi global d’une mobilité durable, qui fasse équilibre entre croissance économique, bien-être social et protection de l’environnement ne dépasse-t-elle pas de très loin la province de Luxembourg ? Ne devrions-nous pas nous contenter d’attendre que les niveaux de pouvoir supérieurs, à commencer par l’Union européenne, définisse des directives précises ; que les grands opérateurs de mobilité, comme la SNCB et le TEC, arrêtent leurs plans de développement et d’investissement – ou de restructuration ? 41

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Entre 1965 et 1998, la SNCB avait perdu la moitié de ses voyageurs ; pendant deux décennies, l’indexation de la dotation de la SNCB n’a pas été accordée ; en 1984, 238 gares et 11 lignes ont été supprimées (P. Georis, op. cit., p5.). Pierre Georis, op. cit., p.6. Interconnexion de bases de données, géolocalisation en ligne, n° de téléphone unique. Cité par Luc Maréchal, op. cit., pp. 55-56.


Ce n’est pas le choix que nous faisons. Parce que si la problématique est globale, elle soulève chez nous des enjeux spécifiques, prend des accents particuliers. Même si de nombreuses réponses dépendent effectivement d’autres échelons de pouvoir, de centres de décision éloignés sur lesquels nous n’aurons que très peu prise, même si c’est à l’échelle de l’Union européenne que le plus gros du travail doit s’accomplir, certaines réponses n’appartiennent qu’à nous, ne naîtront que de notre volonté de les construire. De plus le caractère mondial des enjeux ne doit pas faire perdre de vue que c’est au niveau local qu’interviendront une part des solutions. Alors que veut la Province de Luxembourg ? D’abord elle veut prendre au mot l’Union européenne quand celle-ci déclare : il convient d’adopter une approche globale impliquant tous les acteurs, aux niveaux local, national et européen. Des mesures peuvent être prises aux niveaux national, régional et local pour améliorer les services de transport public ou faire payer l’accès à des zones saturées45. Nous voulons être un acteur à part entière dans ce « tout cohérent »46 sans lequel il n’y aura pas de solution globale satisfaisante. Nous voulons être un acteur à part entière sur notre territoire. Nous ne voulons pas être uniquement un réceptacle de mesures générales décidées ailleurs en fonction de réalités globales qui négligeraient nombre de nos spécificités locales. Et que peut la Province de Luxembourg ? D’abord, elle peut poser la mobilité comme une priorité politique majeure et exprimer sa volonté de mobiliser les opérateurs sur ce thème, de traiter celui-ci de manière transversale. Aux niveaux national, régional et local il existe une nécessité d’actions mutuelles complémentaires tant pour les autorités, les citoyens que les entreprises. Un dialogue permanent est crucial.47 En principe et en pratique, nous pouvons être le moteur de cette complémentarité entre actions et de ce dialogue permanent entre entreprises, citoyens et autorités. Nombre d’acteurs, nombre de projets existent déjà, qui travaillent, chacun dans leur domaine, à apporter des solutions aux problèmes de mobilité. Des réussites ont été enregistrées, parfois impensables, comme la réouverture au trafic passager de la ligne ferroviaire Athus-Virton. L’organisation du Trimestre de la mobilité au printemps 2008 a montré cette richesse d’idées, de projets et d’opérateurs sur notre territoire. En une quinzaine de rencontres publiques, acteurs privés, associatifs et grands opérateurs publics de la mobilité ont pu se rencontrer, exposer leurs points de vue, expériences, projets et propositions, cerner ensemble les enjeux et problématiques de la mobilité en province de Luxembourg, pointer des opportunités et des ressources et ébaucher un réseau de réflexion et d’action neuf48. 45 46 47 48

Commission européenne, idem, pp. 4 et 22. Commission européenne, idem, p. 4. Michel Balon, idem. La liste des actions et partenaires du Trimestre de la Mobilité figure en annexe.


Bref, même si la Province n’a pas de pouvoir direction sur le TEC, la SNCB ou la politique régionale de transport, elle a prouvé, par ce printemps de la mobilité et diverses autres actions, qu’elle peut tenir un rôle efficace de coordination entre une multitude d’initiatives locales. Il y a maintenant nécessité, voire urgence, à articuler ces initiatives au sein d’un Plan Provincial de Mobilité, qu’ébauche ce Livre Blanc, mais qui n’aura de résultats que s’il est porté par une structure provinciale. En tout cas, à notre échelle, répondre aux défis de la mobilité exige une vision globale et prospective du problème, une capacité de lobbying aux niveaux régional et fédéral, une organisation en réseau des acteurs locaux et des communes, une concertation entre porteurs de projet, l’émergence de projets nouveaux et audacieux, des moyens financiers et, surtout, une volonté collective de dégager des solutions cohérentes. Le Livre Blanc de la mobilité en province de Luxembourg ne prétend pas dire ce que sont ces solutions. Il expose comment, avec qui et à quoi nous allons travailler. Il est outil de stratégie et de gouvernance territoriale.

Les grands enjeux du développement de la mobilité pour le Luxembourg belge Résumer les enjeux de la mobilité en Luxembourg en quelques axes majeurs risque d’être réducteur et simpliste. Les solutions seront donc pragmatiques, ancrées dans le réel, fruits de concertation et de consensus.


Pourtant l’utopie garde sa place. Il faut suivre l’étoile que l’on se fixe pour que les pérégrinations prennent sens et ne se résument pas à des errements sans sens. Il faut donc parvenir à repositionner les projets pragmatiques dans un contexte plus grand et plus ambitieux. Certains axes de travail doivent faire l’objet d’une investigation et d’un intérêt de tous les instants. Il faut pouvoir être le nez dans le guidon quand le vent souffle mais également ne jamais perdre de vue les objectifs utopistes que l’on se fixe. Dans un premier, pour donner du souffle à un avenir, nous vous proposons un texte tiré du futur… ou plutôt d’un futur possible pour la province. Ce futur possible a intégré une mobilité plus respectueuse de l’homme et de son environnement, il est également une utopie qui nous permet de voir que demain sera définitivement différent d’hier et d’aujourd’hui. Dans un deuxième temps, nous aurons l’occasion de présenter quelques pistes de grands projets ou de grandes questions qui doivent faire l’objet d’un vaste débat public et qui idéalement devrait s’opérationnaliser, à long terme, sur notre territoire Quand l’utopie prend forme…Quand l’utopie nous transforme « Je viens de rater mon train, je vais être en retard à ma réunion mensuelle de coordination. Je travaille pour le Ministère des Finances et tous les mois on doit se rendre à Bruxelles pour ce qu’ils appellent pompeusement « un tableau de bord mensuel ». Depuis douze ans, je ne dois plus m’y rendre tous les jours, je gagne presque 3 heures sur ma journée. J’habite un petit village à côté de Saint-Hubert et je me rends dans la cité borquine tous les jours, sauf le mardi. Il y un centre de télétravail, nous disposons de tout le matériel nécessaire (téléconférence, matériel informatique, d’impression, salles de réunion,…). Nous sommes neuf agents du Ministère des Finances dans le cas, les autres travaillent dans des banques grand-ducales ou pour des administrations. Il y a aussi des petites PME. C’est intéressant cette diversité…C’est d’ailleurs comme ça que j’ai rencontré mon mari. Il travaillait à l’époque, comme logisticien pour la société gérant le centre de télétravail. Le mardi, je travaille à la maison, je fais des travaux qui nécessitent moins de matériel de pointe. Ca tombe bien parce que ce jour-là je n’ai pas ma voiture électrique. C’est Abdel, mon mari, qui n’a pas su organiser du covoiturage qui doit la prendre. Les autres jours, je le dépose au centre de mobilité local (CML). Il peut voir, en temps réel, qui effectue le même trajet que lui. Si ça ne marche pas, un taxi social peut passer le prendre et le conduit à son entreprise qui n’est pas encore passée au télétravail. Ils y réfléchissent depuis que l’employeur doit assurer à ses frais la mobilité de ses travailleurs. Il a aussi l’occasion de profiter d’un bus qui passe par le CML et rejoint, en fonction des personnes présentes dans celui-ci, les bassins d’emploi. Un logiciel calcule en effet les itinéraires les plus optimalisés. Il prend le Spartalux comme on dit. Au début c’était le nom du projet de réadaptation des lignes des TEC, qui devaient mieux coller à la demande et s’orienter vers les bassins d’emplois et puis finalement c’est devenu le nom des bus. Maintenant tout est quand même plus facile que quand j’étais petite, les lieux de travail intègrent directement la question de la mobilité, on ne construit plus des entreprises au beau milieu de nulle part. Ce n’était pas évident au départ. Ici, en province de Luxembourg, on avait un territoire bien particulier, le Grand-duché, notre grand frère voisin, a toujours été un grand pourvoyeur d’emplois et puis il y a eu la création de la ville d’Esch-Belval, avec son université et ses entreprises. L’attrait s’est renforcé, les autorités ont su prévoir et ont mis en place un plan de coordination de la mobilité transfrontalière.


Et puis, très honnêtement, les pouvoirs politiques ont parfois eu tendance à penser que les problèmes de mobilité se résoudraient par une densification de l’habitat, on allait devenir quoi alors… une zone de passage pour le transport ? Une merveilleuse terre de vacances ? On n’a rien contre les touristes et ni contre les camions mais il fallait trouver des réponses adaptées pour envisager un développement possible. Ou bien alors, on pouvait déserter nos campagnes et les laisser aux touristes de manière exclusive. Mais des gens vivent ici, nous avons emménagé depuis 15 ans et je suis très attachée à mon cadre de vie. Le choc, ça a été la crise climatique et pétrolière des années 2020. Les spécialistes ont parlé d’un effet de seuil, comme si la terre avait emmagasiné tout le CO2 qu’elle pouvait mais qu’on état allé trop loin et le changement s’est réellement précipité. Parallèlement à ça, les réserves pétrolières sont arrivées à leurs fins et les prix ont littéralement explosé. On a mis 10 ans à s’en remettre. Depuis 2 ans, je trouve que ça va mieux, les mesures mises en place portent réellement leurs fruits, chacun s’y retrouve maintenant. C’est dommage qu’on n’ait pas été un peu plus vite à changer nos comportements. Nos enfants sont actuellement aux Philippines et en Australie. Le premier termine ses études, il a commencé à Esch-Belval et se spécialise en biologie subsaharienne à Manille. Le deuxième a trouvé du travail dans le premier pays producteur d’énergies vertes. L’Australie est un si beau pays, on y va tous les deux ans mais on se parle tous les jours avec notre fils. Mes parents utilisent beaucoup les taxis sociaux et les bus à la demande. Ils aiment encore aller se balader à Marche, ils peuvent emprunter les vélos mis à disposition par la ville ou louer une petite voiture électrique pour leurs achats. Papa a encore parfois du mal, il se souvient du temps où il avait sa voiture, mais honnêtement il n’a pas moins de mobilité maintenant, disons qu’elle est différente, plus réfléchie et plus écologique. Et puis financièrement, depuis qu’ils n’ont plus leur véhicule, ils font des économies. Ils ont pu ré-isoler leur maison complètement et investir dans le photovoltaïque et dans un système de chauffage sans production de CO2. Du coup ils font encore plus d’économies, je suis content pour eux, ils auront une vieillesse à l’abri du besoin. L’autre jour, maman a été hospitalisée, elle a dû être transférée après son opération dans un autre pôle de Vivalia, notre intercommunale hospitalière. Tout s’est très bien passé et papa a su aller la voir tous les jours. Il faut dire qu’en plus de tout ce qui existe déjà, il y a les navettes entre sites organisées par l’intercommunale. Et puis, avec la révolution écologique, qui a fortement marqué les esprits et remis au centre des valeurs moins marchandes, et le vieillissement de la population, qui fait que pas mal d’individus ont du temps, les gens sont plus solidaires, presque tout le monde s’investit dans le bénévolat. Papa a presqu’eu l’embarras du choix pour aller la voir et pour le retour à la maison. C’est bien qu’on y soit arrivé, certains ont ri au début, d’autres n’y croyaient pas mais finalement on est parvenu à changer les choses. Je pense que nos enfants hériteront d’un monde plus adapté à l’épanouissement de l’homme, je suis fier de participer à ça… Patricia, une citoyenne de 2039 Des lignes-forces pour le Luxembourg de demain… Spartalux


Le maillage des transports en commun est encore un lointain héritage de notre mobilité d’antan. Se déplacer de village en village garde évidemment une certaine cohérence mais pour certains, c’est devenu difficile voire impossible. Cela doit-il se faire avec des bus gigantesques trop souvent inoccupés ? Il convient de réfléchir à un maillage différent. La province de Limbourg a instauré le système Spartacus qui consiste à inclure dans les services des transports en commun une offre de services adaptés aux conditions de vie actuelle via notamment des dessertes aux heures de pointe dans les zones d’activités économique. Ce système doit être réfléchi pour le Luxembourg, pourquoi pas sous le nom de Spartalux ? Un aménagement du territoire où la mobilité occupe une place de choix Trop souvent les spécialistes de l’aménagement du territoire posent le constat que le « tout à la voiture » a été le critère d’aménagement principal. L’individu, son auto-solisme, sa liberté sont longtemps apparus comme les fondements idéologiques d’un aménagement de qualité. Le présent et surtout l’avenir ne se satisferont pas des solutions d’hier. La mobilité doit se positionner comme au centre des projets. Urbanistes, aménageurs, architectes, lotisseurs,… tous doivent être acteur de ce changement de paradigme. Ou bien les choses changent ou la société s’étouffera dans les problèmes créés par les difficultés de mobilité. Le télétravail Que vive le télétravail ! Voila souvent une antienne ravivée. Et pourtant ce mode de fonctionnement serait-il si bien implanté qu’on peut le penser ? Certainement pas ! Bien sûr, ce mode de fonctionnement ne s’applique pas nécessairement à toutes les tâches. Bien sûr, le travail est aussi un lieu de rapport sociaux et pas seulement le lieu d’acquisition de ressources matérielles. Bien sûr, les travailleurs doivent garder une certaine solidarité et celle-ci ne s’acquière que par les rapports sociaux tissés. Il n’empêche, le télétravail bien pensé n’est pas opposé à ces différents axiomes. De plus, il n’est pas normal que certains s’entassent dans les transports en commun ou dans les bouchons à l’orée de Bruxelles ou de Luxembourg-ville et perdent des milliers d’heures sur une carrière. Ils perdent du temps avec leur famille, leurs proches, leur réseau social. Est-ce bien là le modèle que nous souhaitons entretenir ? Un autre monde, plus citoyen, plus humain et plus libre n’est-il pas envisageable ? Vivalia La création récente de l’intercommunale unique est une nécessité et au final un bien pour la population. Mais le dispatching des services sur des sites bien spécifiques effraie parfois la population. Il faut rassurer en prévoyant les besoins en termes de mobilité. Une réflexion doit être créée avec les acteurs. L’inventivité doit être au pouvoir. Les associations de bénévoles, les sociétés spécialisées, les TEC, tous doivent pouvoir offrir une réponse à une angoisse lancinante dans le chef de nos concitoyens. Plan provincial de mobilité et schéma transnational


La Province peut sembler ne pas être l’opérateur de référence pour organiser une mobilité harmonieuse sur son territoire. Pourtant, notre territoire est très spécifique et différencié du reste du territoire wallon. La Province a toujours été active pour la mobilité de ses concitoyens. Qui d’autre perçoit au plus juste les besoins spécifiques de notre territoire ? Qui d’autre peut permettre la synergie d’un projet adapté à nos réalités ? Un plan provincial de mobilité doit être mis en place, il doit se servir du premier jalon que constitue ce livre blanc pour réinventer une mobilité propre à nos spécificités. Ceci doit se faire en parfaite harmonie avec les autres niveaux de pouvoir qui s’intéressent à la question de l’« homo mobilis ». Il convient également de s’ouvrir au monde et de se concerter avec nos voisins pour faciliter l’organisation des déplacements dans la Grande Région. La création de la ville grand-ducale d’Esch-Belval constitue en ce sens une opportunité exceptionnelle de lancer les prémisses d’un plan stratégique de mobilité transnationale.

Source : SPF Economie, PME, Classes moyennes et Energie. Données 2008 Commentaires : La situation est particulièrement diversifiée : Quelques cartes qui esquissent Léglise possèdelaenréalité effet du uneterritoire densité de population de 22.9 habitants par km² pour 327.6 à Aubange. A taille de commune analogue, Daverdisse en compte 23.8 contre 327.8 à Aubange. Il existe deux centres où la densité est plus importante, le NordOuest et surtout le Sud-Est. En termes de mobilité ces deux centres sont des carrefours d’axes routiers et ferroviaires.



Source : Informations provenant du site d’Idelux quant à la localisation des ZAE Commentaires : L’existence d’une ZAE est fortement conditionnée par la proximité d’un axe routier. Les critères de densité de population, de vieillissement ou de jeunesse de la population ne sont pas adéquats pour cet item. Les ZAE ne planifient pas leur localisation en fonction des gares. Si elles sont présentes c’est essentiellement sur les zones de carrefour des trafics Source : Les chiffres-clés de la Wallonie, décembre 2008, IWEPS (Bastogne, Libramont, Marche, Arlon, Aubange). Commentaires : La Province de Luxembourg est particulièrement jeune. Sur les 262 communes wallonnes, 18 ont 28% de la population à être âgée de moins de 20 ans. Sur ces 18 communes, 11 sont situées en Province de Luxembourg. L’attractivité grand-ducale prend ici tout son sens. Mais la localisation des grandes voies routières sont encore plus pertinentes comme critère d’analyse. Le communes les plus jeunes de la Province sont situées à une certaine distance de la frontière via les axes autoroutiers (et N4). Arlon et Aubange par exemple ont une part de population de moins de 20 ans qui reste moyenne. Par contre si l’on s’éloigne de manière plus importante du GDL, le pourcentage diminue également. L’implantation ferroviaire joue également un rôle important même si le nombre de gares sur la zone foncée reste faible.


Part de la population de plus de 60 ans et infrastructures de transport : Source : Les chiffres-clés de la Wallonie, décembre 2008, IWEPS Commentaires : La Province de Luxembourg regroupe sa population de plus de 60 ans dans deux zones concentrées : la Semois et l’Ourthe. Ces deux zones ne sont pas desservies par une infrastructure autoroutière. La zone du Sud est traversée par la ligne la ligne 166 et la ligne 165. Cette dernière permet des trajets omnibus le matin, le midi et le soir, ce qui est conciliable avec une vie professionnelle, tout en permettant également des trajets de type loisirs. La ligne 166 permet des transports au matin, à midi et dans le courant de l’après-midi. Aucun train ne circule cependant le soir.


Source : Les chiffres-clés de la Wallonie, décembre 2008, IWEPS Commentaires : La Province de Luxembourg regroupe sa population de plus de 60 ans dans deux zones concentrées : la Semois et l’Ourthe. Ces deux zones ne sont pas desservies par une infrastructure autoroutière. La zone du Sud est traversée par la ligne la ligne 166 et la ligne 165. Cette dernière permet des trajets omnibus le matin, le midi et le soir, ce qui est conciliable avec une vie professionnelle, tout en permettant également des trajets de type loisirs. La ligne 166 permet des transports au matin, à midi et dans le courant de l’après-midi. Aucun train ne circule cependant le soir.


Source : Projet de fusion des Institutions de soins de santé de la Province de Luxembourg et du sud du namurois, rapport adopté par l’Assemblée Générale de l’Intercommunale Vivalia en date du 21/10/2008, Annexe 5, page 7 Commentaires : De manière générale, pour Arlon et Virton la situation reste en statu quo. Pour le nord et le centre une reconfiguration plus importante va avoir lieu. Marche va récupérer des lits en pédiatrie, maternité (venant de Bastogne), mais également en réadaptation fonctionnelle et en psychiatrie (venant de Bertrix). Bertrix va perdre un certain nombre de lits de psychiatrie à destination de Libramont et de Marche. Sainte-Ode ne conservera que quelques lits en soins palliatifs et verra ses lits gériatrie redispatchés vers Libramont et Bastogne. Bastogne perd ses lits pédiatrie et maternité pour se recentrer sur la gériatrie. Bref dans le nord et le centre existeront deux grands centres disposant d’une offre plus variée de lits différents, avec une coexistence de trois centres spécialisés dans des matières spécifiques. Cette reconfiguration occasionnera dès lors des besoins de mobilité importants tant pour le patient que pour l’entourage de celui-ci. Les critères d’infrastructures de transport n’ont pas été prioritaires dans la réalisation du PMG, le taux de vieillissement ainsi que la part des moins de 20 ans non plus. Le critère plus fondamental est bien ici la densité de population.


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