Acteurs magazine n° 120 de mars 2009 : Santé "Faire vivre les droits des usagers"

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ISSN 1267-2084

Le magazine interne de l’administration sanitaire et sociale de l’Etat

n° 120 mars 2009

acteurs magazine

REPÈRES Défense et sécurité nationale: les délégués de zone au cœur du processus

MODERNISATION La gestion des risques et le contrôle interne

FOCUS RÉGION Zoom sur l’activité de la DRASS et des DDASS de PACA

Santé

Faire vivre les droits des usagers acteurs acteurs / mars 2005 1 en ligne: www.intranet.sante.gouv.fr


SOMMAIRE MARS 2009

EDITO VIVE LA DÉMOCRATIE SANITAIRE !

Repères

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03 RSA Pour une nouvelle définition des politiques d’insertion. HCSP Roger Salamon explique les missions du HCSP. 04 LUTTE ANTITABAC «Des efforts restent à faire». 05 PFUE Un bilan positif. 06 EUROMED Les 43 pays face à la santé, au travail et à l’emploi. 07 SÉCURITÉ SOCIALE Une convention signée avec l’Inde. 08 DÉFENSE ET SÉCURITÉ NATIONALE Les délégués de zone au cœur du processus.

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Le respect des droits des usagers est un indicateur fondamental de la qualité d’un système de santé. Le grand projet que je souhaite mener avec vous vise à garantir à tous les usagers du système de santé, y compris les plus vulnérables, Roselyne Bachelot-Narquin. l’égalité dans l’accès à l’information la plus complète et la plus objective sur les questions qu’ils se posent. Car, aujourd’hui, il faut être particulièrement expert pour parvenir à trouver rapidement l’information recherchée. Si l’information en santé est omniprésente sur tous les supports médiatiques, les usagers restent pourtant mal informés. Les messages, fréquemment schématiques, incomplets, contradictoires, ne répondent, le plus souvent, qu’aux intérêts spécifiques de chaque émetteur. Avec Internet, un nouveau mode d’accès aux informations de santé se développe, amenant parfois l’internaute à se prescrire lui-même les réponses qui lui conviendront. Il est donc plus que jamais essentiel de donner aux patients des informations fiables, objectives et claires. En ce sens, les débats publics organisés par la Conférence nationale de santé sont salutaires. Ils s’inscrivent dans une démarche participative et citoyenne que j’encourage vivement. Ce type de débat, largement ouvert aux acteurs de santé et aux citoyens, contribue, en effet, à l’appropriation par tous de sujets majeurs. J’irais même plus loin : ces échanges favorisent la démocratie sanitaire, élément central du processus démocratique.

Actu

Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la Santé et des Sports

Dossier

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09 FAIRE VIVRE LES DROITS DES USAGERS DU SYSTÈME DE SANTÉ Etat des lieux de la nouvelle « démocratie sanitaire ». Questions à Jacques Cerda, responsable du secrétariat de la commission nationale des accidents médicaux. Les propositions de la Conférence nationale de santé. Gros plan sur la conférence régionale de santé du Nord - Pas-de-Calais.

Horizons

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Modernisation 14

13 INTERVIEW Christian Saout, président de la Conférence nationale de santé, fait le point sur l’évolution des droits des usagers. 14 GESTION DES RISQUES ET CONTRÔLE INTERNE Une démarche déclinée au sein de l’administration sanitaire et sociale.

Focus Région 16

Echanges

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16 PACA Le point sur la situation et les actions entreprises dans la DRASS et les DDASS ; interview de Jean Chappellet, directeur de la DRASS. 18 EAU « Buvez-la sans hésiter, elle est contrôlée ! », une campagne de la DDASS de la Manche. 19 À LIRE De la zone à l’ENA, un livre d’Anne Joubert. 20 ZOOM Une campagne pour le dépistage du cancer colorectal.

Acteurs Magazine • Directeur de la publication : Laurent Setton, délégué de la DICOM • Muriel Saint-Cyr, chef du département de la communication interne et de l’animation (DICOM), Bernard Liduena, chef de la mission communication interne. Rédactrice en chef:Valérie Luttenbacher (DICOM) • Comité de rédaction: Stéphane Grossier et France Quatremarre (DHOS), Delphine Vallon et Claude Escolan (DGS), Marie-Louise Carémil (DGAS), Marianne Gautier (DAGPB), Anne-Catherine Ferrari (SGMCAS), Marie-Françoise Girard-Cornil (HFDS), Caroline Pineau (DAEI), Catherine Demaison (DREES), Michèle Cabau (SDFE), Mathilde Menelle (IGAS), Chantal Hadida (DIIESES), Magali Coquelin (DRASS Rhône-Alpes), France Leroy (DRASS Haute-Normandie), Gwendoline de Guéniveau (DRASS Pays de la Loire), Aliette Plat (DDASS LoireAtlantique), Noëlle Dequivre (DICOM) • Conception et réalisation: . 146, rue du Faubourg-Poissonnière, 75010 Paris. Journalistes: M.-C. Febvrel, M. Gazsi, S. Le Bourhis, V. Le Hen, F. Paganessi, C. Pallone, J.-P. Ménard, B. Jaulin • Dépôt légal: mars2009 • Photo de une: © Eric Garault • Acteurs Magazine est édité par la Délégation à l’information et à la communication du ministère du Travail, des Relations sociales, de la Famille, de la Solidarité et de la Ville/ministère de la Santé et des Sports, 18, place des Cinq-Martyrs-du-Lycée-Buffon, 75014 Paris.Téléphone: 0140567333.Télécopie: 0140564488 • Fabrication: E-Graphics - Diffusion: 16000 exemplaires.

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Dossier Ont collaboré à ce dossier : la DGS, la DHOS, la DSS et la Conférence nationale de santé.

Faire vivre

les droits des usagers du système de santé Le premier rapport annuel de la Conférence nationale de santé (CNS), rendu public fin 2008, dresse un état des lieux des droits des usagers du système de santé. Ces droits seront aussi au centre des discussions lors du débat organisé par la CNS, le 18 avril prochain, à l’occasion de la Journée européenne des droits des patients. Gros plan sur cette conquête : la démocratie sanitaire.

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Q

u’entend-on quand on parle de droits des usagers ? Ce terme recouvre à la fois les droits individuels à la personne, usager du système de santé (consentement libre et éclairé, droit au refus de traitement, droit à l’information, à l’accès à ses données de santé, à son dossier médical, droit au secret médical et à la confidentialité des données la concernant), le droit à indemnisation en cas de dommage injustifié, mais aussi le droit à un accès équitable au système de santé, et les droits collectifs comme celui d’être représenté dans les instances du système de santé.

Comment les droits des usagers sont-ils respectés dans notre système de santé ? Quels sont les droits des patients en matière d’information, de consentement ? Comment l’accès aux soins est-il garanti ? Dans son premier rapport annuel, Promouvoir et faire respecter les droits des usagers du système de santé, publié en octobre 2008, la Conférence nationale de santé dresse un état des lieux des droits des usagers du système de santé en France. « Si les droits des usagers progressent dans les textes comme dans les faits, il reste un gros point noir : les difficultés d’accès aux soins, dentaires par exemple, pour les personnes

les plus démunies, constate Alexandre Viscontini, chargé du secrétariat de la CNS à la DGS. La première des neuf propositions émises par la Conférence nationale de santé à l’issue de son rapport est d’ailleurs de “promouvoir un meilleur accès à la santé des personnes les plus vulnérables.” » REPÈRES Usager du système de santé : l’usager est celui qui a un droit réel d’usage et qui utilise un service, en l’occurrence le système de santé (privé ou public). Le terme d’usager ne s’applique pas seulement à la personne malade:il s’étend à la famille et aux proches,donc par extension tout citoyen utilisateur du système de santé.

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Dossier Les droits des usagers encore renforcés... Si on considère le nombre de textes juridiques qu’ils ont inspirés, les droits des usagers du système de santé ont pris une place non négligeable dans le droit de la santé. D’autant mieux que, d’année en année, ils s’étoffent. Ainsi, deux récents arrêtés (février 2009) viennent renforcer la nécessaire transparence des tarifs médicaux et l’obligation d’information sur les honoraires. S’il pratique un dépassement sur un acte d’un montant supérieur ou égal à 70 euros, le professionnel de santé doit désormais délivrer à son patient une information écrite préalable sur ses tarifs. Par ailleurs, tous les professionnels de santé – médecins, mais aussi dentistes, kinésithérapeutes, infirmiers, podologues... – ont maintenant l’obligation d’afficher leurs tarifs pour les cinq prestations les plus couramment pratiquées ainsi que les conditions de prise en charge par l’assurance maladie. Autre nouveauté pour les droits des usagers : la création d’un pôle santé et sécurité des soins dans le champ de compétences du médiateur de la République Jean-Paul Delevoye. Lequel est désormais compétent pour répondre aux réclamations des usagers mettant en cause le respect des droits des malades, la qualité du système de santé, la sécurité et l’accès aux soins. Son périmètre d’action s’étend à tous les établissements publics et privés ainsi qu’à la médecine de ville. ... mais trop méconnus En pratique, pourtant, comme en témoignent les neuf propositions de la Conférence nationale de santé, les droits des usagers du système de

santé sont fragiles. Ils sont récents et ne font pas encore partie des réflexes. Par ailleurs, de nouvelles préoccupations de santé publique peuvent apparaître comme des limites légitimes à ces droits. Ainsi, comme le fait remarquer Isabelle Erny de la division droits, éthique et appui juridique de la DGS, « dans une situation d’urgence, de crise sanitaire comme la grippe aviaire, le principe du consentement aux soins serait remis en question ». Mais, hors situation de crise, pourquoi cette fragilité ? Parce que les usagers du système de santé aussi bien que les professionnels de santé méconnaissent ces droits, de même que les droits individuels (droit au consentement, droit à l’information, droit d’accès à leur dossier médical) que collectifs (droit de participation aux instances hospitalières et de santé, droit au congé de représentation). Selon Isabelle Manzi, chargée de mission au bureau des droits des usagers à la DHOS, 55 % des personnes hospitalisées ignorent qu’elles peuvent obtenir des informations précises sur leur état de santé ou avoir accès directement à leur dossier médical, alors même qu’il s’agit d’une disposition « phare » de la loi sur les droits des malades du 4 mars 2002. Une loi relativement récente La loi du 4 mars 2002, qui a consacré ces droits des usagers, elle-même renforcée par la loi du 22 avril 2005, qui pose en particulier le droit de la personne malade à refuser tout traitement y compris lorsque ce refus la met en danger, est relativement récente. Mais elle est le fruit d’une conquête qui a commencé, il y a bienpluslongtemps.Quel’onse souvienne

Conférences régionales de santé

Des débats citoyens sur le respect des droits des usagers A l’occasion de la publication du rapport de la Conférence nationale de santé,cette dernière a organisé, le 18 décembre,conjointement avec la conférence régionale de santé d’Ile-de-France,le premier débat public de sa mandature sur le thème « Respecter et promouvoir les droits des usagers du système de santé ». Depuis,d’autres débats en régions ont été programmés,notamment dans le Nord - Pas-de-Calais (lire ci-dessous). A l’occasion de la Journée européenne des droits des patients,le 18 avril,la CNS organisera,avec la conférence régionale de santé d’Alsace,un débat public autour de la problématique :comment assurer l’égal accès aux soins de premier recours sur l’ensemble du territoire ?

Nord-Pas-de-Calais: se retrouver pour parler ensemble et répondre aux inquiétudes « A la suite de la publication du rapport sur le respect des droits des usagers du système de santé,il nous a semblé important d’organiser un débat public dans notre région,explique le président du conseil régional de santé du Nord - Pas-de-Calais, Michel Autès. Si ce rapport montre les avancées du droit des usagers, il révèle aussi qu’il reste des freins dans leur diffusion et leur applica-

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tion.Les médecins,par exemple, les relaient peu car ils s’inquiètent d’un risque de“judiciarisation”dans leurs relations avec leurs patients. Nous invitons donc les professionnels de santé,les représentants d’associations des usagers de santé à se retrouver pour en parler ensemble.» Au programme de cette demi-journée du 11 mars : l’accès au dossier médical et aux

informations concernant la santé du patient :quels risques ? Comment éviter les dérives ? Jean-Marc Rehby, président de l’Union régionale des médecins libéraux de Nord - Pas-de-Calais interviendra notamment sur ces sujets. Pour en savoir plus : www.nordpasdecalais.fr


Conférence nationale de santé

Ses 9 propositions 1. Promouvoir un meilleur accès à la santé des personnes les plus vulnérables.

2. Tout mettre en œuvre pour réduire l’asymétrie de l’information entre les acteurs et les usagers du système de santé. 3. Mieux promouvoir, protéger et accompagner l’exercice de certains droits individuels.

4. Créer un véritable statut du représentant des usagers.

5. Doter les conférences régionales de santé de budgets suffisants pour conduire leurs missions, notamment les formations spécialisées. 6. Inscrire dans la réforme prévoyant des agences régionales de santé qu’une mission relative aux droits des usagers du système de santé figure à l’organigramme de ces agences au niveau de leur direction générale.

7. Conférer clairement aux formations spécialisées sur le respect des droits des usagers le rôle d’observatoires des rôles.

Deux questions à... responsable à la DGS du secrétariat de la commission nationale des accidents médicaux (CNAMed). Parmi les droits des usagers, figure la possibilité de réclamer des indemnités en cas d’accident médical... Jacques Cerda : Dès les années 1960, une loi a confié à l’Etat l’indemnisation des conséquences dommageables que pouvaient entraîner les vaccinations obligatoires par les professionnels de santé, en particulier contre l’hépatite B (sclérose en plaques).Ce droit à indemnisation s’est imposé progressivement dans les affaires médicales sérielles,notamment celle du sang contaminé.Afin que la solidarité nationale puisse s’exprimer à l’égard des victimes hémophiles et transfusées contaminées par leVIH lors de transfusions ou d’injections de produits sanguins, le Fonds d’indemnisation des transfusés et hémophiles (FITH) a été créé (loi du 31 décembre 1991).Survenue également, à la même période,l’affaire de la maladie de Creutzfeldt-Jakob,dont ont été victimes les enfants ayant été traités par l’hormone de croissance d’origine extractive,a conduit l’Etat,en 1993,à mettre en place un dispositif spécifique d’indemnisation. Enfin,la loi du 4 mars 2002 a prévu un dispositif d’indemnisation général pour les dommages résultant du système de santé ; dans ce cadre,il a été jugé utile de mettre en place la possibilité d’indemnisation des victimes d’un accident médical pour lequel aucune faute n’a été identifiée.Sont ainsi pris en compte les concepts d’«aléa médical» ou d’« aléa thérapeutique».

des patients, le 18 avril, un rendez-vous national pour accentuer le partage par tous des questions relatives au respect des droits des usagers.

Quel est ce dispositif ? J.C. :La loi de 2002 a créé trois institutions: l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux,des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM),les commissions régionales de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux,des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) et la commission nationale des accidents médicaux (CNAMed),chargée de l’harmonisation du dispositif et de l’inscription sur la liste nationale des experts en accidents médicaux.L’ONIAM a,par la suite,été chargé,en outre,de l’indemnisation des accidents vaccinaux et duVIH causé par une transfusion ou d’une hépatite C également causée par une transfusion. Comment le dispositif d’indemnisation général se met-il en œuvre? J.C. :Il s’agit d’une procédure amiable et gratuite qui n’a aucun caractère juridictionnel. La victime d’un accident médical ou l’un de ses ayants droit s’adresse à une CRCI, qui va diligenter une expertise.Si la CRCI conclut à une faute médicale,elle émet un avis avec l’évaluation des préjudices de la victime,qu’elle adresse au responsable, et à son assureur,lequel aura la charge de faire une offre d’indemnisation à la victime. A défaut d’offre,cette dernière s’adresse à l’ONIAM,qui l’indemnisera,s’il y a lieu, avant de se retourner contre le responsable de l’accident.Si la CRCI conclut à un aléa ou à une infection nosocomiale grave,elle transmet à l’ONIAM un avis en ce sens : l’office va alors,s’il y a lieu,faire une offre d’indemnisation à la victime,au titre de la solidarité nationale.La victime peut contester devant les juridictions l’offre de l’assureur ou de l’ONIAM. Pour en savoir plus :www.cnamed.gouv.sante.fr www.oniam.fr ; www.commissions-crci.fr

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Jacques Cerda,

8. Améliorer la connaissance des droits. 9. Faire de la Journée européenne des droits

en effet de ces textes, chartes, codes professionnels ou rapports, qui ont jalonné les vingt dernières années : la loi sur la protection des personnes qui participent à des recherches biomédicales (loi Huriet, en 1988) et les lois bioéthique de 1994, qui ont posé les grands principes, en particulier celui du consentement « libre et éclairé » de la personne ; le nouveau code de déontologie médicale (1995), la charte du patient hospitalisé rénovée (1995), l’avis du Conseil économique et social et le rapport de Claude Evin présenté à cette occasion (1996). Mais aussi : l’ordonnance hospitalière de 1996, introduisant dans le livre VII du code de la santé publique une section intitulée « Des droits du malade accueilli dans un établissement de santé », la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions (1998), qui a été l’occasion de créer dans le code de la santé un livre préliminaire intitulé « Droits des personnes malades et des usagers du système de santé »... Ce long cheminement a fait évoluer les esprits sur des sujets comme la prise en compte de la douleur, le respect de la dignité du patient ou la responsabilité médicale… Par ailleurs, cette conquête progressive des droits des usagers du système de santé n’est pas juste le fait des pouvoirs publics. Elle doit beaucoup aux usagers eux-mêmes. Les Etats généraux de la santé, en 1998, qui ont montré la volonté des Français de s’investir dans le fonctionnement de leur système de santé, en sont un symbole fort. La bataille sur les mots en est la traduction. Car il n’a pas été simple de faire admettre par tout le monde le mot « usager », en remplacement de acteurs / mars 2009 11


Dossier

L’impulsion des associations des usagers C’est pour faire face aux graves fléaux sanitaires comme le sida ou les cancers que les usagers se sont mis à s’organiser collectivement et à mettre en place des associations de malades. Ces associations sont devenues des acteurs du système de santé. « Les usagers du système de santé se sont impliqués directement ou indirectement par le biais des associations, rappelle Jean-Jacques Nansot, responsable de la mission «Associations et représentation des usagers» à la DGS. Elles ont revendiqué leur propre indépendance et leur propre place au sein du système de santé. Elles ont permis de nourrir le

Secteur social et médico-social

Des usagers citoyens comme les autres ! La loi du 2 janvier 2002 chargée de rénover l’action sociale et médico-sociale s’est donné pour objectif de « passer de la notion de protection de la personne fragile à celle de la reconnaissance d’un usager citoyen ». Elle a par conséquent développé des droits spécifiques pour les usagers fréquentant les quelque 32 000 établissements et services sociaux et médico-sociaux de France.Ces droits fondamentaux sont au nombre de sept : • Respect de la dignité, intégrité, vie privée, intimité, sécurité. • Libre choix entre les prestations domicile-établissement. • Prise en charge ou accompagnement individualisé et de qualité, respectant un consentement éclairé. • Confidentialité des données concernant l’usager. • Accès à l’information. • Information sur les droits fondamentaux et les voies de recours. • Participation directe au projet d’accueil et d’accompagnement. Pour les faire respecter, sept nouveaux outils ont été développés, parmi lesquels la charte des droits et libertés de la personne accueillie. Laquelle trouve tout son sens lorsqu’il est admis, par exemple, que « toute personne âgée en situation de handicap ou de dépendance est respectée et reconnue dans sa dignité, sa liberté, ses droits et ses choix ».

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© Phanie

« malade », personne définie par son état de santé et induisant une connotation négative, ou de « patient », personne définie par les soins qu’il reçoit, induisant une relation de dépendance entre l’utilisateur du système de santé et les professionnels de santé. L’adoption du mot « usager » – qui recouvre également les proches, la famille mais aussi une personne utilisant le système de santé pour un acte de prévention ou de diagnostic – est en soi une conquête.

débat public en médiatisant leurs conflits et certains de leurs choix. » Leurs paroles, parfois protestataires, souvent forces de propositions, ont contribué à la formulation des droits et à leur reconnaissance dans le domaine de la santé. Mais, pour que cela aboutisse, il a fallu que les pouvoirs publics les entendent, les relaient et engagent une politique volontariste, en particulier par la mise en œuvre d’un agrément donné aux associations sous certaines conditions pour leur permettre de représenter les usagers du système de santé dans les instances hospitalières ou de santé publique. Adopter une loi, le début du chemin « Sans la loi, on ne peut rien, mais la loi seule ne peut pas tout. Il faut qu’elle puisse vivre et pour cela qu’elle soit appliquée, relève Isabelle Erny. Pour qu’un malade puisse revendiquer qu’on lui délivre un traitement contre sa douleur ou accéder aux soins palliatifs, il doit savoir qu’il y a droit. » Plusieurs étapes jalonnent la vie d’une loi : l’émergence des droits, leur reconnaissance et leur mise en œuvre qui peut, à la lumière de l’expérience, justifier des ajustements. Dans cette perspective, la DHOS a multiplié ces dernières années des actions pédagogiques tant à l’égard des établissements que des usagers. Une collection éditoriale a été créée, proposant aux établissements de nombreux guides méthodologiques pour mieux respecter les droits des usagers (sur les plaintes, sur les commissions des relations avec les usagers, sur le livret d’accueil, sur les permanences d’accès aux soins des personnes les plus vulnérables, sur le développement de la lecture au sein des structures...) et aux usagers des documents informatifs pour les aider à mieux connaître leurs droits (charte de la personne hospitalisée, fiches sur les directives anticipées, la personne de confiance, l’accès au dossier médical, les

plaintes et les réclamations...). Cette action est loin d’être achevée : cette année, l’une des priorités de la DHOS est de mener des actions de communication plus ciblées afin de mieux faire connaître leurs droits aux usagers. Elles seront complétées par des actions de formation à destination des professionnels de santé, qui sont en première ligne. Mesurer les enjeux Enfin, il faut admettre que les textes puissent évoluer pour être ajustés à la réalité du terrain. « On se rend compte, avec l’expérience, que des dispositions concernant les droits des usagers mériteraient d’être revisitées, remarque Isabelle Manzi. Par exemple, l’accès direct au dossier médical. La loi a posé des délais de communication très exigeants, difficiles à respecter par les établissements. Cette situation est insatisfaisante pour les établissements et les usagers, alors même qu’un simple réaménagement de ces délais permettrait un meilleur respect du droit, à la satisfaction de tous. » Ainsi, la démocratie sanitaire se présente-t-elle comme un défi quotidien qui ne peut être relevé que grâce au concours de l’ensemble des acteurs. Pour aller plus loin : • Le rapport de la Conférence nationale de santé : www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr, puis «Les dossiers de la santé», «Conférence nationale de santé», «Rapports sur le respect des droits des usagers du système de santé». • L’espace « Partage d’expériences – Accueil, information et prise en charge des usagers » : www.sante.gouv.fr/experiences_usagers/accueil.htm • Le dossier « Usagers » : www.sante-sports.gouv.fr/ dossiers/sante/u.html • Le site du pôle santé et sécurité des soins : www.securitesoins.fr • L’agrément des associations d’usagers : www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr, puis «Les dossiers de la santé» et «Agrément des associations».


Horizons

Droits des usagers

« Le travail de la CNS reste encore trop peu accessible»

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Depuis 2006, la Conférence nationale de santé (CNS) est présidée par un représentant des usagers, Christian Saout. Entretien sur l’« état de santé » des droits des usagers.

Christian Saout.

Comment devient-on un représentant des usagers du système de la santé ? Christian Saout : Pour moi comme pour beaucoup d’autres, c’est le militantisme qui conduit à se retrouver dans une situation institutionnelle de représentant des usagers. Soit parce que votre association vous en a confié le mandat, soit parce que le conseil auquel vous appartenez vous a désigné. C’est ainsi que les membres du bureau de la Conférence nationale de santé (CNS) ont fait du représentant de l’association AIDES que je suis leur président. Il est vrai que c’est un peu exceptionnel. Car il n’arrive pas souvent que les représentants des usagers se voient reconnaître une fonction de président(e). Dans un domaine que je connais bien comme la lutte contre le sida, sur la trentaine de commissions régionales dédiées à ce sujet, une seule est présidée par un représentant d’une association de patients. Ce n’est pas normal. Comment voyez-vous votre fonction au titre de président de la CNS ? C. S. : Le président de la CNS se doit d’être respectueux des équilibres subtils d’une instance de plus de 100 personnes. Nous sommes loin de l’exercice militant auquel je suis accoutumé. Néanmoins, c’est un grand plaisir, car l’équipe mise à la disposition de la CNS pour lui permettre de conduire sa mission est de grande qualité. Le bureau qui m’entoure est composé de membres venant d’horizons divers, gage de la richesse de ses décisions. Ensemble, nous avons réussi à faire évoluer

la CNS, avec le soutien des membres de la formation plénière, pour lui donner une tournure plus réactive que par le passé. Après le bilan de mi-mandat, car nous tenons tous à la transparence, le bilan de mandature sera l’occasion de voir que nous avons réussi à embrasser toutes les missions que nous a confiées le législateur. J’ai un regret cependant : celui qu’un travail d’une telle qualité ne soit pas aussi facilement accessible que je le souhaite, même s’il est aujourd’hui plus souvent repris dans la décision publique. Qu’est-ce qui ne va pas dans le respect des droits des usagers ? C. S. : Parlons déjà de ce qui va bien, comme le droit d’accès au dossier, sous réserve de quelques aménagements dans la procédure, et le droit au consentement. Ce qui va moins bien, c’est le droit à l’information du patient, difficile à respecter avec un temps médical de moins en moins généreux et une information toujours aussi peu accessible sur les prix, les solutions thérapeutiques, la qualité des soins et le médicament. Ce qui va très mal, en revanche, c’est l’accompagnement de la fin de vie, notamment la désignation de la personne de confiance, car la réforme de 2005 n’a pas été comprise faute d’avoir été accompagnée. Quels sont les combats qui vous tiennent le plus à cœur ? C. S. : Les sujets qui m’importent le plus sont ceux qui sont liés à la lutte contre le sida. Pour deux raisons. Ils touchent à la solidarité avec ceux que l’épidémie n’a pas épargnés mais dont les vies valent autant de respect que celles des personnes bien portantes. Ils sont souvent emblématiques de ce que l’on a à vivre dans d’autres pathologies : difficultés d’accès aux soins, refus d’assurance, tolérance, capacité à vivre une bonne vie malgré les traitements au long cours, solidarité financière face aux soins…

Conférence nationale de santé : ses missions Adaptée par la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique et installée le 3 octobre 2006 par le ministre chargé de la santé, la Conférence nationale de santé (CNS) assure plusieurs missions. • Evaluer la politique de santé publique qui prévaut au niveau national comme régional. • Permettre aux acteurs du système de santé d’exprimer leurs points de vue sur les politiques de santé. • Contribuer à l’organisation de débats publics sur les questions de santé. • Favoriser le dialogue entre les usagers, les professionnels, les autres acteurs et les responsables politiques. • Relayer les demandes et les besoins de la population en matière d’état de santé, d’accès au système de santé. • Réaliser un rapport annuel sur le respect des droits des usagers du système de santé. • Formuler des avis et des propositions sur les plans et les programmes prévus par le gouvernement ou en vue d’améliorer le système de santé en France. Lieu de concertation sur les orientations des politiques de santé, la CNS est consultée par le gouvernement lors de la préparation du projet de loi définissant les objectifs de la santé publique. Pour en savoir plus : www.sante-jeunessesports.gouv.fr, rubrique « les dossiers de la santé », cliquer sur la lettre « C », puis choisir « Conférence nationale de santé / février 2009 ».

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