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Robert Brandy. Pourquoi cette exposition maintenant ? Michel Polfer
robert brandy. Pourquoi cette exposition maintenant ?
Préface par Michel Polfer | Directeur du Musée national d’histoire et d’art
L’exposition que le présent catalogue accompagne me semble mériter d’être qualifiée d’exceptionnelle à plus d’un égard.
D’abord par la qualité évidente de l’art de Robert Brandy et sa carrière impressionnante, au Luxembourg et à travers le monde.
Ensuite, parce qu’elle rompt avec un principe en usage depuis l’ouverture de notre musée au public en 1946. À savoir celui de ne jamais consacrer de rétrospective aux artistes luxembourgeois de leur vivant. Ce principe reposait sur un argumentaire simple: dans un petit pays, comptant un seul musée capable de présenter des expositions de grande taille, il s’agissait d’éviter toute jalousie et toute pression.
Or voilà que le Musée national d’histoire et d’art présente à partir du 2 avril 2021 Robert Brandy face à lui-même alors que l’intéressé est – heureusement – parmi nous et plus actif que jamais. C’est que le Luxembourg, et avec lui sa scène culturelle et artistique, a connu une évolution considérable sur les trente dernières années. De nouveaux musées, centres d’art et galeries ont fait leur apparition. De plus en plus d’artistes se détournent d’une pratique à temps partiel seulement et prennent le risque de se lancer dans une carrière de créateur indépendant en cherchant à vivre de leur art. Avec l’exposition que nous consacrons au parcours de Robert Brandy, nous tirons de cette professionnalisation croissante de la scène artistique luxembourgeoise une conséquence qui nous semble logique, en abandonnant un «principe de programmation» désormais caduc. Et qui pourrait mieux représenter cette période de maturation et d’affranchissement du secteur artistique de notre pays que Robert Brandy, un des pionniers du statut de l’artiste libre et indépendant au Luxembourg?
Soulignons que Robert Brandy face à lui-même diffère aussi des expositions d’art contemporain présentées jusqu’à présent au MNHA par l’intégration d’une partie documentaire sur l’artiste et son rôle dans le développement du statut de l’artiste indépendant au Luxembourg. Elle constitue la première manifestation publique d’une institution nouvelle, appelée à développer l’étude scientifique de l’histoire de l’art de notre pays. Car si le développement de la scène artistique a été rapide au cours des dernières décennies, on ne peut pas en dire autant de la recherche scientifique consacrée à l’histoire de l’art du Luxembourg. Conscient de cette lacune, le gouvernement a pris la décision d’y remédier par la mise en place du Lëtzebuerger Konschtarchiv, qui sera rattaché au Musée national d’histoire et d’art pour y constituer un deuxième centre de documentation et de recherche après celui sur la Forteresse de Luxembourg. Une cellule de préfiguration est désormais installée et a lancé les travaux de programmation scientifique. Nul doute que les apports du Lëtzebuerger Konschtarchiv enrichiront nos futures expositions sur l’art du Luxembourg. Nul doute aussi que le contact privilégié avec les artistes pendant la préparation de rétrospectives contribuera à développer de nouveaux axes de recherche et à enrichir les fonds documentaires du nouveau centre de recherche. Dans cette perspective aussi, quel meilleur sujet pour une telle première que Robert Brandy? Grâce à sa gentillesse et à sa générosité légendaires, nous avons eu largement accès à des archives privées exemplaires que l’artiste tient minutieusement depuis le début de sa carrière. Et c’est avec la meilleure volonté du monde qu’il s’est plié au jeu d’interviews scientifiques comme témoin de cette période charnière de l’art au Luxembourg, dont il a été et dont il reste un des principaux acteurs.
Il me reste deux tâches très agréables. Celle d’abord de remercier toutes les personnes ayant contribué d’une manière ou d’une autre au succès de cette exposition. En particulier Robert Brandy lui-même. Mais aussi les collectionneurs et les amateurs d’art qui, préférant garder l’anonymat, ont tous sans hésitation accepté de nous soutenir par le prêt d’œuvres importantes. Ensuite Linda Bos et Runa Egilsdottir de A Designer’s Collective pour la réalisation de ce beau catalogue et de la scénographie de l’exposition. Bernard Ceysson et Jean Sorrente pour leurs contributions à ce catalogue. Last but not least, les deux commissaires Malgorzata Nowara et Jamie Armstrong ainsi que les équipes du musée impliquées dans la réalisation pratique du projet.
Enfin, celle encore de souhaiter à cette exposition - remarquable à bien des égards – tout le succès qu’elle me semble bien mériter.