Catalogue d'exposition "Amis/Ennemis. Mansfeld et le revers de la médaille."

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AMIS / ENNEMIS Mansfeld et le revers de la mĂŠdaille



AMIS / ENNEMIS Mansfeld et le revers de la médaille

30 MAI-21 OCTOBRE 2018

Catalogue de l’exposition réalisée au Musée Dräi Eechelen à l’ occasion des 500 ans de la naissance du comte Pierre-Ernest de Mansfeld dans le cadre de l’Année européenne du Patrimoine Culturel. Direction d’ ouvrage : François Reinert Auteurs : Cécile Arnould, François Reinert Transcriptions et traductions latines : Pierre Assenmaker Luxembourg, 2018.


Michael Eytzinger (c. 1530-1598), Novus de Leone Belgico eiusque topographica atque historica descriptione liber, Anvers, 1596. Reliure en veau brun à décor doré, 27.5 x 20.5 cm. MNHA/M3E 2016-214/001. Don des Amis des Musées. Au centre, une représentation de la Justice entourée par la citation Quod tibi fieri non vis alteri ne feceris, « Ce que tu ne veux pas qu’on te fasse, ne le fais pas à autrui » (Histoire Auguste, Alexandre Sévère, 50).


bruxelles-Luxembourg Mansfeld ! Voilà un nom qui sonne familier aux oreilles des Luxembourgeois. Il fait partie de notre patrimoine depuis des lustres et s’inscrit à merveille dans le programme « 2018 Année européenne du Patrimoine Culturel ». Il n’ en fallait pas davantage pour que l’ exposition commémore par la même occasion les 500 ans de la naissance du comte Pierre-Ernest de Mansfeld, né en 1517 au château de Heldrungen en Thuringe (Allemagne). Son nom, synonyme de la Renaissance espagnole au Duché de Luxembourg, reste associé à son luxueux palais et son magnifique parc à Clausen, véritable trésor caché en cours d’ aménagement, dont il ne subsiste plus que de rares vestiges. En revanche, deux de nos édifices publics les plus emblématiques ont été construits sous son gouvernement : le Palais Grand-Ducal ainsi que l’ ancien Palais de Justice et actuel Ministère des Affaires Étrangères. Ce dernier baptisé « Mansfeld », à l’ exemple du « Berlaymont » à Bruxelles, du nom d’ une illustre famille que notre comte côtoyait, montre l’ envergure de l’identification avec ce personnage historique, pourtant venu d’ ailleurs. En parlant de Bruxelles : Gouverneur du Duché de Luxembourg et du Comté de Chiny, Pierre-Ernest de Mansfeld y avait aussi un palais, près de la cour royale, du pouvoir et des conseils dans lesquels il siégeait parmi ses pairs, dont justement Charles de Berlaymont. Il y séjournait aussi souvent, voire plus souvent qu’ à Luxembourg, partageant sa vie entre ces deux villes aujourd’hui capitales européennes. L’ exposition « Amis/Ennemis. Mansfeld et le revers de la médaille » attire l’ attention sur le réseau social dans lequel Mansfeld a évolué dans les Pays-Bas. Un réseau, comparable aux différents réseaux sociaux en ligne de nos jours, qui se matérialise à travers la diffusion de médailles, à une époque marquée par de nombreux bouleversements. Ces précieuses pièces, échangées en gage de reconnaissance ou d’ amitié, permettent de tracer des liens, parfois anecdotiques, entre rois, gouverneurs, ministres, présidents de conseil, militaires, nobles seigneurs et autres humanistes. Ils étaient amis ou ennemis, selon les alliances. Nous nous réjouissons de pouvoir ainsi partager avec nos amis et voisins belges « notre » Mansfeld, oublié de nos jours à Bruxelles, et de rappeler aux Luxembourgeois que ce prince de la Renaissance ne résidait pas qu’ au Luxembourg, loin de là. Découvrez ainsi une page d’histoire commune entre deux pays voisins, illustrée grâce à un prêt exceptionnel de la Bibliothèque royale de Belgique, associé aux riches collections de notre médailler national pendant le temps de cette nouvelle exposition.

Guy ARENDT Secrétaire d’état à la Culture

Xavier BETTEL Premier Ministre, Ministre de la Culture

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Lettre de Pierre-Ernest de Mansfeld au magistrat (= autorités urbaines) d’Anvers, datée de Bruxelles, le 18 octobre 1567. Mansfeld y réclame le payement de 2.500 florins pour sa charge en tant que gouverneur de la ville. Encre sur papier, 30.8 x 20.3 cm. MNHA/M3E 2009-087/001. Messeigneurs, J’ envoie presentement mon secretaire devers vous avec la [barré : quelle] lettre que vous escrit Son Alteze, par laquelle elle me descharge du gouvernement de la ville d’ Anvers, vous veuillant neantmoins bien asseurer que, tousiours ou j’ auray le moyen d’ advancer le bien de laditte ville et de faire plesir a vous en particulier, je le feray asseureement de bien bon cueur. Et pour ce que je desireroie avant mon partement d’ icy donner ordre a mes affaires, je vous prie bien fort que me veuillez presentement accommoder de mon traictement, duquel estes chargé de me payer, tant des deux mil cincq florins dont je vous ay desia escript que du surplus jusques au jour de ma susditte descharge, selon que vous dira plus amplement mondit secretaire, et l’ estimeray a grand plesir, lequel seray tousiours prest a recognoistre au bien de laditte ville comme dessus et a chascun de vous en particulier. Messeigneurs, je prieray sur ce Dieu vous avoir en sa saincte garde. De Bruxelles, ce XVIIIe d’ octobre 1567. Vostre entyerement bien [?] bon amy. Mansfeld. (Transcription : Gilles Docquier)


Lettre de Pierre-Ernest de Mansfeld à son fils, Charles, datée de Luxembourg, le 19 avril 1586. Le comte y évoque son prochain voyage à Bruxelles « ou ie suis mande pour asister pour donner les coliers aux chevalliers » (de la Toison d’or). Encre sur papier, 32.8 x 21.2 cm. MNHA/M3E 2015-223/001. Mon fils, Retournant le present porteur Le Bare [ou Le Bac ?] vers le camp, l’ ay bien voullu acompaigner de cestes et vous dire come me partte demain vers Brusselles ou je suis mandé pour asister pour donner les coliers aulx chevalliers que sont denomés, et fais mon compte aytant [= aidant] Dieu estre audit lieu le vendredy prochain, dont vous ay bien voullu advertyr, ensemble que ne pretens demeurer plus que aprés les ceremonies soyent passés que estime tireront deulx jours, en cas me veullés mander [barré : escusser] de vos nouvelles vous bien me pouront trouver audit lieu, et ne servant estes pour aultre. Pryeray le Tout Puissant que a vous, mon fis, ayt toujours en sa sainte garde. De Luxembourg, ce XIX d’ apvril 1586. Votre affectionné et bon pere. Mansfelt. (Transcription : Gilles Docquier)

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amis-ennemis Le projet de l’ exposition remonte loin et a connu plusieurs moutures. L’ idée a germé dès 2001 à la faveur de l’ acquisition d’une spectaculaire médaille de Marguerite de Parme. Nous sommes alors tombés sous le charme de ces œuvres sculptées incroyablement fines et précieuses. Il s’ est concrétisé fin 2015, suite à l’ ouverture du nouveau Cabinet des Médailles au MNHA. Nous avons alors projeté une exposition numismatique dédiée à l’ œuvre du médailleur Jacques Jonghelinck, si magistralement étudiée par Luc Smolderen en 1996. La majeure partie de ses réalisations se trouvant à la Bibliothèque royale de Belgique, une collaboration avec nos collègues belges s’imposait. Le projet d’ exposition « Jacques Jonghelinck, médailleur de la cour d’Espagne à Bruxelles » tenait alors dans six tiroirs, quatre à Bruxelles, deux à Luxembourg, et mettait l’ accent sur l’introduction de l’ art de la médaille Renaissance dans les Pays-Bas. Au fur et à mesure, le projet s’ est transformé en exposition historique. Dans le cadre des 500 ans de la naissance de Mansfeld, nous avons décidé de changer de lieu et de propos. Les murs historiques du M3E s’y prêtaient effectivement mieux. Le Cabinet des médailles du MNHA devient ainsi prêteur au M3E, un des buts de l’ exposition étant de mettre en valeur nos propres collections et les acquisitions récentes. Après mure réflexion, suivant l’ adage voulant que les meilleures expositions numismatiques sont celles sans monnaies et sans médailles – rassurez-vous, il reste encore 90 médailles de Leone Leoni, Jacques Jonghelinck, Jacopo da Trezzo, Giovanni Melone, Conrad Bloc, Antoni Abondio –, nous avons décidé d’ élargir notre horizon et d’introduire Mansfeld comme plaque tournante de l’ exposition, replacée dès lors dans le contexte de notre histoire nationale, ce qui évitait une simple redite de Smolderen ou de l’ exposition « Un prince de la Renaissance. Pierre-Ernest de Mansfeld (1517-1604) » au MNHA en 2007. Les médailles illustrent l’histoire métallique des Pays-Bas et le réseau social que Mansfeld a entretenu à Luxembourg et à Bruxelles. L’ évocation est complétée par des dessins, gravures, trésors, tableaux, livres et pièces insolites en rapport avec Mansfeld et les autres personnages historiques. Un des critères – forcément aléatoire – de la sélection était leur provenance, soit des collections de Bruxelles (Bibliothèque royale de Belgique, Musée royaux des Beaux-Arts de Belgique, Musée de la Ville de Bruxelles, collection privée), soit de celles du Luxembourg (MNHA, Lëtzebuerg City Museum, Bibliothèque nationale, Bibliothèque du Grand Séminaire). Que les prêteurs soient vivement remerciés ! Et « Amis-Ennemis » alors ? Cette époque fascinante de la Renaissance aux Pays-Bas est une période charnière à l’ aube des Temps modernes – en fait, nous nous limitons essentiellement à la deuxième moitié du XVIe siècle, qui correspond à la période d’ activité des protagonistes, le gouverneur Mansfeld († 1604), le médailleur Jonghelinck († 1606), et Philippe II, roi d’Espagne († 1598). Ce demi-siècle déterminant pour l’histoire du duché, alors ancré dans les Pays-Bas Espagnols, fut rempli de guerres incessantes et de révoltes – les innombrables conflits de cette période excessivement violente remplissent le gros volume du Leo Belgicus. Il y avait donc de quoi de se faire des ennemis et Mansfeld n’y a pas manqué : sur les champs de bataille en France, mais aussi en politique dans les Pays-Bas, notamment le cardinal Granvelle et les gouverneurs généraux Albe et Fuentes. Des amis dans ces temps difficiles ? Pas vraiment. Plutôt des alliances avec les Hornes et les Brederode, et la recherche de la bonne entente avec les princes de sang que nous vous invitons à découvrir au fil des pages de ce catalogue et dans l’ exposition.

François Reinert Conservateur délégué à la direction du Musée Dräi Eechelen


Michael Eytzinger (c. 1530-1598), Novus de Leone Belgico eiusque topographica atque historica descriptione liber, Anvers, 1596. Reliure en veau brun à décor doré, 27.5 x 20.5 cm. MNHA/M3E 2016-214/001. Don des Amis des Musées. Au centre, une représentation de la Fortune entourée de la citation Passibus ambiguis Fortuna volubilis errat, nec manet in uno certa tenaxque loco, « À pas incertains, la Fortune erre, changeante, et elle ne reste pas en un seul lieu, assurée et fixe » (Ovide, Les Tristes, V, 15-16).

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Frans Hogenberg (1535-1590), Leo Belgicus. Gravure sur cuivre colorée extraite de Michael Aitzinger (c. 1530-1598), Novus de Leone Belgico, Cologne, c. 1590, 37 x 45 cm. MNHA/M3E 2014-297/001. Les Dix-Sept provinces sont cartographiées sous la forme d’un lion. Luxembourg se situe dans la patte avant gauche.


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la cour à bruxelles s’ articule autour

du Palais du Coudenberg, résidence des ducs de Brabant depuis le XIIe siècle jusqu’ à l’incendie de 1731. C’est dans l’ aula magna, la salle d’ apparat construite par Philippe le Bon, duc de Bourgogne, que Charles Quint abdiqua devant toute la noblesse des Pays-Bas, le 25 octobre 1555. Sous son règne, la cour impériale s’installe à Bruxelles, qui devient le centre administratif, politique et culturel des Pays-Bas. Le sculpteur milanais Leone Leoni y travaille dès 1549. Les Grands des Pays-Bas et des hauts dignitaires cherchent à construire leurs demeures à proximité du palais ducal, à l’ exemple de la riche résidence de la famille de Nassau. Non loin de là, le ministre Granvelle se fait ériger un splendide palais à la romaine. Mansfeld hérite en 1556 de son beau-père, Renaud de Brederode, d’un domaine dans le quartier de la cour et ne cessera de l’ agrandir. La propriété sera saccagée en 1577 avec d’ autres demeures nobiliaires, dont celle de Granvelle, lors de la révolte des États généraux contre le gouverneur général, don Juan d’Autriche. De toutes ces résidences princières, il ne reste plus que quelques rares vestiges enfouis. Philippe II, élevé auprès de sa mère en Espagne, ne vient à Bruxelles qu’ en 1549. À la différence de son père, né à Gand et élevé auprès de sa tante Marguerite d’Autriche à Malines, Philippe connait peu les Pays-Bas. Les coutumes, les libertés des villes et l’ arrogance des nobles le surprennent et l’ irritent. Il quitte Bruxelles pour l’ Espagne en 1559, sans intention d’ y revenir. Il dirigera les Pays-Bas depuis Madrid, en nommant des membres de sa famille comme gouverneurs généraux. L’ absence du roi sera l’une des causes de la rébellion.

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Frans Hogenberg (1535-1590), Plan de Bruxelles. Gravure extraite de Georg Braun (1541-1622) et Frans Hogenberg, Civitates orbis terrarum, Cologne, 1572-1618, 34.4 x 47.5 cm. MNHA 2005-32/001. L’emplacement du palais de Mansfeld à Bruxelles se trouve en haut à droite.


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Peter Snayers (1592-1667) (attribué à), Le comte de Bournonville dans son carrosse devant son hôtel à Bruxelles. On distingue la tour de la Grand’Place au centre et l’Église du Sablon à droite. Huile sur toile. 1649. 154 x 222 cm. © Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique - 2907, Bruxelles / photo : J. Geleyns - Art Photography.


Lieu de résidence de Mansfeld à Bruxelles, le domaine a été étendu et embelli suite à l’héritage de son beau-père Renaud de Brederode en 1556. À la mort de Mansfeld, l’hôtel échoit à Marie-Christine d’Egmont, duchesse de Bournonville et épouse de Charles de Mansfeld. Des réaménagements sont effectués par ses héritiers, dont le comte Alexandre de Bournonville en 1618.

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CHARLES QUINT Qui ? Charles Quint est né au Prinsenhof à Gand en Flandres, le 24 février 1500. Fils de Philippe le Beau de Bourgogne et de Jeanne de Castille, il est l'héritier de quatre dynasties : Bourgogne, Habsbourg, Aragon et Castille. Il sera proclamé duc de Bourgogne en 1506 et roi d’ Espagne le 14 mars 1516 dans la collégiale Sainte-Gudule à Bruxelles. Empereur en 1519, il abdiqua solennellement de tous ses pouvoirs en 1555, et ceci dans l’ aula magna du palais du Coudenberg à Bruxelles, où il avait été reconnu souverain des Pays-Bas en 1516 par les États généraux. Agé de 55 ans, affaibli par les maladies – il souffrait entre autres d’ une goutte particulièrement virulente – et les conflits incessants, il avait vieilli avant l’ âge. Il décéda de la malaria le 21 septembre 1558 dans sa retraite en Espagne, le monastère hiéronymite de Yuste (province de Cáceres), après une vie marquée par des luttes incessantes contre les rois de France, François Ier, puis son fils Henri II, contre la réforme en Allemagne et contre les Turcs. Son corps sera transféré à l’ Escorial par Philippe II en 1574. Son immense empire, sur lequel le soleil ne se couchait jamais, fut reparti entre son fils, Philippe II, qui sera désormais roi d’ Espagne et son frère Ferdinand Ier, roi des Romains, empereur de 1556 à 1564. Depuis un certain temps, ce dernier regardait d’ un œil méfiant la politique de Charles Quint, qui privilégiait son propre fils aîné, alors que des parties de l’ héritage en Flandre et en Italie étaient promises à ses neveux autrichiens. Pour calmer ces irritations, la fille de Charles Quint, Marie, épouse en 1548 son cousin Maximilien II d'Autriche (1527-1576), fils de Ferdinand, alliance qui sera poursuivie par celle entre Philippe II qui épousera en 1570 sa nièce, Anne d'Autriche (1549-1580), issue de cette union. C’ est aussi la raison pour laquelle les fils de Maximilien II, les archiducs Matthias et Ernest, seront installés comme gouverneurs généraux des Pays-Bas plus ou moins officiels aux Pays-Bas, tandis qu’ un mariage unissait leur frère l’ archiduc Albert à Isabelle, fille de Philippe II. Luxembourg Le destin personnel de l’ empereur est lié à l’ histoire du Luxembourg par plusieurs événements : ainsi, le premier titre dont il a été investi était celui de Duc de Luxembourg, que son père, Philippe le Beau, lui légua peu après sa naissance. En 1525, il confirma les privilèges de la ville de Luxembourg, et organisa le Conseil provincial en 1531. Sous son règne, le Luxembourg eut beaucoup à souffrir des guerres avec la France. En 1542 la forteresse capitule, retombe aux mains des impériaux neuf jours plus tard, doit capituler à nouveau le 10 septembre 1543, avant d’ être reprise par les impériaux le 5 juin 1544. À son retour du siège désastreux de la cité de Metz, Charles Quint, gravement malade, séjourna pendant tout le mois de janvier 1553 dans son château ducal de Luxembourg. Mansfeld Pierre-Ernest de Mansfeld commence son éducation de page à l’ âge de 11 ans à la cour de Ferdinand d’ Autriche, roi des Romains et frère de l’ empereur Charles Quint. à partir de l’ expédition à Tunis en 1536, il se trouve dans la suite de Charles Quint. En tant qu’ écuyer tranchant, il accompagne l’ empereur en Espagne et vient la première fois aux Pays-Bas en 1540. En 1543,

il commande une compagnie de cavalerie et sera lieutenant devant Saint-Dizier en 1544 dans le régiment de son beau-père, le comte de Brederode. Le 2 juin 1545, il finit par accaparer la charge de gouverneur et capitaine général à Luxembourg. Le 30 janvier 1546, il est nommé chevalier de la Toison d’ or. Comblé d’ honneurs, il ne sembla pourtant pas avoir participé à la bataille de Mühlberg en 1547, peut-être en respect de ses origines allemands. La guerre de frontière avec Henri II, roi de France, commence fin mars 1551, et elle se poursuivra jusqu’ en 1559. La province de Luxembourg se retrouve au centre du conflit et le comte de Mansfeld, exposé, sera fait prisonnier dès le début à Yvoix (Carignan) après la capitulation de la place, le 23 juin 1552. L’ empereur refuse cependant de payer la rançon de Mansfeld, se sentant trahi par ce dernier. Ainsi, le comte restera en captivité au donjon de Vincennes pendant cinq bien longues années. En fait, il devra attendre l’ abdication de Charles Quint pour se faire réhabiliter par Philippe II. Ce dernier s’ était assuré que lors du siège d’ Yvoix, Mansfeld avait bien fait son devoir alors que sa garnison avait refusé de continuer le combat. La médaille Au mois de mars 1549, alors que Leone Leoni venait de se rendre à Bruxelles, l’ empereur lui commanda cette impressionnante médaille. Ce sera son premier portrait de Charles Quint, bien avant la fonte de sa fameuse statue aujourd’ hui au Prado. La médaille sera même mentionnée par Vasari comme son œuvre, en précisant qu’ elle est gravée en un grand coin. Sa majesté m’ ordonna encore que je lui fisse tout de suite deux médailles, l’ une avec son effigie, l’ autre avec celle de l’ Impératrice, d’ après beaucoup de portraits que Sa Majesté me fit voir. (…) Et afin que je fusse plus encouragé et plus tranquille dans son service, Sa Majesté m’ a fait donner une chambre dans son palais, au-dessous de celle où Elle couche. Mais la réalisation prendra son temps, puisqu’ en septembre 1549 il constate : Il ne me reste donc qu’ à finir les deux médailles d’ or, l’ une de l’ empereur, l’ autre de l’ impératrice. Il ressort d’ une lettre du 20 décembre 1549 qu’ elles ne seront fondues qu’ à Milan, sur la base des modèles qui se trouvent encore dans les caisses. Au revers, sous les vers de Virgile DISCITE IVSTITIAM MONITI (et non temnere divos) – Vous qui avez été avertis, apprenez la justice (et le respect des dieux) (Virgile, Énéide, VI, v. 620) se déploie la composition la plus agitée jamais réalisée sur une médaille : Jupiter (Charles Quint), porté sur son aigle et entouré des dieux, foudroie les Géants qui s’  efforcent d’  escalader l’ Olympe. Cette gigantomachie ferait allusion à la bataille de Mühlberg le 24 avril 1547, où l’ empereur remporta la victoire contre les chefs protestants de la ligue de Schmalkalden. 1 Argent I 70 mm I 72,21 g I Ech : 2/1 I Pollard 492 I MNHA 1983-157 Leone Leoni (1509-1590) • IMP(erator) • CAES(ar) • CAROLVS • V • AVG(ustus) L’ empereur et César Charles V Auguste Buste de Charles Quint, barbu et couronné de laurier, à droite. Cuirassé, l’ empereur porte le collier de la Toison d’ or.

DISCITE IVSTITIAM • MONITI Apprenez à être justes : vous voici avertis (Virgile, Énéide, VI, 620) Jupiter combattant les Géants. Les foudroyant, les assaillants chutent des rochers de l’ Olympe qu’ ils tentaient d’ arpenter.


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Pieter van der Brocht (attribué à) – Bartholomé de Mompere (éditeur), Le Koert de Bruxelles. Gravure colorée, après 1553, 41.1 x 52.4 cm. Bibliothèque royale de Belgique – S II 11445. La gravure représente le palais du Coudenberg où l’on peut distinguer la chapelle et l’aula magna. À l’arrière-plan, certaines résidences de la haute noblesse sont représentées : l’hôtel de Nassau, l’hôtel de Fuentes et l’hôtel de Croy.


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PHILIPPE II Qui ? Philippe II (Valladolid, 21 mai 1527 - Palais de l’Escurial, 13 septembre 1598) fils aîné de Charles Quint et d’ Isabelle de Portugal, duc de Milan en 1540, roi de Naples et de Sicile en 1554, devient souverain des Pays-Bas et roi d’Espagne suite à l’ abdication de son père, Charles Quint, en 1555. Il sera roi du Portugal en 1580. Il sera marié quatre fois. Par son deuxième mariage avec Marie Tudor, il devient roi d’Angleterre de 1554 à 1558. Sa fille Isabelle, fruit de son troisième mariage avec élisabeth de France, lui succédera aux Pays-Bas. Sa quatrième épouse Anne d’Autriche, lui donnera enfin l’héritier au trône, Philippe III, don Carlos, issu du premier mariage avec Marie-Manuelle de Portugal, étant devenu fou. Timide, méfiant, hésitant, profondément religieux, élevé en Espagne auprès de sa mère et parlant surtout le Castillan et le Portugais, il est loin d’ être aussi cosmopolite que son père. Après 1559 et son départ des Pays-Bas, il ne quittera plus la péninsule ibérique. Les possessions de la couronne espagnole et portugaise en Amérique lui assurent des ressources quasi intarissables, ce qui l’ entrainera dans les conflits contre l’ Angleterre, la France et les Turcs. Mais le plus grand souci de son règne sera l’interminable révolte des Pays-Bas. Mansfeld En mars 1549, le jeune prince Philippe d’Espagne, âgé de 22 ans, est reçu par le gouverneur à Luxembourg lors de son premier voyage aux Pays-Bas. Mansfeld assiste entre avril et août aux somptueuses fêtes en l’ honneur du Prince à la cour de Bruxelles et dans les résidences de Marie de Hongrie à Binche et Mariemont. Il est même blessé lors d’une joute, où il se casse le nez. Début septembre, il sera témoin de la joyeuse entrée de Philippe à Anvers où sera également célébré le mariage de sa belle-sœur, Hélène de Brederode, avec Thomas Perrenot de Granvelle, auquel assiste la famille impériale. De retour, Mansfeld recevra en octobre 1549 au nom du prince Philippe le serment de fidélité du Luxembourg. Au printemps 1550, nous le retrouvons à de nouvelles joutes à Bruxelles. En 1551, le prince Philippe repasse par le Luxembourg avant de retourner en Espagne. En 1552, la captivité de Mansfeld mettra un terme à ces rapports privilégiés. Mais ce sera bien Philippe II qui réhabilitera le comte de Mansfeld en 1557, ce que ce dernier lui vaudra bien en l’ aidant à remporter la victoire de Saint Quentin peu après. Leur relation ne sera plus pareille après le départ du roi en 1559, Philippe II se méfiant de plus en plus de ce gouverneur lié au principaux acteurs de la révolte. Ils ne se reverront plus, mais le roi pourra toujours compter sur la loyauté du comte, auquel il donnera ses missions par écrit, tandis que Mansfeld formulera ses demandes, surtout pécuniaires, en retour. La médaille Jacopo Nizzola da Trezzo (Trezzo sull’Adda, 1514 - Madrid, 1589) était orfèvre, médailleur et surtout graveur en pierres fines. Il travailla à Milan, grand centre de la glyptique, et deviendra en 1550 graveur de camées du duc Cosimo de Medici à Florence. En 1553, il entra en service de Philippe II, qui lui donne le titre de sculpteur, et passe aussitôt en Angleterre, pour y graver la médaille de Marie Tudor. Il séjourne en Flandre de

1556 à 1559, lorsqu’il suivit le roi en Espagne, où il se consacra à partir de 1579, avec Pompeo Leone, à la décoration de l’Escorial. De neuf ans son cadet, rien ne prouve qu’il a été l’ élève de Leone Leoni, même si ses médailles montrent clairement l’influence de ce dernier. Il n’ était certes pas aussi adroit que le maître milanais dans la réalisation de revers complexes, mais il avait le goût des grandes compositions. Des onze médailles qu’il réalisa de 1548 à 1578, huit sont fièrement signées, rendant ainsi l’ attribution à l’ artiste évidente, détail dont on aimerait disposer pour bien d’ autres médailles. Selon Babelon « Trezzo n’ est, à aucun titre, un créateur génial montrant de nouvelles voies : c’ est un homme de goût et de talent, et un artiste extrêmement adroit, d’une remarquable dextérité de touche, due, sans aucun doute, à sa pratique de lapidaire ». La représentation du roi est spectaculaire. Par son relief très important il semble pour ainsi sortir de la médaille ! Une des principales caractéristiques de l’ œuvre de Jacopo da Trezzo est la longueur du buste, coupé à mi-corps. L’  accent est mis sur la représentation de la très riche armure, tandis que la tête, sur laquelle cheveux et barbe sont rendus minutieusement, semble presque disparaitre. La médaille, célébrant l’ avènement de Philippe II en 1555, montre le jeune roi à 28 ans. Elle forme le pendant à la médaille de Marie Tudor, réalisée à l’ occasion de leur mariage le 25 juillet 1554. Le revers montre Apollon, conduisant le char du soleil au début de sa course, le soleil ascendant, et ainsi le jeune roi au début de son règne. Il s’ élance au-dessus d’un vaste paysage stylisé qu’il s’ apprête à illuminer. Les arbres et les rochers qui se dressent des deux côtés de la scène, la mer avec ses eaux ciselées, les rives couvertes de maisons sont des précurseurs du style de Jonghelinck. Certains y voient le roi traversant le Pas-de-Calais pour l’ Angleterre - en allusion avec son mariage avec Marie Tudor – mais il est plus probable qu’il s’ agit tout simplement d’une représentation idéalisée de la terre, illuminée par le soleil. La légende IAM ILLVSTRABIT OMNIA – Bientôt il éclairera tout, est attribuée à l’humaniste Girolamo Ruscelli (15181566), Impresi Illustri de 1565. Ainsi introduite, elle deviendra une des plus célèbres de Philippe II. Il est le premier monarque à s’ approprier la symbolique solaire, en tant qu’ image du pouvoir universel. Il sera suivi par le roi Henri III de France et surtout par Louis XIV.

2 Argent I 67 mm I 91,6 g I Ech : 2/1 I Weiller 1983, 27 I MNHA 1981-099/001 (Ex-collection of His Grace the Duke of Northumberland removed from Alnwick Castle, Auction Sotheby’s, 17 juin 1981, 429) Jacopo da Trezzo (1514-1589) PHILIPPVS • REX • PRINC(eps) • HISP(aniarum) • AET • S(uae) • AN(no) • XXVIII / IAC(obus) • TREZZO • FEC(it) • 1555 Philippe, roi, prince d’ Espagne, à l’âge de 28 ans. / Œuvre de Jacopo da Trezzo, 1555 Buste cuirassé de Philippe II, à droite. IAM • ILLVSTRABIT • OMNIA Désormais, il illuminera tout Apollon conduisant un quadrige, traversant le ciel. En contrebas, une scène côtière. Sur la gauche, un îlot rocheux et sur la droite, un port fortifié.


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TABLE DES MATIères bruxelles-luxembourg 5 AMIS-ennemis 8 la cour à bruxelles 13 charles quint 18 Phillipe II 22 Anne d’ autriche 24 Marguerite de parme 29 Granvelle 39 Granvelle par Leoni 40 Granvelle par Jonghelinck 1555/1556 42 Granvelle par Jonghelinck 1560/1561/1564 46 Granvelle par Compagni 52 Granvelle par Melone 54 Maximilien morillon 56 Viglius 59 les militaires 69 Paul Pfintzing 70 FERDINAND Ier GONZAGUE 72 REINHARD COMTE DE SOLMS 74 la victoire de saint-quentin 78 éric de Brunswick 82 Hans Walhardt 84 René de CHALLAN VALLENGIN 86 les humanistes 89 NICOLAS DE BUSLEYDEN 90 Lucas Munich 92 Josse De Damhouder 94 Hyppolyte Persyn 98 Abraham Ortelius 100 LAEVINUS TORRENTIUS 104 jean Bertels 106 Jean richardot 108 Juste Lipse 110


Les bourgeois et les seigneurs 113 jean Walravens 114 PIERRE AERTS ET JEAN PERES 116 JEAN ScheyFve 118 Jean D’ argenteau 122 Servais SteelAnt 124 La rébellion 127 PHILIPPE DE HORNEs ET WALBURGE de nuenar 130 Antoine van stralen 134 Les Gueux 136 guillaume de JULIERS et de clèves 138 philippe de Croy 140 LE DUC D'albe 142 statue du Duc d’ albe 146 Les états généraux 149 DéMANTèLEMENT DE LA CITADELLE D’ ANVERS 152 L’ édit Perpétuel 154 Don Juan D’ autriche 156 PHILIPPus-daeler 158 jacques-hannibal de hohemens 160 guillaume D' orange 162 L' Archiduc Matthias 168 Les Malcontents 170 françois de valois, duc de brabant 172 Jean Lautens 174 Charles-philippe de Croy 176 alexandre Farnèse 179 Les planètes 189 les planètes 194 Gaspar Schetz 198 mansfeld 201 L'archiduc Ernest 204 le comte de fuentes 208 la reprise de lierre 212 ALbert et Isabelle 214 pierre-ernest DE mansfeld 216


AMIS / ENNEMIS Mansfeld et le revers de la mĂŠdaille


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