Textes poétiques - Dossier du Montréal Campus

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Une cigarette brûle le tapis les aiguilles de l’heure regardent la scène les sirènes hurlent leur retard au coeur du trafic arrêté Le revolver chaud solution sur le vide immortel sur l’invisible du sentiment en spectaculaire invasion La douleur s’évanouit sans-abri sans-façon Calibre 38 Le corps souffre sur le sol meurt de l’invivable planant la délivrance du sabotage la confusion sur l’avenir Tuile à la tache couleur pomme Gwenaële Golliot


Et puis, un soir, ayant envie de t’appeler, j’ai cherché ton nom dans le bottin téléphonique, mais il

s’était

effacé

tout

seul,

il

s’était

lassé

d’être là, dans des pages déjà trop pleines. J’ai appelé l’opérateur, mais il m’a dit que tu avais changé de nom, que tu t’étais loué un petit radeau et que tu étais parti seul en haute mer, il y avait de cela déjà cent ans, je pense. J’ai téléphoné ta famille

et

tes

amis,

mais

ils

t’avaient

tous

oublié. Je suis sorti et j’ai cherché ta demeure, mais elle avait disparu. La ville avait mangé la rue où tu demeurais, cette rue calme aux grands arbres qui perdaient leurs branches en hiver. À mon retour, je me suis regardé dans un miroir, mais je ne me suis pas reconnu. C’est à ce moment que je me suis dit que tout cela ne valait pas la peine, de toute façon. Même si je te croisais dans la rue, nous ne parlerions plus les mêmes langues, j’ai oublié

la

mienne,

tu

as

sans

doute

oublié

la

tienne. Christophe Scott


MONTRÉAL Qu’elle est douce au petit matin Bouillante dans le froid chagrin Quand dans son ventre déjà fourmillent Manteaux de fourrure et guenilles. Elle est d'atours parée, si belle Sur le vieux port reflets d'opale Son souffle tantôt doux puis glacial Caresse ses tours offertes au ciel. Elle grelotte quand les neiges premières Éclaircissent son teint empourpré De sorties bien trop arrosées La couvrant d'un voile de lumière. Café frappé et cigarette Quand la nuit résonne dans sa tête En son sein roi bat le tambour Du printemps chantant son retour. Anabel Chuinard


PAIX J’ai mis le drapeau en charpie Pour essuyer la sueur des peines Et le sang des blessures Puis j’ai jeté ce passé trop présent Au vent pesant des pierres Et puis l’eau des sources perpétuelles A rendu les chiffons boueux des hommes Immaculés comme le visage de la Paix D’un jour blanc inconnu La Paix n’était qu’une trêve Sous l’étendard du ciel L’Humanité inspirait L’humilité aux étoiles

Ô, MA TERRE Combien de travailleurs Ont brûlé leurs heures Pour que vive la flamme Du pétrole qui damne


Combien de peines Chargent les épaules Des pauvres bohèmes Qui errent entre deux pôles Où les vents de fumée Noirs comme les enfers Traînent leurs chaînes Sur la terre condamnée Le soleil disparu Les nuages obtus Brisent la lumière L’esprit confondu La Lune triste Des visages pâlis Des poètes interdits Prisonniers du schiste Que la force réclame Pour nourrir le capital Monstre sans âme Ennemi fatal Des fleurs et des rosées


De l’aube et des étés Une grande faux Déchiquette les oiseaux Ô mère, ma terre Qui a tant souffert Tu pleures dans le ciel Des larmes de sel Car les hommes fous Redevenus bêtes Frappent ta tête Avec le fer des clous Me voici orphelin Mes frères animaux Mes amis floraux Meurent au matin Dans l’angélus sombre Le tourment des jours Où peine mon amour Dans un trou d’ombre Ma chère planète Exilée et seulette


Porte sur son dos Le choc de mes os La vie N’éclosent plus ses graines Dans le chant des plaines L’Humanité s’est éteinte.

Pierre Montmory


PRIS AU MOT

Chaque fois qu’un mot s’échappe De ma bouche tombe et frappe Le sol devient glissant Où je me meus s’échappe Glisse et tombe en parlant Sur ce mot ma bouche frappe Le sol se casse les dents Chaque fois celles de devant Aurélien Lenaerts


Ce que l'hiver nous a laissé La pointe d'un flocon planté sur notre tête Autant que je sache, ça ne fond pas Le monde est si doux au soleil Nous sommes presque indifférents à lui et lui à nous Mais ce n'est pas qu'un jeu de saison Et les jours tournent dans tous les sens À l'envers des mots Et à l'endroit où se posent nos mains.

Zoé Magalhaes


UNE FLEUR SUR L’HIVER Éveilleuse de sève Magicienne sauvage Muse de ma muse Je m’avance en verger rouge Illumine en vénus juste Comme papillon Il revient à ma lueur Il revient à la lueur L’extrême des lèvres Sur l’extrême des corps Sa lumière liquide Glisse Une fleur sur l’hiver Le ciel s’ouvre À travers moi Dans son excitation De bord de mer Mon ventre se calme Les couleurs naissent De nuages blancs Sur la route sans trace Je trace un nouveau chemin


De nos centres égaux Les traits se dessinent De soleil dans la tempête De givre sur les branches Mes yeux fermés Grand ouverts Sur sa voix Je fais des pétales immortels Avec nos rencontres Porte son souhait De poésie enivrante Comme robe de chambre Acrobate de la gravité Dans l’amour sans parachute En chute libre par en haut Il me faudra apprendre La résilience à l’éphémère. Valérie Clermont-Girard


LUNURES « Tu feras de l'âme qui n'existe pas un homme meilleur qu'elle. » - René Char

Les braises de ta nuque Barbelée d'octobre Raconte-moi Jusqu'à ce que ta langue heurte ses cadavres Mer houleuse par le château des os Ivre d'avoir comparé les pierres Sur la table La morsure d'une orange En convalescence de couleurs pures Sur la table Des mots sauvages raturés Burinent aux ombres l'humanité des choses L'hiver reprend ses images sanglées à ma rétine Comme un scalp *


Canéphore d'une tête mirage Pour mille ans de mine noire Nos cris lestés au pied lourd de la gorge * Soleil en fièvre algide pendu à sa chaîne La lumière à la fenêtre me déconstruit Le poids des nuages sans eau est une housse sans souvenirs Une nymphe à la surface calme du visage mâle Un corps grabataire * Par une brèche Entre les planches du ciel Vers un autre lieu * Les cœurs myriacanthes Parasites de terre ballastée Chaufourniers des rêves osseux Du pays brûlant des chanoines


* Et ma main toujours fermĂŠe Sur cette anse brisĂŠe Comme une hanche de putain * Louis Beaudet


TEMPÊTE DANS UNE EAU FORTE

Espadrilles mouillées, Pluie automnale glacée Col de gabardine élimé, Rage contre l’humanité, Froid que j’ai.

Brouillard d’un souffle court, Réverbères blafards trop lourds, Regard sur fin d’un jour Rages saisonnières qui courent, Espérance…Toujours.

Rafales démoralisatrices, Cloche-pied sur macadam qui glisse, Clarté prometteuse qui s’immisce, Invitation bienfaitrice Nécessité, caprice. Souffle de briques et de bois, Hall des pas sans voix


Lumière sur les parois, Écho de mes pas, Raisonnant tout bas.

Tignasse secouée Mains ne cessant de trembler Paupières libérées Rétines éclairées, Piétinement d’anxiété.

Tableaux explicites Gravures métalliques Tête tournante bourrique Cadres fantastiques, Vacillement ludique

Eaux fortes enivrantes Résignation charmante Béatitude bouleversante Envolée exaltante


Remonter doucement la pente

Émotion lacrymale Larmes qui font mal Lèvres en finale Aspiration buccale Désaltération machinale

Libéré Léger comme bruine d’été Comme samare en vol plané Bonheur que je crie au musée Sans me soucier.

Troublant ma vie renaissante M’abattant d’une salve

« postillonnante »

Une voix inquiétante D’une volée insultante Me renvoie dans la rue ruisselante. Christian Deroo


LA PAROLE D’OR

Que vous l’entendiez Vous fera l’oreille C’est une histoire simple J’écris pour voir en moi Ce qui n’a pas été regardé En attente dans le langage : Ma vérité! J’écris et mon âme seule le sait Qui brûlent en moi, inextinguibles Les jours en feu Et cela se fait avec ce qui est Qui jamais ne s’oublie : La Parole d’or Qu’on prend pour achever sa journée À une heure de grand éblouissement Encore, j’écris Pour me débarrasser de moi, de cela, De ce qui a été ma nuit Une nuit de cendres défunte dehors À vider du poème à rendre C’est une histoire simple Un homme


On ne sait pas ce que c’est Qui écrit Avec des mots en musique Sa seule vérité On ne sait pas l’entendre On sommeille. Jean-Luc Proulx


ODE À L’ENFANT QUE TU N’ES PLUS J’aimerais te border encore, Te chanter une berceuse Te dire que tout ira bien, Que le monde t’ouvre les bras. Papa me disait tout à l’heure Que quelque chose clochait Qu’il y a à peine quelques jours Vous étiez tous avec nous Et qu’aujourd’hui La plus vieille allait avoir un bébé Et que son bébé n’en serait plus un Que c’était impossible Qu’il avait vieilli sans qu’il s’en rende compte J’aimerais te border encore, Te chanter une berceuse Te murmurer à l’oreille Que je serai toujours là Tes amis prendront la relève Pour un temps, pour longtemps peut-être Vos voiles grandes ouvertes… Et malgré les tempêtes Et les orages À l’intérieur de mes bras Tu trouveras toujours une île


Pour y vider ton cœur Pour respirer, pour te reposer J’aimerais te border encore, Te chanter une berceuse T’embrasser sur le front Quand tu fermes les yeux J’aimerais te dire ces 1000 mots que tu m’inspires, J’aimerais te dire ces 1000 rires qui me manquent J’aimerais te dire ces 1000 nuits que j’ai pleurées J’aimerais te dire 1000 fois que je t’aime Pour qu’à jamais résonne dans ton cœur Ce que mon cœur ne cesse de crier. Aline Gosselin


« L’interprétation de ma synesthésie, ou plutôt un rêve fictif rejoignant mes couleurs à ma noirceur.» SYNESTHÉSIE Lors du voyage astral vers l'univers assombri, Il y avait des couleurs, des formes et des ombres Parmi l'immense tourbillon de textures qui pivotait par un mouvement circulaire répétitif, aussi saisissable qu'une hallucination visuelle Certains croiraient qu'il s'agissait du néant, mais ici même je pouvais plutôt percevoir; Un astre sphérique qui englobait de feu les spectres perdus, noyés dans les abîmes d'une insondable noirceur. Une voix lointaine venant des abysses de l'océan noir, douce, mais à craindre, chantait vers l'infini; Pendant qu'une sensation de fluidité émergeait lentement des profondeurs de mon corps. Lorsque les fleurs d'une musique volatile me perforaient le cœur avec leurs épines vibrantes, l'union de mes sens se métamorphosa, en un liquide visqueux translucide dansant en harmonie avec les microscopiques branches ténébreuses de mon âme, bercée par les chants de la lune.


Mon allégeance totale, mes ailes dévoilées, je bondissais à travers les octaves mélancoliques provoquées par les multiples cristallisations des notes venant de mon hémisphère droit. Au moment où les brumes et les vagues se fusionnaient convulsivement autour de mon être, Je saisis mon chemin tel un synesthète en contrôle de soi, pour ensuite me diriger sereinement vers la porte funeste qui verrouillait mon esprit. Zach Éli


LES RIDES DU TEMPS Je trempe la plume de mon âme Dans la fontaine de tes yeux Pour en extraire la couleur du désir Pour en extraire la sève de mon amour Qui alimente la joie de mes jours Les jours qui me rattachent à ton visage J’allume la flamme de mon soleil Dans l’obscurité de ta nuit Pour en extraire les muscs et les kohols Avec lesquels je peindrai ton existence J’illuminerai ta beauté dans les regards Graverai ton souffle dans l’univers Je déshabille la nuit de sa noirceur Pour te concocter un fard magique Qui embellit tes paupières papillonnantes Je dénude la tendresse du printemps venant Pour barioler ton visage souriant De toutes ses couleurs féériques J’enfonce la plume de mon amour Dans le froid de tes cendres Pour ranimer ton cœur agonisant


Et ton feu éteint par tes attentes De toutes ces années sans soleil Soleil de l’amour pauvre J’enfonce la plume de mon âme Dans le spectre de ta mort Dans le tissu blanc qui absorbe ta beauté Pour t’arracher de l’extinction Pour te redonner une deuxième vie Celle qui te mettra éternellement à mes côtés.

Hace Mess


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