№ 14
Jeudi, 14 juillet 2016
Thursday, 14 July 2016
Montreux Jazz Chronicle Le quotidien du Montreux Jazz Festival, 5e édition
The Montreux Jazz Festival daily newspaper, 5th edition
Lana Del Rey, Auditorium Stravinski, 13.07
TONIGHT
CÉCILE MCLORIN SALVANT
F Révélée au grand public en 2013 avec l'album WomanChild, Cécile McLorin Salvant est la nouvelle perle du jazz vocal. L’artiste de vingt-six ans née à Miami a étudié le chant lyrique et baroque à Aixen-Provence avant de remporter le prestigieux concours de jazz Thelonious Monk en 2010. Peintre à ses heures, elle a elle-même dessiné la pochette de son dernier album For One to Love, récemment couronné du Grammy Award 2016 catégorie jazz vocal. Sa voix chaude y est exposée avec une maîtrise incroyable et une grâce rare. Cécile McLorin Salvant, qui compte parmi ses admirateurs Archie Shepp et Wynton Marsalis, devrait illuminer le Jazz Club.
CÉCILE MCLORIN SALVANT
MELANCHOLIA
E Twenty-six-year-old Cécile McLorin Salvant got noticed in 2013 when she released her album WomanChild. She’s the new darling of vocal jazz. She was born in Miami and studied classical and baroque singing in Aix-en-Provence, going on to win the prestigious Thelonious Monk International Jazz Competition in 2010. She also paints, and did the graphics for the cover of her latest album For One to Love, which recently won the 2016 Grammy Award for Best Jazz Vocal Album. Her warm voice comes through with amazing mastery and grace on this album. Cécile McLorin Salvant, whose fans include Archie Shepp and Wynton Marsalis, is a sure bet to light up the Jazz Club.
8 Interview : Rag'N'Bone Man
9 Last Night : Lana Del Rey
11 Heroes : Marvin Gaye – 1980
CÉCILE MCLORIN SALVANT , Montreux Jazz Club, 20:00
NOUS FÊTONS NOTRE 75E ÉTÉ, ET L’AVENTURE NE FAIT QUE COMMENCER.
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F Je n'ai jamais rencontré Claude Nobs. Je suis arrivé à Montreux trop tard. J'avais l'âge pourtant, son festival me faisait fantasmer depuis longtemps. Je n'ai pas encore visité son chalet, je préfère en rêver pendant qu'on me raconte l'histoire de ses collections de trains électriques, de disques, de photos, d'instruments, un bric-à-brac qui prend des formes toujours plus somptueuses selon les récits. Je finirai bien par le découvrir à mon tour. Il restera où il est, je ne suis pas pressé. Ce que j'ai tout de suite senti en entrant dans la grande salle du Palais, c'est la passion d'un homme pour le son. À Claude Nobs, il fallait de la folie et des rencontres, un festival c'est fait pour ça, mais la folie, il l'enregistrait, il la canalisait, il la conservait avec un soin maniaque et il cherchait toujours de nouvelles techniques pour le faire. Posez-vous au centre de l'Auditorium Stravinski, c'est le foyer de la passion et le cœur de l'équation, tout vibre, tout est pensé, la respiration et l'écho sont ceux d'un club de jazz où l'on aurait aligné six mille tables. La musique scintille comme les eaux du Léman, une clarté étourdissante.
LAURENT RIGOULET
GRAND REPORTER À L'HEBDOMADAIRE FRANÇAIS TÉLÉRAMA DEPUIS 2000. IL A TRAVAILLÉ PENDANT QUINZE ANS À LIBÉRATION
TODAY'S GUEST E I never met Claude Nobs. I got to Montreux too late. I would have been old enough though to visit the Festival of my dreams. I have not yet visited his chalet, as I prefer imagining his collections of electric trains, records, photos and instruments from other people’s stories. His bric-a-brac becomes more and more extravagant with each story. I’ll discover it one day, but I’m in no hurry to right now. What hit me as soon as I stepped into the Palace’s great hall was one man’s passion for sound. Claude Nobs wanted new encounters and madness. The first are always plentiful at festivals, but the second he had to record, channel and preserve with extreme care so was always looking out for new techniques. Go stand in the middle of the Auditorium Stravinski, where it all began. Go stand at the heart of passion, where everything vibrates and ideas emerge. Go stand where your breathing echoes as loudly as if in a jazz club with six thousand tables. Go stand where music shines as brightly as the lake’s surface in the sun.
COUPS DE CŒUR 5 LEGENDARY CONCERTS AT AUDITORIUM STRAVINSKI David Bowie 2002
Leonard Cohen 2008 B.B. King 2011 Prince 2013
Stevie Wonder 2014
CLAUDE'S COLLECTION F Le Montreux Jazz Festival aurait pu ne jamais exister, cantonné au rassemblement annuel des fanfares locales. Il aurait pu, si Claude Nobs n’avait pas poussé, armé de son seul culot, la porte du label Atlantic. Manhattan, 1965. Employé de l’office du Tourisme de Montreux, il s’invite chez les frères Ertegün. Il veut rencontrer ceux dont le nom figure sur ses disques préférés : Dizzy Gillespie, Charles Mingus, Ray Charles… Mouché par la secrétaire, il abat son atout et joue la carte des sentiments. Ahmet et Nesuhi ont étudié en Suisse. Ils se prennent de tendresse pour le trublion vaudois. C’est le début d’une amitié prodigue grâce à laquelle Claude Nobs offrira à la Riviera les plus grands noms du jazz américain. Salomé Kiner © Yann Gross
Main Partners
E The Montreux Jazz Festival might never have existed, or could just have been the annual gathering of local brass bands. It could have been, if Claude Nobs hadn’t had the nerve to force his way into Atlantic Records in Manhattan. Claude had been working at the Montreux Tourist Office when he invited himself round to the Ertegün brothers in 1965. He wanted to meet the people whose names featured on his favourite records, such as Dizzy Gillespie, Charles Mingus and Ray Charles. He was snubbed by the secretary, so he decided to play the sentimentality card. Ahmet and Nesuhi had studied in Switzerland and felt kindly disposed towards the troublemaker from Vaud. It was the beginning of an amazing friendship that helped Claude Nobs bring the biggest names in American jazz to the Swiss Riviera.
Thursday, July 14th 2016 | Montreux Jazz Chronicle
EDITO
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PAYING
THURSDAY 14.07 AUDITORIUM STRAVINSKI MARCUS MILLER
FREE
SANTANA MUSIC IN THE PARK 14:00 SHURE PRESENTS:
MONTREUX JAZZ CLUB
MONTREUX JAZZ LAB
CURTIS STIGERS
KIASMOS FOUR TET
CÉCILE MCLORIN SALVANT
MONTREUX JAZZ TRAINS
MONTREUX GARE
11:44
GOLDENPASS JAZZ TRAIN
CRAZY STOMPERS,
LOUISIANA JAZZ TIME
CHRIS READ QUARTET JAZZ ENSEMBLE
18:30 KUMBIA BORUKA 21:00 GWEN & TIANA 23:30 LES MONSTROPLANTES
THE ROCK CAVE 21:30
THE WILD GUYS
23:00 DEWOLFF 00:30 AFTERSHOW: SOUL KOFFI
BAR EL MUNDO 16:00 ZUMBA (DANCE LESSON) 18:00 I LOVE TIMBA
16:00 LIU VOCAL JAZZ SINGERS & LIU VOCAL
FLOATING POINTS
HAVANEANDO
SPECIAL EVENTS
MAIN ENTRANCE, 2M2C
16:00 BOOK BOX
Collaboration Festival Images Vevey - Montreux Jazz Festival
WORKSHOPS
PETIT PALAIS
20:00 DJ RUMBA STEREO 22:00 SAM CORSO
COMPETITIONS PARMIGIANI MONTREUX JAZZ PIANO SOLO COMPETITION – DAY 2
MONTREUX PALACE
17:00 SEMI-FINAL
President of the Jury: Yaron Herman
15:00 "COMPARED TO WHAT"
STROBE KLUB
par Pierre Audétat et Pierre Grandjean
DE LA PROVIDENCE
JAM SESSIONS
22:00 SCHNAUTZI
00:00 ACID ARAB
AFRORIENTAL BEATS – VJING JOCELYN
02:00 MAWIMBI
MONTREUX JAZZ CLUB
F Jam Sessions improvisées après les concerts E Improvised Jam Sessions after the concerts
INFORMATION
F Pour toutes les informations sur les prix et mises à jour du programme, veuillez télécharger la «Montreux Jazz App»
E For information on the prices and updates on the program, please download the “Montreux Jazz App” www.montreuxjazzfestival.com
KIASMOS, FLOATING POINTS ET FOUR TET
F À chaque édition du Montreux Jazz Festival, le Red Bull Music Academy Thursday constitue une valeur sûre pour les spectateurs en quête de sonorités audacieuses. Le programme du 14 juillet ne déroge pas à la tradition. Tout d'abord, les Islandais de Kiasmos déploieront leurs compositions techno construites comme des symphonies minimales. En tant que producteur, DJ et cofondateur du label Eglo Records, Floating Points affiche une prédilection pour redéfinir les territoires de l’electronica. Inspirés aussi bien par le grime anglais que les classiques jazz, ses projets et ses collaborations fusionnent méticuleusement les genres. Enfin, Kieran Hebden, aka Four Tet, complétera ce line up hybridé avec des beats rares et entraînants. Même si sa sélection insuffle en général des bouffées pleines de Chicago house, il sait surprendre en alternant des ambiances sonores très différentes dans un même set. Articulée autour de grooves bien huilés, quelques intrusions jazzy et des vagues de techno minimale, cette édition 2016 du Red Bull Music Academy Thursday se présente comme un cocktail savoureux, à déguster au Lab. Joël Vacheron
RED BULL MUSIC ACADEMY THURSDAY
HIGHLIGHTS KIASMOS, FLOATING POINTS & FOUR TET
E At each edition of the Montreux Jazz Festival, the Red Bull Music Academy Thursday is a safe value for the spectators in pursuit of bold sound: the programme of the 14th of July doesn’t break with the tradition. First, the Icelanders Kiasmos will weave subtle ties by distilling techno compositions constructed like minimal symphonies. As producer, DJ and co-founder of the label Eglo Records, Floating Points features a favourite in order to redefine the territories of Electronica. Inspired just as well by UK Grime music as by the jazz classics, his projects and collaborations meticulously blend the genres. Finally, Kieran Hebden, aka Four Tet, will complete this miscellaneous line up with rare and stirring rhythms. Even if his selection is generally inspired by ascendancies full of Chicago house, he knows how to surprise by playing with most diverse sound moods within one set. Articulated around slick sounds, some jazzy intrusions and waves of minimal techno, the 2016 edition of the Red Bull Academy Thursday presents itself like a delicious cocktail, to be savoured at the Lab. RED BULL MUSIC ACADEMY THURSDAY 14.07.2016 - 20:00 MONTREUX JAZZ LAB
Pour la 50e édition du Montreux Jazz Festival, le restaurant le Trio vous invite dans un cadre avec une vue imprenable sur les quais du festival et sur le lac Léman. Tous les produits proposés et travaillés sont frais du jour et issus de l’agriculture vaudoise afin de vous offrir une réelle expérience culinaire au sein de ce mythique Festival de Jazz.
Pour toutes réservations veuillez contacter Benjamin Thouvenin, responsable du Restaurant, par e-mail (restaurant@mjf.ch) ou par téléphone (021 966 45 65)
Thursday, July 14th 2016 | Montreux Jazz Chronicle
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Ernest Rang Montreux Ja
Rag'N'Bone Man Montreux Jazz Lab
Lana Del Rey Auditorium Stravinski
A Bu Montreux Jazz Club
Max Jury Auditorium Stravinski
PORTFOLIO JULY 13TH 2016
glin & Friends azz Club
Glen Hansard Montreux Jazz Lab
Nathaniel Rateliff & The Night Sweats Montreux Jazz Lab
Jeudi, 14 juillet 2016 | Montreux Jazz Chronicle
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Originaire de Brighton en Angleterre, le chanteur tatoué s'inspire de la musique noire américaine depuis son enfance. Propos recueillis par Salomé Kiner
F Racontez-nous votre histoire avec
le Montreux Jazz Festival ? Tout a commencé au festival Eurosonic. Mathieu Jaton est venu en backstage me dire qu’il voulait absolument me faire jouer. Sur le moment, je n’ai pas osé y croire, c’est un événement tellement prestigieux. Cela fait des années que je regarde des vidéos du Montreux Jazz Festival, notamment celles de Ray Charles ou de Simply Red. J’osais à peine caresser ce rêve, et il est devenu réalité ! J’ai joué lors de la conférence de presse de la 50ème édition, il y a quelques mois. Tous se sont montrés très gentils avec moi.
RAG’N’BONE MAN
INTERVIEW
Pourquoi avoir choisi Rag’n’Bone Man comme nom de scène ? Petit, je regardais Steptoe and Son avec mon grand-père. C’est une série des années soixante autour d’un chiffonnier, qui récolte les déchets des autres pour les transformer en quelque chose de différent. Ce concept me plaisait, et Rag’n’Bone Man avait une consonance bluesy. Les mots « Soul » et « Funk » sont tatoués sur vos mains. Quelle place occupait la musique dans votre enfance ? Nous ne regardions pas beaucoup la télévision dans la famille. Alors que tous les jeunes de mon âge avaient un poste dans leur chambre, moi, j’avais une platine, et la collection de disques de mon père – jazz, folk et rock progressif. J’ai eu beaucoup de chance d’être influencé par mes parents, qui avaient des goûts très éclectiques. Mon père jouait de la guitare, et ma mère adorait chanter, elle avait une très belle voix.
« J'osais à peine caresser ce rêve, et il est devenu réalité ! »
Quand vous chantez, on entend l’histoire de la musique dans votre voix, mais toujours avec votre touche… J’imagine que c’est parce que je n’ai jamais pris de cours de chant. Mes parents n’en avaient pas les moyens. Je n’ai jamais appris à chanter quand j’étais enfant, j’écoutais simplement Muddy Waters et Howlin’ Wolf. Je n’ai vraiment commencé qu’à dix-huit ans. On me demande souvent d’où me vient ce timbre de voix. Je n’en ai aucune idée, ça sort spontanément.
The tattooed British singer from Brighton has been inspired by African-American music since childhood. Interview by Salomé Kiner
E Can you tell us about your Montreux Jazz Festival story ?
It all started when I played at the Eurosonic Festival. Mathieu Jaton came backstage and told me “ We have to have you ! ”. I thought at the time it wasn’t going to happen because it’s such a prestigious event. I’ve been watching videos of the Montreux Jazz Festival for years, like Ray Charles or Simply Red. I thought it was too much for me, but it happened ! I played for the conference of the 50th anniversary a few months back and it was beautiful. People were very nice to me. Why did you call yourself Rag’n’Bone Man ? Because when I was little, I used to watch a TV program with my grandfather, called Steptoe and Son that started in the sixties. It was about a rag and bone man, whose job was to go around to collect other people’s rubbish and make it something else. I liked the concept of that. And the name sounded like a Blues name too, so that’s also why I chose it.
“ I thought it was too much for me, but it happened ! ”
You have the words Soul and Funk tattooed on your hands. Can you tell us about your musical childhood ? We didn’t watch TV too much as kids in my family. People of my age had televisions in their bedrooms. I didn’t, but I had a record player. I had my father’s collection of blues, jazz, folk and prog rock music. I’m very lucky to have been influenced by my parents, who were very eclectic. My dad used to play guitar and my mom liked to sing, she had a very good voice. When you sing, it feels like the whole history of music speaks from your voice, but you still add your special tone to it… I guess it’s because I never really had music lessons. My parents couldn’t afford it. I just listened to Muddy Waters and Howlin’ Wolf. I never learned to sing at all in my childhood. I really started when I was eighteen. Everyone asks me how I make my voice sound like that but I don’t know. It just comes out this way.
RAG’N’BONE MAN MONTREUX JAZZ LAB
F Rag’n’Bone Man, ou Rory pour les potes, est la nouvelle coqueluche de Montreux, à l’instar de Jack Garratt l’an dernier. Invité à se produire lors de la conférence de presse du Festival, il y était annoncé comme la révélation de l’année. Conséquence : un Lab plein comme on le voit rarement lors d’un premier acte. Le « chiffonnier » entre sur scène. Un gros loubard tatoué de partout arborant une barbe fournie. À première vue, on n’oserait pas provoquer le bonhomme. Mais le premier accord claque, le groove blues s’installe et à l’instant où la voix soul de Rory résonne, on découvre aussitôt le gros nounours qui sommeille en lui. Parlons-en de sa voix justement : douce et graveleuse, fine et puissante à la fois. Le personnage ne dégage que de la sympathie. Ses textes parlent des hauts et des bas de la vie, mais dits à la manière d’un échange entre amis autour d’une bière. Une vraie thérapie. The Rag’n’Bone Man est heureux d’être là, il nous le fait savoir. Et Montreux s’est fait un nouvel intime. Léger bémol : musicalement notre homme surfe sur une vague « soul au grand cœur » très à la mode aujourd’hui. Il ne lui reste plus qu’à aiguiser son style. Eduardo Mendez
LANA DEL REY AUDITORIUM STRAVINSKI
F La New-Yorkaise est sans nul doute LA star féminine du 50ème. À son
arrivée au 2m2c, elle évoque même Lady Gaga l’an dernier : cordon de sécurité, voiture immédiatement garée à l’abri des regards et l’idole aussitôt protégée des photographes par une forêt de parapluies. Toutefois, Lana Del Rey a bien changé. Quatre ans après son premier passage au Festival, elle apparaît cette fois souriante, saluant d’emblée son public. Autour d’elle : un plateau hollywoodien. De grands rideaux tombant sur les contours d’un écran arrondi. À son sommet, on lit « del Rey » sur des néons bleutés. Aux extrémités, deux arbres illuminés. Robe blanche, talons hauts, brushing fifties, Lana impose alors sa classe. Sur « Honeymoon », un soleil rougeoyant illumine le Stravinski. Les écrans de la salle, eux, diffusent le concert en noir et blanc. Cohérence rétro. La dame est à l’aise. Pour preuve, elle arbore volontiers une couronne de fleurs offerte par un fan. Entourée de deux danseuses-choristes, Lana se laisse aller à quelques pas. On se laisse alors envoûter par sa prestance. Et dès lors, qu’importe finalement si sa musique ne transmet que peu de passion. L’atmosphère gracieuse de son show, elle, nous accompagne ensuite longtemps. Alexandre Caporal
E Rag’n’Bone Man, otherwise known as Rory by his friends, is Montreux’s
new idol. He is 2016’s Jack Garrat. He was introduced as this year’s new guy at the Festival’s press conference. It was no wonder the Lab was full to bursting even though he was only a first support act. The Rag’n’Bone Man walked on stage. At first glance, this impressive, tattooed guy with a full beard was the last person you’d want to fight. However, as soon as the first chord played and a blues groove filled the room, Rory’s soul voice revealed his inner teddy bear. His voice was both soft and coarse, and delicate and powerful. The guy exuded nothing but sympathy. His lyrics talked about the highs and lows of life, as you would with friends over a beer. The best kind of therapy. The Rag’n’Bone Man was happy to be there and showed it. Montreux has a new close friend. All this guy needs to do to continue surfing on today’s passionate soul wave is to perfect his style.
E The New Yorker is without a doubt THE female star of this 50 th
anniversary. She arrived at the 2m2c in the same way as Lady Gaga did last year. She was driven to safety, right past the crowd standing behind the security guards, and immediately protected from photographers by a forest of umbrellas. However, something had changed in Lana Del Rey. Four years after her first Festival appearance, she came back smiling and greeted her audience without hesitation. She stood on a set worthy of a Hollywood star, above which could be read in blue neon lights “ del Rey ”. Two trees were lit up on either side beside long stage curtains. Lana exuded class in a white dress, high heels and a fifties hairdo. Whereas the Stravinski turned into a glorious red sunset to the tune of “ Honeymoon ”, the screens broadcast the concert in black and white. So retro. The lady was at ease, as can be seen when she gladly accepted the wreath of flowers from a fan. With a dancer-singer on either side of her, Lana relaxed and joined them in a few moves. We let ourselves fall under her spell, and forget about the lack of passion in her music. Her graceful show is something that will stay with us for a long time.
Thursday July 14th 2016 | Montreux Jazz Chronicle
LAST NIGHT
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MARCUS MILLER
50 SUMMERS OF MUSIC
«
LA FERRARI DE MILES ÉTAIT GRISE
F Miles Davis m’appelait motherfucker. C’était le plus beau compliment
qu’il puisse me faire. Un mot passe-partout, qu’il utilisait en adjectif, en verbe, en nom. Chaque contexte semblait approprié pour me traiter de motherfucker. Je suis arrivé dans sa vie à un moment où il adorait écouter les jeunes gars. Il me soutenait. Il me présentait à tout le monde, en grognant : « Voici Marcus, c’est mon bassiste et il conduit une BMW. » Il venait vers moi : « Qu’est-ce que tu fais en ce moment ? – J’écris une chanson pour Aretha Franklin. – Génial, motherfucker, génial. Écris-moi quelque chose comme tu l’écrirais pour Aretha Franklin. » Je n’étais pas certain d’en être capable. Mais il voulait tenter de nouveaux trucs. Alors, quelque temps plus tard, j’ai appelé son producteur et je lui ai crié : « J’ai une chanson pour Miles ! » Je vivais à New York, j’ai volé vers Los Angeles pour apporter la bande. Ils enregistraient dans la fameuse tour ronde de Capitol Records, celle que l’on voit dans tous les films. Il y avait un studio en sous-sol. Tout le monde y était passé : Nat King Cole, Frank Sinatra. J’étais pétrifié. Il n’y avait pas de groupe, je devais enregistrer tous les instruments moi- même. Le troisième jour, Miles est arrivé. Il a tout de suite aimé « Tutu ». Il a murmuré : « Appelle-moi quand tu as besoin d’une trompette. » Je ne sais pas si vous pouvez vous rendre compte. J’ai grandi à New York, dans un environnement où Miles Davis était adulé. Le cousin de mon père, le pianiste Wynton Kelly, avait joué avec lui sur l’album Kind of Blue en 1959. Il est mort quand j’avais onze ou douze ans. Mais je me sens relié à lui. Lui aussi était sourd d’une oreille. On se sert parfois de cette excuse quand on ne veut pas entendre certaines insultes. Miles a joué « Tutu » dans le monde entier, y compris à Montreux. Un peu avant sa mort, en 1990, je suis allé lui rendre visite à Malibu. Il possédait une Ferrari Testarossa de tueur. Elle était grise, avec des bandes rouges. La plaque minéralogique affichait deux chiffres : « 2-2 ». Tutu ! Je me suis dit : « C’est bon, je n’ai besoin de rien de plus aujourd’hui. Je peux aller me recoucher. »
...
À LIRE →
MILES HAD A GRAY FERRARI
E Miles Davis used to call me motherfucker. It was the finest compliment
he could pay you. An all-purpose word that he used as an adjective, a verb, a noun. Every situation seemed right for calling me motherfucker. I came into his life at a time when he loved listening to the young cats. He supported me. He introduced me to everyone. “ This is Marcus, ” he growled. “ He’s my bassist, and he drives a BMW. ” “ What are you doing at the moment ? ” he asked. “ I’m writing a song for Aretha Franklin. ” “ Great, motherfucker, great. Write me something the way you’d write it for Aretha Franklin. ” I wasn’t sure I could do it. But he wanted to try new things. Then, a little later, I called his producer and shouted: “ I have a song for Miles ! ” I was living in New York. I took a plane to Los Angeles to give him the tape. They recorded in Capitol Records’ famous round tower, the one you see in all the films. There was a studio in the basement. Everyone had played there : Nat King Cole, Frank Sinatra. I was petrified. There was no group. I had to record all the instruments myself. A few days later Miles showed up. He liked “ Tutu ” from the start. He murmured : “ Call me when you need a trumpet. ” I don’t know if you can understand this. I grew up in New York, in a world where Miles David was a deity. My father’s cousin, the pianist Wynton Kelly, had played with him on the album Kind of Blue in 1959. He died when I was eleven or twelve years old. But I feel close to him. He was deaf in one ear. Same for me. We sometimes use that excuse when there are insults we don’t want to hear. Miles played “ Tutu ” all around the world, including Montreux. Not long before his death, in 1990, I went to visit with him in Malibu. He owned this bad Ferrari Testarossa. It was gray, with red stripes. There were two numbers on the plate : “ 2-2 ” : Tutu ! OK, that’s cool, I don’t need 50 SUMMERS OF MUSIC to experience anything else today : Textes d'Arnaud Robert go home, go to sleep. (en collaboration avec Salomé Kiner) Coédition Montreux Jazz Festival et Editions Textuel
...
Texts by d’Arnaud Robert (in collaboration with Salomé Kiner) Co-published by the Editions Textuel and Montreux Jazz Festival
CHF 69.-
Disponible à la boutique Festival ou sur www.montreuxjazzshop.com
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IMPRESSUM Published by Fondation du Festival de Jazz de Montreux Creative Content 2M2C / Avenue Claude Nobs 5 / 1820 Montreux Switzerland www.montreuxjazz.com
MARVIN GAYE - 1980
HEROES
CEO Mathieu Jaton Project Coordinators Marine Dumas Isabel Sánchez Editor-in-chief David Brun-Lambert Project Assistant Thibaud Mégevand Editorial Secretary Lucie Gerber Contact chronicle@mjf.ch Contributing Editors David Brun-Lambert, Alexandre Caporal, Salomé Kiner, Eduardo Mendez, Steve Riesen, Arnaud Robert Photographers Daniel Balmat, Mehdi Benkler, Marc Ducrest, Lionel Flusin, Emilien Itim, Anne-Laure Lechat Translators Bridget Black, Sandra Casas, Emma Harwood, Marielle Jacquier, Amandine Lauber Printed by PCL Presses Centrales SA Av. de Longemalle 9 CH - 1020 Renens Advertising Kevin Donnet, k.donnet@mjf.ch Designed by eikon Wilhelm Kaiser 13 / 1700 Fribourg / Switzerland www.eikon.ch
© 1980 Georges Braunschweig for GM Press
Director Nicolas Stevan
F Il y a encore peu, on ne donnait plus cher de la
peau de Marvin Gaye. Sorti rincé d’un divorce houleux et engagé dans un bras de fer permanent avec Berry Gordy, patron de Motown, l’auteur de What’s Going On (1971) sombre progressivement dans les dépendances, déroulant une œuvre désormais inquiète. Loin, très loin, des tubes « Can I Get a Witness » ou «Pride and Joy » qui avaient lancé sa carrière une grosse décennie plus tôt. Cette œuvre à vif, complexe parfois, c’est justement celle que Marvin vient présenter au Festival un 7 juillet. Veste rouge sur chemise à jabot, traits creusés, l’idole déroule alors un concert où se disent ses plaies, son martyr, peut-être les signes annonciateurs d’un exil prochain. Ainsi, à l’exception notamment de « Ain’t That Peculiar », vestige d’une trajectoire où le chanteur s’envisageait comme un gendre idéal, Marvin Pentz Gay Jr. (son vrai nom) pioche dans son répertoire le plus dense, poignant, exigeant : le groove de «A Funky Space Reincarnation» arraché à l’album autobiographique Here, My Dear (1978), « Trouble Man », obscure B.O. d’un film Blaxploitation, « Inner City Blues » pièce angulaire du culte What’s Going On ou « Ain’t No Mountain High Enough », classique interprété à Montreux comme au désespoir. « Quand il est sorti de scène, Marvin m'a dit : Je veux que tu deviennes mon manager et m’aide à signer avec Atlantic », racontait Claude Nobs. Réponse du label ? « Gaye est trop dingue et imprévisible ». Deux ans plus tard, le « prince de la soul » publiait Midnight Love. Son testament. David Brun-Lambert
Art Director Joackim Devaud
E People thought Marvin Gaye was running
himself into the ground. He was left drained after a messy divorce, and was stuck in a permanent fight with the founder of Motown records, Berry Gordy. The author of What’s Going On (1971) was gradually sliding into addiction, and his artistic output reflected his worries. He was a million miles away from the hits “ Can I Get a Witness ” and “ Pride and Joy ” that had launched his career over ten years earlier. This raw, complex work is what Marvin presented at the Festival on 7 July. In a red jacket and ruffled shirt, his lined face was lined evoked pain and, perhaps, gave signs of his imminent exile during his concert. Marvin Pentz Gay Jr. stuck to his densest, saddest, most demanding tracks, with the notable exception of “ Ain’t That Peculiar ”, a remnant of the time when he was on the up. He played the groovy “ Funky Space Reincarnation ” from the autobiographical album Here My Dear (1978), “ Trouble Man ” from the soundtrack of an obscure Blaxploitation film, the angular piece “ Inner City Blues ” from the cult What’s Going On, and the classic “Ain’t No Mountain High Enough” for Montreux and for despair. Claude Nobs said that when Marvin came off-stage, he asked him to be his manager and to help him sign with Atlantic. However, the label refused saying that Gaye was too crazy and unpredictable. Two years later, the Prince of Soul released Midnight Love, his legacy.
Graphic Designer Manuel Schaller Layout Composers Nadine Schneuwly, Nicolas Nydegger, Manuel Schaller Retrouvez tous nos numéros sur issuu.com/montreuxjazzchronicle Suivez nous sur les réseaux sociaux facebook.com/montreuxjazzfestival twitter.com/MontreuxJazz
F Le Chronicle est plus beau dans les mains d’un lecteur plutôt qu’au sol.
E The Chronicle looks better in a reader’s hand than on the floor.
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