GQ N°175 - Cillian Murphy - Mars 2024

AH ! LA MODE, LA MODE, LA MODE. Où va-t-elle ? Où allons-nous ? Ce marqueur du temps constamment chahuté, accusé d’être amoral, voire immoral, pollueur et inutile par celles et ceux qui n’oseraient pourtant parcourir le monde en tenue d’Adam et Ève – les conversations à la machine à café du troisième étage seraient étranges à poil. Oui, la mode compte, le vêtement encore plus, et ceux dont le métier est de les porter sur les podiums, dans les pages des magazines et sur les panneaux publicitaires géants, eux aussi, comptent. Non, les mannequins ne sont pas des portemanteaux vivants. Ce ne sont pas non plus des morceaux de viande que l’industrie pourrait dévorer à souhait ou jeter sans regrets une fois la date limite de consommation passée. Comme tout le monde, ils ont des rêves et aspirations, des difficultés, des expériences et des parcours de vie uniques. Et pourtant, lorsque j’observe, interroge et analyse, le monde du mannequinat pour homme demeure quelque peu opaque. C’est pourquoi j’ai souhaité dédier la couverture de ce numéro aux mannequins hommes du moment, à savoir Mathieu Simoneau, Babacar N’doye et Thatcher Thornton. Cette série, inspirée par la réalité de leur métier et photographiée par le talentueux Oscar Chik, est accompagnée d’un reportage signé par notre très chère collaboratrice Saveria Mendella.

CILLIAN MURPHY a la cote. L’année dernière, dans le blockbuster Oppenheimer réalisé par le génial Christopher Nolan, il confirme non pas son statut d’Internet boyfriend mais celui de poids lourd hollywoodien. L’homme déteste les réseaux sociaux, prône la discrétion malgré le culte formé autour de sa personne au cours de ces dernières années. Il est le sujet de nombreux mèmes qui moquent gentiment ses expressions nonchalantes à la limite du snobisme. Cette année il interprète le personnage de Bill Furlong dans Small Things Like This de Tim Mielants, adaptation du roman de Claire Keegan. Dans ce numéro, l’acteur irlandais revient sur sa carrière, son mode de vie à l’abri des sirènes de l’industrie du cinéma et sa vision singulière du monde d’aujourd’hui.

SABATO DE SARNO, sympathique homme de l’ombre propulsé au rang de directeur artistique de Gucci, a pour mission d’écrire le prochain chapitre de la maison italienne après le règne flamboyant de Alessandro Michele. Il a présenté sa première collection masculine à Milan en janvier 2024 et sa vision est claire : élégance, sensualité sobre, et parallélisme des genres. Le leader créatif de Gucci se livre en toute sincérité au journaliste style de GQ Sam Hine.

Vous retrouverez également dans ce numéro, notre supplément dédié aux Jeux olympiques de Paris, la dernière tendance horlogère ainsi qu’une sélection d’accessoires qui dynamisent votre vestiaire.

Pierre A. M’Pelé (@PAM_BOY)

HEAD OF EDITORIAL CONTENT

MALICK BODIAN

Thatcher Thornton, Mathieu Simoneau, Babacar N’doye

Photographe

Oscar Chik

Styliste

Maya Soul Paustian

Au

À

Tiffany & Co.

:Blazer, Givenchy. Chemise,

Cillian Murphy

Photographe

Gregory Harris

Styliste

George Cortina

Chemise et pantalon, Versace. Débardeur, Calvin Klein. Ceinture, Kincaid Archive Malibu. Chaussettes, Uniqlo. Montre et bracelet (poignet gauche, milieu et haut) et bracelets (poignet droit, milieu) FD Gallery. Collier (haut et milieu) et bracelets (poignet droit,haut et bas) Platt Boutique Jewelry. Collier (bas) et bague (annulaire), perso. Bracelet (poignet gauche, bas) Belperron. Bague (auriculaire gauche)

Mars

54

Cover Story DES MANNEQUINS ET DES HOMMES

82

Cover Story

LA FORMULE MAGIQUE DE CILLIAN MURPHY

106

Dossier auto CAHIER

MAINTENANT RECHARGEABLE

ILS ET ELLES ONT CONTRIBUÉ À CE NUMÉRO

Saveria Mendella, Journaliste

Journaliste-critique de mode et doctorante. Elle réalise une thèse à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) intitulée “Le Langage de la mode” et collabore avec de nombreux magazines spécialisés. Son travail, qui mêle analyses anthropologiques et actualités du secteur, la conduit à intervenir régulièrement dans les médias (France Inter, Arte, Canal+, L’Obs, Le Figaro…) et à donner des conférences sur la mode dans les universités.

Maya Soul Paustian, Styliste

Basée à Copenhague, elle explore l’intersectionnalité entre les mondes, les systèmes et les identités. Son travail voit souvent le luxe rencontrer la vie quotidienne avec des éléments minimalistes et surdimensionnés récurrents dans les éditoriaux et les campagnes. Maya a un talent pour les détails raffinés et un type de style qui surprend toujours le spectateur et agit souvent comme un analogue aux grands changements de société.

Oscar Chik, Photographe Photographe et styliste basé entre Londres, Tokyo et Hong Kong. Il a assisté Panos Yiapanis et le directeur de la recherche Ujin Lin pour quelques campagnes de Prada et l’exposition itinérante historique de Bally pendant son étude. Oscar travaille également en étroite collaboration avec de nombreux designers et autres créatifs. Son livre photo Digger est finaliste du Prix du livre d’Arles 2019.

DRISS ABDI, Journaliste

Petrolhead qui ne rechigne pas à passer à l’électrique, Driss, pilote, aime à essayer tout ce qui lui passe sous la main, de la supercar à la berline familiale en passant par la moto. En quête d’aventure, il troque dès que possible la jungle urbaine pour les grands espaces. Et toujours avec le sourire.

MP-10

Boîtier en titane et saphir. Mouvement tourbillon à remontage automatique par deux masses linéaires. Indication des heures, minutes et réserve de marche sur des rouleaux circulaires.

Limité à 50 pièces.

Rédaction

head of editorial content

Pierre A. M’Pelé

deputy editor

Adeline Grais-Cernea

responsable coordination digitale

Jérémy Patrelle

chef de rubrique style

Adrien Communier

chef de rubrique bien - être Maxime Joly

chef de rubrique culture

Adam Sanchez

journaliste style

Bryan Ferreira

gestionnaire de la rédaction

Keren Zenati

Création artistique

design director

Sidikhi Diallo

art production designer

Anna Graindorge

visual editor & production

Louise Cartier-Bresson

Fashion

fashion market editor

Victor Vergara

fashion market assistant

Pierre Dufait

Ont contribué à ce numéro

photographes

Oscar Chik, Enzo Lefort, Idriss Nassangar, Marcel Nestler

stylistes

Maya Soul Paustian

journalistes

Driss Abdi, Saveria Mendella, Patricia Oudit, Zazie Tavitian

copy editor

Maryline Vandecasteele

audience

Lilia Ouazene

stagiaires

Anna Autin, Venus Azari Nadjafabad, Sulaiman Bouzernidj, Tallulah Martin-Gevolde

Digital audience development & social media manager

Hugo Zelli

social media editor

Sarata Dramé

Casting & entertainment

senior entertainment editor

Winta Ghebre

associate talent booker

Chayma Halim

Adaptation

senior adaptation editor

Étienne Menu

adaptation editors

Chantal Bloom, Julie Ackermann, Hervé Loncan, Sarah Mandois, Sandra Proutry-Skrzypek, Dario Rudy

Production & distribution

chef de fabrication

Diffusion & marketing clients

ventes

Rodolphe Durant abonnements

Aurélie Gendron

Pôle image

gestionnaire du patrimoine et documentaliste

Laure Fournis

Direction

présidente et directrice de la publication

Natalia Gamero del Castillo

chief business officer

Delphine Royant

directrice de la diffusion et du marketing clients

Dominique Dirand

directeur de la production et de la distribution

Francis Dufour

Abonnements

Marketing Publicité & Contenus

directrice commerciale

Murielle Mucha

équipe commerciale fashion , luxury & beauty

Cécile Boutillier, Céline Delacquis, Stéphanie Dupin, Sophie Maarek, Sophia Masurel, Gérald Passy

équipe commerciale lifestyle Frédéric Fossard, Karima Keriche, Marie-Christine Lanza

agents étrangers

Paola Zuffi

paola.zuffi@zeta-media.it, Agnès Wanat agnes@adwestmedia.eu, Laurent Bouaziz lbouaziz@llbcom.com

administration des ventes

Aurore Vetillart

directrice stratégie media

Victoria Bravo

directrice des opérations natives Marine Guigon Mompezat

directrice creative cnx studio

Sarah Herz

directrice event & partenariat

Jennifer Ingrand

responsable event & partenariat

Marion Hinzelin

GQ Global

global editorial director ( u s )

Will Welch

deputy global editorial director ( british gq )

Adam Baidawi

head of editorial content , gq germany

Tobias Frericks

head of editorial content , gq india

Che Kurrien

head of editorial content , gq italy

Federico Sarica

head of editorial content , gq japan

Jun Ishida

head of editorial content , gq mexico & latin america

Alejandro Ortiz

head of editorial content , gq spain

Daniel Borrás

head of editorial content , gq taiwan

Kevin Wang

editor in chief , gq china

Rocco Liu

global executive design director

Robert Vargas

global director of editorial operations

Sarah Schmidt

global visuals director

Roxanne Behr

global content development director

Daniel Riley

global director of content strategy

Joel Pavelski

global features director

Geoffrey Gagnon

global entertainment director

Dana Mathews

global style director

Noah Johnson

directrice financière

Isabelle Léger

directrice des ressources humaines

Nadia Benhayyan

vp communications

Bernie Torres

directeur de la vidéo

global associate fashion director

Miles Pope

global commerce category director , gq / fashion

Martin Mulkeen

execute global director , audience development , social media & analytics

Stephanie Williams

global visuals production director

CertifiéPEFC

Ceproduitestissude forêtsgérées durablement,de sourcesrecycléeset contrôlées www.pefc-france.org

Pour s’abonner – abonnement.condenast.fr

Tarif France métropolitaine 1 an - 8 numéros : 29,95 €.

Pour contacter le service abonnement GQ : 0809 40 04 45 (non surtaxé) gq@condenast.fr

Abonnement en Suisse : Asendia Press Edigroup SA, Tarif 1 an - 8 numéros : 58CHF 022 860 84 01 – abonne@edigroup.ch

Abonnement en Belgique : Asendia Press Edigroup SA, Tarif 1 an - 8 numéros : 39€ 070 233 304 – abonne@edigroup.ch

Commande d’anciens numéros pour la France et l’étranger : +33(0)2 28 97 09 45 patrimoine.condenast@gmail.com

Les Publications Condé Nast, Société par actions simplifiée, 91-93 rue de Richelieu, 75002 Paris.

Principal associé Condé Nast International LTD.

GQ France - gqmagazine.fr – 01 53 43 60 00 gqfrance@condenast.fr

Pour envoyer un mail, les adresses se composent comme suit : initiale du prénom + nom@condenast.fr

Diffusion

MLP – ISSN 1959-7800.

Numéro de commission paritaire 0725 K 89484

Dépôt légal : Mars 2024

Thomas Leroy FR

Provenance des papiers : Papier de couverture, Italie (Ptot : 0,01 kg/tonne). Taux de fibres recyclées

0% Papier intérieur, Finlande (Ptot : 0,003 kg/tonne)

Taux de fibres recyclées : 0%

Victoria Graham

global production director

Jim Gomez

global content planning manager

Becca Peters

european director of audience development , social & analytics

Neha-Tamara Patel

CONDÉ NAST

chief executive officer

Roger Lynch

chairman of the board

Jonathan Newhouse

global chief revenue officer & president , u s revenue & president of international

Pamela Drucker Mann

chief content officer

Anna Wintour

chief financial officer

Nick Hotchkin

chief people officer

Stan Duncan

chief communications officer

Danielle Carrig

worldwide editions

chief of staff

Samantha Morgan

chief product & technology officer

Sanjay Bhakta

chief content operations officer

Christiane Mack

Allemagne : AD, Glamour, GQ, Vogue. Espagne : AD, Condé Nast Traveler, Glamour, GQ, Vanity Fair, Vogue. France : AD, GQ, Vanity Fair, Vogue. Indie : AD,

Condé Nast Traveller, GQ, Vogue. Italie : AD, Condé Nast Traveller, GQ, La Cucina Italiana, Vanity Fair, Vogue, Wired. Japon : GQ, Vogue, Wired. Mexique et

Amérique latine : AD, Glamour, GQ, Vogue, Wired. Proche-Orient : AD, Condé Nast Traveller. Royaume-Uni : Condé Nast Johansens, Condé Nast Traveller, Glamour, GQ, House & Garden, Tatler, The World of Interiors, Vanity Fair, Vogue, Vogue business, Wired. Taïwan : GQ, Vogue. U.S. : AD, Allure, Ars Technica,

Bon Appétit, Condé Nast Traveler, epicurious, Glamour, GQ, LOVE, Pitchfork, Self, Teen Vogue, them., The New Yorker, Vanity Fair, Vogue, Wired.

magazines publiés sous joint-venture

Brésil : Glamour, GQ, Vogue.

sous licence ou copyright

Adriatique : Vogue. Afrique du Sud : Glamour, GQ, House & Garden. Australie : GQ, Vogue. Bulgarie : Glamour. Chine : AD, Condé Nast Traveler, GQ, Vogue. Corée : Allure, GQ, Vogue, Wired. Grèce : Vogue. Hongrie : Glamour. Hong-Kong : Vogue, Vogue Man. Pays-Bas : Vogue, Vogue Living.

Philippines: Vogue. Pologne : AD, Glamour, Vogue. Portugal : GQ, Vogue. Proche-Orient : GQ, Vogue, Wired. République tchèque et Slovaquie : Vogue, Wired. Roumanie : Glamour. Scandinavie : Vogue. Singapour : Vogue. Thaïlande : GQ, Vogue. Turquie : GQ, Vogue. Ukraine : Vogue.

Pepo Mor eno

ART-THÉRAPIE

Vous avez déjà sûrement vu ses dessins, peintures et installations sur Instagram qui l’adore. Pepo Moreno a les mains en ébullition et impose son style enfantin, chahuteur et chaleureux. PAR ADELINE GRAIS-CERNEA PHOTOGRAPHE IDRISS NASSANGAR

Pepo Moreno est un artiste visuel qui dessine et peint depuis qu’il est enfant. En pleine pandémie, il transforme sa chambre en atelier. Travaillant alors dans le marketing, il plaque tout et se lance dans le projet d’une exposition à Paris. Utilisant plusieurs médiums, Pepo s’exprime grâce à la peinture, et la lumière, et créant des installations. “S’il y a un objectif, ce serait de libérer mon esprit des soucis, je suppose, et de laisser mon enfant intérieur de 9 ans s’exprimer. Ce qui est déjà beaucoup”. Les mots font souvent partie intégrante de son travail, pas étonnant pour quelqu’un qui a étudié l’art du scénario et qui professionnellement a très vite compris l’intérêt du wording dans notre société. Pepo ne cache pas l’intention autothérapeutique qui traverse ses images. “La plupart des sujets viennent de ma propre expérience, de mes années de jeunesse et de la façon dont elles affectent ma vie d’adulte aujourd’hui.” Il se sent artistiquement proche “des enfants de la maternelle aux acteurs pornographiques en passant par des peintres comme Philip Guston ou Joan Miro”. Pepo Moreno multiplie les collaborations et exposera très prochainement en Corée, son premier show en Asie.

TENDANCE TAPE-À-L’ŒIL

PAR EXCELLENCE, les teintes fluorescentes ont longtemps été décriées aussi bien sur les podiums des défilés que dans la rue. Les couleurs flashy qu’on surnomme aussi “neon” en anglais ont pourtant été inspirées des années 80, à l’époque des premiers cours de fitness télévisés à la Gym Tonic de Véronique et Davina où la mode hyper colorée règne en maître. Madonna, David Bowie, Cher et leurs clips survitaminés consacrent aussi le fluo comme la nuance d’une génération libérée et sûre d’ellemême. Quarante ans plus tard, le fluo s’impose désormais comme une tendance chez les hommes, visible dans les collections estivales des plus grandes maisons de luxe, de Dior Men à Versace, en passant par Givenchy et Paul Smith.

Maillot et sneakers, Acne Studios.Pull et lunettes de soleil, Dior Men.Pantalons et tee-shirt, Los Angeles Apparel

50 NUANCES DE FLUO

Blazer Paul Smith, 1 405 €

Gilet zippé Jil Sander, 2 200 €

Pantalon de costume Paul Smith, 355 €

Pull sans manches Versace, 850 €

Mocassins Sebago, 249 €

Pantalon cargo Dries Van Noten, 855 €

Chemise Dior Men, 1 150 €

Short American Vintage, 90 €

Sac à bandoulière Ferragamo, 850 €

Sac Speedy Louis Vuitton, 7 500 €

Quand deux success stories à la française se retrouvent, le résultat prend vie avec une paire de sneakers exclusive imaginée à mi-chemin entre Veja et la marque de mode Études.

PAR ADRIEN COMMUNIER

LES LACETS

Couleur récurrente dans le travail de la griffe parisienne, le bleu Études prend discrètement ses quartiers sur les lacets et le passant central de ce modèle inédit.

LA COULEUR

Les deux marques se sont penchées sur le modèle Fitz Roy de Veja, une basket outdoor d’inspiration randonnée et déclinée dans un gris minéral.

LE TALON

Le motif géométrique en zigzag qui rehausse le talon rappelle les lignes du massif montagneux du Vercors, un paysage cher aux trois fondateurs d’Études.

LE LOGO

L’emblématique

“V” logotypé de Veja fait de la place au “É” de la marque Études pour coexister sur chaque flanc de la tige.

LA SEMELLE

La semelle crantée est striée de crampons multidirectionnels qui assurent stabilité et solidité à quiconque enfile cette paire de baskets déperlante.

LES 10 ESSENTIELS

PAR ADRIEN COMMUNIER

1

BORDS D’EAU

S’il fallait ne retenir qu’une seule couleur de K-Way, ce serait peutêtre celle-ci. La teinte lie-de-vin de l’iconique coupe-vent Le Claude est capable de s’adapter à toutes sortes de tenues. (120 €)

FAR WEST

La tendance western a conquis les podiums des collections de l’hiver prochain mais pas besoin d’attendre grâce à Cos qui a imaginé cette élégante chemise en denim inspirée de la mode américaine des cow-boys. (99 €)

2 5

DISCO VIBES

Quoi de mieux qu’un jean Levi’s à l’esprit vintage pour anticiper le printemps avec style ?

La version 517 bleu clair de la marque de denim dispose d’une coupe bootcut redoutable ajustée à la taille et évasée en bas. (110 €)

Retrouvrez les 10 Essentiels de GQ sur YouTube

NOIR PRÉCIEUX

Pour ne transporter que l’essentiel, Valentino ajoute une itération en version mini à sa collection Locò. L’atout parfait avec sa bandoulière amovible et son fermoir aimanté en V. (1 700 €)

C’EST LA OUATE

Cette surchemise Ami est l’atout idéal pour assurer une transition en douceur entre l’hiver et le printemps grâce à sa matière ouatinée très confortable et son aspect déperlant paré à toutes les occasions. (480 €)

POILS DE VACHE

Exit le modèle de derbies en cuir de Paraboot, la marque française laisse parler sa créativité avec un brin de folie en déclinant son emblématique soulier en poils de vaches normandes. (480 €)

MAILLE ÉGALE

Le pull en cachemire est un indispensable de toute garde-robe qui se respecte et ce n’est pas Tricot qui vous dira le contraire. La marque française a imaginé le pull en V pour homme idéal qui se décline dans toutes les couleurs. (240 €)

6 7

SPORTSWEAR HYBRIDE

Mi-polo à manches longues, mi-hoodie de sport, ce sweatshirt signé Nicolas Di Felice chez Courrèges pourrait bien être la pièce mode la plus discrète mais la plus redoutable de votre vestiaire. (450 €)

TOUR DE CUIR

Cette ceinture d’inspiration western est un classique du vestiaire minimaliste de la marque française Lemaire. Un accessoire qui prendra du charme en vieillissant pour traverser les époques à vos côtés. (250 €)

3 4 8 9 10

SOULIERS GRIGRIS

Oubliez les traditionnels mocassins noirs ou marrons que l’on voit partout, optez plutôt pour cette version G.H.Bass grise aux reflets brillants. Effet garanti. (215  €)

RETROUVEZ L’ESHOP VOGUE COLLECTION

SUR SHOP.VOGUE.FR

On ne peut pas avoir tout ce qu’on voudrait dans la vie, bien évidemment, ce serait trop facile et puis, ça tuerait certainement le désir. Mais on peut rêver à… s’imaginer que… et faire des wishlists. C’est sain, c’est positif et c’est surtout plein d’espoir.

PAR ADELINE GRAIS-CERNEA

PIANO L’ALPANGE

Pour enfin se mettre au piano dans des conditions acceptables et au pire avoir un objet qui en jette le jour il servira de desserte, parce que bon, c’est pas facile le piano (À partir de 35 000 €)

LE LIVRE SILK-ROAD, DE MALI MARCIANO & MARK BORTHWICK, AUX ÉDITIONS LE KASHA ET OFR PARIS

Il est magnifique. Au-delà d’avoir un bel objet à poser sur une table basse ou sur un piano Alpange, il est important de continuer à rêver et ce livre nous prend par la main et nous emmène. Qui partira vraiment faire la route de la soie ? Voilà, c’est bien ce que je pensais. Alors page après page on se permet de voyager. (90 €)

CE SAC À MAIN D’ANTIK

BATIK

Ce sac est mixte. Ce sac convient à toutes les saisons. Ce sac peut contenir des effets de ville, mais aussi servir à ramasser des noix le week-end prochain. Ce sac promet de sublimer n’importe quelle tenue, mais ce sac pourrait tout aussi bien devenir une sculpture, posé à côté de notre livre Silk-Road. Pourquoi s’en passer ? (395 €)

LE MASQUE DE MASSAGE THERABODY

Parce que 5 minutes par jour affalé dans son canapé, coupé du monde avec un masque sur les yeux c’est déjà de la méditation et ça réduit pas mal le stress, alors imaginez si en plus le masque fait des petits massages… Ça devrait être remboursé par la Sécu, non ? (199 €)

LA LAMPEENCEINTE CANON

Parce qu’on travaille parfois tard et qu’une bougie à la lueur de la lune toute romantique que ce soit n’est franchement pas recommandée par les services de protection incendie. Si en plus, on peut écouter un petit podcast intelligent en même temps, cet objet nous permettra vraiment d’y voir plus clair dans la vie. (299 €)

UNE ŒUVRE DE DESIRE MOHEB-ZANDI

Parce que sa logique de composition frôle le génie. Parce qu’elle maîtrise les couleurs, les épaisseurs, les combinaisons. Et parce que n’importe quelle pièce qui s’orne de son travail devient plus chaleureuse et plus intéressante. (prix sur demande)

UN SAVON LIQUIDE SOEDER

Afin d’avoir enfin une belle alternative au savon de Marseille qui s’est ratatiné sur le côté du lavabo. Un parfum qui donne le sourire. Et puis avec autant de couleurs sur l’étiquette, se laver les mains devient une véritable fête et presque plus un devoir. (48 €)

CETTE CARAFE ET SON TUMBLER CHEZ AQUAZZURA CASA

En verre de murano soufflé. Uniquement pour frimer devant soi-même, au moment où l’on se délecte de la meilleure gorgée d’eau de sa vie. (395 €)

LE GRAND MAGASIN DES IMPATIENTS

DREW STARKEY, AMANT DISCRET

3 8f a ç snoc ed p i m person

L’acteur Drew Starkey s’est fait remarquer dans la série Netflix Outer Banks. Un rôle qui lui a ouvert de belles portes puisque Luca Guadagnino n’a pas tardé à l’inviter à déjeuner : “J’ai été très surpris !” se souvient le comédien. Résultat des courses : il décroche un rôle dans Queer, le prochain film du réalisateur italien. Il incarnera l’homme sur lequel Daniel Craig jette son dévolu. Basé sur un roman de William S. Burroughs, le long-métrage suit le périple de deux américains à Mexico. Durant le tournage, Starkey et Craig ont répété la chorégraphie qui unit leurs personnages : “On a appris à se connaître rapidement. Très rapidement.” —EILEEN CARTER

Drops

Styl e

REBOOT 90’S Avec leurs grands revers et leur matière fluide, les costumes Giorgio Armani des années 1990 sont entrés au panthéon de la mode. Le maestro italien propose plusieurs versions revisitées cette année. Elles sont impeccables.

Blazer, chemise, pantalon,cravate, pochette et lunettes, Giorgio Armani. Chaussures,Toga Virilis. Chaussettes, Comme Si. Boucle d’oreille perso. Collier (porté à la taille), Tiffany & Co.

GQ World Drops

TROMPE-L’ŒIL

Adoptez le sweat zippé de Balenciaga. Vous pouvez aussi vous faire tatouer le torse, mais c’est plus douloureux. (1 400 €)

SHIZO Clair d’un côté et noir de l’autre, ce sac MCM en toile réversible s’adaptera à votre humeur. (760 €)

DANDY

Copiez Wes Anderson ou un personnage de ses films, en arborant ce blazer Marni rayé. Un conseil : portez-le sur les épaules, comme une cape. (1 995 €)

BIG CITY LIFE

Helmut Lang fait peau neuve. Le nouveau directeur artistique de la marque Peter Do a recyclé des pubs de 1998 pour taxis new-yorkais et les a placardées sur des jeans. Bien joué. (565 €)

HOT BOY

Difficile d’imaginer une chemise à boutonspression plus sexy que ce modèle Commission avec son daim tout doux et ses fentes au niveau de la poitrine. (1 500 €)

MATIÈRE NOBLE

La tendance grandpacore, ou l’art de piocher dans la garderobe de ses aïeuls, prend de l’ampleur dans la mode homme et il est grand temps d’investir dans un gilet sans manches en cachemire de chez Cifonelli. (550 €)

MICKEY MUST

AVIATEUR

Soyez sûr d’une chose : avec ce blouson d’aviateur en cuir Bally sur les épaules, personne ne viendra vous chercher des noises. (2 400 €)

MULES HYBRIDES

Devenue incontournable aux pieds de l’homme moderne, Birkenstock 1774 fusionne ses sabots Boston aux sandales Arizona pour un résultat inédit à la fois haute couture et ultra élégant. (480 €)

La marque Gérald Genta, designer à qui l’on doit la Royal Oak d’Audemars Piguet, lui survit et propose cette année une montre Mickey vintage à Répétition Minute, Heures Sautantes et Minute Rétrograde. Simple et (très) compliqué à la fois. (prix sur demande)

QUALITÉ

SUPÉRIEURE

La tendance workwear n’a jamais eu autant de succès et C.P. Company peut compter sur sa créativité à toute épreuve pour imaginer les plus belles pièces comme cette veste déperlante à effet caoutchouc. (689 €)

FROM SWEDEN WITH LOVE

Our Legacy est LA marque suédoise qui cartonne en ce moment avec son vestiaire à la fois classique mais surélevé, comme le prouve cette chemise bleu marine à carreaux des plus versatiles. (280 €)

BORN IN THE USA

Vous cherchez LA ceinture ultime ? Rendezvous chez Polo Ralph Lauren. Il y a en a pour les goûts, tous les styles et toutes les morphologies. Les ceintures en daim sont idéales sur un jean. Les boucles discrètes sont parfaites pour vos costumes. (de haut en bas, 199 €, 199 € ,199 €, 199 €, 99 €, 199 €, 149 €)

STYLISTE SUZY ZIETZMANN.

MÉTAMORPHOSE

À l’occasion du centenaire de Trinity (la collection Cartier fétiche de Gary Cooper et Grace Kelly), le joaillier parisien sort une nouvelle version de sa bague et de son bracelet en or rose, jaune et blanc. Ronds à l’origine, les trois anneaux imbriqués traditionnels sont désormais disponibles en format carré. (bracelet, 18 100 €, et bague, 3 700 €)

World

TOILE XXL

Ce printemps, le pantalon cargo se porte oversize et coloré comme le prouve cette pièce Valentino en toile de coton extensible dans une teinte de bordeaux. (1 200 €)

FLEURS DU MAL

Approchez-vous de la nouvelle chemise

Prada : vous y trouverez des fleurs… et des monstres évoquant l’univers imaginé par H.R. Giger pour le film Alien. (1 700 €)

POLO PAUL

Quelque chose de rétrofuturiste se dégage de ce polo du créateur anglais Paul Smith. Une pièce élégante avec son noir immaculé et son détail zippé coloré qui apporte une touche de modernité. (180 €)

MONKEY FIT

BLING-BLING

Ce polo Dior Men orné de pierres précieuses n’a rien à envier à la collection de broches de votre grand-mère. (55 000 €)

CUBE PRÉCIEUX

Ce pantalon cargo signé Kenzo est directement inspiré des modèles portés par le Corps des Marines des États-Unis depuis 1944. Une pièce de mode à la fois pratique et élégante avec ses poches surpiquées de coutures blanches. (320 €)

AU ZÉNITH

Cette

les codes des combinaisons de pilotes que l’on pouvait apercevoir dans les années 1950. Un concentré de savoir-faire français avec ses finitions en cuir, le tout fabriqué à la main. (1 595 €)

Ce pendentif a été imaginé en l’honneur de Gaston-Louis Vuitton, petit-fils de Louis Vuitton. Un bijou qui renferme un diamant étincelant et qui souligne la tradition malletière de la maison française. (3 500 €)

Le bleu emblématique de Zenith, agrémenté ici de rainures horizontales, vient offrir une version résolument printanière à la célèbre montre d’aviation Pilot Automatic. Un modèle 40 mm trois aiguilles simple et très efficace. (8 100 €)

ACID RAVE

Né en Australie, formé à Londres et basé à Madrid, le créateur Edward Cuming s’est fait un nom dans le monde du tricot. Ses pulls amples, sensuels et colorés sont des petits bijoux. (555 €)

PAIRE LÉGENDAIRE

Les 714 sont les toutes premières montures pliables de Persol présentées dans les années 1960 et inspirées par l’acteur et pilote américain Steve McQueen. Un condensé de légende mis en valeur par le savoir-faire italien de la marque. (370 €)

TWO BECOME ONE

Reine du mash-up mode, Chitose Abe, la fondatrice de Sacai, a encore frappé : cette hybridation entre un blazer de luxe et un manteau Carhartt classique en toile est juste géniale. (1 210 €)

OR J’ADORE Qui a dit qu’une paire de mocassins se devait d’être ennuyeuse ?

Certainement pas J.M. Weston qui décline son emblématique modèle 180 dans un cuir de veau foulonné or. Effet garanti. (850 €)

LA VIE EN V

Le col en V n’a rien perdu de sa superbe avec ce modèle Berluti dont la coupe fluide épousera parfaitement vos épaules. À porter légèrement oversize sur un tee-shirt blanc en toute simplicité. (1 400 €)

TOP GUN

veste Chapal reprend

GQ

Drops

Les femmes se montrent enfin

Brynn Wallner, fondatrice de Dimepiece, s’entoure des femmes qui font le monde des montres pour analyser la montée en puissance de la collectionneuse.

C’EST DANS UN HEUREUX concours de circonstances que le marché des montres de luxe entre dans l’année 2020 : l’offre est faible, la demande élevée, la hype partout et les possibles acheteurs se retrouvent cloîtrés chez eux avec de l’argent à flamber. Les sommes records atteintes lors des ventes aux enchères et la montée en flèche des prix sur le marché de la seconde main, alimentées par l’essor des réseaux sociaux spécialisés, provoquent une frénésie horlogère sans précédent. Tout le monde est en passe de devenir collectionneur, spéculateur ou expert en montres.

Cette même année, j’ai lancé Dimepiece, une plateforme qui remet les femmes au centre de l’horlogerie. J’étais tombée sous le charme des garde-temps après un bref passage chez Sotheby’s mais je ne me sentais pas du tout représentée en tant que novice dans le domaine de l’horlogerie.

Je suis arrivée en temps utile. Car cette folle année a également incité un nouveau groupe de femmes à s’imposer dans ce secteur historiquement dominé par les hommes, et celles qui étaient là depuis le début profitent du renouveau culturel (et financier).

Selon l’étude Deloitte 2023 sur l’industrie horlogère suisse, “les acheteuses de montres représentent un potentiel largement inexploité”. Les femmes gagnent plus (dans cette économie ? !) et achètent plus de montres de luxe que jamais auparavant.

C’est une industrie séculaire fondée sur l’amour des traditions, et dominée par la Suisse. Rappelons que dans l’un des cantons de ce minuscule et magnifique pays, les femmes n’ont pas eu le droit de vote aux élections cantonales avant 1991. Je répète, 1 991 !

Pour saisir l’esprit de ce moment unique et comprendre comment le monde de l’horlogerie peut s’appuyer sur cet élan féminin, j’ai rencontré trois femmes devenues des actrices majeures du secteur.

La première est Ginny Wright, qui a plongé tête la première dans la manie des montres née de la pandémie en rejoignant Audemars Piguet en tant que PDG Amériques en janvier 2021. Ginny Wright vante, à juste titre, le palmarès de sa maison qui défend depuis longtemps les talents féminins, comme la créatrice Jacqueline Dimier (à qui l’on doit la première version féminine de la Royal Oak en 1976), et a nommé des femmes à des postes clés.

“J’ai fait mes premiers pas dans l’industrie après avoir travaillé dans le secteur des cosmétiques, où les femmes représentent 95 % des consommateurs et sont aux commandes des marques.

Considérer les femmes (soit la moitié de la population mondiale) comme un segment “inexploité” pourrait tenir de l’évidence ou d’un aveuglement volontaire, mais il ne faut pas faire l’impasse sur l’autre partie de l’équation. Les femmes commencent à peine à prendre les rênes et à faire entendre leur voix dans le monde de l’horlogerie.

Débarquer dans le monde de l’horlogerie a été quelque peu différent, relève-t-elle. Les femmes sont absolument minoritaires dans les postes de direction du secteur, mais elles détiennent trois des six postes de directeurs régionaux chez AP”, Audemars Piguet, donc. Sans oublier Ilaria Resta, qui a été nommée directrice générale de la marque (un changement révolutionnaire dans l’industrie) ce 1er janvier 2024. Tournons-nous ensuite vers Rebecca Ross, vice-présidente et responsable des ventes montres chez Christie’s. Véritable gourou de l’horlogerie, elle évolue dans ce secteur depuis plus d’une dizaine d’années. Initialement, son département était exclusivement composé d’hommes mais à mesure de son ascension, elle a pris

À gauche : une Audemars Piguet Royal Oak par Carolina Bucci en édition limitée. Brynn Wallner porte une Cartier Santos Demoiselle des années 2000 (en haut) Dans le sens des aiguilles d’une montre, en partant du haut à gauche : une Seiko des années 1990 ; deux Patek Philippe Ellipse vintage et une montre bracelet Hermès Nautical Link ; deux Baignoires Cartier vintage ; de gauche à droite, une Rolex Datejust des années 1980, une Rolex Lady-Datejust des années 1980, une Seiko des années 1990, une Heuer Dive de 1978, une Cartier Tank Française de 2021, une Swatch Back to Blueberry Girl.

Créateur du mocassin iconique Penny Loafer

Créateur du mocassin iconique Penny Loafer

Créateur du mocassin iconique Penny Loafer

Créateur du mocassin iconique Penny Loafer

Disponible aux Galeries Lafayette ghbass-eu.com

Créateur du mocassin iconique Penny Loafer

Créateur du mocassin iconique Penny Loafer

Créateur du mocassin iconique Penny Loafer

Créateur du mocassin iconique Penny Loafer

Disponible aux Galeries Lafayette ghbass-eu.com

Disponible aux Galeries Lafayette ghbass-eu.com

Disponible aux Galeries Lafayette ghbass-eu.com

Disponible aux Galeries Lafayette ghbass-eu.com

Disponible aux Galeries Lafayette ghbass-eu.com

Disponible aux Galeries Lafayette ghbass-eu.com

Disponible aux Galeries Lafayette ghbass-eu.com

À droite : Ginny Wright, PDG Amériques chez Audemars Piguet, avec deux pièces Audemars Piguet (de haut en bas) : une Code 11.59 ; une montre sertie des années 1990. Ci-dessous : Rebecca Ross, vice-présidente et responsable des ventes montres chez Christie’s ; une Movado des années 1950.

conscience de l’importance de son rôle en tant que voix féminine dans l’industrie. Pour terminer ma table ronde, j’ai fait appel à la créatrice de bijoux Lauren Harwell Godfrey, dont la collection de montres en préparation compte parmi mes préférées. Avec une Rolex “Concorde” GMT-Master 1675 en or ultimement rare au poignet et d’autres modèles sertis à tomber, la bijoutière experte a toutes les qualités nécessaires pour mener à bien sa collection. Mais Lauren Harwell Godfrey insiste sur le fait qu’elle n’aurait pas pu se procurer ces pièces toute seule : c’est son horloger de confiance qui lui a ouvert les portes des marchés de la seconde main et du vintage (qui gagneraient à être beaucoup, beaucoup plus accueillants pour les femmes).

Nous revenons ensemble sur la part croissante des femmes et leur influence sur le bon vieux boy’s club de l’industrie, sur la hype et ses effets durant la pandémie (adieu achat en magasin !) et sur la manière dont les collectionneuses de montres se détachent du peloton dominé par les hommes.

BRYNN WALLNER : Ginny, comment les choses ont évolué à vos yeux depuis vos débuts chez Audemars Piguet ?

GINNY WRIGHT : Durant la pandémie, quand nous étions coincés chez nous, l’intérêt pour les montres a gagné du terrain. Jeunes gens, vieilles personnes, femmes et hommes… ils y ont tous succombé. Nous devons tenir compte de l’évolution démographique et psychographique du

monde car comme nous travaillons pour une marque qui existe depuis 148 ans, notre tâche principale est de nous assurer qu’elle existera encore dans les 148 années à venir. Nous ne pouvons pas ignorer les femmes qui, pour ce qui est des États-Unis, représentent 65 % des étudiants de premier cycle et 62,9 % des étudiants de deuxième cycle. Tout cela aura un impact sur notre économie et nous devons nous préparer à cet avenir.

Rebecca, parlez-nous de 2020 et 2021, qui ont été les années de tous les records dans les départements montres des maisons de ventes à l’international.

REBECCA ROSS : C’est encore une petite industrie par rapport à beaucoup d’autres. Mais de nombreuses jeunes entreprises, comme Bezel et Collectability, ont su bénéficier de la combinaison du savoir-faire des spécialistes de l’horlogerie avec les facettes technologiques et éditoriales. Ce pêle-mêle d’entreprises fait aujourd’hui grandir la communauté et la rend plus diversifiée et plus intéressante, à l’image des collectionneurs eux-mêmes.

Lauren, vous êtes l’une de ces collectionneuses. Et vous avez acheté votre première Rolex dans un centre commercial ! On a l’impression que cette époque est révolue. Comment le secteur a-t-il évolué, de votre point de vue ?

LAUREN HARWELL GODFREY : Ce que j’ai remarqué, à titre personnel, c’est que l’accès est devenu plus limité. Ce qui était autrefois une catégorie facilement disponible en magasin s’est transformé en un marché qui repose davantage sur les relations. En tant que collectionneuse et acheteuse de confiance, j’accède à de nouvelles strates, ce qui m’a conduit vers le monde du vintage.

Avez-vous déjà remporté une montre aux enchères ?

HARWELL GODFREY : Pas encore, mais ça m’intrigue. Même si je travaille dans le secteur du luxe, j’ignore comment acquérir une montre aux enchères. Pour être honnête, je n’ai pas l’impression de faire partie du public cible.

ROSS : Beaucoup des collectionneuses qui entrent en contact avec moi sont arrivées chez Christie’s par le biais du luxe.

Les hommes dominent-ils encore largement le processus de vente aux enchères ?

ROSS : Le secteur reste dominé par les hommes en termes d’enchérisseurs mais j’ai vu une augmentation considérable des femmes du côté des acheteurs et des consignataires. La situation s’est améliorée, mais il reste encore beaucoup à faire. Ce qui est intéressant, cependant, c’est que le poids symbolique de la montre est sur le point de dépasser celui de la bague de

fiançailles, en termes de bijou que les femmes ont toujours rêvé de porter. Tout comme une bague de fiançailles représente l’amour que l’on porte à l’autre, la montre représente l’amour que l’on se porte à soimême et récompense la réussite.

Ginny, que pensez-vous de la montre comme cadeau qui cultive l’amour de soi ?

WRIGHT : Rebecca a vu juste, et nous l’avons d’ailleurs confirmé par nos recherches. En général, pour inciter un homme à acheter une montre, il suffit de faire un drop secret sur le site d’Audemars Piguet. Toutefois, la vaste majorité des femmes qui entrent dans l’industrie voient l’achat d’une montre comme une récompense personnelle. Elles fêtent un succès ou le passage d’une étape importante avec une montre. Ce n’est pas en publiant un communiqué de presse sur un tout nouveau lancement que l’on va faire bouger les lignes.

En 2020, quand j’ai lancé Dimepiece, je n’avais pas encore de montre de luxe en ma possession. Il m’a fallu une année entière de recherche et de réflexion pour me sentir prête à passer le cap. Lauren, prenez-vous des décisions émotionnelles en tant qu’acheteuse ?

HARWELL GODFREY : Je suis passée des deux côtés de la collectionnite, certaines montres ont eu une valeur sentimentale pour moi mais je peux aussi me ruer sur tout ce que mon revendeur poste sur son Instagram [rires].

ROSS : La loyauté est cruciale dans ce secteur. Construire le type de relations dont parle Lauren demande beaucoup de temps et de confiance, surtout à l’heure actuelle où tant de gens se présentent comme des vendeurs. En tant que spécialiste chez Christie’s, il est de ma responsabilité d’aider mes clients à développer leurs collections dans la bonne direction. Je suis très fière des relations que j’ai nouées.

Parlons des tendances. Lauren, votre première montre était une toute petite Rolex en or avec un cadran noir. À l’époque, vous aviez remarqué que les femmes ne portaient que de grosses montres…

HARWELL GODFREY : J’aurais dû garder cette petite montre, elle est de nouveau à la mode aujourd’hui !

WRIGHT : Je suis de près mon top 50 des

collectionneuses. Certaines femmes ne portent que de grosses montres, tandis que d’autres privilégient des modèles plus petits. Et je constate que les hommes font de même, ils optent pour des montres plus compactes. Mais nous n’avons qu’un certain nombre de modèles à notre disposition ! Je me démène pour préserver les montres que les femmes veulent porter, car l’un de mes objectifs est qu’elles représentent au moins 30 % de notre clientèle dans les Amériques. Les femmes demandent également des montres plus compliquées. Mais, c’est une certitude, les petits modèles en métaux précieux reviennent en vogue. Quand on compare les 10 montres les plus achetées par les femmes pour elles-mêmes par rapport aux 10 montres les plus achetées par les hommes pour les femmes, on s’aperçoit des différences. Les femmes achètent davantage de bijoux et de pièces en métaux précieux pour elles-mêmes, tandis que les hommes ont tendance à leur offrir des versions en acier.

C’est presque comme une nouvelle vague de féminisme. Nous voulons des pièces ultra féminines et nous avons la possibilité de nous les offrir nous-mêmes.

HARWELL GODFREY : J’étais chez un détaillant il y a peu, et chaque personne présente au rayon bijouterie portait un Bulgari Serpenti. Chaque personne. Ça a piqué ma curiosité car cette montre ressemble à un bracelet. On peut également citer la joaillière italienne Carolina Bucci qui a fait un travail magnifique avec AP. Je pense qu’il existe une vraie opportunité de multiplier les collaborations avec des créateurs de bijoux à mesure que les femmes gagnent du terrain dans l’industrie. En tant que créatrice qui espère un jour s’associer sur une belle montre, je pense qu’il pourrait y avoir beaucoup plus d’initiatives dans ce domaine.

WRIGHT : Je porte en ce moment même une Audemars Piguet Frosted Gold Royal Oak de Carolina Bucci ! J’adore cette montre parce qu’elle a tout d’un bijou, mais sans diamants ni fioritures. Vous pouvez la porter tous les jours ou la compléter avec d’autres pièces. Rebecca, les ventes aux

enchères ont-elles fait apparaître des tendances qui pourraient confirmer les propos de Lauren et Ginny ?

ROSS : Une chose est sûre, c’est la fin des montres pour hommes et pour femmes traditionnelles. Les lignes de démarcation entre les goûts des clients et des clientes sont de plus en plus floues. La mode a déjà perçu cette tendance, et je pense que l’horlogerie est en passe de la rattraper. Mais il reste encore beaucoup à faire du côté des professionnels. J’ai vraiment hâte de voir plus de femmes occuper des postes de direction dans cette industrie.

SARAH MANDOIS adaptation française

À gauche : une Bulgari Serpenti Tubogas. Ci-dessous, de gauche à droite : une Rolex Day-Date de 2022 ; une Rolex DayDate de 1986. Lauren Harwell Godfrey, joaillière, porte une Rolex Day-Date avec cadran en lapis-lazuli.

Food for thought.

À gauche :

Veste en cuir, 032C.

Polo, Dior Men.

Pantalon, K-Way. Écharpe, Falconeri. Bonnet et valise, Louis Vuitton.

Lunettes de soleil, Paul & Joe.

Au milieu : Veste, Armani Exchange.

Chemise, Valentino.

Pantalon, Miu Miu. Cravate, Cifonelli. Sac, Prada.

Lunettes de soleil, Dsquared2.

Casque audio, Apple.

À droite : Hoodie, 032C. Veste et veste sans manches superposées, Pyrenex. Pantalon, Armani Exchange. Valise, Rimowa.

MÉTROPHOTODODO

PHOTOGRAPHE OSCAR CHIK STYLISTE MAYA SOUL PAUSTIAN

À gauche :

Peignoir, Ralph Lauren.

Débardeur, Egonlab.

Slip de bain et baskets, Miu Miu.

Lunettes, Paul & Joe.

Sac, Armani Exchange.

Au milieu :

Short, 032C.

Montre, Longines.

Boucles d’oreilles, Tiffany & Co.

À droite :

Tee-shirt, Fendi.

Boxer, Calvin Klein.

Casque audio, Apple.

Costume et chaussures, Dolce & Gabbana.

Trench-coat, Burberry.

Tee-shirt, Colmar. Short, Lacoste. Chaussures, Balenciaga. Chaussettes, Dsquared2. Sac, Dior Men.

À gauche : Manteau, legging et chaussures, Dolce & Gabbana.

Au milieu : Débardeur et bague, Louis Vuitton. Pantalon et souliers, Givenchy. Boxer, Dsquared2.

À droite : Pantalon et bottes, Louis Vuitton. Boxer, Dsquared2.

À gauche :

Costume, Givenchy. Sac, Berluti.

À droite : Tee-shirt (porté sur les épaules), Uniqlo.

Pantalon, Acne Studios. Collier, David Yurman.

Peignoir, Ralph Lauren. Débardeur, Egonlab. Slip, Miu Miu.

Lunettes, Paul & Joe.

Gilet, Cifonelli. Pantalon, Dolce & Gabbana. Boxer, Calvin Klein. Collier, Dsquared2 .

Veste et short (en dessous du pantalon), Miu Miu. Pantalon, Balenciaga. Cravate, Mango

À gauche : Blazer, Fendi.

Au milieu : Blazer, chemise, short et souliers, Valentino.

À droite : Blazer et short, Prada.

À gauche : Veste en cuir, Dior Men. Chemise, Burberry Polo, Miu Miu.

Au milieu : Pull, Dries Van Noten Jean, Loro Piana. Chaussures, Balenciaga. Sac, Moncler. Ceinture, Dsquared2. Lunettes de soleil, Tom Ford.

À droite : Pull, boxer, jean et sac, Prada.

À gauche : Veste et chemise, Guess.

Top, Acne Studios. Pantalon et sac, Balenciaga. Bonnet, C.P. Company. Bague et boucles d’oreilles, Louis Vuitton. Au milieu : Chemise, C.P. Company. Pantalon et casquette, Dsquared2. Boxer, Calvin Klein. À droite : Top et hoodie superposés, Balenciaga. Pantalon, Dsquared2. Ceinture, Louis Vuitton.

Set designers : Juliette et Charlotte Castay

Hair : Jesper Hallin

Make up : Elodie Barrat

Assistant photo : Vincent Taraud

Assistant hair : Giada Giorgio Assistante make up : Olivia Rounor Assistantes stylistes : Clara Sonne Kops et Vénus Azari

Talents : Thatcher Thornton, Babacar N’doye, Mathieu Simoneau

Salaires moins élevés, notoriété confidentielle, carrière limitée… Le mannequinat au masculin est-il condamné à demeurer la part d’ombre du métier ? Comment ces hommes se singularisent dans le monde de la mode ? Enquête sur le job mode ? d’une vie.

PAR SAVERIA MENDELLA PHOTOGRAPHE OSCAR CHIK

MANNEQUINS Hommes

I LE NOM DE JOHN ROBERT POWERS ne vous dit rien, c’est parce qu’il a été éclipsé par ceux de Baptiste Giabiconi, Jon Kortajarena, Sean O’Pry, ou encore le très musclé Tyson Beckford. Pourtant, l’Américain est considéré comme le premier mannequin homme ; prenant la pose dans les années 1915 avant d’ouvrir la première agence de modèles de l’histoire, qui collaborera principalement avec les productions hollywoodiennes. Chez John Robert Powers Agency déjà, les femmes tenaient le premier rôle. Car le métier de mannequin a volontiers été conjugué au féminin, employant des jeunes femmes pour servir de modèles aux couturiers avant de les faire accéder au statut d’icônes en placardant leurs visages dans les rues. L’histoire retiendra les noms des tops que sont Naomi Campbell, Cindy Crawford, Linda Evangelista ou Kate Moss. Mais, la modernisation de la mode et sa massification durant la seconde moitié du xxe siècle ont progressivement changé la donne. Terminés les faux-semblants du vestiaire masculin qui ne serait composé que de costumes et de vêtements sobres. Les hommes sont devenus des cibles commerciales comme les autres que les marques ont eu besoin de représenter, afin qu’ils se sentent concernés par les tendances et achats en tout genre.

Le métier de mannequin homme, moins célébré que son pendant féminin, est néanmoins devenu un chaînon indispensable de la mode, de ses images de rêve et événements grandioses. En tête de gondole, la fashion week, que Paris inaugure en version mode masculine dès 2009 afin de répondre aux besoins de marques qui avaient lancé des lignes dédiées, telles Dior Homme en 2001 et Lanvin Homme en 2006. Puis, en 2012, Londres annonce lancer sa version pour homme en plus des traditionnelles semaines de la mode prêt-à-porter établies dans la ville depuis 1984. Fort de son succès, l’événement sera étendu à quatre jours en 2015. Un hasard qui coïncide étrangement avec une annonce outre-atlantique, celle, en février 2015, émise par le Council of Fashion Designers of America qui déclare l’inauguration d’une fashion week masculine. Durant la décennie 2010, les capitales historiques de mode, communément appelées

le “Big 4” (New York, Londres, Milan, Paris), ont permis à la mode homme de disposer de sa propre vitrine ; divisant les collections des marques en deux lignes genrées bien distinctes. Depuis, bon nombre d’évolutions s’observent chaque nouvelle saison, notamment dans le secteur du mannequinat, que les hommes sont de plus en plus nombreux à intégrer. Recherchés pour garnir les podiums, les mannequins ne sont plus “bookés” occasionnellement pour incarner une silhouette masculine au milieu d’une collection. En plus d’être photographiés dans des campagnes publicitaires, les hommes se sont aussi mis à défiler en meute. La mode a ainsi joyeusement accueilli ces modèles d’un genre pas si nouveau. Pour le meilleur, et parfois pour le pire.

Sacré job

“À QUOI RESSEMBLENT MES JOURNÉES en tant que mannequin ? Je me réveille, regarde mon planning, appelle mon agent, me rends sur un shooting, fais le shooting, puis je rentre chez moi”, énumère Babacar N’Doye, l’un des mannequins photographié dans ce numéro. Dans les coulisses du shooting, le récit laconique de cette routine le fait sourire. Car Babacar, tout comme Mathieu Simoneau et Thatcher Thornton qui posent ensemble au fil de ces pages, savent que le métier de mannequin n’a rien de banal. Il bénéficie d’une aura exceptionnelle, célébrant les corps comme nul autre job. Mathieu, un Canadien qui vient de fêter ses 23 ans a été happé par la profession. “Quand j’ai commencé en 2018, je me suis concentré sur ce job pendant deux ans. Puis j’ai tout arrêté pour faire des études de marketing à Toronto, mais je gagnais plus d’argent avec le mannequinat que ce que j’en aurais eu en terminant mon cursus. Alors après le Covid, j’ai emménagé à New York et suis devenu mannequin à temps plein.” Le parcours de Mathieu est assez fréquent dans le milieu. Comme il le théorise lui-même : “c’est le métier qui te trouve, pas toi qui le cherches.” De son propre aveu, il n’a jamais voulu être mannequin. Idem pour Thatcher qui a effectué ses premières tentatives à l’adolescence dans l’unique but d’aider financièrement sa mère désormais reconvertie en “momager” (contraction de “mommy” et “manager”, ndlr). Alors que les premiers contacts avec les agences démarchées lui ont déplu, Thatcher a ensuite été “street casté” (repéré dans la rue, ndlr) lors d’un festival de musique. La suite, véritable conte de fées moderne, est allée très vite. Départ de sa Californie natale pour Paris, signature d’un contrat de deux ans en exclusivité pour Dior Men de Kim Jones, défilés pour Louis Vuitton, Armani, Ferragamo,

campagnes Tom Ford et Ralph Lauren… “J’ai eu tellement de chance de décrocher ces contrats. Grâce à eux, je viens d’offrir une maison à ma mère”, se réjouit-il du haut de son mètre quatre-vingt-cinq.

Pourtant, le directeur de casting Anton Mebarki tempère : “Thatcher fait partie du 1 % de garçons pour qui ça se passe très bien tout de suite. Je vois surtout des centaines de jeunes percer pendant quatre ou cinq saisons avant de s’évaporer.” Ces jeunes hommes, bien souvent repérés par hasard dans la rue, réalisent tout d’abord leur “first season” : une première fashion week durant laquelle les agences les envoient passer des castings auprès des marques. Ils évoluent ensuite dans le milieu entre podiums et campagnes publicitaires, avant de devoir poursuivre leur jeunesse en dehors du circuit.

De toute façon, selon Bilel Ben Ahmed, “on ne peut pas faire ce métier éternellement, l’avenir est trop incertain.” Mannequin “street casté” à Londres puis à Paris il y a sept ans, Bilel a toujours souhaité devenir avocat. Alors qu’il prêtera serment l’été prochain, il reconnaît que cette expérience lui a permis d’abandonner ses jobs étudiants (dont un de manutentionnaire chez Adidas, marque pour laquelle il est devenu mannequin) mais aussi de “vivre l’un des plus beaux moments de [sa] vie […] La première chose que j’ai faite en touchant le salaire gagné suite au shooting d’une campagne a été de me rendre à la caisse des dépôts et de racheter les bijoux que ma mère avait dû mettre en gage”, confie-t-il avec émotion. Perplexe face à l’idée que la beauté puisse être un métier en soi, Bilel a accepté de devenir mannequin seulement pour s’extraire d’une situation précaire. D’autant que, pour lui, “ce métier n’est pas assez stimulant intellectuellement.” Un avis que partage Anton qui ”conseille toujours aux mannequins hommes d’avoir d’autres activités, de ne pas en faire le centre de leur vie.” Afin de se sentir stimulés intellectuellement, mais aussi parce que les mannequins hommes sont majoritairement éphémères.

En effet, leurs rémunérations sont moins élevées que pour les femmes, et leurs chances de connaître une notoriété de masse sont minuscules. “En tant qu’hommes, ils ont plus de chance de gagner au loto que de devenir le prochain Francisco Lachowski, affirme Anton. Rares sont les garçons à maintenir un haut niveau de carrière et à shooter pour des grandes marques en continu au point de devenir un top model du niveau de Kit Butler ou Alton Mason.” Pour les autres, ils restent cantonnés à l’une des deux catégories que propose

le mannequinat pour hommes. D’un côté, les mannequins dits “high fashion” (comprendre “haute couture”) qui sont très jeunes et vont défiler ou être photographiés par des marques de luxe. De l’autre, les mannequins commerciaux. Ces derniers, très bien payés, correspondent à des critères de beauté différents telles la virilité et une forte musculature. “Ils doivent attirer un public plus large et plus mûr. Il faut que des quadragénaires issus des classes supérieures puissent s’identifier à eux pour acheter une montre ou un parfum”, résume le directeur de casting.

Business as usual ?

LES TROIS MANNEQUINS présents sur la couverture de GQ appartiennent à la première catégorie. N’ayant pas plus de 25 ans, leur jeunesse est un atout pour enclencher une grande carrière. Cependant, dans le milieu, l’âge peut aussi se révéler être une faiblesse. “En tant que directeur de casting, je rencontre des garçons de 16 ans complètement paumés. Ayant fait du mannequinat plus jeune, je me vois en eux. J’avais 17 ans et j’étais encore un enfant. Or, quand tu es mannequin, on te traite comme un adulte et on attend de toi que tu te comportes comme tel. Il m’est arrivé de repousser les avances d’un photographe qui a ensuite appelé mon agent pour dire que je m’étais mal comporté. Lorsque j’ai donné ma version des faits à l’agent, il s’est contenté de répondre ‘oh, nous savons qu’il peut être comme ça’. Entre mannequins, on croisait les informations qui nous permettaient d’identifier les prédateurs mais on ne les dénonçait pas.” Le récit d’Anton, aussi glaçant qu’il soit, connaît une fin heureuse qu’il attribue à son milieu social. Comme le précise celui qui souhaitait poursuivre ses études et avait grandi loin de Paris auprès de parents professeurs : “J’étais dans une situation confortable, je pouvais faire autre chose de ma vie. Cependant, lorsque le mannequinat devient le moyen d’aider financièrement ta famille, les repères deviennent bien plus flous sur ce qui est acceptable ou non.” Et la liste des situations inacceptables que dissimule le métier de mannequin se trouve être relativement longue.

En 2016, le directeur de casting James Scully menace les professionnels du secteur de la mode de les dénoncer publiquement, s’ils ne cessent pas leurs pratiques de maltraitance envers les modèles. La même année, au mois de juin, le média américain Newsweek publie un témoignage écrit par l’ex-mannequin Edward Siddons : “Les dangers du mannequinat pour hommes”. L’ancien étudiant d’Oxford, désormais journaliste, y raconte s’être senti humilié quand un directeur de

casting l’a jugé “beau mais gros”, malgré des os apparents. La machine est alors lancée. Le 27 février 2017, James Scully passe à l’acte et dénonce sur son compte Instagram, un casting lors duquel environ 150 mannequins ont attendu leur tour, apparemment plongés dans le noir d’une cage d’escalier pendant près de quatre heures. En soutien, le site de référence dans l’industrie du mannequinat, Models.com donne la parole aux concernés en leur posant une seule question, à la réponse de prime abord évidente : “Comment souhaitez-vous être traité ?” Suite à son post Instagram repris par les médias, James Scully rencontre Antoine Arnault (LVMH) et François-Henri Pinault (Kering) afin d’élaborer avec les deux groupes de luxe, une charte “sur les conditions de travail des mannequins et leur bien-être”. Quelques jours avant que cette dernière ne soit révélée, 70 mannequins signent une lettre ouverte diffusée par l’association américaine Model Alliance condamnant les pratiques mises en œuvre par l’industrie dans le but de leur faire perdre du poids. Si la charte engage tous les signataires à ne plus embaucher de mannequins en dessous de la taille 34 pour les femmes et 44 pour les hommes, elle révèle en filigrane d’autres dérives. Interdiction d’alcool sur les shootings, présence de nourriture obligatoire, chauffage obligatoire selon la météo, photographies nues consenties, nombre d’heures travaillées raisonnable… Autant de conditions de travail précisées pour mieux être modifiées.

Un tel document intervient en réaction au passé et en prévention pour l’avenir, notamment dans une ère post #MeToo qui aide à

repenser le rapport aux corps et à la séduction dans le cadre professionnel. Bien que le #MeToo de la mode demeure discret, déjà en 2017, Edward Siddons alertait sur le fait que les mannequins masculins, à l’instar de leurs collègues femmes, sont confrontés au harcèlement sexuel et le rapportent rarement. “Être un homme ne vous confère aucune sécurité”, écrivait-il dans Newsweek avant d’enchaîner un nombre d’anecdotes déplorables, comme la fois où, en 2013, le consultant mode d’un tournage lui a tapé les fesses en passant derrière lui. Une autre fois, un photographe insistant l’invite à des orgies, lui promettant que c’est en y participant qu’il trouvera le succès. Des situations dont il est parvenu à s’extraire mais que les accusations à l’encontre des photographes Mario Testino et Bruce Weber, ou du créateur Alexander Wang ne font que transformer en problème systémique. Tout comme Terry Richardson dénoncé par des mannequins femmes, Bruce Weber est accusé en 2017 d’agression sexuelle par des mannequins hommes, puis assigné en justice en 2018 pour exploitation sexuelle. De son côté, Alexander Wang a lui aussi été accusé d’agression sexuelle et de viol par plus d’une dizaine de personnes. En définitive, les mannequins hommes connaissent les mêmes dérives que leurs homologues féminins, un “risque du métier” qui ne devrait pas exister. Mais, alors que leur secteur se professionnalise comme jamais auparavant au tournant des années 2010, la chronologie force à constater que les “male models” prennent la parole bien plus vite. Hommesobjets, peut-être, ils n’en restent pas moins que les hommes jouissent davantage de privilèges sociaux dont celui de l’écoute.

En parallèle, nous l’avons vu, les bénéfices et les évolutions du métier sont moindres. D’autant qu’en France, la loi atteste que l’on ne peut pas s’inventer mannequin : il est interdit d’exercer autrement qu’en étant embauché par une agence. Bilel, en contrat dans l’agence Metropolitan depuis 2017, résume ainsi le système : “Il est à contresens de la politique actuelle qui incite à devenir autoentrepreneur. Mais la présomption de salariat dans le mannequinat est primordiale. Elle permet de bénéficier d’un tarif minimum et de fixer des montants. Imagine un jeune de 16 ans qui rêve d’être mannequin, il peut être prêt à accepter une somme équivalente à de l’argent de poche. Or, grâce à ce système, il y a un tarif minimum légal de 500 € par mission. C’est une limite infranchissable.” Pourtant, selon Anton, l’obligation de passer par des agences “conduit tout de même à des dérives car le cash circule. C’est de l’argent non déclaré, même pour l’État français ! Des mannequins hors agence travaillent sans être assurés et sans bénéficier des protections que le statut de freelance leur conférerait,

Sean O’Pry pour la campagne publicitaire du parfum One Million de Paco Rabanne.

c’est dommage.” Un statut de mannequin freelance inaccessible qui, tout en préservant des dangers de l’ubérisation, ferme aussi la porte à une certaine diversité des physiques, accordant aux agences les pleins pouvoirs pour décider de quel corps est un modèle.

Faire corps

Au moins l’une des histoires de la beauté est bien connue : l’idéal physique n’est pas le même selon les époques. L’historien italien de la mode Paolo Volonté identifie la minceur en tant qu’idéal de beauté pour les deux genres confondus au xx e siècle. Cette période, qui voit naître le loisir de la baignade ainsi que les médias visuels, transforme le corps en un miroir de l’âme à la fois observable et désirable. C’est durant ce même siècle qu’émerge le métier de modèle. Pour les hommes, il n’a eu de cesse d’évoluer ; du mannequin musclé des années 1990 au mannequin fi liforme d’aujourd’hui. La dernière fashion week masculine de janvier 2024 a d’ailleurs révélé des corps de jeunes garçons particulièrement minces. Une absence de formes que l’on peut, en partie, imputer à la mode gender fluid.

Cette dernière consistant à ne plus genrer les vêtements déclenche une nouvelle compétition dans le milieu du mannequinat : hommes et femmes doivent rentrer dans les mêmes habits, cherchant à perdre leurs courbes naturelles pour se fondre dans le moule androgyne. Si les mannequins interviewés pour cet article affirment ne jamais avoir subi de pressions liées à leurs physiques, Thatcher se revendique extrêmement sportif (il a toujours un ballon de basket sur lui et ne passe pas une journée sans marcher au moins 10 km). Quant à Mathieu, son métier lui a fait prendre conscience des évolutions de son physique : ses sourcils se sont épaissis et son visage s’est affi né pour devenir plus anguleux. Mais ce phénomène de croissance ne le perturbe nullement. Pour lui, l’observation répétée de son image “ne produit aucun trouble. C’est juste une question de mode de vie. Si tu as une vie saine, le physique suivra.” Néanmoins, le jeune homme reconnaît ne jamais avoir croisé aucun mannequin masculin dit “plus size”. Une information révélatrice des critères de sélection dénoncés par le modèle Silvano Frere. En janvier dernier, il alertait via son compte Instagram sur l’absence de body positivisme lors de la semaine de la mode parisienne, comptant seulement trois mannequins hommes “plus size” sur un total de 72 défilés. Un ratio affolant qui a longtemps été le quota de référence s’agissant de diversité ethnique.

Virgil was here

“Virgil Abloh a changé la donne”, affirme Babacar avant de poursuivre, “il a revendiqué les beautés noires en les mettant en avant lorsqu’il était directeur artistique de Louis Vuitton. Désormais, on sait si les gens du milieu et les marques sont honnêtes.” Une honnêteté quant à l’approche diversifiée des représentations de populations que nombre d’observateurs de la mode, dont le directeur de casting Anton, rattachent à Black Lives Matter : “À partir de 2020, tout a changé. Les clients me demandaient des profils diversifiés pour chaque projet, confie-t-il. Même nos jeunes cover stars ont pu observer la différence.” “J’ai vu arriver le multiculturalisme ! En 2018, lorsque j’ai commencé, la diversité se faisait plus discrète. Aujourd’hui, j’ai des amis mannequins originaires de tous les pays”, s’exclame Mathieu en souhaitant préciser qu’il n’y a aucun autre secteur d’activité qui permette de voyager autant et de rencontrer autant de personnes différentes.

Une diversité dans l’accueil et la représentation des communautés minorisées qui n’est cependant pas arrivée au bout de ses peines, comme en témoigne la récente expérience de Bilel. “Pendant la dernière fashion week, on ne cessait de me confondre avec deux autres mannequins maghrébins dont Téo Abihdana. Je ne souhaite pas attribuer cela à du racisme, car le racisme reste une infraction pénale pour laquelle les gens ont normalisé les accusations. Je pense plutôt que c’est lié au peu de codes de beauté maghrébine validés. Tandis que les profils de mannequins européens sont très variés, nous, les mannequins maghrébins, on se ressemble tous ! En fait, c’est casuistique.” Le mannequin de 30 ans soulève ici la question des coulisses de l’industrie où les

créatifs et les équipes n’accordent pas le même niveau de visibilité à tous les profils.

De modèle à ‘role model’

Pour que la diversité du monde soit représentée en images, il est évident que les créateurs d’image doivent être eux-mêmes représentatifs de la diversité du monde. Mais, comme nombre de principes élémentaires, cette logique a la vie dure. Même si certaines marques telles Balmain ou LouisGabriel Nouchi montrent l’exemple, des modèles sont contraints de devenir porte-parole sur les réseaux sociaux, au risque de voir leur carrière ralentir et leur nom taxé de perturbateur. Suivie par 200 000 abonnés sur Instagram, la mannequin noire, trans et en situation de handicap Aaron Philip (chez Elite) communique régulièrement sur le manque de diversité dans la mode.

Globalement, ce sont plutôt des mannequins femmes qui donnent à leur carrière un élan activiste. Salwa Rajaa lutte contre le racisme, Ekaterina Ozhiganova contre les faibles rémunérations, Inès Rau et Hari Nef contre la transphobie… Concernant les hommes, “sans doute moins impliqués parce que moins désireux de faire carrière”, analyse Bilel, les réseaux sociaux ont plutôt permis des success stories. À l’instar de celle, en 2016, du sexagénaire Philippe Dumas qui devient mannequin senior suite à une usurpation d’identité sur Internet. L’espace numérique a changé la donne ; permettant à des mannequins d’acquérir le statut d’influenceur, tel Jay Alvarrez qui cumule huit millions d’abonnés, et donc de multiplier les jobs tout en s’assurant une pérennité. Car, même si le champ des possibles pour les mannequins hommes est ouvert, la mode ne peut s’empêcher de faire coïncider représentations physiques et notoriété. Ainsi l’acteur Jeremy Allen White se convertit au mannequinat pour la dernière campagne Calvin Klein tandis que Jeff Goldblum et Kyle MacLachlan foulent le podium du défilé Prada en 2022, et Vincent Cassel celui d’Ami en 2023. Des stars internationales qui viennent compenser la notoriété confidentielle des mannequins masculins mais qui, – la mode n’étant pas à un paradoxe près – présentent également des physiques plus proches de la réalité. À la fois intouchables et populaires, beaux et imparfaits, les célébrités qui s’essaient au mannequinat apportent un supplément d’âme au secteur. Ils deviennent des modèles justement parce qu’ils ne misent pas que sur leur physique. Alors, ne serait-ce pas le moment pour les mannequins hommes de revendiquer leur motivation originelle ? Celle, non pas de devenir mannequin, mais d’être un homme qui réussit dans la vie.

David Gandy pour la campagne publicitaire du parfum Dolce & Gabbana Light Blue.

De gauche à droite et de haut en bas :

Alton Mason, Parker Van Noord, Tyson Beckford, Baptiste Giabiconi, Kit Butler, Ivan de Pineda et Paolo Roldan.

En près de trente ans de carrière, Cillian Murphy s’est forgé une réputation d’acteur hollywoodien incontournable, tout en restant habilement à l’abri des regards. Aujourd’hui, alors qu’il est en lice pour les Oscars, l’interprète d’Oppenheimer lève le voile (juste un peu).

PAR DANIEL RILEY PHOTOGRAPHE GREGORY HARRIS STYLISTE GEORGE CORTINA

Veste, Hermès. Chemise, Dries Van Noten. Pantalon et ceinture, Kincaid Archive Malibu. Boots, Manolo Blahnik. Collier (haut), Atra Nova par Sheila B. Collier, (2ème et 3ème en partant du haut) et bracelets (poignet droit, en haut et en bas, partout), Platt Boutique Jewelry. Collier, (en bas) et bague (annulaire, partout), perso. Montre, (poignet gauche, au milieu, partout) et bracelet (poignet gauche, en bas, partout, poignet droit milieu partout), FD Gallery. Bracelet, (poignet gauche, en haut, partout), Belperron. Bague, (auriculaire gauche, partout), Ten Thousand Things. Bague, (auriculaire droit, partout), Graff.

Automne 2021. Christopher Nolan s’envole pour Dublin avec, dans sa valise, l’équivalent hollywoodien de la mallette nucléaire : le scénario de son nouveau film, imprimé sur un papier rouge réputé, semble-t-il, pour sa solidité. Un document top secret, donc, qu’il vient remettre en main propre à son acteur fétiche, Cillian Murphy. Celui-ci n’est pas vraiment surpris par cette visite. Il en est à sa cinquième collaboration avec le réalisateur, et à chaque fois, le processus a été le même. “C’est pour éviter que l’histoire ne fuite. Mais c’est aussi une question de tradition. Il a toujours procédé ainsi, alors pourquoi changer maintenant ? Et puis, ça ajoute un côté rituel qui n’est pas pour me déplaire.” L’Irlandais lit d’une seule traite le script de 197 pages. Chose assez rare, l’histoire est rédigée à la première personne, celle du physicien J. Robert Oppenheimer, le père de la bombe atomique. “En réalité, Chris m’avait déjà appelé pour me proposer le rôle. Et comme je lui dis toujours oui, j’ai accepté.”

VEC UN BUDGET avoisinant les 100 millions de dollars, Oppenheimer est l’un des films les plus acclamés de 2023. Quant à la performance de Cillian Murphy, elle confirme ce que l’on sait depuis longtemps : il est, ou du moins était, l’un des acteurs les plus sous-estimés de Hollywood. Pendant près de trente ans, il enchaîne les films et les pièces de théâtre, mais c’est le rôle de Tommy Shelby dans la série Peaky Blinders, six saisons au compteur, qui le fait connaître dans le monde entier. “Il y a quelques années, raconte Nolan, j’ai commis ce qui était probablement une erreur : dans un élan de sincérité alcoolisée, j’ai dit à Cillian qu’il était le meilleur acteur de sa génération. Aujourd’hui, il a prouvé que j’avais raison.”

Si la star reste aussi mystérieuse, c’est en grande partie parce qu’il vit loin de l’agitation médiatique. En 2015, il quitte Londres pour revenir dans son Irlande natale. Il s’installe dans un hameau tranquille en bord de mer avec sa femme depuis vingt ans, l’artiste Yvonne McGuinness, et leurs deux fils adolescents. C’est dans un restaurant de Monkstown, au sud de Dublin, qu’il me donne rendez-vous un soir d’hiver. “J’ai une table habituelle ici, vous y croyez ? lance-t-il avec fierté. Ses cheveux tombent négligemment sur son front. Ses célèbres yeux clairs attirent les passants comme deux aimants.

Son quotidien ici est bien rempli. Il y a les devoirs, les corvées, les courses. “Je vous aurais bien emmené boire une Guinness ailleurs, mais je dois déposer mon fils en voiture à une fête ce soir.” Ce genre d’activité semble bien loin du

monde glamour du cinéma. “J’ai très peu d’amis acteurs”, poursuit-il. “La majorité d’entre eux ne sont pas dans le métier. Et c’est tant mieux ! J’aspire à mener une vie normale, à avoir des activités normales, à évoluer dans cette espèce de flux charmant de l’humanité. Chose que je ne pourrais pas faire si j’enchaînais les tournages, les festivals et les tournées de promo. J’adore être dans ma bulle. Je ne sais pas si ça me rend meilleur ou moins bon en tant que comédien mais la sphère people, ce n’est pas pour moi. Je trouve que c’est très limité, en termes d’expérience humaine.”

Cillian Murphy semble mener la vie dont rêvent beaucoup d’artistes. Il est loin de tout, mais il est très demandé. Il livre des performances dignes d’un Oscar, puis disparaît des plateaux pour retrouver son foyer, son point d’ancrage. “Il possède ce rare mélange d’humilité et de créativité débordante”, confie Emily Blunt, sa partenaire dans Oppenheimer. “C’est un homme charmant et tellement, tellement sain d’esprit. Et en même temps, il est capable d’une telle sauvagerie dans les rôles qu’il porte à l’écran.”

Murphy a été le premier de ses amis à avoir des enfants et sera donc le premier à les voir quitter le nid. Ça lui laissera plus de temps pour faire des films. (Peut-être.) Plus de temps pour faire de la musique. (Certainement.) Et surtout, plus de temps pour faire la grasse matinée : “Je dors beaucoup, environ 10 heures par nuit.” Il semble immunisé contre le besoin d’être dans le coup, ne cédant jamais aux sirènes de la gloire et de la célébrité. À 47 ans, il est au sommet de sa forme. Dans la fleur de l’âge, comme on dit. Il essaie de faire un film par an, de préférence pas en été, période pendant laquelle il aime passer le plus clair de son temps à promener son

labrador noir, Scout, et à dénicher de la nouvelle musique pour son émission de radio sur BBC 6. Il est parfaitement heureux d’être “au chômage” en attendant que le bon projet se présente à lui. Confiant et discipliné, il ne s’inquiète pas trop de manquer une opportunité, sachant pertinemment que l’on sait où le trouver. À Monkstown. Probablement à sa table habituelle.

La première fois que Nolan repère Murphy, c’est en 2003, sur une photo promotionnelle du film 28 Jours plus tard publiée dans le San Francisco Chronicle. “Je cherchais des acteurs pour faire des screen tests pour Batman”, se souvient le réalisateur. “J’ai été frappé par ses yeux, son apparence, tout. Autant il n’était pas fait pour jouer Batman, autant il avait cette vibe si particulière. Il y a des gens, comme ça, avec lesquels on a hyper envie de travailler.” Il le fait donc tourner, par simple curiosité. “Il s’est glissé dans la peau de Bruce Wayne et j’ai vu l’équipe se figer. Il dégageait une telle électricité, une telle énergie. Quant aux producteurs, ils ont été si impressionnés qu’ils m’ont autorisé à lui confier le rôle de l’Épouvantail.”

Après la trilogie Batman, le duo collabore à nouveau sur Inception et Dunkerque. “J’espère que Cillian ne m’en voudra pas trop de raconter ça, mais au début, il n’était qu’instinct. Il se fichait complètement de l’aspect technique du métier. On avait beau poser des marques au sol, il passait par-dessus. Vingt ans plus tard, il est beaucoup plus professionnel dans son approche, mais toujours aussi instinctif dans son jeu.”

Physique intense

Pour incarner Oppenheimer, Murphy se prépare pendant six mois. Il travaille sa voix et perd du poids pour ressembler au physicien, dont le régime se composait principalement de martinis et de cigarettes. Sur le tournage, qui a lieu dans le désert du Nouveau-Mexique, cette manière particulière de se fondre dans son personnage commence à se répandre “comme une rumeur”, selon Nolan. “Il s’est passé la même chose avec Heath Ledger sur le plateau de The Dark Knight.” Emily Blunt, qui joue Kitty Oppenheimer, l’épouse du physicien, a déjà donné la réplique à Murphy dans le film Sans un bruit 2, sorti en 2020. “Quand vous tournez une scène avec Cillian, il vous entraîne dans ce vortex vibratoire”, confie l’actrice. “Il adore faire la fête. Mais au travail, il est hyper concentré, il ne se mêle pas trop aux autres. C’était encore pire sur Oppenheimer : il n’avait plus la force de dire un mot à la fin de la journée.”

Matt Damon évoque lui aussi un partenaire de jeu en retrait : “Le soir, on allait manger avec le reste de l’équipe dans un petit café. Bon, c’était plus une sorte de tente en pagaille. Cillian était toujours invité, mais il n’est jamais venu.” L’acteur préfère rester dans sa chambre, afin

Sweater, Bode.

de préserver son énergie pour le lendemain et surveiller sa silhouette de physicien.

“On savait qu’il devait maigrir pour le bien du film, alors on essayait de l’encourager”, poursuit Matt Damon. “Mais il avait l’air tellement malheureux. Ça nous fendait le cœur. La seule chose qu’il s’autorisait, son seul luxe, c’était une poignée d’amandes dans son bain le soir, en relisant son script.”

Une performance dont l’intensité est en grande partie invisible pour le public. L’historien américain Kai Bird, qui a coécrit la monumentale biographie Robert Oppenheimer : Triomphe et tragédie d’un génie, sur laquelle le film est basé, a passé une journée sur le plateau de Los Alamos. Il se souvient avoir regardé Murphy jouer la scène où le physicien parle de la bombe à son équipe de scientifiques tout en laissant tomber des billes dans un bocal. “À un moment donné, pendant une pause, il s’est approché de moi, vêtu de son costume marron ample et de sa ceinture turquoise. J’ai levé les bras et crié : ‘Dr Oppenheimer, voilà des décennies que j’attends de vous rencontrer !’ Il a particulièrement bien rendu la voix et l’intensité d’Oppie.” (À un moment de notre conversation, Bird me demande confirmation : “Ce sont bien ses yeux, n’est-ce pas ? Ce ne sont pas des lentilles bleues ?”)

Oppenheimer sort en même temps que Barbie, lors d’un week-end historique qui donne naissance au phénomène viral “Barbenheimer”. La grève de la SAG-AFTRA, si elle coupe court à la promotion des deux films, n’empiète en rien sur leur succès au box-office. Et ce, au plus grand soulagement de la star. “C’est un modèle qui ne fonctionne pas, si vous voulez mon avis”, dit-il à propos des interviews sur tapis rouge. “Si le film est bon, il est inutile de s’infliger cette corvée. C’était pareil pour Peaky Blinders. Les trois premières saisons n’ont bénéficié d’aucune publicité. C’était juste une petite série sur BBC Two ; elle a décollé parce que les gens se sont passé le mot.”

À l’image de l’Irlande

En interview, le malaise de Cillian Murphy est palpable. “Ça me fait penser à ce que disait Joanne Woodward : ‘Le métier d’acteur, c’est comme le sexe : faites-le, n’en parlez pas.” C’est simple, l’Irlandais est tout bonnement incapable de jouer la comédie en dehors d’un plateau. Face aux journalistes, il a tendance à réagir en levant les yeux au ciel, comme si on lui posait la même question pour la centième fois en une semaine. En apprenant sa première nomination aux Oscars pour son rôle dans Oppenheimer, il célèbre la bonne nouvelle de la manière la plus intime et raisonnable qui soit : en buvant du thé chez ses parents, en Irlande, loin des flashs des photographes. “Les gens disent souvent que je suis timide ou difficile à aborder.

C’est faux ! J’adore parler d’art et de cinéma. Ce que je déteste, en revanche, et que je trouve parfaitement inutile, c’est quand on me demande de parler de moi.”

Cillian Murphy grandit à Cork, dans une région magnifiquement préservée de l’Irlande. Il fréquente une école catholique, plus indul-

“Le théâtre est la plus grande qualité de Cillian”, affirme Danny Boyle. “C’est étrange, d’ailleurs, étant donné que c’est dans le cinéma qu’il excelle. Tout le monde parle de ses yeux de rêve à la Paul Newman. Et ça joue à son avantage, bien sûr, mais derrière il y a une telle intensité, une telle énergie volcanique.” L’autre grande qualité de Cillian, selon le réalisateur

Le malaise de Cillian Murphy en interview est palpable.

“Ça me fait penser à ce que disait Joanne Woodward : ‘Le métier d’acteur, c’est comme le sexe : faites-le, n’en parlez pas.’”

gente avec les profils athlétiques que les âmes artistiques. “J’ai toujours détesté les sports d’équipe. J’aime les regarder, mais pas y jouer”, dit-il. Ce système scolaire classique ne lui fait pas du bien, “ni émotionnellement ni psychologiquement, mais au moins, il m’a donné quelque chose contre quoi me battre.”

Il joue dans un groupe à succès avec son frère et s’inscrit, sans grand enthousiasme, en droit à l’université locale. Pendant ses études, il assiste par hasard à une représentation d’Orange mécanique et se prend de passion pour la scène. Alors qu’il ne possède aucune formation, il décroche un premier rôle dans Disco Pigs d’Enda Walsh. La pièce fait le tour du Royaume-Uni, de l’Europe et du Canada. “Tout m’est tombé dessus en un mois, en août 1996 : on nous a proposé un contrat d’enregistrement, j’ai échoué à mes examens de droit, j’ai obtenu le rôle dans Disco Pigs et j’ai rencontré ma femme. À l’époque, je ne mesurais pas l’effet domino que ces événements allaient avoir sur ma vie.” Lui qui s’identifie à l’athéisme, lui arrive-t-il de s’interroger sur l’existence d’une puissance supérieure ? “Oh, non ! J’aime le chaos et le hasard. J’aime la beauté de l’inattendu.”

Alors qu’on se promène dans les rues de Dublin, Murphy s’arrête devant une librairie, qui semble éveiller chez lui des souvenirs : “C’était mon endroit préféré lorsque j’ai emménagé ici. Je n’avais pas d’argent et je logeais chez ma bellemère. Je venais ici et je prenais un café pour 50 pence. Comme ils étaient gentils, ils me remplissaient le gobelet à nouveau, gratuitement. Alors, je restais là toute la journée pour lire des pièces de théâtre. C’était surtout pour m’instruire. Pour rattraper mon retard. Parce que je n’ai pas fait d’école d’art dramatique ou quoi que ce soit. Alors je demandais aux gens du milieu de me recommander toutes les œuvres à connaître.”

britannique, c’est son sang irlandais : “Il est l’un des plus grands produits d’exportation du pays. Et il est clair que sa patrie le nourrit constamment.” Boyle le fait jouer dans 28 Jours plus tard (2002), le premier rôle qui le fait connaître au public. C’est aussi le film qui conduit l’acteur, d’une certaine manière, à rencontrer Nolan, ainsi qu’à collaborer une deuxième fois avec Boyle sur Sunshine en 2007. “À l’époque de 28 Jours plus tard, il commençait à peine sa carrière, raconte le réalisateur. Lorsqu’il est revenu pour Sunshine, c’était un acteur très accompli.”

Dans les années 2000, le prodige tourne sans arrêt, dans des films plus ou moins réussis. “Je ne les ai même pas vus pour la plupart. Je ne veux pas me la jouer à la Johnny Depp, mais c’est vrai. En général, c’est parce qu’on m’a dit qu’ils étaient mauvais.”

Je lui demande s’il a vu Oppenheimer “Bien sûr que j’ai vu Oppenheimer”, dit-il en roulant des yeux.

Il l’a même vu à Los Angeles, dans la salle de projection privée de Nolan. “C’est assez beau, comme endroit”, dit-il, en essayant de rester mesuré malgré sa joie évidente. “Le son est extraordinaire.” Combien de places ? “Euh, peutêtre cinquante ?

À l’été 2005, quelques mois seulement après la sortie de Batman Begins, Murphy est de retour sur les écrans avec Red Eye de Wes Craven. Ce deuxième rôle de vilain, assez proche du premier, semble avoir laissé une empreinte importante sur l’Américain moyen. Lorsque je demande aux gens ce qu’ils pensent de lui, ils sont nombreux à avoir la même réponse : ce type est ultra flippant dans Red Eye “Oh, je sais, c’est fou ! réagit l’intéressé. Je pense que c’est la dualité du personnage qui veut ça. C’est pour ça que j’ai voulu le jouer. Pour sa dualité. Il est à la fois le gentil et le méchant

Tee-shirt, Raggedy Threads. Pantalon, Prada. Chaussures, Bally. Chaussettes, Uniqlo.

Chemise et pantalon, Versace. Débardeur, Calvin Klein. Chaussures, George Cortina for Anderson & Sheppard. Chaussettes, Uniqlo. Collier, (haut) , Platt Boutique Jewelry. Collier, (du bas), perso.

de l’histoire. Il n’a qu’à faire ça – il claque des doigts – pour changer de visage.”

“Il paraît que les gens les plus gentils font les meilleurs méchants”, dit Rachel McAdams, qui a passé du temps avec Murphy sur le plateau de Red Eye, dans un avion exigu. “On écoutait de la musique et on bavardait tout en faisant des mots croisés qu’il apportait tous les jours et sur lesquels il me laissait gracieusement intervenir. Je crois que la première question que l’on m’a posée à son sujet à l’époque était de savoir s’il portait ou non des lentilles de contact.”

“J’adore Rachel McAdams et on s’est beaucoup amusé sur le tournage, se souvient-il. Mais soyons honnêtes, ce n’est pas un bon film. C’est tout au mieux un bon film de série B.”

À peu près au même moment, il joue dans Le vent se lève de Ken Loach, l’un des projets dont il est le plus fier à ce jour. Cette épopée raconte l’histoire d’une bande d’amis irlandais qui se retrouvent à combattre d’abord les Britanniques pendant la guerre d’indépendance irlandaise, puis les uns les autres pendant la guerre civile irlandaise. Le film est éprouvant, implacable. Force est de constater que tel un caméléon, son visage s’adapte parfaitement à n’importe quelle décennie du xx e siècle. C’est sans doute la raison pour laquelle il est aussi convaincant dans le rôle d’un scientifique de 1945.

Les cinéastes avec qui Cillian Murphy a collaboré ont exploité ce filon de bien des façons au fil des années. Il incarne un résistant tchécoslovaque dans la Prague occupée par les nazis dans Anthropoid (2016) ; un membre de l’IRA pris au piège d’une vente d’armes qui tourne mal dans Free Fire (2016) ; un soldat britannique en proie au syndrome de stress post-traumatique dans Dunkerque (2017). Et, bien sûr, un gangster du Birmingham des années 1920 dans Peaky Blinders (2013-2022). Avec ce physique, il peut jouer toutes les facettes des conflits de l’Europe d’avant et d’après-guerre. “Cillian rit toujours de n’avoir que des rôles de types traumatisés, s’amuse Emily Blunt. Il doit y avoir quelque chose dans son visage qui attire ce genre d’offres.”

Un film par an

Dès sa première apparition dans Anthropoid, la question vient immédiatement à l’esprit : est-il un nazi ou un résistant ? Est-il un gentil ou un méchant ou peut-être les deux en même temps ? À Dublin, les rues sont animées, le soleil omniprésent et les mouettes caustiques. Des fans nous arrêtent à un rythme effréné et, parmi eux, des connaissances de l’acteur.

“Je ne suis pas une stalkeuse…” dit l’une d’elles, poliment.

“Tiens, salut, Oona !”

“Je n’ai jamais fait partie d’aucune scène, je n’ai jamais fréquenté de clubs VIP. Même aujourd’hui, je n’assiste jamais à des premières. Si je ne joue pas dans le film, quel intérêt ?”

Sa vie a-t-elle beaucoup changé depuis qu’il a joué dans l’un des plus grands films de tous les temps ? “Disons que ça vient par vagues. Lorsque Peaky Blinders était à son apogée, on était un peu sous pression parfois, mais les choses finissaient par se calmer. C’est comme ça.”

Avec tout l’amour que j’ai pour Peaky Blinders, l’ampleur du succès d’Oppenheimer est incomparable.

“Vous seriez surpris. Cette série reste le sujet dont on me parle le plus au monde.”

Comme à l’accoutumée, Murphy est approché par un fan dans la rue qui lui demande une photo.

“Oh, je ne fais pas de photos”, dit-il à un jeune garçon déçu, qui se réconforte en discutant quelques secondes avec l’acteur.

“Depuis que je refuse, ma vie a changé”, dit ce dernier. “Je pense qu’il est préférable de dire bonjour et d’avoir une petite conversation. Pas besoin d’une photo de tous les endroits où vous avez été en une journée.”

“Il y a une sorte de fascination, proche du culte, autour de Cillian”, constate Emily Blunt. “Pour quelqu’un d’aussi intériorisé que lui, ce niveau de célébrité doit être un peu terrifiant. Si quelqu’un n’est pas fait pour la célébrité, c’est bien lui.”

Je demande à Murphy ce qu’il en est d’un éventuel film Peaky Blinders : “Il n’en est pas question pour l’instant. J’aime la façon dont la série s’est terminée. J’aime son ambiguïté. Mais bon, je suis toujours ouvert à un bon scénario.”

Devant nous, un groupe de jeunes femmes en robes et talons semblent assez mal en point. “Regardez-les, elles ne sont pas encore couchées ! dit Murphy en souriant. Je lui demande s’il a beaucoup fait la fête dans sa jeunesse. “Oui, mais c’était toujours avec mes amis proches.

Je n’ai jamais fait partie d’aucune scène, je n’ai jamais fréquenté de clubs VIP. Même aujourd’hui, je n’assiste jamais à des premières. Si je ne joue pas dans le film, quel intérêt ?

Alors que le Trinity College s’élève devant nous, c’est l’occasion de discuter de la série irlandaise Normal People et de sa vedette, Paul Mescal. “Ce n’est pas rien. Paul est une vraie star ici”, dit Murphy, une pointe de fierté dans la voix. “C’est le bon moment pour être un acteur irlandais, on dirait.”

On s’arrête à la Kerlin Gallery pour voir l’exposition d’Ailbhe Ní Bhriain, l’épouse de son frère et amie de fac de sa femme Yvonne. Il se promène en admirant les œuvres, dont il a entendu parler lors de réunions de famille, mais qu’il n’a pas encore vues en personne.

“Son travail me plaît beaucoup, dit-il, parce qu’on sent qu’il aborde de grands thèmes, et pour moi, c’est le plus important. Je ne recherche pas vraiment le divertissement pur. J’aime me sentir un peu dérangé. Pas d’une manière horrifique, mais d’une manière psychologique et existentielle.”

Après avoir assuré la production exécutive des trois dernières saisons de Peaky Blinders, Murphy cherche un premier film à produire. Il obtient les droits de Ce genre de petites choses de Claire Keegan, finaliste du Booker Prize. Puis, un soir, sur le tournage d’Oppenheimer, Matt Damon lui parle de la nouvelle société qu’il vient de fonder avec Ben Affleck, Artists Equity, dont le modèle financier novateur repose sur le partage des bénéfices avec l’équipe de tournage. Murphy leur envoie le livre et Artists Equity décide de financer le film.

Ce genre de petites choses raconte l’histoire d’un homme ordinaire dans une petite ville du comté de Wexford qui, un jour de Noël, découvre par hasard un horrible secret dans le couvent local : les “Magdalene Laundries” qui, du xviiie siècle aux années 1990, ont retenu des milliers de jeunes filles et de femmes prisonnières dans des maisons de travail de l’Église. Je demande à Murphy s’il est important pour lui de raconter des histoires irlandaises. “Pas spécialement, répond-il. Le seul critère est le suivant : est-ce la meilleure histoire du moment ? Alors c’est le bon moment pour se pencher dessus, parce qu’on a pris du recul par rapport à ce qui s’est passé avec l’Église et tout le reste. Mais je ne crois pas qu’on ait encore complètement abordé la question. Donc, si on peut faire quelque chose de divertissant et d’émouvant, mais qui pose aussi quelques questions sur nous en tant que nation et sur le chemin parcouru, alors c’est très bien. Mais, encore une fois, ces questions devraient être posées après avoir passé une soirée raisonnablement divertissante au cinéma.” Murphy plaisante en disant qu’il a passé la grève des acteurs chez lui à “manger du fromage”,

mais en réalité, il l’a consacrée au montage de Ce genre de petites choses, qui sera présenté en avant-première au Festival international du film de Berlin ce mois-ci. Un film par an, du contrôle, de la retenue, une main ferme sur le volant.

Bacon est son icône

Murphy a une propension naturelle à un mode de vie analogique qui matche parfaitement avec celui de Nolan, qui ne possède même pas de smartphone. “J’aspire à cette vie, confie l’acteur. J’ai encore tous mes CD, DVD et Blu-Ray. Je ne peux pas m’en débarrasser. Par contre, j’ai abandonné mes VHS dans la rue. J’ai essayé de les donner à une bibliothèque, mais ils n’en ont pas voulu.”

Travailler avec Nolan peut s’apparenter à un retrait de la vie moderne. “Lorsque je suis sur le plateau de Chris, je me sens un peu comme dans un laboratoire privé et intime”, confie l’acteur. “Même s’il travaille à un rythme effréné, il y a toujours de la place pour la curiosité et la découverte, et c’est ce que l’art devrait être. Il n’a pas de téléphone, il ne fait pas d’annonce non plus, mais tout le monde sait ce qu’il y a à savoir. Et il ne prévoit pas de chaises, parce qu’il ne s’assoit jamais. Parfois, ses plateaux de tournage ressemblent un peu à des pique-niques : tout le monde rapporte son tabouret et son casse-croûte.”

Sait-il ce que Nolan compte faire ensuite ?

“Non, pas du tout. Mais je ne savais même pas qu’il écrivait Oppenheimer. On ne se donne pas de nouvelles si souvent, vous savez.”

Nolan voulait offrir à son acteur fétiche le rôle qui le marquerait à jamais, celui duquel il passerait le reste de sa carrière à essayer de s’extirper. Mission accomplie !

Murphy me fait remarquer que “l’un des Sydney” – Lumet ou Pollack – a dit un jour qu’il fallait 30 ans pour faire un acteur”. Et il y croit dur comme fer. “J’en suis à 27 ans, dit-il. Je suis donc proche du but.”

Après lui avoir remis en main propre le scénario d’Oppenheimer, Nolan se rend à la Hugh Lane Gallery et, plus précisément, dans l’atelier londonien incroyablement désordonné de Francis Bacon, où le peintre d’origine irlandaise a vécu et travaillé pendant une grande partie de sa vie. Murphy et Nolan partagent le même amour pour les œuvres de l’artiste. Outre l’atelier reconstitué, le musée possède plusieurs de ses peintures, certaines achevées, d’autres non. Ses portraits de personnes – des figures déformées de manière éhontée – ont été rendus sans ménagement. Jamais de représentations parfaites. Jamais d’impressions directes, seulement l’interprétation d’un autre être par un artiste, retranscrite en une image brutale. On voit bien ce qui pourrait séduire le réalisateur d’un biopic et son acteur principal.

Ce week-end d’hiver, je fais le même trajet que Nolan sur la Liffey. Je passe devant une affiche d’Oppenheimer dans une vitrine de Tower Records, devant le Jardin du Souvenir (consacré à tous ceux qui ont donné leur vie pour la liberté de l’Irlande), puis je retrouve Cillian Murphy au musée. Il porte une veste

polaire noire, un sweat à capuche noir, une paire de Ray-Ban, noires également. Il les retire à l’intérieur et emprunte un itinéraire bien rodé qui mène jusqu’aux tableaux de Bacon. “La plupart des gens ne connaissent pas cet endroit, dit-il. C’est mon petit secret. Je viens ici quand j’ai du temps à perdre en ville.”

Nous discutons de la biographie du peintre, sortie en 2021. “J’aime son œuvre, mais aussi sa vie, dit Murphy. Cette sorte d’acharnement unique qu’il avait en tant qu’artiste.” Je lui demande s’il lui arrive de lire des biographies d’acteurs. “À mes débuts”, répond-il. “Mais, personnellement, je ne me souviens pas de ce que j’ai fait la semaine dernière. Je m’interroge souvent sur l’auto-mythologisation.”

Dans l’atelier même, chaque mégot de cigarette et chaque caisse de champagne ont été archivés et laissés à leur place. “Le chaos pour moi engendre des images”, disait Bacon. L’acteur possède-t-il chez lui une pièce de ce type ? Il rit. “Non, j’ai une chambre d’homme, une grotte. Mais elle est incroyablement bien rangée.”

Dans une autre salle du musée est diffusée une émission spéciale de la télévision britannique sur Bacon datant de 1985. Une interview d’une heure avec le présentateur Melvyn Bragg, où le grand peintre crache son charisme et sa sagesse dans des réponses lapidaires, affublé d’une sublime veste en cuir noir.

Avant mon arrivée à Dublin, Nolan me disait que la carrière de Murphy prend tout son sens si on le considère plus comme un artiste que comme un acteur – comme on le ferait pour un peintre ou un musicien. Sa filmographie ne se résume pas à une ligne ascendante ou descendante, mais plutôt à des périodes distinctes de développement. Voilà comment on pourrait résumer l’approche de son travail : la patience et la retenue. La clarté du point de vue. L’accumulation plutôt que l’explosivité. La clarté. L’authenticité. À 47 ans, il pourrait jouer un homme de 27 ans avec la bonne lumière, ou de 67 ans avec le bon maquillage. Il va probablement remporter l’Oscar du meilleur acteur, mais son esprit ne pourrait pas être plus éloigné des on-dit de l’industrie. À un moment donné, je lui demande s’il pense qu’Oppenheimer est son premier film “mature”, le début de ce qui pourrait être le meilleur moment de sa carrière. “Je ne sais vraiment pas, répond-il. Je n’y ai pas encore réfléchi.”

Voilà donc une autre chose que Murphy semble avoir comprise, consciemment ou non. Presque toutes les religions, tous les coachs de vie, tous les gourous et tous les amis éclairés ont tendance à donner le même conseil : il ne faut pas se perdre dans le passé, il ne faut pas se fixer sur l’avenir, mais il faut plutôt se concentrer sur le présent que l’on peut contrôler. “Je suis en quelque sorte pathologiquement insensible aux choses, dit-il. Je vais de l’avant très rapidement.” Le passé n’est pas un problème parce qu’il ne s’en souvient pas – ou parce qu’il ne le romance pas. L’avenir n’est pas un problème parce qu’il n’aime pas faire des projets trop lointains. Il préfère se concentrer sur le prochain film à l’horizon, la prochaine chanson à la radio. C’est un authentique présentiste. Ou, du moins, un bon auditeur, un bon spectateur, un

“L’un des Sydney – Lumet ou Pollack – a dit un jour qu’il fallait 30 ans pour faire un acteur. J’en suis à 27 ans. Je suis donc proche du but.”

bon partenaire de scène, une bonne personne avec qui dîner.

Nous restons assis là, perdus dans nos pensées devant l’interview de Bacon, comme s’il n’y avait rien d’autre à faire (parce qu’il n’y a vraiment rien d’autre à faire).

Murphy est le premier à rompre le silence. “Avez-vous déjà entendu parler de la théorie de Brian Eno ? Sur les fermiers et les cow-boys ? Il y a deux types d’artistes selon lui : les fermiers, comme Bacon dans son atelier, et les cow-boys, qui partent explorer comme des prospecteurs. Eno se place dans la deuxième catégorie, parce qu’il aime innover avec la musique, la production et tout le reste. Pareil pour David Bowie, parce qu’il se réinventait constamment. Mais l’un n’est pas meilleur que l’autre, ils ont juste une façon différente de travailler.”

Et lui, dans quelle catégorie se situe-t-il ?

“Plutôt dans celle des cow-boys. Mais je sais qu’il y a des acteurs qui jouent des rôles similaires tout au long de leur carrière. Encore une fois, je ne pense pas que l’un ou l’autre soit meilleur.”

Pense-t-il qu’un acteur tombe parfois dans l’autre catégorie par accident, lorsque sa personnalité publique croise – ou éclipse – son travail ?

“Peut-être. Oui. Je suis sûr que ça arrive.”

Il se replonge dans le film, s’en amuse. “Bacon a dit un jour que le travail de l’artiste est toujours d’approfondir le mystère. Je trouve que ça s’applique particulièrement au métier de comédien.”

Autrement dit : jouez la provoc’ puis retirez-vous. Ne donnez pas tout, tout de suite. Soyez clair. Avec vous-même, mais pas nécessairement avec les autres. Laissez passer la vague de la célébrité. Profitez du bord de mer.

Il répète : “Approfondir le mystère. C’est ça, n’est-ce pas ?”

SANDRA PROUTRY-SKRZYPEK , adaptation française

Pull, Tom Ford. Pantalon, Saint Laurent by Anthony Vaccarello. É charpe, perso du styliste. Collier, (haut), Mikimoto. Collier, (milieu) Platt Boutique Jewelry. Collier, (en bas), perso.

Hair : Teddy Charles à Nevermind agency.

Skin : Holly Silius avec lyma & ysl beauty. Set design : Colin Donahue pour l’agence Owl and the Elephant. Production : Paul Preiss chez preiss creative.

GUCCI L’AUBE DE SABATO DE SARNO

Son premier défilé homme en janvier dernier était attendu au tournant. Pour ses débuts dans la mode masculine depuis sa nomination il y a un peu plus d’un an, le créateur italien a accepté de se dévoiler. En ses propres termes.

PAR SAMUEL HINE

PROPOS ÉDITÉS PAR ADRIEN COMMUNIER

LE PREMIER DÉFILÉ homme de Gucci par Sabato de Sarno a été, comme le dirait le créateur lui-même : “Waouh”. Et peut-être même plus que cela. Le 12 janvier dernier, le designer de 40 ans a lancé les festivités de la Fashion Week masculine de Milan avec un show qui faisait écho à ses débuts féminins pour la maison de luxe italienne en septembre dernier. Si le lieu – une ancienne fonderie au cœur de la cité lombarde – était différent, la mise en scène était quant à elle relativement similaire : un éclairage minimaliste, une bande-son signée Mark Ronson, et une excitation palpable parmi les invités.

Les silhouettes présentées reflétaient aussi celles de la saison dernière. Certains looks étaient tout simplement les mêmes que ceux de la garde-robe pour femme, mais adaptés aux hommes, comme le manteau d’inspiration tailleur qui a ouvert le défilé. D’autres tenues évoquaient aussi les mêmes couleurs et les mêmes matières, mais introduisaient de nouvelles formes dans le vestiaire masculin de Sabato de Sarno. Par ailleurs, des chaussures creepers à semelle épaisse remplaçaient les traditionnels mocassins de la maison de luxe. Le pari était risqué car la première collection pour Gucci du designer italien avait reçu des avis mitigés : certains regrettaient un changement esthétique trop radical, là où d’autres y voyaient un manque de préparation et une trop grande simplicité de propos.

Sabato de Sarno a ainsi dû redoubler d’efforts à un moment crucial, alors qu’il cherchait à établir la crédibilité créative et commerciale de sa ligne homme. Les discussions qui ont suivi le défilé étaient pourtant catégoriques : le défi semblait avoir été relevé haut la main. La collection était précise et clairement conçue pour être un succès en boutiques. Elle était aussi très sensuelle ; les mannequins étaient enveloppés dans des manteaux aux formes arrondies, des foulards en soie flottant autour de leur cou. Le défilé nous a aussi offert une avalanche de textures, grâce à des broderies de cristaux, des cuirs vernis, et un tissu de costume recouvert d’un nouveau monogramme Gucci.

Deux jours avant le défilé de janvier, nous avons rencontré Sabato de Sarno au siège de Gucci à Milan. Il s’avère que l’homme est bien plus complexe que ce que laissait penser la presse spécialisée à ses débuts. Il est à la fois intellectuel et émotif, ce qu’il attribue à son éducation dans le sud de l’Italie. S’il mène une vie tranquille avec ses deux teckels, Luce et Pina (son mari vit à Bruxelles), il adore aussi les boîtes de nuit et avoue être un grand passionné de musique. Il se décrit

lui-même comme un étudiant modèle, bien que décontracté. Il a décroché le job de ses rêves, mais insiste sur le fait que ce n’est rien d’autre que ça : un travail. Il ne porte que du noir et possède plus de 200 manteaux pour lesquels il voue une passion dévorante. Surtout, il est fier et plus que désireux de défendre ses créations contre ses détracteurs, qu’il accuse d’agir et de penser plus comme des influenceurs que comme de véritables journalistes.

Votre équipe et vous-même avez quitté Rome pour vous installer dans les nouveaux locaux à Milan. Commencezvous à trouver vos marques ?

Sabato de Sarno : Cinq mois se sont écoulés depuis le premier défilé en septembre dernier, et je me sens plus en confiance avec la marque. Aujourd’hui, je connais mieux les gens qui m’entourent. Et je crois vraiment à la connexion, à la cohésion. C’est important pour moi de travailler en équipe, de passer du temps avec mes collaborateurs, d’écouter leurs avis. J’aime aller au bureau et parler de choses et d’autres. Je ne veux pas être le roi de quoi que ce soit. Je n’aime pas rester assis là, à dire oui ou non. Ça m’ennuie au bout de trois secondes. Je veux créer avec les gens, construire quelque chose avec eux.

Ce métier, c’est le job de mes rêves. Je veux être styliste pour une grande maison depuis tout petit. Aujourd’hui, je suis évidemment très fi er d’être le directeur artistique de Gucci. Honnêtement, c’est plus que tout ce à quoi je m’attendais. J’ai beaucoup de chance et j’en ai pleinement conscience.

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous intéresser à la mode ?

Je suis né dans un petit village près de Naples, un endroit où il m’était très difficile d’être moi-même. La mode a toujours été ma passion. J’ai toujours considéré que les vêtements sont le reflet de la personnalité. Ils aident les gens à devenir ce qu’ils veulent être. J’aime voir les gens sous les vêtements, et non les vêtements sur les gens. Je déteste voir quelqu’un porter une tenue Gucci juste pour la marque ou le logo, sans humanité, sans personnalité. La mode, ce n’est pas du théâtre. C’est la vie de tous les jours, le quotidien. J’ai adoré voir Julia Garner incarner l’une de mes créations aux Golden Globes. Elle était sublime et pas seulement parce que la robe était belle, mais surtout parce qu’elle savait la porter. Elle avait confiance en elle et j’aime quand les gens sont fidèles à eux-mêmes.

Taylor Swift portait aussi une de vos robes aux Golden Globes début janvier. Elle est sublime, et tellement gentille. C’est vraiment quelqu’un de très sympathique. Elle a une énergie folle. Mais être styliste, c’est aussi trouver un moyen de s’exprimer, d’être Sabato de Sarno. La mode m’a aidé à être moi-même. J’ai toujours été fasciné par Gianni Versace parce que, d’une certaine manière, nous avons la même histoire. Il est né dans le sud de l’Italie, il était gay et très proche de sa famille. Je me souviens qu’à l’âge de 12 ou 13 ans, j’aspirais à avoir une vie comme la sienne.

Vous souvenez-vous du premier vêtement pour homme que vous avez imaginé ?

Je m’en souviens, oui. J’ai commencé à travailler sur les collections homme chez Valentino. J’ai commencé par les manteaux. J’en suis vraiment obsédé, je les collectionne.

“Pour moi, la mode est une chose sérieuse. Il y a beaucoup d’argent, de jobs et de familles en jeu.”

Vous en possédez environ 200, c’est ça ? Aujourd’hui, c’est même plus. J’en ai acquis une quinzaine chez Gucci en septembre dernier. Vous savez, je ne porte que du noir mais j’achète aussi parfois des manteaux de couleur, pas pour les porter, juste pour les posséder. Je trouve toujours quelque chose qui me plaît. Cela peut être le tissu, ou la forme.

Pourquoi des manteaux plutôt que des costumes, par exemple ?

Un manteau me sécurise. Je les aime longs et à double boutonnage. Je trouve qu’on a une relation intime avec un manteau. Il vous enveloppe en quelque sorte.

Qu’est-ce qui se passe quand on crée des vêtements pour homme pour la première fois ? Comment s’est déroulée cette transition ?

C’était plus facile, parce qu’on imagine ce qu’on voudrait porter soi-même. J’aime les vrais vêtements, ceux qui sont désirables pour les gens. Certains diraient “commerciaux”. Mais quel est l’intérêt de créer une

pièce qui rend bien sur les podiums et les photos si elle est importable quand vous l’essayez en magasin ? J’achète beaucoup d’articles de mode, mais je n’achète que des articles que j’aime et que je peux porter, ou que je veux garder parce qu’ils signifient quelque chose pour moi. Vous savez ce qui me ferait plaisir ? Que lors de notre prochaine rencontre, vous portiez quelque chose de ma collection. C’est l’objectif : que tout le monde, les hommes, les femmes achètent et portent ces vêtements, et pas seulement qu’ils les empruntent à la marque. J’aime que les gens désirent quelque chose. Je pense que la mode, c’est la désirabilité.

J’ai assisté à votre premier défilé en septembre. Certaines personnes ont affirmé qu’elles n’avaient pas ressenti cette “désirabilité”.

Ces personnes-là, que pouvons-nous faire pour elles ? Rien, sans doute.

Vous parlez des critiques en général ?

J’adore les critiques. Mais si vous venez à mon défilé pour le regarder à travers

l’écran de votre iPhone, autant rester chez vous. Regardez-le sur votre ordi ou votre iPad, l’écran sera plus grand. Si vous venez uniquement pour photographier des top models et récolter des likes sur Instagram, êtes-vous un journaliste ou un influenceur ? Pour moi, la mode est une chose sérieuse. C’est un travail. Il y a beaucoup d’argent, de jobs et de familles en jeu. Les gens disent qu’ils aiment le changement mais ce n’est pas vrai. Au fond, ils détestent ça, ce n’est qu’une posture. Je pense que c’est le grand problème en ce moment. Ces gens-là, j’ai envie de leur dire : si vous savez mieux que moi ce qui est bon pour Gucci, venez ! Venez m’aider. Si vous pensez faire mieux, venez me voir et nous pourrons travailler ensemble. Je ne dis pas que je ne suis pas ouvert à d’autres opinions, mais si vous voulez discuter de quelque chose, le minimum est de connaître votre sujet. Et il y a une chose à laquelle je crois vraiment : si vous divisez les gens, que vous créez deux opinions différentes, vous faites quelque chose. Vous savez, je n’aime pas tous les défilés. Mais j’aime tous mes défilés. Même si, bien sûr, je suis fan d’autres marques. Parfois, j’aime ce qu’elles font, et parfois non. Je pense que c’est normal, ça fait partie du monde de la mode. Mais c’est une bonne chose, de ne pas aimer quelque chose : ça veut dire que vous l’avez regardé. Il ne s’agit pas seulement de faire partie du moment.

Vous aimez donc les opinions engagées ? J’aime la mode. Or, je pense que la plupart des gens aiment l’idée de la mode. Moi, j’aime la mode, pas seulement l’idée.

J’aimerais en savoir davantage sur votre relation avec les réseaux sociaux. Je pense que cela rejoint un peu ce que vous disiez plus tôt : une grande partie de la mode est consommée par le biais d’Instagram.

J’adore Instagram. Mais si je vous invite à mon défilé, regardez-le au lieu de le regarder à travers les réseaux sociaux. Au bout de seulement trois secondes, les gens avaient déjà rédigé leurs commentaires sur mon show. Le défilé est à peine commencé qu’ils ont déjà écrit la critique. Bonne ou mauvaise. Ils ont déjà décidé de leur position. En revanche j’adore suivre les discussions en ligne. Je parle de celles des journalistes.

Revenons à votre défilé homme. Je suis curieux de savoir où vous puisez votre inspiration. Vous observez les gens dans la rue ?

Je m’inspire de véritables personnes, c’est sûr et certain. Lorsque je voyage, j’ai souvent l’occasion d’observer les gens dans la rue, en boîte de nuit ou au restaurant.

Je suis quelqu’un qui aime la musique et qui aime aller danser, c’est l’une de mes grandes passions. C’est pour ça que j’ai commencé à collaborer avec Mark Ronson. Les gens m’inspirent beaucoup, surtout quand ils sont révérencieux. J’aime quand ils sont très formels, mais qu’ils ajoutent une touche de personnalité à leur look.

Bien sûr, il y a aussi des artistes que j’aime beaucoup, notamment Lucio Fontana (le peintre argentin, ndlr) pour ses couleurs, mais aussi pour l’intention de son travail. C’est difficile de répondre à cette question, parce que c’est très instinctif.

Ryan Gosling a porté l’un de vos nouveaux smokings sur le tapis rouge. Comment cette collaboration est-elle née ?

En septembre dernier, tout était nouveau pour moi. Parmi les célébrités qui étaient présentes au défilé, il y en a certaines que j’avais déjà rencontrées, et d’autres dont j’ai fait la connaissance en coulisses, le jour même. Par exemple, j’ai rencontré

Paul Mescal un peu plus tôt, en juillet. On a décidé de faire appel à lui pour la campagne sur les mocassins et j’ai dit : “Il peut y participer mais je souhaite le rencontrer avant le shooting”. Il est donc venu à Rome et on a passé du temps ensemble. Je ne vais pas dire qu’on est amis, parce que l’amitié est une chose qui se construit au fi l du temps, mais on entretient une relation très sympathique. Il connaît ma famille, j’ai rencontré sa sœur et son frère. Pour moi, c’est synonyme d’humanité. Il en va de même pour Ryan Gosling. Je l’ai rencontré pour la première fois au défilé, et depuis, j’ai appris à le connaître. C’est ce que j’aime. Je veux avoir de la joie qu’apporte mon travail. J’adore Gucci et je suis fier d’être ici, mais je pense que ma vie est plus intéressante que mon travail. Gucci est simplement un travail. C’est une très grande partie de ma vie, certes, mais j’ai mon mari, mes chiens, ma famille et mes amis. Il y a beaucoup de choses que j’aime, que je veux faire. Mon métier fait partie de moi, bien sûr, dans le sens où c’est une expression de moi-même, mais je veux rester Sabato.

Tom Ford a dit quelque chose comme : “Pour réussir dans la mode féminine, il faut vivre et respirer cette mode 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Il n’y a de place pour rien d’autre”. Avez-vous la même conception du métier ?

Lorsque Julia Garner a été interviewée sur le tapis rouge des Golden Globes, on lui a posé des questions sur sa robe et sur Gucci, mais ce que j’ai apprécié, c’est qu’elle a dit qu’elle aimait travailler avec moi parce que je suis quelqu’un de bien.

La robe n’est qu’une robe. Elle n’est là que pour une nuit. Alors que votre personnalité, c’est pour la vie.

Parlez-moi du concept de la collection. C’est un reflet du défilé de septembre dernier. J’ai repris l’essentiel, même si ce n’est pas exactement la même chose. J’ouvre le show avec la même tenue.

Pourquoi ça ?

J’ai vraiment adoré ce que j’ai fait. C’était mon premier défilé pour Gucci et je crois vraiment en ma vision. J’y crois toujours.

D’une certaine manière, vous doublez la mise.

Oui, c’est exactement ça. Je veux que les gens comprennent ma vision. Je pense que le fait de réitérer en quelque sorte mon premier défilé aidera les gens à mieux saisir ce que je veux faire. Je veux simplement présenter ma garde-robe de base. Ensuite, je commencerai à construire une esthétique autour de cette base.

Quelle est votre relation avec le travail de Tom Ford chez Gucci ?

Je ne l’ai jamais rencontré mais je l’apprécie beaucoup. Vous savez, la première pièce de créateur que j’ai achetée, c’était une veste Tom Ford. Alors, c’est étrange pour moi d’être ici aujourd’hui. J’ai toujours cette veste. Bien sûr, je ne peux plus la porter, car j’ai grandi. Mais j’aimerais beaucoup rencontrer Tom Ford. Il est emblématique, il a fait beaucoup pour Gucci, mais aussi pour l’industrie de la mode.

Avez-vous déjà un rituel d’avant-défilé ?

Je pleure.

C’est vrai ?

Oui. Quand j’ai tout fini, je veux juste être seul et souffler.

Que faites-vous après, une fois le show terminé ?

Ma famille et mes amis assistent à mes défilés. Bien sûr, j’essaie de passer le maximum de temps avec eux. J’écoute les opinions de ma mère et de mon mari, et c’est tout. Ce sont les seules qui comptent pour moi. Le lendemain, je le passe souvent à réfléchir aux erreurs que j’ai commises, s’il y en a.

Quelles sont celles que vous avez apprises le lendemain de votre premier défilé ?

Je dois dire qu’il était exactement comme je l’imaginais. Je l’aime toujours autant.

SANDRA PROUTRY-SKRZYPEK ET SARAH MANDOIS, adaptation française

Du minimum au maximum, les sacs, souliers et autres accessoires star du printemps donnent envie d’expérimenter les matières, les imprimés et les couleurs.

PHOTOGRAPHE GUILLAUME BLONDIAU STYLISTE VEERLE FORMANNOIJ

Sac Speedy, Louis Vuitton .

Pochette, Emporio Armani.

Porte-gobelets, Fendi.

Mocassins, Gucci

Sac Saddle, Dior Men.

Lunettes de soleil, Tom Ford.

Sac Voyou, Givenchy.

Carnet de notes, Montblanc.

Mocassins, Prada.

ALPINE, LE RÊVE AMÉRICAIN

Alors que la saison 2024 de Formule 1 démarre pied au plancher, Alpine, gonflée par un investissement de 200 millions d’euros, entre dans une nouvelle ère avec deux objectifs majeurs : revenir dans le rétroviseur des écuries Mercedes, Ferrari et McLaren, et devenir une nouvelle référence de la voiture de sport aux USA.

L’Alpine A110R Turini arrive en mars 2024. Avec des jantes en alliage classique 18” plus adaptées à la conduite sur route. Son prix : 106 000 €

AU CŒUR D’UNE SAISON 2023 morose et loin de l’objectif podium des meilleures écuries de Formule 1, Alpine finalement 6e a surpris tout le monde l’été dernier en annonçant l’arrivée de nouveaux investisseurs à hauteur de 200 millions d’euros. Une somme qui représente 24 % du capital d’Alpine F1 Team et chiffre la valorisation à “à peu près 1 milliard d’euros après investissement” nous confie David Gentry, Directeur communication chez Alpine. De quoi montrer les muscles et donner de nouvelles ambitions, en 2024, à l’équipe française, désormais capable d’aller chercher les Top team Ferrari, Mercedes et McLaren à défaut de Red Bull et Max Vertsappen, trop dominateurs pour le moment ? Pas vraiment car, finalement, cette injection de fonds ne concerne pas la course.

“Notre objectif numéro 1 n’est pas d’être plus compétitif en F1” assure David Gentry. “Pour être franc, on n’a même pas forcément besoin de cet argent pour performer en Formule 1, c’est Luca de Meo (Directeur général de Renault, propriétaire d’Alpine, ndlr) qui le dit. On a toujours fait de la F1 depuis 45 ans, avec Renault, et fondé nousmêmes les besoins de l’écurie. Il n’y avait donc pas subitement besoin d’argent.” Le pourquoi de cette substantielle somme

investie se trouve du côté des États-Unis. “L’idée est premièrement d’avoir des partenaires qui vont nous apporter des choses qu’on ne sait pas faire ou qu’ils savent mieux faire que nous, notamment tout le développement commercial de l’écurie, sur lequel les Anglo-saxons et Américains sont extrêmement forts”, indique David Gentry. “Et, deuxièmement, voir comment ils vont nous aider à développer la marque Alpine à travers du Motorsport et de la F1, notamment aux États-Unis. Ce sera un pays important dans le futur pour Alpine. On a des experts de ce marché, ils sont eux-mêmes américains et ont l’habitude d’utiliser des marques automobiles ou sportives pour les développer dans leur ensemble.” Concrètement, Alpine, créée en 1955, veut vendre plus de voitures dans le monde, et surtout aux États-Unis.

Ryan Reynolds, Rory McIlroy et bientôt Taylor Swift ?

Le groupe d’investisseurs est composé d’Otro Capital, RedBird Capital Partners et Maximum Effort Investments, trois entités reconnues à l’international dans l’expertise

sportive. Ils sont notamment partenaires de la NFL – le championnat de Football nord-américain –, des Dallas Cowboys – équipe de sport la plus valorisée du monde en 2023 (9 milliards de dollars) –, ou encore du club de football gallois Wrexham. Un nom qui ne vous est peut-être pas inconnu si vous regardez autre chose que la plateforme Netflix. Disney+ propose en effet à ses abonnés la série Bienvenue à Wrexham qui montre les acteurs Ryan Reynolds et Rob McElhenney apprendre à diriger le troisième plus vieux club de football professionnel du monde, qui évolue aujourd’hui en Division 4 anglaise. Après avoir racheté ce club gallois en 2020, le duo d’artistes s’est donc entiché de la Formule 1 et d’Alpine. Célèbre pour son rôle dans les films Marvel DeadPool, Ryan Reynolds, 47 ans, n’est pas la seule star du projet Alpine. Le boxeur anglais Anthony Joshua, le golfeur nord-irlandais Rory Mcllroy, la star de la NFL Patrick Mahomes ou encore son coéquipier à Kansas City, Travis Kelce, – excellent joueur et compagnon de la chanteuse Taylor Swift (“Si elle veut nous rejoindre, elle peut !” plaisante David Gentry) – ont mis quelques centaines de milliers de dollars dans cette affaire. “Les stars mettent de l’argent et c’est intéressant car, en général, ce sont les marques qui en mettent

pour les faire venir” se félicite-t-il. “Leur intérêt est de valoriser l’investissement. Si vous mettez deux ou trois millions dans une équipe, c’est parce que vous espérez en avoir dix dans cinq ans. Pour ça, ils ont un intérêt commun au nôtre : développer Alpine, faire parler d’Alpine, en faire une marque connue, aimée, achetée.” Les stars donnent de leur temps pour promouvoir la bonne parole Alpine. Cela a commencé sur les Grands Prix, d’Austin au Texas et de Las Vegas, fin 2023. Dans la ville du péché, Ryan Reynolds était tout à sa joie : “Si vous m’aviez dit, il y a quelques années, que mon entreprise de logiciels de marketing de performance (Maximum Effort Investments, ndlr) et Alpine F1 Team seraient réunies, je vous aurais demandé de sortir de mon salon après m’avoir expliqué le sens de ces mots ! Aujourd’hui, je suis tellement heureux d’être entouré de tant de personnes talentueuses apportant si rapidement une telle excellence. À nous de jouer !” Même enthousiasme chez Rory Mcllroy, 34 ans, qui a lui paradé pour Alpine au Texas en octobre dernier : “Il y a eu de nombreux liens entre l’Irlande du Nord et la F1, avec Eddie Jordan et Eddie Irvine à l’époque. Je suis la F1 depuis ce temps a confié l’ancien numéro 1 mondial de golf (numéro 2 à l’heure où nous écrivons ces lignes). Et quand cette opportunité s’est présentée, avec la popularité de la F1, en plein essor aux États-Unis, pays où j’ai déjà investi (et où il vit, ndlr), j’ai dit oui. C’est un beau voyage qui commence.”

Alpine, futur roi de l’électrique sportif ?

Pour Alpine, le chemin sera long, car la marque, – très cotée en France, en Allemagne, au Japon et au Royaume-Uni –passe inaperçue aux États-Unis. Mais David Gentry sait exactement comment changer la donne. “Nous comptons sur la capacité de nos investisseurs à aller chercher des gros sponsors aux États-Unis. Nous, depuis la France, avec Renault, on a du mal à les contacter, les connaître. On cherche également à développer le “licensing et merchandising”, – vêtements, et autres – or c’est une grosse expertise d’Otro et de Redbird. Enfin, on va miser sur l’expérientiel en proposant à nos clients des expériences uniques. Nous travaillons avec des gens qui ont doublé la partie des revenus du Super Bowl en quatre ans. Leur savoir-faire particulier et leur réseau vont nous aider à mieux vendre la marque Alpine.” L’effet investisseur se fait déjà sentir chez le constructeur avec une grande restructuration en interne matérialisée par de nombreuses embauches, dans les départements communication et

sponsoring en F1 notamment. “On parle aussi à beaucoup de gens à qui on ne parlait pas auparavant” indique David Gentry. “J’étais récemment en contact avec des gros sponsors que l’on n’imaginait pas contacter dans le passé. Il va falloir attendre pour voir les choses évoluer aux yeux du grand public, mais on avance.”

DE BONS RÉSULTATS du duo français Pierre Gasly et Esteban Ocon au championnat du monde de F1 2024 aideraient forcément Alpine à se faire un nom aux États-Unis. “Le succès sportif est important, comme dans tous les sports” poursuit le directeur communication d’Alpine. “Quand on est

RedBull et qu’on gagne tous les Grands Prix, c’est plus facile d’aller chercher les contrats de sponsoring, plus facile que les gens achètent un tee-shirt Red Bull pour se promener le dimanche. Après, nous à la com’, on doit être le moins dépendant possible de la course, du sportif, en expliquant pourquoi on le fait, expliquer les transferts technologiques entre la F1 et la voiture de série. On veut faire rayonner Alpine et avec tout cela, on s’en donne les moyens.”

DANS LES PROCHAINES ANNÉES, la marque française va lancer sept nouvelles voitures de série, toutes électriques, dont une en 2024, puis une autre en 2025. L’idée n’est pas de vendre autant de voitures que Tesla, reine de l’électrique dans le monde et aux USA avec notamment 1,23 million de Tesla Y vendues en 2023 sur la planète (chiffre Jato Dynamics), mais de s’installer durablement sur un continent au potentiel énorme. “Nous basculons directement à 100 % dans l’électrique avec l’idée de réinventer ce qu’est une voiture de sport dans le monde de l’électrique. C’est un défi technologique, technique, et un défi en termes d’émotion aussi. Ce sera un avantage à un moment donné de s’être lancé aussi tôt par rapport à des marques qui seront restées entre deux chaises. Car faire un switch peut faire perdre ses clients traditionnels.” Le rêve est permis : et si, aux Etats-Unis – deuxième pays du monde le plus vendeur de voitures électriques derrière la Chine – Alpine devenait la marque référence en matière de voiture de sport ?

Pierre Gasly, Anthony Joshua et Esteban Ocon.

Ryan Reynolds et Esteban Ocon.

Hommage à la nuance orange L20B du combi

T1 Samba-bus fabriqué jusqu’en 1967.

Renault 5, Mini, Fiat 500, Combi VW… :

L’ÉLECTRIQUE VINTAGE FAIT SON SHOW

À côté du rétrofit, certaines marques font carrément revivre leurs icônes du passé. Renault 5, Fiat 500 et autre Combi Volkswagen, tous passent à la moulinette du design contemporain associé à une motorisation 100 % électrique.

PAR DRISS ABDI

ON CONNAISSAIT LE RÉTROFIT qui consiste à transformer des voitures anciennes en remplaçant leur bloc thermique par un moteur électrique. Mais pour qui veut concilier modernité et nostalgie, certains constructeurs n’hésitent pas à réinterpréter leurs grands classiques. Chez Renault, par exemple, pas moins de trois concepts ont été dévoilés, à commencer par la R5 à la sauce E-Tech qui deviendra réalité dès cette année. Un modèle 100 % électrique qui bénéficiera d’un design a ûté et moderne, mais toujours inspiré de sa mythique ancêtre. Di cile de ne pas tomber sous le charme avec ses optiques reconnaissables entre mille, ses passages de roue élargis qui renvoient à la R5 Turbo ou

encore les feux arrière verticaux. Électrique oblige, cette R5 2.0 troquera la prise d’air sur le capot par un indicateur de charge lumineux, dont le graphisme forme le chi re “5”, forcément. Pour Fabrice Cambolive, PDG de la marque Renault, “la Renault 5 E-Tech Electric est un modèle culte et plus moderne que jamais. Nous y avons mis tous les ingrédients pour concevoir et fabriquer en France une voiture attractive, au design pop et avec des technologies de dernière génération pour démocratiser le véhicule électrique en Europe”. Les informations sur cette R5 des temps modernes ont été révélées au comptegoutte afin de faire monter la pression. Mais on sait déjà que ce modèle rétro-futuriste pourra parcourir jusqu’à 400 km et qu’une version Alpine devrait voir très vite le jour.

En haut : La Fiat 500 électrique aujourd’hui.

En dessous : La Fiat 500 L en 1968

L’Italie adore aussi le vintage électrique

LA R5 N’EST PAS LA SEULE ICÔNE DE RENAULT à faire un comeback électrisant. La Twingo, tout juste 30 ans, s’arrête cette année mais reviendra d’ici deux ans en reprenant les codes de la Twingo 1. Nommée, pour le moment, Legend, cette auto électrique aura la silhouette si caractéristique soulignée par les feux en demi-cercle et coûtera moins de 20 000 euros. La célébrissime 4L devrait quant à elle arriver en 2025, sans que l’on sache si le design sera un copié-collé de celle de 1961. Cette stratégie néo-moderne, Fiat et Mini ont décidé d’appliquer depuis quelques années pour les versions électriques de deux mythes automobiles, dans l’espoir de renouer avec le succès d’antan.

En 2024, la Cooper Electric va avoir droit à une nouvelle version, la 5e génération, qui promet une meilleure autonomie et moult nouveautés tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Quand on sait qu’une Mini sur trois vendue en France est électrique, on comprend l’importance de cette citadine légendaire. La Fiat 500e a elle aussi fait un véritable carton. Deuxième meilleure vente de citadine électrique et représentant 73 % des ventes de 500 en France, elle suit la même trajectoire que la berline avec des déclinaisons à foison : une Fiat 600e pour surfer sur la mode du SUV et des versions sportives signées Abarth. Détail amusant, ces dernières sont équipées d’un bruiteur pour reproduire le son rauque du moteur thermique !

De gauche à droite :

Cette résurrection des modèles old school sur laquelle peu de gens misaient a conquis une autre marque italienne, Lancia. Cette année marquera l’arrivée de la nouvelle Ypsilon, petit format lancé voilà 20 ans qui garde une très belle cote de l’autre côté des Alpes. Lancia s’est allié avec Cassina, spécialiste du design industriel, pour proposer la première voiture 100 % électrique de la marque. Il y aura 1906 exemplaires de cette Ypsilon de 4,08 mètres de long au design accrocheur, pour rendre hommage à l’année de naissance de Lancia. Et pour aussi, peut-être, entrer en douceur dans l’univers automobile moderne.

De gauche à droite: Cooper Electric 5 e génération, Morris MiniMinor de 1959.

Le mythique Combi VW réactualisé

On souhaite à L’Ypsilon le même succès que le désormais fameux T1. Alors que la Golf n’a pas résisté à l’arrivée de l’électrique, Volkswagen a relancé son Combi en 2023. Increvable, ce van de 1950 a été revisité et saupoudré d’électrons par la marque allemande qui propose une version 100 % électrique 5 places et une autre cargo pour les pros. Malgré un prix élevé, à partir de 59 450 euros, le design on ne peut plus actuel et qui rend hommage aux lignes de la version originelle à succès fait tourner les têtes. Un modèle plus long doté de 7 places arrivera cette année, en attendant un hypothétique California pour les amoureux de la Vanlife. Oui, le néo-rétro a encore de très beaux jours devant lui, même au milieu de voitures toujours plus modernes, technologiques et électriques.

la Renault 5 TL et le prototype de la future R5 électrique.

JEFFREY MOUSTACHE, BERNHARD FILSER, DR

Road-trip en Nouvelle-Zélande avec la Ferrari Purosangue

FURY

ROAD

Pour échapper à la fraîcheur hivernale de l’Hexagone, nous avons décidé de faire un tour en Ferrari du côté de la Nouvelle-Zélande. Au menu, des centaines de kilomètres de routes diverses et sinueuses au volant du premier SUV 4 places du cheval cabré, la Purosangue. Récit d’une épopée fantastique.

PAR DRISS ABDI

TROIS MILLE KM de Auckland à Te Anau, cinq étapes réparties entre les deux îles du pays et la toute première Ferrari quatre portes. C’est le programme du Grand Tour Ferrari qui fait son grand retour après une trop longue absence de 15 ans. Une expérience à laquelle nous avons pu goûter et dont nous nous sommes régalés, même si cela passe d’abord par un long périple aérien de plus de 25 heures avant de fouler la terre des All Blacks. Alors que nous attendions un grand soleil sur l’une des plus grandes villes de l’île du Nord, c’est une pluie diluvienne qui nous accueille, nous coupant toute envie de flâner dans les rues de la ville dominée par l’emblématique Sky Tower. Nous nous concentrons donc sur la découverte de celle qui nous accompagnera (et vice-versa) à l’occasion des deux premières étapes de ce Grand Tour Ferrari. Nous aurions signé sans problème pour la totalité de la balade néo-zélandaise mais, dans un geste d’élégance un brin contraint, nous avons partagé le butin routier avec quelques confrères étrangers.

Une nouvelle Ferrari pas comme les autres

PLACE DONC À NOTRE FERRARI. En réalité, cette Purosangue produite en Italie depuis fin 2022, n’est pas une Ferrari comme les autres : quatre portes à ouverture antagoniste qui donnent accès à quatre vraies places, et un coffre digne de ce nom. Du jamais vu sur une Ferrari, tout simplement. Et si la marque refuse bec et ongles de parler de SUV, la Purosangue en reprend pourtant les codes avec une position de conduite surélevée et un centre de gravité haut. Mais c’est finalement bien là le seul point commun de cette voiture sculpturale avec celles de la catégorie la plus vendue aujourd’hui

dans le monde. Nous reviendrons plus tard sur quelques spécifications de ce “SUV/pas SUV” puisqu’il est déjà temps de prendre la route pour la première étape entre Auckland et Tauranga. Une descente de 200 km vers le sud du Pays. Enfin vers le sud du nord du pays.

FORCÉMENT, notre convoi composé de cinq Ferrari rouges et bleues (pas en même temps, c’est soit l’un soit l’autre) attire tous les regards. Il faut dire que cette Purosangue a fière allure avec son long capot qui se termine en pointe, ses larges épaules, l’imposant diffuseur ou encore l’aérodynamique extrêmement travaillée. Relativement compacte (4,97 m de long, 2,03 m de large, 1,59 m de hauteur), elle s’avère être tout à fait à l’aise dans les rues d’Auckland, d’autant plus que les roues arrière sont aussi directrices. Petite précision : nos voitures viennent directement de Maranello, en Italie, avec un volant à gauche. Appréciable pour nous Français mais avouez que vous ne seriez pas forcément tranquille à l’idée de circuler dans un tel habitacle dans un pays où l’on conduit à gauche. Nous non plus, mais, heureusement, on s’y fait très vite car nous n’avons pas le choix : abîmer une voiture à plus de 384 000 euros dès le premier jour (même les suivants d’ailleurs) ne serait pas une très bonne idée. Concrètement, le vrai grand souci résidera dans les dépassements qui représenteront parfois un sacré défi dans de telles conditions. Mais bref, roulons.

UNE FOIS SUR AUTOROUTE, nous oublions presque que nous sommes au volant d’un monstre avec son incroyable V12 atmosphérique en position centrale avant de… 725 chevaux ! Docile, ledit moteur sait même carrément se faire oublier pour circuler tranquillement et confortablement, notamment sur les voies rapides que nous quittons rapidement pour nous dégourdir les

“Nous oublions presque que nous sommes au volant d’un monstre de 725 chevaux.”

roues. Direction Waihi Beach via le réseau secondaire. Nous voilà enfin face à un panorama typique de la Nouvelle-Zélande avec une succession de collines plus verdoyantes les unes que les autres. C’est très joli, certes, sauf que la monotonie guette vite. Fort heureusement, à l’approche de Waihi Beach, les larges courbes des gorges de Karangahake permettent à la Purosangue de révéler son tempérament foncièrement… rageur. Avec les commandes Manettino (“petit levier” en italien) du volant réglées sur le mode Sport, le V12 donne de la voix tout en délivrant une poussée impressionnante (80 % des 716 Nm de couple sont disponibles dès 2000 tours, les plus puristes d’entre vous apprécieront, les moins avertis se contenteront d’acquiescer fièrement). Nous voilà désormais bien enfoncés dans les sièges baquets. Évidemment, il faudra raison garder et le pied lever pour éviter qu’un radar immortalise notre prestation, mais une chose est sûre : nous sommes bel et bien dans une voiture de course. Après un rapide déjeuner face aux 10 kilomètres de sable blanc de Waihi Beach, nous reprenons la route en direction de Tauranga où nous passerons la nuit. Avant cela, la Nouvelle-Zélande nous réserve une surprise dont elle a le secret. Perdue dans la végétation luxuriante, Wairere Falls est la plus grande chute d’eau de l’île du Nord avec ses 153 mètres. Difficile du coup de résister à l’appel de la randonnée, ce qui nous fera perdre près de deux heures sur le planning. Tant pis. Et tant mieux même puisque cela nous donne une bonne excuse pour activer le launch control qui réduit la garde au sol avant de nous catapulter sur la route. Sans rattraper totalement le temps perdu, nous arrivons à l’hôtel Clarence, un établissement étonnant qui a notamment converti le coffre de l’ancienne poste en… douche !

364,5 km/h sur la plus longue

ligne droite de Nouvelle-Zélande ?

La nuit paraît bien longue quand une Ferrari vous attend sur le parking. La 2e journée du Grand Tour s’ouvre sous un soleil radieux alors que nous traversons les plantations

de kiwis à perte de vue. Arrivés dans les gorges de Mangorewa, nous nous devions de couper le son des 21 haut-parleurs (!) de notre auto pour profiter une fois encore de la mélodie du V12. Un grand panneau carré vert nous conseille de “rouler avec prudence” sur les trois prochains kilomètres. Nous sommes en effet lancés dans une série de virages que nous prendrons un malin plaisir à parcourir plusieurs fois, dans les deux sens, tant la Purosangue semble avoir trouvé le terrain de jeu idéal. Avec ses quatre amortisseurs hydrauliques couplés à un moteur électrique chacun, la “Suspension active Ferrari” est une prouesse technologique qui défie les lois de la gravité. Qu’importe sa garde au sol, la voiture fait preuve d’une agilité qui n’a rien à

envier aux autres Ferrari, ne souffrant d’aucun roulis ni mouvement de caisse. Un vrai régal.

POUR SE REMETTRE DE NOS ÉMOTIONS, nous déjeunons à Rotorua avant d’entamer la dernière demi-journée de notre Grand Tour. Ce ne fut pas le lunch de notre vie, une sorte de diner américain loin d’être mémorable, mais le lieu était très agréable. Il fut l’occasion de découvrir les séquoias géants au détour d’une balade sur les passerelles suspendues de Redwoods Treewalk. Situées à une heure de route de là, les nombreuses sources d’eau chaude naturelles de Waiotapu invitent à la baignade. Toutefois mieux vaut garder les pieds au sec car

“Goudies Road, 7 km de ligne droite. La tentation est grande de battre le record de vitesse de 364,5 km/h.”

certaines sont contaminées et le risque d’infection mortelle est bien réel. Nous passons donc notre chemin et repartons conduire notre chère Ferrari, pour un dernier tour.

Nous approchons en effet de notre destination finale, Taupo. Les spécialistes en géographie le savent, c’est dans cette ville que se trouve le plus grand lac d’eau douce d’Australasie. Situé dans le cratère d’un volcan datant de milliers d’années, le lac Taupo affiche en effet une superficie de 616 km2 Et pour cette dernière portion de voyage, Ferrari nous aura réservé une dernière surprise : Goudies Road. Située à proximité de Reporoa, petite commune rurale du district de Rotorua, Goudies Road est une route unique en son genre en Nouvelle-Zélande. Longue de plusieurs kilomètres, près de sept exactement, elle est la ligne droite la plus longue du pays et le site privilégié de courses de vitesse légales. Autant dire que la tentation est grande de battre le record de vitesse de 364,5 km/h. Mais, même si nous avons un peu poussé quelques-uns des 725 chevaux de la Purosangue, c’est à une allure modérée que nous avalons les derniers hectomètres de notre road trip néo-zélandais. D’abord parce que le témoin de réserve incite à l’écoconduite, mais aussi pour profiter une dernière fois de cette ambiance aussi sportive que luxueuse. Car déjà l’aventure se termine en arrivant à Kinloch Manor, qui surplombe le fameux plus grand lac du pays. La vue est à couper le souffle depuis cet établissement fastueux et à la mesure d’une voiture sans pareil dont tous les exemplaires sont déjà vendus. Nous avons donc bien fait d’en profiter pleinement même si notre portefeuille ne nous permet pas de craquer pour cette Ferrari 4 places véritablement unique en son genre.

La Ferrari Purosangue se passe de système hybride et mise sur un V12 atmosphérique.

EN ROUE LIBRE

Si l’habitacle de la voiture, même électrique, ne vous sied pas tout à fait, voici six vélos imaginés par des marques automobiles qui vous permettront de vivre à l’air libre, de gagner du temps et… de garder la forme.

PAR DRISS ABDI

ALORS QUE L’INDUSTRIE automobile traverse une période de transition vers l’électrique, certains constructeurs vont encore plus loin. Audi, Peugeot ou Toyota, mais aussi Alpine, Porsche et même Lamborghini se sont lancées dans l’aventure du vélo électrique. De quoi o rir une alternative supplémentaire à leurs clients, tout en mettant en avant leur expertise technique. Il faut dire que le VAE (vélo à assistance électrique) a le vent en poupe. Avec une vitesse de pointe de 25 km/h et un couple impressionnant, il permet de parcourir des distances beaucoup plus longues sans s’épuiser. Et même de gravir des côtes à un rythme qui ferait presque pâlir les coureurs surentraînés du Tour de France.

Le plus vintage

Le vélo est dans l’ADN de Peugeot depuis la création de la marque en 1885. La gamme eLegend rend hommage à cet héritage avec un modèle vintage, non sans y ajouter des équipements modernes comme un moteur électrique central, des freins à disques et un écran LCD. Deux tailles sont disponibles avec des roues de 24 ou 26 pouces. Quant à l’autonomie de 70 km, elle permet de rouler sereinement en ville d’autant que la selle à ressorts permet de faire fi des saignées et des rues pavées. Peugeot eLC01 26’’ eLegend Central, 1 949 €

Le plus endurant

Conçu en collaboration avec le constructeur italien Fantic, ce vélo offre une belle impression de légèreté malgré ses 25,5 kg. Parfaitement équilibré avec son cadre enduro en aluminium et carbone, il est équipé de grandes roues et d’une suspension Öhlins associée à une fourche à long débattement. Pratique, la selle s’ajuste automatiquement via une commande au guidon pour faciliter les montées et les descentes. De quoi profiter de longues sorties, surtout avec la confortable batterie de 720 Wh. Audi RS Q e-tron, 8 999 €

Le plus sportif

Le plus familial

Alpine a choisi Lapierre pour ce VTTAE qui reprend les codes de l’Alpine A110 R : couleurs et niveau élevé de performances avec son moteur Bosch boosté et sa généreuse batterie de 725 Wh. Comme toute Alpine qui se respecte, la chasse au poids est ici de rigueur, et un gros travail a été réalisé sur l’équilibre des masses pour garantir la légèreté lors des changements d’angle du vélo. Limité à 300 exemplaires, il n’y en aura pas pour tout le monde.

GLP III SE Lapierre x Alpine, 11 499 €

Le plus design

Toyota s’est associée à Douze Cycles pour son 1er vélo cargo, qui peut transporter confortablement trois enfants ou un adulte. Sa caisse dédiée est équipée de sièges avec des ceintures-harnais et une assise en tissu respirant. Côté aspects pratiques un marchepied est prévu pour faciliter l’embarquement, tandis que sa conception en deux parties facilite son stockage. Le moteur Yamaha sera forcément le meilleur allié du cycliste, d’autant que la batterie lui permet de parcourir jusqu’à 100 km.

Toyota Cargo Verso, 6 190 €

Porsche propose plusieurs VAE avec toujours le même credo : le design au service de la performance. Rien d’étonnant de la part d’une marque qui a conçu une voiture intemporelle, la 911. L’eBike Sport offre un niveau d’intégration impressionnant que ce soit au niveau de sa batterie, de sa suspension qui fait corps avec le tube supérieur, ou du feu arrière dans la tige de selle. Forcément, le cadre est en carbone et la suspension intégrale. Si vous préférez le cross, une déclinaison est disponible. Porsche eBike Sport, à partir de 10 000 €

Le plus extrême

Quand on s’appelle Lamborghini, on ne fait rien comme les autres. Édition ultra limitée, cette supercar du vélo a été conçue avec la même précision et la même quête de la performance que les voitures de la marque. Aérodynamique, rigidité et matériaux légers, rien n’a été laissé au hasard. Et si vous n’arrivez pas à mettre la main (les pieds) sur l’un des 30 exemplaires, Lamborghini propose aussi trois autres modèles qui sont certes dépourvus d’assistance électrique, mais qui bénéficient du même souci du détail.

Racemax Boost Ltd x Automobili Lamborghini, Environ 16 500 €

LES NOUVELLES MÉCANIQUES DU TEMPS

Comme la plongée et l’aviation, l’automobile est intimement liée au domaine horloger. Depuis des décennies, les constructeurs de voitures et organisateurs de courses s’entichent des fabricants de montres et inversement. En 2024, leurs compteurs tournent à plein régime.

PAR JÉRÉMY PATRELLE

QU’ILS SEMBLENT LOIN LES CHRONOGRAPHES DE POCHE avec lesquels les pilotes calculaient leurs performances en course au début du XXe siècle. Qu’ils paraissent obsolètes ces pendules, compteurs et tachymètres (permettant de calculer la vitesse moyenne sur une distance donnée) nichés sur le volant, le rétroviseur ou le tableau de bord des voitures. Les constructeurs automobiles faisaient alors appel, dans les années 1930 et 1940, aux fabricants de montres pour équiper leurs intérieurs. C’était chic et ra né. Aujourd’hui, au mieux, c’est vintage. La modernité d’un monde automobile tourné plus que jamais vers l’électr(on)ique et la technologie a fait son œuvre et les vraies aiguilles trottantes ont disparu des intérieurs des quatre roues. Pourtant, jamais depuis que les marques et courses automobiles ont décidé de travailler de concert avec les maisons horlogères au cœur des années 1950 pour contenter leur public commun – comprenez commercialiser des montres chronographes en collaboration – le lien entre voiture et montre ne s’est rompu. Les anciennes maisons comme Rolex, Breitling, Tag Heuer, ou Omega, comme les jeunots Richard Mille, Jacob & Co. ou Roger Dubuis ont perpétué la tradition du chronomètre, à porter au poignet en toutes circonstances. En 2024, le compteur tourne toujours et le choix horloger est large. La preuve avec ces sept garde-temps célébrant la diversité et la splendeur automobile.

Omega Speedmaster Super Racing

Connue dans le monde entier pour avoir brillé au poignet de Neil Armstrong, Buzz Aldrin et Michael Collins sur la lune en 1969, l’Omega Speedmaster fut pourtant à l’origine une montre chronographe puisant son inspiration dans les tableaux de bord des voitures italiennes de sport des années 1950. 70 ans plus tard, la marque chère à James Bond n’a pas oublié son ADN automobile comme le prouve cette très sportive Speedmaster Super Racing de 44,5 mm qui en met plein la vue avec son jaune pétaradant sur les index comme sur l’échelle tachymétrique. On adore aussi le cadran nid d’abeilles, ce qui n’a là rien à voir avec la mécanique.

Roger Dubuis

Lamborghini

Ferrari a Richard Mille, Porsche a Tag Heuer, Lamborghini a Roger Dubuis. Jeune (1995) et méconnu, le fabricant genevois spécialisé dans les montres aux mécanismes complexes a jeté son dévolu sur la marque italienne en 2017. Après l’Avendator et la Huracán, place ici à la Revuelto, première supersportive hybride de la marque au taureau doré. Comme vous le voyez, la montre au boîtier de 45 mm est fournie, avec la barre signature en forme de « Y » sur le cadran. “ Les lignes de la montre reproduisent les phares de la supercar Lamborghini hybride V12 ” indique Roger Dubuis. Vous voyez ? Roger Dubuis Excalibur Spider Revuelto Flyback Chronograph, 115 000 €

Omega Speedmaster Super Racing, 12 800 €

Chopard Mille Miglia

TEMPS

Rolex Daytona

Le Mans

Comme Monaco pour Tag Heuer en F1, Daytona, plus célèbre course de Nascar qui se déroule en Floride, est chez Rolex une référence horlogère légendaire. Pour les 100 ans de la course d’endurance du monde, les 24 Heures du Mans, Rolex a décidé de personnaliser une Daytona avec l’apparition d’un 100 rouge en céramique sur l’échelle tachymétrique. La montre en or blanc 40 mm est une rareté qui fait sensation chez les stars US, comme Mark Wahlberg et John Mayer qui ont fait preuve de patience pour se l’offrir.

Rolex Oyster Perpetual Cosmograph Daytona Le Mans, 50 900 €

Tag Heuer Carrera

En 1963, Jack Heuer sort une montre hommage à la Carrera Panamerica, une course au Mexique sur 5 jours et plus de 3 000 km si dangereuse qu’elle a été arrêtée en 1955 (avant de revenir en 1988). Et c’est justement en référence à cette course que la 911 de Porsche, lancée en 1963, se nomme… Carrera, sur l’idée d’Ernst Fuhrmann qui fabriquait le moteur quatre cylindres à plat équipant les Porsche participant à la compétition mexicaine. Pour fêter leurs 60 ans respectifs, en 2023, Carrera et 911 se sont associées pour créer un chronographe, avec boîtier 42 mm acier ou or rose, dont le cadran rappelle le tableau de bord des versions seventies.

TAG Heuer Carrera Chronosprint x Porsche, 9 450 € en acier, 23 900 € en or rose.

Chopard sponsorise depuis 1988 la course italienne d’endurance de voitures classiques Mille Miglia et compte dans son large panel horloger une collection qui y trouve son inspiration. En 2024, la France est à l’honneur avec un modèle 40,5 mm au cadran tricolore argenté avec le logo flèche 1 000 Miglia rouge au centre. Le bracelet en cuir de veau perforé bleu nuit est typique d’une montre automobile, rappelant les gants des pilotes de course au XXe siècle.

Chopard Mille Miglia Classic Chronograph Edition France, 10 400 €

Reservoir

Si vous voulez vous la jouer comme Omar Sy dans Lupin, il faudra passer au poignet une montre Reservoir. La Kanister plus exactement. Elle est inspirée de la Porsche 356 Speedster Automobile, star des années 1950. Sur le cadran noir, on trouve les index des minutes vert pastel, une zone rouge et une aiguille blanche qui rappellent le compteur de ce mythe auto. Le bracelet est en acier comme le boîtier en titane de 41,5 mm finition brossée. Notez enfin, à 6 heures, la réserve de marche nichée dans une jauge semblable à celle de l’essence pour une voiture. Vroum !

Reservoir Kanister 316, 4 800 €

Bulgari Gran Turismo

Spécialiste des montres extra plates, l’Italien Bulgari vient marcher sur les plates-bandes des plus grands horlogers en sortant un modèle 41 mm dédié au fameux jeu vidéo Gran Turismo. Sa montre Aluminium, sortie en 1998, affiche pour la première fois une échelle tachymétrique dans cette version gaming à cadran jaune (notre préféré) ou noir avec des compteurs inspirés des voitures italiennes des années 1990. Si vous achetez la montre, vous pourrez piloter la Bulgari Aluminium Vision GT dans le jeu vidéo. À défaut du prototype 1 : 1 qui a vraiment fière allure.

Bulgari Aluminium x Gran Turismo, 5 200 €

LES MEILLEURS PETITS ET GRANDS SUV DE 2024

Honnis par la mairie de Paris (et quelques autres), les SUV sont pourtant très prisés par les clients puisqu’ils représentent les meilleures ventes sur le marché de l’automobile. La tendance ne semble pas près de s’inverser avec l’arrivée de nouveaux modèles thermiques, hybrides et même électriques prévus pour cette année 2024. PAR DRISS ABDI

Nouvelle ère

Pour sa 6e génération, le plus célèbre des monospaces troque ses habits pour se transformer en gros SUV. Plus court et plus léger que son ancêtre, il adopte une unique motorisation hybride lui permettant d’échapper au malus. Malin ! Mais qu’on se rassure, l’espace à bord ne manque pas, et une version 7 places est même au catalogue pour les familles nombreuses.

Renault Espace E-Tech, à partir de 45 000 €

Grand félin

Le F-Pace bénéficie d’une nouvelle batterie lui permettant de parcourir jusqu’à 65 km en tout électrique. Et sa motorisation peut lui conférer une consommation de 1,6 litre/100 km. Pas mal pour un gros SUV qui offre tout le luxe et le raffinement typiques de la marque Jaguar. Et si son 4-cylindres de 404 ch ne vous suffit pas, le V8 de 550 ch vit ses derniers instants avant le passage au tout électrique en 2025. Jaguar F-Pace, à partir de 69 400 €

Best-seller

Le SUV le plus vendu de Peugeot revient avec une troisième génération au style plus audacieux. Franchement, il en impose avec sa calandre surmontée par des projecteurs tout en finesse, et ses lignes plus sportives. À bord, le bien-nommé i-Cockpit est lui aussi très impressionnant en accueillant un grand écran incurvé de 21 pouces qui donnerait presque envie de regarder un film au lieu de conduire. Et que dire du petit volant à double méplat qui semble tout droit sorti d’un jeu vidéo ? Côté motorisations, il y en aura pour tous les goûts, de l’hybride à l’hybride rechargeable en passant par l’électrique jusqu’à 320 ch. Avec même une version qui promet jusqu’à 700 km d’autonomie.

Peugeot 3008, à partir de 38 490 €

Grand sportif

Côté pile, c’est un gros SUV tout ce qu’il y a de plus spacieux et confortable avec sa suspension adaptative pneumatique. L’ambiance est toujours aussi tech avec trois écrans pour l’instrumentation, l’infodivertissement et la climatisation. Côté face, l’Audi SQ8 sait faire parler la poudre. Il faut dire qu’avec son V8 qui développe 507 ch (une espèce en voie de disparition), il expédie le 0 à 100 en 4,1 s. Une vraie bête de course qui profite de toutes les technologies pour vous faciliter la vie. Parce qu’une fois rentré en ville, les aides à la conduite ne seront pas de trop pour ses 5 m de long. Audi SQ8, à partir de 135 000 €

Petit mais costaud

L’EX30 n’est pas seulement le plus petit modèle de Volvo, c’est aussi le plus puissant. Il faut dire qu’on se prend un sacré coup de pied aux fesses avec les 428 ch que délivrent ses deux moteurs électriques. 0 à 100 km/h en 3,6 sec, on se croirait presque dans une supercar ! Forcément, il faudra avoir le pied plus léger pour profiter des 450 km d’autonomie annoncés, mais le petit SUV ne se cantonne pas seulement à la ville. Autre particularité, son empreinte carbone est la plus faible de la gamme à grand renfort de matériaux recyclés, tout en conservant les principes du design scandinave chers à la marque. Volvo EX30, à partir de 37 500 €

Coupé futuriste

Cupra veut frapper fort avec sa 2e voiture électrique. Pas question de ressembler à ses cousins du Groupe Volkswagen avec un design de SUV coupé qui se veut plus sportif et 340 ch pour bien faire. Vous en voulez encore ? Jetez donc un œil à son intérieur qu’on croirait emprunté à Lamborghini avec sa colonne centrale. Il faudra néanmoins attendre fin 2024 pour le voir sur nos routes.

Cupra Tavascan, prix non communiqué

Excellence électrique

Après la berline EQE, place au SUV. Avec là encore un confort de conduite étonnant, qui est renforcé par la position surélevée. Alors certes c’est un gros bébé, mais les béquilles électroniques veillent au grain. 9 motorisations 100 % électriques sont disponibles avec toujours le même raffinement à bord. Et si l’EQE SUV n’est pas avare en sensations, la version AMG pousse les curseurs à fond avec ses 625 ch. En route !

Mercedes EQE SUV, à partir de 84 900 €

Référence absolue

En attendant le 100 % électrique, le plus célèbre des SUV propose une version SV personnalisable à loisir et disponible en hybride. C’est probablement la voiture la plus confortable que nous ayons testée, même avec son généreux V8 bi turbo de 615 ch qui sait aussi se faire discret pour ne pas déranger les occupants. Vrai passe-partout, le Range n’a pas non plus peur de sortir des sentiers battus. Car ceux qui oseront mettre ses roues dans la boue découvriront un incroyable franchisseur que rien n’arrête. Il propose même un régulateur de vitesse tout-terrain ! Quand on vous dit qu’il sait tout faire.

Land Rover Range Rover, à partir de 142 900 €

Le démocratique

Avec les nouvelles règles du bonus écologique, l’ë-C3 est aujourd’hui le SUV électrique le plus abordable du marché. Taillé pour la ville mais pas que, il promet 320 km d’autonomie et une puissance de recharge rapide de 100 kW. Le confort a toujours été le credo de Citroën, et le ë-C3 sera donc équipé de sièges Advanced Comfort et des suspensions à double butées hydrauliques issues du Rallye. On a vraiment hâte de l’essayer !

Citroën ë-C3, à partir de 23 300 €

Première convaincante

Pour qui reste insensible aux lignes des Lexus actuelles, le LBX va clairement changer la donne avec un style plus consensuel et très réussi. Il en va de même pour l’intérieur à la fois moderne et fonctionnel avec, notamment, ses deux écrans et une qualité de fabrication haut de gamme vraiment à part sur le segment. En revanche, il ne faudra pas être trop grand pour accéder aux places arrière à ce premier petit SUV de la marque puisqu’il mesure 4,19 m de long. Ceci étant dit, le LBX fait preuve d’une belle agilité pour se faufiler dans les rues encombrées, avec un châssis qui ne rechigne pas à une conduite sportive. Certes, il faut se contenter de 136 ch, mais sa consommation est étonnante. Alors peut-être…

Lexus LBX, à partir de 34 300 €

MOTEUR(S) ET ACTION !

Avec les sorties simultanées de Race for Glory et Ferrari, et avant le film de Formule 1 avec Brad Pitt, le cinéma confirme sa fascination jamais étiolée pour les bolides surpuissants et les épopées automobiles.

PAR ADAM SANCHEZ

ES MOTEURS QUI VROMBISSENT, des pneus qui crissent, des capots qui brillent et des stars qui pilotent… Le cinéma et les voitures, c’est une histoire d’amour qui n’a jamais connu de panne sèche. Depuis les années soixante, grâce à des films aussi emblématiques que Grand Prix avec Yves Montand ou le Bullitt de Steve McQueen, l’automobile a parfaitement su trouver sa place dans le cœur des réalisateurs mais aussi des spectateurs.

DDE JOURS DE TONNERRE À LE MANS 66 , en passant par la saga des Fast and Furious, le film de voitures est un genre qui ne vieillit pas. L’expression la plus évidente et séduisante du cinétisme dans le septième art,

du mouvement comme force vitale (et parfois mortelle), mais aussi celui où s’incarnent des valeurs fondamentales de l’expérience humaine : le dépassement de soi, la solidarité face aux obstacles, ou encore la quête du sublime avec la fabrication d’un bolide prêt à pulvériser tous les records de vitesse.

EN 2024, la voiture a toujours la cote au cinéma. Elle traverse l’histoire et transporte des récits à taille humaine, des triomphes comme des pertes impossibles à surmonter. Avant la sortie en mai du très attendu Furiosa, préquel du magnifiquement rutilant Mad Max : Fury Road, GQ a souhaité se concentrer sur trois autres longs-métrages qui vont à coup sûr taper dans l’œil des passionnés d’automobile ces prochains mois.

Ferrari

Les voitures ont souvent joué un rôle important dans les films de Michael Mann, de Heat à Collateral, en passant par Miami Vice. Voilà deux décennies que le cinéaste américain rêvait de consacrer un film à Enzo Ferrari. C’est désormais chose faite, en compagnie d’Adam Driver, Penélope Cruz et Patrick Dempsey, ancien héros de Grey’s Anatomy passé pilote automobile dans la vie réelle. Focalisé sur l’été 1957, alors que l’écurie de Modène traverse une crise profonde et son fondateur un deuil familial insurmontable, Ferrari mêle avec beaucoup d’élégance le drame conjugal au film de voitures. C’est un récit d’obsession, organisé autour d’une course légendaire (les Mille Miglia) et aussi, le portrait grave d’un créateur qui ne conçoit plus l’automobile comme un acte de résistance contre la mort mais un mariage de forces vitales et mortifères, aussi électrisant que brutal. De splendides créations humaines condamnées à devenir des cercueils pour ses voyageurs à bord.

À voir sur Prime Video à partir du 8 mars 2024.

Race for Glory : Audi vs. Lancia

C’est une épopée mythique qui a marqué à tout jamais les fans de rallye. En 1983, Audi et Lancia luttent pour le titre de champion du monde. Avec ses quatre roues motrices innovantes, le constructeur allemand et son Audi Quattro dominent fièrement le championnat. Mais Lancia, attaché à son savoir-faire et ses deux roues motrices, entend bien faire armes égales avec sa Lancia Rally 037 et rivalise d’ingéniosité pour se hisser à la hauteur de son adversaire.

Mise en scène par Stefano Mordini, cette production italo-britannique raconte l’incroyable retournement de situation entrepris par le constructeur turinois, en suivant les doutes et victoires de son charismatique directeur sportif Cesare Fiorio, incarné par Riccardo Scamarcio. Né de la rencontre entre l’ancien directeur sportif et l’acteur, Race for Glory : Audi vs. Lancia ne révolutionne pas le genre du film automobile avec son récit très classique, façon David contre Goliath dans le monde du rallye, mais devrait séduire les amateurs de ce type de courses.

À mi-chemin entre le film de course et le film de braquage (Lancia se joue avec beaucoup d’intelligence des règles du rallye pour battre ses concurrents), le film se focalise sur le combat mental perpétuel entre les écuries pour parvenir à leur triomphe. Ici, l’alchimie dans l’équipe est aussi importante que la puissance des voitures conduites par les pilotes.

Au cinéma depuis le 7 février 2024.

Brad Pitt part à la conquête de la Formule 1

Le succès mondial de la série documentaire Formule 1 : Pilotes de leur destin, diffusée sur Netflix, a permis au sport mécanique de gagner en popularité à travers le monde. Brad Pitt est l’un de ceux qui a commencé à se fasciner pour la F1, au point de prendre le volant pour les besoins d’un film. Réalisé par Joseph Kosinski, à qui l’on doit Top Gun : Maverick, ce long-métrage sans titre pour le moment verra l’acteur devenir une ancienne gloire de la F1 et prendre sous son aile un jeune pilote joué par Damson Idris. Le tournage a démarré en juillet 2023 sur le légendaire circuit de Silverstone en Grande-Bretagne. On a pu apercevoir Brad Pitt piloter une Formule 2 modifiée pour les besoins du film. Et cerise sur le gâteau : Lewis Hamilton devrait faire une apparition dans ce blockbuster très excitant. Prochainement sur Apple TV+.

Agathe Hernandez

cuisine de beaux et bon contenus pour le régal des yeux et pour une appétissante iconographie.

PHOTOGRAPHES CULINAIRES

À CHACUN SA SAUCE

ULa nouvelle vague de la photo culinaire prône un art du fooding brut, direct et en plan large. Quatre de ses chefs de file nous dévoilent les paysages gastro et bistronomiques de la France dans des ouvrages poétiques et quasi romanesques.

PAR ZAZIE TAVITIAN

ne table de campagne champêtre dressée juste avant que l’on passe à table, une glace qui dégouline sur des doigts bronzés, les mamelles gonflées d’une brebis sur le quai de traite… Toutes ces photos montrent la cuisine en mouvement, bien loin des images de plats léchés et de chefs bien peignés auxquelles la photographie culinaire a pu nous habituer… Rencontre avec Guillaume Blot, Anne-Claire Héraud, Agathe Hernandez et Alice Roca photographes qui souhaitent remettre de la vie dans ce genre, pour raconter des histoires qui se mangent… mais pas que.

“Pas tout propre, tout lisse”

Une première photo avec en premier plan deux mains qui cassent des œufs, derrière

une poële en fonte dans laquelle mijotent des patates, sur le côté, l’esquisse d’un paquet de gruyère râpé, une autre vue en plongée sur les mains d’un homme découpant méticuleusement une pizza rectangulaire fromage-champignon-oeuf sur un set de table à carreaux rouges… Ces clichés sont issus du livre Rades pour lequel le photographe Guillaume Blot a sillonné la France racontant l’histoire de ces restos et troquets périphériques. “J’essaie à chaque fois de mettre en lumière l’humain. Faire apparaître évidemment la tête mais aussi des mains, des gestes, de l’action…” Le photographe de 34 ans, comme tous ceux interviewés pour ce papier, a commencé la photographie un peu par hasard. En stage au Fooding en 2014, il prend en photo ce qu’il mange et chronique. L’exercice lui plaît. L’été d’après, le jeune homme décide de parcourir la France en train pour documenter les buvettes de stades

Guillaume Blot

revisite “l’étoilé aseptisé” et prépare une documentation unique issue du “merveilleux banal”.

avec son stylo et son Fuji hybride numérique, une série qu’il propose au magazine So Foot : “C’est là où j’ai commencé à trouver mon goût, mon style, avec de l’humain, des sauces qui coulent, des trucs un peu dans leur jus et beaucoup de couleurs. Pas tout propre, tout lisse. C’est grâce à cette série que je me suis fait connaître.”

Agathe Hernandez a commencé à travailler d’abord dans la communication, elle passe un temps par le Fooding, avant de partir vivre à Marseille et de se lancer à temps plein dans ce nouveau métier. Son compte Instagram fait se côtoyer parasols kitsch, néons de resto, nappes à carreaux, fleurs multicolores, pizzas au bord de l’eau, photos de sa grand-mère Juliette, tables surmontées de vaisselle chatoyante, le tout toujours tapé par le soleil : “C’est la lumière que j’adore et que j’aime travailler. Une scène va toujours être plus belle avec du soleil mais quand j’ai commencé, ça ne se faisait pas trop.” Elle aussi, aime mettre la nourriture en mouvement et photographier “des vraies gens qui mangent”. Quand elle débarque dans cette ville où la scène gastronomique remue, elle est comme un poisson dans l’eau et trouve vite ses nouveaux clients sudistes. “J’ai commencé à avoir beaucoup de clients qui voulaient mettre en scène la bouffe différemment avec pas forcément l’assiette prise du dessus ultra léchée mais un coup de cuillère dedans, des miettes de pain, des verres avec des traces de rouge à lèvres… Un côté plus vivant…”

Le fait que les deux photographes soient passés par le Fooding, magazine food créé

en 2000, qui donne dès sa création un coup de pied dans la fourmilière de la cuisine aux cols serrés, n’est pas un hasard. Par leur style, les restos et sujets dont ils parlent, les deux photographes s’éloignent aussi du monde de la haute gastronomie.

Avant eux, le photographe culte Martin Parr s’était attaqué à cette gastronomie plus “populaire”. Real Food, son ouvrage paru en 2016 chez Phaïdon est une compilation de photos de nourriture : un pigeon lorgnant sur un emballage de fried chicken, un gros plan sur le buste au tee-shirt coloré d’une femme qui plonge sa cuillère dans de la chantilly… À l’occasion de sa sortie, il racontait dans une interview au magazine américain Bon Appétit que la “junk food était plus intéressante à photographier, que la posh-food qui ressemblait trop aux magazines”.

Guillaume Blot partage ce point de vue : “L’assiette d’un resto étoilé va être plus contrôlée, aseptisée, il y a des artifices pour rendre ça plus brillant. J’adorerais qu’un gastro me confie ses photos pour faire des photos un peu moins lisses.”

Différents points de vue

Une photo de Marie, éleveuse à la ferme Bacotte, qui biberonne une agnelle délaissée, un reportage sur les jardins du cœur et leurs salariés en réinsertion, un porc basque, tacheté, la tête fourrée dans l’herbe mais aussi de la céramique, du lin et des mains en train de cuisiner. Anne-Claire Héraud, est elle aussi autodidacte. Après une licence

en design culinaire à l’école Duperré, elle comprend assez vite qu’elle veut raconter l’envers du monde de la gastronomie, c’està-dire photographier les personnes qui nous nourrissent et qui fabriquent, agriculteurs et paysans engagés. Sur ses photos, cette adepte du clair-obscur, des peintres hollandais et de cette lumière “salle de traite” documente le monde agricole et donne à voir sa beauté. Parmi les magazines pour qui elle travaille : 180°, Omnivore, Milk, Yam parfois Le Monde… La photographe réalise aussi les photos de livres de cuisine toujours avec des Chefs dont elle partage les valeurs (Zohra Levacher, Nadia Sammut, Michel Bras etc.) ou sur des sujets qui lui tiennent à cœur (comme son dernier livre Recettes de la nature, arpenter le paysage où elle documente avec la journaliste Jill Cousin, les recettes issues de la pêche, de la cueillette et de la chasse à travers des rencontres et des photos sublimes). Malgré sa reconnaissance dans le milieu, elle estime qu’aujourd’hui “la presse commande de moins en moins ce genre de reportage.”

AGATHE HERNANDEZ, GUILLAUME BLOT

Anne-Claire Héraud

balade son œil photographique à la source de la cuisine et offre en hors d’œuvre ses hors champs paysans.

Dans la sphère du journalisme culinaire souvent cantonné dans la presse aux recettes, portraits de Chefs et autres “10 meilleures adresses où manger”, en changeant de points de vue, ces photographes questionnent en creux le monde de l’alimentation et de la restauration. Pourquoi mettre toujours en avant la “haute cuisine” ? Comment donner une place juste aux gens qui nous nourrissent ? “Ça me plaît davantage de raconter la recette de l’omelette incroyable de Marie-Jeanne, 82 ans, qui dirige Le Pan coupé, bistrot populaire, c’est là je crois que je trouve du sens à mon travail. Il y a une vertu d’archivage aussi de ces lieux qui n’existeront plus” raconte Guillaume Blot.

“Ça me plaît de raconter la recette de l’omelette incroyable de MarieJeanne, 82 ans, c’est là que je trouve du sens à mon travail. Il y a une vertu d’archivage aussi.”

Mise en scène

Photographier “des gens qui mangent” c’est ce qu’aime faire Alice Roca, designer mode de formation. La quarantenaire a commencé à documenter sa nouvelle vie à la campagne sur les réseaux et sur son blog, après un déménagement dans le Perche avec sa compagne et ses enfants en 2016. L’éditrice de First Rose-Marie Di Domenico la repère, lui propose d’écrire un livre et d’en signer les photos : “Ce fut un moment décisif, alors qu’auparavant je photographiais tout à l’iPhone, je me suis acheté un Canon d’occasion. Ce qui m’intéressait c’était de capter quelque chose de vrai, prendre en photo des plats que j’avais mangés avec mes amis ou en famille. C’est la chose la plus difficile à faire en photo de food : avoir des vraies personnes qui mangent vraiment autour de la table” estime-t-elle.

Pour autant, derrière ce côté spontané de grandes tablées champêtres que l’on retrouve dans son dernier livre Réunir, recettes et inspirations, la mise en scène est bien réelle. “Je briefais mes copains : “Vous allez bien manger et passer un super moment, mais vous allez devoir attendre un peu”. La scénographie de la table est, elle aussi, réfléchie en amont : “Je fais des moodboards comme en stylisme. Je pars beaucoup de l’objet : une céramique,

les coloris du linge de table, et je vais créer les plats autour. C’est l’ambiance générale qui me donne l’esprit du menu, comme des collections.” raconte Roca. Sur ses photos, les serviettes sont souvent en lin, la céramique artisanale, les plats végétariens et colorés, il y a des bougies et des bouquets sauvages.

Agathe Hernandez qui a depuis un an monté son studio de production “Cagnard Studio” avec son compagnon Meriadec Mallat raconte : “les gens pensent souvent que c’est un peu l’arrache mais tout est hyper bien préparé. Pour chaque projet : on fait un document avec nos intentions très précises, cadrage, set design… Nous avons des stocks de vaisselle, de nappes et d’accessoires. Il y a maintenant les styles qu’on nous demande : beaucoup de motifs rayures, carreaux, vichy, de la vaisselle colorée un peu irrégulière.” Des codes que l’on retrouve aussi sur les réseaux sociaux comme Instagram et dans pas mal de magazines internationaux dont ces mêmes marqueurs se déclinent de Paris à Helsinki. Comment alors ne pas tomber dans la caricature ?

Agathe Hernandez estime qu’avec les réseaux “tout le monde s’inspire un peu de tout le monde”, elle a pour sa part décidé de se diversifier : “Je me suis dit qu’à un moment donné j’allais tourner en rond, maintenant je n’accepte des shootings que dans des restos coup de cœur. Dans ce milieu, il y a aussi eu un côté ‘mise sur un piédestal’ des Chefs, de starification et j’ai envie d’explorer d’autres univers.”

Guillaume Blot se pose lui la question de ne pas faire de ses sujets populaires des fantasmes folkloriques : “Mon idée c’est de

raconter leur histoire, et qu’ils se sentent fiers par rapport au texte et à l’image. Je vais privilégier les histoires qui me touchent et qui sont plutôt jolies plutôt que celles qui pointent du doigt quelqu’un. Souvent ces personnes-là se questionnent sur pourquoi je m’intéresse à elles, à leur quotidien. Ce qui m’intéresse c’est le “merveilleux banal”, ce qu’on ne voit plus car on passe à côté. Je me pose la question à chaque fois que je prends une photo. Est-ce que c’est pour récolter des likes ou est-ce que je fais mon métier ?”

En valorisant et en faisant de beaux clichés, n’y a-t-il pas aussi un risque d’esthétiser un monde agricole que l’on sait en grande souffrance aujourd’hui où 20 % des agriculteurs vivent en dessous du seuil de pauvreté ? Anne-Claire Héraud se pose évidemment la question : “Ça a pu me gêner qu’on me demande de relooker des gens ou de m’envoyer chez des gens qui sont “beaux”. Il y a une esthétisation du monde en général et donc du monde agricole” estime celle qui vit à présent à la campagne avec son ami maraîcher. Elle ajoute : “Je me souviens de mon conjoint qui m’avait dit que je ne prenais en photo que ce qui était beau dans les fermes alors qu’il y a toujours des bouts de métaux, de plastiques etc. Et puis on a tendance à interviewer les mêmes personnes, il y a une starification au niveau des Chefs mais aussi au niveau des producteurs à laquelle on peut contribuer en tant que journaliste et photographe.”

Les marques sont, elles aussi, attirées par ces nouveaux photographes connaisseurs du monde agricole et de la gastronomie. Ricard a fait appel à Agathe Hernandez, Picon à

Guillaume Blot pour shooter leurs campagnes. Alice Roca vient de travailler avec Zara Home. Tandis qu’Anne-Claire Héraud est régulièrement sollicitée pour faire des reportages chez Valrhona, Château Palmer, ou le caviar français Sturia. Pour tous, ces contrats sont bien plus rémunérateurs que ceux de la presse ou de l’édition. Une source de revenu qui leur permet de travailler sur des projets plus personnels. Anne-Claire Héraud a par exemple investi dans la reprise du café-restaurant associatif de son village Yèvre-le-Châtel dans le Loiret “Aux bons vivres”. “Je pense qu’au fur et à mesure, prendre en photo des gens qui font de la cuisine et qui ouvrent des restos m’a donné envie de créer mon lieu à moi. Je suis quasi sûre que je vais finir par être agricultrice…” conclut-elle

recettes de la nature, arpenter le paysage de Jill Cousin, Anne-Claire Héraud, Darius Chapuis, Claire Peresotti, éd. Tana, 2023, 30 €. “rades” un tour de france des bistrots en photos , de Guillaume Blot Gallimard Collection Hoëbeke, 28 €. réunir, recettes et inspirations, Alice Roca, Editions First, 32 €. marseille un jour sans faim ! d’Ezéchiel Zérah / Photos d’Agathe Hernandez, 45 €.

Les ingrédients d’Alice Roca : un tiers de nature, un tiers de stylisme plus un tiers de convivialité.

Alice Roca

Gilet, Cifonelli. Pantalon, Dolce & Gabbana. Boxer, Calvin Klein. Collier, Dsquared2.

CAHIER SPÉCIAL #2

EN ATTENDANT LES JO 2024

Les Jeux olympiques débutent bien avant le 26 juillet alors GQ part d’ores et déjà à la rencontre de ceux et celles qui nous feront sans doute vibrer l’été prochain.

JE N’AI NI TON REGARD, NI TON SOURIRE. POURTANT, JE SUIS BIEN UN DE TES HÉRITIERS.

Opérer des enfants, venir en aide aux plus vulnérables, former des équipes médicales, construire des hôpitaux… En choisissant de vous engager à nos côtés, vous agissez pour la pérennité de nos actions.

LEGS ● DONATIONS ● ASSURANCES-VIE

UN INVESTISSEMENT POUR LA

VIE

La Chaîne de l’Espoir est habilitée à recevoir Legs, Donations et Assurances-vie

DEMANDE DE DOCUMENTATION GRATUITE

À retourner sous enveloppe affranchie à Anne-Laure Guionnet - La Chaîne de l’Espoir - 56, rue des Morillons - CS 17938 - 75730 Paris Cedex 15

Je souhaite recevoir gratuitement et sans engagement de ma part votre brochure d’information.

Je souhaite être contacté(e) par votre responsable legs.

Votre contact : Anne-Laure Guionnet

tél : 01 44 12 66 80

e-mail : alguionnet@chainedelespoir.org

Mes coordonnées

□ Mme □ M.

Nom :

Prénom :

Adresse : .........................................................................................................................................

Ville : ..................................................................................................................................................

Code postal : Tél. :

E-mail : .........................................................................@...............................................................

Loi informatique et liberté du 6 janvier 1978 : Vous avez un droit d’accès et de rectification de l’information vous concernant. Pour l’exercer, il vous suffit de contacter La Chaîne de l’Espoir.

www.chainedelespoir.org

Sommaire

NOS CONTRIBUTEURS SPÉCIAUX JO 2024

ENZO LEFORT, Photographe

Escrimeur champion de France, d’Europe, du monde et champion olympique, chez GQ on aime aussi Enzo pour ses talents de photographe qui sait capturer la quiétude dans le mouvement, la concentration dans le regard, la fierté dans le muscle� Son livre Behind the Mask nous invite à découvrir l’envers du décor en réalisant le portrait d’hommes et de femmes escrimeuses Enzo c’est l’excellence, en toute simplicité�

ALEXANDRA MAVROS, Photographe

Photographe et réalisatrice grecquecanadienne basée à Paris� Inspirée par le style documentaire, son travail captive la beauté dans la vérité et l’authenticité dont émane souvent un humour subtil

PATRICIA

Journaliste Journaliste indépendante, elle collabore régulièrement à de nombreux journaux dont Géo, Le Monde, Le Red bulletin Auteur de nombreux articles sur l’aventure, les sports extrêmes et l’outdoor en général qui l’ont conduite du cap Horn aux volcans en éruption d’Hawaii, en passant par le sommet du mont Blanc, elle a cofondé un site de reportages et de podcasts dédié à ces sujets : Neufdixieme.com� Elle écrit d’autre part des articles société et environnement (reportages et enquêtes, dont une récemment parue dans Mediapart)

PATRICIA OUDIT, JOJO HARPER, ENZO LEFORT

MAINTENANT OU JAMAIS

À la fin de l’été dernier, la championne de pentathlon a chamboulé son quotidien pour se créer une nouvelle structure d’entraînement après avoir traversé une période sombre. Un bouleversement nécessaire à son épanouissement et pour nourrir son rêve ultime : l’or olympique.

LES ATHLÈTES sont soumis à un impératif tout au long de leur carrière : adapter sans cesse leur préparation physique et leur pratique sportive pour continuer de progresser. Dans cette course à l’excellence qui consiste à innover et toujours trouver des moyens de développer son potentiel, des changements radicaux sont parfois nécessaires. L’année dernière, Élodie Clouvel s’est retrouvée face à cette réalité brutale. La championne de pentathlon, médaillée d’argent lors des JO de Rio en 2016, a tout simplement sou ert d’un burn-out. La faute à une olympiade décevante à Tokyo en 2021 – une sixième place, soit la meilleure performance française de la compétition dans cette discipline – et à la décision de sa fédération de refondre totalement son cadre d’entraînement. Nouveaux coachs, nouvelles méthodes et nouveau rythme. “Tout a été remanié pour lancer une nouvelle aventure. C’était très bien de vouloir créer un seul et même collectif soudé mais ça a été très di cile de m’adapter”, explique la jeune femme de trente-cinq ans. “Je me suis accrochée mais ça a été la pire saison de ma vie et à un moment je me suis pris un mur. Dès que je passais la porte de l’INSEP (l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance), j’avais la boule au ventre et je n’arrivais pas à me concentrer. Pour la course et la natation ça allait mais quand je pratiquais le tir, l’escrime et l’équitation, j’avais la tête dans le brouillard. J’avais l’impression d’avoir tout perdu d’un seul coup.” Il fallait casser cette dynamique négative.

ÉLODIE CLOUVEL a ainsi décidé de changer de décor, littéralement. Plutôt que de s’entraîner exclusivement à l’INSEP, celle qui, adolescente, se rêvait en championne

de natation partage son temps entre l’établissement français pour l’escrime, notamment, et d’autres lieux. Cette dernière s’entraîne depuis quelques mois à SaintMaur mais a également accès au Centre national des sports de la défense (CNSD) à Fontainebleau pour monter à cheval du fait de son statut de gendarme. Comme 200 sportifs français, Élodie Clouvel fait partie de l’armée des champions, une structure qui soutient les sportifs olympiques français. Elle e ectue d’autre part des stages d’équitation à Saumur. Une façon d’éviter la lassitude, de retrouver du plaisir et de lancer un nouveau cycle. “Je me suis rendu compte que j’étais hors norme et que je devais monter mon projet”, souligne-t-elle. “Beaucoup d’athlètes éprouvent des regrets après leur carrière et je ne voulais pas me dire un jour ‘oh si j’avais fait ça’. C’était maintenant ou jamais. Aujourd’hui je savoure chaque moment, même si les entraînements sont durs et répétitifs, car je sais que ça ne va pas durer éternellement. Je suis moins focalisée sur la performance qu’avant, où je n’arrivais même pas à savourer les victoires.” Pour autant, l’athlète qui s’exprime avec un parfait mélange de spontanéité et de détermination vise toujours la plus belle des médailles cet été, dans les meilleures conditions possibles, à la maison. “Ce serait une chance incroyable de pouvoir vivre mon rêve au château de Versailles”, dit-elle. Il s’agira de la dernière édition olympique du pentathlon moderne avec de l’équitation, qui sera remplacée par la course d’obstacles à l’avenir et Élodie Clouvel veut profiter à fond de “cette dernière danse”.

LA PENTATHLONIENNE disputera sans doute ses derniers JO cet été. Enfi n, pas sûr. “Je ne me suis pas encore fixé de date de péremption”, dit-elle dans un éclat de rire. Passionnée par la mode et le cinéma,

la Française pense néanmoins dans un coin de sa tête à sa reconversion professionnelle et s’imagine plutôt évoluer dans des sphères artistiques. “J’ai fait le choix du sport jeune mais, dès l’adolescence, de grandes agences de mannequinat me démarchaient. J’ai fait du théâtre et je pratique mon sport avec l’idée de créer une performance un peu comme on crée une œuvre d’art”, préciset-elle. “Je me vois dans un autre univers mais en gardant le même engagement et la même envie d’atteindre l’excellence que j’ai aujourd’hui dans le sport.” Élodie Clouvel transpose déjà ses habitudes et son expérience sportive ailleurs. Elle raconte sa préparation pour son dernier shooting photo pour une marque de mode : essai des tenues la veille de la séance, réflexion sur les poses et l’attitude à adopter… Rien n’est laissé au hasard. “Pendant un shooting, je donne tout comme si je faisais du sport”, assure-t-elle. “Je fonctionne comme ça sinon je ne fais pas les choses. C’est la seule façon de montrer la vraie Élo et que ma personnalité se ressente dans les photos.”

PEU IMPORTE L’ACTIVITÉ, le moteur d’Élodie Clouvel demeure l’amélioration de ses compétences, la découverte et le perfectionnement de nouvelles aptitudes. Le plus beau dans tout ça, c’est que l’athlète trouve encore des marges de progression dans son sport, même après une carrière sportive commencée dès l’âge de dix-sept ans. “J’ai la sensation que la finesse de mon équitation s’améliore par exemple et je sens que je passe des caps. Je trouve ça génial de me voir progresser aujourd’hui en sport et je me sens comme au début”, se réjouit-elle. “Ça prouve qu’on n’a aucune limite et qu’on peut toujours trouver de nouveaux moyens d’aller de l’avant en traçant son propre chemin.” Un chemin qui la mènera peut-être vers la médaille d’or.

PAR MAXIME JOLY

“J’ESPÈRE ENCORE DÉMÉNAGER SUR LE 400 M !”

Avec ses camarades du relais 4x400m, David Sombé a sauvé l’honneur de l’équipe de France d’athlétisme lors des Mondiaux 2023 de Budapest en décrochant la seule médaille tricolore de la compétition. Un an auparavant, comme beaucoup d’athlètes, le jeune homme avait encore un autre job à côté du sport. Quand nous le rencontrons à l’INSEP cet hiver, tout sourire, en pleine prépa pour les JO, sa carrière de déménageur paraît bien loin.

PAR PATRICIA OUDIT PHOTOGRAPHE ALEXANDRA MAVROS

Le 400m c’est la distance de sprint la plus longue et la plus dure. Pourquoi avoir signé pour ça ?

Alors j’étais nul en foot et mon père m’a proposé de faire de l’athlé au club de Palaiseau à l’âge de sept ans. Ça avait l’air hyper ludique, j’ai essayé et j’ai kiffé. Je devais avoir seize ans lors de mon premier 400m et j’ai souffert. Je m’en rappelle bien parce que j’avais échangé avec un gars qui ne voulait pas le courir. Au départ, j’étais aligné sur le 800m.

Comment ça s’est passé ?

C’était dans un stade au milieu des champs à Montereau (en Seine-et-Marne, ndlr) et il y avait beaucoup de vent. Le 400 m c’est déjà dur mais avec ça en plus… J’ai fini 3e et j’étais dégoûté pour mon club. Mais mon coach était très content car j’avais terminé 3e au bilan français dans ma catégorie. J’ai continué le 400 m et ça m’a permis de retrouver mes potes du sprint parce que dans le demi-fond, il n’y avait pas de jeunes de mon âge.

Grâce à la médaille d’argent au 4X400, vous avez évité à la France de rentrer bredouilles des mondiaux 2023. Ça met une pression pour la suite ?

On ne va pas se mentir : les Jeux sont dans ma tête depuis que j’ai quatorze ans et en plus c’est à domicile cette année. Mais je ne me mets pas de pression supplémentaire, j’y vais step by step. Il y a d’abord la Coupe du monde de relais en avril car nous ne sommes pas encore qualifiés, puis les Championnats de France et d’Europe pour se qualifier en individuel. Le suspense est total jusqu’à fin juin !

Si tout va bien, vous serez aligné sur le 400 m et le relais. Une course a-t-elle plus d’importance pour vous ?

Je suis quelqu’un qui est dans le partage et cette médaille de vice-champion du monde 2023 de 4 x 400 à Budapest c’était déjà fou alors aux JO ce serait indescriptible ! Mais une finale olympique sur le 400 m me fait davantage rêver, même si je n’ai pas le même potentiel qu’en relais. On ne va pas se limiter : si je peux faire les deux, je ferai les deux !

Comment définiriez-vous votre rôle dans le relais ?

Je suis un peu un ‘entraîneur’, même si on se motive tous les uns les autres. Le relais, ça correspond bien à mes valeurs, à cette dynamique d’entraide dans laquelle on se retrouve tous. On est comme des frères et il y a une énorme connexion entre nous. J’aime bien rappeler aux gars qu’on n’est pas là pour rien et qu’en face ils ne sont pas plus forts que nous. On n’est pas n’importe qui !

Cette médaille d’argent au relais, ça a changé votre vie ? Fini le métier de déménageur ?

J’espère encore déménager sur le 400 m ! Ça fait un an que j’ai arrêté les chantiers et je me consacre à l’athlé depuis. Je travaille depuis l’âge de quinze, seize ans et ça a été difficile de passer le cap. J’avais peur de m’ennuyer ! On en a pas mal discuté avec mon coach et on s’est dit que c’était la bonne année pour le faire avec les JO. J’ai aussi passé une formation Bachelor management du sport pour rester dans le milieu et le fait d’évoluer au club de Lille m’a aussi permis de me professionnaliser.

Quel est votre volume d’entraînement actuellement ?

J’ai dix à onze séances par semaine. À part le dimanche et le mercredi soir, c’est deux séances par jour. Une séance spécifique

de 400 m, c’est chaud. Tu fais 300 m à bloc avec 15 minutes de récupération puis 200 m à bloc et tu reviens en marchant. Tu enchaînes avec 200 m à bloc avec 12 minutes de récupération puis retour en marchant, etc. Après ça, t’es mort ! Pour le relais, on a fait quelques stages, avec des séances de passage de témoins mais le 4x400m c’est plus à l’instinct et moins millimétré qu’en sprint pur. Il n’y a pas de couloir attitré, ça se bouscule, là personne peut ne plus être lucide pour transmettre…

Comment abordez-vous une course en général ?

Je pars du principe que je ne suis pas moins bon que les autres, mais pas meilleur. Je me dis toujours qu’à l’entraînement j’avais de la force et que je n’ai qu’à reproduire ça en compétition. Rater une course, ça ne va pas changer ta vie.

Arrivez-vous avec l’expérience à prendre le dessus dans le dernier virage, les terribles derniers 100 m ?

Je viens du long et mon expérience de course est assez différente des spécialistes du 400 m. Dans la dernière ligne droite, on souffre tous et on a les jambes lourdes d’acide lactique, mais c’est aussi le moment où j’arrive à refaire mon retard. Pour moi, le pire moment de la course c’est le passage aux 200 m. Je me sens largué. Si je fais un bon finish, c’est que je cours à l’ego. Je me dis ‘allez bouge, t’es pas là pour faire l’andouille ! Si tu ne reviens pas dans les 150 derniers mètres, t’as rien !’

Vous vous visualisez en train de gagner à Paris ?

Oui, mais aussi en train de perdre ! C’est nécessaire de perdre pour gagner. C’est la phrase du jour ! Dans tous les cas, je suis là pour tout donner !

QUESTIONNAIRE :

L’endroit où vous partez vous ressourcer ?

Marie-Galante, en Guadeloupe. Mon père est de là-bas.

Le voyage qui vous a le plus marqué ?

Marie-Galante. Un retour aux sources après sept ans l’année dernière. C’était ouf !

L’endroit que vous recommandez sans cesse ?

Palaiseau, tellement fier de cette ville qui m’a tant donné et qui gagne à être connue !

Le vêtement ou accessoire que vous avez depuis le plus longtemps ?

Une banane. Oh, le truc de vieux… Je m’en servais quand j’étais déménageur. Trop pratique.

La dernière fois que vous êtes allés chez le psy ?

Pas la peine ! J’ai vu madame (sa copine, ndlr) toute à l’heure !

La dernière fois que vous vous êtes énervé ?

Ce matin sur mon 300 m, je ne suis pas allé assez vite.

La phrase que vous vous dites pour vous rebooster ?

Je ne peux pas la dire, elle n’est pas du tout politiquement correcte (rires)

L’activité qui vous rend le plus heureux ?

Promener le chien de mon pote. À la base, je voulais être comportementaliste canin.

DANS L’ŒIL D’ENZO

Le coup de foudre d’Enzo Lefort pour Tokyo a eu lieu en 2013, lors de sa première participation au Prince Takamado Trophy, une des étapes de la coupe du monde de fleuret. L’escrimeur français y retourne depuis chaque année, pour s’entraîner, combattre, mais aussi pour flâner dans les rues d’une capitale survoltée avec son appareil argentique à la main, et capter des moments d‘immobilité hors des pistes.

LES 10 ESSENTIELS DE L’ATHLÈTE LOOKÉ

PAR ADRIEN COMMUNIER

1

WORKWEAR ÉLÉGANT

Parce qu’il faut aussi avoir sous la main quelque chose de classe pour récupérer sa médaille (ou son trophée), Moncler a imaginé cette surchemise de travail en gabardine beige capable de s’adapter à n’importe quelle tenue. (590€)

3

FOURRE-TOUT XXX

Ce duffle bag est issu de la capsule Dsquared2 dédiée à l’acteur porno italien Rocco Siffredi, star du défilé printemps-été 2024 de la griffe. Un indispensable à l’esprit vintage qui contient même une surprise à l’intérieur. (775€)

Retrouvrez les 10 Essentiels de GQ sur YouTube

2

DRAPEAU TRICOLORE

L’équipe de France des JO 2024 peut compter sur le soutien imparable de la marque française Le Coq Sportif devenue l’équipementier officiel de la compétition avec son vestiaire de sport bleu blanc rouge. (110€)

4

RAYURES RACCOURCIES

Parce que le polo de sport ne se porte pas que sur les terrains de compétition, Jacquemus imagine une version “cropped” dévoilée lors de son défilé dans le sud à SaintPaul-de-Vence en février dernier. (590€)

DRÔLE DE HAUT

Idéale en cas

d’intempéries, cette veste déperlante en nylon Drôle de Monsieur n’est pas sans rappeler les modèles vintage des années 80. De quoi se protéger de la pluie à la sortie des terrains. (395€)

PROMOTION CROCO

CACHEMIRE DE NUIT

Cette “robe de chambre” est une pièce 100% cachemire de la marque californienne The Elder Statesman De quoi rester bien au chaud de retour chez soi après un entraînement intense. (3750€)

5 7 8 9 10

6

BIEN AU SEC

Pour les épreuves de surf et autres sports aquatiques, K-Way signe une collaboration avec le surfeur italien Leonardo Fioravanti dont cette combinaison en néoprène ultra résistante. (600€)

HAUTE PERFORMANCE

Jamais les lunettes de cycliste n’ont autant eu la cote. Ce n’est pas Prada qui vous dira le contraire avec ce modèle masque de la gamme Linea Rossa, une ligne de pièces sportswear de la griffe italienne. (390€)

Le très sérieux polo de sport se refait une beauté avec une version à manches longues ultra moderne de Lacoste. Ce qu’on apprécie ? L’effet jogging tout confort et la douceur de son coloris. Une belle réussite. (170€)

SPORTSWEAR RÉTRO Lancée en 1979 pour équiper les joueurs de handball professionnels, la Handball Spezial d’adidas serait-elle en passe de détrôner la très populaire Samba ? Une chose est sûre : il est grand temps de s’en procurer une paire. (110€)

Champion olympique et figure emblématique de la natation française, Florent Manaudou nous raconte sa préparation pour les JO de Paris 2024, sans petit-déjeuner mais avec du plaisir.

PAR SULAIMAN BOUZERNIDJ

ILLUSTRATION ADELINE GRAIS-CERNEA

LA ROUTINE DE

PAS DE PETIT-DÉJEUNER

Pour Florent Manaudou, la matinée débute à jeun. Le soi-disant “repas le plus important de la journée” passe à la trappe en raison de son emploi du temps. “Je ne mange pas le matin et je sais que c’est un peu étonnant”, explique l’ambassadeur Arena. “Mais si je mangeais, je devrais attendre trois heures avant de nager et nos entraînements débutent à 7 heures. Si je me lève à 4 heures du matin pour manger puis prendre le temps de digérer, je n’ai plus de vie !

DE LA MOBILITÉ ET DU PILATES

La préparation physique de celui qui a décroché l’or olympique sur le 50 mètres nage libre à Londres en 2012 implique cinq séances par semaine de musculation spécifique ou de renforcement musculaire. Les muscles ciblés en priorité en toute logique : les épaules, les pectoraux ou encore les triceps. Pour tenir ce rythme effréné et combler

des besoins nutritionnels bien au-delà de la moyenne, l’athlète complète ses repas par la prise de shakes protéinés au fil des entraînements. “Tous les matins à l’entraînement, je ne fais pas forcément la même chose. Deux fois par semaine je vais par exemple me focaliser sur la mobilité, en général avant le premier entraînement. Je fais également deux séances de musculation et une heure de Pilates.” Ça fait cinq séances, le compte est bon.

DU SOLEIL

Florent Manaudou reconnaît l’importance de se fixer un plan d’attaque précis en vue des JO mais souligne toutefois que rester flexible et s’adapter à son ressenti demeure primordial. “Selon le déroulement de la saison, je vais me sentir plus ou moins bien et je vais alors décider avec mon staff de rajouter une compétition ou d’en enlever une”, dit-il. “Parfois j’aurais besoin de me mettre au repos

ou de nager plus.” Le champion olympique, qui s’entraînait à Brisbane en Australie lors de notre entretien, pense également que faire le plein de Vitamine D est essentiel pour garder le moral et rester motivé. “Lors de la préparation, il y a des choses qu’on ne peut pas maîtriser mais le but c’est toujours de travailler et aussi de prendre un maximum le soleil ! s’exclame-t-il.”

SE FIXER UNE DEADLINE

“Pendant la période allant de septembre à décembre dernier, je me suis mis dans un état d’esprit ‘mi-préparation mi kiffe’ mais à partir du 5 janvier j’ai switché”, nous dit Florent Manaudou. “Je ne me fixais pas de limite avant cette date et ça faisait aussi partie de la préparation. Si j’avais envie de manger une pizza le lundi et un burger le mercredi je le faisais, mais là c’est fini.” Le nageur nous explique que la quantité de boulot sur le plan physique restera élevée jusqu’à la fin du mois de mai et qu’ensuite sa

charge de travail se réduira drastiquement à l’approche des Jeux olympiques. “Il faut emmagasiner de l’énergie à un moment”, rappelle-t-il. La préparation pour une compétition aussi importante fonctionne par phase et chacune a sa fonction.

TRAVAILLER SON MENTAL

Lors de notre discussion, Florent Manaudou insiste sur l’importance du travail psychologique et de la préparation mentale. “On a des préparateurs physiques pour le corps, pourquoi on n’en aurait pas pour le mental ?” questionne le sportif qui travaille avec le spécialiste Thomas Sammut depuis les JO de Londres. “Je trouve ça dommage que les gens pensent encore parfois que quand on a un préparateur mental, c’est un signe de faiblesse. C’est un travail complètement différent de la préparation physique qui m’a apporté beaucoup de confiance.”

Retrouvez

Abonnez-vous directement sur

https://abonnement.condenast.fr/site/condenast/GQ/fr/kiosque/titre.html

ou avec le QR code