Mirwais RAHIMI Étudiant
nantes
La source de l’image de la couverture est inconnue. Le titre du mémoire provient du livre de Anne-Marie Schwarzenbach
ensa
architecture
www.nantes.archi.fr L’ensa nantes est habilitée à percevoir la taxe d’apprentissage
SOMMAIRE
4
Remerciements L’écriture de ce mémoire a été rendue possible grâce à un très grand nombre de collaborations. Je remercie vivement, pour leur générosité, leur aide et leurs encouragements: Mélanie Leconte, pour son enthousiasme et sa patience. Hamid Haleem, qui m’a permis d’approfondir mes connaissances sur l’histoire de la migration. Ashmat Froz, qui m’a permis de faire des recherches concernant plus particulièrement la spatialité. Dr.Paul le Meut, Odile Froz, Rozenn du Chene, Anwar, Wais Sadiq, Farid, Ashmat, Chantale et Qasim Osmani. Anne-claire Savary, Martin Morard, Ceri Oeppen, Stéphane Abdullah, Mina Sherzoy et Pietro Calogero.
5
SOMMAIRE
Introduction
7
Migration d’Intéret
13
Migration Torrentielle
15
Migration Forcée
17
Migration Contrinte
23
INTRODUCTION SOMMAIRE 6 6
Introduction
29
Les Cartes
34
Espace et culture Afghane
41
Les Rencontres
47
Conclusion
53
7
INTRODUCTION
INTRODUCTION
L’un de ces intellectuels Êtait Mahmoud
Le prince, qui ĂŠtait sympathisant des idĂŠes
L
Tarzi. Tarzi suivit son père, exilÊ en
libĂŠrales de Mahmoud Tarzi, se maria Ă Soraya
1882 avec toute sa famille, Ă Damas.
HQ 6RUD\D 7DU]L IXW OD IHPPH TXL ÀW YROHU HQ
Journaliste et homme politique afghan,
Êclats des siècles de tradition. Le prince devint
il passa plus de 20 ans dans l’Empire
ĂŠmir en 1919 puis roi en 1926.
Ottoman,
es premiers Êchanges franco-afghans RQW FRPPHQFpV YHUV OD ÀQ GX qPH
siècle, rÊsultants d’une correspondance entre Ernest RENAN et Djemal Ad-din al Afghani, après une confÊrence donnÊe par le premier sur l’islam et la science à l’universitÊ de la Sorbonne.1.2
Al Afghani a rÊpondu dans le  Journal des DÊbats  le 18 mai 1883 en français, et attira, après cet article, l’attention de plusieurs grands journaux europÊens qui s’intÊressèrent de près à ses Êcrits.3 Al Afghani Êtait un intellectuel rÊformiste musulman qui travailla quelques temps comme ministre-conseiller pour l’Êmir Shir Ali Khan (roi Afghan). Cependant, la PpÀDQFH GHV EULWDQQLTXHV j VRQ pJDUG le contraint à quitter l’Afghanistan en 1868. $ OD ÀQ GX qPH VLqFOH GH QRPEUHX[ intellectuels et savants afghans furent exilÊs, l’Afghanistan faisant parti d’un des deux grands empires qui s’affrontaient à l’Êpoque: l’Empire Russe et l’Empire Britannique. Ces deux grands empires essayaient de crÊer soit une colonie, soit un Êtat tampon, permettant de stopper la progression du concurrent. Cette guerre anglo-russe (le  Grand Jeu) fut le prologue de ce qui se passa au 20ème siècle entre les amÊricains et les russes, en Afghanistan.
Damas,
La reine eut un rôle important dans l’Êvolution
oĂš il frĂŠquenta divers ĂŠtablissements
principalement
Ă
du pays et fut toujours proche de son mari,
scolaires, notamment français. Il visita
du jamais vu à l’Êpoque. Elle participa à la
l’Égypte, la Turquie et la France et publia
chasse, à l’Êquitation, et à certaines rÊunions
un rĂŠcit de voyage ĂŠditĂŠ en 1890.
En
du Cabinet. Elle ĂŠtait prĂŠsente aux parades
1903 l’Êmir Afghan Habibullah Khan
militaires, accompagnant le roi. Pendant la
autorisa Tarzi et sa famille Ă revenir en
guerre d’IndÊpendance, elle visita les tentes des
Afghanistan.
nommĂŠ
soldats blessĂŠs, leur parla, leur offrit des cadeaux
au bureau de traduction oĂš sa mission
et du rĂŠconfort. Elle accompagna mĂŞme le roi
consista essentiellement à informer l’Êmir
dans certaines provinces rebelles du pays, ce qui
des
Êtait très dangereux à l’Êpoque.
affaires
Mahmoud
fut
internationales.
Pendant
son exil, il fut en contact avec la culture
L’amnistie accordant aux exilÊs politiques le droit
RFFLGHQWDOH HW VXLYLW O¡LQà XHQFH GHV LGpHV
de rentrer au pays, lancÊe par l’Émir Habibullah
rÊformistes, comme le travail de Djemâl
Khan, permit au jeune Nadir Khan de venir pour
ad-DÎn Al-Afghâni pour le monde arabo-
la première fois sur la terre de ses ascendants,
musulman. Tarzi Êtait convaincu que l’Êtat
accompagnÊs de son père, de son oncle, de
de dĂŠpendance du monde musulman
ses frères et de ses cousins. Le jeune Nadir Khan
Êtait dÝ au manque d’Êducation, ainsi
devint populaire, et sa notoriÊtÊ s’Êtendit très vite
qu’à un retard dans tous les domaines
sur l’ensemble du territoire. De 1924-1926, il joua
VFLHQWLĂ€TXHV WHFKQLTXHV HW LQGXVWULHOV
le rôle d’ambassadeur d’Afghanistan en France,
Après
Ă
lorsque deux annĂŠes plus tard, il envoya sa dĂŠmis-
l’encontre des britanniques en 1919, Tarzi
sion, dĂŠsapprouvant la rapiditĂŠ de la politique de
devint ministre des affaires Êtrangères
modernisation du roi Amanullah Khan.
et fonda les ambassades d’Afghanistan
Il se retira alors sur la Côte d’Azur. En janvier 1929,
Ă Londres, Paris et dans plusieurs autres
le roi Amanullah Khan fut contraint à l’abdication
capitales du monde. De 1922 Ă 1924, Tarzi
face à la rÊbellion dans l’Est du pays et prÊfÊra
fut ambassadeur Ă Paris.
SUHQGUH OH FKHPLQ GH O¡H[LO DÀQ G¡pYLWHU XQ EDLQ
Quand
l’indÊpendance
la
famille
Tarzi
nationale
retourna
en
$IJKDQLVWDQ 6RUD\D OD ÀOOH GH 0DKPRXG 7DU]L UHQFRQWUD OH SULQFH $PDQXOODK OH ÀOV de l’Êmir  Habibullah Khan .
de sang inutile.
INTRODUCTION 8
De l’autre côtÊ, Mohammad Nadir Khan rentre
Ils sont enterrĂŠs Ă Jalalabad-Afghanistan
de France oÚ il s’Êtait retirÊ et prit la tête de la
dans
rÊsistance au nom de l’ancien roi Amanullah Khan.
Habibullah Khan. Ses enfants et petits-
Le lendemain, le gĂŠnĂŠral Mohammad Nadir Khan
enfants vivent aujourd’hui entre Rome,
entra à Kaboul en hÊros. Aussitôt, dans l’enceinte
*HQqYH HW ,VWDQEXO =DKHU 6KDK VH UpIXJLD
de la citadelle royale, il se proclama roi sous le nom
en Italie et vÊcu en exil à Rome, jusqu’à la
de Mohammad Nadir Shah grâce au soutien de
chute du rĂŠgime des talibans en 2001.4
ses partisans.
Les changements de rĂŠgimes, et ces
6RQ ÀOV 0RKDPPDG =DKHU 6KDK ÀW VHV SUHPLqUHV
ÊvÊnements, les uns après les autres,
classes au lycÊe français  Istiqlal  puis au collège
divisèrent l’Afghanistan, oÚ, depuis lors, les
Habibiya de Kaboul. Il poursuivit ses ĂŠtudes en
FRQĂ LWV QH FHVVqUHQW 3OXV OH WHPSV SDVVD HW
France, Ă Pairs au lycĂŠe Janson-de-Saillly puis au
SOXV OHV GLIĂ€FXOWpV JUDQGLUHQW HW OHV YDJXHV
O\FpH 0LFKHOHW HW HQĂ€Q j 0RQWSHOOLHU
migratoires apparurent en Afghanistan.
À partir de ce moment les Afghans s’intÊressèrent
Ces vagues prennent diffĂŠrents visages
à la langue et à la culture française. Après le lycÊe
selon les diffĂŠrents gouvernements. La
français  Istiqlal , le lycÊe  Malalai  fut construit
vague migratoire suite Ă la chute de la
SRXU OHV ÀOOHV j .DERXO %HDXFRXS GH MHXQHV DIJKDQV
monarchie, celle qui suivit l’invasion du
partirent faire leurs ĂŠtudes supĂŠrieures en France
communisme, le rĂŠgime Moudjahiddin,
et beaucoup de Français furent embauchĂŠs Ă
L’Émirat des talibans et aujourd’hui les
Kaboul.
forces de l’OTAN.
le
mausolĂŠe
de
l’ancien
roi
Mais l’exil ne fut pas arrĂŞtĂŠ pour autant. Mohammad Nadir shah dirigea un gouvernement SUXGHQW HW PpĂ€DQW YLV j YLV GHV SDUWLVDQV GH O¡DQFLHQ roi Amanullah Khan dont il craignait le retour. Les partisans de l’ancien roi ĂŠtaient surveillĂŠs, parfois arrĂŞtĂŠs, lorsque d’autre encore ĂŠtaient contraints Ă l’exil. Certains intellectuels et savants Afghans restèrent donc en exil. Pour eux, il ĂŠtait toujours GLIĂ€FLOH HW GDQJHUHX[ GH UHQWUHU HQ $IJKDQLVWDQ Djemal Ad-din al Afghani mourut le 9 Mars 1897 Ă
Part de diffĂŠrents pays europĂŠens dans
Istanbul tandis que Mahmoud Tarzi y dĂŠcĂŠda le 22
l’accueil des migrants afghans en 2010.5
Novembre 1933 à l’âge de 68 ans . En 1960, l’ancien roi Amanullah Khan mourut à =XULFK HQ 6XLVVH WDQGLV TXH VRQ pSRXVH OD UHLQH Soraya Tarzi, dÊcÊda à son tour en 1968.
9
INTRODUCTION
Le mémoire est composé de deux parties:
La tradition d’émigration a permis de tisser,
la première introduit l’histoire générale et
en son propre sein, un réseau de liens de
la situation des immigrants Afghans en
solidarité sans lequel il lui eut été impossible
quatre vagues migratoires. Elle
montre
de se perpétuer. La communauté émigrée
les différents arrivants Afghans à partir des
est en quelque sorte assurée de pouvoir
années de guerres et décrit leurs trajets.
trouver en elle-même toutes les conditions
Elle s’appuie sur l’histoire personnelle de
de sa propre cohésion. »7
quatre protagonistes qui représentent
La deuxième partie du mémoire concerne
les
ces
quatre
différentes
vagues
de
mêmes
personnages,
mais
approches
concernant
avec
migrations. En me basant sur leurs histoires
différentes
personnelles, je vais explorer en détail leurs
l’espace et la culture afghane en France.
parcours pour arriver en Europe. D’après Abdelmalek Sayad6 « chaque nouvelle vague d’émigrés arrivant en France y trouvait déjà établie une communauté formée d’émigrés plus anciens, à laquelle elle pouvait s’agréger.
1.
)URP 5HIRUP WR 5HYROXWLRQ /RXD\ 6DĂ€ ,QWHOOHFWXDO 'LVFRXUVH 9RO 1R
2.
http://www.iranicaonline.org/
3.
http://www.wikipedia.org/
4.
http://www.wikipedia.org/
5.
Les Nouvelles d’Afghanistan (DÊcembre 2011.N° 135): p.7.
6.
Abdelmalek Sayad (1933-1998), sociologue algÊrien, directeur de recherche au CNRS. Il a publiÊ plusieurs travaux sur l’immigration.
7.
A Sayad, La double absence, France, Seuil, Octobre1999, P.92
PREMIÈRE PARTIE, migration d’intérêt
PREMIERE PARTIE Histoire Générale et la situation des immigrants Afghans
Migration d’intéret
12
13
PREMIÈRE PARTIE, migration d’intérêt
Cependant,
MIGRATION D’INTÉRÊT
L
e 17 Juillet 1973 le gouvernement Républicain remplace la monarchie
après plus de 40 ans de souveraineté. Certains partisans du roi choisirent de partir, n’ayant pourtant pas à craindre la menace de l’exil. Le gouvernement républicain
était
un
gouvernement
ouvert, même aux exilés, qui pour certains rentrèrent. Les républicains amenèrent avec soin les valeurs du nouveau gouvernement en les opposant à celles de l’ancienne monarchie, notamment au niveau des réformes concernant une armée plus régulière, l’économie, les banques, la technologie, les transports, la sécurité, les autoroutes et l’éducations. Durant
cette
migratoires,
époque,
ou
plutôt
les la
vagues migration
d’intérêt, apparait. Les afghans concernés craignirent cependant d’aller en prison, ou
la
torture
commanditée
par
le
président, et quittèrent le pays pour aller soit en Europe, en Amérique ou encore dans les pays proches comme l’Iran et le Pakistan où ils avaient des contacts. À cette période les Afghans qui allèrent en Europe et en Amérique s’adaptèrent bien aux cultures et coutumes occidentales car certain d’entre eux y vinrent plusieurs fois; en tant que touristes, diplomates, étudiants, commerçants, ou même en tant que patients...
cela
concerna
majoritairement les membres des familles royales. Les trajets étaient en majorité parcourus en avions mais ils pouvaient être faits en bus également. De Kaboul directement jusqu’à l’Allemagne en passant par l’Iran et la Turquie. En 1973, Madame et monsieur Osmani RQW SULW OHXU 9RONVZDJHQ GHSXLV 1DQWHV vers Kaboul. Ils y sont arrivés en 22 jours en passant par la route de la soie.
Migration torrentielle
15
PREMIERE PARTIE, migration torrentielle
MIGRATION TORRENTIELLE
L
e 27 avril 1978, le parti dÊmocratique populaire d’Afghanistan  PDPA 
renversa le rÊgime rÊpublicain, ce qui contribua au dÊbut de la guerre en Afghanistan et une Êmigration torrentielle apparut. Le PDPA Êtait un parti communiste. /HV VRYLpWLTXHV SURÀWqUHQW DORUV GH cette incertitude politique pour envahir l’Afghanistan. Le pays fut vite envahit par l’aviation soviÊtique dont l’objectif Êtait de calmer les tensions dans le pays, divisÊ en deux clans. Une semaine plus tard, la rÊpublique d’Iran revendiqua son Êtat comme Êtant Islamique, ce qui fut la deuxième raison d’intervention soviÊtique. La troisième raison,
alors
secrète,
ĂŠtait
d’envahir
le Pakistan, pays apparut en 1947, en SURÀWDQW GH VRQ LQVWDELOLWp En 1979, l’arrivÊe des soviÊtiques fut perçue par le reste du monde comme une dÊclaration de guerre de l’empire SoviÊtique à l’Empire libre : l’Europe occidentale,
les
U.S.A,
l’Australie,
le
Japon... . Les AmĂŠricains perdirent la guerre du
La politique de l’Inde, alignÊe sur le
Avec le retrait des soviĂŠtiques et, un peu plus tard,
communisme soviĂŠtique, et la fragilitĂŠ
OD ÀQ GH OD JXHUUH IURLGH OHV 86$ RQW FRQVLGpUp
du Pakistan favorisèrent la volontÊ des
que leurs objectifs stratĂŠgiques ĂŠtaient atteints. Les
soviĂŠtiques de le faire tomber sous
États-Unis ont ensuite montrÊ peu d’intÊrêt pour
l’emprise de l’URSS. Les pays occidentaux
la reconstruction du pays et l’aide amÊricaine
non-communistes se sentirent agressĂŠs
a dramatiquement chutÊ et s’est tournÊe vers
et la guerre
d’autres pays. 6
empires
recommença. Après les
mĂŠdiĂŠvaux
et
les
empires
En 1980, quelques associations franco-afghanes
coloniaux commence la guerre froide
commencèrent leur travail pour soutenir et assister
entre les deux grands blocs, prenant part
les rĂŠsistants Afghans :
en Afghanistan qui se retrouve être le carrefour entre ces superpuissances. Au milieu des montagnes afghanes s’Êlève le Hindou-Kouch (qui arrête les Hindous) qui va alors devenir la frontière refreinant les SoviÊtiques. Il y eut neuf annÊes de guerre sanglante avec les SoviÊtiques, qui fut une guerre des plus couteuses pour les Afghans. La population afghane de l’Êpoque Êtait inferieure à 20 millions d’habitants. Une
ĂŠmigration
torrentielle
apparut
en Afghanistan : 5 millions de rÊfugiÊs, 1.2 millions de personnes dÊplacÊes, 1 million morts, 700000 mutilÊs par prÊs de deux cents millions de mines dispersÊes en Afghanistan. Après le dÊpart des soviÊtiques, il resta à peu près 10 millions d’habitants.1.2.3.4.5.6.7
9LHWQDP TXL pWDLW DORUV XQH ]RQH VRXV
L’augmentation de pertes soviÊtiques et
LQĂ XHQFH VRYLpWLTXH
le retournement de l’opinion publique contre la guerre ont conduit les soviĂŠtiques Ă
organiser
leur
retrait
formellement
conclu dans les Accords de Genève, d’Avril 1988.
DARAH-AFGHANISTAN  L’association Darah Afghanistan a ÊtÊ crÊÊe par des bÊnÊvoles afghans et français dÊbut 1980, à la suite de l’invasion de l’Afghanistan par l’ArmÊe rouge de l’ex-Union SoviÊtique. Elle avait un triple objectif : ‡FRQWULEXHU j OD UHFRQQDLVVDQFH GH OD UpVLVWDQFH afghane ; ‡DSSRUWHU XQ VRXWLHQ FRQFUHW DX SHXSOH DIJKDQ en lutte ; ‡DLGHU OHV UpIXJLpV GH O¡LQWpULHXU GX 3D\V Pendant plus de 20 ans, elle organisa des aides humanitaires distribuÊes directement en Afghanistan et fut le porte-parole de la rÊsistance afghane dans son combat pour la libertÊ et l’indÊpendance.  8
PREMIĂˆRE PARTIE, migration torrentielle
AFRANE
La majoritĂŠ de la migration commence
 Dès sa crÊation, en mai 1980, AFRANE a consacrÊ
au dÊbut de cette date. C’Êtait la
beaucoup d’efforts pour collecter puis acheminer
date d’immigration forcÊe.
une aide humanitaire en Afghanistan. D’abord
n’envisageaient
sous la forme de missions oĂš nous apportions des
lointaine Âť partaient en Iran, au Pakistan
biens de première nÊcessitÊ, voire de l’argent pour
et en Asie centrale. Cependant, une
permettre aux villages qui avaient ĂŠtĂŠ bombardĂŠs
minoritĂŠ, ayant la possibilitĂŠ, partait en
de se reconstruire ou tout au moins de rĂŠparer une
Europe, Australie et en AmĂŠrique de nord.
partie des dÊgâts.
Pour certain qui habitaient Ă Kaboul,
Un
rĂŠcapitulatif
l’Êpoque
ÂŤ
recensait
la situation ĂŠtait de fuir le pays ou de se dĂŠplacer car ils en avaient les moyens. La
1986, AFRANE avait accompli 26 missions d’aide
majoritĂŠ qui habitait en province avait
dans 13 provinces (Maydân, Paktyâ, Kaboul,
dÊjà goutÊ la souffrance de l’immigration
.DQGDKDU .RQDU .DSLVVD 8UX]JkQ /RJDU =DERXO
et du dĂŠplacement.
Faryâb,
Ă
l’Êmigration
qu’entre sa crÊation en 1980 et le mois de juin
Badakhchân,
ĂŠtabli
pas
Ceux qui
Nangarhar,
Ghazni).
Pendant lesquelles trois millions de Francs avaient ÊtÊ acheminÊs. Somme modeste à première vue, mais qui à l’Êpoque Êtait loin d’être nÊgligeable SRXU OHV GLVWULFWV DLGpV /¡DVVRFLDWLRQ SURÀWDLW GH FHV missions pour subventionner des initiatives locales en particulier dans le domaine de l’enseignement, le creusement d’abris, l’irrigation, ou l’agriculture. Les missions s’effectuaient avec des groupes de rÊsistants de toute obÊdience, en ne prenant en compte que les besoins des populations. Ensuite AFRANE rÊalisa des missions plus lointaines, notamment à HÊrat, Baghlân ou Kunduz. Au fur et à mesure oÚ la RÊsistance et les communautÊs locales se structuraient, et oÚ s’approfondissaient nos contacts avec telle ou telle rÊgion, AFRANE entreprit de soutenir de vÊritables projets de dÊveloppement rural. Ce fut le cas notamment dans le Logar et la rÊgion de Ghazni.  9
16
17
PREMIERE PARTIE, migration torrentielle
1.
Sandy Gall. Afghanistan: agony of a nation. Bodley Head. 1988 p.3
2.
Pear, Robert (August 14, 1988). ÂŤMines Put Afghans in Peril on ReturnÂť. New York Times: p. 9.
3.
Kaplan, Soldiers of God (2001) (p.11)
4.
M. Hassan Kakar presents an argument in a chapter called ÂŤGenocide Throughout the CountryÂť
5.
+LODOL $ 86 3DNLVWDQ UHODWLRQVKLS 6RYLHW LQYDVLRQ RI $IJKDQLVWDQ %XUOLQJWRQ 97 $VKJDWH 3XEOLVKLQJ &R S
6.
Jean-Charles Jauffret historien français spÊcialiste de l’histoire militaire et coloniale, Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont Afghanistan 2001-2010 : Chronique d’une non-victoire.
7.
/HV H[SpULHQFHV DIJKDQHV GX FRQà LW 1978 – 2009. Enquête sur le terrain. P.9
8.
http://www.darah-afghanistan.net/
9.
http://www.afrane.asso.fr
Migration forcĂŠe
19
PREMIÈRE PARTIE, migration forcée
MIGRATION FORCÉE
L
e 17 avril 1992,
les partis islamiques
Afghanistan libre
Negar
« L’association, créée en mars 1996
« Negar-soutien aux femmes d’Afghanistan est une
sous le nom de « Afghan », est devenue
association loi de 1901, créée au mois d’octobre
Afghanistan Libre en juillet 2001. « Afghan»
1996, à l’initiative de femmes afghanes soutenues
De 1992 à 1996, la guerre civile commença,
a principalement axé ses actions sur
par des femmes françaises, juste après la prise
notamment à Kaboul. Les habitants se
des campagnes d’information et de
de Kaboul par les milices Taliban, en réponse aux
déplacèrent ou immigrèrent dans les
lobbying à fort impacte, avec le soutien
messages de détresse envoyés par des femmes.4 »
pays voisins ou lointains. Après le retrait
d’agences de publicité, de production
soviétique, 1.2 million d’Afghans rentrèrent
et d’entreprises, et grâce à une forte
du Pakistan dans l’espoir de vivre en paix.
mobilisation de son équipe de bénévoles
Malgré cela, des millions de personnes
en faveur de la cause des hommes et des
ont été obligés de fuir à nouveau. En
femmes d’Afghanistan. »2
1994, plus d’un million d’Afghans vivaient
Afghanistan demain
au Pakistan et à peine moins d’un million
« L’histoire unique d’un français et de ‘ses
en Iran.1
enfants afghans:
Mais après l’apparition des Talibans de1996
En 1968, Serge de Beaurecueil, Dominicain
à 2001, la situation s’empira. Encore une
français, s’installe à Kaboul pour travailler
fois, beaucoup d’Afghans retournèrent
à sa thèse sur la mystique musulmane. Il y
chez eux en espérant que le nouveau
croise le chemin des enfants des rues et
régime restaurerait l’ordre. Mais ces retours
décide d’en recueillir au sein de sa propre
ne durèrent pas longtemps. L’émigration
maison. De 1968 à 1983, en plus de son
reprit de plus belle vers le Pakistan, l’Iran
travail, il soigne et remet sur le chemin
et d’autres pays lorsqu’il devint très clair
de l’école une cinquantaine d’enfants ;
que les violences ne cesseraient pas. En
parmi eux : Ehsan Mehrangais.
effet, elles furent seulement remplacées
En
par de nouvelles formes de répression et
l’Afghanistan. Le contexte politique du
d’abus. En septembre 2001, presque 1,5
pays se radicalise, au point que Serge de
millions d’afghans résidaient en Iran et
Beaurecueil, accusé d’espionnage par
deux millions au Pakistan.
les Russes, comprend que sa vie et celle
prirent le pouvoir en Afghanistan.
1979,
les
Soviétiques
envahissent
Le régime des Talibans fut cruel et
de ses protégés sont en danger. Par des
barbare,
femmes.
chemins divergents, lui et Ehsan sont les
Quelques associations franco-afghanes
seuls à pouvoir quitter Kaboul, avant de
commencèrent alors leur soutien en
se retrouver en France3.
France.
surtout
envers
les
1.
/HV H[SpULHQFHV DIJKDQHV GX FRQÁLW 1978 – 2009. Enquête sur le terrain P.10
2.
http://afghalibre.typhon.net/
3.
http://www.afghanistan-demain.org
4.
http://www.negar-afghanwomen.org
PREMIĂˆRE PARTIE, migration contrainte
Migration contrainte
22
23
PREMIĂˆRE PARTIE, migration Contrainte
MIGRATION CONTRAINTE
l’Alliance occupait Kaboul et les talibans
Beaucoup de rÊfugiÊs sont jeunes et n’ont jamais
encerclèrent Kandahar le mois suivant. En
connu l’Afghanistan en paix. Ils ont passÊ la plupart
e 7 octobre 2001, une coalition de
0DL OHV eWDWV 8QLV DQQRQoDLHQW OD ÀQ
de leur vie en dehors de leur pays et n’ont pas
forces internationales, conduite par
des plus grands combats.
pu dĂŠvelopper les compĂŠtences qui leur aurait
les États unis, a dÊclarÊ la guerre au
En 2006, la sÊcuritÊ s’est rapidement
permis de s’intÊgrer en Afghanistan. Selon une
gouvernement taliban. Après les attaques
dĂŠtĂŠriorĂŠe. Les bombes sur le bord de la
ĂŠtude rĂŠcente sur les rĂŠfugiĂŠs vivant au Pakistan,
du 11 septembre, les États Unis et leurs
route et les bombardements ont presque
71% rapportent n’avoir reçu aucune Êducation
alliĂŠs poursuivirent leurs actions militaires;
doublÊ par rapport à l’annÊe prÊcÊdente
formelle, 89% n’ont pas de compÊtences et 71%
leur objectif premier Êtait d’empêcher
; les attaques suicides se sont multipliĂŠes
pas de revenu mensuel.1
de faire de l’Afghanistan une base arrière
par six et il y a eu plus d’un millier de
LA ROUTE D’ÉXIL
pour les terroristes. Les violations des droits
victimes civiles. La sÊcuritÊ s’est dÊgradÊe
RÊcit d’Ali Mohammadi 2
de l’Homme furent très mÊdiatisÊes,
encore jusqu’en 2009. Aujourd’hui, la
Extrait du rĂŠcit inĂŠdit par un jeune Afghan de son
particulièrement pour le traitement des
violence a atteint son plus haut niveau
pĂŠriple pour arriver en France les passages les plus
femmes. Cela a contribuĂŠ Ă obtenir de
depuis la chute des talibans. Ces derniers
VLJQLĂ€FDWLIV /HV SDUFRXUV GHV PLJUDQW DIJKDQV VH
l’aide du monde occidental qui à alors
et d’autres miliciens ont Êtendu leur
ressemblent quant à l’itinÊraire mais comportent
apportĂŠ un soutien politique Ă cette
contrôle vers le Sud, l’Est et vers quelques
chacun leur lot d’aventures, de souffrances, et
guerre.
provinces du Nord, de l’Ouest et du
parfois de tragĂŠdies qui leur donnent une dimension
centre.
humaine toute particulière.
L
L’action
militaire
amĂŠricaine
a
ĂŠtĂŠ
minimale et la majoritĂŠ des talibans ont fui
Actuellement,
du
 Je m’appelle Ali Mohammadi et j’habite Paris,
vers le Pakistan ou se sont fondus dans la
pays est considĂŠrĂŠe comme ĂŠtant trop
je suis nĂŠ en Afghanistan, j’en suis parti en 1989, Ă
population locale. Le dispositif reposait sur
dangereuse d’accès pour les Nations Unies
l’âge de trois ans. Une nuit, ma mère m’a rÊveillÊ et
des attaques aĂŠriennes accompagnĂŠes
et les autres organisations internationales.
m’adit d’aller me laver. Je me souvins d’une voiture
d’un petit nombre d’actions des forces
Plus de 250.000 Afghans, pour la plupart du
jaune qui nous emmena dans la montagne, je me
spĂŠciales amĂŠricaines en appui des
Sud et de l’Est, se sont rÊfugiÊs à l’intÊrieur
souviens d’une Ênorme thÊière remplie de chocolat
forces anti-Talibans. Il y a eu en fait très
GX SD\V HQ UDLVRQ GX FRQĂ LW DFWXHO 3OXV
que ma tante nous donna avant de partir. Je me
peu de batailles entre les États-Unis et les
de cinq millions d’Afghans sont retournÊs
souviens aussi d’une chèvre qui mangeait du tissu.
combattants talibans, particulièrement
chez eux entre 2002 et 2008, mais il faut
Mon père travaillait pour le gouvernement. C’Êtait
dans le Nord ; la majoritĂŠ des combats au
toujours compter avec plus de deux
la guerre et nous avions peur. Pour nous mettre
sol se sont dĂŠroulĂŠs entre les talibans et
millions de rĂŠfugiĂŠs restĂŠs au Pakistan et
à l’abri mon père installa la famille en Iran, dans
l’Alliance du Nord.
900,000 en Iran.
la banlieue de TĂŠhĂŠran. En Iran, il est impossible
Les
talibans
dĂŠtenaient
un
presque
la
moitiĂŠ
pouvoir
d’aller à l’Êcole sans carte de sÊjour. Quand la loi
morcelÊ après avoir perdu Mazare-Sharif
est injuste, on cherche Ă la dĂŠtourner. Je suis donc
DX SURÀW GHV IRUFHV DOOLpHV GH O¡$OOLDQFH GX
allÊ à l’Êcole du soir à l’âge de six ans avec la
Nord. En novembre 2001,
carte de sÊjour d’un garçon de quatorze ans! Sur la photo, il avait environ cinq ans.
PREMIĂˆRE PARTIE, migration contrainte
24
Ainsi je pus passer facilement pour lui. Mon
Deux heurs plus tard, la camionnette nous
Soudain, il nous fait signe de courir très
professeur n’Êtait pas dupe, car j’apprenais
dĂŠpose, cinq heures de marche Ă pieds
vite. Un de ses acolytes qui surveille la
beaucoup plus vite que les adultes, mais il garda
nous attendaient pour atteindre un petit
montagne vient de lui envoyer le signal
le secret. A quinze ans, je poursuivis les cours du
village perchĂŠ tout en haut de la monta-
d’un danger : des soldats patrouillent dans
soir en travaillant dans la journÊe. J’Êtais apprenti
gne. L’ascension est fatigante et la pente
les parages. La pente est très rude. Un des
dans une manufacture oÚ j’appris à fabriquer
très escarpÊe. Quand nous arrivons le soir
garçons est trop gros pour suivre le rythme.
des chaussures. Un jour, le gouvernement Iranien
au village, on nous offre de la nourriture :
Je dois l’aider et l’entrainer avec moi. Au
dÊcida d’accorder des cartes de sÊjour à tous
du yaourt et du pain. Unique aliment que
bout de quinze minutes, je m’Êcroule. Le
OHV $IJKDQV -H SXV HQĂ€Q JDJQHU PD YLH 0DLV XQ
l’on mangera pendant tout notre pÊriple.
passeur ne l’entend pas de cette oreille.
garçon qui travaillait à la manufacture avec moi
Pendant les deux jours oĂš nous restons
Cavalant furieusement sur son cheval,
PH YROD PD FDUWH 4XHOTXHV WHPSV SOXV WDUG LO VH ÀW
dans ce village, nous faisons connaissan-
il nous ordonne en hurlant de reprendre
arrêter par la police. Cette dernière crut que j’Êtais
ce avec nos compagnons. L’un d’eux est
immĂŠdiatement la route. Heureusement
complice et dĂŠchira ma carte de sĂŠjour.
TchÊtchène. Il n’a pas dit un mot pendant
nous sommes à cent mètres de la Turquie.
Reconduit à la frontière, je me retrouvais seul en
le voyage. A la grande surprise de mes
Le passeur nous montre le village et nous
Afghanistan. Certes, c’tait mon pays natal, mais je
camarades nous dÊcouvrons qu’il parle
dit : si les soldats tirent, courez, ne revenez
m’y sentais Êtranger sans amis et sans travail. Je n’y
pachtou. C’est Êtonnant qu’il connaisse
pas en arrière. DÊs que vous entrerez au
avais aucune attache, aucun souvenir. Toute ma
une des deux langues d’un si petit pays.
village, frappez à la première porte et
famille vivait en Iran. Et en Afghanistan, il y avait
Et que fait –il dans notre groupe? Nous
dites que vous ĂŞtes un rĂŠfugiĂŠ. Ils vous
la guerre...En 2009, je dĂŠcidais donc de rejoindre
avons toujours crus qu’en Russie les gens
laisseront entrer.
l’Europe.
ĂŠtaient riches! Nous ne comprenons pas
EXTRAITS DE VOYAGE
pourquoi il est avec nous. Mais quand
Les passeurs sont rÊputÊs pour être des gens très
nous le voyons prier, nous comprenons
dangereux. Très bien organisÊs en rÊseau, il faut les
qu’il est musulman et qu’il fuit le rÊgime de
payer cher pour un service qui n’est pas toujours
son pays, tout comme ce garçon irakien.
à la hauteur de leur promesse. Par l’intermÊdiaire
Chaque jour, de nouveaux arrivants nous
d’un premier passeur, je pars avec trois amis pour
rejoignent. Un soir, le passeur nous annon-
la Turquie. De passeurs en passeurs, nous arrivons
ce que nous allons passer la frontière. Il
HQĂ€Q GDQV XQH YLOOH j OD IURQWLqUH GH OD WXUTXLH
nous demande de nous habiller en noir. Il
En compagnie d’autres garçons, je me retrouve
ne faut pas risquer d’être repÊrÊe. Le pas-
allongÊ sur le plancher d’une camionnette qui
seur a graissÊ la patte aux policière, mais
roule Ă forte allure, ainsi, pas de risque que la police
il faut aussi compter sur les soldats iraniens
ne nous voie pendant le trajet.
et turcs qui surveillent la frontière. Nous marchons en silence, portables Êteints en ÀOH LQGLHQQH /H SDVVHXU j FKHYDO RXYUH la marche.
25
PREMIÈRE PARTIE, migration Contrainte
Exemple d’itinéraire emprunté par bon nombre de migrants afghans. Extrait de De Kaboul à Calais, l’incroyable périple d’un jeune Afghan, de Wali Mohammadi, éd, Robert Laffont DE LA TURQUIE À LA GRÈCE
J’ai un passeport turc. Si jamais le policier
Nous sommes dix dans un véhicule. Munis
s’adresse à moi en turc, je suis cuit !(...)
de faux passeports, nous avons troqué nos hardes qui témoignent de notre errance contre des vêtements élégants... car il nous faut passer pour de véritables touristes pour franchir les contrôles de police! La plupart du temps, le chauffeur récupéra tous les passeports. Les présente aux policiers et le contrôle se passe sans incident. Mais parfois, les policiers montent dans le véhicule et contrôlent individuellement chaque passager.
PREMIÈRE PARTIE, migration contrainte
26
EN CAMP
Cette fois-ce le message est clair! Nous
« Quand je compare leur situation avec
Je me retrouve dans un camp de réfugiés. ce
partons en vitesse avant qu’il ne réveille
la mienne, en 1985, lors de mon arrivée…
camp est vaste et les gens sont libres de leurs
tout le quartier. Nous arrivons sur une
cela n’a rien à voir. Les Afghans étaient
mouvements. Moi, je suis enfermé dans une petite
place arborisée. Les arbres offrent une
alors les chouchous des Occidentaux…
cellule. Je ne cesse de m’inquiéter. Pourquoi suis-je
cachette idéale. Nous nous dissimulons
parce que l’Union Soviétique occupait
mis à l’écart ? Pourquoi suis-je séparé des autres
derrière les énormes troncs pendant que
mon pays. Il fallait voir comme nous
réfugiés? Je suppose que la police grecque va me
l’un de nous part à la recherche d’un taxi.
étions accueillis: du cinq étoiles, en
réexpédier en Iran. Après une nuit sans manger,
Après une négociation du prix de la cour-
comparaison ! On restait trois semaines au
je me réveille avec un faim de loup. La baraque
se, le chauffeur accepte de nous trans-
centre d’accueil de Puteaux pour passer
qui me retient prisonnier est entourée de grilles.
porter à Escoubdji pour la somme de 115
des examens médicaux et puis on nous
J’escalade la grille et je vais me restaurer à la
euros. Arrivés dans la ville, nous trouvons
dirigeait vers d’autres centres pour régler
cantine du camp... Un jour, un journaliste entre
une mosquée ouverte. Nous pénétrons
nos papiers. Aujourd’hui, alors que, le
GDQV OH FDPS -H P·DSSURFKH GH OXL HW OXL FRQÀH
dans l’enceinte e découvrons un jardin.
ministre des Affaires étrangères, annonce
que les conditions de vie sont précaires, que nous
Une douce pelouse va nous servir de lit et
une centaine de bourses pour faire venir
manquons de lits et de nourriture. Il me répond que
nous nous endormons sous les étoiles, au
des Afghans en France, est-ce qu’on ne
les conditions qui nous sont offertes valent mieux
réveil, nous découvrons un petit cimetière
peut pas s’occuper aussi de ceux qui
que ce qu’on peut espérer dans notre pays. Je
à quelques pas de nous. Sur une tombe,
sont ici ? Nous voudrions simplement qu’ils
suis scandalisé par son mépris. Dans mon pays,
un chien est allongé tristement. Est-ce la
dorment et vivent la journée au chaud.
j’avais au moins un toit, un lit et de la nourriture.
tombe de son maitre ? Tout comme moi,
C’est le minimum qu’on puisse demander
Parfois certains réfugiés deviennent fous et font des
ce chien doit se sentir orphelin. Je suis loin
en France, non ? »3
tentatives de suicide.
de mon pays e mon voyage est lin d’être
Les questions en rapport à l’immigration
terminé....
HW OD ÀJXUH GH O·pWUDQJHU VRQW FUXFLDOHV
Et l’histoire continue vers la Serbie puis de
Ce sont des indicateurs qui permettent de
Belgrade jusqu’à Calais...»
mesurer l’état de nos démocraties .4
MACÉDOINE Je suis à présent en Macédoine. Il est minuit.
L’immigration
C’est l’automne et si le jour la température reste
d’actualité, et l’on ne sait pas jusqu’à
clément, en revanche, la nuit, il fait très froid. Nous
quand cela va continuer, ou quand la
nous réfugions à l’abri d’une petite boutique en
JXHUUH HQ $IJKDQLVWDQ YD ÀQLU 0DLV VL OD
espérant dormir une heure. Le propriétaire nous a
France n’avait pas accueilli, en 1985, un
entendus. Il surgit et nous invective dans sa langue.
réfugié afghan nommé Atiq Rahimi, elle
Je tente de lui parler anglais, mais la brute ne pige
serait passé à côté du prix Goncourt 2008,
rien. Moi, je comprends sans dictionnaire qu’il nous
l’auteur de Syngué sabour, pierre de
invite à dégager de sa boutique. J’essaie de lui
patience (POL, 2008 ) et du puissant Terre
dire que nous ne restaurons qu’une heure. « Police!
et cendres ( POL, 2000).
Police! Lâche-t-il en guise de réponse.
continue
est
toujours
1.
/HV H[SpULHQFHV DIJKDQHV GX FRQÁLW 1978 – 2009. Enquête sur le terrain. P.15
2.
Sugeeta Fribourg (Décembre 2011.N° 135). Les Nouvelles d’Afghanistan: p. 3-7.
3.
Telerama.fr Atiq RAHIMI « Les réfugié Afghans de Paris méritent largement l’asile politique » le 9 janvier 2010
4.
(QWUHWLHQ DYHF 6\OYDLQ *HRUJH UpDOLVDWHXU GH ÀOP ©qu’ils reposent en révolte»
Deuxième Partie «Introduction»
DEUXIÈME PARTIE Culture et Espace
28
29
Deuxième Partie Introduction
INTRODUCTION
MalgrĂŠ tous les malheurs, catastrophes et
y compris l’ouest et le sud de l’Afghanistan.
accidents que le pays a endurĂŠ, des chefs
Sakas (90 av.J.C 20 ap. J.C) : les Scythes migrent
L’Afghanistan est situÊ aux portes de
d’œuvre existent encore sous ses ruines.
YHUV OH VXG RXHVW GH O¡$IJKDQLVWDQ PHWWDQW ÀQ DX
l’Inde, sur l’une des routes de la soie reliant
Age du Fer (1500-700 av.J.C) : Mise en
règne indo-grec et parthe.
la Chine aux empires de la MĂŠditerranĂŠe.
SODFH GH QRXYHDX[ FHQWUHV XUEDLQV IRUWLĂ€pV
Kouchans (110-225 ap.J.C) : les nomades Kouchans
'qV O¡DQWLTXLWp OH SD\V D VXEL GHV LQà XHQFHV
qui peuvent ĂŞtre liĂŠs Ă une migration indo-
envahissent l’est de l’Afghanistan et crÊent un vaste
culturelles et artistiques venues de la Chine
iranienne. Le zoroastrisme ĂŠmerge en Asie
empire qui atteint le paroxysme de son pouvoir
et de l’Inde, des nomades de la steppe,
centrale.
sous le règne du roi Kanishka. L’adoption de l’art
et des empires perses et hellĂŠnistiques.
AchĂŠmĂŠnides
Au carrefour de l’Asie, l’Afghanistan fut
L’Afghanistan est incorporÊ dans l’empire
l’art du Gandhara.
la terre de toutes les aventures, qu’elles
perse, jusqu’à ce qu’il soit conquit par
Indo-Parthes (20-225 ap.J.C): les Indo-parthes
soient conquĂŠrantes ou pĂŠrĂŠgrines : celles
Alexandre le Grand.
dĂŠplacent les Sakas (Skythians) et prennent en
d’Alexandre le Grand et des SÊleucides,
SÊleucides (310-65 av.J.C) après la mort
charge le sud de l’Afghanistan.
celles des hĂŠritiers de Gengis khan et de
d’Alexandre le Grand, le gÊnÊral SÊleucos
Sassanides ( 275-650 ap.J.C) : L’Afghanistan est
Tamerlan, celles des pèlerins chinois qui se
prend en charge une partie de l’empire
intÊgrÊ à l’Empire sassanide.
rendaient en Inde pour recueillir les textes
de celui-ci qui comprend l’Afghanistan,
Kushano-Sassanide ( 345-450 ap.J.C) : Les États
bouddhistes, celles d’Ibn Battuta et Marco
et ĂŠtablit la dynastie des SĂŠleucides.
Kushans en Afghanistan deviennent vassaux de la
Polo ou encore du conquĂŠrant Babour,
Maurya (27-185 av.J.C) Expansion de
dynastie perse des Sassanides.
futur empereur moghol de Dehli qui aima
l’empire Maurya en Afghanistan, partisan
Kaghanates Turcs ( 650-875 ap.J.C) : les Turcs de
tant sĂŠjourner Ă Kaboul. Le pays garde
du bouddhisme, rÊpandu par l’empereur
l’Altaï envahissent l’Afghanistan et renversent le
encore de très nombreux vestiges de
Ashoka.
règne hephtalite.
(530-330
av.J.C)
:
grec et du bouddhisme conduit Ă la crĂŠation de
monuments laissĂŠs par les civilisations qui
GrĂŠco-Bactriens
:
Hephthalites ( 450-565 ap.J.C) : L’invasion des
s’y sont succÊdÊes: grecque, kouchan,
Diodore, Gouverneur de la Bactriane, se
+HSKWDOLWHV %ODQF +XQV PHW ÀQ j O¡(PSLUH
bouddhiste et hindouiste, seldjoukide,
rĂŠvolte contre les SĂŠleucides, crĂŠant un
sassanide.
WLPRXULGH VDIDYLGH PRJKROH HQ ÀQLVVDQW
ĂŠtat indĂŠpendant grĂŠco-Bactriane.
Les Arabes (650-820 ap.J.C) : les forces arabes
par les rois afghans Ă partir de 1747. Ainsi,
Indo_Grecs ( 155-90 av. J.C) : l’expansion
introduisent l’islam dans le nord et l’ouest de
l’art du Gandhara, issu de la rencontre
du royaume grĂŠco-bactrien au sud de
O¡$IJKDQLVWDQ
des reprÊsentations bouddhistes et de l’art
l’Hindou Kouch conduit à l’indÊpendance
augmente au cours du Califat abbasside.
grec, a produit un admirable amalgame
du royaume indo-grec, dirigĂŠ par des
Turki Shahis ( 650-850 ap. J.C): La dynastie des
artistique
et
des
chefs
d’œuvre
Ă
(250-110
av.J.C)
/¡LQà XHQFH
FXOWXUHOOH
SHUVH
roitelets basĂŠs dans les grandes villes.
Shahis turcs de Kaboul survit Ă la dĂŠsintĂŠgration du
Toutes ces
Parthes ( 160 av.J.C 225 ap.J.C) : À
khaganate turc.
approches culturelles engendrèrent des
l’origine basÊs au TurkmÊnistan, les Parthes
pluralitĂŠs artistiques dans chaque rĂŠgions
prennent en charge la plus grande partie
d’Afghanistan.
de ce qui Êtait l’empire achÊmÊnide,
l’originalitÊ incomparable1.
Deuxième Partie Introduction
Tahirides, les Saffarides, les Samanides (820-1000
Les monuments hellĂŠnistiques
30
On dĂŠcouvre ainsi quatre chapiteaux
ap.J.C.) : Les populations indigènes, les Tahirides,
corinthiens
de
type
grĂŠco
bactrien,
puis les Saffrides et les Samanides ĂŠtablissent leur
La citÊ d’Ai Khanoum (nom ouzbek) 
renversÊs, pour soutenir le toit d’une
domination durant les dynasties musulmanes,
dame-lune Âť est riche en monuments
maison de thĂŠ(chaikhana) du village.
dans le nord et l’ouest de l’Afghanistan, sous la
hellĂŠnistiques. Parmi ceux mis Ă jour, le plus
Balkh, ville du nord de l’Afghanistan, a
domination abbasside.
important est un palais. A l’Êpoque, on y
ĂŠtĂŠ surnommĂŠe par les arabes Oum al-
Hindoue Shahis ( 875-1000 ap.J.C.): La dynastie
accĂŠdait par une vaste cour entourĂŠe
Balad,  la mère des citÊs . Une lÊgende
Hindu Shahi succède à l’Etat turc dans le sud-est
d’un portique de grande dimension (137
attribue en effet la fondation de cette
de l’Afghanistan.
x 108m), comportant cent seize colonnes
ville au premier roi de la mythologie perse,
Ghaznavides ( 960-1150 ap.J.C.) : Les chefs
de 9,10m de hauteur, surmontĂŠes de
Key Kaous. Celui-ci aurait rÊgnÊ sur l’Iraq
militaires turcs ĂŠtablissent une base de pouvoir Ă
chapiteaux ouvragĂŠs dans un style grĂŠco-
HW DXUDLW EkWL XQ pGLĂ€FH IRUPLGDEOH XQH
Ghazni qui devient un empire musulman sous le
oriental, datant d’environ 160 avant J.-C.
tour gigantesque destinĂŠe Ă combattre
sultan Mahmud.
Le palais proprement dit, bâti en briques
Dieu.
Turcs
de terre crue, de forme mĂŠsopotamienne
C’est Êgalement à Balkh, durant son
Seldjoukides envahissent par le nord et occupent
avec des dĂŠcorations grecques, formait
sÊjour de deux ans, qu’Alexandre le
le nord et l’ouest de l’Afghanistan.
un rectangle de 250 x 350m. A l’arrière
Grand ĂŠpousa la princesse bactrienne
s’organisaient des bâtiments administratifs,
5RFKDQD Š OD UHVSOHQGLVVDQWH ª ÀOOH GX
autochtones de Ghor renversent les Seldjoukides.
la trÊsorerie et l’arsenal. Au nord, en
seigneur local Oxyartès. Cet acte devait
Mongols (1220-1380 ap.J.C.) : Gengis Khan occupe
ERUGXUH GX Ă HXYH XQ J\PQDVH WpPRLJQH
GRQQHU O¡H[HPSOH j VHV JpQpUDX[ DÀQ GH
l’Afghanistan, après lequel des dynasties locales
des traditions grecques, de même qu’un
placer les Grecs comme successeurs des
ĂŠmergent sous la domination de ses successeurs.
thÊâtre, en bordure de la rue principale.
AchÊmÊnides, rÊalisant ainsi l’alliance
Seldjoukides
Ghorids
(1050-1150
(1150-1220
ap.J.C.)
ap.J.C.)
:
:
Les
Les
dirigeants
Timourides ( 1380-1500 ap.J.C.) Timur conquiert
D’un diamètre de 42,25m pour 17m
rêvÊe entre l’occident et l’Orient.
O¡$IJKDQLVWDQ HW VRQ ÀOV 6KDK 5XNK GpSODFH OD
de hauteur, avec au moins trente-cinq
Cette ville, oĂš ĂŠtait nĂŠ en 1207 Mawlana
capitale de Samarkand Ă Herat.
rangĂŠes de gradins, et des loges pour les
Djalal od-din Balkhi (connu en Occident
Moghols ( Timourides, 1526-1707 ap.J.C.) : Babur,
notables Ă mi-hauteur, celui-ci pouvait
VRXV OH QRP GH 5RXPL OH 3RqWH VRXĂ€
fondateur de la dynastie moghole, lutte contre les
accueillir cinq mille spectateurs.
fut deux fois ravagĂŠe par Genghis Khan,
Safavides de Perse pour le pouvoir2.
Après
rĂŠgime
entre 1220 et 1221. La première fois, il
Au carrefour de l’Asie, à travers les âges,
communiste en 1992, la rÊgion d’Ai
incendia Balkh, en tua tous les habitants,
l’Afghanistan fut le pays de toutes les aventures des
.KDQRXP HVW GHYHQXH OH ÀHI GHV
HW V¡DSSOLTXD j GpWUXLUH OHV pGLÀFHV OHV
diffĂŠrents conquĂŠrants et empereurs qui, chacun,
commandants
ont
rĂŠsidences et les palais, de peur que les
RQW LQĂ Xp SDU OHXU FXOWXUH OHXU ODQJXH OHXU DUW HW
enlevÊs les pièces en pierre calcaire du
KDELWDQWV QH UHVWHQW ÀGqOHV j VRQ HQQHPL
leur architecture. L’Afghanistan est ainsi devenu
VLWH DÀQ GH V¡HQ VHUYLU GH PDWpULDX[ GH
Djalal od-din, roi du Khwarzem (Khiva).
un vĂŠritable pays-musĂŠe.
construction.
la
chute
du
locaux.
dernier
Ceux-ci
31
Deuxième Partie Introduction
La seconde fois, de retour de Pechawar, il
C’est dans ce royaume, entre tradition
Elle continue de s’enrichir du commerce entre le
trouva quelques survivants dans les ruines,
GH OD VFXOSWXUH JUHFTXH HW LQĂ XHQFHV
Moyen-Orient, l’Inde et la Chine. Le gÊographe
OHV H[WHUPLQD HW Š ÀW GLVSDUDvWUH WRXWHV WUD-
venues d’Inde, que le lieutenant Auguste
arabe Ibn Hauqal, comme son contemporain
ces de civilisation dans la rĂŠgion Âť.
&ODXGH &RXUW RIĂ€FLHU GH 1DSROpRQ HQ
l’historien Moqaddasi, dÊcrit les Balkhis comme des
En 1275, Marco Polo traversa Balkh qu’il
route pour Lahore, fut le premier en 1826
experts en sciences religieuses, et les Samanides
appela ÂŤ Balach Âť : ÂŤune grande citĂŠ,
Ă avoir remarquĂŠ la ville de Beghram,
encouragent les arts et la littÊrature. Ils bâtirent
PDJQLĂ€TXH DXWUHIRLV GRQW OHV 7DUWDUV RQW
capitale d’ÊtÊ Kouchane. SituÊe à 60 km
des monuments prestigieux comme le mausolĂŠe
partiellement dĂŠmoli les constructions. Elle
DX QRUG RXHVW GH .DERXO LO OD GpÀQLW DORUV
d’Esmael le Samanide à Boukhara-OuzbÊkistan,
contenait beaucoup de palais de mar-
comme l’Alexandrie du Caucase. C’est
dans le style abbasside, les mosquĂŠes de Samarra
bre et de vastes places, encore visibles
ici, au royaume de Kapisa, et non au
en Irak (IXe siècle), de Cordoue et de Tolède en
quoiqu’en ruine.  Le voyageur marocain
Gandhara du Haut Indus, que l’art grec
Espagne, et la mosquÊe Ibn Touloun en Égypte.
Ibn Battuta en tÊmoigne en 1333 alors qu’il
et l’art indien se rencontrèrent. Ceux-ci
 OD ÀQ GX ;H VLqFOH HW DX GpEXW GX ;,H OD YLOOH
n’en reste rien:  elle Êtait l’une des plus
donnèrent naissance à un art hybride qui
de Balkh souffre des rivalitÊs rÊgionales. Elle n’est
grandes et des plus ĂŠlĂŠgantes du monde.
LQĂ XHQoD OD SURYLQFH GH 6LQNLDQJ OD &KLQH
plus un centre politique ni ĂŠconomique: ce rĂ´le
Ses piliers ĂŠtaient incomparables. Âť
et le Japon. Sous les Kouchans, les voies
est dĂŠsormais dĂŠvolu Ă Ghazni. Mahmoud le
du commerce mettaient en relation la
GhaznĂŠvide embellit sa capitale de nombreux
Les Kouchans
Chine et l’Inde à Rome, ainsi que l’Égypte
monuments. Une vaste enceinte entourait la ville,
Nomades venus des steppes du nord, ils
et la Syrie. L’art du Gandhara, dans le
à laquelle quatre portes donnaient accès. À
engloutirent les petits royaumes grĂŠco-
triangle Kapisa-Lahore-Ghazni, provient
partir de 1019, grâce au butin gagnÊ lors de son
bactriens qui, gagnĂŠs par les rivalitĂŠs, se
de la rencontre des reprĂŠsentations de
expÊdition contre les Rajpoutes de l’Inde ainsi
combattaient entre eux. Des vestiges
Bouddha et de la descendance de l’art
qu’aux ouvriers ou esclaves ramenÊs par milliers,
datant
Grands
grec. A partir des modèles grecs originaux,
0DKPRXG ÀW FRQVWUXLUH XQH YDVWH PRVTXpH TX¡LO
Kouchans , et notamment de l’Empereur
de
l’Êpoque
des
ÂŤ
puis des fabrications locales, des artistes
augmenta d’une madrasa (Êcole religieuse), puis
Kanichka, ont ĂŠtĂŠ retrouvĂŠs Ă dix-huit
utilisant le stuc ou le schiste (suivant les
d’une somptueuse bibliothèque. La cour turque
kilomètres et demi au nord de Pol-Ê
rĂŠgions et les circonstances), ont donnĂŠ
devint l’un des hauts lieux de la culture persane. Le
Khomri, ville du nord de l’Afghanistan. Une
naissance Ă un admirable amalgame
sultan Mahmoud y attira savants, artistes, musiciens
colline entière, surmontÊe d’un temple
artistique, comme les stoupas de Hadda,
et poètes : Al-Berouni, historien, mathÊmaticien et
et d’un escalier monumental y menant
les stoupas de Nandarra, de Bimaran, de
astrologue, Ferdowsi (973-1048 originaire de Tous
(cinquante-cinq mètres de longueur et
Darounta, de Fondoqestan, les stoupas
dans le nord-est de l’Iran actuel) qui y terminera
sept mètres de large en trois volÊes et
bouddhiques des environs de Kaboul,
son chef-d’œuvre de la langue persane, le chah-
trois terrasses successives) ont ainsi ĂŠtĂŠ mis
Ghazni , Kandahar, Bamyan et Balkh.
nameh ( Geste des rois ) retraçant l’ÊpopÊe
Ă jour. Les Kouchans furent les passeurs
L’Islam
lÊgendaire des anciens rois de la Perse. D’autres
entre la Grèce et l’Inde et permirent le
En 736, la capitale de l’immense province
vont illustrer la cour de Mahmoud: Onsori, auteur de
dÊveloppement de l’art bouddhique de
omeyyade du Khorasan est transfĂŠrĂŠe de
ghazals (courts poèmes sur des sujets amoureux),
Gandhara.
Merv Ă Balkh. La ville lĂŠgendaire devient
Faruckhi, Manoutcheri qui ne craindra pas de
une vĂŠritable mĂŠtropole.
chanter l’ivresse procurÊe par le vin, Sanai le poète VRXÀ
Deuxième Partie Introduction
Le chroniqueur Al Otbi dÊcrit les fastes de l’empire
les
ghaznÊvide. L’historien de la cour, Bayhaqui, parle
le transport des marchandises par les
du palais lors d’une rÊception d’ambassadeurs: 
caravanes de dromadaires.
tous ceux qui contemplèrent cette merveille ce
Babour le fondateur du Grand Empire
jour-lĂ ne revirent jamais rien de comparable par
Moghol, construisit quelques monuments
la suite Âť. Al Otbi le dĂŠcrit aussi : ÂŤ Dieu avait ĂŠtĂŠ
timourides, jardins et systèmes d’irrigation
l’architecte et le dÊcorateur de cette splendeur
sur ses terres afghanes. Ses successeurs
de pays et ĂŠlevait ainsi ses serviteurs dans sa bontĂŠ
furent de grands bâtisseurs en Inde du
divine et son ordre. Âť
Nord. Babour passa sa vie Ă cheval,
En 1150, Ala od-din Hosayn, voulant venger son
combattant tel ou tel ennemi, punissant
frère tuÊ par les GhaznÊvides ordonna que tous
telle ou telle tribu rebelle Ă son pouvoir.
les habitants de sexe masculin soient tuĂŠs, les
Il ne parvint jamais Ă prendre HĂŠrat, la
femmes et les enfants emmenĂŠs en esclavage.
capitale dont il rêvait – ses successeurs
La ville fut incendiĂŠe durant sept jours et dĂŠtruite.
non plus.
Ala od-din en gardera le surnom de Djahan-souz ( ,QFHQGLDLUH GX PRQGH ª $X PLOLHX[ GH ;,9H VLqFOH le voyageur marocain Ibn Battoutah Êcrivit après sa visite :  Ghazni aujourd’hui n’est plus qu’un village dÊsolÊ entourÊ de ruines. , Lors des deux guerres anglo-afghanes, des combats eurent lieu près de Ghazni. Elle fut occupÊe par le rÊgime communiste entre 1978 et 1992, puis par divers commandants moudjahidin. Tamerlan, mort en 1405, laisse à ses ÀOV XQ LPPHQVH WHUULWRLUH WLPRXULGH &KDK 5RNK TXDWULqPH ÀOV HW VXFFHVVHXU GH 7DPHUODQ HQ DYDLW ÊtÊ gouverneur, avec l’aide de sa femme, la reine *RKDU &KDG ,O OD FRXYULUD GH PRQXPHQWV FRQÀpV aux architectes les plus talentueux de l’Êpoque, pour en faire l’une des citÊs d’art et de culture les plus prestigieuses de l’Orient. En 1526, les entrepôts de la ville d’Herat commençaient dÊjà à perdre leur importance sur la route de la soie. Au dÊbut GX ;9,qPH VLqFOH O¡LQVWDOODWLRQ GHV FRPSWRLUV portugais sur l’Île d’Ormuz, à l’entrÊe du golfe Persique, entraÎne le dÊclin progressif de la route terrestre :
vaisseaux
portugais
supplantèrent En 1519,
32
En résumé, quelques cartes chronologiques où l’on peut constater que O·LQÁXHQFH HW OD GRPLQDWLRQ YRQW HQJHQGUHU GLIIpUHQWHV FLYLOLVDWLRQV HW connaissances.
Deuxième Partie «Introduction»
500 av.J.C
323 av.J.C
100 av.J.C
50 av.J.C
34
35
Deuxième Partie «Introduction»
1 apr.J.C
50 apr.J.C
100 apr.J.C
200 apr.J.C
Deuxième Partie «Introduction»
300 apr.J.C
400 apr.J.C
475 apr.J.C
500 apr.J.C
36
37
Deuxième Partie «Introduction»
565 apr.J.C
600 apr.J.C
700 apr.J.C
800 apr.J.C
Deuxième Partie «Introduction»
900 apr.J.C
1025 apr.J.C
1100 apr.J.C
1200 apr.J.C
38
39
Deuxième Partie «Introduction»
1500 apr.J.C
1600 apr.J.C, L’Empire Mughal
1800 apr.J.C, 1772
1900 apr.J.C, 1880
Deuxième Partie «Introduction»
1947 On s’aperçoit que les diverses civilisations TXL RQW SHXSOp O·$IJKDQLVWDQ DX ÀO GHV VLqFOHV OXL RQW laissé en héritage un amalgame de traditions et de connaissances.
40
Espace et culture Afghane
Deuxième Partie Espace et culture Afghans
Par En Afghanistan, on peut constater une
ailleurs,
la
fracture
qu’impose
Ce n’est
transversalement le massif de l’Hindu
d’une
42
pas l’existence ou l’absence
fenĂŞtre
d’une
forme,
son
est
matĂŠriaux3.
emplacement et son orientation. De
nomades aux maisons en brique garnies de toits-
En Afghanistan, la mise en Ĺ“uvre de
même que ce n’est pas de savoir si on y
FRXSROHV HQ SDVVDQW SDU OHV SHWLWHV YLOOHV IRUWLĂ€pHV
l’espace est diffÊrente selon chaque
fait la cuisine ou si on y mange, mais juste
Ă DQTXpHV GH WRXUV GH JXHW HW OHV KDPHDX[ VXU SLORWLV
province.
oĂš et quand.
utilisant la pente des vallĂŠes. Les Afghans surent
s’organisent autour de cours centrales,
9RLFL TXHOTXHV XQV GHV FULWqUHV OHV SOXV
optimiser les particularitĂŠs du relief de leur pays et
fermĂŠes vis-Ă -vis du voisinage et de la
importants du mode de vie qui affectent
tourner Ă leur avantage les alĂŠas du climat.
UXH /D FXOWXUH SHXW GpÀQLU GHV ULWHV RX
la forme4.
RĂŠpartition des habitats:
des formes liĂŠs Ă la fonctionnalitĂŠ. La
Ils varient selon le climat, la possibilitĂŠ de cultures
forme que prend la maison dĂŠpend de la
1- Certains besoins fondamentaux
RX G¡pOHYDJH OD ]RQH WULEDOH HW VRQ LQà XHQFH
GpÀQLWLRQ TXH OHV KDELWDQWV RQW GH Š O¡DEUL
Les interdits religieux pouvaient affecter les
culturelle, le nomadisme ou la sĂŠdentarisation.
Âť, de la ÂŤ maison Âť et du ÂŤ besoin Âť.
coutumes (repas avec ou sans table) ainsi
les
maisons
sa
qui
.XFK LQĂ XH DXVVL VXU OHV IRUPHV HW OHV
gĂŠnĂŠral,
mais
porte
vaste variÊtÊ d’habitations, des modestes tentes de
En
importante,
ou
TXH G¡DXWUHV UqJOHV VSpFLÀTXHV DXWRXU GH la nourriture, entre autre, qui affectent de façon importante la forme de la maison. Dans les Qalas et Gumbaz, les cuisines sont sÊparÊes et isolÊes, gÊnÊralement construites à l’extÊrieur de la maison. En Afghanistan, les repas se dÊroulent gÊnÊralement assis en tailleur. Aujourd’hui cependant, cette tradition semble se SHUGUH DX SURÀW GH O¡LQWpJUDWLRQ G¡XQH table et de chaises, suivant le modèle occidental. Les consÊquences de ce nouvel usage pourraient se rÊpercuter sur l’espace traditionnel afghan ainsi que sur ses coutumes sociales: la nÊcessitÊ d’enlever ses chaussures, imposÊe par l’usage des tapis, disparaÎtrait et avec elle le porche ou la vÊranda oÚ on les retire et oÚ on les laisse. Le besoin d’avoir des chaussures s’enlevant facilement serait ÊliminÊ ainsi que l’emploi de sols spÊciaux.
43
Deuxième Partie «Espace et culture Afghans »
Des attitudes différentes affecteraient la
démarche,
les
costumes,
les
caractéristiques et les formes de tous les autres meubles, l’utilisation des armoires, des penderies, des miroirs, des lampes et des tableaux.
La hauteur sous dome (jusqu’à 4 mètres) est très agréable par fortes chaleurs.
La gumbaz, les constructions s’ornent de domes et de voutes en brique. ce système facilite la ventilation de l’habitation, maintient la fraicheur et permet l’utilisation de certaines pièces comme greniers. Localisation: nord, ouest et sud, avec des variantes.
Des terrasses sont baties au déssus des habitations épaulées par la muraille.
La Qala s’apparente à une forteresse médiévale. Jusqu’à cent personnes, généralement des agriculteurs, peuvent vivre derrière cette muraille en brique, ponctuée de tours de guet et desservie par une lourde porte. À l’intérieur, le chef de clan, la famille élargie, les ouvriers agricoles habitent des maisons en pisé au toit plat. Les femmes sont séparées des hommes. Certains ensembles possèdent meme leur mosquée. Localisation: est et nord.
Deuxième Partie Espace et culture Afghans
des
familles
ĂŠmigrĂŠes
de
44
2- La famille
L’une
la
Après la rÊnovation de quelques maisons
3- La place de la femme
quatrième vague, après avoir reçu un HLM
d’un ancien quartier de Kaboul, avec
Ă Nantes par le CNHR , ĂŠtait mĂŠcontente
l’aide d’Agha Khan, on peut dÊcouvrir
de la forme de la cuisine amĂŠricaine.
l’espace
7
4- L’intimitÊ La notion d’intimitÊ varie selon la
intĂŠrieur8
:
la
dĂŠcoration
culture. Par
Après avoir consultÊ le bailleur social,
avec les tapis, rideaux, poufs (matelas),
exemple, les Qalas et Gumbaz, oÚ les bâtiments
la cuisine a pu ĂŞtre sĂŠparĂŠe. La valeur
coussins‌ Les maisons comportent une
sont traditionnellement tournÊs vers l’intÊrieur, au
de l’espace clos n’a pas ÊtÊ reconnue
pièce principale et des chambres de
contraire des maisons anglo-amĂŠricaines tournĂŠes
seulement par les habitants du dĂŠsert,
diffÊrents statuts : une chambre d’ÊtÊ et
vers l’extÊrieur. Comme le disait Éric Torcq, 
mais tout le long de la MĂŠditerranĂŠe, par
une chambre d’hiver.
GĂŠnĂŠralement on constate des maisons modestes
les grecs et les Romains, constructeurs de
Les Êtagères sont dans les murs pour placer
à l’extÊrieur, mais à l’intÊrieur on dÊcouvre la
villas, par les Espagnols avec leur patios,
les choses fragiles, et dĂŠcrivent une forme
richesse.5 Âť Il existe une nette sĂŠparation entre les
autant que par les architectes arabes
d’arc qui symbolise l’islam. Le Coran est
lieux publics bruyants et le calme des domaines
dans les mosquĂŠes du Caire et les maisons
toujours placĂŠ sur le rayon le plus ĂŠlevĂŠ
privÊs, entre l’extÊrieur relativement dÊpouillÊ,
de Damas, Samarra et Fostat6.
en signe de respect. Normalement les
VLPSOH HW VREUH HW O¡LQWpULHXU TXL WHQG j UHà pWHU OD
5- Les relations sociales
Êtagères sont remplies par les photos des
richesse et le luxe.
Le dĂŠsir de se rencontrer est aussi un besoin
membres de la famille. La photo placĂŠe
Pour les arabes qui vivent dans le dÊsert, il n’y
fondamental. Ce qui est intÊressant, c’est
le plus haut est celle du chef de famille.
a pas de nature si ce n’est le ciel. Leurs abris
de savoir oĂš les gens se rencontrent. En
La prĂŠsence de tapis est essentielle. Ils sont
s’ouvrent donc sur celui-ci mais en aucun cas sur
France, ils se cĂ´toyaient dans les cafĂŠs et
souvent de couleur rouge. Les meubles
l’environnement alentour qui leur est hostile. On
les bistrots mais ils ne recevaient presque
(chaises et tables) sont rares, on mange
peut retrouver l’origine de cette ouverture dans le
jamais d’invitÊs chez eux. Ce processus
sur le tapis, en posant le nĂŠcessaire sur
modèle des Qalas et Gumbaz.
est maintenant en train de changer et
XQH JUDQGH QDSSH DĂ€Q GH OH SURWpJHU
Comme l’a dÊcrit Hassan Fathy:  son expÊrience
l’on utilise dÊsormais la maison comme
Les tapis sont lavĂŠs normalement une fois
de la nature est amère, parce que la surface de la
lieu d’accueil. En Afghanistan, avant la
par an, et on enlève les chaussures avant
terre est amère ; le paysage est un ennemi cruel,
guerre, les gens se rencontraient plus
d’entrer.
brĂťlant, aveuglant et aride, il ne trouve aucun
souvent à la maison qu’au restaurant ou
rĂŠconfort Ă ouvrir sa maison Ă la nature au niveau
au cafĂŠ. Mais ils pouvaient ĂŠgalement
du sol. L’aspect clÊment de la nature c’est le
se
ciel Âť
particuliers, comme des jardins avec des
6
retrouver
dans
certains
endroits
vendeurs de glaces saisonniers, ou dans des espaces rÊservÊs aux voyageurs ( chaikhana), frÊquemment utilisÊs. Les Afghans en France ont gardÊ leur rythme de vie, et se voient plus chez eux qu’au cafÊ ou au bistro.
45
Deuxième Partie «Espace et culture Afghans »
Depuis des siècles, les tapis nous par-
Les
viennent avec les épices et les objets
similaires aux tapis perses. Les deux pays
précieux. Le lieu d’origine et l’époque
ont après tout une frontière commune.
de fabrication du tapis noué ne sont pas
Traditionnellement, les tapis dits « afghans
-Bordures secondaires : elles peuvent être intérieures
connus avec certitude. Il remonterait en-
» sont conçus en Afghanistan et dans les
ou extérieures (par rapport à la bordure principale)
WUH OH ,,H PLOOpQDLUH DYDQW - & HW OH ,9q VLq-
régions environnantes.
et sont plus ou moins nombreuses, plus ou moins
cle en Asie. C’est un élément traditionnel
Pendant
du décor oriental. L’art du tapis serait né
différence entre le tapis afghan et persan
dans le monde des steppes, en Égypte ou
fut le travail du motif et dans certains cas,
en Perse.
les éléments de la conception du tapis.
tapis
afghans
de
sont
nombreux
relativement
siècles,
la
Ci-dessous sont présentées les différentes parties d’un tapis persan :
étroites. Les bordures extérieures sont parfois de couleur unie. -Bordure principale : elle complète l’ornementation du tapis et donne un équilibre à l’ensemble. -Champ : le champ est constitué de la partie interne du tapis, délimitée par les bordures d’encadrement. -Écoinçons : les écoinçons sont formés par les angles du champ. -Médaillon central : Les médaillons sont de formes diverses: circulaire, ogivale, étoilée ou polygonale. Ils peuvent être assortis de pendentifs. Le plus souvent, les tapis afghans sont faits de « Boukhara print », un motif également connu sous le nom de « pied d’éléphant », avec une forme octogonale, généralement de couleur rouge foncé ou marron clair. Boukhara est en fait une ville d’ Ouzbékistan et non d’Afghanistan. Un tapis afghan ne provient donc pas nécessairement d’Afghanistan. Beaucoup de nations environnantes ont adopté les mêmes styles et moyens de fabrication.
Deuxième Partie Espace et culture Afghans
Le première photo, à gauche, illustre le Tapis
Les Afghans de France considèrent la
Kashimar,
plus
dĂŠcoration traditionnelle afghane comme
gĂŠomĂŠtrique avec une bordure ÂŤmutilĂŠeÂť. Ces
un souvenir de leur pays. Des photos
deux tapis, d’un rouge profond, peuvent dÊcorer
de cavaliers, de statues de Bamyan,
n’importe quelle pièce de la maison et être utilisÊs
ou encore d’instruments de musique
de plusieurs façons, de la dÊcoration murale au
afghans (Dohol, Dombra, Dotar, Doyre,
tapis de sol.
Ghaychak, Harmonium, Rubab, Tabla,
La plupart des tapis afghans sont tissĂŠs par des
7DPEXU =HUEDJKDOLÂŤ SHXYHQW DLQVL RUQHU
rÊfugiÊs afghans (plutôt des troisième et quatrième
leurs murs.
le
second,
le
Tapis
Gem,
vagues) qui rÊsident au Pakistan et en Iran. L’un des plus exotiques et distincts de tous les tapis est le Shindand ou Adraskan tissÊ dans la rÊgion de Herat, dans l’ouest de l’Afghanistan.
46
47
Deuxième Partie Espace et culture Afghans 
Les rencontres Le Restaurant Afghani à Paris et le Restaurant Pamir à Nantes sont deux lieux que j’ai eu l’occasion de visiter. Le restaurant Afghani : Sur deux niveaux: un rez-de-chaussÊe avec des murs lambrissÊs agrÊmentÊs de robes traditionnelles, de babouches et d’objets typiques comme des instruments de musique et des jouets ; au sous-sol, des poufs disposÊs en carrÊ. Le restaurant Pamir : Une salle sobre, toute en longueur avec un Êtage en mezzanine. Les murs de l’Êtablissement sont ornÊs de patchworks, de photos de broderies, de VRUWHV G¡pFRLQoRQV HW GX %RWHK à HXU Š l’un des motifs les plus connus employÊs en Perse. 
Ariana : C’Êtait une des anciennes provinces
'¡R YLHQQHQW FHV QRPV " :
est
Afghani
approches de l’espace diffÊrentes selon
de
la pĂŠriode de leur arrivĂŠe en France :
d’Afghanistan
/HV SUHPLqUH HW GHX[LqPH YDJXHV : On
Pamir : est un massif de haute montagne
emploie des objets de dĂŠcoration pour
centrÊ sur le Tadjikistan, l’Afghanistan, la
se remÊmorer l’Afghanistan et de bons
Chine et le Kirghizistan ; il possède trois
souvenirs.
sommets principaux de plus de 7000
/HV WURLVLqPH HW TXDWULqPH YDJXHV : On
mètres dont le pic Ismail Sâmâni.
remarque les souvenirs de guerre et de
D’après l’ancien propriÊtaire du restaurant
misère qu’ils ont de l’Afghanistan.
Pamir (Qasim Osmani) qui est en retraite
l’Afghanistan.
l’unitÊ
de l’Empire achÊmÊnide qui a recouvert tout
Les Afghans qui habitent Ă Nantes ont des
monĂŠtaire
l’Afghanistan, l’est et le sud-est de l’Iran, le
peuple
Tadjikistan, le TurkmĂŠnistan et le nord-ouest du
Afghan
Pakistan.
maintenant, l’idÊe du logo ci-contre est celle du rassemblement, comme ces à HXYHV TXL FRXOHQW GDQV XQ VHXO HW PrPH bassin.
PersÊpolis : 5e siècle avant J.C. Bas relief de soldats
On pense que les lapis-lazuli retrouvĂŠs
mĂŠdians et achĂŠmĂŠnides, pendant que la rĂŠgion
dans des tombes ĂŠgyptiennes proviennent
a ÊtÊ connue sous le nom d’Ariana.
de la rÊgion du Pamir de la province de l’Afghanistan (Badakhshan)9.
Deuxième Partie Espace et culture Afghans
48
RÊinvention de l’espace en exil,
5-Restaurant Afghani Ă Paris. 'pÂżOp GH PRGH FRVWXPH ORFDOH 0D]DU L 6KDULI 1960-70
À travers ces photos, on peut retrouver les hiÊrarchies de savoirs faire et de traditions instituÊs depuis des siècles. OÚ
1-L’une de couronne  Tella Tapa  Colline d’or
qu’ils aillent, les Afghans les amène avec eux. Dans la première photo, on peut voir la couronne d’or qui fut trouvÊe dans un temple construit en 1600 avant J.-C DX 6KHEHUJKœQ QRUG G¡$IJKkQLVWkQ 6L[ tombes y ont ÊtÊ retrouvÊes et chacune d’elles contenaient entre deux mille cinq cents et quatre mille ornements. L’une d’elle est celle d’un haut dignitaire et les cinq autres sont celles de ses femmes, enterrÊes en même temps que lui, donc probablement tuÊes pour l’accompagner 0LQD 6KLU]R\ 6W\OLVWH PRQWUH VHV FRVWXPHV
dans l’au-delà .
SHQGDQW OH SURJUDPPH GX 6$$5& /H GpÂżOp GH
Dans la deuxième photo, on constate
mode Ă New Delhi 2007.
que l’actrice porte la même couronne, mais la couleur rouge n’apparaÎt pas aussi fortement qu’elle le devrait, comme O¡H[SOLTXH OH ÀOP GRFXPHQWDLUH Š Hidden
2-Rosario Dawson (actrice), Dans le rĂ´le de Roxanne, femme
treasure of Afghanistan Âť.
d’Alexandre.
Dans la troisième photo, on peut observer la prÊsence de la couleur rouge comme base de dÊcoration, notamment avec les tapis.
49
Deuxième Partie Espace et culture Afghans 
Dans la quatrième photo Mina Sherzoy
J’ai toujours commencÊ par acheter un
J’aime aussi la simplicitÊ et la commoditÊ dans une
fait revivre les conceptions culturelles
tapis ou des rideaux colorĂŠs, puis choisi
pièce oÚ je peux me dÊtendre. Quand une pièce
et les modèles de toutes les provinces.
mes couleurs Ă partir de lĂ pour dĂŠcorer
est trop encombrĂŠe de meubles ou de couleurs,
Pour Mina Sherzoy (troisième vague), le
ma maison. J’ai des meubles avec des
je ne peux pas me concentrer. Chaque chambre
WHUPH G¡HVSDFH HQ RFFLGHQW HVW XQ GpÀ
coussins beiges Nooristani. J’ai aussi fait
doit avoir un sens pour moi, avec des ambiances
Š 'pFRUHU XQH PDLVRQ HVW XQ GpÀ PDLV
des canapÊs noirs très modernes et des
diffĂŠrentes.Âť
si vous mĂŠlangez les styles occidentaux et
causeuses avec des tables basses et
afghans, le style obtenu est absolument
des tables d’appoint Nooristani. J’utilise
PDJQLÀTXH 3DU H[HPSOH M¡XWLOLVH OH
aussi beaucoup d’art afghan avec des
mobilier Nooristani (est d’Afghanistan) et
meubles modernes. Encore une fois, tout
je le mĂŠlange avec des designs modernes.
dĂŠpend. CelĂ dĂŠpend aussi du goĂťt, du
Les meubles Nooristani sont faits de bois
type d’ambiance que l’on cherche. Par
et sculptĂŠs Ă la main dans des couleurs
exemple, je voudrais avoir ma culture
sombres, ce qui les rend plus facile Ă
afghane dans ma maison parce que mes
assortir avec les couleurs que vous aimez,
racines appartiennent à l’Afghanistan.
ou tout simplement pour dĂŠcorer votre
-¡DLPH O¡DUW PDJQLÀTXH TXL SDUOH G¡XQ
maison. La plupart des motifs afghans sont
message. J’aime les couleurs, car elles me
GHV OLJQHV SDV GH FRXUEHV QL GH Ă HXUV 6L
rendent heureuse.
vous regardez les tapis, ils ont tous une
Le amo des Nouristanis
coupe droite . Mais aujourd’hui, ils copient les motifs de l’Iran ou de l’Inde car ils ont beaucoup GH PRWLIV à RUDX[ GDQV OHXUV FRQFHSWLRQV Regardez les Kilims (tapis pliables), toutes
C’est un village montagnard oÚ les maisons sontreliÊes par des escaliers et des Êchelles. Il HVW FRQVWUXLW HQ SLHUUHV HW HQ PDGULHUV JUDFH j OD SUpVHQFH GH IRUHWV VXI¿VDQWHV $JULFXOWHXUV et Êleveurs utilisent cette construction pour l’habitat, à l’Êtage, le stockage des denrÊes et les Êtables, en bas. Lorsqu’elles ne servent pas de sÊchoirs, les terrasses accueillent la vie communautaire. Localisation : nord-est.
les lignes sont droites. Ces I-coupures ( styles de motifs) utilisent un tissu du nord qui est à la mode ces jours-ci. Quand je fais la conception d’une maison, c’est une chose très personnelle car chacun a ses propres goÝts et styles. Cependant, tout le monde veut être diffÊrent, tant par À chaque niveau sa fonction propre.
le dÊcor que par ce qu’il porte. Le dÊcor d’une maison ne revient pas forcÊment cher, mais dÊjà plus que les vêtements.
Les maisons sont montÊes à partir d’une lourde charpente en bois.
Deuxième Partie «Espace et culture Afghans»
50
Dans le restaurant Afghani, on remarque que les
&HWWH UREH HQ YHORXUV DUERUH XQ PRWLI ÁRUDO
Le Restaurant Pamir :
vêtements ont été utilisés comme un objets de
Le dos, qui doit être couvert d’un châle,
Dans
décoration. D’après Yousouf Massour, le chef de
est en coton. La broderie comprend un
nombreux éléments de couleur rouge,
restaurant (troisième vague), tous ces objets sont
HQWUHODFHPHQW ÀQ HQ MDXQH /H FRUVDJH
notamment avec les patchworks et les
des cadeaux des Afghans, venus d’Afghanistan.
est recouvert de nombreuses pièces de
travaux de broderie.
Parmi des dizaines de types de vêtements, voici
monnaie et de perles, y compris gul-i-
les vêtements Kouchi.
peron (disques de décoration en feutre). Ceux-ci ont une histoire ancienne tandis que le cordage d’argent sur l’ourlet est moderne.
La
surcharge
de
matières, de motifs, de perles et de pièces ne doit pas être agréable à porter, mais cela crée une densité qui ne
montre
aucune
interférence entre ces bijoux.10
La culture Kouchie provient de l’est et du sud de l’Afghanistan Les Kouchis sont des éleveurs nomades, gitans, dont
les
vêtements
féminins,
SDUWLFXOLqUHPHQW ÁDPER\DQWV
en
tissu,
sont
ce
restaurant,
on
trouve
de
51
Deuxième Partie Espace et culture Afghans 
Chantale Osmani, Nantaise ayant fait ses Êtudes aux beaux arts, n’aimait pas la couleur rouge. Après avoir vÊcu 7 ans en Afghanistan avec son mari, on peut constater l’Êvolution de ses goÝts par la prÊsence de la couleur rouge dans sa dÊcoration.
Au fond de la salle, on remarque la fenĂŞtre avec ses bordure rouges. Les
Lors de ma visite chez madame et
motifs qui ont ĂŠtĂŠ utilisĂŠs pour les vitrages,
monsieur
qui ont pour rĂ´le de remplacer les
migratoire),
propriĂŠtaires
du
ULGHDX[ RQW pWp LQĂ XHQFpV SDU GHV GpWDLOV
restaurant Pamir, j’ai pu observer
la
de cĂŠramiques de la grande mosquĂŠe
mĂŞme base de dĂŠcoration.
d’Herat-Afghanistan.
Osmani anciens
(Première
vague
1.
Bernard Dupaigne, Afghanistan, monuments millĂŠnaires, Paris, Imprimerie nationale, 2007
2.
KWWS ZZZ DIJKDQLVWDQ FXOWXUDOSURĂ€OHV QHW
3.
Illustration François Brosse et Jean-Sylvain Roveri, avec la collaboration de Jean –Christophe Brisard. Sources :  Afghanistan, an atlas of indigenous GRPHVWLF DUFKLWHFWXUH ª SDU $OEHUW 6]DER HW 7KRPDV - %DUÀHOG 8QLYHUVLW\ RI 7H[DV 5HPHUFLHPHQWV DX &(5('$) 3DULV
4.
Amos rapoport, Pour une anthropologie de la maison, Paris, Dunod, 1972, p.84-96
5.
Une ville un architecte ÀOP %RXNKDUD HW 'RXFKDQEp YXV SDU eULF 7RUFT
6.
Hassan Fathy, Construire avec le peuple, Paris,Sindbad, 1970, p.104-106
7.
Centre Nantes d’HÊbergement des RÊfugiÊs
8.
Aga Khan Historic Cities Programme, Urban Conservation and Area Development in Afghanistan, Geneva, Switzerland, P 15
9.
wikipedia.org
10. Sheila Paine, Embroidery from Afghanistan, C&C Offset China, 2006, p.26-27
CONCLUSION DÊs le dÊbut de mon mÊmoire, je voulais prÊsenter les Afghans. Notre culture, nos coutumes et nos traditions. Pendant presque 40 ans de guerre, nous n’avons vu et entendu que la misère et l’infortune. En effet, rares sont ceux qui savent qu’il pouvait y avoir eu, par le passÊ, autant de gloire KLVWRULTXH FXOWXUHOOH DUWLVWLTXH HW VFLHQWLÀTXH Pourquoi les Afghans ont-ils quittÊ leur pays ? La question se pose encore aujourd’hui, malgrÊ la prÊsence des forces de l’OTAN et l’existence des organisations internationales. L’Êcriture de ce mÊmoire a pu être nourrie grâce aux voyages que j’ai pu faire en Europe ainsi qu’à mes rencontres DYHF OHV $IJKDQV pPLJUpV &H PpPRLUH HVW XQ UpVXPp JpQpUDO ,O UHà qWH PHV UHFKHUFKHV DFWXHOOHV FDGUpHV SDU XQ WHPSV OLPLWp PDLV FHWWH H[SpULHQFH pourrait durer des annÊes. Le but de mon mÊmoire Êtait d’atteindre la notion d’espace en Afghanistan à travers son Histoire. Les diffÊrentes rÊgions d’Afghanistan ont des YDOHXUV VSpFLÀTXHV HW YDULpHV j OD IRLV $XMRXUG¡KXL HQFRUH RQ SHXW \ GpFHOHU GHV WUDFHV GH FXOWXUH HW WUDGLWLRQV DQWLTXHV GXHV j O¡RFFXSDWLRQ GH l’espace par les AchÊmÊnides, SÊleucides, GrÊco-Bactriens, Kouchans, sassanides, ainsi qu’à l’art et l’architecture Islamique. Le terme d’espace en Islam rÊsulte Êgalement de diffÊrentes approches comme celle de la culture arabe, perse, turque et moghole. Ces diffÊrentes approches et rÊunions ont crÊÊ des espaces pluriels, colorÊs, et surtout expressifs.