Bulletin Extra: 50 Ans Association Muco

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BULLETIN EXTRA

Annexe nr. 185 • août – sept – oct 2016

ASSOCIATION MUCO 50 ANS


Contenu 3 Préface 4 Introduction 8

1966 – 1976

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1976 – 1986

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1986 – 1996

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1996 – 2006

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2006 – 2016

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50 ans d’actions

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Un regard sur l’avenir

47 Postface

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MUCO BULLETIN EXTRA – NR. 185


Remember me, remember me, but ah! Forget my fate. Purcell. Didon et Enée.

Préface

Remember me.

Nul ne saura si l’événement fut fortuit ou prémédité. Le moment où elle trouva les œufs, les déplaça peut-être, sur cette claie, dans ce panier, derrière ce panneau à claire-voie. L’instant précis où ils devinrent l’objet à photographier. En quoi répondaient-ils, ces œufs jumeaux, à son humeur du jour, à l’état de son corps ? Quelle patience, quelle quête ou tout simplement quel hasard objectif – ce cadeau fait aux êtres intenses et fragiles – a présidé à la perfection de ceci ? Ce que l’on voit, c’est la rondeur, la plénitude, un semis de taches de rousseur et, en surimpression, un motif d’ombre et de soleil aussi net qu’un découpage de papier. Nous le savons, la lumière comme l’air pénètrent par de toutes petites ouvertures, se fraient obstinément un chemin en rusant avec les obstacles, c’est une réalité à la fois physique et spirituelle. Comment ne pas voir, dans cette image si simple, une allusion à deux poumons vus à travers la paroi des côtes ? L’écho formel est puissant mais discret, rien ne l’impose, Françoise nous a laissés libres. Son œil et sa main, son intelligence et son cœur, ont peut-être travaillé à déguiser l’évidence. À moins qu’il ne s’agisse d’une photo « donnée », un de ces miracles qui adviennent moins par la technique que par un destin qui vous contraint jusqu’à produire ces œuvres d’art en forme de révélation. Peut-être faut-il avoir souffert d’une forme d’asphyxie, physique ou morale ou les deux à la fois, pour capter la force métaphorique de ce motif si paisible. Regardez, ceci est mon corps. Ceci est mon art, fruit d’une lumière cachée. De l’air qui circulait ce jour-là. Du souffle rêvé, perdu. Qui ressurgit aujourd’hui par l’implacable et douce beauté de cette photographie. Caroline Lamarche

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Introduction

Des avancées spectaculaires dans le domaine de la recherche au cours des 50 ans d’existence de l’Association Muco En comparaison avec la fin des années 1930, époque au cours de laquelle la première description de la mucoviscidose était publiée en tant qu’entité clinique distincte, les 50 dernières années ont connu un développement spectaculaire dans le domaine de la recherche et du traitement de la mucoviscidose, même si nous devons déplorer qu’aujourd’hui encore, des enfants et de jeunes adultes décèdent toujours de cette maladie héréditaire. Ces avancées positives portent entre autres sur l’amélioration spectaculaire et la précocité du diagnostic ainsi que sur un meilleur traitement, avec pour conséquence une espérance et une qualité de vie meilleures pour les personnes atteintes de mucoviscidose. Toutefois, la lutte contre cette maladie est loin d’être terminée, elle est toujours d’actualité et nécessite que l’on poursuive activement la recherche concernant la mucoviscidose et de nouveaux traitements potentiels.

Bref historique Au cours du 19e siècle, certains médecins avaient déjà remarqué que les baisers donnés à des enfants qui décédaient de manière précoce avaient un goût salé, mais la maladie n’avait jamais été identifiée en tant que telle. 1938 : Dorothy Andersen est la première à publier une description clinique de la mucoviscidose qu’elle appelle « Fibrose Cystique » sur base de la présence de kystes dans le pancréas. 1952 : Paul di Sant Agnese démontre la présence d’un composé anormal d’électrolytes dans la sueur des personnes atteintes de mucoviscidose. Cette observation permettra le développement du test de la sueur, un test diagnostique important toujours utilisé à l’heure actuelle. 1985 : Hans Eiberg démontre que la maladie est héréditaire et va de pair avec une protéine déterminée par un gène qui se trouve sur le chromosome 7. 1989 : Après une course scientifique passionnante entre le groupe de chercheurs de Bob Williamson à Londres et celui de Lap-Chee Tsui à Toronto en vue d’identifier le gène muco, c’est ce dernier qui, en collaboration avec Francis Collins et John Riordan, parvient à localiser le gène CFTR (Cystic Fibrosis Transmembrane Conductance Regulator) sur le chromosome 7 et à identifier les principaux défauts (dont Delta 508 F). Dans les années qui suivront l’identification du gène, un grand nombre de nouvelles informations concernant le rôle que joue la protéine CFTR dans les organes sains et les organes malades, comme les poumons, le foie, l’intestin, le pancréas seront obtenues. Le nombre de mutations responsables des différentes formes de mucoviscidose dépasse les 2000. La recherche a montré que la protéine CFTR fonctionne en symbiose avec toute une série d’autres protéines, qu’elle les contrôle et qu’elle est

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INTRODUCTION

Diagnostic

elle-même contrôlée par celles-ci. L’analyse du réseau relatif au CFTR n’est certainement pas encore terminée. Les mutations au sein du CFTR semblent également jouer un rôle dans certaines formes de pancréatites, de lésions pulmonaires et de troubles de la fécondité. Le rôle que joue le CFTR pour ce qui concerne les cellules cérébrales n’est pas encore clair ...

Initialement, le diagnostic de mucoviscidose était essentiellement clinique (plaintes liées à une atteinte pulmonaire et de digestive), c’est ce qui explique pourquoi la maladie n’était souvent jamais identifiée chez un grand nombre d’enfants. Après la découverte de di Sant Agnese qu’il existait une perturbation des électrolytes dans la sueur, le test de la sueur est rapidement devenu la méthode de dépistage standard qui allait permettre de poser avec certitude le diagnostic de Mucoviscidose (CF) dans pratiquement tous les cas. Après l’identification du CFTR en 1989, l’analyse ADN est devenue progressivement de plus en plus importante pour le diagnostic. Il est apparu que l’ADN du gène était composé de plus de 500.000 petits blocs de construction. Naturellement, il fallait d’abord parvenir à déterminer quels étaient les gènes défectueux au sein du CFTR, à l’intérieur des différentes régions et quelles étaient les conséquences sur la variation des symptômes chez les patients.

Grâce à l’identification des mutations au sein du gène CFTR et du rôle qu’elles jouent dans l’apparition des symptômes, il est devenu évident que les variations de la gravité de l’atteinte ne dépendent pas exclusivement de la nature de la mutation, mais également de toute une série de changements dans la composition de l’ADN du gène et de la région qui l’entoure. Ces fluctuations du point de vue de la gravité de la maladie dépendent aussi d’une série de contrôles qui se déroulent à d’autres endroits du génome, mais aussi d’autres gènes et de l’environnement dans lequel vit la personne malade, par exemple les bactéries et les virus qui l’infectent. Cela ne fait pas l’ombre d’un doute, il reste encore beaucoup de recherche à mener avant que la mucoviscidose ne soit intégralement comprise.

Ce travail est aujourd’hui en grande partie terminé, même s’il arrive encore régulièrement que, quelque part dans le monde, on découvre de nouveaux défauts ou encore des conséquences exceptionnelles engendrées par certains défauts spécifiques. La combinaison du test de la sueur et de l’analyse ADN pour confirmer les présomptions cliniques de la mucoviscidose est actuellement devenue une routine dans la plupart des pays. Avant, certains défauts génétiques apparaissant au sein du gène CFTR échappaient au screening de routine, ce qui n’est plus le cas avec les techniques d’analyse ADN les plus récentes (Next Generation Sequencing, NGS) qui permettent le plus souvent d’analyser la totalité du gène. Grâce à ces nouvelles méthodes, on parvient même à découvrir que certains enfants présentant un test de la sueur négatif, possèdent néanmoins un défaut génétique dans leur ADN, défaut qui n’a pas été relevé lors d’un premier screening. Et c’est ainsi que le nombre de mutations susceptibles d’engendrer la mucoviscidose est encore susceptible d’augmenter. L’analyse ADN fait partie des outils systématiquement utilisés dans le cadre du screening néonatal de la mucoviscidose dans un grand nombre de pays. D’autre part, dans certains pays, on propose également à la population locale un test ADN afin de déterminer si les parents sont porteurs ou pas – étant donné que les parents de l’enfant muco sont tous les deux porteurs – du gène CFTR afin de mieux pouvoir déterminer les risques d’avoir un enfant atteint de mucoviscidose. Ces tests sont réalisés dans un grand nombre de centres de fertilité sur les personnes qui désirent donner leur sperme ou leurs ovules à d’autres couples ou personnes.

© Geert De Weser

La mise à disposition d’un test ADN fiable a également rendu possible le diagnostic prénatal après une ponction amniotique. En combinaison avec la fertilisation in vitro (FIV, fécondation des ovules par des spermatozoïdes en laboratoire) il est également possible de réaliser un diagnostic préimplantatoire. Celui-ci permet de tester une partie des cellules de l’embryon naissant du point de vue des défauts. Par la suite, seul l’embryon qui n’a pas développé le gène muco (pas de défaut ADN) sera réimplanté dans l’utérus de la mère.

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INTRODUCTION

Traitement Une fois la maladie reconnue comme une entité à part au siècle dernier, il a encore fallu de nombreuses années avant de voir la mise au point d’un traitement quelque peu efficace. En effet, les antibiotiques n’ont été découverts qu’après la Seconde Guerre mondiale. La kinésithérapie – classique ou par auto drainage - les produits aérosols additionnés de mucolytiques et les appareils adaptés à leur administration, les vitamines, les compléments alimentaires, les vaccinations et le sport datent de la seconde moitié du 20e siècle. Ces traitements ont également connu de nombreuses évolutions au fil des années ... Au fur et à mesure que l’espérance de vie s’améliore, de plus en plus d’effets secondaires et de nouvelles maladies apparaissent, comme le diabète, les problèmes de foie, l’infertilité chez les garçons, qui demandent un traitement spécifique. Les parents s’impliquent aussi de plus en plus étroitement dans le traitement de leur enfant. Poumon, cœur-poumon, foie, les transplantations se multiplient avec succès. Le résultat de ces avancées a permis à toute une série de personnes atteintes de mucoviscidose de vieillir et aujourd’hui, les adultes représentent plus de 50% de la population atteinte de mucoviscidose en Belgique. La reconnaissance par l’INAMI de sept centres spécialisés dans le traitement de la mucoviscidose en Belgique où sont actuellement suivis pratiquement tous les patients atteints de mucoviscidose de notre pays n’est pas non plus étrangère à cette évolution positive. La recherche scientifique des dernières 25 années a également contribué à ce que, outre l’amélioration du diagnostic, une meilleure vision concernant les dysfonctionnements à l’intérieur des cellules de l’organisme suite au défaut dans le gène CFTR et la manière dont on peut éventuellement résoudre ces problèmes apparaisse.

Cette même recherche fait que nous disposons aujourd’hui d’un et bientôt même de deux médicaments capables d’améliorer la fonction de la protéine CFTR. D’autres médicaments sont en plein développement ou déjà en phase de test clinique. Alors qu’à l’heure actuelle, dans la médecine de pointe, pour toute une série de maladies parmi lesquelles le cancer, il est possible de mettre au point un traitement spécifique sur base du type de défaut ADN responsable, les résultats de la recherche nous permettent d’envisager la même chose pour la mucoviscidose. Étant donné que le traitement ne fonctionne pas pour tous les patients, aujourd’hui, une des conséquences perverses de cette médecine de pointe est que seul un nombre limité de personnes a accès à ces traitements spécifiques. À terme, le coût de tels médicaments (100.000 € ou plus par an et par patient) ne pourrait plus être pris en charge. La thérapie génique, c’est-à-dire l’adjonction d’un ADN CFTR normal au sein des cellules touchées par le défaut, et à terme, la restauration du gène CFTR, est en plein essor et les tests cliniques sur les patients ont déjà commencé. Il est frappant de constater que depuis des années, la recherche en mucoviscidose est dominée par une intense collaboration internationale tant en Europe même, qu’entre l’Europe et les USA ou d’autres continents, dans le domaine de la recherche fondamentale ou de la recherche clinique. Un véritable exemple pour les autres domaines de recherche. Petit à petit, le rêve de pouvoir un jour traiter efficacement le défaut génétique responsable de la mucoviscidose est en train de se concrétiser. Nous devrons évidemment encore faire preuve de patience, mais il ne s’agit plus de « science fiction » : le rêve est en train de devenir réalité ! Jean-Jacques Cassiman, Professeur émérite, Centre de Génétique Humaine , KULeuven

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Dans ce numéro spécial, nous avons le plaisir de partager une série de témoignages avec vous. Des personnes atteintes de mucoviscidose, nées au cours des 50 dernières années, ou encore des membres de leur famille, nous parlent de leur expérience et de leur vie. Nous les remercions de tout cœur d’avoir accepté de partager leur histoire avec nous. Faute de place, nous n’étions pas en mesure de publier l’intégralité des témoignages transmis, nous avons donc choisi de vous en présenter des extraits. Les témoignages complets sont à retrouver sur www.muco50.be/mucostory. Bonne lecture !

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1966 – 1976

# Séance d’aérosol

# Article Le Jour, Verviers, 1973

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1966 – 1976

Les premiers pas

# Les pionniers lors du deuxième congrès de la Mucoviscidose en 1976

# Rencontre entre le Docteur Van Bogaert et la Reine Fabiola

# Couverture du tout premier numéro du Bulletin Muco en 1967

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1966 – 1976

Interview Dr. Van Bogaert Comment avez-vous été pour la première fois confronté à la mucoviscidose ? Je suis en troisièmee année de doctorat de médecine, lorsque j’apprends que mon neveu est atteint de mucoviscidose. À l’époque, ma famille s’entend répondre que « si c’est la muco, ce n’est pas la peine ». Face à ce constat désastreux, je choisis de m’engager dans la lutte contre la mucoviscidose. Le seul service médical qui soigne les enfants atteints de mucoviscidose est celui du Dr Van Geffel à l’Hôpital Saint Pierre de Bruxelles. L’Association de Lutte contre la Mucoviscidose voit le jour en 1966 et en 1969, j’endosse la présidence de l’Association et c’est le début d’une longue et belle histoire de plus de 15 ans.

Quelles sont alors vos motivations principales ? Face à l’ignorance, mon objectif principal est de mieux faire connaître la mucoviscidose en Belgique. En 1969, suite à un colloque sur la mucoviscidose organisé en Angleterre, j’invite une série d’orateurs à prendre la parole lors du premier congrès consacré à la maladie à l’Institut de Sociologie de l’ULB à Bruxelles. Suivront les congrès de 1971, 1979 et le plus important en 1982, qui voit la création de l’European Working Group. Je milite pour la création d’un Comité Scientifique National qui réunira le Dr Goebel de Liège et le Professeur J.J. Cassiman de la KUL. L’Association créera également des bourses de voyage en vue de promouvoir la formation à l’étranger de jeunes médecins, comme le Dr Casimir.

Bientôt 50 ans « J’avais environ six ans lorsqu’on a découvert que j’avais la mucoviscidose. Depuis 2006, grâce à une transplantation pulmonaire, une nouvelle vie a commencé pour moi. Merci à ma famille, aux médecins, aux infirmières et à l’Association Muco pour tous leurs bons soins. » Bart, 49 ans

La vie est belle Les médecins avaient annoncé à mes parents que j’en avais pour cinq ans ... Bien sûr, j’ai eu des hauts et des bas, mais j’ai néanmoins terminé mes études secondaires. Hélas, j’ai dû interrompre mes études de graduat avant la fin, je n’avais plus l’énergie ni l’envie de continuer. Ensuite, j’ai trouvé un travail d’employé et j’ai rencontré ma copine. À 27 ans, ma situation s’est brusquement dégradée. J’ai été placé sous oxygène et le vendredi 13 novembre 1998, j’ai subi une greffe des poumons. Un miracle, un cadeau, une nouvelle vie, la vraie ! Depuis lors, j’ai toujours fait beaucoup de sport, j’ai même participé aux Jeux olympiques pour transplantés. Je me sens vraiment vivant depuis que je respire comme tout le monde. Tout se résume à une seule phrase : battez-vous et vivez, la vie est belle ! Merci à mes parents et aux médecins sans qui je n’en serais jamais arrivé là où j’en suis aujourd’hui ... » Bruno, 44 ans

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1966 – 1976

Vous devez savoir que votre enfant ne vivra pas très vieux « Vous devez savoir que votre enfant ne vivra pas très vieux », a dit le médecin à ma mère. À l’époque, dans les années 70, on ne parlait pas encore de thérapie respiratoire telle qu’elle se pratique aujourd’hui. J’étais malade, je toussais du matin au soir et ça a duré toute mon enfance. Il a fallu attendre que je rencontre un spécialiste en mucoviscidose pour que le premier aérosol fasse son entrée à la maison. Une version améliorée des enzymes pancréatiques sous forme de tablettes m’a permis de gagner quelques kilos. Mais le changement visible s’est produit quand je suis passée d’un régime totalement sans graisse, à un régime pauvre en graisse ! Du lait écrémé, je suis passée au lait entier et je pouvais ajouter une cuillère de sauce sur mes pommes de terre. Et lorsque le Creon a fait son apparition quelques années plus tard, j’ai tout à coup pu manger de la vraie graisse. Tout à coup, la nourriture prenait enfin du goût, de la saveur ! Je suis devenue fan de tartes, de frites mayo, de fromage blanc entier et de milkshakes. Une véritable aubaine pour une jeune de 20 ans. Hélas, aujourd’hui encore, je me bats pour gagner le moindre gramme. De plus en plus d’enzymes, et pourtant mon organisme tolère de moins en moins les préparations riches en graisses. Il y a 10 ans, une transplantation m’a donné une nouvelle vie ! Je n’aurais jamais osé rêver dépasser un jour le cap magique des 50 ans. J’ai toujours la mucoviscidose, mais grâce à mon deuxième souffle, je suis encore capable de profiter du monde qui m’entoure. Silvia, 48 ans

50 ans d’Association Muco, des images, des souvenirs ... « L’Association des débuts, monsieur et madame Georges dans les années 70. Une série de choses changent, d’autres pas. Je suppose que les enfants muco sont encore et toujours écœurés par le nombre de médicaments à avaler chaque jour, je me rappelle encore du goût du Lypase, tellement difficile à supporter. De beaux souvenirs d’amitié, de supers moments passés dans les camps muco, comme celui d’avril 1989, à Sofia, par-delà le rideau de fer. 50 ans de petits et de grands projets, de nombreux congrès, des années d’innovation médicale incessante, beaucoup de souvenirs

liés au docteur ‘papy’ Baran, au docteur Dab et Van Schil aussi ... 46 ans de vie en tant que patient muco, d’hospitalisations, de piqûres douloureuses, un nombre incalculable de tests pulmonaires et finalement, une transplantation et la possibilité de vieillir, enfin. Beaucoup de flashs, beaucoup de souvenirs, tellement de souvenirs, trop de souvenirs ... » Stefaan, 46 ans

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1966 – 1976

J’essaye de profiter des moindres petites choses ... J’avais 24 ans lorsque j’ai rencontré Pascal. Il avait une petite fille de deux ans, Stéphanie, j’étais dans les nuages, je voulais vieillir à leurs côtés. Chaque année, nous partions en vacances en Autriche afin de respirer l’air pur des montagnes et profiter de la bonne cuisine. À l’époque, je travaillais à temps partiel, j’avais de chouettes collègues et un patron qui me comprenait. En 2000, nous nous sommes mariés. C’était une journée merveilleuse, à l’époque, j’avais encore 65% de capacité pulmonaire, ce dont je ne peux plus que rêver aujourd’hui ... A présent je suis à la maison depuis sept ans, et je consacre beaucoup de temps et d’énergie à me soigner, plus de six heures de traitement par jour. Ma fonction respiratoire est tombée à 35%, parfois moins. Les cures intraveineuses se

succèdent, toujours plus rapprochées. Ce sont de longues journées. Oui, je suis malade, mais j’essaye de profiter des moindres petites choses, comme me promener avec mon fidèle ami Max, faire du vélo électrique quand il fait beau, bien manger et passer un petit weekend à la mer quand c’est possible. Nous restons positifs et même quand tout va mal, le futur nous sourit. Carine, 44 ans

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1966 – 1976

Je suis entourée de personnes qui m’aiment et ce sentiment, je le chérirai le plus longtemps possible ... J’ai été diagnostiquée à l’âge de 10 ans, j’en ai 41 aujourd’hui. À l’époque, ma vie a drastiquement changé et d’une enfance insouciante, je suis passée à une discipline de traitement, avec ses aérosols et ses médicaments. Ma scolarité et mes études supérieures se sont déroulées sans problèmes, non sans une solide discussion avec mes parents qui craignaient que la pression des études ne soit trop forte. Heureusement, le Prof. Dr Malfroot a estimé que le jeu en valait la chandelle. Après cette petite victoire, j’ai suivi des études de secrétaire médicale. J’ai rencontré de chouettes collègues. Jamais ils ne m’ont reproché d’être malade, ils se sont toujours montrés bienveillants. J’ai rencontré mon partenaire à 21 ans. Depuis, nous avons acheté notre propre maison et nous profitons de ce que la vie nous apporte. Quand les choses vont mal, parlez de vos problèmes à une personne de confiance, croyez en vous et en les médecins. Moi, je suis entourée de personnes qui m’aiment et ce sentiment, je le chérirai le plus longtemps possible. Nathalie, 41 ans

Je suis né la même année que l’Association de lutte contre la mucoviscidose ! « 50 ans, un fameux cap pour une association ! Je devais avoir une dizaine d’années lorsqu’à l’occasion d’une visite médicale, le médecin a dit à mes parents ‘Oh, vu son état, votre enfant, ne passera jamais son adolescence ...’. Cette phrase est restée gravée dans ma mémoire ! Et pourtant, aujourd’hui, après bien des péripéties et quelques remises à neuf, je suis toujours là, debout et en forme. Même si ça m’a demandé beaucoup de sacrifices, ça vaut le coup. Mais il faut faire preuve d’un sacré caractère, prendre sa santé en main et veiller aux moindres signaux d’alerte. Le fait d’être bien entouré médicalement et familialement m’a permis d’arriver jusqu’ici. Alors, un conseil : vivez à fonds les bons moments, pour compenser les périodes plus difficiles. Ah oui, une dernière petite confidence : je suis né la même année que l’Association de lutte contre la mucoviscidose ... Une seule devise, la mienne : toujours garder confiance ! » Eric, 50 ans

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1976 – 1986

# Le Prof. Dr Jean-Jacques Cassiman en 1983 # Premier colloque international sur la mucoviscidose en 1982

# Fête de Saint-Nicolas

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Lentement mais sûrement

1976 – 1986

# Rita, patiente muco et son idole Will Tura

# Emission télévisée sur la mucoviscidose à la BRT # votre silence ...

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Interview Jean Chevaillier Quelques questions à Jean Chevaillier, kinésithérapeute belge spécialisé dans le traitement de la mucoviscidose et inventeur du « drainage autogène »

1976 – 1986

Quand et comment vous est venue l’idée du drainage autogène ? En 1963, j’ai commencé en tant que kinésithérapeute au sein du Zeepreventorium. À l’époque, la majorité des patients étaient des enfants souffrant de bronchite et d’asthme et les techniques utilisées afin de traiter et surtout de purifier les poumons n’étaient pas basées sur des principes mécaniques physiologiques et respiratoires solides. Grâce à l’observation des patients, de jour comme de nuit, j’ai découvert que nous faisions fausse route. À partir de là, j’ai commencé à développer ce qui allait devenir le « drainage autogène » et en 1967 cette technique fut utilisée quotidiennement. Grâce à l’admission de patients atteints de mucoviscidose à la fin des années 70, j’ai continué à développer cette méthode plus avant.

Comment cette technique a-t-elle été accueillie à l’époque par le monde médical ? La première présentation publique se fit lors du Congrès de la Mucoviscidose en 1972 à Bruxelles, mais initialement, cette nouvelle technique n’a pas été accueillie très positivement par les collègues et les médecins. Par contre, les parents se montraient très enthousiastes étant donné les résultats obtenus grâce à cette méthode appliquée à leurs enfants. Ce sont eux qui nous ont stimulés, moi et mon équipe, à poursuivre le développement du drainage autogène. Grâce à une série de participation à différents congrès, cette technique s’est fait connaître et d’autres méthodes ont été progressivement adaptées en fonction de celle-ci. Durant des dizaines d’années, j’ai été invité à enseigner cette méthode à des collègues en Europe et à l’étranger, la

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preuve que l’intérêt pour le drainage autogène ne cessait d’augmenter. L’Association Muco et l’IPG-Belgium m’ont également été d’un grand soutien.

Quel est l’avantage de cette technique pour le patient atteint de mucoviscidose ? L’avantage pour le patient atteint de mucoviscidose est qu’il apprend à oxygéner ses poumons plus correctement via une technique douce qui tient compte de son état de santé, des principes de base de la mécanique respiratoire et d’une série de lois physiques importantes, liées à la construction des poumons et de l’appareil respiratoire. Le principe du drainage autogène est utilisé lors de l’inhalation, du nettoyage des poumons et de leur utilisation fonctionnelle. On pourrait presque considérer cette méthode comme une sorte de philosophie physiologique. L’équipe Muco du Zeepreventorium a toujours essayé d’individualiser le traitement des patients en vue d’obtenir une thérapie complète « sur mesure », et le drainage autogène permet une telle approche. Nous avons traité des patients issus de toute l’Europe et d’ailleurs, et un grand nombre d’entre eux revenaient chaque année, souvent durant plus de 20 ans, afin d’affiner leur technique de drainage.

Que vous a apporté le développement de cette technique du point de vue personnel ? Grâce à la collaboration intensive de tous les patients que nous pouvions traiter, le drainage autogène a pu atteindre son point de développement actuel. C’est pourquoi le cheminement du drainage autogène m’a tellement apporté en tant que personne et en tant que thérapeute. Le lien avec les patients a toujours été particulièrement intense et l’est resté avec un

grand nombre d’entre eux. Durant notre carrière, moi et ma collègue, et également épouse, Martine Bosschaerts, nous avons beaucoup ri et beaucoup pleuré avec les patients. Nous avons connu des moments très heureux, comme des moments très douloureux. Mais cela nous a toujours encouragés à poursuivre notre travail en vue d’obtenir les meilleurs résultats. Et j’ai mis fin à ma carrière en considérant qu’elle m’avait particulièrement enrichi en tant que personne. Pourtant, j’ai actuellement le sentiment que tout semble se déstabiliser. L’enthousiasme faiblit et les valeurs et les capacités acquises dans un passé récent semblent se perdre et je crains pour l’avenir. La lutte contre la mucoviscidose n’est pas encore gagnée et dans l’intérêt du patient, il faut absolument passer le relais aux générations suivantes. Mes plus grands remerciements vont à l’ensemble des patients, à mon épouse, à Dirk et Filip et à l’IPG, à l’Association Muco et au Zeepreventorium.


Finalement la muco, c’est surtout pour les autres que c’est contraignant ... tout le monde : aller à l’école, à l’étude, faire du sport, partir en camps sportif et participer toute l’année aux mouvements de jeunesse, tout en m’encourageant et en se battant avec moi. Mes petits frères et sœurs, arrivés par la suite, se sont également adaptés avec compréhension à cette situation, d’autant qu’ils devaient composer avec deux sœurs ayant la muco ... A 19 ans je commence des études de pharmacie, et oui, côtoyer les médicaments depuis son plus jeune âge ça crée des liens ... A 25 ans, mon diplôme en poche et les poumons bien accrochés, le monde du travail s’ouvre à moi, je rencontre l’homme de ma vie, je vis comme tout le monde ... Aujourd’hui, je dirige le service de pharmacie d’une clinique et si j’ai ce poste, c’est aussi parce que depuis toute petite j’ai dû m’adapter, m’organiser, me battre plus que les autres enfants de mon âge. Mais

si je suis très fière de ma réussite professionnelle et que je ne peux que la mettre en avant pour dire aux jeunes et moins jeunes parents de patients muco que c’est possible, ma plus belle réussite, c’est ma famille. Mon mari qui n’a jamais eu peur de la maladie, m’a offert en 2011 le plus beau cadeau : Ernest. Et quel plus beau cadeau faire à Ernest qu’une petite sœur, Alexiane, née en 2015. Alors voilà, je profite de ce petit témoignage pour vous remercier, Papa, Maman et toute ma famille, d’avoir été courageux pour moi quand je ne pouvais pas encore l’être seule, et merci à Frédéric, mon mari, de me supporter, dans les deux sens du terme, tous les jours ... »

1976 – 1986

« J’ai été dépistée en 1982, vers 15 mois, et bien à 15 mois, on a toute la vie devant soi et l’adaptation est tellement rapide à cet âge là que finalement la vie avec la muco, c’est la vie tout court. Par contre pour les parents, la vie avec la muco, c’est la douche froide ... Heureusement pour moi, l’eau de la douche s’est rapidement réchauffée et mes parents ont pu garder les deux pieds bien sur terre et prendre les bonnes décisions : avec ou sans la muco, leur fille cadette sera élevée exactement comme leur fille ainée : impossible de monnayer de ne pas mettre la table contre un aérosol ou de recevoir un cadeau parce qu’on a été sage chez le médecin ... Impossible également d’échapper à cette horrible mixture de l’époque, le « pancréase » ancêtre du Créon, qui était une abominable poudre qu’il fallait mélanger à du yaourt ou de la confiture et qui sentait le vomi ! Aussi exigeants avec moi qu’avec ma sœur, mes parents et ma kiné m’ont inculqué la rigueur des traitements et le bonheur de vivre comme

Sandrine, 35 ans

Je suis heureuse et je ne changerais rien à ma vie, pas même la muco ! Malgré le verdict de mucoviscidose qui tombe à l’âge de deux ans et demi, mes parents font le choix d’une existence « normale » pour leur fille et je pars, comme tous les autres enfants, sur le chemin de la vie. Je tente bien parfois de ne pas aller à l’école, mais ma mère est intraitable : « Pas de fièvre ? Donc tu vas à l’école ». Je lui dois tout : mon caractère, ma force, je lui dois la vie ! J’ai eu une super adolescence, avec les aérosols, les médicaments, la kiné et tout le reste ... Ensuite, je quitte le nid familial, je trouve le grand amour et je me marie. Au fil du temps, ma fonction pulmonaire a fortement diminué, je ne pourrai donc pas avoir de bébé, ce qui a été difficile à accepter. Pour le reste, je vis au rythme de mon traitement, mais je vis comme tout le monde ! En plus d’avoir un super mari, j’ai un super boulot : mon travail représente l’une de mes raisons de vivre, je pense que c’est même le meilleur médicament qui soit. Aujourd’hui, j’ai 37 ans, je ne suis pas encore greffée et je vis à fond ma vie de femme. Je suis heureuse, je ne changerai rien à ma vie, pas même la muco : elle a fait de moi ce que je suis devenue, cette femme forte, qui profite de chaque instant. Céline, 37 ans

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Deux atouts qui nous font avancer dans la vie ! Dans une certaine mesure, le handicap est un muscle : celui qui forge le caractère. Il constitue également un excellent filtre contre les personnes superficielles et intéressées. Deux atouts qui nous font avancer dans la vie !

1976 – 1986

Vincent, 33 ans

Malgré tous les obstacles, la mucoviscidose ne m’a pas empêché d’évoluer dans la vie ! « A l’époque où je rencontre Michael, je vis encore chez mes parents et je termine mes études secondaires. Ensuite, j’entame des études de secrétaire médicale. Mais les trajets jusqu’à l’école sont longs et éprouvants. Heureusement, Michael trouve un petit studio à côté de l’école, il s’occupe de tout et je me sens beaucoup mieux. Hélas, mon état physique se dégrade. Je termine malgré tout mes études et je suis engagée par l’ONE à Bruxelles. Aujourd’hui, je travaille à plein temps. Conclusion : malgré tous les obstacles, la mucoviscidose ne m’a pas empêché d’évoluer dans la vie !  » Noémie, 32 ans

De l’espoir pour le futur ... « Les médecins ont découvert que je souffrais de la mucoviscidose lorsque j’avais huit ans. Et j’ai connu l’Association Muco via le centre de revalidation du Zeepreventorium et l’UZ Gent. Je m’y suis directement senti chez moi. Lors des réunions à Zelzate et Wetteren, j’ai beaucoup appris, des réponses ont été apportées à beaucoup de questions et j’ai a fait la connaissance de mes compagnons d’infortune et de leur famille. Ces rencontres nous ont donné de l’espoir pour le futur. J’ai eu de super contacts avec des collaborateurs inoubliables, comme Karleen et Johan, et j’ai participé à des journées muco sympa et même à un voyage aux Émirats Arabes Unis ... » Isabel, 36 ans

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Quand j’étais enfant, je n’ai pas eu trop de soucis de santé. Du moins jusqu’à l’adolescence où je n’étais plus très assidu du point de vue traitement. Je voulais vivre comme les autres. Les adolescents rebelles se reconnaîtront ... Mais aujourd’hui, adulte greffé depuis huit ans, les « conneries », c’est bien fini ! Je suis devenu un patient attentif et rigoureux. Je profite à chaque instant de la seconde vie qui m’a été donnée auprès de ma petite famille et j’espère qu’elle va durer encore très longtemps ... Gregory, 39 ans

1976 – 1986

Aujourd’hui, les ‘conneries’, c’est bien fini !

Qu’est-ce que le temps passe vite, cette année, j’ai 40 ans ! « Malgré la maladie, j’essaie de profiter au maximum de la vie : je pars en vacances et je me prélasse au soleil pour emmagasiner un max de vitamines. Mais, mon plus gros hobby, c’est Clouseau. Avec un groupe d’amies, on assiste à quasi tous leurs concerts. On mange un bout ensemble avant d’aller chanter avec eux toute la soirée ... Du pur plaisir ! Et on clôture le concert en essayant de rencontrer Koen, mon idole. J’aimerais remercier mes parents pour tous leurs soins, ainsi que mon ami depuis bientôt 13 ans. Grâce à eux, je suis une femme heureuse, qui profite pleinement de la vie. » Miet, 40 ans

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Enfant, je ne pensais pas à la maladie, ça me détournait de ce que je trouvais important : l’école, le ballet, le théâtre et les copines

1976 – 1986

À la puberté, l’une de mes amies souffrait de grosses migraines, une autre des reins et une troisième a dû se faire opérer des dents ... Finalement, je trouvais que je ne m’en sortais pas si mal. Trois ans après la naissance de mon premier enfant, Lucas, j’ai jeté le trouble à l’UZ : j’étais enceinte de jumeaux. Du jamais vu ! Et pas du tout raisonnable d’un point de vue médical. Malgré l’inquiétude générale, je savais que je devais mener cette grossesse jusqu’au bout. Elle fût très lourde. Les bébés absorbaient toute mon énergie, j’ai eu une infection pulmonaire et je suis même retournée vivre quelques temps chez mes parents. Heureusement, l’état des jumeaux évoluait positivement et Febe et Tomas ont pointé le bout de leur nez à leur 36e semaine. Une armée de personnel soignant se tenait prête pour faire en sorte que l’accouchement se passe bien. Tomas est né par voies basses, et j’ai enfin pu prendre ma fille dans mes bras après une césarienne. C’est un véritable bonheur pour moi de vivre auprès de ma famille et de profiter de ce que j’ai. J’attends toujours avec impatience les vacances, les livres que je vais lire, que du bonheur. Vous ne me verrez jamais au sommet du Mont Ventoux, je ne sauterai pas d’une falaise et je ne ferai pas de spéléologie, mais je vis ma vie, à ma manière, avec l’énergie dont je dispose, et je suis heureuse. Tine, 38 ans

© Anja Van Der Fraenen

“ Mon petit bonhomme, tu finiras centenaire ! ” « Ma grand-mère me disait toujours : ‘mon petit bonhomme, tu finiras centenaire !’ J’étais jeune et téméraire, comme tous les enfants. Qu’est-ce qui pouvait m’arriver ? Mais en coulisses, je sais qu’il y a des gens qui ont sué sang et eau pour que ma vie soit la plus normale possible. Et la plupart du temps, ils y sont parvenus ! J’aimerais remercier mes parents pour toutes ces années où ils ont pris soin de moi. Et quand je pense aux 25 ans passés chez le même kiné, à raison de trois fois par semaine, je me dis : ‘heureusement que c’était un super chouette type !’. Merci à lui pour toutes ces années de soutien et bien plus encore ... Depuis, il est devenu totalement chauve, mais j’espère que ce n’est pas que ma faute ! De son côté, mon frère a terminé des études de kiné et s’est spécialisé dans le traitement des poumons : il est donc condamné à s’occuper de moi, mais, en dehors des habituelles taquineries entre frères, je suis très à l’écoute dès qu’il s’agit de mon traitement ... Jusqu’à présent, mon plus grand projet de vie était d’épouser Nele, et c’est ce que j’ai fait. Elle est toujours là quand j’ai besoin d’elle et elle est vraiment super, parce que sais que ce n’est pas facile tous les jours de partager la vie d’un ‘muco’. » Steven, 32 ans

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Vivre avec la mucoviscidose, c’est ... Avoir envie de s’évader lorsque le médecin entre dans la chambre ... Finir par mieux connaître le chemin dans l’hôpital que les infirmières ... Nouer une véritable amitié avec son kiné au fur et à mesure du temps ... Par la force des choses, devenir à moitié infirmier sans en avoir le diplôme ... Apprendre à profiter des moindres petites choses, des plus petites réussites ... Savoir que la vie n’est pas toujours une partie de plaisir ... Toujours montrer combien on est fort et parfois têtu ...

Jordy, 34 ans

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1986 – 1996

# La kiné en vacances

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1986 – 1996

Le grand tournant

# Le docteur Chevaillier en action en 1990

# Inauguration de la Maison Muco à Auderghem en 1994

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Le grand revirement du point de vue alimentaire : la prise d’énergie bénéficie de toute l’attention Les différents régimes et traitements alimentaires en cas de mucoviscidose ont fondamentalement évolué au cours des 50 dernières années. Alors que toute l’attention était précédemment focalisée sur l’amélioration de la digestion, à partir des années 80, l’obtention d’un bon développement physique et psychique à chaque âge de la vie occupe désormais une place centrale. Là où avant, on mesurait le succès d’un traitement à l’évolution des selles, on l’évalue à présent en fonction de la croissance et de la prise de poids du patient.

1986 – 1996

En 1938, pour la première fois, la mucoviscidose est décrite comme une maladie digestive. Chez certains nourrissons, décédés suite à une malnutrition sévère, on détecte de petits kystes dus à la formation de tissu fibreux au niveau du pancréas, d’où le nom de « Cystic Fibrosis ou fibrose cystique du pancréas ». Ces petits kystes empêchent les enzymes digestifs d’arriver dans la nourriture qui se trouve dans l’intestin et d’y digérer l’amidon, les protéines, mais surtout les graisses qui ne peuvent donc pas être assimilées. Cette situation pouvait donc parfaitement expliquer le déroulement de la maladie et même certaines perceptions sensorielles : les protéines non digérées donnent une odeur de pourriture aux selles dont le volume augmente également étant donné la grande quantité de nourriture non digérée. Les selles prennent aussi une couleur pâle, jaunâtre, elles flottent à la surface de l’eau et sont difficiles à rincer dans la cuvette des toilettes. Dès lors, la solution semblait logique : compenser le manque d’enzymes pancréatiques par de la prise d’une poudre obtenue à partir de pancréas séché de porc lors de chaque repas. Mais l’effet obtenu se révèle restreint en comparaison de la grande quantité de poudre nécessaire pour obtenir un changement de consistance des selles. C’est pourquoi des médecins ambitieux, particulièrement déçus par ce manque de résultat, décident hélas d’imposer un régime pauvre en graisse aux personnes atteintes de mucoviscidose afin de diminuer le taux de graisse dans leurs selles. Et à l’époque, la graisse fut complètement bannie de leur menu. Hélas, cette fois, le succès est au rendez-vous puisque les selles n’ont jamais eu un aussi bel aspect ! Le taux de graisse dans les selles a effectivement baissé, entraînant par la même occasion une réduction de poids chez les patients. De plus, les repas sans graisse leur coupent littéralement l’appétit, un appétit déjà fortement limité vu les importantes quantités de pancréatine à avaler avec la nourriture. Bannir la graisse, l’aliment le plus calorique, du régime des patients, c’est offrir une nourriture sans goût, et surtout, réduire l’énergie présente dans l’alimentation. Résultat : des selles belles d’aspect, mais une véritable catastrophe pour les patients atteints de mucoviscidose. Heureusement, tous les médecins ne suivent pas le même chemin. Un simple calcul leur a permis de comprendre où était l’erreur : une personne atteinte de mucoviscidose a besoin de plus d’énergie pour respirer, éviter les infections, suivre sa kiné et compenser l’énergie perdue dans les selles et le mucus. Or, afin de grandir et de fonc-

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tionner, cette balance énergétique négative doit être compensée par une prise élevée de calories, en consommant une nourriture plus riche, ce qui est impossible sans recourir à la consommation de graisse. La preuve est définitivement apportée par une étude comparative entre des personnes atteintes de mucoviscidose traitées quasi de la même manière à Toronto (Canada) et Boston (USA). À Toronto, on constate que les patients sont plus grands, plus lourds, et qu’ils possèdent également une meilleure condition alimentaire, une meilleure fonction pulmonaire et une espérance de vie plus longue. En comparant les différents aspects du traitement, on découvre que la seule différence réside dans l’alimentation. À Boston, les patients suivent un régime strict, sans graisses, tandis qu’à Toronto, la prise de graisses est même stimulée. Cette découverte a donné lieu à la suppression des régimes sans graisses et à la prescription d’une alimentation plus énergétique, en y ajoutant également du sucre, ce qui améliore également le goût. En un mot, les personnes atteintes de mucoviscidose sont heureuses d’enfin pouvoir laisser tomber les régimes et de pouvoir manger de tout et en grande quantité, parfois trop grande même ... Cette même période a également vu une évolution importante dans les préparations d’enzymes pancréatiques. Le fait de protéger le patient des brûlures d’estomac a contribué à en renforcer l’action. Un grand nombre de petites évolutions ont permis de rendre les enzymes pancréatiques de plus en plus performants, on a donc pu en réduire la quantité, tout en favorisant une meilleure assimilation des graisses. La conjonction de ces différents progrès a contribué à un revirement définitif du point de vue de l’alimentation et des problèmes digestifs dans le domaine de la mucoviscidose. Dès le diagnostic posé, on a pu éviter les risques de sous-alimentation en favorisant la prise des principaux nutriments, en augmentant la quantité de nourriture et en améliorant la digestion de celle-ci. Au cours des 30 dernières années, nous avons obtenu de superbes résultats et assisté à un véritable revirement : une amélioration spectaculaire de la condition alimentaire des patients muco ainsi qu’une amélioration de leur qualité et de leur espérance de vie. Prof. Emeritus Dr E. Robberecht, Pédiatre gastro-entérologue, Centre muco UZ Gent


Je me tracassais pour rien ... Adolescente, dans mon lit le soir, je me demandais souvent comment ce serait plus tard. Est-ce que je trouverais un mari prêt à accepter ma maladie ? Estce que j’aurais des enfants ? Mais je me tracassais pour rien, parce que depuis, j’ai trouvé l’homme le plus adorable du monde et j’ai trois magnifiques petites filles ! Deborah, 28 ans

« À 3 ans, je pesais 14 kilos et à 7 ans, 14,5 kilos. Mais grâce à ma maman et à ma sœur, j’étais l’enfant la plus heureuse du monde. J’avais des poules, un canard, des cochons d’Inde, des lapins, des poissons, des oi-

seaux et un chien. Le dimanche, je pouvais aider à la ferme : je donnais le biberon aux gros veaux, je trayais les chèvres, je cueillais des fruits ... Et à l’école, j’avais beaucoup de copains. Pendant les vacances, ma sœur plongeait parfois notre chambre dans le noir et créait une jungle, rien que pour moi, avec nos jouets, quelques meubles et un serpent en peluche. Je ne trouvais pas ça très grave d’avoir la mucoviscidose, parce que je pouvais faire tout ce qui me rendait heureuse.

1986 – 1996

À ma naissance, le docteur a dit que je ne vivrais pas 20 ans  ... rêves et de projets, et ma magnifique famille et mes animaux adorés ont besoin de moi. Attendez qu’on accueille une petite chèvre et que je puisse faire mes propres fromages. Attendez ... » Sandy, 22 ans

En 2013, je suis partie vivre seule et depuis j’ai épousé Kenneth, un homme merveilleux. Mon amoureux me soutient dans tous mes rêves et mes projets les plus fous. On a acheté une maison qu’on a transformée en la ferme de mes rêves, avec plein d’animaux, des chiens, des chats, un cheval, des poules, des canards et des oies : notre ferme sera bientôt pleine ! Maintenant que j’ai plus de 20 ans, je peux dire aux médecins qu’ils se sont trompés. Je suis toujours là, j’ai toujours plein de

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Yes, we can !

1986 – 1996

Même si certains nous voient, nous patients souffrant de mucoviscidose, comme différents, moi, je considère plutôt la maladie comme un petit plus. Au cours des 24 printemps passés avec la mucoviscidose, mon regard sur la maladie a souvent changé, passant du pire au meilleur et inversement. Mais, comme on dit, «  à toute chose malheur est bon  ». Sans la mucoviscidose, je n’en serais pas arrivé là où j’en suis aujourd’hui, et un grand nombre de choses seraient probablement différentes aussi. En se remettant constamment en question, on finit par apprendre ce qu’est la vie, on apprend surtout qu’il ne faut jamais se sous-estimer par rapport aux gens « normaux ». J’ai arrêté les cours bien trop tôt, pensant que je me ridiculiserais, plutôt que de persévérer. Or, ce n’est pas la maladie qui vous impose des limites, mais bien vous qui décidez de ce que vous pouvez ou ne voulez pas faire. Il existe naturellement des limites, je ne serai jamais capable d’escalader le Grossglockner sans l’entraînement nécessaire par exemple  ... Mais les choses quotidiennes, auxquelles tout le monde est confronté, nous sommes également capables d’en venir à bout, à condition de bien nous organiser. Donc, « Yes, we can ! ». Je tiens à remercier mon amie et sa famille de croire en moi et de me soutenir. Merci de me considérer comme un ami « normal », un beau-frère « normal », un beau-fils « normal ». Mathias, 24 ans

Mais comment fait la famille Smets ? petite, ce qu’ils trouvaient de pire dans la maladie. Et ils lui ont répondu : ‘qu’elle rende notre petite sœur malade’. Tout était dit. Mais la véritable force motrice, celle qui nous transmet toute son énergie, c’est notre précieuse maman. Comment elle parvenait chaque jour à nous envoyer à l’école après l’aérosol, le drainage, avec la bonne dose de médicament en poche représente encore toujours un mystère pour moi. C’est une femme d’une force incroyable. Mais derrière elle, c’est toute une famille qui se mobilise, et le fait de savoir que nous pouvons compter sur eux n’a pas de prix ! Nos amis d’école et notre kiné font aussi partie de notre vie, mais c’est carrément tout le hameau de Zevendonk qui se mobilise et nous encourage une fois par an lors de la journée sportive organisée au profit de l’Association Muco. Chaque année, notre groupe de travail parvient à trouver suffisamment de bénévoles. L’implication de toutes ces personnes fait chaud au cœur. « En tant que famille avec trois patients souffrant de mucoviscidose, on nous a déjà posé cette question des milliers de fois. Depuis notre plus tendre enfance, mes frères et moi avons clairement noué un lien très fort. Le Prof. De Boeck nous a récemment raconté qu’elle avait un jour demandé à mes frères, quand j’étais

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Un tout grand merci à elles, à nos kinés et à toute l’Équipe Muco de Gasthuisberg qui veille à ce que nous puissions profiter pleinement de chaque journée : vous êtes irremplaçables. » Jolien, 26 ans


La vie peut aussi se mesurer à son intensité «  Petite, la maladie ne représentait pas grand-chose pour moi. Juste une série de soins et de contraintes dont je ne comprenais pas entièrement le sens ni la gravité, tant mes parents ont tenu à m’élever comme n’importe quel autre enfant. Et lorsqu’en grandissant, je commençais à me poser des questions, on me répétait simplement que les soins évoluaient très vite et que d’ici une dizaine d’années, un ‘médi-

cament magique’ viendrait me sauver. Aujourd’hui, lorsque je pose le regard sur ces 30 années écoulées, je suis surtout envahie par une énorme vague d’émotions, de sensations et de souvenirs. Je suis bien loin du médicament magique, puisqu’on m’a carrément offert un nouveau souffle. En plus de la mucoviscidose, je dois à présent faire face aux défis tout aussi complexes que représente la transplantation. Je vois énor-

mément de maux et des souffrances, mais il y a aussi beaucoup de voyages, d’expériences, de fou rire, de victoires, de fêtes et d’amour. On parle souvent de statistiques ou d’espérance de vie, mais on oublie parfois qu’il est possible de faire mentir les chiffres et que la vie peut aussi se mesurer à son intensité. » Alizée, 30 ans

Faisons de la maladie notre atout ...

1986 – 1996

Je me suis souvent demandé ce qu’aurait été notre vie sans Lena, sans Lena avec la muco ... Est-ce que j’aurais encore été avec son papa après 28 ans ? Tant d’années à vivre la maladie, différemment, mais toujours en nous serrant les coudes, en faisant front et en nous soutenant. La maladie est lourde, le long fleuve est très peu tranquille et plein d’écueils, mais la maladie nous a rendus plus forts, plus combatifs. Nous avons appris à apprécier le bonheur au jour le jour, à attacher moins d’importance au matériel, à profiter de la vie. La maladie est lourde, souvent pénible, parfois très pénible, mais je suis certaine qu’elle nous a aussi apporté beaucoup ! Faisons de la maladie notre atout, puisqu’elle a changé notre vie et qu’elle a fait de nous des êtres particuliers : nous avons des enfants formidables, nous sommes des gens formidables ! Joëlle, maman de Lena, 28 ans

Tout le monde aime Robbi ! « Je m’appelle Mercedes, j’ai 45 ans et je suis mariée à Patrick depuis 1989. Lorsque la maladie s’est immiscée dans notre vie, Robbi avait trois mois. La mucoviscidose a eu l’effet d’une bombe atomique et la première année fût très difficile à vivre. Et puis, nous avons rencontré Anne, la kiné de Robbi, devenue depuis sa confidente et sa meilleure amie. Robbi a grandi sans réels gros soucis de santé. Il a toujours été doué en tout, sans parler de son ‘capital sympathie’ : tout le monde aime Robbi ! L’adolescence, couplée à sa maladie, a représenté un cocktail explosif. Mais aujourd’hui, je le

sens plus serein. Robbi fait un master en kiné et mis à part la mucoviscidose, tout lui réussit ! Comme dit son papa, ‘Nous avons tous une croix à porter et si Dieu nous a choisi, c’est qu’il savait que nous en serions capables’. Cette croix était bien lourde à porter, mais à plusieurs, elle nous parait plus légère. Et avec le temps, elle se transforme en chapelet que l’on glisse dans sa poche. On ne l’oublie pas, mais on vit avec. Je m’appelle Mercedes, j’ai 45 ans, je suis mariée, j’ai deux enfants et je suis heureuse ! » Mercedes, maman de Robbi, 21 ans

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1996 – 2006

# Inauguration de la Sculpture Muco à Boitsfort en 2004

# Inauguration de la Sculpture Muco à Ostende en 2004

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Vitesse de croisière ou presque

# Noa rencontre la Reine Paola en 2004

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# Journée Muco 2004 # Affiche Journée Muco 2003

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Infections croisées Dans les années 80 à 90, les conséquences relatives à une meilleure connaissance des infections croisées sont devenues de plus en plus claires. Différentes études ont montré que les personnes atteintes de mucoviscidose étaient susceptibles de se transmettre le Pseudomonas Aeruginosa mais également le Burkholderia Cepacia. Ces mêmes études ont également montré que les personnes non porteuses de ces bactéries se portaient mieux que les autres. Entre-temps, ce fardeau n’a cessé de gagner en importance, aussi pour les autres bactéries, comme en atteste la contribution du Prof. Patrick Lebecque (voir plus loin). Les conséquences L’Association Muco a vu certaines activités destinées à ses groupes cibles, comme les rencontres et les réunions d’information, les voyages ou les fêtes de Saint-Nicolas partir en fumée ... Il a donc fallu s’adapter à cette nouvelle situation, ce qui a nécessité beaucoup d’effort de la part des personnes concernées. Dès lors, en tant qu’Association de patients, comment organiser des contacts entre compagnons de fortune lorsque le contact physique engendre autant de risques et se doit quasi d’être exclu  ? Comment combiner cette restriction et le besoin de contact humain, le partage d’expérience ? Cela demeure un défi pour l’Association Muco que de parvenir à apporter une réponse au problème des contacts entre personnes atteintes de mucoviscidose. Heureusement, le développement des médias sociaux allait nous apporter un solide coup de main en la matière !

1996 – 2006

Pour ce qui concerne les soins médicaux des personnes atteintes de mucoviscidose, un grand nombre de choses ont également changé et la « ségrégation » entre patients a fait son entrée au sein des centres muco. Ces derniers ont été répartis en différents groupes en fonction des bactéries dont ils sont porteurs, et des consultations séparées ont été mises sur pied. Si à l’époque il y avait deux groupes, aujourd’hui, il y en a jusqu’à quatre ou cinq. Ulrike Pypops, Responsable Service Familles, Association Muco

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Aux Etats-Unis, la CF Foundation qui accrédite, encadre et subsidie tous les Centres de Référence, a émis en 2013 une recommandation officielle claire : « Lors de réunions organisées en milieu clos (intérieur d’un local), par elle-même ou par les Centres qu’elle sponsorise, n’est plus autorisée désormais que la présence d’une seule personne atteinte de mucoviscidose ». Cette décision a remis en lumière les risques bien établis d’infection croisée dans la mucoviscidose et l’importance de leur prise en compte, qui influence à tout moment la prise en charge des patients. Dans la mucoviscidose, les poumons résistent mal à certains germes (pathogènes) qui peuvent les détruire. Certains de ces germes sont présents en grand nombre dans l’environnement qui reste la source la plus habituelle de contamination. Un nombre limité de mesures préventives sont raisonnablement validées, mais une surveillance bactériologique systématique, à intervalles réguliers et une prescription cohérente d’antibiotiques sont en réalité les éléments essentiels du suivi respiratoire. Si l’on n’y prend pas garde, les patients atteints de mucoviscidose et porteurs de germes pathogènes peuvent eux-mêmes transmettre certains de ces germes à d’autres patients. Cette transmission ne s’étend toutefois pas aux personnes en bonne santé puisque la mucoviscidose n’est pas une maladie contagieuse ! Ce « risque d’infection croisée » constitue l’une des spécificités de l’affection et en conditionne l’organisation des soins. Il concerne notamment Pseudomonas aeruginosa (fréquent) et les staphylocoques dorés résistants à la méthicilline (MRSA) ainsi qu’au moins deux types de pathogènes rares mais particulièrement problématiques : les germes du complexe BCC et les mycobactéries non tuberculeuses. C’est en raison de ce risque d’infection croisée que les contacts entre patients atteints de mucoviscidose sont évités, en dehors de l’hôpital – ce qui est le plus souvent assez simple – mais aussi, et surtout, en milieu hospitalier. Dans un Centre de référence, limiter le risque d’infection croisée représente pour chaque intervenant un souci constant, lors des consultations comme en cas d’hospitalisation. Cette nécessité engage tout autant la responsabilité de l’institution qui accueille le Centre. Parmi les principales mesures à mettre en œuvre figurent l’organisation des consultations en fonction des résultats bactériologiques, une attention sans relâche à la désinfection des mains et aux trajets des patients, la désinfection répétée de surfaces à risque, la ventilation accélérée de certains locaux, un soin particulier au matériel de fonction respiratoire, la fluidité des consultations. La seule manière d’éviter que certains patients ne se sentent stigmatisés par cette « ségrégation bactériologique » est d’en expliquer le bien-fondé et le bénéfice pour chacun. Professeur Patrick Lebecque, Centre Muco UCL – Cliniques Saint Luc


La création de centres pour patients atteints de mucoviscidose en Belgique La Belgique a été dès le début pionnière en Europe pour les soins aux patients atteints de mucoviscidose : déjà dans les années 70, les spécialistes pédiatres et pneumologues pédiatriques se réunissaient dans le pays sur le sujet. Rapidement, ils organisent ensemble les premières réunions européennes consacrées à la maladie. Ainsi les professeurs Dubois de l’Université libre de Bruxelles, Eggermont de l’Université de Louvain, Les professeurs Daniel Baran, Isi Dab, Claude Sevens et le docteur Van Geffel apparaissent déjà sur les photos du congrès 1967. Madame Luyckx, infirmière sociale de l’hôpital Saint-Pierre à Bruxelles, très préoccupée du sort des familles et des aspects financiers liés au traitement, a joué un rôle important dans la création de ce qui allait devenir l’association belge de lutte contre la mucoviscidose, fédérant les parents de nos patients. Dès lors les équipes de soins se sont progressivement

densifiées, augmentant leurs compétences dans les diverses facettes de la prise en charge par les paramédicaux et les médecins pour traiter dans les principales structures universitaires de Belgique les patients d’une manière professionnelle, efficace et humaine. Très tôt les responsables de ces structures considèrent comme essentiel le rôle des psychologues afin de répondre aux angoisses des patients et de leurs familles au passage de toutes les épreuves de l’affection, dès le diagnostic. Les centres Muco actuels allaient donc naître de ce passé riche en activités cliniques et scientifiques au service des patients, avec très précocement, un poids particulier placé dans la kinésithérapie et la nutrition. Dans les programmes de soins aussi, la Belgique allait innover : ainsi, c’est dans notre pays qu’on allait observer les premières administrations d’antibiotiques (aminoglucosides) en inhalation, l’usage de diètes

semi-élémentaires (Alfare, inventé par le Professeur Helmuth Loeb et Madame Mozin, diététicienne) pour nourrir les nourrissons débilités, la kinésithérapie par des techniques nouvelles comme le drainage postural (équipe de Messieurs Postiaux et Chevalier). Ces centres deviendraient progressivement ce qu’ils sont aujourd’hui : des équipes très professionnelles, produisant des soins de très haute qualité, de l’enseignement et des travaux scientifiques reconnus par les revues spécialisées et les autres équipes dans le monde. Georges Casimir

« La mucoviscidose ... Voilà le diagnostic qui nous est tombé dessus pour les cinq ans de notre petite fille et qui a complètement bouleversé notre vie.

notre vie. Les thérapies ont commencé, les plannings et agendas adaptés, mais nous avons vite compris que la maladie allait déterminer une grande partie de notre vie.

Les nombreuses questions sur son avenir et une inquiétude lancinante ont dominé

Aujourd’hui, sept ans plus tard, nous sommes fiers de notre ado qui parvient à combiner sa maladie avec la vie quotidienne. Fiebe désire plus que tout vivre normalement, et c’est ce qui provoque beaucoup d’opposition de sa part à tout ce qui concerne son traitement et les soins. Les soignants en attrapent des cheveux blancs, et la moindre adaptation de la thérapie exige des trésors de négociation de leur part. Fiebe est avant tout une véritable épicurienne, une ado nonchalante et une créative. À l’école, tout se passe bien. À partir de cette année, elle peut déployer ses talents de dessinatrice au sein d’humanités artistiques. Passionnée de musique, elle aimerait également suivre des cours de danse et s’en donne à cœur joie tous les weekends au sein d’un mouvement de jeunesse. Tout cela est possible grâce à un planning clair, beaucoup de patience et le caractère d’acier de Fiebe.

1996 – 2006

Faire de ses rêves une réalité ...

Faire de ses rêves une réalité représente l’une de ses priorités et tous ensemble, nous sommes sur la bonne voie pour les réaliser. » La famille de Fiebe, 12 ans

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Qui sait, notre conte de fées deviendra peut-être un jour réalité.. Après que le diagnostic de la mucoviscidose soit tombé, il y 20 ans, nous sommes allés voir une voyante, parce qu’à l’époque, nous cherchions de l’espoir dans les moindres petites choses. Elle nous a dit : « Steven ne mourra pas jeune et représentera un exemple pour les autres. » A l’époque, j’avais fait imprimer un T-shirt avec une photo de notre petit bonhomme avec une sonde dans son nez et ma main sur sa tête pour le réconforter. Une manière de garder Steven contre mon cœur, toujours. Lors d’une visite à l’UZ Leuven il y a peu, Steven a été invité à participer à une étude sur un médicament expérimental. Un médicament qui vise – nous l’espérons – à traiter la cause de la maladie. On garde espoir, car qui sait, on parviendra peut-être bientôt à vaincre la mucoviscidose ! Et j’espère de tout cœur un jour pouvoir écrire à l’arrière de ce fameux T-shirt : « La mucoviscidose est enfin derrière nous ! » Maman de Steven, 20 ans

“Hello World, come and see, this is me !”

1996 – 2006

« Ma vie avec la mucoviscidose n’est pas toujours ‘fun’, elle exige beaucoup de moi : hôpitaux, médicaments, recherches, tests, thérapies chez le kiné, centre de revalidation ... Mais la maladie ne représente qu’une partie de moi. Pas tout. Elle fait partie de ma vie, et j’essaie d’en tirer le meilleur et de profiter de chaque moment.

J’ai 16 ans et comme toutes les autres filles, je désire mener une vie normale. Je reste positive, l’adversité me rend plus forte. J’ai la chance d’avoir une sœur jumelle cool, Kaat, qui n’a pas la mucoviscidose. On s’amuse toujours ensemble, elle me fait beaucoup rire. J’ai des super parents aussi, toujours prêts à tout pour leurs filles ... Ils veillent à ce que je puisse vivre comme une ado ‘normale’. Comme le dit une de mes chanteuses préférées, ‘Hello World, come and see, this is me !’ » Jana, 16 ans

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Envisager l’avenir autrement « Voilà 50 ans qu’existe une association particulièrement ambitieuse, qui se soucie du bien-être des patients et de leur famille. Notre espoir pour Victor et pour tous les autres : qu’un jour la mucoviscidose fasse partie du passé afin de pouvoir envisager l’avenir autrement ! » Maman de Victor, 17 ans

Ne jamais abandonner !

1996 – 2006

Depuis qu’il est tout petit, nous avons fait comprendre à Jarne que son traitement et ses médicaments représentaient des éléments essentiels, et nous l’avons impliqué dans l’entretien de son appareil. Nous sommes très – parfois trop – stricts sur le respect de sa thérapie, et nous en récoltons les fruits. Depuis ses deux ans, il souffre aussi de diabète, ce qui ne l’empêche toutefois pas de faire du sport et de profiter de la vie. « Ce diabète ne me fait pas peur », nous dit-il. Jarne ne s’en soucie pas beaucoup, sa devise reste : « Ne jamais abandonner ». Jusqu’à ses 14 ans, il a fait du karaté, après quoi il a repoussé ses limites pour faire du basket, un sport plus intense et donc meilleur pour sa santé. Et il se sent bien. Pour lui, la prochaine étape est de passer de la médecine pédiatrique à celle pour adultes. Cela le rend un peu nerveux, mais après quelque temps, ça deviendra aussi une habitude ...

Nous souhaitons remercier toute l’Équipe Muco de l’UZ Gasthuisberg, les médecins, l’équipe diabète, l’Association Muco, le personnel infirmier, nos parents, notre famille, le médecin de famille et toutes les personnes que nous oublions de citer ici, pour les bons soins prodigués à notre fils. Les parents de Jarne, 18 ans

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Ma force, mon courage, mon optimisme et ma persévérance, c’est en partie à mon chemin de vie intérieur en tant que muco que je les dois ! « Petite, j’ai été couvée par maman et papa qui ont toujours tout mis en œuvre pour que mon enracinement dans la vie se vive dans la confiance et la joie. En grandissant, je suis passée d’une douce insouciance à une prise de conscience assez pénible. J’ai traversé de sérieuses périodes de doute, de découragement, de révolte et je me suis refermée comme une huitre à l’adolescence ! Quel terrible et douloureux combat, jalonné de passages à vide, mais aussi de beaux et forts moments de complicité, d’affection et de soutien avec mes parents, ma famille, mes amis. Aujourd’hui, j’apprends à vivre avec la mucoviscidose et en me soignant le mieux possible, je choisis la vie ! Il n’existe pas de recette magique : si je me sens bien, c’est grâce à mes parents magiques ! Alors, faites comme moi, acceptez qui vous êtes. Si on parvenait à soigner la mucoviscidose, je serais la plus heureuse, mais ma force, mon courage, mon optimisme et ma persévérance, c’est en partie à mon chemin de vie intérieur en tant que muco que je les dois ! » Clara, 18 ans

François vit sa vie à 200 % comme tous les ados

1996 – 2016

François est né à terme, après une grossesse normale. Il est chétif mais en bonne santé. Comme il tousse beaucoup, je l’emmène chez le pédiatre qui conclut à un simple rhume. Quelques

jours plus tard, François est hospitalisé et placé sous oxygène jour et nuit. Les médecins détectent une infection des bronches. Finalement, on nous annonce que François est atteint de mucoviscidose et c’est l’effondrement  ! Depuis, notre fils est suivi au centre muco de la Clinique de l’Espérance à Montegnée par une équipe géniale, tant sur le plan médical qu’humain. Quelle chance de pouvoir compter sur une telle équipe au quotidien et dans les périodes difficiles et d’être aussi bien entourés par notre famille et nos amis ! Aujourd’hui, François est en « pleine santé », il vit sa vie à 200 % comme tous les ados. Il suit un cursus scolaire normal, fait du basket, du vélo, de la natation, il a des copains,

en un mot, il profite de la vie ! Il a un moral d’enfer qui le porte à se dépasser chaque fois que la maladie se rappelle à lui. Nous surmontons toutes les épreuves en famille et on finit toujours par gagner contre la mucoviscidose ! Katleen, maman de François, 15 ans


Ne laissez pas la maladie déterminer qui vous êtes J’ai appris à vivre avec la mucoviscidose, alors qu’avant, j’avais plutôt des difficultés avec tout ça ... Pas question pour moi d’aller dormir chez mes petites copines par exemple, mais depuis que je suis capable de prendre mes médicaments de manière autonome, tout a changé. Il arrive encore parfois qu’on m’embête, c’est pas vraiment cool, mais ça me rend plus forte. Il n’y a pas réellement d’avantages liés à ma maladie, mais lorsque tout va bien, je me sens comme tout le monde : une ado tout ce qu’il y a de plus normale, qui profite de la vie. Jusqu’à présent, je ne me suis jamais vraiment demandé « pourquoi moi » ... Je me sens bien dans ma peau, et je me rends la vie aussi agréable que possible. J’ai de chouettes amies et une famille qui me soutient envers et contre tout. Mais si je devais donner un seul conseil aux autres muco, je leur dirais de bien prendre leur médicament et de suivre leur traitement le plus consciencieusement possible, même s’il est intense, comme c’est le cas pour moi. Il est important de rester en bonne santé et de ne pas échouer à l’hôpital. Ne laissez pas la maladie déterminer qui vous êtes ni vous empêcher de faire ce qu’il vous plaît. Continuez toujours à faire ce que vous aimez, c’est le meilleur moyen de profiter de la vie !

1996 – 2016

Amber, 14 ans

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2006 – 2016 # Moments précieux avec Céline Dion après son concert en 2008

© Ingrid De Sloovere

# Journée des Centres 2012

# Manneken Pis aux couleurs de l’Association Muco, mai 2016

# Traitement VIP Semaine Muco 2008

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En bonne voie pour un avenir sans mucoviscidose

# Concert Scala 2013

2006 – 2016

© Ingrid De Sloovere

# Première du film Adem au Festival du film d’Ostende, 2010

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Le traitement du système respiratoire Tous les germes doivent-ils être traités aussi sévèrement les uns que les autres ? Il existe des germes qui doivent toujours être traités de manière radicale en vue d’être éliminés ou éradiqués. La bactérie Pseudomonas en représente le meilleur exemple. Pour ce qui concerne les autres bactéries, la réponse est moins claire et peut varier en fonction du patient. Prenons par exemple les Staphylocoques. Chez les jeunes enfants, on admet que l’élimination chronique des Staphylocoques est utile pour les voies respiratoires. C’est également valable pour les staphylocoques résistants ou le MRSA chez les patients de tous âges. Pour ce qui concerne les germes moins courants, il faut évaluer les avantages et désavantages en fonction de chaque patient, comme c’est le cas pour le risque d’infections dû à des germes de plus en plus résistants. Mais il est clair que vouloir éradiquer totalement les germes dans les voies respiratoires chez les personnes atteintes de mucoviscidose n’est pas réaliste.

La recherche en matière de microbiome doit permettre d’augmenter la connaissance que nous avons des germes pathogènes

2006 – 2016

Ces dernières années, un certain nombre de recherches ont été menées en matière de microbiome des voies respiratoires chez les personnes atteintes de mucoviscidose. Par microbiome, on entend une série de germes vivant en communauté, de manière comparable à une sorte d’écosystème, et dont certains sont susceptibles d’engendrer des maladies. Cette recherche n’en est encore qu’à ses débuts, mais on espère que grâce à une meilleure connaissance de l’écosystème présent au sein des voies respiratoires, on parviendra à mieux comprendre le comportement des germes pathogènes. Les infections pourront être traitées de manière plus spécifique et nous

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devrions être mieux à même de comprendre pourquoi certains patients sont infectés par le Pseudomonas et d’autres pas, et comment éviter cette infection.

Toujours plus d’antibiotiques via aérosol et puff La recherche s’oriente actuellement vers l’adaptation de certains « anciens » antibiotiques, auparavant administrés oralement ou en perfusion, sous forme d’inhalation. Les résultats de différentes études cliniques concernant l’inhalation via aérosol de l’Amikacine, la Levofloxacine (lié à la Ciprofloxacine) et la Clarithromycine, ont été présentés. La méthode par inhalation du médicament doit toutefois prouver qu’elle est aussi efficace que son administration par voie orale ou intraveineuse pour l’éradication des germes existants ou l’élimination des nouvelles formes de germes. Il est en fait plus intéressant « d’épargner » à l’organisme une cure par IV ou prise orale lorsque seuls les poumons nécessitent le recours à un traitement antibiotique. Une étape ultérieure serait de parvenir à administrer ces antibiotiques par inhalation sous forme d’inhalateur en poudre ou puff afin d’en faciliter la prise et de ne plus devoir recourir au traditionnel aérosol. Il existe déjà de nombreuses études qui attestent que l’inhalation longue durée du TOBI sous

forme de poudre (TOBI Podhaler) est sûre et bien supportée.

Des médicaments pour guérir L’Ivacaftor (Kalydeco) est le premier médicament destiné à guérir la mucoviscidose mis au point et administré depuis deux ans déjà à des patients muco ayant la mutation G551D. Il s’agit d’une mutation rare en Belgique. Une série de mutations connexes (non-G551D-gating mutations) peuvent également être corrigées avec le Kalydeco, ce qui permet d’élargir le nombre de patients soignés par le médicament. Ce médicament ne fonctionne toutefois pas pour la plus courante des mutations, F508del. Par contre, les études montrent qu’une combinaison avec d’autres molécules est efficace. L’Ivacaftor combiné avec le Lumacaftor (Orkambi) exerce un effet bénéfique modéré chez les personnes ayant une mutation F508del, modéré parce que le fonctionnement n’est pas aussi puissant que celui de l’Ivacaftor pour la mutation G551D. On espère qu’à l’avenir, la combinaison de différentes molécules puisse représenter un traitement pour la plupart des mutations. La mucoviscidose est une affection très complexe, vu la diversité des mutations capables de provoquer la maladie. Depuis leur identification et leur regroupement, la compréhension de la maladie augmente. Actuellement, on élabore déjà des schémas sur la manière dont on pourrait obtenir un traitement pour l’ensemble de ces mutations. La recherche pour la mise au point de nouveaux médicaments capables de guérir la mucoviscidose reste en bonne voie. Prof. Dr. Anne Malfroot, Centre muco UZ Brussel


J’ai d’abord cru qu’il s’agissait d’une erreur Xander avait un an lorsque nous avons appris la mauvaise nouvelle : notre fils avait la mucoviscidose. Il semblait pourtant en bonne santé et n’était quasi jamais malade. J’ai donc d’abord cru qu’il s’agissait d’une erreur. Et puis, je me suis souvenue qu’en primaire, il y avait dans ma classe une petite fille atteinte de mucoviscidose. Je me suis rappelé combien elle était souvent malade et comment la maladie gérait sa vie. Pour moi, il était impossible que Xander souffre de la même chose! Mon homme n’avait encore jamais entendu parler de la maladie, et notre monde s’est écroulé. La période qui a suivi n’a pas été facile. Heureusement, nous avons toujours pu compter sur l’équipe spécialisée de l’UZ Leuven pendant les moments difficiles. Et malgré nous, l’hôpital est devenu notre seconde maison. Aujourd’hui, Xander a 10 ans et il se porte bien. Il fait de la gymnastique, du théâtre et profite pleinement de sa jeune existence. Nous avons déjà beaucoup parlé de sa maladie ensemble, parce qu’il en a besoin. Sa petite sœur, Julie, a passé un test de dépistage de la mucoviscidose, et parfois, il aimerait être comme elle. Il espère que les docteurs trouveront un jour un médicament qui pourra guérir la mucoviscidose pour ne plus jamais devoir retourner chez le kiné ! La maman de Xander, 10 ans

On adore tout ce que fait l’Association Muco pour ses membres Il y a cinq ans, lors de notre premier jour de vacances en Espagne, notre voiture de location fut cambriolée. La valise contenant l’aérosol de Kato et tous ses médicaments avait disparu. Nos vacances étaient gâchées avant même d’avoir commencé ... Mais c’était sans compter un petit coup de fil à l’Association, qui dès le lendemain, nous envoyait un aérosol de remplacement par courrier express, ce qui nous a permis de profiter de vacances bien méritées sous le soleil ! Merci encore et félicitations à l’Association Muco pour ses 50 printemps ! »

2006 – 2016

« On adore tout ce que fait l’Association Muco pour ses membres : organiser des séances d’info passionnantes, offrir une assistance psychosociale et financière, mettre les patients à l’honneur, récolter de l’argent ...

Johan, le papa de Kato, 7 ans

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Loes va de mieux en mieux et ça nous rend heureux ! Qu’est-ce qui a changé depuis cette journée de 2014 où Loes a été diagnostiquée ? Essentiellement les réactions venues de l’extérieur. Durant les premiers mois qui ont suivi, les gens n’osaient pas nous demander des nouvelles de notre fille, probablement par peur de la réponse. On le serait à moins ... Après des débuts assez lourds, aujourd’hui, Loes va de mieux en mieux et ça nous rend heureux. Le bébé fragile s’est transformé en une solide petite fille, qui transporte avec elle déjà toute « son » histoire, mais une petite qui sait ce qu’elle veut ! Les gens osent enfin nous demander comme va Loes et ça, c’est super ! Famille de Loes, 2 ans

Nous avons appris à ne pas trop nous préoccuper de l’avenir et à profiter de chaque jour ... « La première année de vie de Laura a vu se succéder les nombreuses hospitalisations, et ça a pesé sur notre famille. En tant que maman, je ne pouvais pas accepter d’avoir mis au monde un enfant malade, et mon mari ne parvenait pas à accepter la ‘maladie’ de sa fille. Pour la première fois, nous avions peur de perdre pied. Après quelques doutes, nous avons contacté le psychologue de l’UZ Gent. Exprimer nos pensées les plus profondes face à un ‘étranger’ ne faisait pas partie de notre nature, mais il était important pour Laura et nous de rester debout et de pouvoir faire face. Submergés par la peur et la tristesse, nos vies étaient comme suspendues, et progressivement, tout doucement, nous avons recommencé à vivre ensemble tous les trois.

2006 – 2016

Notre vie a changé de manière irrémédiable. Nous avons appris à ne pas nous projeter dans l’avenir et à profiter de chaque jour, de chaque instant. Notre vie est plus lourde que les autres, plus fragile aussi, mais c’est pourquoi elle est également beaucoup plus intense. Laura est aujourd’hui devenue une joyeuse petite fille de quatre ans, qui n’a plus été hospitalisée depuis trois ans maintenant, et qui profite pleinement de sa petite vie. Et nous sommes très fiers de notre courageuse petite fille ! Famille de Laura, 4 ans

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Elle était là, notre petite princesse, si vulnérable et si forte à la fois grand frère et l’admire beaucoup, ils sont véritablement inséparables. Elle aime aller à l’école et jouer avec ses petites copines. La danse est sa passion, et grâce au soutien de l’Association Muco, elle suit des cours dont elle profite à chaque instant. Elle a pu participer à son premier spectacle de danse il n’y a pas si longtemps.

«  La maladie est toujours présente. Les soins quotidiens de Julie nous prennent énormément de temps et d’énergie, mais nous nous y consacrons avec bonheur : Julie est une petite fille joyeuse et spontanée, pleine de vie. Elle est fière de son

À cinq ans, elle dansait dans la pénombre de la scène, j’en avais la chair de poule et les larmes aux yeux ... Elle était là, notre petite princesse, si vulnérable et si forte à la fois. Nous sommes super fiers d’elle et de tout ce qu’elle entreprend ! » Inge, la maman de Julie, 6 ans

Dire que tout ceci aurait pu être évité grâce à un test de dépistage néonatal ... pédiatre nous certifie que tout va rentrer dans l’ordre, mais après cinq mois de souffrance, Nao est en état de malnutrition sévère et nous rencontrons le professeur Maes, endocrinologue à Saint-Luc qui lui fait passer un test de la sueur. Le couperet tombe : Nao a la mucoviscidose  ! Ce diagnostic correspond pourtant à un nouveau départ pour lui. Et dire que tout ceci aurait pu être évité grâce à un test de dépistage à sa naissance ... Dès sa prise en charge par la formidable équipe du Professeur Lebecque de l’UCL, Nao s’est transformé: une véritable renaissance! Aujourd’hui, il a neuf ans, il est en super forme et n’a plus jamais été hospitalisé. Il est en troisième primaire, il travaille très bien, joue au tennis et n’est quasi jamais malade. Mis à part son traitement, il mène une

vie de petit garçon comme les autres. Nous essayons de rester très positifs et croyons en la recherche en faveur de laquelle nous organisons depuis huit ans la Foire de l’Art, un évènement qui a déjà rapporté plus de 100.000 euros à l’Association Muco. Patricia et Philippe, les parents de Nao, 9 ans

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2006 – 2016

Nao naît le 24 janvier 2007, c’est notre 3e enfant. Dès le début, les choses se compliquent. Notre fils subit une opération du Sténose du Pylore à 12 jours. Il ne tousse pas, mais il a beaucoup de difficulté pour les repas, il ne grossit pas et régurgite très régulièrement. Notre

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Cette petite puce nous donne une vraie leçon de vie ! Du haut de ses deux ans et demi, Elise est toujours souriante, pétillante, débordante d’énergie  ... Une manière de nous dire qu’elle a bien fait de se battre pour vivre et que malgré ses débuts difficiles, la vie

continue et vaut la peine d’être vécue ! Son joli sourire me donne chaque jour envie de me battre à ses côtés et de ne rien lâcher au niveau de son traitement. L’espoir que ma fille « guérisse » un jour me fait tenir le coup ! Consciente que seule la recherche scientifique représente cet espoir, nous suivons avec intérêt la moindre avancée médicale. Informations, études et avancées scientifiques nourrissent notre espoir de vaincre un jour cette fichue maladie et d’espérer un avenir grandiose pour Elise. Nous savons que le chemin est long, parsemé d’inquiétude, d’espoir, de tristesse et de joie, mais une chose est sûre, nous poursuivrons avec assiduité le traitement d’Elise et nos actions pour récolter les fonds nécessaires à la recherche. Jusqu’au jour où chercheurs, médecins et scientifiques nous prouveront que nous avions raison ! Céline, maman d’Elise, 2 ans

Maya est en pleine forme

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« Quand Maya est née, elle ne pesait que 2,650 kg. Elle n’a quasiment pas pris de poids durant son premier mois de vie. Le diagnostic précoce de mucoviscidose a permis de mettre en place le traitement adéquat. Et là, quel changement, en quelques jours à peine, la barre des 3 kg était franchie. Quel soulagement! Sept mois plus tard, Maya est en pleine forme et va même entrer bientôt à la crèche. Les soins ne sont pas toujours faciles, faire prendre un aérosol à un bébé, ce n’est pas simple. Notre petit ‘truc’ : la mettre dans une écharpe de portage. Bien blottie contre son papa ou sa maman, elle s’endort facilement et l’aérosol devient un jeu d’enfants. Petit plus: lui chanter une petite chanson, de préférence ‘Une souris verte’. Entre la gestion des repas, l’horaire de la sieste et le rendez-vous chez le kiné, pas le temps de s’ennuyer ! » La maman de Maya, 1 an

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50 ans d’actions: vous êtes tous formidables! Depuis la fondation de l’Association Muco, un grand nombre de personnes se sont investies avec enthousiasme et énergie afin de récolter de l’argent en faveur de la lutte contre la mucoviscidose, comme en atteste le photomontage ci-dessous. Cette sélection ne montre évidemment qu’une infime partie des actions organisées au profit de l’Association au cours des cinq dernières décennies. Aussi, nous profitons de l’occasion pour remercier de tout cœur toutes les personnes qui se sont dépensées corps et âme au service des personnes atteintes de mucoviscidose durant les 50 années qui viennent de s’écouler. Sans elles, l’Association n’aurait jamais pu réaliser un tel parcours !

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Un regard sur l’avenir

La recherche, nouveaux défis, nouvelles pistes ... La mucoviscidose est une maladie présente chez les individus qui ont hérité d’un gène muté de chacun de leurs parents. Ce gène code pour la protéine CFTR, présente dans la membrane des cellules, notamment des muqueuses respiratoires et digestives. Elle y agit comme un canal régulant le passage du chlore à travers les cellules. Lorsque le gène est muté, la protéine est absente ou elle fonctionne peu ou pas du tout, causant les symptômes habituels de la mucoviscidose.

La découverte il y a 27 ans du gène responsable de la mucoviscidose a fait naître l’espoir de trouver rapidement une cure de la maladie en remplaçant le gène défectueux par un autre intact. Mais au fil des ans, les essais de thérapie génique n’ont été que peu favorables. Un nouvel espoir en thérapie génique est né cette année avec une étude belge qui a obtenu des résultats encourageants en laboratoire. Longtemps négligée, la réparation de l’ARN est devenue une piste prometteuse. Si l’ARN est réparé, la protéine qu’il code le sera aussi et les symptômes seront par conséquent corrigés. De récentes études chez la souris indiquent que cette stratégie serait efficace et stable sur le long terme, tout en étant peu coûteuse. Des essais cliniques sur la mutation F508del avec un composé réparateur de l’ARN, le QR-010, sont en cours, notamment en Belgique. Une autre piste activement explorée consiste à viser spécifiquement le défaut de la protéine avec un traitement personnalisé. Près de 2.000 mutations du gène de la mucoviscidose ont été répertoriées et rangées en six classes, de I à VI, selon le défaut qu’elles causent dans la protéine CFTR. Chacune de ces classes appelle une thérapie protéique à la carte. Les meilleurs résultats à ce jour ont été obtenus avec des mutations de classe III. Une protéine de classe III fonctionne à bas débit. On doit recourir à des composés dits « potentialisateurs » pour augmenter son rendement. À ce titre, l’ivacaftor (Kalydeco) de Vertex impressionne : il améliore la fonction respiratoire, favorise un gain de poids, réduit les exacerbations respiratoires, et corrige presque les valeurs du test de la sueur. Il est approuvé pour les mutations G551D, G1349D, G551S, S1255P, S549R, G1244E, G178R, S1251N, S549N, et R117H. Moins de 10% des patients sont concernés. Les données manquent toujours quant à son efficacité et sa tolérance à long terme, ses effets chez l’enfant et ses interactions médicamenteuses. Autre problème : son coût élevé. La recherche d’autres potentialisateurs se poursuit.

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UN REGARD SUR l’AVENIR

2015 pour les patients de 12 ans et plus qui ont deux copies de la F508del. Actuellement, plusieurs firmes tentent d’élaborer des combinaisons plus efficaces de deux ou trois médicaments. La troisième mutation la plus fréquente, la G542X retrouvée chez 5% des patients belges, appartient à la classe I. Une protéine de classe I est tronquée ou absente, car un signal anormal arrête sa formation. L’ataluren de la firme PTC contourne ce signal et permet donc la formation complète de la protéine, mais avec des effets qui restent modestes et détectables exclusivement hors traitement TOBI. Des essais cliniques sont toujours en cours. Le sildénafil et le vardénafil, utilisés pour traiter les troubles de l’érection et l’hypertension artérielle pulmonaire, sont aussi porteurs d’espoir. Dans la mucoviscidose étudiée chez la souris, ils corrigent les mouvements du chlore à travers les muqueuses respiratoire et digestive. Le vardénafil agit plus longtemps et corrige le défaut de localisation des protéines F508del. En outre, ces médicaments possèdent un effet anti-inflammatoire, un atout de taille pour lutter contre une maladie dont les symptômes sont aggravés par les inflammations. Autre intérêt potentiel pour la qualité de vie des patients, ils pourraient améliorer la tolérance à l’effort et la capacité physique.

La mutation F508del, présente chez 80% des patients belges, fait partie de la classe II. Une protéine de classe II ne se replie pas correctement sur elle-même et est dégradée avant d’atteindre la membrane de la cellule. Le traitement est complexe : il doit combiner l’action d’un « correcteur », pour faciliter le transfert de la protéine et son ancrage à la membrane, avec celle d’un « potentialisateur ». Un composé supplémentaire peut également prolonger la fixation de la protéine dans la membrane. Malgré des effets modestes, l’Orkambi de Vertex a été approuvé en

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Une autre préoccupation majeure des chercheurs reste de quantifier avec précision l’efficacité de ces nouveaux traitements. C’est pourquoi de nouvelles versions du test de la sueur ont été élaborées aux USA et au Canada. Une équipe de l’UCL travaille quant à elle sur une version moins invasive de ces tests, sans injection intradermique. De son côté, la KUL participe au projet européen des organoïdes. Il s’agit de mini-intestins, obtenus à partir de biopsie rectale de patient ; mis en culture, ils peuvent être stockés et testés au besoin pour prédire la réponse du patient à de futurs traitements. Teresinha Leal, médecin chercheur à UCL


Postface

Notre association existe depuis 50 ans

© Geert De Weser

Il est temps de jeter un regard en arrière, afin de mesurer le chemin parcouru et de se tourner vers le futur, pour mieux en prendre la mesure. Ce petit voyage dans le passé suscite différents sentiments : du chagrin pour tous ceux qui nous ont quittés et de la reconnaissance pour toutes les personnes, soignants, bénévoles, membres de l’équipe et tant d’autres, qui ont œuvré au quotidien en faveur de nos patients et de leur famille. Aujourd’hui, nos espoirs se tournent vers le futur et les avancées de la recherche médicale en vue de la mise au point d’un médicament capable de guérir la maladie. Nous militons pour l’amélioration du statut social des personnes atteintes de mucoviscidose et une meilleure intégration de celles-ci dans le monde du travail. Et secrètement, j’espère que l’Association ne fêtera jamais ses 60 ans d’existence, pour cause d’obsolescence ... Au cours des 50 dernières années, la vie de nos patients et de leur famille a beaucoup changé. L’espérance de vie a évolué de manière spectaculaire grâce à la mise au point du diagnostic précoce, à une meilleure connaissance de la maladie, de meilleurs traitements et à la mise sur le marché de médicaments plus performants. Nous nous en félicitons puisque grâce à cette évolution, plus de la moitié des patients atteints de mucoviscidose en Belgique a actuellement plus de 18 ans. Mais cette évolution implique également une série de nouveaux défis, dont celui de savoir comment ces adultes pourront s’intégrer dans la vie sociale, économique et culturelle. Il est d’ailleurs frappant de constater combien ceux-ci réussissent à trouver leur place au sein de la société. Beaucoup de personnes « saines » pourraient prendre exemple sur eux. Nous poursuivons notre lutte contre la mucoviscidose, avec je l’espère, le soutien d’un grand nombre d’entre vous, parce que les personnes atteintes de mucoviscidose et le combat qu’elles mènent contre la maladie en valent la peine. Jan Vanleeuwe, Président de l’Association Muco

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COLOPHON

Colophon ÉDITEUR RESPONSABLE Association Muco asbl MISE EN PAGE Magelaan (www.magelaan.be) IMPRESSION Graphius Group NUMÉRO GRATUIT Ceux qui désirent faire connaître l’Association à leurs proches ou amis peuvent obtenir gratuitement des exemplaires du trimestriel.

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DONS

Banque Triodos : BE62 5230 8010 1261 Une attestation fiscale vous sera délivrée pour un don annuel total de 40 € et plus. HÉRITAGE Vous désirez poser un geste d’avenir qui contribuera à améliorer les conditions de vie des patients atteints de mucoviscidose ? Prenez contact avec nous ou avec votre notaire. FÊTES, ÉVÉNEMENTS FAMILIAUX Vous aimeriez proposer à vos amis d’effectuer un don en faveur de l’Association Muco lors d’une fête familiale ou d’une autre occasion ? Prenez contact avec notre Association. ADRESSE 12, avenue J. Borlé, 1160 Bruxelles 02 675 57 69 info@muco.be • www.muco.be CONSEIL D’ADMINISTRATION Président Docteur J. Vanleeuwe Vice-Président Joëlle Tilmant Administrateurs Thibault Baert, Pascal Borrey, Prof. Dr. J.J.Cassiman, Inge Craninckx, Céline De Sart, Dr. Elke De Wachter, Ann Lemmens, Caroline Maison, Stéphane Simal, Karen Vanderaa et Sandrine Wustefeld PHOTOS Merci aux familles et aux soignants qui ont partagé leurs photos.


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