Tintin, Hergé et les autres L’année 2021 a vu le centenaire de la naissance de Jacques Martin, mort en 2010. Le créateur d’Alix, de Lefranc et de quelques autres avait préparé sa succession, ce qui permet de comprendre que ses héros connaissent toujours de nouvelles aventures — trois séries différentes rien que pour Alix ! — et qu’il demeure lu et célébré à travers les 25 millions d’exemplaires vendus consacrés au jeune GalloRomain, sans oublier les millions des autres héros, traduits dans une dizaine de langues. Quoique différent de Hergé et ayant lui aussi évolué, son style graphique l’apparente entièrement à la ligne claire de l’école belgo-française de Bruxelles. Très lié à eux deux, notamment au sein des Studios Hergé, Jacobs demeure pas assez étudié, lui dont les histoires ont été poursuivies après sa mort survenue en 1987 ; il revit heureusement sous la plume de Benoît Mouchart et François Rivière, Edgar P. Jacobs. Un pacte avec Blake et Mortimer (Les Impressions nouvelles) : cette réédition augmentée s’avère indispensable, non seulement pour mieux connaître l’auteur, mais aussi pour pénétrer le monde de la bd de cette époque. Hergé, lui, ne souhaitait pas voir sa création lui survivre. Non seulement il n’y a pas eu de nouveaux albums, mais ses ayants droit empêchent pratiquement toute reproduction de ses vignettes ou utilisation du personnage. Cela aboutit à une situation paradoxale : sauf lorsque la publication est chapeautée par les éditions Moulinsart, héritières d’Hergé, les études le concernant ne comportent aucun dessin de lui. Les plus habiles s’en tirent par des pastiches ne se revendiquant pas comme tels, avec par exemple un Milou tout tacheté de brun, ou par des illustrations et des documents ne relevant pas de Moulinsart. Ainsi en est-il avec le roman policier Meurtres à Moulinserre, de Renaud Nattiez, qui vient de paraître aux éditions Sépia. On y trouve Hervé, le capitaine Paddock, Bianca Castraflore, Griffon Tournelune, Tcheng, le général Alcatraz, le colonel Sconsz et quelques personnages inspirés par les plus connus des tintinologues d’aujourd’hui, avec, en prime, une amusante bibliographie fictive de leurs œuvres. Précisons que cet ouvrage s’inscrit dans la collection “Zoom sur Hergé“, où sont également sortis cette année : Mille sabords ! Mon beau château, de Pierre Bénard, Hergé au sommet, sous la direction d’Olivier Roche, Hergé ou le retour de l’Indien. Une relecture des 7 Boules de cristal, de Pierre FresnaultDeruelle, Sur les traces d’un petit reporter… Essai sur l’aventure dans l’œuvre d’Hergé, d’Yves Crespel et Nicolas Goethals, et le Carnet de voyages d’un reporter du Petit Vingtième Janvier 1929 - mai 1940, “annoté“ par Luc Révillon. Ajoutons une nouvelle étude sur l’un des titres mythiques de la saga, Les mystères du Lotus bleu, de Pierre Fresnault-Deruelle, co-édité par Prisma Media et Moulinsart, ce qui a permis de belles reproductions de la version originale en noir et blanc. Deux ouvrages, enfin, doivent être signalés : d’abord le Petit éloge de Tintin, de Jacques Langlois, chez François Bourin, une approche assez équilibrée, ensuite Tintin au pays du mal. La face cachée d’une étoile mystérieuse, de JeanPhilippe Costes, chez Liber, pour découvrir les complexités du petit reporter. 9