UE:: LIVRE VERT DU CADRE DE GOUVERNANCE 2011

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www.enterprise-risk-advisory.com

Montréal, le 18 août 2011

Commission Européenne Marché interne Bruxelles, Europe

Objet: Commentaires sur le Livre Vert: Cadre de la gouvernance d'entreprise dans l'UE, document COM(2011) 164 final

À qui de droit, Veuillez trouver dans la présente communication les commentaires de Enterprise Risk Advisory, LLC concernant les propositions de l'UE en ce qui a trait au cadre de la gouvernance d'entreprise proposé au sein de l'Union Européenne. Enterprise Risk Advisory, LLC est une entreprise spécialisée dans la gestion intégrée des risques (GIR) – Enterprise Risk Management (ERM) -. L'entreprise offre des conseils non biaisés et indépendants aux organisations privées et publiques afin qu'elles mettent en place un cadre de gestion intégré des nombreux risques pouvant les affecter et qui peuvent porter atteinte à leur valeur intrinsèque, financière et non financière. Cependant, la gouvernance en constitue une composante importante nécessaire mais non suffisante.


De plus, Enterprise Risk Adivosry fut fondée par monsieur Michel Rochette, MBA, Doctorant(ENAPQuébec), un vétéran du secteur de la GIR, un spécialiste de ces questions de même qu'un « thought leader » dans ce domaine. Bien à vous,

Michel Rochette, MBA, Doctorant(ENAP-Montréal) michel.rochette@enterprise-risk-advisory.com


1) Définition de la gouvernance À la page deux du document, nous trouvons pertinent la définition proposée pour la gouvernance d'entreprise. Contrairement à d'autres législations, qui l'entrevoit plutôt de manière strictement moderniste en mettant l'emphase uniquement sur les aspects classiques de direction – organigramme, rôles, responsabilités, fonctions, structures, pouvoir, hiérarchie, etc. -, la Commission propose d'y ajouter un volet constructiviste basée sur les relations et les impacts à un ensemble de parties prenantes, ce qui va au-delà des définitions traditionnelles de la gouvernance où l'emphase est mise sur les actionnaires uniquement. De même, cette définition proposée s'inscrit bien dans un contexte de GIR où les interrelations de même que l'impact sur un ensemble de parties prenantes en constituent les fondements. Ce faisant, cette définition de la gouvernance dans un contexte GIR différencierait ce secteur du simple secteur traditionnel de la gestion du risque tel que pratiqué par de nombreux intervenants du marché comme les courtiers et les assureurs. Nous encourageons donc la commission à poursuivre dans cette voie. 2) Terme utilisé pour représenter les enjeux liés à la « gouvernance » Bien que ce terme soit devenu le terme utilisé par l'ensemble des intervenants, le mot « gouvernance » utilisé dans ce sens a plutôt une connotation anglaise et son pendant français devrait plutôt être « gouvernement d'entreprise. », que vous utilisez d'ailleurs à la page trois du document, entre autres. Il y aurait lieu d'uniformiser les termes et de prévoir une liste de correspondance entre les différentes versions anglaises, françaises et autres. Dans le reste des ces commentaires, nous allons continuer à utiliser ce terme pour le moment. De plus, vous devriez mentionner explicitement que ce terme et ce concept ont une autre signification lorsqu'utilisés dans le contexte du secteur public contrairement au secteur privé.


3) Incohérence entre la définition proposée de gouvernance et les interventions proposées À la page trois du document, vous faites mention que vous désirez mettre l'emphase dans ce Livre Vert sur deux intervenants – conseil d'administration et actionnaires – de même que sur l'approche conformité « compliance » telle qu'incarnée par la requête « appliquer ou expliquer ». L'emphase, mise uniquement sur ces deux acteurs importants de toute entreprise, est cependant incohérente avec la définition de la gouvernance que vous proposez, où la présence des parties prenantes y est explicitement mentionnée. Ainsi, afin d'assurer une certaine cohérence, il faudrait ajouter à l'analyse ou, à tout le moins, mentionner la présence d'autres parties prenantes telles que les employés et leurs associations – syndicats, associations professionnelles, entre autres – directement ou indirectement représentés au sien des conseils d'administration comme c'est le cas dans certains pays tels que l'Allemagne. De même, l'État est une partie prenante importante, qui n'est pas mentionnée dans ce document, que celle-ci soit représentée par le secteur judiciaire ou un organisme de réglementation. En effet, non seulement l'État est une partie prenante incontournable mais représente souvent d'autres parties prenantes, qui n'ont pas voie au chapitre – concept de l'intérêt publique –, et dont les décisions influencent les acteurs privés et leurs intérêts également. Au niveau des actionnaires, il y aurait lieu de distinguer entre les types d'actionnaires. Ainsi, il est vrai que pour les actionnaires individuels de grandes sociétés, leur implication au niveau de la gouvernance est négligeable comme vous le mentionnez lorsque vous écrivez qu'ils semblent plutôt passifs, simplement parce qu'ils n'ont pas de moyens de faire valoir leurs intérêts. À cette fin, nous vous encouragerions à examiner certaines approches pro-actives, qui ont cours depuis plusieurs années, afin de rendre ces actionnaires individuels plus présents, dont le MÉDAC 1 au Québec. De même, des organismes tels que l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques 2 sont pertinents afin de non seulement former des membres compétents des conseils d'administration mais également de sensibiliser les actionnaires, surtout individuels, aux enjeux reliés aux nombreuses facettes de la gouvernance. Vous devriez encourager ce type d'organisations au sein de l'Union Européenne. 1

MÉDAC: Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires, www.medac.qc.ca

2

Voir site internet: www.igopp.org. En particulier, l'Igopp a récemment publié un rapport sur la gouvernance des entreprises publiques, thème absent du document. Voir La gouvernance des sociétés d'État: bilan et suggestions, Mai 2011


Contrairement aux actionnaires individuels, les actionnaires des fonds d'investissement, de retraite et des fonds souverains sont souvent plus actifs dans la gestion des entreprises dans lesquelles leurs fonds investissent, signe encourageant d'une gouvernance plus active et productive. Cependant, il n'est pas certain que l'implication de ces actionnaires se fasse nécessairement dans l'intérêt de l'ensemble des parties prenantes, telle que votre définition de la gouvernance implique, mais plus souvent dans leur propre intérêt d'investissement. Ainsi, au lieu de mettre l'emphase et le questionnement de votre analyse sur la seule question de l'intérêt à court-terme par rapport à l'intérêt à long-terme, telle que mentionnée à la page trois du document, il y aurait lieu d'étendre le questionnement à la multitude des intérêts des parties prenantes. Finalement, ne viser qu'une approche de conformité « appliquer ou expliquer » ne va pas assez loin dans un contexte de gouvernance globale telle qu'envisagée actuellement par de nombreux intervenants. Ainsi, comme tout en gestion intégrée des risques, encourager les entreprises à n'adopter qu'une telle approche, les réduit à un rôle passif et réducteur axé sur la conformité – « backward looking » - au lieu d'envisager un rôle pro-actif de gouvernement d'entreprise. Les entreprises ne font que le minimum tout comme un étudiant fait souvent le minimum pour passer un cours. Nous ne croyons pas que c'est ce que la Commission vise en élaborant ce Livre Vert de même que les récentes discussions du G20 à cet égard. 4) Règles de gouvernance différentes: sociétés cotées par rapport aux sociétés non cotées, question 2 La Commission semble opter pour une continuité de certains des principes actuels et évite de se poser la question à savoir s'il devrait y avoir des règles différenciées entre les sociétés cotées et non cotées. À cette fin, nous ne comprenons pas votre argumentation concernant le fait que les défis seraient différents selon le fait que l'organisation soit cotée ou non telle que mentionnée à la page quatre du document. En effet, choisir d'être coté ou non revient essentiellement à un choix de la structure de financement de l'entreprise – passif – et non sur les objectifs et les risques reliés aux activités d'investissement – actif -. Ainsi, peu importe le mode de financement – cotée ou non -, les enjeux sont les mêmes pour les entreprises œuvrant dans le même secteur. Il s'agit en effet d'un principe de base en finance où les économistes Modigliani et Miller3 l'ont déjà démontré. Ainsi, afin d'être cohérent, il y 3

Théorème de Modigliani-Miller(1958), The Cost of Capital, Corporation Finance and the Theory of Investment, The American Economic Review, vol, 48, no 3, p. 261-297


aurait lieu de ne pas mettre en place de distinction entre les entreprises cotées et non cotées. De même, il ne faudrait pas passer sous silence que de grandes entreprises internationales non cotées à la fois privées – ex. Cargill4 –, publiques – ex. Calpers5 - et d'autres contrôlées par des fonds souverains6 ont énormément d'influence et d'impact dans leurs secteurs d'activités respectifs et, dans un contexte de gouvernance qui vise l'ensemble des parties prenantes, il serait inopportun de vouloir les exclure à priori. 5) Règles de gouvernance différentes selon la taille de l'entreprise, question 1 Si on envisage une définition étendue de la gouvernance et son impact sur un ensemble de parties prenantes et non pas simplement orientée sur les structures internes de l'entreprise, que celle-ci soit grande ou petite ne devrait pas constituer un critère de différenciation. En effet, toute entreprise, peu importe sa taille, devrait envisager les impacts de ses activités sur un ensemble de parties prenantes bien que l'analyse nécessaire à cette fin pourrait varier en fonction de sa taille. Par exemple, une PME, contrairement à une grande entreprise, n'a peut-être pas besoin d'un Chef de la gestion des risques – un acteur important dans un contexte de gouvernance – mais peut confier ce rôle à un vérificateur interne ou externe. De plus, il serait loisible d'envisager que les communications faites par une PME pourraient être plus limitées mais il nous semble inopportun de vouloir établir une différenciation arbitraire en fonction de la taille.

4

Voir www.cargill.com

5

Voir www.calpers.ca.gov

6

Voir les nombreuses études publiées à ce sujet par le Peterson Institute for International Economics sur les fonds souverains au www. Iie.com/research/topics/hottopic.cfm?hottopicid=11


De plus, dans un souci d'équité, il y aurait lieu d'envisager une approche uniforme pour toutes les entreprises. En effet, il a été démontré de nombreuses fois que des codes volontaires ne fonctionnent pas. D'un simple point de vue d'une entreprise, pourquoi une entreprise se ferait-elle harakiri si les autres n'obtempèrent pas volontairement au même code? Cette approche est celle qui a prévalu dans le secteur financier au cours des dernières années – communément appelée l'auto-régulation – mais la dernière crise financière a bien démontré sa futilité, ce que des organismes de réglementation tels que le Financial Services Authority au UK a décidé de renverser, entre autres. Ainsi, il y aurait lieu d'envisager et d'intégrer d'autres activités internationales de gouvernance à celles proposées par la Commission Européenne afin de créer un « level playing field. » Finalement, plutôt que de lancer un débat sans fin sur ce que constitue une taille appropriée et comment mesurer celle-ci - actifs, nombre d'employés, etc. -, il nous semble préférable de centrer le débat sur la façon d'adapter les principes et les exigences communes de gouvernance en fonction des impacts des activités de l'entreprise, que celle-ci soit grande ou petite. 6) Rôle du conseil d'administration en matière de gouvernance et séparation des fonctions, question 3 Tout d'abord, le rôle de conseil d'administration proposé par ce Livre Vert n'est pas conforme à ce qu'on entend généralement lorsqu'on discute de conseil d'administration à la fois pour les questions de gouvernance et de GIR. Ainsi, vous semblez le limiter à un seul rôle de surveillance tel que le ferait un conseil de surveillance s'il existe au sein d'une entreprise, ce qui rejoint uniquement la première partie de votre définition de la gouvernance - contrôles et vérification -, soit une question de conformité. Cependant, la gouvernance d'une entreprise, l'évaluation de ses impacts sur l'ensemble des parties prenantes et sur la valeur de l'entreprise sont des attributs qui doivent relever du conseil d'administration dans son ensemble et non pas seulement d'un comité parallèle, tel un conseil de surveillance. Par la suite, la question trois est très pertinente mais un peu incohérente avec ce que vous venez d'écrire en limitant et comparant le conseil d'administration à un conseil de surveillance. On ne ne peut pas poser la question trois sur le rôle du président du conseil d'administration si vous avez en tête un conseil de surveillance. Ceci étant dit, la pratique de plus en plus répandue, à tout le moins en Amérique du Nord, est de séparer les deux fonctions de président du conseil d'administration et de


directeur général. Ainsi, dans une optique de séparation des rôles, qui constitue un des principes fondamentaux d'une saine gouvernance, les deux fonctions doivent être séparées et complémentaires, l'une s'occupant d'orientation en matière de gouvernance – président du conseil – et l'autre – directeur général - d'implantation de celle-ci au quotidien au sein de l'entreprise. Non seulement doit-on viser des fonctions différentes mais s'assurer que celles-ci soient occupées par des personnes différentes. 7) Composition du conseil d'administration, questions 4,5 et 6 Il a été démontré à plusieurs reprises qu'une diversité au sein des conseils d'administration permet à toute entreprise d'opérer à un niveau optimal surtout dans un environnement changeant comme nous le connaissons.

Quant à certains critères proposés par le Livre Vert, ceux-ci devraient plutôt être

envisagés comme des principes que les entreprises devraient suivre et adapter à leur contexte puisque le conseil d'administration demeure l'organe qui doit ultimement rendre compte aux différentes parties prenantes. De plus, ces principes devraient être suivis par les entreprises privées, publiques, cotées et non cotées tout en s'inspirant de ce qui se fait ailleurs afin de pouvoir s'assurer d'une certaine cohérence avec le reste du monde, en particulier pour les entreprises mondialisées. Quant à certains principes et critères spécifiques, en plus de l'ensemble de ceux-ci mentionnés au Livre Vert, la complémentarité des administrateurs en terme de leur formation et de leur expertise constitue sans doute l'un des aspects fondamentaux d'un conseil d'administration efficace. À cette fin, il serait pertinent de prévoir des exigences de formation continue pour les administrateurs afin que ceux-ci se tiennent à la fine pointe des développements concernant leurs interventions. Quant à la répartition internationale, il nous apparaît opportun d'élaborer un principe de libre-choix afin de laisser les entreprises choisir les administrateurs en fonction de leurs marchés respectifs puisqu'il en va de leur intérêt propre d'agir ainsi ou non; une imposition d'une règle précise à cet égard serait sans doute redondante pour certaines entreprises mondialisées et inutile pour d'autres qui fonctionnent plus localement. Quant à la question de la répartition homme-femme au sein des conseils d'administration, bien que cette question soit dans l'actualité depuis un bon bout de temps, il nous apparaît plus approprié de l'aborder sous l'angle de la diversité, la composition homme-femme n'en représentant qu'un aspect important mais non suffisant. Une vraie politique de diversité au sein des conseils d'administration,


reflétant la diversité des parties prenantes et non pas seulement une diversité homme-femme, devrait être une des pierres angulaires de tout conseil d'administration moderne afin de mettre fin aux « old boys network » des conseils d'administration plus traditionnels. 8) Disponibilité des administrateurs et temps consacré à l'exercice des fonctions, question 7 Il est difficile d'affirmer si l'imposition d'un limite en nombre de mandats par administrateur serait suffisante pour assurer une présence active de ceux-ci au sein des conseils d'administration mais serait sans doute nécessaire. De plus, si le cadre proposé de gouvernance abordait cette question sous l'angle éthique, il serait loisible d'envisager d'autres aspects reliés aux personnes elles-mêmes qui s'impliquent et que l'on recrute au sein des conseils d'administration. 9) Évaluation du conseil d'administration, question 8 Le Livre Vert propose une forme d'auto-évaluation des activités et de la composition du conseil, une forme d'analyse d'efficacité et d'efficience simplement. Si on désire proposer un exercice d'évaluation, il y aurait lieu de l'étendre à une évaluation par rapport à des objectifs précis de gouvernance au même titre que ceux que l'on retrouve dans les nombreux indices de gouvernance publiés par des organismes indépendants. Ce faisant, l'exercice ne serait pas seulement interne mais, en l'abordant également selon une approche externe, permettrait à l'entreprise de mieux connaître sa situation actuelle, de se comparer par rapport à ses pairs en utilisant les mêmes critères et de viser à s'améliorer. De plus, cette information devrait être publique, permettant aux intervenants des marchés et à de l'ensemble des parties prenantes d'avoir de l'information supplémentaire à cette fin. De plus, le Livre Vert propose le recours à un facilitateur à la page neuf alors qu'à la page dix, on discute de la présence d'un évaluateur. Ces deux fonctions pourraient être complémentaires mais pas nécessairement. De plus, la présence d'un évaluateur chevronné mais agissant à titre d'expert et de facilitateur interne permettrait de rendre ce processus plus adéquat et comparable d'une entité à l'autre plutôt que de laisser quiconque agir à titre de facilitateur, fonction plus ou moins bien définie. Ainsi, le cadre de gouvernance européen pourrait encourager la création d'une telle profession d'évaluateur au lieu de rester évasif en discutant de facilitateur. Par ailleurs, si on opte pour la fonction d'évaluation, n'envisager qu'une évaluation externe faite à tous les trois ans revient à ne pas encourager les entreprises à revoir continuellement leurs pratiques de gouvernance et à ne viser de satisfaire


« l'examen » qu'à tous les trois ans. 10) Rémunération des administrateurs et transparence, questions 9 et 10 Il serait pertinent d'enligner ces critères de publication sur d'autres règles qui existent ailleurs dans le monde. Ainsi, en Amérique du Nord, la rémunération des cinq dirigeants les mieux payés est divulguée de même que celle des administrateurs des sociétés cotées. Ces critères devraient être étendus aux sociétés non cotées afin de créer un « level playing field ». Quant au vote des actionnaires sur la politique de rémunération, cette décision révèle généralement du conseil d'administration. Selon nous, celle-ci devrait rester à ce niveau puisqu'il devient difficile de discuter de telles questions lors d'une assemblée générale. Cependant, les administrateurs devraient justifier dans le rapport annuel la rémunération consentie en élaborant explicitement les critères sousjacents à leurs décisions à cet égard. De même, il y aurait lieu d'envisager que ces questions fassent partie des ordres du jour de toute assemblée générale afin d'expliquer et de justifier la rémunération par rapport à plusieurs principes et critères pertinents à la gouvernance. 11) Gestion du risque, questions 11 et 12 L'analyse de ces deux questions ne va pas assez loin, ne se concentrant que sur la propension au risque dont le conseil est ultimement responsable de même que de s'assurer que les processus opérationnels internes soient mis en place afin de s'assurer d'une gestion intégrée des risques. Cependant, il y aurait lieu d'étendre ces responsabilités en regard des finalités de l'entreprise de même que ses objectifs stratégiques dont la génération de valeur pour les actionnaires et la protection des intérêts des autres parties prenantes. Plus spécifiquement, la définition de la propension au risque ou de la tolérance au risque est une responsabilité explicite de tous les conseils d'administration. Une fois définis, ces niveaux sont opérationalisés par le monitoring continu de limites de risques explicites. Sans cette définition, il devient impossible pour l'entreprise de savoir si elle atteindra ses objectifs ou non par rapport aux nombreux risques auxquels l'entreprise fait face, risques identifiés, analysés, mesurés et gérés par le personnel approprié en fonction des politiques définies et approuvées par le conseil d'administration à cet égard.

Cependant, nous avons observé que les conseils hésitent et, dans certains cas, sont


incapables de définir ces niveaux de propension ou de tolérance au risque de façon explicite. Certains auteurs font remarquer que les conseils ne veulent pas se commettre et que les individus ne veulent pas voir leur responsabilité individuelle engagée. Il y aurait donc lieu de mandater les conseils à cette fin mais tout en les « protégeant » vis-à-vis des poursuites éventuelles d'actionnaires insatisfaits des décisions prises par les conseils. Par ailleurs, il y aurait lieu d'ajouter d'autres responsabilités au conseil d'administration dont la détermination des impacts directs et indirects de leurs décisions et des risques sous-jacents. Parmi les risques indirects, il y a lieu d'y inclure la réputation de même que les impacts sociaux, environnementaux et systémiques dans un contexte de développement durable. La dernière crise financière a démontré clairement que les liens entre les risques privés et les risques publics sont présents, les deux agissant en tant que vases communicants. De plus, le secteur financier a développé des méthodes explicites de détermination du capital requis afin de faire face aux nombreux risques de l'entreprise – approches de capital économique-. De telles méthodes seraient sans doute utiles pour les autres secteurs non réglementés afin de guider les conseils d'administration dans leurs politiques de gestion du capital, politiques qui devraient être intégrées avec les autres politiques de gestion intégrée du risque. Par ailleurs, une nouvelle responsabilité des conseils d'administration, que l'on observe de plus en plus, consiste à déterminer de façon explicite les sources de création de valeur de l'entreprise et les risques sous-jacents. Il s'agit en fait d'une évolution de la GIR vers une approche qui va au-delà du simple contrôle des risques, approche rétrospective de gouvernance – backward looking - et non liée à l'intérêt porté de plus en plus à l'ensemble des parties prenantes. Quant à la communication aux actionnaires et au public en général, les normes comptables en prévoient de plus en plus mais ces informations sur la nature et l'impact potentiel des risques demeurent plutôt statiques et ne prennent pas en compte les impacts indirects sur un ensemble de parties prenantes. Finalement, les actionnaires en tant que parties prenantes importantes, s'attendent que le conseil d'administration fasse son « job » de gestion du risque afin qu'ils soient convaincus que la fluctuation attendue dans la rentabilité de l'entreprise demeure à l'intérieur des limites prévues et communiquées, attentes que les actionnaires reflètent dans le taux requis sur les fonds propres qu'ils avancent. Ainsi, le


rôle de gouvernance du conseil d'administration, en ce qui concerne la gestion intégrée des risques, minimise le coût du capital pour l'entreprise et la rend plus compétitive sur les marchés, tout en rassurant les autres parties prenantes sur ses chances de survie. 12) Actionnariat, questions 13, 14 et 15 Nous aimerions aborder ce débat du court-terme et du long-terme sous un autre angle plutôt que d'utiliser ces critères afin de distinguer les actionnaires institutionnels et ceux qui sont dispersés. Tous les actionnaires et les autres détenteurs des capitaux fournis à l'entreprise s'intéressent non seulement à la viabilité de l'entreprise à court-terme – liquidité, profitabilité, intérêt, dividende – de même que la création de valeur à long-terme – potentiel de gain en capital -. Le problème semble provenir du fait que les actionnaires dispersés – souvent des investisseurs individuels – sont incapables de voir au-delà des résultats comptables publiés – souvent dans une optique rétrospective – afin de pouvoir apprécier le potentiel de création de valeur à long-terme, ce que les investisseurs institutionnels peuvent généralement faire plus facilement, étant donné qu'ils ont accès à plus d'informations pertinentes sur l'entreprise et son environnement. Il y aurait donc lieu de repositionner cette question et de la lier aux questions des normes comptables et des publications à cet égard, normes qui devraient évoluer vers une détermination de la valeur intrinsèque et prospective des entreprises. Ce faisant, l'ensemble des actionnaires seraient sur le même pied d'égalité. Le secteur des assurances tentent d'ailleurs de fournir maintenant ces évaluations qu'on nomme le « Market Consistent Embedded Value ». Quant aux gestionnaires de fonds, leur approche et celle de cette industrie consiste à gérer en fonction d'indices externes, afin de pouvoir démontrer la plus-value ajoutée par le gestionnaire actif – Beta – par rapport à une gestion passive - Alpha –. Afin de contrecarrer cette vision à court-terme et au recours à des rotations inutiles des portefeuilles – pour générer des gains en capitaux à court-terme allant à l'encontre des obligations à long-terme découlant souvent des passifs -, il y aurait lieu de forcer ceux-ci à adopter une approche de gouvernance fondée sur l'actif-passif – Assets-Liability Management si bien connu et appliqué dans le monde de l'assurance, par exemple –. Ce nouveau mode de gestion devrait être combiné à un changement de leurs politiques de rémunération, qui devrait être pondérées en fonction des risques sous-jacents que les gestionnaires ont encouru pour générer ces revenus, ce qui n'est pas du tout le cas actuellement. En effet, les gestionnaires d'actifs prennent souvent trop de


risques, battent les indices et sont fortement rémunérés mais quittent le bateau à la première tempête, laissant les autres parties prenantes dont les actionnaires, employés, retraités, investisseurs institutionnels et la population en général encaisser les pots cassés. Un tel changement doit venir du législateur et être uniforme au sein de cette industrie que nous qualifions de « cowboys de la finance. » 13) Conflits d'intérêts et protection des actionnaires minoritaires, questions 16, 18, 21, et 22 Nous sommes d'accord avec un renforcement à cet égard afin d'aller au-delà du simple mur de Chine si souvent évoqué à cet égard. De plus, il y aurait lieu de s'intéresser et de coordonner ce risque de conflits d'intérêts avec les risques de corruption et de fraude, risques intimement liés à ce dernier plutôt que de vouloir l'aborder séparément. Quant à la protection à l'égard des intérêts des actionnaires minoritaires au sujet des transactions entre parties liées, ils pourraient être également promus par les mêmes approches utilisées pour combattre la fraude et la corruption, une fraude ou une corruption ayant comme impact de promouvoir les intérêts de certains au détriment de ceux d'autres parties prenantes. C'est essentiellement la même dynamique à l'œuvre. 14) Implication des actionnaires minoritaires, employés et autres parties prenantes au conseil d'administration, question 23 En fonction de la définition adoptée pour la gouvernance, qui regroupe l'ensemble des parties prenantes, il serait logique que l'ensemble de ceux-ci soient représentés au sein de l'instance où les décisions sont prises. Ainsi, les actionnaires minoritaires, les employés et des représentants de l'État – dans les cas où les risques indirects sociétaux que peut faire peser une entreprise sont importants – devraient faire partie du conseil d'administration. Cette approche serait radicale, surtout pour des entreprises non cotées et à majorité d'actionnaires de contrôle, mais devient nécessaire et cohérente si on adopte une définition de la gouvernance en ce sens. Prenez simplement comme exemple quels types de décisions plus respectueuses de l'environnement auraient pu être prises par des entreprises polluantes si des représentants indépendants de l'État avaient été impliquées dès le départ plutôt que de voir l'État régler les pots cassés après coup. On passerait ainsi à une gestion pro active des risques plutôt que d'être en mode passif et rétrospectif de l'approche « comply ou explain. »


Dans la même veine, les employés sont des parties prenantes importantes des entreprises et doivent pouvoir prendre part aux décisions. De plus, comme disent les Américains, « put your money where your mouth is », il semble opportun de vouloir favoriser leur implication financière et de leur permettre d'influencer les décisions des conseils puisque les employés touchent une forme de rente de l'entreprise sous forme de salaires. Cependant, afin de diversifier leur propre risque, une approche d'investissement faite par des fonds de travailleurs plutôt que par les travailleurs eux-mêmes serait sans doute appropriée. À cette fin, le Québec constitue un bon exemple avec certains fonds actifs et encouragés par des mesures fiscales tels que le Fonds de solidarité FTQ et Fondaction7. 15) Mises en œuvre des codes de gouvernance et suivi, questions 24 et 25 Il nous apparaît logique que si on décide d'élaborer un code de gouvernance aux entreprises tout en leur laissant la liberté de l'adapter à leur contexte particulier, il devient nécessaire que, si les entreprises y dérogent, elles fassent connaître les raisons justifiant ces écarts dans un environnement de conformité « comply ou explain ». Sinon, il faudrait êtres plus prescriptif sans possibilité de dérogations. Quant à la vérification des informations fournies, il y aurait lieu d'intégrer la production de celles-ci à un code d'éthique du conseil d'administration touchant à ces questions et d'autres telles que mentionnées précédemment. Si l'exigence du code d'éthique n'est pas suffisant, il y aurait lieu d'intégrer la production de ces informations au même processus de vérification et de certification des états financiers comme cela existe dans plusieurs États dont les États-Unis en suivant l'équivalent du processus de Sarbanes-Oxley8. Finalement, il y aurait lieu d'intégrer la production et la vérification de ces informations avec celles produites et analysées par les organismes de notation, qui étudient ces questions lors de leurs analyses de détermination de la cote de crédit d'une entreprise. À cette fin, plusieurs des éléments pertinents de la gouvernance discutés dans le Livre Vert se retrouvent parmi les critères d'analyse de crédit de ces agences.

7

Voir www.fondsftq.com et www.fondaction.com

8

Voir Loi de 2002 sur la réforme de la comptabilité des sociétés cotées et de la protection des investisseurs.



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