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FR AN CE SC A FER R E T T I D E B LO NAY OY EM AT H IA S
SUR LA ROUTE DES ÉPICES La flotte descend le fleuve Guadalquivir, sous le regard impressionné des Andalous. Les cales sont remplies à ras bord de marchandises, de vivres et de vin pour un voyage vers l’inconnu qui pourrait durer deux ans. Le 10 août 1519, l’amiral Fernand de Magellan quitte le port de Séville à la tête de cinq navires avec 237 hommes à bord. Magellan a 39 ans et possède une longue expérience de la navigation en mer. Son but est d’atteindre les îles Moluques (Indonésie) par l’ouest en contournant l’Amérique du Sud, selon une route que personne encore ne connaît.
Quant à la Victoria, qui a choisi de renter par le cap de Bonne-Espérance, elle arrive dans le port de Sanlúcar de Barrameda le 6 septembre 1522, avec dix-huit membres d’équipage européens et trois Moluquois. À sa tête, Juan Sebastián Elcano termine la première circumnavigation, trois ans après le départ de l’expédition. Il aura fallu la persévérance de Magellan et la force d’Elcano pour réussir un tel
Les marins reprennent espoir, sans savoir qu’une traversée de trois mois et vingt jours les attend. Puis enfin, la terre est en vue. Les hommes sont affamés et épuisés. La flotte mouille dans l’archipel des Mariannes pour un rapide ravitaillement, car les indigènes sont hostiles. Plus loin, l’archipel des Philippines accueille Magellan et ses hommes en amis. L’amiral comprend alors qu’il est proche du but, car la population parle la même langue que son esclave de Sumatra (Moluques).
L’émotion est grande en quittant le port de Sanlúcar de Barrameda. La peur se mêle à l’excitation. Les marins, de toutes nationalités, laissent derrière eux une famille pour aller chercher fortune ailleurs.
Hélas le 27 avril 1521, un affrontement contre les indigènes de l’île de Mactan entraîne la mort de sept hommes, dont Fernand de Magellan, criblés de lances et de flèches. Pour lui, c’est la fin du voyage, mais l’expédition se poursuit. Compte tenu des pertes humaines, la Concepción est brûlée. En novembre, la Trinidad et la Victoria atteignent enfin l’archipel des Moluques. Sur place, muscades et girofles sont chargées par tonnes. Les deux navires prennent ensuite deux directions opposées pour le retour. La Trinidad qui voulait revenir par le Pacifique est arrêtée par les Portugais.
Après un mois de navigation, les cinq navires arrivent à Tenerife, aux îles Canaries. Pendant le ravitaillement, des bruits de mutineries courent déjà. Juan de Cartagena, commandant du San Antonio, en serait l’instigateur. Magellan ne se laisse pas distraire et met le cap vers le sud. Très vite, la traversée de l’océan Atlantique s’avère difficile. Des pluies torrentielles et de violentes tempêtes ralentissent la navigation. À bord, c’est l’inquiétude. Puis en décembre, la flotte arrive à SainteLucie (Rio de Janeiro), au Brésil.
L’expédition se repose un moment à terre. Puis elle contourne Montevideo et entre dans l’estuaire du Rio de la Plata. Magellan consulte ses cartes, c’est ici que devrait se trouver le passage qui va d’un océan à l’autre. Mais le vaste océan n’est en réalité qu’un immense fleuve d’eau douce. La déception est En août 1520, il ordonne de lever l’ancre. Puis, la flotte atteint une baie dont les forts courants laissent penser qu’il s’agit du passage recherché. Il faudra plus d’un mois pour traverser ce labyrinthe aquatique, long de 611 km (plus tard baptisé le détroit de Magellan). Pendant la traversée, le San Antonio décide de repartir pour l’Espagne, pendant que les trois navires restant débouchent sur un océan paisible que Magellan
Magellan, avec un incroyable sang-froid, rétablit l’ordre et punit les coupables. Le capitaine Quesada est condamné à mort et Cartagena est abandonné sur la rive. Mais la malchance poursuit l’expédition. Le Santiago chargé d’explorer la baie voisine fait naufrage. Magellan est désespéré.
L’amiral décide alors de mettre le cap plus au Sud, mais l’hiver austral l’en empêche. La neige, le froid et le gel bloquent la flotte dans la baie de San Julián. Magellan rationne la nourriture. Sur la côte de Patagonie, l’équipage découvre terrifié les lions de mer, les pingouins et les orques qui chevauchent les vagues. On croise les premiers Patagons, couverts de peaux de bêtes. Les marins, qui pensent encore que la terre est plate, prient, convaincus qu’il s’agit de la fin du monde.
MAGELLAN NOUS A T RANSMIS... UN REPORTAGE VIVANT L’aventure de Magellan nous est contée par Antonio de Pigafetta, un noble italien de Vicence, en quête de sensations fortes. Il est jeune, fougueux et passionné. Il rêve d’aventure et souhaite faire partie de l’expédition. Comme il ne sait rien faire d’autre, Magellan l’engage un reportage vivant et sincère du voyage et de la vie à bord. Il raconte de façon réaliste les événements, les lieux visités, les peuples rencontrés, leurs cultures et même leurs langues. La rébellion des capitaines espagnols y est particulièrement bien décrite.
UN TÉMOIGNAGE VIVANT DE LA VIE À BORD Vivre sur un bateau n’est pas une mince affaire. On ne sait pas où se tenir pour dormir, il n’y a aucun confort et l’hygiène est catastrophique. Le reportage de Pigafetta ne nous épargne aucun détail : les marins mangent des rats, boivent de l’eau saumâtre et du pain infesté de vermines. Pigafetta souligne la dureté de la vie en mer, en particulier lors de situations extrêmes de froid, de chaleur ou pendant les tempêtes. La description qu’il fait des conséquences de la mauvaise nutrition est impressionnante. Les hommes ont les gencives qui gonflent, puis, incapables de se nourrir, ils meurent. C’est l’un des premiers témoignages sur le scorbut. Cette maladie provoquée par un manque de vitamine C était l’une des causes principales de mortalité lors des voyages au long cours. Pigafetta fait partie des 18 rescapés de la Victoire, qui ont réussi le premier tour du monde. Ce qui fait de son Journal du voyage de Magellan un précieux témoignage de l’expédition menée par le grand amiral et achevée par son second Elcano.
UNE NOUVELLE VISION DU MONDE On sait depuis les savants de l’Antiquité grecque que la terre est ronde, mais encore fallait-il apporter la preuve qu’on peut en faire le tour. C’est chose faite, avec la première Magellan et terminée par Elcano a montré que la terre était navigable d’un bout à l’autre. On a découvert des îles et des territoires inconnus comme par exemple la Patagonie, ou encore l’archipel des Philippines. Enfin, on a ouvert une nouvelle route des épices. Mais surtout on a rapporté des indications géographiques inédites. De quoi transformer la vision du monde et les expéditions qui vont suivre. Après ce tour du monde, les cartes géographiques sont transformées, mais le détroit de Magellan ne sera pas souvent emprunté, car les conditions de navigation sont trop dangereuses. La traversée de l’océan Pacifique reste l’une des plus grandes prouesses de la navigation.
L E S AV A I S - T U ?
La Terre de feu est le nom donné par Magellan à l’archipel d’îles qui se trouvent à l’extrême sud du continent américain. Depuis le détroit, Magellan et ses hommes apercevaient de nombreux feux de l’autre côté du continent, sans savoir que des pêcheurs nomades, qui vivaient dans les canaux, allumaient des foyers pour se réchauffer.
La Patagonie s’appelle ainsi à cause des premiers indigènes rencontrés alors que l’expédition sonde les eaux du Rio de la Plata. Dans son journal de bord, Antonio de Pigafetta décrit les habitants de ces lieux comme des géants. Leurs pieds couverts de peaux de lama (appelé guanaco) étaient immenses ce qui leur a valu le surnom de Pata goa qui signifie grandes pattes.
UN PARFUM DE DÉCOUVERTE
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epuis toujours, l’être humain rêve de découvrir de nouveaux espaces. Les navigateurs, commerçants et géographes qui ont tracé les routes pour atteindre l’or et les épices sont exceptionnellement courageux et curieux. Mais la curiosité n’est pas le seul moteur de l’aventure, la fortune et la gloire sont souvent ce qui motive une expédition. Magellan est un explorateur atypique. Il est petit, maigrichon et boiteux. Mais il connaît comme personne la mer. Sa connaissance des vents et des courants maritimes est reconnue de tous. Avec sa boussole, son astrolabe et quelques cartes incomplètes, son expédition a fait le tour du globe. C’est un aventurier, qui a aussi soif de richesse et de gloire. Charles Quint lui a en effet promis une partie du butin
Entre le 15e et le 16e siècles, l’ouverture de la route maritime des Indes et la découverte du Nouveau Monde déplacent l’attention générale de la Méditerranée à l’Atlantique. Désormais, c’est un vaste réseau d’échanges qui se met en place au niveau planétaire. La demande en produits exotiques ouvre de nouvelles peut être considérée comme un élément une période de l’histoire où les Européens ne cessent d’explorer de nouveaux territoires. Magellan et Elcano font partie de ce mouvement d’ouverture au monde. On peut même dire qu’ils sont à l’origine, avec d’autres grands navigateurs comme Christophe Colomb ou encore Vasco de dans l’histoire.
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EXPLORATEURS ET CHASSEURS D’ÉPICES Au début du 16e siècle, le Portugal et l’Espagne gouvernent le monde. Les deux grandes puissances se partagent les nouveaux territoires conquis en fonction d’une ligne nord-sud (méridien) fixée par le pape Alexandre VI dans le Traité de Tordesillas. Magellan pense que l’archipel des Moluques est en zone espagnole. Et il veut passer par l’ouest pour éviter l’océan Indien qui est en zone portugaise. En fin de compte, la course aux épices et la compétition entre les deux pays a fait découvrir aux Européens de nouvelles régions du monde. Petit à petit, d’autres nations comme la Hollande, l’Angleterre et la France montent leur flotte et se disputent les différentes zones du commerce mondial.
PRÉCIEUSES ÉPICES La Victoire revient à Séville après trois ans de voyage avec les cales chargées de noix muscade et de 75 tonnes de clous de girofle des Moluques. On est loin des prévisions initiales, mais cela permettra de financer une partie de l’expédition. Poivre du Malabar (sud de l’Inde), cannelle de Cathay, gingembre d’Inde, les épices tant appréciées en Europe se paient une fortune. Elles sont aussi chères que l’or. En cuisine, les épices apportent des saveurs délicates et puissantes. On les trouve aussi dans l’élaboration de parfums, de potions médicinales, ou encore associées à des rituels. À cette époque, ce sont de véritables produits de luxe. Toutes les grandes civilisations, à commencer par les Egyptiens, les utilisent depuis des millénaires dans la parfumerie, la cuisine ou encore pour embaumer leurs morts.
PARS À L’AVENTURE AVEC MAGELLAN SUR LES ROUTES DE L’HISTOIRE ! Nous sommes à Séville, en 1519. La route des Indes est ouverte depuis plus de 30 ans et Christophe Colomb a découvert l’Amérique, mais personne n’a encore fait le tour du monde. Avec une carte incomplète et une flotte de cinq navires, Fernand de Magellan se lance dans l’exploration d’une nouvelle voie maritime, à la quête des îles aux épices. Bravant le froid polaire, la faim et la maladie, il découvre le détroit qui portera son nom. Il traverse l’immense océan Pacifique, accomplissant une véritable prouesse de la navigation. Hélas, il ne survivra pas à son entreprise, mais l’expédition, menée par son second Juan Sebastián Elcano, atteint l’objectif fixé et boucle le premier tour du monde, trois ans après son départ.