Femmes et déesses aztèques

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Auteur : Miriam López Hernández Direction éditorale : Nathalie Armella Spitalier Assistant éditorial : Vicente Camacho Lucario Assistante de rédaction : Natalia Ramos Garay Correction : Isabel Juvera Flores Traduction Française: Valérie Juquois (cpti-ifal) Direction artistique : Alexandra Suberville Sota Design éditorial : Emmanuel Hernández López Assistant de conception graphique : Berenice Ceja Juárez

Femmes et déesses aztèques Tome 1 de la série Femme mésoaméricaine Titre original : De mujeres y diosas aztecas Tomo 1 de la serie Mujer mesoamericana Première edition en espagnol, 2011 Première edition en français, 2012 Éditeur : CACCIANI, S. A. de C. V. Prol. Calle 18 No. 254 Col. San Pedro de los Pinos, México, D.F. 01180 +52 (55) 5273 2397 / +52 (55) 5273 2229 contacto@fundacionarmella.org www.fundacionarmella.org Toute reproduction de cet ouvrage, complète ou partielle, par quelque procédé que ce soit, est interdite sans l’autorisation des titulaires des droits. ISBN : 978-607-8187-14-0 En couverture : adaptation de l’œuvre Mujer de sangre azteca (2011) d’Ana Rosenzweig et Paola Villalva.



Prologue Parce que nous vivons dans une société à forte tendance androcentrique, l’histoire et l’archéologie ont longtemps relégué au second plan la recherche sur la vie quotidienne des femmes et leur apport aux sociétés dans lesquelles elles vivent. Mais il y a un demi-siècle, un lent changement a commencé à s’opérer. On trouve désormais un grand nombre d’ouvrages consacrés à l’analyse du rôle des femmes dans les sociétés du Mexique ancien, tant sur le plan économique que politique et religieux. Dans ce large éventail se distingue le travail de Miriam López Hernández, une jeune chercheuse qui s’intéresse profondément aux études incluant ce que l’on appelle aujourd’hui la « perspective de genre », avant-garde de la pensée féministe dans les universités. Ce travail que Miriam López Hernández nous présente ici possède quelques particularités : il offre une vision complète des femmes (à travers l’analyse des cycles de la vie) et de leur apport à la civilisation mexica (le travail domestique et les métiers qu’elles exerçaient), faisant clairement ressortir que s’agissant d’une société classiste, l’auteure s’est imposée d’étudier les femmes mexicas dans leurs spécificités mais aussi dans leur participation à la vie économique, politique et religieuse. Elle met ainsi l’accent sur la situation différente des femmes selon leur rang, leur appartenance ethnique, leur âge ou leur condition juridique. Et puisqu’elle considère que c’est par la force des armes que les Mexicas parvinrent à former leur empire, elle centre son regard sur l’analyse des supports idéologiques qui nourrissaient la doctrine hégémonique de la guerre : la religion, presque exclusivement centrée sur le masculin. L’approche théorique adoptée par cette érudite du monde féminin en Mésoamérique est le matérialisme. Elle nous offre une vision critique issue d’une réflexion fondée sur les fouilles archéologiques et les connaissances fournies par les sources documentaires, afin de nous donner un panorama le plus complet possible des conditions de vie des femmes mexicas. Sa connaissance du nahuatl place Miriam López Hernández dans une position privilégiée pour examiner et expliquer les tours et détours de cette langue et les codes qui encadraient les pratiques qui étaient permises aux femmes ou sanctionnées dans cette société étatique et hiérarchisée. L’auteure dresse un panorama des activités et des contributions culturelles de ces femmes fondé sur une analyse scientifique qui privilégie la connaissance des structures sociales, politiques, culturelles, juridiques et religieuses. Elle note qu’il était du devoir des macehualtin, femmes pauvres qui constituaient la majorité de la population féminine,


de s’occuper de l’éducation des enfants et de la santé de la famille, de participer aux rites religieux et d’apporter une contribution à l’État sous forme de travaux domestiques et de produits, entre autres obligations. Ce travail a également pour vertu de souligner l’atmosphère idéologique particulière dans laquelle se déroulaient les pratiques féminines : l’ordre religieux. L’auteure signale, aux fins de son étude, le rôle quasi marginal que jouaient les divinités féminines dans le panthéon mexica, creuset où fusionnèrent divers éléments rattachés aux traditions culturelles de la Mésoamérique. C’est de cette fusion que naquit le système religieux que les Mexicas imposèrent aux différents secteurs sociaux de Tenochtitlan et aux communautés politiques soumises à leur pouvoir. Avec la patience, la rigueur et l’effort qui la caractérisent, Miriam López Hernández est parvenue à articuler l’analyse de la condition féminine chez les Mexicas avec les instruments théoriques, une bonne méthodologie et des exemples parmi les plus frappants pour nous offrir un panorama complet des pratiques quotidiennes des femmes dans le contexte des relations de production qui régnaient pendant la période postclassique dans le centre du Mexique. Ainsi, dans son étude sur les femmes et leurs activités, elle obtient un équilibre parfait entre sphère économique, monde politique, morale, sexualité et vie quotidienne. Le résultat des recherches ici proposé a impliqué pour l’auteure un difficile travail de synthèse des données issues aussi bien du registre archéologique que des documents pictographiques retraçant la vie quotidienne à l’époque précolombienne, mais aussi des sources documentaires qui, soumises aux instruments d’analyse du matérialisme et des catégories les plus récentes des études de genre, sont un apport inestimable pour la (re)constitution de l’histoire des femmes, une histoire qui était, il y a un demisiècle encore, niée ou ignorée. C’est avec joie que nous accueillons ce travail, pionnier dans le domaine des études anthropologiques sur les femmes du fait de la formalité de cette entreprise, de sa ri­ gueur théorique, du sérieux avec lequel cet exercice méthodologique a été entrepris et du scrupule observé dans les assertions et les conclusions finales. Un travail hautement méritoire qui ne manquera pas d’inciter d’autres chercheuses à poursuivre dans d’autres contextes sociaux de la Mésoamérique. Maria J. Rodríguez-Shadow Direction d’Ethnologie et d’Anthropologie sociale, inah Janvier 2011


Sommaire 7 • Introduction 10 • Cycles de vie

10 • enfance La naissance : attribution du genre Les noms L’éducation 16 • adolescence Morale et sexualité Habillement et coiffures Dentifrices, parfums et soin du cheveu 25 • âge adulte Le mariage Grossesse et accouchement 35 • vieillesse

38 • Activités 41 • pipiltin

43 • macehualtin 46 • tâches productives

53 • Religion

57 • déesses de l’ancienne tradition mésoaméricaine 61 • déesses de la tradition aztéco-mexica

67 • Conclusions 69 • Glossaire 81 • Citations 84 • Bibliographie 92 • Table des illustrations 93 • Crédits photographiques


Introduction C

et ouvrage offre un panorama de la condition sociale de la femme mexica.* En parcourant les différentes étapes de sa vie, on y analyse les différents destins que lui imposaient les normes et les idéaux de comportement social. Les domaines d’action dans lesquels son existence évoluait différaient de ceux des hommes. Sa condition était en effet déterminée par l’ensemble des relations liées à la production et à la reproduction et par toutes celles dans lesquelles elle était immergée, volontairement ou pas ; par les formes que prenaient sa participation à ces relations par le truchement d’institutions politiques et juridiques qui les contenaient et les réglementaient ; et par les visions du monde qui définissaient la femme. Tout cela a engendré une série de circonstances, de qualités et de caractéristiques essentielles qui ont défini le genre féminin sur le plan social et culturel. La condition de la femme mexica n’a pas été partout homogène. Son statut variait en fonction de sa classe, de son âge et des caractéristiques individuelles. C’est-à-dire que le traitement et le vécu de la femme différaient selon qu’elle appartenait au peuple ou à la noblesse, qu’elle était jeune ou âgée† ou encore qu’elle était séduisante ou pas.§ Cette étude cherche aussi à souligner l’apport des femmes dans la société mexica, sans perdre de vue qu’elles n’eurent jamais la reconnaissance qui leur était due et n’en tirèrent, comme les hommes par leurs activités, aucun prestige ni aucune promotion sociale.

* Dans cet ouvrage, le nom de Mexicas désigne les habitants de Tenochtitlan et celui d’Aztèques, leurs ancêtres migrants. † L’âge déterminait la participation active à certaines cérémonies. Les femmes âgées, dont la fécondité avait pris fin avec la ménopause, étaient sollicitées lors de certaines fêtes, comme celles de Tititl et d’Ochpaniztli, dont le cérémonial exigeait la participation de femmes stériles.1 À l’opposé, les toutes jeunes filles étaient sollicitées au moment de la ménarche (premières menstruations), qui marquait le début de leur capacité à reproduire. Les Mexicas mettaient à profit ce pouvoir des adolescentes à procréer lors de fêtes célébrant des divinités comme Chalchiuhcihuatl et Chicomecoatl, où de jeunes filles pubères de douze ou treize ans représentaient les déesses.2 § Si elles répondaient aux canons de la beauté mexica, on permettait aux favorites des nobles de cultiver les arts et la poésie.3 On mentionne à ce sujet qu’une des concubines de Huitzilihuitl, tlatoani de Tenochtitlan, était peintre.4

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Introduction La culture mexica s’est développée sur le Plateau central du Mexique et sa temporalité est clairement définie au Postclassique tardif, dans une période allant de 1200 à 1521, l’installation définitive à Tenochtitlan n’ayant eu lieu qu’en 1325. Cette reconstitution historique est fondée sur les données fournies par l’archéologie et a été complétée à l’aide des références issues de sources ethno-historiques.

Collection de la Fundación Cultural Armella Spitalier. Registre INAH : 1441-212

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Cycle de vie

enfance

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Cycle de vie enfance

La naissance : attribution du genre

L

e genre du nouveau-né était déterminé dès sa naissance et allait être renforcé par l’éducation familiale, scolaire et religieuse. Lors de la cérémonie de naissance, en plus du nom, on marquait le genre du bébé par la présence symbolique d’ustensiles associés à son sexe : si c’était une fille, un fuseau, un malacate, un balai et un petit panier rempli de coton ; s’il s’agissait d’un garçon, un bouclier et quatre flèches pour qu’il devienne un bon guerrier.5 La cérémonie d’attribution du genre de l’enfant prenait fin lorsque son cordon ombilical, une fois détaché, était enterré, pour les filles dans le foyer de la maison et pour les garçons sur le champ de bataille, les domaines d’action sociale de chaque individu, publics ou domestiques selon le cas, étant ainsi fixés.6

L’accoucheuse était chargée du baptême des nouveaux-nés. Lors de la cérémonie, on montrait au bébé les insignes correspondant à son genre. Codex Mendoza.

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Cycle de vie

enfance

Les garçons évitaient tout contact avec les ustensiles qui n’étaient pas liés à leur genre, par crainte de perdre leur virilité et leur adresse guerrière. On leur disait de ne pas marcher sur le foyer (espace féminin par excellence), geste qui leur vaudrait d’être malchanceux à la bataille et de tomber aux mains des ennemis.7

Les noms Les parents cherchaient à donner à l’enfant un nom qui coïnciderait avec son destin. Pour cela, ils interrogeaient le tonalpouhqui, qui lui-même consultait le tonalpohualli (calendrier rituel

de deux cent soixante jours divisé en vingt treizaines ou périodes de treize jours, qui régissait toutes les activités de la société) pour connaître les qualités des jours de l’année.

Les parents faisaient appel au tonalpouhqui pour connaître l’avenir du nouveau-né. Codex de Florence.

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