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Essais
12 La boîte noire Paul Wombell
162 Le monde comme appareil photographique : notes sur une photographie non humaine
Œuvres
Joanna Zylinska
32 Elina Brotherus 38 Michel Campeau 44 Raphaël Dall aporta 50 Ma x Dean 54 Véronique Ducharme 60 Pascal Dufaux 66 ExpVisLab 70 Mona Hatoum 72 Mishka Henner 80 Craig Kalpakjian 84 Suzy L ake 88 Trevor Paglen 92 Barbara Probst 96 Jon Rafman 102 David K. Ross 108 Thomas Ruff 112 Tomoko Sawada 116 Kevin Schmidt 120 Cheryl Sourkes 124 Jules Spinatsch 128 Jana Sterbak 134 Penelope Umbrico 138 WassinkLundgren 142 Michael Wesely 148 Donovan Wylie
174 Vie privée sur Google Street : webcams, Street View et transformation de la photographie et de la vie privée en public Melissa Miles 184 L’embranchement biomachinique : les drones dans la ruche Francine Dagenais 196 Ontologie du drone Jordan Crandall 208 Réflexions sur la photographie computationnelle George Legrady
Annexes
222 Bibliographie sélective 225 Remerciements
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5 kevin schmidt \ voir p. 116
6 mishka henner \ voir p. 72
7 artiste david k. prĂŠnom ross \ voir nom p. \ voir 102 p. XX
8 max dean \ voir p. 50
9 jules spinatsch \ voir p. 124
10
penelope umbrico \ voir p. 134
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michael wesely \ voir p. 142
Pa u l W o m b e ll
la boĂŽte noire
Aucun appareil photo correctement programmé ne peut être entièrement percé à jour par un photographe, ni même par la totalité des photographes. C’est une black box1. Vilém Flusser
Certains habitants d’un village de Sikkim trahissaient une horreur atroce et se cachaient, dès qu’on tournait sur eux la lentille d’un appareil photographique ou le « mauvais œil de la boîte », comme ils l’appelaient. Cet appareil prenait, croyaient-ils, leur âme avec leur image, et permettait ainsi au possesseur des photographies de faire agir des charmes sur eux ; la photographie d’un paysage, prétendaient-ils, le flétrissait2. L. A. Waddell
1. Vilém Flusser, Pour une philosophie de la photographie, trad. de l’allemand par Jean Mouchard, Belval, Circé, 1996, p. 30.
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2. Laurence Austin Waddell, Among the Himalayas, New York, Amsterdam Book Co.; Westminster, A. Constable & Co., 1899, p. 85, cité dans James George Frazer, Le rameau d’or, tome 1 : Le roi magicien dans la société primitive; Tabou et les périls de l’âme, Paris, Robert Laffont, 1981, p. 541.
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Ce récit en exergue est tiré du livre Le rameau d’or de James George Frazer, dont j’ai trouvé une version sur le site de partage de documents en ligne Scribd3. En faisant défiler la page vers le bas, une réclame publicitaire apparut annonçant : « JE SUIS UN NIKON D3200 ». L’appareil pouvait parler et dit : « JE SUIS EN VIE ». Cet appareil photo est un ami, un membre de votre famille. Il peut conserver le souvenir des événements importants de votre existence, prendre des photographies dans le noir, enregistrer des sons et faire des prises de vue à distance. Cet appareil photo est vivant. Dans l’histoire de la photographie, on rapporte fréquemment le récit d’une croyance, répandue dans certaines sociétés soi-disant primitives, selon laquelle la photo graphie pouvait ravir leur âme aux êtres. En rétrospective, cette rencontre avec la photographie à la fin du xixe siècle semblerait porter bien davantage sur des questions d’anthropologie et de colonialisme, ce qui est en effet le cas. Néanmoins, les habitants de Sikkim avaient conscience de quelque chose de plus profond : le rapport changeant entre l’humain et la technologie. Il se peut bien que cette boîte ait une emprise sur le sujet, mais elle a en aussi une sur le photographe. Nombreux sont ceux qui conçoivent l’appareil photo comme un simple objet que l’on peut maîtriser et contrôler parfaitement, un objet qu’il suffit de saisir pour faire spontanément ses photographies. Selon le théoricien politique Langdon Winner, les dispositifs techniques ne sont pas que des appareils indépendants et autonomes ; ils supposent de la coordination sociale et un apprentissage : « Nous vivons avec les technologies plus que nous les utilisons. Notre perception des outils change à partir du moment où l’on prend conscience que leurs utilisateurs font partie intégrante de leur fonctionnement4. » Nous apprenons comment utiliser un appareil photo de manière formelle et informelle. La famille, les amis, les modes d’emploi, la formation et la publicité jouent tous un rôle dans le transfert des compétences nécessaires pour faire des photographies. Depuis peu, l’appareil photo a commencé à participer activement à la transmission de ces compétences. Les appareils photo sont des instruments complexes qui transforment l’espace tridimensionnel en une forme bidimensionnelle miniature par la manipulation de la distance, de la lumière et du temps. À une certaine époque, les photographes pouvaient jusqu’à un certain point régler eux-mêmes les paramètres des calculs nécessaires à l’obtention de l’exposition désirée, mais, à la fin des années 1960, les composantes électroniques internes à faible coût se sont répandues, et les opérations requises pour prendre une photo sont devenues automatisées. Les appareils ont été 3. James George Frazer, The Golden Bough: A Study in Magic and Religion, Part II, Taboo and the Perils of the Soul, 3e éd., Londres, MacMillan, 1919. Voir : http://www.scribd.com/doc/18067818/ Frazer-Taboo-and-the-Perils-of-the-Soul-TheGolden-Bough-part-II.
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4. Langdon Winner, Autonomous Technology: Technics-out-of-Control as a Theme in Political Thought, Cambridge (Mass.), MIT Press, 1977, p. 202 (notre traduction, comme pour les suivantes).
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dotés de posemètres pour ajuster l’ouverture et la vitesse d’obturation en fonction des conditions d’éclairage, de senseurs de mise au point automatique pour déterminer la distance entre le sujet et l’objectif, et de retardateurs qui permettent au photographe d’effectuer une mise au point avant de prendre place devant l’appareil et ainsi faire partie de la photo. Depuis l’avènement d’Internet et du WiFi, les images peuvent être partagées instantanément sur les réseaux sociaux et conservées dans des banques d’images accessibles depuis un ordinateur, un téléphone mobile ou un autre dispositif de prise de vue. L’appareil photo a une vie qui lui est propre et nécessite peu ou aucune intervention humaine : il fait partie de la famille, c’est un ami, un outil technologique parfaitement intégré et connecté à d’autres machines, un objet de désir qui met nos désirs en images. Mais quel désir l’appareil a-t-il pour nous ? Comme le déclare le romancier J. G. Ballard : L’Église d’Angleterre a perdu beaucoup de son pouvoir ; la monarchie également. On se retrouve donc avec la consommation à outrance. Cela ne me gêne pas, mais c’est un problème quand c’est tout ce qui reste. Je veux dire, quand vous allez dans les banlieues de Londres, loin des grands musées, des Chambres du Parlement, des galeries d’art, des théâtres et ainsi de suite, dans un monde où tout ce qu’on trouve ce sont des magasins de détail [...] il n’y a rien d’autre qu’une nouvelle gamme d’appareils photo numériques et je ne sais quoi encore pour nourrir ses rêves […]5. Cette vision du pouvoir érodé par la consommation et, plus important encore, l’influence de la technologie sur l’imaginaire et les désirs humains sont des sujets récurrents des romans de Ballard et les principaux thèmes de Drone : l’image automatisée. C’est toutefois dans les musées et les galeries d’art que les artistes ont exploré les multiples usages de l’appareil photo d’aujourd’hui, et sa transformation en un objet qui fait rêver.
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Commençons cet examen de la vie de l’appareil photo en explorant le travail des artistes Penelope Umbrico et Cheryl Sourkes, et les liens qu’il entretient avec les thèmes de la consommation et du désir dans la banlieue. Penelope Umbrico s’approprie des images tirées de sites Web ou de pages de catalogues servant à vendre des biens de consommation. L’œuvre TVs From Craigslist (2008-2012) se compose de photographies de téléviseurs usagés trouvées sur Craigslist. En raison de l’utilisation d’appareils numériques en mode automatique, les photos laissent voir le reflet du flash sur les écrans de télévision, faisant ainsi apparaître l’image fantomatique du vendeur et de son intérieur domestique. Umbrico a écrit à propos 5. Tiré d’une entrevue avec J. G. Ballard par James Naughtie de BBC Radio 4, dans Simon Sellars et Dan O’Hara, dir., Extreme Metaphors: Selected Interviews with J.G. Ballard 1967–2008, Londres, Fourth Estate, 2012, p. 481.
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de la série : « Croire aux fantômes implique que le fantôme est un “autre”, mais si notre rapport d’identification aux représentations et aux présences numériques immatérielles détermine de nombreux aspects de notre monde, nous sommes peut-être ce fantôme (ou tout au moins, en passe de le devenir), comme si nous avions trouvé un moyen de quitter la grotte et que nous y avions laissé nos corps6. » Dans son livre Haunted Media, Jeffrey Sconce écrit sur les médias électroniques et leur rapport au paranormal ainsi que sur la croyance, répandue dans les années 1950, selon laquelle les technologies comme la télévision étaient « en vie7 ». Il dresse un parallèle troublant entre les notions de photographie spirite de la fin du xixe siècle et de cyberespace de la fin du xxe siècle, et l’idée de cyberesprits. Il fait appel au concept freudien de l’inquiétante étrangeté pour évoquer l’idée du familier qui devient inquiétant ou encore la peur d’être sous l’emprise de forces extérieures capables d’activer d’occultes tensions réprimées. Les réglages automatiques de l’appareil photo jouent un rôle central dans la série Sunset Portraits from 12,193,606 Flickr Sunsets on 4/25/13 (2013) d’Umbrico, qui est constituée de photographies obtenues sur le site de partage d’images Flickr. Les images représentent des gens devant un coucher de soleil mais, comme les appareils sont réglés sur le mode automatique, la lumière vive du soleil est compensée par une sous-exposition des personnages à l’avant-plan. On pourrait considérer que les photographies des deux séries d’Umbrico sont mal exposées et de piètre qualité, mais le mécanisme de l’appareil a outrepassé la volonté des photographes, mettant ainsi en évidence ses propres règles et comportements. Cheryl Sourkes évoque le domestique et l’automatique dans ses œuvres Everybody’s Autobiography (2012), Facebook Albums (2010) et BRB (2010). Au cours des années 1990, le monde autrefois intime du foyer est devenu visible d’une manière que Ballard même n’aurait pu imaginer. On pouvait désormais raccorder une caméra vidéo à son ordinateur et entrer en contact avec d’autres personnes par l’entremise de l’écran. Ce système allait s’appeler webcams. Cette transformation s’inscrivait dans un projet plus vaste qui visait à installer des caméras autonomes dans les espaces publics et privés pour surveiller la circulation routière, observer les animaux dans les zoos, voire regarder des personnes se dénuder et se livrer à des actes sexuels8. Les webcams, aujourd’hui omniprésentes, ont intégré notre vie quotidienne. Sourkes est sans doute l’une des premières artistes à avoir recours à cette innovation extraordinaire de manière intensive et imaginative. À l’aide de son ordinateur, elle cherche du matériel sur des sites Web et autres sites de webcams en direct, puis effectue une sélection et un montage à partir de milliers de captures d’écran, pour ensuite procéder 6. Penelope Umbrico, « From Narcissus to Narcosis », dans Penelope Umbrico (photographs), New York, Aperture, 2011, p. 9. 7. Jeffrey Sconce, Haunted Media: Electronic Presence from Telegraphy to Television, Durham (N.C.), Duke University Press, 2000.
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8. Cette esthétique rappelle les premiers films expérimentaux d’Andy Warhol réalisés dans les années 1960, comme Sleep, Eat, Screen Tests et Empire.
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à un classement par type d’images. Comme Umbrico, Sourkes s’intéresse au rôle que joue la caméra dans la redéfinition des rapports entre le privé et le public, alors que les moments les plus intimes sont librement mis à la disposition de toute personne ayant accès à un ordinateur et à Internet. En 1942, le premier système de télévision en circuit fermé (closed-circuit television ou CCTV) était installé en Allemagne au polygone d’essai des fusées V2. L’ingénieur Walter Bruch9 s’est vu confier la conception et l’installation de ce système dont l’objectif était d’observer de près le lancement des premières fusées balistiques à longue portée. Depuis les années 1960, le compte à rebours est devenu l’un des symboles visuels de l’exploration spatiale. Les caméras CCTV haute définition, aujourd’hui connectées à des ordinateurs qui permettent d’identifier et de retracer qui ou quoi que ce soit se trouvant dans leur champ de vision, sont omniprésentes dans l’espace public. p. 124
En 2003, Jules Spinatsch entreprend la réalisation de ses séries Surveillance Panorama Projects, qui exploitent des CCTV situés dans l’espace public. Vienna MMIX 17352/7000, Speculative Portrait of a Society (2009-2011) a été créée le 19 février 2009 à l’occasion du bal annuel de l’Opéra de Vienne, auquel assistaient plus de sept mille personnes. L’œuvre est composée d’images générées par deux caméras CCTV commandées par ordinateur et munies d’un téléobjectif, dont l’œil a balayé la salle pendant plus de huit heures et demie. Les appareils, qui prenaient une photo toutes les trois secondes, ont effectué deux rotations complètes sur leur axe et saisi 17 352 images différentes. Comme il s’agissait d’appareils automatiques, il n’y a aucune hiérarchie de sujets ni distinction entre lustres, particules de poussière, rideaux et êtres humains. Spinatsch s’est inspiré du livre de Josef Haslinger, Opernball10 (Bal de l’Opéra), un roman politique à suspense qui raconte l’histoire d’un attentat au gaz toxique par des terroristes néonazis, qui entraîne la mort de milliers de convives au bal de l’Opéra de Vienne. Outre les webcams et les CCTV, les autres caméras automatisées bien connues sont celles employées par Google Inc. et qui portent le nom des services auxquels elles sont associées, Google Earth et Google Street View. Google Earth, qui a été créé par Keyhole Inc., s’appelait à l’origine Earth Viewer 3D11. Google possède aujourd’hui plus de vingt satellites en activité utilisés à des fins de réseautage, de cartographie et de communication.
9. Walter Bruch jouera plus tard un important rôle dans le développement de la diffusion télévisuelle. 10. Josef Haslinger, Opernball, Francfort, Fischer, 2003.
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11. Fondée en 2001, Keyhole était une entreprise informatique spécialisée en logiciels de visualisation de données géospatiales financée en partie par la CIA. Son nom fait référence aux satellites de reconnaissance KH qui étaient exploités par la CIA et l’armée de l’air américaine dans les années 1960. Google a acheté Keyhole en 2004.
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Ĺ“u v r es
ELINA BROTHERUS
OPTI CA, un centre d’art contem porain
Œuvres exposées Artists at Work, 2010 Vidéo HD, 41 min 11 s, format 16:9, couleur, son stéréo, dialogues en finnois sous-titrés en anglais. 12 ans après, 1999-2012 (sélection) Épreuves à jet d’encre à pigments sur papier chiffon baryté beaux-arts, à partir d’originaux analogiques et numériques, dimensions variables.
Dans les œuvres d’Elina Brotherus, dont la vidéo Artists at Work (2010) et la série photographique 12 ans après (1999-2012), deux sujets reviennent souvent : l’artiste elle-même et l’appareil photo. Intéressée depuis longtemps par la représentation de l’artiste comme modèle, elle campe ostensiblement sa propre figure dans presque toutes ses photographies et vidéos. Les autoportraits de Brotherus la montrent dans des paysages majestueux ou dans des espaces confinés, où se reflètent diverses émotions allant de la mélancolie à la colère, de la perplexité à la sérénité. De son deuxième sujet, l’appareil photo, on aperçoit parfois le déclencheur souple dont le fil serpente au sol en direction de ses mains, l’appareil demeurant hors champ. Dans des œuvres plus récentes, l’appareil photo apparaît dans l’image, partageant l’espace avec l’artiste.
De la série 12 ans après : p. 33 \ Le Chemin, 2011, 90 x 120 cm p. 34 \ Dans le brouillard, 2011, 90 x 120 cm p. 35 \ En novembre, 2011, 90 x 117 cm p. 36 \ Nu aux bottes de randonnée, 2011, 90 x 110 cm p. 37 \ Exercice d’équilibre, 2011, 90 x 120 cm Avec l’aimable autorisation de l’artiste
32 Elina Brotherus
Née en 1972 à Helsinki, Elina Brotherus partage son temps entre la France et la Finlande, où elle a obtenu une maîtrise en photographie de la University of Art and Design Helsinki en 2000. Ses œuvres ont fait l’objet d’expositions individuelles et collectives partout dans le monde, entre autres à la Photographers’ Gallery à Londres (2013) ; au Festival international de photographie de Lianzhou (2012) ; au Musée d’art moderne et d’art contemporain à Liège (2012) ; au Louisiana Museum of Modern Art à Humlebæk, au Danemark (2012) ; au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles (2012) ; au Sørlandets Kunstmuseum à Kristiansand, en Norvège (2011) ; au Bloomberg Space à Londres (2010) ; au Finnish Museum of Photography à Helsinki (2009) ; et au National Art Center à Tokyo (2008). Elle est lauréate de nombreuses bourses et récompenses, et ses œuvres font partie de collections publiques majeures. Brotherus est représentée par gb agency à Paris, the Wapping Project Bankside à Londres et la Martin Asbæk Gallery à Copenhague. \ www.elinabrotherus.com
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RAPHAËL DALLAPORTA
Centre d es a rts actu els Sko l
Œuvres exposées Ruine, 2011 Épreuves à développement chromogène sur Dibond, 120 x 150 cm chacune. Checkpoint Tangui, 2012 Installation vidéo, 8 min 55 s, couleur, en boucle.
En 2010, Raphaël Dallaporta s’est rendu en Afghanistan pour aider une équipe d’archéologues français à constituer un inventaire visuel de l’héritage national du pays. Un grand nombre de sites historiques sont menacés de pillage et la nouvelle guerre, qui a débuté en 2001, a causé de nouveaux dommages à des monuments importants. À l’aide d’un drone spécialement adapté, Dallaporta a pu survoler les paysages afghans en prenant des images des sites historiques. À partir de cette collecte, il a créé l’œuvre Ruine (2011). Avec leurs bords irréguliers qui rompent l’harmonie du cadre rectangulaire, les images reflètent la condition délabrée des vestiges, traduisant la nature fragile des sites archéologiques.
Raphaël Dallaporta est né en 1980 à Dourdan, en France. Il vit et travaille à Paris, où il a obtenu un diplôme de Gobelins, l’École de l’image. Lauréat du FOAM Paul Huf Award 2011 et du Young Photographer ICP Infinity Award 2010, il a présenté des expositions individuelles au Musée Nicéphore Niépce à Chalon-sur-Saône, en France (2012) ; au Foam Fotografiemuseum à Amsterdam (2011) ; au Musée de l’Élysée à Lausanne (2010) ; et au New York Photo Festival (2008). Sa série Ruine a été sélectionnée pour le Prix découverte des Rencontres d’Arles en 2011. Ses œuvres font partie de collections publiques majeures, dont celle du Fonds National d’Art Contemporain et de la Maison Européenne de la Photographie à Paris. \ www.raphaeldallaporta.com
De la série Ruine : p. 45 \ CHESME SHAFA. Rempart. Province de Balkh, Afghanistan. Période achéménide (6 e-4e siècles av. J.-C.) p. 46 \ CHESME SHAFA. Province de Balkh, Afghanistan. De la période achéménide (6 e-4e siècles av. J.-C.) à la période ghoride (12e-13e siècles de notre ère) p. 47 \ KAFIR QALA. Citadelle. Province de Balkh, Afghanistan. De la période achéménide (6 e-4e siècles av. J.-C.) à la période ghoride (12e-13e siècles de notre ère) p. 49 \ SHAH TEPE, SUD-OUEST. Province de Samangan, Afghanistan. Du premier âge du fer (fin du 2e-début du 1er millénaire av. J.-C.) aux Timourides (15e siècle) Avec l’aimable autorisation de l’artiste
44 Raphaël Dallaporta
45 RaphaĂŤl Dallaporta
46 RaphaĂŤl Dallaporta
47 RaphaĂŤl Dallaporta
49 RaphaĂŤl Dallaporta
VÉRONIQUE DUCHARME Galerie B-312
Œuvre exposée Encounters, 2012-2013 Projections de diapositives, images numériques prises avec des appareils automatiques utilisés pour la chasse, dimensions variables.
Les animaux peuvent-ils prendre des photos d’eux-mêmes ? C’est apparemment la question que pose Véronique Ducharme dans Encounters (2012-2013), où elle adopte un procédé similaire à celui d’Eadweard Muybridge lorsqu’il a utilisé l’appareil photo pour prouver que les quatre pieds d’un cheval au galop perdaient simultanément le contact avec le sol. À la différence de Muybridge, qui a attaché un fil aux appareils pour créer chaque cliché, Ducharme se sert d’un appareil photo utilisé pour la chasse qui se déclenche lorsqu’il détecte un mouvement ou de la chaleur. On pourrait dire qu’il s’agit là d’un type de photographie animalière, où les animaux produisent des images fantomatiques semblant issues d’un autre monde, dépourvu de présence humaine.
Véronique Ducharme est née en 1983 à Montréal, où elle vit et travaille toujours. Elle est titulaire d’une maîtrise ès arts du London College of Communication à Londres (2010) et d’un baccalauréat en arts visuels, avec spécialisation en photographie, de l’Université Concordia à Montréal (2007). Elle a également remporté le Prix Gabor Szilasi de l’Université Concordia en 2007. Ses œuvres ont été exposées à l’A.I.R. Gallery à New York (2013) ; au Fotografiska Museet à Stockholm (2012) ; à la Galerie Les Territoires (2011-2012), au Musée McCord (2008), à la Galerie FOFA (2007) et à La Centrale Galerie Powerhouse (2007) à Montréal ; ainsi qu’au London College of Communication (2010). Son travail a été reproduit dans l’ouvrage collectif Carte Blanche, publié par la Magenta Foundation de Toronto en 2006. \ www.veroniqueducharme.com
p. 55 \ 2012/09/27 00:45:37, 2012 p. 56-57 \ 2012/08/14 03:46:56, 2012 p. 58 \ 08/04/12 08:48, 2012 p. 59 \ 2012/09/30 12:59:17, 2012 Avec l’aimable autorisation de l’artiste
54 Véronique Ducharme
55 VĂŠronique Ducharme
56 VĂŠronique Ducharme
57 VĂŠronique Ducharme
58 VĂŠronique Ducharme
59 VĂŠronique Ducharme
TREVOR PAGLEN
SBC Galerie d’art contemporai n
Œuvres exposées Épreuves à développement chromogène, dimensions variables, 2006-2011 Drone Vision, 2010 Vidéo, 5 min, couleur, son, en boucle.
Trevor Paglen s’est fait connaître par ses recherches sur les activités clandestines de l’armée américaine, et ses œuvres brouillent délibérément les frontières entre la science, l’art et le journalisme. Dans son travail photographique, Paglen explore l’usage des drones et la façon dont le paysage américain a été envahi par la technologie militaire, redéfinissant de la sorte l’esthétique du sublime. « Voir le drone pour moi au xxie siècle, c’est un peu comme voir le train au xixe siècle pour Turner. »
Né en 1974 dans l’État du Maryland, Trevor Paglen vit et travaille à New York. Il est titulaire d’une maîtrise en beaux-arts de l’Art Institute of Chicago et d’un doctorat en géographie de l’Université de Californie à Berkeley. Paglen est lauréat d’une Smithsonian Artist Research Fellowship (2011), du SECA Award décerné par le San Francisco Museum of Modern Art (SFMOMA) (2008) et du Aperture West Prize (2008). Il a présenté des expositions individuelles et collectives, entre autres au Walker Arts Center à Minneapolis (2010, 2011) ; à la Kunsthall Oslo (2010) ; au New Museum à New York (2010), à la Tate Modern à Londres (2010) ; au SFMOMA (2009, 2010) ; et au Berkeley Art Museum (2008). Paglen est représenté par Metro Pictures à New York, Altman Siegel à San Francisco et la Galerie Thomas Zander à Cologne. \ www.paglen.com
p. 89 \ Reaper Drone: Indian Springs, NV; Distance – 2 miles, 2010, 76,2 x 91,44 cm p. 90 \ Control Tower (Area 52); Tonopah Test Range, NV; Distance – 20 miles; 11:55 am, 2006, 76,2 x 91,44 cm p. 91 \ Untitled (Reaper Drone), 2010, 121,92 x 152,40 cm Avec l’aimable autorisation de l’artiste ; de Metro Pictures, New York ; Altman Siegel, San Francisco ; et de la Galerie Thomas Zander, Cologne
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TOMOKO SAWADA
MAI (Montréal, arts i nterculturels)
Œuvres exposées ID400, 1998 4 cadres, 100 épreuves à la gélatine argentique par cadre, 124,5 x 99,5 cm (cadre), 10,3 x 8,8 cm (chaque feuille). Édition de 15. SKINHEAD, 1998 4 épreuves à la gélatine argentique, 114 x 89 cm chacune. Édition de 15.
Tomoko Sawada a réalisé ID400 (1998) alors qu’elle était étudiante à Kobe. « Le photomaton, sorte de petit distributeur automatique, se retrouve dans beaucoup d’endroits de la ville. » Durant des semaines, Sawada a transformé son apparence physique en se maquillant, s’habillant et se coiffant de diverses manières, pour créer jusqu’à 400 identités différentes à l’aide d’une machine dont le seul but est de produire des images standardisées pour des documents officiels. Les traits de son visage sont tellement variés que son projet photographique devient une remarquable étude de la physionomie.
p. 113 \ Cadre de la série ID400 p. 114 \ SKINHEAD p. 115 \ Détail de la série ID400 Avec l’aimable autorisation de l’artiste et MEM, Tokyo © Tomoko Sawada
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Tomoko Sawada
Née en 1977 à Kobe, au Japon, Tomoko Sawada vit et travaille à Kobe et à New York. Elle a reçu le Higashikawa Prize en 2008, le prix Best Books of 2006 de photo-eye, le Bleue Mer Award en 2006 et l’ICP Infinity Award en 2004. Son travail a été abondamment exposé, notamment au Andy Warhol Museum à Pittsburgh (2012), à la Fondation Joan Miró à Barcelone (2008) et au Museum of Modern Art (MoMA) à New York (2005). Ses œuvres font partie de collections publiques majeures, dont celle du National Museum of Modern Art de Kyoto, de la Maison Européenne de la Photographie à Paris, du MoMA et de l’International Center of Photography à New York. Sawada est représentée par la MEM Gallery à Tokyo. \ www.e-sawa.com
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Ess a i s
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Le monde comme appareil photographique : notes sur une photographie non humaine Photographier, voilà ce dont l’appareil photo est à l’affût, et en vue de quoi il s’aiguise les dents. Une tentative de définition étymologique du concept d’« appareil » permet d’établir cet « être-prêt-à » propre aux appareils, cette rapacité qui est la leur1. Vilém Flusser
Mais comment ne pas voir que la photographie, si photographie il y a, est déjà prise, déjà tirée, dans l’intérieur même des choses et pour tous les points de l’espace2 ? Henri Bergson
1. Vilém Flusser, Pour une philosophie de la photographie, trad. de l’allemand par Jean Mouchard, Strasbourg, Éditions Circé, 2004, p. 23-24.
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2. Henri Bergson, Matière et mémoire, Paris, Presses universitaires de France, 2008, p. 36.
Joanna Zylinska
La photographie prise par l’être humain – dans laquelle l’acte de regarder consciemment à travers un viseur ou, plus fréquemment aujourd’hui, un écran à cristaux liquides (ACL) tenu à bout de bras – n’est qu’une infime partie de ce qui se passe dans le champ de la photographie, bien qu’on la représente souvent comme tenant lieu de la photographie comme telle. L’intervention de la volonté humaine dans la pratique photographique, qu’elle soit d’ordre professionnel ou amateur, se manifeste en apparence dans les décisions portant sur le sujet (le « quoi ») et sur les façons de saisir le sujet avec un appareil analogique ou numérique (le « comment »). Pourtant dans la photographie amateur de l’instantané photographique, ces décisions en apparence prises par l’humain consistent souvent en réactions affectives aux événements qui se déroulent rapidement devant les yeux du photographe. Ces réactions se produisent trop rapidement – nous pourrions même dire automati quement – pour que des processus conscients de prise de décision soient engagés, à l’exception de la décision initiale de posséder, d’apporter et d’utiliser un appareil photographique plutôt que de ne pas le faire. Cet automatisme en photographie se manifeste également par le fait que ces réactions de type « instantané » sont d’habitude redirigées vers une base de données d’images-références normalisées, préprogrammées et préexistantes, dont la portée nous est déjà familière et que nous tentons de recréer de façon originale, sous la bannière de la soi-disant expérience individuelle : « bambin courant vers sa mère », « fille soufflant les bougies de son gâteau d’anniversaire », « couple posant devant le Taj Mahal ». Des ambitions figuratives similaires accompagnent de nombreuses activités photographiques professionnelles, notamment celles des photojournalistes – dont le but est de nous montrer, de manière objective et sans juger, ce que sont vraiment la guerre, la pauvreté, et « la douleur des autres », pour reprendre l’expression de Susan Sontag3 – et celles produites par les artistes-photographes. Ces derniers, même avant le moment précédant la prise d’une photographie, demeurent investis de l’idée de l’artiste en tant qu’agent humain doté d’une vocation particulière, dont les gestes esthétiques et conceptuels sont destinés à saisir quelque chose d’unique, ou à tout le moins de façon unique, à l’aide d’un dispositif de création d’images. Ainsi, nous obtenons des œuvres se rattachant à l’art du portrait formel ; des photographies montrant divers types de végétation ou de formation géologique qui visent à constituer des « paysages » ; des projets de natures mortes esthétisant la vie de famille, dont des vues rapprochées d’ustensiles de cuisine, de tapis effilochés ou de traces de lumière sur un mur ; en dernier lieu mais non les moindres, les photographies pouvant être réunies sous l’appellation fourre-tout de « photographie conceptuelle ». 3. Susan Sontag, Devant la douleur des autres, trad. de l’anglais par F. Durant-Bogaert, Paris, Christian Bourgois éditeur, 2003.
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Par le truchement des décisions des artistes et des amateurs au sujet de leur pratique, la photographie devient l’acte de rendre quelque chose significatif, même si elle ne le fait pas nécessairement signifier quelque chose de manière directe. C’est une pratique axée sur la mise au point unique sur ce qui, de par sa nature même, est multifocal, de littéralement mettre en lumière ce qui autrement serait demeuré obscur, de découper du flux de la vie un fragment et de le transformer en un éclat de ce qui, a posteriori, devient alors connu comme étant la « réalité ». Par le passé, cet instant du choix, l’« instant décisif » de ceux qui adhèrent à la tradition documentaire en photographie, a été associé au fait d’appuyer sur le déclencheur pour relâcher l’obturateur de l’appareil. Toutefois, avec l’introduction sur le marché, en 2012, de l’appareil photo Lytro, la temporalité du moment photographique en apparence unique et éphémère s’est étendue à la fois dans le passé et vers le futur. Lytro saisit tout le champ lumineux plutôt qu’un seul plan de lumière, permettant ainsi au photographe de modifier et de rajuster la mise au point en post-production sur l’ordinateur. Fait intéressant, cet appareil est présenté comme étant « le seul appareil photo qui saisit la vie en images vivantes », expression poétique qui est étayée par l’affirmation en cours dans l’industrie selon laquelle il s’agit d’un appareil « absolument novateur », mais qui exacerbe simplement et évoque l’instabilité inhérente à toute la pratique photographique et à tous les objets photographiques. Lytro ne représente, par conséquent, qu’un élément de plus qui s’ajoute au récit de longue date sur la « domination de l’homme sur la terre », récit qui impulse l’automatisation progressive de beaucoup de nos appareils de tous les jours, appareils photographiques, automobiles et réfrigérateurs, entre autres. L’industrie techno-scientifique, tout en nous donnant l’illusion de contrôler la technologie par la fabrication d’appareils photographiques plus petits et d’appareils électroménagers plus conviviaux, accroît l’écart entre la technologie et l’être humain en le soulageant de la responsabilité d’apprendre à connaître les « boîtes noires » de plus en plus contrôlées par logiciel et d’entrer en relation avec celles-ci. Au vu de la prédominance du paradigme humaniste en photographie – paradigme fondé sur le prétendu contrôle de l’être humain à la fois sur la pratique de la fabrication d’images et sur l’équipement –, il est important de se demander ce qui se trouve élidé par de telles conceptualisations. C’est ici que la force d’intervention de Drone : l’image automatisée, un événement dans le cadre duquel s’illustre l’action photographique non humaine, prend tout son sens. La singularité de cet événement ne réside pas tant dans la mise en lumière de l’aspect machinique de la pratique de la photographie et de
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Capteur de champ lumineux de Lytro
Lentille de l’appareil photo
Saisir le champ lumineux L’enregistrement d’un champ lumineux nécessite un type de détecteur entièrement nouveau et novateur, appelé capteur de champ lumineux. Ce dispositif enregistre la couleur, l’intensité et la direction des rayons lumineux. Les capteurs traditionnels de l’appareil photographique perdent l’information directionnelle, puisqu’ils ne font qu’additionner ces rayons et les traitent comme un seul ensemble de lumière. Le capteur de champ lumineux de l’appareil photo Lytro.
la vidéo, puisque cet aspect avait déjà exploité dès l’apparition de la photographie, par exemple, dans les œuvres d’Alexandre Rodtchenko et de László Moholy-Nagy. Drone franchit une étape de plus vers la photographie non humaniste en s’écartant du processus de visualisation centrée sur l’humain. Dans beaucoup des œuvres exposées, l’acte même et le processus de saisie sont confiés à un ordinateur, à un appareil photographique fixé sur le toit d’un véhicule en mouvement, à un robot ou à un chien. Ainsi, Drone semble nous indiquer que la pratique artistique n’est qu’une partie du contexte plus vaste de la condition photographique : des objets qui se photographient eux-mêmes, sans être constamment ramenés à la dimension de la vision humaine comme étant l’unique voie de la perception et des choses perçues. L’être humain – incarné par les organisateurs de l’événement, les artistes, les techniciens et les spectateurs – fait bien sûr partie du continuum photographique
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M e li s s a M i les
Vie privée sur Google Street : webcams, Street View et transformation de la photographie et de la vie privée en public En 2009, des résidants en colère de Broughton, un village dans le Buckinghamshire, au Royaume-Uni, entourent un véhicule de Google Street View et, reprochant au conducteur son « ingérence dans la vie privée », empêchent le véhicule d’entrer dans leur ville1. Depuis son lancement en 2007, Street View2 a documenté d’innombrables voies publiques dans des milliers de villes autour du monde à l’aide de véhicules équipés de plusieurs appareils photographiques permettant de prendre des images qui se chevauchent. En les reliant pour former une image de 360 degrés, en les mettant en lien avec des données géo-spatiales, en les incorporant à Google Maps et à Google Earth3, et en les rendant disponibles en ligne, Street View permet aux utilisateurs d’Internet d’arpenter les sites cartographiés et de se trouver virtuellement dans ces rues. Ce qui inquiétait les résidants obstructionnistes de Broughton, c’est que des criminels puissent figurer parmi les utilisateurs d’Internet et qu’une récente vague locale de cambriolages augmenterait si Google rendait des photographies de leurs rues et de leurs maisons disponibles en ligne. Malgré l’assurance de la police qu’il n’y avait aucune preuve de lien entre Street View et un risque accru de vol, la volonté des résidants de protéger leurs propriétés privées, combinée aux angoisses plus répandues sur la photographie et sur les limites de la vie privée en public, ont fini par se manifester avec force. 1. Murad Ahmed, « Village Mob Thwarts Google Street View Car », Times (Londres), 2 avril 2009. 2. http://maps.google.ca/intl/fr/help/maps/ streetview/.
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3. http://maps.google.com, http://earth.google.com.
Melissa Miles
Jon Rafman, 125 Rua Maestro Benedito Olegário Berti, Mogi das Cruzes, São Paulo, Brésil, 2010. Image tirée du projet The Nine Eyes of Google Street View (2008- ).
Bien que Google ne soit pas la seule compagnie à offrir ce type de cartographie4, elle est celle qui a attiré le plus d’attention et de critique, surtout en ce qui a trait aux enjeux liés à la vie privée. Cette focalisation sur les appareils photo de Street View est particulièrement singulière au Royaume-Uni, où quelque 1,85 million de caméras de télévision en circuit fermé surveillent le public à tous les jours5. D’autres contestations au sujet de la vie privée et de Street View ont vu le jour dans les médias et les salles d’audience aux États-Unis, au Japon, en Corée du Sud, en Chine, en Italie, en Allemagne, en Suisse, en Espagne et en République tchèque, où la relation entre photographie, intimité et public est débattue vigoureusement. Comme dans le cas de controverses semblables entourant les webcams utilisées en public, les effets de ces débats vont bien au-delà des paramètres de simples querelles individuelles. Les frontières perçues entre le public et le privé ont depuis longtemps été franchies par la photographie. Toutefois, à l’ère de l’image automatisée
4. Voir Bing Maps Streetside (http://www.bing.com/ maps) et Mapjack (http://www.mapjack.com).
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5. Paul Lewis, « You’re Being Watched: There’s One CCTV Camera for Every 32 People in the UK », Guardian (Londres), 3 mars 2011, http://www.guardian.co.uk/uk/2011/mar/02/ cctv-cameras-watching-surveillance.
Melissa Miles
Fr a n c i n e D a g e n a i s
L’embranchement biomachinique : les drones dans la ruche
En physique des particules, la singularité gravitationnelle survient lorsque la matière (ou l’antimatière) et les forces (gravitationnelles et autres) qui opèrent dans son voisinage produisent un événement spatiotemporel. On peut prévoir l’existence de celui-ci au sein d’un trou noir, on peut même en décrire les paramètres, mais les quantités qui lui sont associées deviennent impossibles à mesurer parce qu’elles sont de l’ordre de l’infini. Selon la même logique, la singularité technologique est un concept qui prévoit la conjoncture de l’intelligence artificielle, de la vie artificielle et de l’humain biologique. La singularité technologique produirait un changement si rapide que les humains pré-singularitaires la percevraient comme un état technologique sublime, souvent surnommé nerd rapture1 ou le ravissement des nerds. Dans les années 1940 et 1950, bon nombre de théoriciens se sont penchés sur le concept de singularité technologique. Isaac Asimov, Alan Turing, Stan Ulam et John von Neumann, parmi plusieurs autres, ont imaginé une convergence entre l’ADN humaine, non humaine et la vie artificielle ; une unification des données (code biologique + code machinique) qui mettrait bas à une nouvelle supra-entité. À en juger par les œuvres dont je vais discuter ici, peut-être serait-il plus opportun de concevoir la singularité technologique comme un événement sociologique qui affecterait nos habitudes
1. Rapture se rapporte à la fin des temps chez les chrétiens protestants et évangéliques. Il s’agirait du moment où le Christ ressuscité ravirait les croyants et les saints et les emporterait au paradis avec lui.
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comportementales et où les actes d’autodiscipline et d’autosurveillance nous mèneraient directement vers un nouveau pallier évolutif : un embranchement biomachinique, le Machina Chordata. Nous sortons d’un long règne de l’individu, établi à la Renaissance, une époque où l’on estimait que l’expérience et la conscience d’un seul être humain primaient et servaient d’exemple à tous les autres. C’était le modèle de l’homme universel. Nous plongeons de jour en jour dans l’ère de la ruche, constituée d’individus reliés en interconnectivité perpétuelle à un réseau multipartite, virtuel et omniprésent. Ce réseau de dispositifs aux fonctionnalités de messagerie texte ou vocaux sert de moteur aux médias sociaux et à Internet, et forme une conscience collective branchée que je nommerai ici le cerveau-ruche. Le concept du cerveau-ruche trouve son origine au début du xxe siècle. Le sociologue Émile Durkheim faisait appel à l’image de la ruche comme système de connaissances et de valeurs. Celle-ci prévaudrait à une époque historique donnée et serait partagée par une collectivité. Dans son analyse de la conscience collective2 ou ruche, Durkheim vint à la conclusion qu’elle puisait sa force dans les dynamiques de groupe, et que l’échange des renseignements et des valeurs qu’elle générait serait crucial au bien-être de ses membres. Au sein de cette structure métaphorique, la division des tâches suivrait celles des rôles imputés aux membres d’une véritable ruche : abeille ouvrière, drone et reine. Durkheim imaginait la ruche comme un complexe rationnel avec, comme ce l’aurait été à son époque, un temps de réaction plutôt lent. Il n’avait pas envisagé son incarnation actuelle qui est régie non seulement par la raison et la foi, mais aussi par l’émotion et l’instinct. Que dire de cette nouvelle ruche qui réagit instantanément aux messages et événements en générant des manifestations de tous genres, et dont les appels à flash mob (foule éclair) entraînent une mobilisation qui répond aux goûts du jour – danse, tendances mode, vêtements et décors – tout autant qu’à des enjeux politiques importants ? Comment définit-on ce cerveau-ruche ? Est-il susceptible d’oblitérer toute trace de l’individu ou, au contraire, lui conférera-t-il une plus grande liberté en lui permettant une métamorphose perpétuelle ? La réponse à cette question dépend sans doute du degré jusqu’où ses membres lui sont branchés. Cette image de la ruche est certes très utile ; elle sert à établir une hyperstructure d’interconnections entre le réel, le virtuel et le cyber, d’une part, et les systèmes de communications comme Internet et les médias sociaux, d’autre part. Or, après le drame du 11-Septembre, cette structure est aussi devenue un dispositif de contrôle
2. Émile Durkheim, De la division du travail social, Paris, Presses universitaires de France, 8e éd., coll. « Bibliothèque de philosophie contemporaine », 1967. Version republiée en ligne à : http://classiques. uqac.ca/classiques/Durkheim_emile/division_du_ travail/division_travail_2.pdf (livre II, chapitre III).
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Francine Dagenais
J o r d a n C r a n d a ll
Ontologie du drone
Nous amorçons cette analyse par la queue plutôt que par le nez. Pas avec les yeux, mais avec le derrière. Nous commençons par la partie inférieure et remontons jusqu’à la partie supérieure. Lorsque nous atteindrons finalement les commandes, il se peut que nous ayons un aspect quelque peu graisseux. Vu d’en bas, le plus petit des éléments peut avoir une portée considérable, entraîner les conséquences les plus graves. Nous l’ignorons à nos risques et périls. Un appareil Global Hawk, le plus gros drone de l’arsenal militaire américain, s’est déjà écrasé à la suite d’une défaillance de sa gouverne de direction. Alors que cet engin lourd et disgracieux, semblable à une étrange créature marine sans yeux, traversait le ciel en grondant, le modeste instrument de pilotage qu’est la gouverne, logée dans sa queue, s’est mise à osciller. Ses mouvements étaient irréguliers, parce qu’elle avait pris du jeu durant une mission précédente. Au cours du vol fatal, elle s’est mise à claquer de façon incontrôlée. Ses battements excessifs ont graduellement entraîné une déstabilisation telle que l’avion géant s’est écrasé au sol.
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En cas de défaillance, des enquêtes sont lancées, des explications sont proposées. Dans ce cas-ci, des recherches ont été entreprises à l’égard de l’entretien de la gouverne de direction, de la programmation de la mission et de l’écriture du code. Ces enquêtes ont mis au jour les infrastructures cachées du drone, ses systèmes d’opération, de logistique, d’entretien et de maintenance. En fouillant à ce niveau souterrain, certains éléments acquièrent des pertinences et des significations nouvelles parce qu’ils partagent toujours des fonctions avec d’autres composantes, ce qui complique leur fonctionnement indépendant. Les rôles qu’ils jouent sont toujours subordonnés et connectés, à toutes les échelles, à des couplages relationnels difficiles à comprendre. Même le plus petit de ces couplages peut revêtir une importance primordiale. Dans certains cas, la gouverne de direction peut être vue comme une entité autonome. Un observateur peut en isoler la forme, l’examiner en fonction de sa spécificité matérielle et fonctionnelle, s’émerveiller de sa conception. Sa forme lisse et courbe découle de la nécessité de maîtriser les propriétés physiques de l’air en mouvement, de maximiser l’efficacité des interactions entre l’air et les corps solides, qui se déplacent à travers lui. Pourtant, sans l’entrée de données ou l’apport d’électricité, l’appareil demeure inerte. Il n’est qu’une plateforme de contrôle, une surface en attente d’instructions. La commande de l’engin est assurée par une servocommande (un moteur). La gouverne est fixée à un moyeu de sortie et maintenue à l’aide de charnières. À l’échelle la plus élémentaire, la fonction des gouvernes de direction est assez simple. Elles se relèvent et s’abaissent, ou se déplacent de gauche à droite selon un trajet préétabli, conformément aux consignes reçues. À une échelle supérieure, le mouvement demeure le même, mais la tâche se modifie. À une échelle encore supérieure, sa fonction est de modifier la forme, ou l’angle, de la surface de la queue et, dans un deuxième temps, de modifier l’intensité de la force produite. À une échelle encore plus grande, son rôle est de contrôler le mouvement de l’avion sur son axe vertical, soit de modifier le plan horizontal sur lequel l’avion se déplace. Afin d’accomplir ces tâches, la gouverne de direction travaille de concert avec les autres surfaces de commande directionnelle. Cette collaboration s’exerce sur plusieurs fronts. Les servocommandes dirigent les mouvements des plateformes de contrôle à leur propre échelle locale (comme la queue ou l’aile) de manière à modifier leurs caractéristiques aérodynamiques, et ces mouvements, à leur tour, modifient les caractéristiques aérodynamiques de la plateforme de l’avion à une échelle plus vaste. Ce travail général de coopération vise à assurer la stabilité de l’avion et, ainsi, la rectitude de sa trajectoire.
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G eo r g e Le g r a d y
Réflexions sur la photographie computationnelle
Camera Obscura, 1671. Image tirée d’Ars Magna d’Athanasius Kircher (Amsterdam, 1671).
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George Legrady
L’image reflétée optiquement fait partie de notre évolution culturelle depuis les débuts de l’histoire. On ne peut qu’imaginer la stupéfaction des gens lorsqu’ils ont vu, voilà des milliers d’années, des images de scènes extérieures projetées sur les surfaces de grottes ou l’intérieur sombre de tentes nomadiques. Ces projections ont par la suite été ramenées à une échelle réduite dans des boîtes portables hermétiques à la lumière, les ondes de lumière pénétrant à travers un petit trou ou une lentille à un bout pour être projetées sur un verre dépoli à l’autre bout. C’est en 1826 que l’inventeur français Nicéphore Niépce (1765-1833) a réussi à capturer et à conserver une image projetée par des moyens optiques : son cliché d’un toit, exposé durant huit heures, a été conservé sur une plaque d’étain enduite d’un mélange de bitume et d’huile de lavande. Au cours du xxe siècle, les images photographiques et filmiques traitées chimiquement ont dominé la représentation visuelle, transformant la société occidentale en une culture de l’image. Notre compréhension de l’image photographique comme médium technologique basé sur la chimie a émergé il y a 170 ans et elle s’est cristallisée tout au long de cette période, menant à des conventions de la représentation visuelle, à des définitions, des applications et des fonctions culturelles, ainsi qu’à une compréhension épistémologique de l’image photographique. Au cours des deux dernières décennies, avec le passage au numérique et l’augmentation des fonctionnalités de l’ordinateur, la photographie est en train de se réinventer. Eastman Kodak, société qui a dominé l’industrie mondiale du matériel photographique, tout au long du xxe siècle, s’est placée sous la protection de la loi sur les faillites au début de l’année 20121, quelque trente-sept années après que l’un de ses ingénieurs, Steven Sasson, ait inventé l’appareil photo numérique, en 1975 (US Patent 4131919)2. Son prototype consistait en un appareil photo électronique utilisant une bande magnétique de qualité de ruban audio afin d’enregistrer les données saisies par un dispositif à transfert de charge (CCD pour charged-couple device), qui convertissait les photons entrant en électrons, ceux-ci étant par la suite traduits en valeurs de pixel. Ce n’est qu’au début des années 1990 que l’appareil photo numérique s’est définitivement imposé sur le marché. Ma première interaction avec l’image numérique est survenue au milieu des années 1980, lorsqu’un système d’imagerie abordable, la mémoire d’image Truevision Targa de AT&T, a été intégrée à un ordinateur personnel IBM AT. La carte mémoire pouvait saisir une image couleur à partir d’un flux vidéo et la transformer en un graphique 1. Kodak a prévu compléter sa réorganisation et sortir du chapitre 11 de la loi américaine des faillites au cours de la première moitié de 2013. La société basée à Rochester (N.Y.) veut recentrer ses futures activités vers l’imagerie commerciale. Voir : Associated Press (New York), 28 novembre 2012, http://bigstory.ap.org/article/kodakreaches-improved-financing-deal-worth-830m.
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Partenaires Partenaires d’exposition Centre Canadien d’Architecture ; Centre des arts actuels Skol ; Fonderie Darling ; Galerie B-312 ; MAI (Montréal, arts interculturels) ; Maison de la culture Frontenac ; Maison de la culture Marie-Uguay ; Maison de la culture du Plateau-Mont-Royal ; Mouvement Art Public ; Musée des beaux-arts de Montréal ; Musée McCord ; OPTICA, un centre d’art contemporain ; SBC Galerie d’art contemporain ; VOX, centre de l’image contemporaine. Partenaires gouvernementaux et institutionnels Conseil des arts et des lettres du Québec ; EmploiQuébec ; Secrétariat à la région métropolitaine ; Ministère de la Culture et des Communications du Québec ; Conseil des arts du Canada ; Conseil des arts de Montréal ; Ville de Montréal ; Patrimoine canadien ; Tourisme Montréal ; Pro Helvetia ; Mondriaan Fund ; Institut français ; Consulat général de France à Québec ; Frame Visual Art Finland ; Japan Foundation ; Institut für Auslandsbeziehungen e. V. ; British Council.
Partenaires commanditaires Atelier M Séguin ; Hôtel ZERO1 ; Publicité Sauvage ; Greencopper ; Banque Nationale Assurances. Partenaires médias Aesthetica Magazine ; Afterimage ; Aperture ; BlackFlash Magazine ; Border Crossings ; Ciel variable ; Daylight Books ; ETC revue de l’art actuel ; Next Level ; Prefix Photo ; Rats de ville. Partenaires culturels Dazibao ; Festival of Light ; Festival du Nouveau Cinéma ; Manifestation internationale d’art de Québec ; Regroupement des centres d’artistes autogérés du Québec. Donateurs Stéphane Aquin ; François Babineau ; Marta Braun ; Yolanda Cespedes ; Alain Chagnon ; Diane Charbonneau ; Daniel Fillion ; Galerie Simon Blais ; Robert Graham ; Jocelyn Philibert ; Madeleine Poulin ; George Steeves ; Ewa Zebrowski ; ainsi que nos donateurs anonymes.
Ce livre a été publié pour accompagner l’événement Le Mois de la Photo à Montréal – 13e edition Drone : l’image automatisée \ Commissaire invité : Paul Wombell 5 septembre – 5 octobre 2013
Sous la direction de Paul Wombell Coordination de la publication Marie-Catherine Leroux Recherche et rédaction Corina Ilea Révision et correction d’épreuves Käthe Roth, Colette Tougas, Pascale Tremblay Traduction Francine Dagenais (son essai) Nathalie De Blois (Paul Wombell) Francine Delorme (Paul Wombell, Jordan Crandall, George Legrady, Joanna Zylinska et divers textes) Käthe Roth (divers textes) Colette Tougas (Melissa Miles et divers textes) Marine Van Hoof (divers textes) Design graphique Dominique Mousseau Vérification technique des images Pierre Blache Gestion de projet, Kerber Verlag Martina Kupiak
Crédits photo Essais p. 165 \ Avec l’aimable autorisation de Lytro, Inc. p. 166 \ © Succession Aleksandr Mikhajlivich Rodchenkoenko / SODRAC (2013). Image avec l’aimable autorisation du © Museum of Modern Art, NY, licence accordée par SCALA/Art Resource, NY. p. 169 \ Photo : Salimfadhley, Creative Commons (CC BY-SA 3.0). p. 170-171 \ Avec l’aimable autorisation de Lindsay Seers et de la Matt’s Gallery, Londres. p. 175, 178-179 \ Avec l’aimable autorisation de Jon Rafman. p. 186 \ Photo : Tagishsimon, Creative Commons (CC BY-SA 3.0). p. 187 \ © Jacques Demarthon/AFP/Getty Images. p. 188 \ © AP Photo/Ng Han Guan. p. 189 \ Photo : Cathy Carver. Avec l’aimable autorisation d’Ai Weiwei et du Hirshhorn Museum and Sculpture Garden, Washington, D.C. p. 199 \ Photo : Master Sgt. Jason Tudor/U.S. Air Force. Domaine public. p. 203 \ Photo : Stacey Knott/U.S. Air Force. Domaine public. p. 208 \ © Oxford Science Archive/HIP/ Art Resource, NY. p. 210 \ © Musée Nicéphore Niépce, Ville de Chalon-sur-Saône, 2012. p. 211 \ Avec l’aimable autorisation de Kodak (à gauche) ; Illustration avec l’aimable autorisation de © James Provost (à droite). p. 214 \ Avec l’aimable autorisation de Marc Levoy, Stanford University. p. 218 \ Illustration : Tiago Allen. Avec l’aimable autorisation du MIT Media Lab. Images originales en couleur.
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Mois de la photo à Montréal (13e : 2013 : Montréal, Québec) Drone : l’image automatisée Catalogue de vingt-cinq expositions de la 13e édition du Mois de la photo à Montréal présentées dans 14 lieux à Montréal du 5 septembre au 5 octobre 2013. Publié aussi en anglais sous le titre : Drone : the automated image. Publié en collaboration avec Kerber Verlag. Comprend des références bibliographiques. ISBN 978-2-9808020-4-1 (Mois de la photo à Montréal) ISBN 978-3-86678-832-9 (Kerber Verlag) 1. Photographie artistique - Expositions. 2. Photographie artistique. I. Wombell, Paul. II. Mois de la photo à Montréal (Organisation). III. Titre. TR646.C32M6 2013 779.074’71428 C2013-940968-8
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Tous droits réservés. Il est interdit de reproduire, de traduire, de stocker dans un système de recherche ou de transmettre le contenu de cette publication, en totalité ou en partie, sous quelque forme ou par quelque procédé que ce soit (électronique, mécanique, photocopie, enregistrement ou autre), sans l’autorisation écrite préalable de l’éditeur. © 2013 Le Mois de la Photo à Montréal, Kerber Verlag, Bielefeld/Berlin, les artistes et les auteurs ISBN 978-3-86678-832-9 (Kerber Verlag) www.kerberverlag.com ISBN 978-2-9808020-4-1 (Le Mois de la Photo à Montréal) www.moisdelaphoto.com Dépôt légal, 2013 Bibliothèque et Archives nationales du Québec Bibliothèque et Archives Canada
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paul wombell