Courrier
BIMESTRIEL
D’INFORMATION JURIDIQUE DE L’ADMINISTRATION SANITAIRE, SOCIALE ET DES SPORTS.
87
N° Juillet Août
uridique J
2011
des
Affaires sociales et des
DOSSIER
Sports
LES LOIS DE VALIDATION
Si l’article 2 du code civil dispose que « la loi ne dispose que pour l’avenir; elle n’a point d’effet rétroactif », cette disposition n’a que la valeur d’une loi ordinaire à laquelle le législateur est libre de déroger (sauf en matière répressive). C’est ce qu’il fait lorsqu’il adopte des lois de validation qui ont pour objet de modifier rétroactivement l’état du droit afin de faire obstacle aux conséquences d’une décision rendue par une juridiction. Face à une propension du législateur de plus en plus grande à recourir à de telles lois et à la méfiance qu’elles suscitent, le contrôle exercé par le juge constitutionnel mais également par les juges administratifs et judiciaires s’est sensiblement renforcé au fil du temps, sous l’influence décisive de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui examine la compatibilité des lois de validation avec l’exigence d’un droit à un procès équitable consacré par l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Depuis ces trente dernières années, les jurisprudences combinées de ces différents ordres de juridiction ont permis de fixer les conditions encadrant le recours à la technique de validation législative (les principales étant que celle-ci ne doit pas porter une atteinte directe à l’autorité de chose jugée, ni chercher à influer sur un litige en cours), lesquelles invitent à un usage parcimonieux de celle-ci.
Les lois de validation ont pour objet de valider, c’est-à-dire de proclamer conformes ab initio aux normes de droit supérieur des actes administratifs qui ne l’étaient pas. Ces actes peuvent être des dispositions réglementaires, le plus souvent organisant des procédures et sur le fondement desquelles de nombreuses décisions individuelles sont prises, ou bien des actes produisant des effets à l’égard de nombreuses personnes, produits ou opérations ou encore des actes « collectifs » tels que le tableau d’avancement à un grade dans un corps de fonctionnaires. Ces lois ont pour objet de conforter la sécurité juridique de situations qui se sont déjà constituées et d’éviter la multiplication de contentieux. Toutefois, l’invalidité de ces actes ayant été révélée par des décisions de justice, les lois de validation ont d’emblée eu pour objet et pour effet, d’une part, de faire obstacle à l’exécution de ces décisions, d’autre part, d’influer sur le cours d’instances encore pendantes pour éviter des
annulations. L’exécution de décisions de justice est en effet parfois susceptible de créer d’inextricables difficultés à l’administration ou de préjudicier gravement à des administrés qui ne sont en rien responsables de l’illégalité censurée. Les lois de validation constituent, ce faisant, une immixtion du pouvoir législatif dans le déroulement de procès et donc une atteinte à la séparation des pouvoirs en favorisant l’une des parties au litige. Technique grave de conséquences, ces validations font l’objet d’un encadrement renforcé de construction essentiellement jurisprudentielle résultant de l’effet conjugué des contrôles opérés tant par les juridictions de l’ordre administratif et judiciaire, que par le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’homme. La principale recommandation qui résulte de ces jurisprudences est qu’une loi de validation ne doit pas porter une atteinte directe à l’autorité de chose jugée, ni chercher à influer sur un litige en cours.
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I. LE LÉGISLATEUR NE PEUT EXERCER SON POUVOIR DE VALIDATION QUE DANS LE RESPECT DE CERTAINES EXIGENCES CONSTITUTIONNELLES ET CONVENTIONNELLES : Si pendant longtemps, les juridictions ne sont inclinées devant une loi remettant en cause la chose jugée, les validations législatives sont aujourd’hui soumises à des contrôles de différentes natures. À la vérification de constitutionnalité de la loi à laquelle le Conseil constitutionnel procède avant sa promulgation depuis la décision de principe du 22 juillet 1980, s’ajoute désormais le contrôle a posteriori opéré dans le cadre de la question prioritaire de constitutionnalité(1). Ce contrôle de constitutionnalité est complété par un contrôle de compatibilité des lois de validation avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CESDH), qu’exercent les juridictions administratives (2) et judiciaires et la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) depuis l’arrêt du 28 octobre 1999 Zielinski contre France (n° 24846/94). Si les conditions de légalité des lois de validation dégagées par ces différentes juridictions se recoupent dans leurs grandes lignes, ces contrôles ne sont toutefois pas strictement identiques, ce qui a pu donner lieu à des divergences d’appréciation à propos d’une même loi(3).
Les exigences constitutionnelles :
La première exigence à laquelle sont soumises les lois de validation est que le législateur ne doit pas porter atteinte aux droits nés de décisions passées en force de chose jugée et doit réserver la situation des personnes à l’égard desquelles une décision de justice est devenue définitive. La validation ne peut donc en aucun cas porter sur l’acte même qui a été annulé par le juge en raison du respect dû à l'autorité de chose jugée et au princi-
pe de séparation des pouvoirs(4). Le Conseil constitutionnel a en effet rappeler qu’ « il résulte des dispositions de l’article 64 de la Constitution en ce qui concerne l’autorité judiciaire et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République en ce qui concerne, depuis la loi du 24 mai 1872, la juridiction administrative, que l’indépendance des juridictions est garantie ainsi que le caractère spécifique de leurs fonctions sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur ni le Gouvernement » et « qu’ainsi, il n’appartient ni au législateur ni au Gouvernement de censurer les décisions des juridictions, d’adresser à celles-ci des injonctions et de se substituer à elles dans le jugement des litiges relevant de leur compétence ». Les dispositions législatives de validation doivent donc prévoir le nécessaire «respect des décisions de justice devenues définitives» ou «des décisions de justice passées en force de chose jugée». A cet égard, présente le caractère d'une décision passée en force de chose jugée, la décision d'une juridiction qui a statué en dernier ressort, même si elle peut faire ou fait l'objet d'un pourvoi en cassation (CE Assemblée du 27 octobre 1995 n° 150703). Le législateur peut en revanche exercer son pouvoir de validation afin de prévenir l’annulation des décisions réglementaires ou individuelles qui ont été prises sur le fondement du texte annulé ou déclaré illégal par voie d’exception, et qui risquent d’être annulées par voie de conséquence(5). Il peut s’agir également de valider des actes qui possèdent un lien avec l’acte annulé, notamment dans le cadre d’ « opérations complexes »(6). La loi de validation peut aussi porter sur des actes distincts mais similaires à celui qui a été annulé, c'est-à-dire qui ont été adoptés ou qui le seront selon une procédure identique et qui devraient par conséquent être jugés dans les mêmes conditions(7). Il convient de préciser qu’une loi validant une catégorie d’actes ne peut, en l’absence de mention expresse en ce sens, être regardée comme validant aussi d’autres actes susceptibles de
(1) CC n° 2010-100 QPC du 11 février 2011 et DCC° n° 2010-2 QPC du 11 juin 2010. (2) CE Ass. 5 décembre 1997 Mme Lambert. (3) La décision Zielinski c/ France avait été particulièrement remarquée à cet égard, dans la mesure où « l’ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice dans le but d'influer sur le dénouement judiciaire du litige » n'a pas été considérée par la CEDH comme justifiée par un « impérieux motif d'intérêt général » alors que le Conseil constitutionnel avait estimé qu'il existait un « intérêt général suffisant » (DCC° n° 93-332 du 13 janvier 1994). Voir également les arrêts de la CEDH en date des 14 février et 11 avril 2006 Lecarpentier c./ France n° 67847/01 et Cabourdin c. France n°60796/00 qui ont censuré la loi du 16 avril 1996 dont le Conseil constitutionnel avait, par sa décision n° 96-375 DC du 9 avril 1996, admis la conformité à la Constitution. (4) Décision n°119 DC du 22 juillet 1980 du Conseil constitutionnel. (5) CE 18 avril 1980 Syndicat national de l’enseignement supérieur n° 9102 à propos d’une loi
faire l’objet d’une annulation contentieuse(8), même si ceux-ci ont été pris sur le fondement des premiers(9). Par ailleurs, la validation conserve aux actes qui en sont l'objet leur nature d'actes administratifs. Elle ne prive donc pas l'autorité administrative de la possibilité de les modifier ou de les abroger. La validation se distingue en cela de la ratification qui donne valeur législative aux actes administratifs qui en sont l'objet. Il résulte de ce qui précède que les validations législatives conduisent nécessairement à traiter de façon différente un requérant dont le recours a déjà été examiné et celui qui a engagé une action en justice sur laquelle il n'a pas été définitivement statué. Le Conseil constitutionnel a toutefois admis une telle différence de traitement en se fondant sur le principe constitutionnel de l'indépendance des juridictions(10) ou sur le principe de séparation des pouvoirs(11). La validation ne peut pas être intégrale et faire obstacle à toute contestation juridictionnelle des actes validés. Elle doit dès lors indiquer le motif précis dont elle entend purger l’acte contesté et ne peut donc valider un acte contre toutes les illégalités possibles(12). En effet, une validation de portée générale reviendrait à interdire tout contrôle juridictionnel de l'acte validé et méconnaîtrait ainsi le principe de séparation des pouvoirs et le droit à un recours effectif qui découle de l'article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Cela signifie que la validation doit être prononcée en tant qu’elle fait obstacle à ce qu’un recours soit appuyé sur un moyen tiré d’un vice déterminé. Les mesures validées seront par conséquent toujours susceptibles d’être contestées et annulées pour un autre motif(13). L’acte validé ne doit méconnaître aucun principe à valeur constitutionnelle. « Au cas où l'acte validé contreviendrait à un tel principe, le Conseil constitutionnel a précisé que la valida-
validant les décrets et actes réglementaires et non réglementaires pris sur leur base à la suite de l’annulation d’un décret fixant les modalités de désignation des représentants du personnel d’un comité technique paritaire d’enseignants. (6) CE 25 mai 1979 n°4056 à propos d’une loi validant les décisions individuelles prises sur le fondement d’un tableau d’avancement ou d’une liste d’aptitude annulé. (7) CC n°89-269 du 22 janvier 1990 à propos d’une loi validant des tarifications hospitalières. (8) CE Section 13 décembre 1974 Bethus et Ballereau n° 90022. (9) CC n° 95-363 DC du 11 janvier 1995 ; CE Région Alsace 2 février 1996 n° 154586. (10) CC n° 86-223 DC du 29 décembre 1986. (11) CC n° 87-228 DC du 26 juin 1987. (12) CC n° 99-422 du 21 décembre 1999 DC. (13) CC n° 2010-100 QPC 11 février 2011 relative au contrat de concession du Stade de France à Saint-Denis
tion pourrait toutefois intervenir dans la seule hypothèse où l'objectif d'intérêt général poursuivi par la validation serait lui-même de valeur constitutionnelle, à charge pour le législateur de concilier entre elles les différentes exigences constitutionnelles en cause, le cas échéant sous le contrôle du Conseil constitutionnel. (…) L'inconstitutionnalité éventuelle de l'acte validé doit s'apprécier au travers de la loi de validation elle-même. »(14). La validation doit également être justifiée par un motif d'intérêt général. La jurisprudence du Conseil constitutionnel se réfère plus précisément à la notion de « but d’intérêt général suffisant ». Constitue un tel but la nécessité de préserver le fonctionnement normal du service public(15) ou de sauvegarder le déroulement normal des carrières du personnel(16). Il peut également s’agir de mettre fin à des divergences de jurisprudences et d’éviter le développement de contestations pouvant entraîner des conséquences financières préjudiciables à l’équilibre des régimes sociaux(17), ou encore de prévenir un contentieux pouvant entraîner des risques considérables pour l’équilibre du système bancaire et, par voie de conséquence, pour l’activité économique(18), ou de préserver la paix publique menacée par une multiplicité de contestations(19). Sous l’influence de la jurisprudence de la CEDH, le Conseil constitutionnel a été amené à exercer un contrôle de plus en plus exigeant sur les lois de validation, notamment lorsque celles-ci sont motivées par un intérêt financier. C’est ainsi qu’il a censuré une loi validant des titres de perception collectés par l’aviation civile, au motif que la seule considération d'un intérêt financier ne constituait pas un motif d'intérêt général autorisant le législateur à faire obstacle aux effets d'une décision de justice déjà intervenue et le cas échéant d'autres à intervenir, eu égard aux sommes concernées et aux conditions générales de l'équilibre financier du budget annexe de l'aviation civile, qui n'étaient pas susceptibles d'être affectées en l'espèce(20).
Les juridictions administratives et judiciaires se réfèrent également au « but d’intérêt général suffisant » lorsqu’elles doivent examiner si une question prioritaire de constitutionnalité présente un caractère sérieux susceptible de justifier son renvoi au Conseil constitutionnel (CE 19 janvier 2011 n°343389 EARL Schmittseppel et Noir ; CE 26 janvier 2011 n°34420 SAS Auxa). Le principe constitutionnel de la nonrétroactivité des peines et sanctions plus sévères fait obstacle à ce qu’une loi de validation autorise les juridictions répressives à infliger des peines à raison d'agissements antérieurs à la publication des nouvelles dispositions qui ne tombaient pas également sous le coup de la loi ancienne. Ce principe de non-rétroactivité ne concerne pas seulement les peines appliquées par les juridictions répressives, mais s'étend à toute sanction ayant le caractère d'une punition prononcée par une autorité administrative(21).
Les exigences conventionnelles : La compatibilité des lois de validation à la CESDH est appréciée par les juridictions administratives et judiciaires, juges de droit commun de la conventionnalité (CE, 23 juin 2004, n° 257797, Sté Laboratoires Genevrier ; Cass. plénière, 23 janvier 2004, SCI Le Bas Noyer c/ Castorama et autres), et par la CEDH, au regard, en premier lieu, de l’article 6§1 de la CESDH qui consacre le droit à un procès équitable. L’arrêt Zielinski c/ France et son considérant de principe ont clairement défini les termes de ce contrôle : « Si, en principe le pouvoir législatif n’est pas empêché de réglementer en matière civile, par de nouvelles dispositions à portée rétroactive, des droits découlant de lois en vigueur, le principe de la prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l’article 6 s’opposent, sauf pour d’impérieux motifs d’intérêt général, à l’ingérence du pouvoir législatif dans l’administration de la justice ». En d’autres termes, les stipulations de l’article 6 font en principe
(14) Commentaire aux Cahiers du Conseil constitutionnel de la décision n° 97-390 DC du 19 novembre 1997. (15) CC n° 80-119 du 22 juill. 1980. (16) CC n° 2006-5444 du 14 déc. 2006. (17) CC n° 93-332 DC du 13 janvier 1994. (18) CC n° 96-375 DC du 9 avril 1996 relative à la loi portant diverses dispositions d’ordre économique et financier. (19) CC n° 97-390 DC précitée. (20) CC n° 95-369 DC du 28 décembre 1995 relative à la loi de finances pour 1996. (21) CC n° 82-155 du 30 décembre 1982. (22) Par exemple, une contestation relative au droit d’un agent public à percevoir un élément de sa rémunération fixé sur la base de conditions de caractère objectif entre dans le champ d’application de l’article 6§1 de la CESDH (CE 5 décembre 1997 Mme Lambert). De même du
obstacle à ce que le législateur modifie l’issue prévisible de procédures juridictionnelles en cours par le biais de dispositions à caractère rétroactif. La Cour admet toutefois de telles ingérences lorsqu’elles sont justifiées par un « impérieux motif d’intérêt général » et sont proportionnées à un tel motif. Le juge doit tout d’abord vérifier que le droit subjectif en cause entre dans le champ d’application de l’article 6 § 1 (c’est-à-dire se rattache à une obligation de caractère civil au sens de la CESDH)(22). Puis, il doit apprécier s’il y a ingérence dans un procès en cours dans le but d’influer sur le dénouement judiciaire du litige. Une loi de validation est en effet critiquable au regard de l’article 6 § 1 uniquement en ce qu’elle a pour objet, ou même pour effet, d’influer le dénouement judiciaire de litiges en cours. Selon la jurisprudence extensive de la CEDH sur ce point, une loi est regardée comme réalisant une ingérence dans les instances en cours, dès lors qu’elle dicte elle-même la solution du litige, ou qu’elle vise à écarter un moyen a priori fondé, alors même que la validation laisserait intacte les chances pour le requérant d’obtenir gain de cause sur un autre terrain(23). Pour qu’une modification rétroactive ne soit pas considérée comme une ingérence dans les instances en cours, il faut qu’elle laisse subsister une incertitude sur l’issue des contentieux(24). Il résulte de ce qui précède que seuls les requérants qui ont engagé une action contentieuse, peuvent invoquer utilement l’incompatibilité de la loi avec l’article 6 § 1 de la convention(25). Le champ de l’article 6 § 1 est en effet étroitement limité aux procédures juridictionnelles déjà engagées(26). Le juge doit enfin vérifier si l’ingérence est néanmoins justifiée par « d’impérieux motifs d'intérêt général ». La CEDH juge traditionnellement que les motifs correspondants à d’autres droits garantis par la convention et les motifs tirés de la prévention des effets d’aubaine liés à une imperfection de la loi constituent des « motifs impérieux d’intérêt général ». Dans un récent arrêt Lilly France c. France n° 20429/07 du 25 novembre 2010,
droit à l’allocation d’une pension (CE 27 mai 2005 n° 277975). (23) CEDH 16 avril 2004, Chiesi c/France, n° 954/05 ; CEDH 21 septembre 2007, SCM Scanner de l’Ouest Lyonnais et autres c/ France, n° 12106/03. (24) CEDH 9 octobre 2003, Acimovic c/ Croatie, n° 61237/00. (25) Il s’ensuit que le résultat de cette appréciation n’est pas nécessairement une déclaration d’inconventionnalité ou de conventionnalité de la loi. Celle-ci peut par suite être inapplicable pour certains litiges, et ne pas l’être pour d’autres, par exemple les litiges engagés après le vote de la loi ou même alors que l’intervention de celle-ci n’était plus imprévisible. Pour la distinction entre application inconventionnelle d’une loi et contenu inconventionnel d’une loi cf CE Section 10 novembre 2010 Commune de Palavas-les-Flots n° 314449. (26) Dans la décision du 17 décembre 2008 n° 307469 Société La clinique des Charmilles, le Conseil d’Etat a précisé qu’une procédure de recours préalable obligatoire équivaut à une procédure contentieuse.
la CEDH a considéré que le seul intérêt financier de l’Etat était insuffisant pour justifier l’ingérence dans l’administration de la justice. Dans cette affaire, était en cause une loi validant les agréments des agents de l’URSSAF chargés du contrôle des entreprises. Examinant in concreto les risques financiers invoqués pour l’adoption de cette loi, la Cour a condamné la France pour violation de l’article 6 § 1 de la CESDH, dès lors que l’évaluation faite par l’Etat des conséquences résultant des procédures qui auraient pu être introduites, présentait un caractère « hypothétique et aléatoire », « ce qui rend virtuel le chiffre qu’il avance » et que la somme avancée « ne saurait remettre en cause, à elle seule, la pérennité du système de sécurité sociale », comme le soutenait le gouvernement. Cette jurisprudence de la Cour a conduit le juge national à procéder à une appréciation plus poussée qu’auparavant de l’existence de motifs impérieux d’intérêt général (voir en ce sens CE 18 novembre 2009 n° 307862 Société Etablissements Pierre Fabre à propos de validation d’autorisations d’exploitation d’équipements commerciaux ou encore CE 21 décembre 2007 Fédération de l’hospitalisation privée n° 298463(27)). Il convient de noter que la condition tenant à l’« existence d’un impérieux motif d’intérêt général » paraît plus exigeante que celle portant sur un « but d’intérêt général suffisant » tel qu’elle figure dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Dans la mesure où cette différence de formulation reflèterait effectivement une différence d’intensité dans le contrôle de la loi, le risque de solutions contraires aux niveaux national et européen n’est nullement exclu, comme on a déjà pu le constater(28). La CEDH et les juridictions nationales(29) exercent également un contrôle des lois de validation au regard de l’article 1er du premier protocole additionnel qui garantit le droit au respect des biens, le contrôle du respect de cette disposition permettant de compenser dans certains cas l’inapplicabilité de l’article 6 § 1(30). Une loi de validation ne peut donc en principe porter
atteinte au droit d’une personne au respect de ses biens. Selon le commissaire du Gouvernement Christophe Devys dans ses conclusions sur la décision du 27 mai 2005(31), ce contrôle serait « plus large et moins intense » que celui exercé au regard de l’article 6 § 1 de la convention, même si « cette différence ne ressort pas de façon évidente de la jurisprudence » et si la CEDH semble examiner la conventionnalité des lois de validation en paraissant assimiler le contrôle des lois de validation au regard de l’article 6 § 1 à celui opéré au regard de l’article 1er du premier protocole. Suivant son commissaire du Gouvernement, l’Assemblée du contentieux a estimé que l’impérieux motif d’intérêt général qui permet de porter atteinte au droit à un procès équitable n’est pas assimilable à l’utilité publique qui autorise les Etats à priver un citoyen de ces biens. Par suite, elle a jugé que si les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel ne font en principe pas obstacle à l’adoption de loi de validation, c'est à la condition de ménager un juste équilibre entre l'atteinte portée à ces droits et les motifs d'intérêt général susceptibles de la justifier.
II. LES CONSÉQUENCES DU NONRESPECT DE CES EXIGENCES : Les conséquences de la méconnaissance des exigences qui viennent d’être mentionnées seront différentes selon le cadre dans lequel cette violation a été constatée.
Lorsque le Conseil constitutionnel se prononce sur l’inconstitutionnalité de la loi de validation sur le fondement de l’article 61 de la Constitution, sa décision de non-conformité conduit à la censure de la loi mais non à son annulation puisque la censure est prononcée avant la promulgation de cette loi, acte juridique qui en assure l'application. Lorsque le Conseil constitutionnel est saisi a posteriori d’une question prioritaire de constitutionnalité renvoyée par l’une des deux juridictions suprêmes en application de l’article 61-1 de la
(27) Le Conseil d’Etat a jugé que la circonstance que la validation en cause ait eu pour objet de ne pas aggraver le déséquilibre financier de l'assurance maladie, en évitant l'annulation d'un arrêté visant à compenser l'évolution des dépenses des établissements de santé privés et de prendre en compte, d'une part, les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de la nouvelle procédure de modification des tarifs nationaux, s'agissant en particulier de la procédure de consultation préalable des organisations nationales les plus représentatives des établissements de santé, ainsi que, d'autre part, l'effet de ces dépassements initiaux sur la bonne mise en œuvre de cette réforme dans sa durée, ne saurait être regardée comme constituant un impérieux motif d'intérêt général susceptible de justifier les atteintes portées par l'Etat au droit à un procès équitable. (28) Cf note n° 10. (29) CE avis, Assemblée, 5 décembre 1997, ministre de l’éducation nationale c/ OGEC de Saint-Sauveur-le- Vicomte n° 188530.
Constitution, l’article 62 dispose que « la disposition déclarée inconstitutionnelle (…) est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision.»(32). Le Conseil constitutionnel peut en effet décider de reporter dans le temps les effets de l’abrogation afin de laisser à l’administration le temps de prendre ses dispositions pour faire face aux conséquences de la déclaration d’inconstitutionnalité. L’inconventionnalité d’une validation législative constatée par la CEDH entraîne nécessairement une condamnation de la France pour violation de la CESDH. Si le droit interne ne permet pas de réparer efficacement les effets de la violation, la Cour peut accorder à la partie lésée une satisfaction équitable sous forme de dommages-intérêts. Dans tous les cas, il appartiendra au législateur de faire disparaître dans les meilleurs délais la loi reconnue inconventionnelle. Lorsque cette inconventionnalité est constatée par le juge administratif ou judiciaire, celui-ci ne peut qu’écarter l’application de la loi au litige. Reste que, comme le note le Président Massot dans son étude sur les lois de validations(33), subsiste la question de savoir ce que « doivent faire les juridictions nationales en présence d’une loi de validation déclarée conforme à la Constitution par le juge constitutionnel ? Peuvent-elles, sans attendre une décision de sens opposé de la Cour européenne, l’écarter pour nonconformité à la Convention alors qu’en vertu de l’article 62 de la Constitution, « les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. ». C’est ce qu’a fait la Cour de cassation dans sa décision du 20 novembre 2001, écartant au nom de l’article 6 § 1 une loi de validation pourtant expressément reconnue constitutionnelle par la décision du 29 décembre 1999 (…) qui avait, elle-même, voulu s’aligner sur la jurisprudence de Strasbourg. (…) En
(30) CE 29 décembre 2004 Frette n° 265843 ; CEDH 6 octobre 2005 Maurice c. France n°11810/03 et Draon c. France n° 1513/03. La Cour a jugé que l’article 1er de la loi du 4 mars 2002 (dit loi « anti-Perruche ») a violé l’article 1er du premier protocole additionnel en ce qu’il a privé les requérants d’une créance dont ils pouvaient légitiment croire qu’elle serait réalisée et qui consistait dans un régime de responsabilité bien établi par la jurisprudence auquel la loi de 2002 avait brutalement mis fin, y compris pour les procédures en cours. (31) Cf note n° 22. Voir également CE 11 juillet 2001, Ministre de la défense c/ M. Préaud aux conclusions de Catherine Bergeal. (32) Décision n° 2010-78 QPC du 10 décembre 2010 (33) Jean Massot, président de Section honoraire du Conseil d’Etat, « Validation législative », Répertoire de contentieux administratif, Dalloz.
L’inconventionnalité d’une loi de validation est également susceptible d’engager la responsabilité de l’Etat :
pour sa mise en oeuvre, la détection d'une illégalité, en l'occurrence la méconnaissance d'un texte international ou communautaire par le législateur ; il permet de réparer tous les préjudices résultant de l'inconventionnalité, et non seulement ceux qui présentent un caractère anormal et spécial ; le juge administratif ne vérifie pas d'office son bien-fondé, qui suppose que soient réunies des considérations objectives d'illégalité. La responsabilité pour inconventionnalité de la loi semble donc reposer sur un régime mixte, dont la construction procède de la volonté du Conseil d'Etat d'éviter de qualifier de fautive une telle inconventionnalité.
Dans sa décision d’Assemblée du 1er décembre 1961 Lacombe, le Conseil d’Etat a jugé que la responsabilité sans faute de l’Etat législateur pouvait être engagée du fait d’une loi de validation. La mise en jeu de cette responsabilité est néanmoins soumise aux conditions très restrictives posées par la décision d’Assemblée du Conseil d’Etat en date du 14 janvier 1938, Société anonyme des produits laitiers La Fleurette. D’une part, cette jurisprudence exige un préjudice anormal et spécial, et d’autre part, elle exclut l’engagement de la responsabilité pour rupture de l’égalité devant les charges publiques dans le cas où l’intention du législateur était justement d’exclure tout droit à réparation du préjudice invoqué. Cela revient à dire que ce terrain de responsabilité ne pouvait jamais être utilement invoqué à l’encontre des lois de validation.
Dans cette affaire, le Conseil d’Etat a considéré que l'intérêt financier auquel ont entendu répondre les dispositions de la loi de validation litigieuse ne pouvait suffire à caractériser un motif impérieux d'intérêt général permettant de justifier la validation des appels de cotisations intervenus sur la base d’un décret jugé illégal par le Conseil d’Etat. Par suite, ces dispositions ont été jugées incompatibles avec les stipulations de l'article 6 § 1 de la CEDH. Cette validation étant directement à l'origine du rejet, par le tribunal des affaires de sécurité sociale, des conclusions du requérant tendant à être déchargé des cotisations qui lui étaient réclamées sur le fondement du décret illégal, l'intéressé a été regardé comme étant fondé à demander la condamnation de l'Etat à en réparer les conséquences dommageables.
Depuis la décision d’Assemblée Gardedieu du 8 février 2007 n° 279522, le Conseil d’Etat a toutefois ouvert un nouveau cas d’indemnisation, en jugeant que la responsabilité de l'Etat du fait des lois peut être engagée, en raison des obligations qui sont les siennes d’assurer le respect des conventions internationales, pour réparer l'ensemble des préjudices qui résultent de l'intervention d'une loi adoptée en méconnaissance des engagements internationaux de la France. Ce régime de responsabilité est un régime de responsabilité sans faute qui possède cependant trois caractéristiques de la responsabilité pour faute : il nécessite,
L’encadrement juridique du recours aux lois de validation et les conséquences financières auxquelles elles exposent l’Etat en cas d’inconventionnalité, devraient conduire l’administration à faire un usage plus raisonné de cette technique.
revanche, dans les hypothèses de décisions explicitement contradictoires du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne ou de décisions de Strasbourg censurant une loi de validation non soumise au juge constitutionnel français, les juges nationaux n’ont guère d’autre choix, à peine de déclencher une « guerre des juges », que de s’incliner devant la décision de la Cour, quitte à devoir méconnaître une décision formelle ou une jurisprudence du Conseil constitutionnel. ».
DÉFENSEUR DES DROITS
À LIRE
á «Le Défenseur des droits ou la garantie rationalisée des droits et des libertés» (O. Dord, AJDA 16 mai 2011).
Comme l’avait souligné Christophe Devys dans ses conclusions sur la décision du 11 mai 2004, Association AC ! n° 255886, la modulation par le juge des effets dans le temps de ses décisions devrait également permettre, dans certains cas, de faire l’économie d’une loi de validation. Aux termes de cette jurisprudence, il appartient en
JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES
á « Le nouveau procès administratif » (Dossier, AJDA, 28 mars 2011). á « Le Conseil d’Etat, conseil du Parlement. Premières consultations du Conseil d’Etat sur des propositions de loi » (R. Bouchez, La semaine juridique, administrations et collectivités territoriales, n° 17, 26 avril 2011).
effet au juge lorsqu’il apparaît que l’effet rétroactif d’une annulation contentieuse est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il aura déterminée.
Ce dossier a été préparé par la Délégation aux affaires juridiques (DAJ).
Courrier
Juridique des
Affaires sociales et des
Sports
Directrice de la publication : Catherine de Salins Rédactrice en chef : Pearl Nguyên Duy Directeur de la rédaction : Serge Horville Conception : Réalisation maquette : Bénédicte Villechange ISSN : 2107-5433 Dicom : 11.036 Délégation aux affaires juridiques
RESPONSABILITÉ
á « La responsabilité du fait des infections nosocomiale : état des lieux d’un régime en devenir » (C. Alonso, RFDA, mars-avril 2011).
RESPONSABILITÉ
JURISPRUDENCE
FONCTION PUBLIQUE (PROTECTION FONCTIONNELLE) Dans cet arrêt (CE 20 avril 2011, n° 332255), le Conseil d'Etat a rappelé que la protection fonctionnelle, prévue au 4ème alinéa de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, d'un fonctionnaire à l'encontre duquel sont engagées des poursuites pénales, ne peut être refusée qu'en cas de faute personnelle et non pour un motif d'intérêt général. Il peut en revanche être dérogé à la protection statutaire qui doit être assurée à un agent public qui fait l'objet de "menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages", en vertu du 3ème alinéa du même article 11 de la loi du 13 juillet 1983, non seulement en raison de l'existence d'une faute personnelle, mais également pour des motifs tirés de l'intérêt général. En l'espèce, le fonctionnaire en cause, ancien directeur central des renseignements généraux, demandait au Conseil d'Etat d'annuler le refus du ministre de l'Intérieur de lui accorder la protection fonctionnelle tant en raison des plaintes présentées contre lui par plusieurs personnes à la suite de la publication dans la presse de ses carnets comportant des informations recueillies par lui dans l'exercice de ses fonctions, qu'en raison des plaintes qu'il a lui-même déposées pour diffamation contre le journal. Pour rejeter cette demande, le ministre de l'Intérieur avait invoqué une faute personnelle liée au fait que l'intéressé avait conservé à son domicile des documents qui avaient pourtant pour vocation à être utilisés et archivés par le service, et s'était fondé, d’autre part, sur ce que l’intérêt général justifiait qu’il soit dérogé à l’obligation de protection statutaire à raison des attaques dont l’intéressé avait été l’objet, ces carnets comportant des annotations attentatoires à leur vie privée et susceptibles de jeter le discrédit sur des personnalités publiques. Le Conseil d'Etat a écarté la qualification de faute personnelle(1) estimant qu'il ne résulte pas du dossier que le fonctionnaire en cause avait conservé ces carnets en vue de s'en servir à des fins personnelles. Le Conseil d'Etat en a conclu que l'administration était dès lors tenue d'accorder la protection fonctionnelle au titre des plaintes pénales qui le visaient, même si celles-ci avaient fait l'objet d'un classement sans suite. S'agissant du refus de protection à raison des attaques dont l'agent a fait l'objet, le Conseil d'Etat a admis que l'administration a pu invoquer des considérations d'intérêt général pour refuser la protection fonctionnelle à ce titre. Il a estimé, en effet, que l'Etat ne saurait couvrir de son autorité les agissements en cause qui concernaient des informations concernant des personnalités publiques, dont certaines investies de responsabilités nationales ou de mandats électifs, qui étaient sans lien avec les missions du service et gravement attentatoires à l'intimité des personnes visées. (1) C'est-à-dire celle qui révèle, selon la célèbre expression de Laferrière, "l'homme avec ses faiblesses, ses passions, ses imprudences"
- Prise en charge des autistes Le Conseil d'Etat a jugé qu'il résulte des dispositions de l'article L. 246-1 du code de l'action sociale et des familles que "le droit à une prise en charge pluridisciplinaire est garanti à toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique, quelles que soient les différences de situation". "Si, eu égard à la variété des formes du syndrome autistique, le législateur a voulu que cette prise en charge, afin d’être adaptée aux besoins et difficultés spécifiques de la personne handicapée, puisse être mise en œuvre selon des modalités diversifiées, notamment par l’accueil dans un établissement spécialisé ou par l’intervention d’un service à domicile, c’est sous réserve que la prise en charge soit effective dans la durée, pluridisciplinaire, et adaptée à l’état et à l’âge de la personne atteinte de ce syndrome". Le Conseil d'Etat annule par conséquent pour erreur de droit l'arrêt d'une cour administrative d’appel qui, pour écarter la responsabilité de l’Etat en matière de prise en charge de personnes autistes, juge que celui-ci n’est tenu qu’à une obligation de moyens qui aurait été, en l’espèce, remplie dès lors que l’enfant avait fait l’objet d’un suivi régulier, alors que la cour aurait dû rechercher si "les obligations incombant à l’Etat pour assurer l’intensité du suivi de l’enfant, eu égard à son âge et à ses besoins spécifiques, permettaient de qualifier ce suivi de prise en charge pluridisciplinaire" (CE 16 mai 2011, n° 318501). - Enfants nés avec un handicap non diagnostiqué avant la naissance Deux affaires concernant des enfants nés avec un handicap décelable mais non diagnostiqué avant la naissance ont permis à l'Assemblée du contentieux du Conseil d'Etat de préciser le régime de responsabilité applicable à ces litiges, à la suite de la décision du 11 juin 2010 (décision n° 2010-2 QPC) par laquelle le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la constitutionnalité de certaines dispositions de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 dite "loi anti-Perruche", qui a interdit à l’enfant de réclamer en justice la réparation du préjudice « du seul fait de sa naissance », limité la mise en cause de la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé pour la faute de diagnostic et transféré à la solidarité nationale la compensation du préjudice résultant du handicap. Le Conseil constitutionnel a censuré l'article 2 de la loi qui prévoyait l'application immédiate de la loi aux instances en cours à la date de son entrée en vigueur, à l'exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l'indemnisation. Il a estimé que si des motifs d'intérêt général pouvaient justifier que les nouvelles règles fussent rendues applicables aux instances à venir relatives aux situations juridiques nées antérieurement, ils ne pouvaient justifier des modifications aussi importantes aux droits des personnes qui avaient, antérieurement à cette date, engagé une procédure en vue d'obtenir la réparation de leur préjudice. Le Conseil d'Etat en a déduit que cette décision du Conseil constitutionnel n'emporte abrogation, conformément au deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution, que de l'article 2 de la loi en tant qu'il rend les règles
nouvelles applicables aux instances en cours. Dans la première affaire (CE ass. 13 mai 2011, n° 329290), les requérant n'ont engagé une instance en réparation que postérieurement à cette date. La disposition censurée par le Conseil constitutionnel ne leur était donc pas applicable. De ce fait, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en leur appliquant le régime de responsabilité défini par la nouvelle loi. Dans la seconde espèce (CE ass. 13 mai 2003, n° 317808), le Conseil d'Etat censure la décision de la cour administrative d'appel qui s'était fondée, pour juger que les requérants ne justifiaient pas d'une instance en cours lors de l'entrée en vigueur de la loi de 2002, sur la durée qui s'était écoulée entre le rejet, le 6 octobre 2000, de leur seconde demande d'expertise et la présentation, le 15 février 2003, de leur recours indemnitaire. Le Conseil d'Etat estime que ce délai ne pouvait être regardé, en l'absence de forclusion ou de prescription de l'action en réparation, comme ayant clos l'instance engagée par la demande d'expertise des intéressés. - Substitution de l'ONIAM à l'Etablissement français du sang Le Conseil d'Etat était saisi d'une demande d'avis par une cour administrative d'appel en application de l'article L. 113-1 du code justice administrative, portant sur la question de savoir si la substitution de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et nosocomiales (ONIAM) aux lieu et place de l'Etablissement français du sang (EFS) pour l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causé par des transfusions sanguines, s'opérait bien au nom de la solidarité nationale et si cette substitution faisait obstacle à l'exercice, par les tiers payeurs, d'un recours subrogatoire contre cet office. Le Conseil d'Etat constate qu'en confiant à l'ONIAM la mission d'indemniser, selon une procédure amiable exclusive de toute recherche de responsabilité, les dommages subis par les victimes de contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C, le législateur a mis en place un dispositif assurant cette indemnisation au titre de la solidarité nationale. L'ONIAM n'intervenant donc pas en qualité d'auteur responsable, il en résulte que les tiers payeurs qui ont versé des prestations aux victimes ne peuvent exercer contre ce dernier le recours subrogatoire prévu par les articles L. 376-1 du code de la sécurité sociale. En revanche, l'ONIAM et les tiers payeurs subrogés dans les droits de la victime peuvent exercer leur recours subrogatoire contre l'EFS en sa qualité de responsable du dommage, à condition que le dommage soit imputable à une faute de l'EFS et à condition que celui-ci soit assuré. Le Conseil d'Etat observe toutefois, s'agissant des procédures en cours au moment de la substitution de l'ONIAM à l'EFS et qui n'ont pas donné lieu à une décision irrévocable, que le législateur a voulu substituer l'ONIAM à l'EFS tant à l'égard des victimes que des tiers payeurs, ce qui permet de ne pas mettre en cause l'EFS dans les procédures concernées pour qu'il soit statué sur le recours de ces derniers (CE avis n° 343823 du 18 mai 2011).