CJASS n° 88 - septembre/octobre 2011 - Les sanctions administratives

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Courrier

BIMESTRIEL

D’INFORMATION JURIDIQUE DE L’ADMINISTRATION SANITAIRE, SOCIALE ET DES SPORTS.

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N° Septembre Octobre

uridique J

2011

des

Affaires sociales et des

DOSSIER

Sports

LES SANCTIONS ADMINISTRATIVES

L’existence de sanctions administratives en cas de méconnaissance des lois et règlements constitue l’une des expressions les plus manifestes des prérogatives de puissance publique dont dispose l’administration. Il s’agit également d’un élément déterminant de régulation sociale qui s’est renforcé ces dernières années avec le développement d’autorités administratives indépendantes dotées d’un tel pouvoir. Sous l’influence des jurisprudences constitutionnelle, administrative et européenne, le prononcé de sanctions, qu’elles soient pécuniaires, morales ou privatives de droits, fait toutefois l’objet d’un encadrement croissant, s’inspirant des principes applicables en matière pénale, afin d’assurer une meilleure protection des droits des administrés.

I. LA NOTION DE SANCTION ADMINISTRATIVE Le Conseil d’Etat1 définit la sanction administrative comme une décision unilatérale par laquelle une autorité administrative2, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique, inflige une peine sanctionnant une infraction aux lois et règlements. Prévoyant la punition de celui qui ne se conforme pas aux ordres de l’administration, les sanctions administratives ont un effet dissuasif par la menace qu’elles comportent, qui contribue à favoriser l’exécution volontaire et ainsi à garantir l’effectivité des décisions de l’administration. Le recours aux sanctions administratives tend d’ailleurs à se développer, celles-ci apparaissant à maints égards plus efficaces que la voie pénale, laquelle est soumise à une procédure beaucoup plus contraignante. Cette évolution, qui consiste à faire des sanctions administratives un équivalent de la répression pénale, n’est pas, en elle-même, contraire à la Constitution. Dans ses deux décisions fondatrices du 17 janvier 1989 (n° 88-248 DC) et du 28 juillet 1989 (n° 89-260 DC), le Conseil constitutionnel a en effet jugé que : « Le principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu’aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle ne fait obstacle à ce qu’une autorité administrative, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique, puisse exercer un pouvoir de sanction dès lors, d’une part, que la sanction susceptible d’être infligée est exclusive de toute privation de liberté et, d’autre part, que l’exercice du

pouvoir de sanction est assorti par la loi de mesures destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement garantis. ». La possibilité de confier un pouvoir de sanction à une autorité administrative n’est toutefois pas sans limite. En se fondant sur l’article 66 de la Constitution qui fait du juge judiciaire le gardien de la liberté individuelle, le Conseil constitutionnel a expressément exclu, dans sa décision du 28 juillet 1989, qu’une autorité administrative puisse infliger une peine privative de liberté. Dans sa décision n° 2009-580 du 10 juin 2009 relative à la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet qui a institué la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI), le Conseil constitutionnel a par ailleurs jugé que cette loi ne pouvait confier, dans le but de protéger les titulaires du droit d'auteur, à la commission de protection des droits de la HADOPI des pouvoirs de sanction l'habilitant à restreindre ou à empêcher l'accès à internet à des titulaires d'abonnements, quelles que soient les garanties encadrant le prononcé des sanctions, dès lors que de tels pouvoirs pouvaient conduire à restreindre l'exercice, par toute personne, de son droit de s'exprimer et de communiquer librement, qui implique aujourd'hui, eu égard au développement généralisé d'internet et à son importance pour la participation à la vie démocratique et à l'expression des idées et des opinions, la liberté d'accéder à ces services de communication au public en ligne. Selon le Conseil

(1) Etude du Conseil d’Etat, Les pouvoirs de l’administration dans le domaine des sanctions, Doc. Fr., 1995. (2) Cette notion doit être largement entendue (ministres, préfets, maires, présidents de conseils généraux, autorités administratives indépendantes, organismes de droit privé dotés de prérogatives de puissance publique…)


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constitutionnel, ces pouvoirs ne peuvent incomber qu'au juge. Les sanctions administratives peuvent prendre des formes diverses : peines pécuniaires, peines privatives de droits (suspension, retrait d’autorisation ou d’agrément, fermeture d’établissement, interdiction d’exercer certaines professions…) ou encore sanctions morales (publicité donnée à une mesure de sanction par exemple). Dans le domaine sanitaire et social, l’article L. 114-17 du code de la sécurité sociale institue, par exemple, des pénalités pour sanctionner les fraudes en cas de déclarations frauduleuses ou de non déclaration de prestations de sécurité sociale. L’article L. 262-53 du code de l’action sociale et des familles (CASF) prévoit la suppression du versement du revenu de solidarité active en cas de fausse déclaration, d'omission délibérée de déclaration ou de travail dissimulé ayant conduit au versement du RSA pour un montant indu. En vertu de l’article L. 241-7 du code des sports, les fédérations sportives et l’Agence française de lutte contre le dopage peuvent prononcer contre les sportifs s’étant rendus coupables de dopage des sanctions administratives consistant, par exemple, en des interdictions temporaires ou définitives de participer à des compétitions et manifestations sportives ou d’exercer certaines fonctions (notamment d’enseignement d’une activité physique ou sportive). L’identification d’une sanction administrative peut parfois s’avérer délicate compte tenu de sa proximité avec des notions juridiques voisines, telles que les mesures de retrait ou les mesures de police. La distinction entre ces différents types de décisions est néanmoins d’importance car elle détermine le régime juridique qui leur est applicable : les sanctions administratives sont en effet entourées de garanties de procédure et de fond plus importantes (cf partie II).

A – Sanctions administratives et mesures de police : Les sanctions administratives ont une nature répressive qui les distingue des mesures de police qui ont une finalité essentiellement préventive. Ces der-

nières sont prises dans l’intérêt de l’ordre public, de la santé ou de la sécurité publique. La distinction entre les deux repose donc essentiellement sur la finalité respective des décisions prises, certaines mesures pouvant avoir, selon les circonstances, la nature d’une sanction ou celle d’une mesure de police. La sécurité routière offre, à cet égard, une illustration intéressante. Le Conseil d’Etat qualifie de mesure de police administrative la suspension administrative du permis de conduire (même si elle se fonde sur les infractions commises, elle a pour but premier d’éviter que s’en produisent d’autres)3, mais il considère que le retrait de points du permis constitue une sanction4 faisant suite à une infraction avérée, bien que permettant d’éviter la réitération des agissements qu’il vise. Du point de vue du régime juridique applicable, les mesures de police doivent être motivées et précédées d’une procédure contradictoire comme les sanctions administratives, mais les garanties de fond qui seront évoquées dans la seconde partie ne leur sont pas applicables.

B – Sanctions administratives et retraits d’autorisation : Les retraits d’autorisation ou d’agrément peuvent également soulever des difficultés quant à leur qualification en sanctions administratives. La jurisprudence retient en réalité, là encore, un critère finaliste pour répartir en trois catégories des mesure aux effets strictement identiques5. La première catégorie est celle du retrait d’autorisation qui constitue une mesure symétrique dans ses motifs à la délivrance de l’autorisation : le retrait intervient lorsque le titulaire cesse de remplir les conditions mises à son octroi (CE Section 25 juillet 1975 n° 96377 ; CE 22 mars 1999, SA NRJ, n° 131861). La deuxième catégorie est celle du retrait d’autorisation, mesure de police administrative prise à titre préventif en fonction d’un fait objectif en vue de maintenir l’ordre et la sécurité publics (CE 22 avril 1955 Association franco-russe). La troisième catégorie est celle du retrait qui revêt la nature d’une sanction et qui se caractérise par son aspect répressif : il a pour objet de punir le titulaire de l’autorisation ou de l’agrément des manquements qu’il a commis à la réglementation qui lui est applicable (CE Section 5 mai 1944 Dame Veuve Trompier-Gravier).

(3) CE 3 novembre 1989 n° 88408. (4) CE 8 décembre 1995, Mouvement de défense des automobilistes, n° 144160. (5) CE 7 juillet 2004 Ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales c/ M. Benkerrou n° 255136. (6)) Ou encore CE 2 juillet 2010 n° 316858. Un praticien a été sanctionné pour une pratique jugée contraire à une « règle » s'imposant à lui. Cette « règle » n'a cependant été édictée par aucun texte. Par suite, l'autorité de sanction n'a pas légalement justifié sa décision en faisant application de cette « règle » sans vérifier si la pratique en cause méconnaissait les obligations auxquelles ce praticien est soumis en raison de son activité. (7) La décision n° 88-248 du 17 janvier 1989 porte sur les articles 42 et 42-1 de la loi du 30 septembre 1986 qui étaient relatifs aux pouvoirs de sanction dévolus au Conseil supérieur de

II. UN RÉGIME JURIDIQUE PROTECTEUR DES DROITS ET LIBERTÉS DES ADMINISTRÉS En raison de leur portée, le prononcé de sanctions administratives est strictement encadré. Même si la procédure régissant le prononcé des sanctions administratives conserve ses caractéristiques propres, leur régime juridique, qu’il s’agisse tant des garanties de fond que des garantie de procédure applicables, tend de plus en plus à s’aligner sur celui des sanctions pénales.

A – Les garanties de fond  Le principe de légalité des délits et des peines

Ce principe découle de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen aux termes duquel « nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée ». Comme en droit pénal, tant les incriminations que les sanctions administratives doivent être expressément prévues par un texte. Le principe de légalité des délits implique que les éléments constitutifs de l’infraction soient définis de façon précise et complète. Comme le Conseil d’Etat (CE 9 octobre 1996, Société Prigest, n° 1703636), le Conseil constitutionnel veille à ce que l’infraction soit « définie en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire » (décision n° 92-307 DC du 25 février 1992). Le Conseil constitutionnel observe néanmoins une certaine souplesse en affirmant « qu’appliquée en dehors du droit pénal, l’exigence d’une définition des infractions sanctionnées se trouve satisfaite, en matière administrative, par la référence aux obligations auxquelles le titulaire d’une autorisation administrative est soumis en vertu des lois et règlements7 » . Par la décision d’assemblée du 7 juillet 2004, ministre de l’Intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales c/ M. Benkerrou n° 255136, le Conseil d’Etat a fait sienne cette jurisprudence en précisant que « les infractions pouvaient être définies par référence aux obligations auxquelles est soumise une personne en raison de l'activité qu'elle exerce, de la profession à laquelle elle appartient ou

l'audiovisuel, lesquels ne sont susceptibles de s'exercer qu'après mise en demeure des titulaires d'autorisation pour l'exploitation d'un service de communication audiovisuelle « de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires et par les principes définis à l'article premier » de la loi. Après avoir relevé que « les obligations susceptibles d'être sanctionnées sont uniquement celles résultant des termes de la loi ou celles dont le respect est expressément imposé par la décision d'autorisation prise en application de la loi et des textes réglementaires qui, dans le cadre déterminé par le législateur, fixent les principes généraux définissant les obligations des différentes catégories de services de communication audiovisuelle », le Conseil constitutionnel a considéré les dispositions litigieuses comme conformes au principe de légalité des incriminations.


de l'institution dont elle relève.8 » . Revenant sur une jurisprudence antérieure, le Conseil d’Etat juge ainsi que le principe de légalité des délits s'applique également aux sanctions infligées aux membres de professions réglementées revêtant un caractère disciplinaire9. Il convient en revanche de préciser qu’il ne s'applique pas aux sanctions disciplinaires que l'autorité administrative a le pouvoir d'édicter à l'égard des agents publics placés sous son autorité10. Le principe de légalité implique également que les sanctions soient prévues par un texte. Lorsqu’un texte a énuméré les sanctions susceptibles d’être infligées par l’autorité administrative en cas de faute disciplinaire ou de manquement à des prescriptions législatives ou réglementaires, cette autorité ne peut légalement faire application d’une sanction autre que l’une de celles expressément prévues11. Comme en matière pénale, ce texte n’a pas, dans tous les cas, à être une loi12. Ce n’est que lorsque la définition des obligations auxquelles est soumis l'exercice d'une activité relève du législateur en application de l'article 34 de la Constitution, qu’il appartient à la loi de déterminer tant les sanctions encourues que les éléments constitutifs des infractions que ces sanctions ont pour objet de réprimer. La circonstance que la loi ait renvoyé au décret le soin de définir ses modalités ou ses conditions d'application n'a ni pour objet ni pour effet d'habiliter le pouvoir réglementaire à intervenir dans le domaine de la loi pour définir ces éléments13.  Les principes de non-rétroactivité et de l’application immédiate de la loi pénale plus douce

Ces deux principes, qui trouvent également leur origine dans l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ne concernent pas seulement les peines appliquées par les juridictions répressives, mais s’étendent « à toute sanction ayant le caractère d’une punition même si le législateur a cru devoir laisser le soin de la prononcer à une autorité de nature non judiciaire »,

ainsi que l’a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 82-155 DC du 30 décembre 1982. Ces deux principes, qui portent sur l’application dans le temps des dispositions de nature répressive, constituent en réalité les deux faces d’une même médaille : - d’une part, le principe de non-rétroactivité des lois répressives plus sévères, qu’il s’agisse de dispositions d’incrimination ou de sanctions, interdit de sanctionner un comportement en vertu d’un texte plus sévère entré en vigueur postérieurement à celui-ci ; - d’autre part, le principe de rétroactivité des lois répressives plus douces implique que la loi pénale nouvelle, lorsqu'elle abroge une incrimination ou prononce des peines moins sévères que la loi ancienne, s’applique aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à des condamnations passées en force de chose jugée14.  Le principe de proportionnalité des peines

Appliqué pour la première fois à des sanctions administratives par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 87237 DC du 30 décembre 1987 rendue à propos d’amendes fiscales, le principe de proportionnalité, qui résulte lui aussi de l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen (« la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires »), implique que la sanction infligée soit adaptée, au vu des circonstances propres à chaque espèce, à la gravité du manquement15. Du principe de proportionnalité découle logiquement l’encadrement très strict des sanctions automatiques16. Le Conseil constitutionnel a ainsi déclaré contraires à la Constitution, car disproportionnées dans leurs effets, les dispositions législatives prévoyant que tout arrêté de reconduite à la frontière entraînerait automatiquement une sanction administrative d’interdiction du territoire pour une durée d’un an (décision n° 93-325 DC du 13 août 1993). Mais, en sens inverse, il a pu admettre certaines sanctions automa-

(8) Voir également CE 7 juin 2010 Centre hospitalier de Dieppe n° 338531. Le Conseil d’Etat a jugé que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée contre le dispositif de sanction de l'article L. 162-22-18 du code de la sécurité sociale à l'encontre des établissements de santé qui ne respectent pas les dispositions relatives à la facturation des actes, ne présente pas un caractère sérieux. Il considère que l'article litigieux pouvait se borner à prévoir des sanctions en cas de méconnaissance, par les établissements de santé, des règles de facturation et de codage auxquelles ils sont soumis en vertu des dispositions du même code ou d'absence de réalisation d'une prestation facturée. (9) Voir également CE Section 12 octobre 2009 n° 311641. (10) CE 9 avril 2010 n° 312251. (11) CE 24 novembre 1982 n° 32944. (12) CE Ass. 7 juillet 2004 précitée. (13) CE Section 18 juillet 2008 Fédération de l’hospitalisation privée. Cette décision concerne l’article R. 6114-11 du code de la santé publique selon lequel un contrat d'objectifs et de moyens peut être suspendu ou résilié "en cas de manquement grave du titulaire de l'autorisation aux dispositions législatives et réglementaires ou à ses obligations contractuelles". La résiliation du contrat encourue par l'établissement qui n'a pas mis fin au manquement reproché a pour effet de permettre à l'agence régionale d'hospitalisation de

tiques, en particulier dans le domaine fiscal. C’est ainsi qu’il a considéré comme conforme à la Constitution, la loi instituant une pénalité en cas de découverte d’une activité occulte, dès lors que la procédure aboutissant à cette pénalité était encadrée dans le temps, que le contribuable pouvait éviter son application et que les droits de la défense étaient suffisamment garantis17. En définitive, il semble que la jurisprudence n’interdit pas, par principe, les sanctions automatiques. En revanche, elle n’hésite pas à les interdire lorsque 1) les droits de la défense n’ont pas pu, à un moment ou à un autre, s’exercer ; 2) la proportionnalité de la peine n’est pas assurée ; 3) des droits et libertés particulièrement protégés sont en cause (DC n° 2010-41 QPC du 29 septembre 2010 ; DC n° 2010-40 QPC du 29 septembre 2010).  Le cumul des sanctions et la règle non bis in idem

Le fait que les sanctions administratives soient prononcées par une autorité administrative les différencie radicalement des sanctions pénales. Ce constat n’interdit pas pour autant une coexistence entre les deux types de sanctions : la possibilité d’exercer des poursuites pénales peut être suppléée ou doublée par celle d’infliger des sanctions administratives. Sur ce point, la jurisprudence du Conseil constitutionnel est constante : l’éventualité d’une double procédure peut conduire à un cumul de sanctions sous réserve du respect du principe de proportionnalité. Le principe non bis in idem selon lequel une même personne ne peut pas être punie deux fois pour les mêmes faits «ne reçoit pas application au cas de cumul entre sanctions pénales et sanctions administratives» (décision n° 89-260 DC du 28 juillet 1989 ; décision n° 97-395 DC du 30 décembre 1997). Le régime juridique applicable en la matière est en effet gouverné par le principe d’indépendance entre les sanctions administratives et les sanctions pénales, dégagé par la jurisprudence en matière de sanctions disciplinaires. Il signifie que l’autorité administrative est libre d’infliger une sanction administrative et/ou d’engager des poursuites pénales, le prononcé de

fixer tant les objectifs quantifiés d'activité des établissements que les pénalités financières auxquelles ils s'exposent en cas de non-respect de ces objectifs. Le Conseil d’Etat a jugé que les conditions d'exercice de l'activité de ces établissements relèvent, en vertu de l'article 34 de la Constitution, de la loi. Il n'appartient dès lors qu'à la loi de déterminer les éléments constitutifs des infractions dont l'auteur encourt de telles sanctions. (14) CE Avis Section 5 avril 1996 n° 176611 ; CE 4 juillet 2011 n° 338033 Elections régionales d’Ile-de-France ; CE 28 novembre 2008 n° 295847 à propos de l’application immédiate de texte ayant substitué des sanctions administratives à des sanctions pénales ; CE 23 février 2011, n° 332837 à propos des sanctions qui peuvent être prononcées à l’encontre d’un demandeur d’emploi en cas de manquement à l’obligation de recherche d’emploi ; CE 16 février 2009 n° 274000 Société ATOM. (15) DC n° 92-307 du 25 février 1992 amende pour transport d’un étranger en situation irrégulière ; DC n° 97-395 du 30 décembre 1997 amende pour délivrance de facture ne correspondant pas à une livraison ou à une prestation de service réelle. (16) DC n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 à propos des sanctions infligées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel. (17) Décision n° 99-424 DC du 29 décembre 1999.


l’une étant indépendant du prononcé de l’autre (sous réserve de l’autorité de chose jugée par le juge répressif en ce qui concerne l’existence matérielle des faits qui s’impose à l’auteur de la sanction). L’origine de cette indépendance est à rechercher dans la différence de qualification qui peut être donnée aux mêmes faits par l’autorité judiciaire et par l’autorité administrative. Ainsi, même si ces faits ne constituent pas une infraction au plan pénal, ils peuvent néanmoins justifier une sanction administrative (CE 8 janvier 1997, n° 143379). Un tel cumul n’est toutefois possible qu’entre sanctions administratives non pécuniaires et sanctions pénales. Le Conseil constitutionnel a en effet expressément jugé qu’une sanction administrative de nature pécuniaire ne peut se cumuler avec une sanction pénale18. En outre, les sanctions administratives ne peuvent pas se cumuler. Il s’agit, pour le Conseil d’Etat, d’un principe général du droit, qui ne revêt toutefois qu’une valeur infra-législative19. S’il est donc de principe qu’un même manquement ne peut donner lieu qu’à une seule sanction administrative, ce principe ne s’applique que pour autant que la loi n’en a pas disposé autrement20. Le Conseil d’Etat a ainsi pu admettre la légalité du cumul de deux sanctions administratives au titre des mêmes manquements21. Il convient à cet égard de noter que, dans sa décision du 26 décembre 2008 n°282995, le Conseil d’Etat a jugé que la règle non bis in idem, telle qu'elle résulte du premier alinéa de l'article 4 du protocole n° 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne trouve à s'appliquer, selon les réserves faites par la France en marge de ce protocole, que pour les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale et n'interdit pas le prononcé de sanctions fiscales parallèlement aux sanctions infligées par le juge répressif.  Le principe de personnalité des peines

Le principe de personnalité des peines, selon lequel on ne peut condamner quelqu'un pour une infraction commise par une autre personne, s’applique aux sanctions administratives infligées à des personnes physiques. Le décès de

la personne poursuivie entraîne donc l’extinction des poursuites22 et interdit par conséquent d’infliger des sanctions, y compris fiscales, aux héritiers d’une personne décédée pour des actes apparemment accomplis par cette dernière. L’application du même principe aux personnes morales est naturellement plus délicate. Cette problématique recouvre deux hypothèses différentes. Elle peut d’abord être abordée sous l’angle de l’application de sanctions à une personne morale pour des faits commis par ses préposés. Elle peut ensuite être envisagée sous l’angle du principe de personnalité des peines stricto sensu dans l’hypothèse de transformation de la personne morale objet des sanctions. Sur le premier point, le Conseil d’Etat a jugé que si le principe de responsabilité personnelle s’appliquait à l’ensemble des sanctions administratives23, il en a fait une application nuancée puisqu’il a admis que les désordres résultant de l’attitude des dirigeants, des joueurs et même des supporters des clubs de football engageaient la responsabilité disciplinaire des clubs eux-mêmes. Sur le second point, dans une décision du 22 novembre 2000, Sté Crédit agricole Indosuez-Chevreux, n° 207697, la Section du Conseil d’Etat a admis que le principe de personnalité des peines protégeait également les personnes morales, en considérant qu’il faisait obstacle à ce que le Conseil des marchés financiers puisse infliger un blâme à une société absorbante pour les manquements commis par la société absorbée avant l’intervention de la fusion-absorption. Il a toutefois fait une application souple de ce principe puisqu’il a estimé qu’il n’interdisait pas le prononcé d’une peine pécuniaire à l’encontre de la société absorbante « eu égard tant à la mission de régulation des marchés dont est investi le CMF qu’au fait qu’à la suite de la fusion, la société à laquelle les manquements sont imputables a été absorbée intégralement sans être liquidée ni scindée24 » .

B - Les garanties de procédure  Les garanties minimales : le respect des droits de la défense

C’est l’arrêt de Section du Conseil d’Etat en date du 5 mai 1944 Veuve TrompierGravier qui a fait du principe du respect

(18) Décision n° 96-378 DC du 23 juillet 1996. (19) CE 23 avril 1958, commune du Petit-Quevilly. (20) CE 12 avril 1995, n° 143797 / 143798. (21) CE 10 mai 2004, n° 241587. (22) CE 18 décembre 1959 Ministre des affaires économiques c/Grawitz ; CE 2 mars 1979 n° 6646, (23) CE 29 octobre 2007 Société sportive professionnelle LOSC Lille Métropole n° 307736 et CE Section 6 juin 2008 Société Tradition Securities and Futures (TSAF) et CM CIC Securities n° 299203 ; CE 4 décembre 2009 n° 329173 Société Rueil Sports venant aux droits et obligations de la

des droits de la défense un principe général du droit. Le Conseil constitutionnel a, pour sa part, considéré que le principe des droits de la défense constitue un principe fondamental reconnu par les lois de la République25 et lui a ainsi conféré valeur constitutionnelle. Ce principe implique la mise en œuvre d’une procédure contradictoire préalablement au prononcé de la sanction. Le Conseil constitutionnel a ainsi précisé qu’ « aucune sanction ne peut être infligée sans que le titulaire de l’autorisation ait été mis à même tant de présenter ses observations orales sur les faits qui lui sont reprochés que d’avoir accès au dossier le concernant26 ». L’article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations a prévu plus précisément qu’à l’exception des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles, qui doivent être motivées en application des articles 1 et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, «n’interviennent qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter ses observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, ses observations orales». Dès lors qu’une sanction constitue une décision qui doit être motivée (en droit et en fait) au sens de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979, l’autorité administrative est tenue, sauf urgence ou circonstances exceptionnelles, de mettre à même la personne visée par une sanction de présenter ses observations écrites. Celle-ci pourra également s’exprimer oralement si elle en fait la demande.  Des garanties accrues pour les sanctions entrant dans le cadre de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Dès lors que les sanctions administratives, par définition, ne sont pas, au regard du droit interne, prononcées par des juridictions, s’est posé le problème de l’applicabilité de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CESDH)27. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a en effet jugé que certaines autorités administratives doivent, dans la mesure où elles infligent des sanctions pouvant être considérées comme des «accusa-

Société Sidonie. (24) Voir également CE 6 juin 2008, Société Oddo, n° 316001. (25) Décision n° 76-70 C du 2 décembre 1976. (26) Décision n°86-1067 du 17 janvier 1989. (27) Aux termes de cet article, « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».


tions en matière pénale» ou relatives «à des droits et obligations à caractère civil» au sens de la Convention et où, par leur composition et leurs attributions, elles se rapprochent de juridictions, respecter les stipulations de l’article 6 § 1. La Cour de cassation (Cass. Plén. 5 février 1999, n° 97-16440) puis le Conseil d’Etat se sont ralliés à cette jurisprudence qui leur impose un contrôle du respect du principe d’impartialité découlant du droit au procès équitable. Ainsi, dans sa décision de section Didier du 3 décembre 1999 (n°207434), le Conseil d’Etat a jugé que si le Conseil des marchés financiers siégeant en formation disciplinaire n’est pas une juridiction au regard du droit interne, il doit être regardé, eu égard à sa nature, à sa composition et à ses attributions, comme décidant du bien-fondé d’accusations en matière pénale au sens de l’article 6-1 de la CESDH. Cette solution vaut également pour l’Autorité des marchés financiers, l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, et le Conseil supérieur de l’audiovisuel, lorsqu’ils prononcent des sanctions.

cependant toujours de la possibilité de former, dans les conditions de droit commun, un recours administratif, gracieux ou hiérarchique, avec la garantie que la sanction infligée ne pourra pas être alourdie à l’occasion de ce recours en vertu d’un principe général du droit reconnu par le Conseil constitutionnel28 et le Conseil d’Etat29. Un tel recours n’est toutefois pas suspensif.

Concrètement, le respect du principe d’impartialité conduit à s’interroger notamment sur la possibilité pour le rapporteur d’une affaire, au regard de ses fonctions et de la manière dont il les remplit, de participer à la formation prenant la décision de sanction, ou encore sur la composition des organismes collégiaux. Ainsi, un organisme ayant pris une position sur une question ne peut ensuite prendre une décision de sanction sur la même question. Le Conseil d’Etat a, par exemple, censuré la Cour des comptes qui, après avoir dénoncé une irrégularité dans son rapport public, a prononcé ensuite une gestion de fait dans la même affaire (CE Ass. 23 février 2000 Société Labor Métal n° 195715).

L’importance des garanties apportées aux administrés à raison des recours contentieux introduits au fond devant le juge administratif, sera fonction de la nature de ce recours — recours pour excès de pouvoir ou recours de pleine juridiction — lequel varie en fonction des domaines et des décisions concernés. Alors que le recours pour excès de pouvoir ne pourra déboucher que sur l’annulation de la sanction, le recours de pleine juridiction permettra en outre au juge de réformer l’acte attaqué et donc de substituer son appréciation à celle de l’administration.

C - L’existence de voies de recours administratif et juridictionnel Une sanction administrative est, à l’instar de toute décision administrative, immédiatement exécutoire. L’intéressé qui a fait l’objet d’une sanction dispose

Les recours contentieux contre les sanctions administratives relèvent logiquement, pour l’essentiel, de la compétence du juge administratif, lequel exerce un contrôle sur la nécessité de la peine30. Afin d’atténuer la sévérité résultant du caractère immédiatement exécutoire de la sanction, la personne mise en cause pourra d’abord introduire, en application de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, un référésuspension qui peut permettre au juge administratif de suspendre la décision attaquée, s’il estime que la condition d’urgence est remplie et s’il existe un doute sérieux quant à sa légalité.

Le contrôle du juge administratif s’est ainsi renforcé avec la reconnaissance de plus en plus fréquente, par le législateur31 ou par le juge, de l’existence d’un recours de pleine juridiction en matière de sanction. Dans sa décision d’Assemblée Société ATOM du 16 février 2009 n° 274000, le Conseil d’Etat a ainsi jugé que le juge saisi d'une contestation portant sur une sanction que l'administration inflige à un administré, est juge de plein conten-

(28) DC n° 88-248 DC du 17 janvier 1989. (29) CE Sect. 16 mars 1984 n° 41438 à propos d’une sanction disciplinaire prononcée par une fédération sportive. (30) Les sanctions administratives à contentieux judiciaire sont principalement les pénalités fiscales correspondant aux impositions relevant de la compétence de ce juge ainsi que les sanctions prononcées par l’Autorité des marchés financiers. (31) Par exemple, l'article L. 232-24 du code du sport prévoit que les "parties intéressées"

FONCTION PUBLIQUE

À LIRE

á «Dossier. Le harcèlement – Le harcèlement moral dans la fonction publique (M. Tourbe) – Le harcèlement sexuel (S.

tieux. Il lui appartient dès lors de prendre une sanction qui se substitue à celle de l'administration et, le cas échéant, de faire application d'une loi nouvelle plus douce entrée en vigueur entre la date à laquelle l'infraction a été commise et celle à laquelle il statue. Le Conseil d’Etat a transposé plus récemment cette jurisprudence au contentieux des sanctions infligées aux demandeurs d’emploi pour non-justification d’actes positifs de recherche d’emploi (CE, 23 février 2011, n° 332837). Dans le cadre d’un recours de pleine juridiction, le juge administratif peut également substituer au motif sur lequel s'est fondée l'autorité administrative un autre motif de droit ou de fait relatif au même manquement, sous les conditions que cette substitution ait été demandée par ladite autorité lors de l'instruction de l'affaire, que la personne sanctionnée bénéficie des mêmes garanties de procédure et que la décision du juge ne conduise pas à aggraver la sanction infligée32 . Pour les sanctions qui continuent à faire uniquement l’objet de recours pour excès de pouvoir, il faut néanmoins relever que, dans ce cadre, le contrôle du juge tend à s’approfondir, passant d’un contrôle restreint limité à l’erreur manifeste d’appréciation à un contrôle normal incluant celui de la qualification juridique des faits. C’est le cas des sanctions infligées par les fédérations sportives en matière de dopage (CE 2 mars 2010, n° 324439) ou encore des sanctions des professions réglementées (Section, 22 juin 2007 n° 272650). Si le Conseil d’Etat a encore récemment réaffirmé que le juge continue d’exercer un contrôle restreint sur le choix de la sanction prononcée contre des agents publics (CE Section, 1er février 2006 n° 271676 ; CE 22 octobre 2010 n° 324081), une évolution jurisprudentielle ne peut jamais être définitivement exclue.

Ce dossier a été préparé par la délégation aux affaires juridiques (DAJ).

peuvent former un recours de pleine juridiction contre les décisions de sanction prises par l'Agence française de lutte contre le dopage et l’ Agence mondiale antidopage (CE 1er décembre 2010 n°334372). (32) CE Sect. 23 novembre 2001 Compagnie nationale Air France n° 195550 à propos d'une amende prononcée par le ministre de l'intérieur à une compagnie aérienne ayant manqué à ses obligations en laissant débarquer sur le territoire français un étranger démuni de document de voyage.

Salon) – Le management territorial à l’épreuve du harcèlement moral (A. Bayle) – La jurisprudence de la chambre criminelle au regard du harcèlement (D. Guirimand)» (Les cahiers de la fonction publique, septembre 2011).

MÉDICAMENTS

á « Le fonds Mediator » (J-M Pontier, AJDA, 24 octobre 2011).


JURISPRUDENCE

HOSPITALISATION D’OFFICE . Sorties d'essai Le Conseil d’Etat (CE 30 septembre 2011, n° 337334) a annulé une circulaire conjointe des ministres chargés de l’intérieur et de la santé en date du 11 janvier 2010 relative aux modalités d’application de l’article L. 3211-11 du code de la santé publique qui permet des sorties d’essai dans le cadre d’une hospitalisation d’office. Cet article, dans sa version applicable à la date de la circulaire, autorise ces sorties, leur renouvellement éventuel ou leur cessation à l’initiative du préfet de département, sur proposition écrite et motivée d’un psychiatre de l’établissement d’accueil. La circulaire du 11 janvier 2010 imposait plusieurs conditions de forme, non prévues par la loi, qu’il était demandé aux préfets de faire respecter en présence de telles propositions de sorties d’essai (communication de pièces et de renseignements individuels). Le Conseil d’Etat constate, en premier lieu, que cette circulaire fait grief, dès lors qu’elle a fixé de manière générale et impérative la conduite des préfets dans ces hypothèses. Il relève ensuite que les dispositions de cette circulaire qui précisent la forme des propositions de sortie à l’essai, revêtent un caractère réglementaire. Aussi, dès lors que les psychiatres des établissements d’accueil ne sont pas placés sous l’autorité hiérarchique des ministres et que ceux-ci ne pouvaient donc être regardés comme tenant de leurs pouvoirs d’organisation de leurs services la compétence pour édicter de telles dispositions, le Conseil d’Etat en conclut que les ministres n’étaient pas compétents pour prendre cette circulaire, qu’il annule dans son ensemble, les dispositions litigieuses n’étant pas divisibles des autres. . Levée de la mesure pour les personnes pénalement irresponsables Le Conseil constitutionnel (décision n° 2011-185 QPC du 21 octobre 2011) était saisi de la constitutionnalité de l’article L. 3213-8 du code de la santé publique dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes fai-

sant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge. Aux termes de cet article, qui concernait les personnes déclarées irresponsables pénalement pour cause de troubles mentaux, le juge des libertés et de la détention ne pouvait mettre fin à l’hospitalisation d’office que sur les décisions conformes de deux psychiatres résultant d’examens séparés établissant de façon concordante que l’intéressé n’était plus dangereux ni pour lui-même ni pour autrui. Le requérant soutenait que ces dispositions méconnaissent l’ar ticle 66 de la Constitution en ce qu’elles interdisent au juge des libertés et de la détention d’ordonner la sortie immédiate sans l’avis conforme de deux médecins psychiatres. Le Conseil constitutionnel reconnaît la spécificité de la situation des personnes qui ont commis des infractions pénales alors qu’elles étaient atteintes de troubles mentaux et admet que les conditions dans lesquelles une mesure d’hospitalisation d’office soit levée puissent être assorties de garanties particulières. Toutefois, il juge qu’ « en subordonnant à l’avis favorable de deux médecins le pouvoir du juge des libertés et de la détention d’ordonner la sortie de la personne hospitalisée d’office», ce qui équivaut à leur transférer de facto le pouvoir de mettre un terme ou non à la privation de liberté que subit le malade, le législateur «a méconnu les exigences des ar ticles 64 et 66 de la Constitution qui font de l’autorité judiciaire la gardienne de la liberté individuelle et garantissent son indépendance». L’article L. 3213-8 du code de la santé publique dans sa version antérieure à la loi du 5 juillet 2011 est donc jugé contraire à la Constitution. Le Conseil constitutionnel précise enfin que l’abrogation de cet article s’applique à toutes les instances non définitivement jugées à la date de publication de la présente décision.

REVENU DE SOLIDARITÉ ACTIVE (EXTENSION AUX JEUNES DE MOINS DE 25 ANS) Par trois décisions du 27 octobre 2011 (n° 343943, n° 343973 et 343974), le Conseil d’Etat a rejeté les recours pour excès de pouvoir dirigés contre le décret n° 2010-961 du 25 août 2010 relatif à l’extension du revenu de solidarité active (RSA) aux jeunes de moins de 25 ans. Le Conseil d’Etat a jugé que le pouvoir régle-

mentaire n’a pas dénaturé la volonté du législateur en fixant, en application des dispositions de l’article L. 262-7-1 du code de l’action sociale et des familles et conformément à ce qui avait été évoqué lors de la discussion devant le Parlement, à un nombre d’heures de travail au moins égal à une durée de deux ans d’activité à temps plein, soit 3214 heures sur une période de trois ans, la condition d’activité préalable permettant aux jeunes de moins de 25 ans de bénéficier du RSA. Les requérants soutenaient, par ailleurs, qu’en posant le principe d’une condition d’activité à laquelle est subordonné le bénéfice du RSA, le législateur a méconnu les exigences constitutionnelles résultant des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 relatifs à la mise en œuvre d’une politique de solidarité nationale en faveur des personnes défavorisées. Le Conseil d’Etat précise qu’il ne lui appartient pas d’apprécier la constitutionnalité de la loi, en dehors de la procédure prévue à l’article 61-1 de la Constitution. En revanche, il lui incombe de vérifier si les mesures réglementaires prises pour l’application de la loi n’ont pas par elles-mêmes méconnu ces exigences constitutionnelles, ce qu’il a estimé ne pas être le cas en l’espèce. Le Conseil d’Etat juge enfin, que la différence de traitement entre, d’une part, les jeunes de moins de 25 ans, soumis à un quantum d’activité professionnelle préalable pour bénéficier du RSA et, d’autre part, les travailleurs de plus de 25 ans, bénéficiaires potentiels sans condition d’exercice d’une activité professionnelle préalable n’est pas manifestement disproportionnée, « eu égard à l’objectif d’intérêt général qui s’attache à ce que les jeunes travailleurs, qui commencent leur insertion dans la vie professionnelle au sortir de leurs études ou après une période de formation, soient encouragés à exercer durablement une activité professionnelle et à s’intégrer ainsi dans le monde du travail ». Il n’y a donc pas méconnaissance du principe d’égalité tel qu’il est garanti par les articles 1er et 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ni de discrimination illégale au regard des articles 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 1er de son premier protocole additionnel.

Courrier

Juridique des

Affaires sociales et des

Sports

Directrice de la publication : Catherine de Salins Rédactrice en chef : Pearl Nguyên Duy Directeur de la rédaction : Serge Horville Conception : Réalisation maquette : Bénédicte Villechange ISSN : 2107-5433 Dicom : 11.050


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