Ideat hs architecture #3

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SPÉCIAL

ARCHITECTURE

Idées-Design-Évasion-Architecture-Tendances / Hors-série architecture / Avril 2014 - 14,90 €

IDEAT, LE MAGAZINE DÉCO NOUVELLE GÉNÉRATION

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+ Le supplément outdoor & jardins 150 pages

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Mikou Studio Elles viennent de livrer un bâtiment zéro énergie à Saint-Ouen, une école à l’image de la démarche qu’elles défendent en architecture : offrir toujours un peu plus aux usagers. Au-delà de leur gémellité, Selma et Salwa Mikou partagent également le quotidien d’un métier qui les passionne. Rencontre. PAR MARYSE QUINTON

A

première vue, difficile de différencier Selma et Salwa Mikou tant leur ressemblance physique est frappante. A 38 ans, ces sœurs jumelles nées au Maroc cultivent cette parenté singulière et ne semblent pas chercher à s’affirmer autrement que comme un duo, même

si elles se disent plutôt complémentaires qu’identiques. Elles partagent le quotidien d’un métier qu’elles ont toutes les deux embrassé et, quand elles se racontent, c’est le « nous » qui l’emporte. Si les deux sœurs ont grandi à Casablanca où leurs parents vivent toujours, c’est à Fès qu’elles ont vu le jour. « La discipline s’est imposée à nous. Nous sommes nées dans cette ville impériale à l’architecture très forte et avons passé notre enfance dans la médina ancienne. Cela a forgé notre sens de l’espace. Nous avons réalisé que l’architecture était la synthèse de tous les arts : c’est un métier très créatif qui vous ouvre en grand des fenêtres sur le monde. » Diplômées de l’école nationale supérieure d'architecture de Paris-Belleville en 2000, elles font leurs premières armes chez deux grands noms de la discipline : Jean Nouvel pour Salwa et Renzo Piano pour Selma, chez qui elles passent plusieurs années. C’est en 2006 qu’elles décident de voler de leurs propres ailes en créant leur agence : Mikou Studio. « Nous avions toutes les deux le désir d’être

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En haut : Le groupe scolaire Georges-Valbon (2012) à Bobigny (Seine-Saint-Denis). Une façade en mosaïque de panneaux de bois côté rue et une succession de terrasses qui entourent des cours intérieures bien protégées. Ci-dessus : Les sœurs Mikou ont créé leur agence, Mikou Studio, en 2006.


indépendantes et de nous investir dans des projets qui nous ressemblent et auxquels on croit. » Aujourd’hui, une quinzaine de personnes travaille pour les deux sœurs réputées pour leur grande exigence. Si leurs projets ne se ressemblent pas, ils ont en commun la volonté farouche d’aller toujours plus loin que le programme. Elles défendent une architecture bienveillante, à l’écoute des usages, qui sait prendre des risques : « Nous croyons au rôle social et humain de l’architecture : nous travaillons chaque projet pour qu’il soit porteur de cette générosité et de ce supplément d’âme qui fait la différence. Nous sommes aussi très attachées à une certaine idée de la sophistication au sens noble du terme : un bâtiment bien construit est comme une robe bien taillée qui vous rend belle. »

Inventer de nouveaux usages Jusqu’ici, leur production est essentiellement axée sur la commande publique même si les deux sœurs trouvent le système assez impitoyable : « Nous sommes toujours soumises au commandement des concours avec son cortège d’anonymat et un maître d’ouvrage physiquement inexistant. Le milieu est très compétitif, on ne sait pas comment nos projets ont été perçus. On gagne ou on perd, c’est manichéen. Le plus important est d’apprendre à relativiser. » Elles avouent une affection particulière pour les programmes scolaires, propices à l’invention de nouveaux usages. Pour l’école de Saint-Ouen, elles ont fait le pari audacieux de poser les cours de récréation en belvédère, instaurant ainsi un rapport très intéressant à la ville en train de se construire. A Saint-Denis, pour le collège Jean-Lurçat (2012), elles ont imaginé des pavillons colorés qui répondent à l’échelle domestique environnante. « Il

Ci-dessus : Le collège Jean-Lurçat (2012), à SaintDenis (Seine-Saint-Denis) tire parti du contexte – un parc et une zone pavillonnaire – pour proposer ses propres pavillons de couleur.

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est important d’échapper à l’uniformité et de ne pas créer seulement en fonction des critères de surveillance des enfants. » Parmi les projets qui les occupent actuellement : une piscine feng shui à Issy-les-Moulineaux, la piscine olympique de Tourcoing mais aussi 300 logements à Massy (91).

Garder une ouverture sur le monde Selma et Salwa ont gardé des accointances particulières avec leur pays d’origine où elles retournent régulièrement : « Nous aimerions beaucoup travailler là-bas. Les rapports au territoire et au paysage y sont différents. Il n’y a pas de contraintes urbaines fortes comme en France. Se confronter à d’autres problématiques, avec des exigences différentes, est très important pour nous. C’est une façon de se réinventer. » Elles pratiquent aussi les concours internationaux « qui permettent d’échapper au quotidien de l’agence, d’être dans une démarche active. Nous souhaitons garder une ouverture sur le monde et travailler ailleurs qu’en France. » Car si leur métier les passionne, elles déplorent le rythme effréné qu’il impose. « Le temps est une denrée rare. Accorder plus de temps à la recherche, prendre le temps de mûrir ses positions et choisir ses projets : ce serait le luxe absolu. » Pas étonnant donc qu’elles admirent les carrières exemplaires et sans concession « d’architectes engagés, avec une ligne de pensée forte, comme Peter Zumthor, Eduardo Souto De Moura et Sigurd Lewerentz ». Pour alimenter leur réflexion, Selma et Salwa s’intéressent au monde des arts vivants et à la danse contemporaine : « L’émotion est au centre de notre travail. Maintenir ces transversalités et se plonger dans d’autres univers pour nourrir son imaginaire reste une priorité absolue. Un bâtiment est toujours signifiant, nous aimons l’idée qu’il ne laisse pas indifférent. »

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Ci-dessus à gauche : Le groupe scolaire Aimé-Césaire (2009), à Saint-Denis (Seine-SaintDenis). Le bâtiment a partiellement choisi la brique pour évoquer la zone en pleine mutation sur laquelle il s’établit tout en faisant référence à la fameuse basilique de la ville avec ses voiles légers et ses sheds colorés. Ci-dessus à droite : Le groupe scolaire PEF, un bâtiment zéro énergie de 5 000 m2 (2013), à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis).


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