Tout le monde se servait d’une même langue et des mêmes mots. Comme les hommes se déplaçaient à l’Orient, ils trouvèrent une vallée au pays de Shinéar et ils s’y établirent. Ils se dirent l’un à l’autre: « Allons! Faisons des briques et cuisons-les au feu! » La brique leur servit de pierre et le bitume leur servit de mortier. Ils dirent: « Allons! Bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet pénètre les cieux! Faisons-nous un nom et ne soyons pas dispersés sur toute la terre. ». Or Yahvé descendit pour voir la ville et la tour que les hommes avaient bâties. Et Yahvé dit: « Voici que tous font un seul peuple et parlent une seule langue, et tel est le début de leurs entreprises! Maintenant, aucun dessein ne sera irréalisable pour eux. Allons! Descendons! Et là, confondons leur langage pour qu’ils ne s’entendent plus les uns les autres. » Yahvé les dispersa de là sur toute la face de la terre et ils cessèrent de construire la ville. Aussi la nomma-t-on Babel, car c’est là que Yahvé confondit le langage de tous les habitants de la terre et c’est là qu’il les dispersa sur toute la face de la terre. autres. » Yahvé les dispersa de là sur toute la face de la terre et ils cessèrent de construire la ville. Aussi la nomma-t-on Babel,, car c’est là que Yahvé confondit le langage de tous les habitants de la terre et c’est là qu’il les dispersa sur toute la face de la terre // Bible de Jérusalem, Le Cerf, Paris, 1956 //
Babylone Valley Clusters : MODE d’emploi
Muriel Audouin
Et toute la terre était lèvre unique et paroles uniques. Et il arriva, dans leur déplacement à partir de l’Orient, qu’ils trouvèrent une plaine en la terre de Shinéar, et ils s’assirent là. Et ils dirent, chacun vers son compagnon: « Allons! Briquetons des briques et flambons-les à la flambée! » Et la brique fit pour eux pierre et le bitume fit pour eux mortier. Et ils dirent: « Allons! Bâtissons une cité et une tour : sa tête dans les cieux! Et faisons pour nous un nom pour ne pas être dispersés sur la face de toute la terre. » Et le seigneur descendit pour voir la cité et la tour qu’avaient bâties les fils d’Adam. Et le seigneur dit: « Voici, ils sont peuple unique et lèvre unique pour eux tous. Et voilà le commencement de ce qu’ils font. Maintenant, rien ne les retiendra de ce qu’ils décideront de faire. Allons! Descendons et embrouillons ici leurs lèvres que, chacun vers son compagnon, ils n’entendent pas leur lèvre ».Et le seigneur les dissémina à partir de là sur la face de toute la terre. Et ils cessèrent de bâtir la cité. C’est pourquoi on appela son nom « Porte de Dieu » (Babel) car c’est à cet endroit que le seigneur embrouilla la lèvre de toute la terre et à partir de cet endroit, le Seigneur les dissémina sur la face de toute la terre. // Traduction française d’Edmond Fleg Chant nouveau, Paris, 1946 // La terre entière se servait de la même langue et des mêmes mots. Or en se déplaçant vers l’Orient, les hommes découvrirent une plaine dans le pays de Shinéar et y habitèrent. Ils se dirent l’un à l’autre: « Allons! Moulons des briques et cuisons-les au four. » Les briques leur servirent de pierre et le bitume leur servi de mortier. « Allons! Dirent-ils, bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet touche le ciel. Faisons-nous un nom afin de ne pas être dispersés sur toute la surface de la terre. » Le SEIGNEUR descendit pour voir la ville et la tour que bâtissaient les fils d’Adam. « Eh, dit le SEIGNEUR, ils ne sont tous qu’un peuple et qu’une langue et c’est là leur première oeuvre! Maintenant, rien de ce qu’ils projetteront de faire ne leur sera inaccessible! Allons, descendons et brouillons ici leur langue, qu’ils ne s’entendent plus les uns les autres! » De là, le SEIGNEUR les dispersa sur
BABEL 2014
toute la surface de la terre et ils cessèrent de bâtir la ville. Aussi la nomma-t-on séminaire Paris/métropoles Babel car c’est là que le SEIGNEUR brouilla la langue de toute la terre, et c’est là que 2 le SEIGNEUR dispersa les hommes sur toute la surface de la terre. //
Traduction oecuménique
0 1 4 - 2 0 1 5
École d’architecture de la ville et des territoires à marne-la-vallée
INNOVATION
EDUCATION
RECHERCHE
INVESTISSEMENT
RISQUE
Ingrédients d’un cluster
« ils trouvèrent une vallée au pays de Shinéar et ils s’y établirent (...) Voici que tous font un seul peuple et parlent une seule langue, et tel est le début de leurs entreprises » extrait de l’Ancien testament Gn 11,1-9 Bible de Jérusalem, Le Cerf, Paris, 1956 (1ère édition)
Babylone Valley Clusters : Mode d’emploi
Muriel Audouin
1
Vous avez dit cluster ?
P.12
mettons nous d’accord propriétés économiques eT FONCTIONNEMENT
2 La silicon Valley Histoire et construction du mythe
P.26
mode de vie mode de ville Silicon Valley, Frankenstein californien ?
3
clusters vs. pôles de compétitivité
P.74
en france paris et le Grand Paris
table des matières
l’appellation «cluster» représente-t-elle un modele économique reproductible à travers le monde, ou est ce seulement un outil marketing ?
1
vous avez dit cluster ?
12
naissance d’un terme Théories (ref)
12 15
1.2 propriétés économiques et fonctionnement
18
18 22
La Silicon Valley
26
l’université de stanford la défense, une alliée de taille
33 34
2.1 histoire et construction d’un mythe
12
1.1 Les points sur les i
comportement économique réalités
2
8
33
2.2 Mode de vie
37
culture californienne et réseau ecosystème et cycles de l’entrepreneuriat évolution d’un projet une capacite d’adaptation collective
37 42 54 55
2.3 mode de ville
58
effet souk la fuite vers San francisco l’evolution urbaine d’un modèle economique
2.4 la Silicon valley, frankenstein californien ?
67
des projets au delà des frontières 1984, une prophétie qui se réalise ?
3
clusters vs pôle de compétitivité
3.1 en france
l’exemple de Sophia Antipolis
3.2 paris et le grand paris
Système de l’entreprenariat parisien Rhizome vs clusters : le Plateau de Saclay Quel avenir pour les pôles de compétitivité du Grand Paris ?
Clusters ou pôle de compétitivité, un abus de language qui traduit d’une volonté de séduction
remerciements Références bibliographiques Annexes
58 62 65 67 69
74 74
78
86
86 93 97
100 104 105 109
un mot valise, un mot marketing ? illustration Muriel Audouin
6
INTRODUCTION « Voici que tous font un seul peuple et parlent une seule langue, et tel est le début de leurs entreprises! Maintenant, aucun dessein ne sera irréalisable pour eux » Bible de Jérusalem, Le Cerf, Paris, 1956
A la recherche d’un modèle à reproduire La crise économique s’est installée depuis plusieurs années déjà, et nombreux sont les économistes qui se sont risqués à trouver des alternatives aux modèles économiques en vigueur. Si « l’union fait la force », selon le dicton populaire, elle ne semble pas, à elle seule, à même de résoudre la crise. Elle permet, en revanche, de dessiner des perspectives crédibles, en favorisant une mise en commun des ressources et/ou des compétences sous diverses formes : technopôles, clusters, pôles de compétitivité. Les médias nous perdent dans leur jargon technocratique, vantant le succès de ces modèles et de leur réussite, en se référant naïvement à l’iconique Silicon Valley de Californie. Quelle est la réalité de ces différents termes et l’appellation « cluster » résulte-t-elle d’un effet de mode, s’agit-il d’une sorte de « label » sous-tendant le succès de la recette ? Qu’est ce qu’un « cluster » ? Ce terme est né dans les années 60, inventé par les époux Smithson pour désigner un ensemble d’éléments conjugués dans une nouvelle façon de penser la ville et de l’habiter. Il fût ensuite détourné par l’Economie pour désigner aujourd’hui «un groupe d’entreprises et d’institutions partageant un même domaine de compétences, proches 7
Carte des 71 pôles de compétitivité français (mise à jour octobre 2014) Pour en savoir plus sur chaque pôle de compétitivité : www.competitivite.gouv.fr
Pôles de compétitivité français d’après compet.gouv.fr
géographiquement, reliées entre elles et complémentaires» (définition Daniel Porter, 1999). Dans le langage courant, cet écosystème particulier est sensé développer suffisamment de puissance pour lui permettre de faire face aux aléas du marché et aux cycles économiques. Présenté de cette façon, ce nouveau modèle économique semble être le parfait outil pour relancer l’innovation, l’économie, et la croissance de certains domaines en les propulsant sur le devant de la scène mondiale. En France, les clusters français les plus performants ont fait, depuis plusieurs années, l’objet d’une labellisation « pôle de compétitivité » et d’aides de l’Etat. Les « clusters » sont composés pour l’essentiel de « startups », ces entreprises d’un nouveau genre à l’origine de leur essor, acteurs-phare de la nouvelle économie fondée pour l’essentiel sur le numérique. Elles envahissent le marché et sont présentes sur tous les continents. Menées bien souvent par de jeunes diplômés ambitieux et débordant d’idées et concepts innovants, elles constituent une structure d’entreprises adaptée aux nouveaux rythmes de l’économie. Avec un coût de développement moindre, elles s’adaptent au client, à la bourse et aux investisseurs, et profitent, en particulier, dans la Silicon Valley d’une croissance exponentielle. On voit dorénavant ce modèle s’exporter en France, et être la cible des grands groupes. Leur croissance génère aussi de nouveaux types de structures, tels que les incubateurs, les accélérateurs, etc… et tous participent au fonctionnement cyclique de cette nouvelle économie. Lorsqu’on regarde de l’autre côté de l’Atlantique, il semblerait que nos voisins américains aient tout compris. Pourq¬¬uoi ne pas s’en inspirer en recréant en France la Valley pour profiter de la recette du succès ? Ne la désigne-t-on pas comme « the valley of heart’s desire » ? L’histoire et l’écosystème qui se développe au Sud de San Francisco, nous apprennent que la Silicon Valley s’est rendue maitresse du domaine high-tech par le développement de transistors constitués à base de Silicium domaine constituant un marché mondial gigantesque, puisqu’à l’heure où la prophétie de Georges Orwells prend vie, un homme sur cinq possède un Smartphone.
carte des clusters du grand paris d’après l’atelier du grand Paris
8
Une telle machine à innover peut-elle s’appliquer à d’autres domaines ? Ce qui marche outre-Atlantique pourrait-il
s’appliquer à la France ? Le Grand Paris, une démarche qui vise à insuffler à tout son territoire un souffle de vie nouveau et dynamique, prévoit la création de clusters autour de la capitale afin de redynamiser des zones laissées à l’abandon. C’est le cas du plateau de Saclay, du « cluster de la création » en Seine Saint Denis, ou même des « clusters éducatifs » tels que le campus Descartes, ou encore le « cluster santé » à Evry Villejuif. On peut se demander si l’attribution de ce label ne se résume pas à qualifier certaines zones, comme porteuses de fortes potentialités de développement économique et d’innovation. Pourquoi ne pas les avoir dénommées, à l’instar de Saclay, « pôles de compétitivité du Grand Paris » ? Est-il possible de créer ex-nihilo une structure capable d’accueillir autant d’acteurs chargés d’assurer l’innovation de demain dans ces domaines précis ? Et garantir son succès ?
9
CLUSTERS
MUSIQUE =
En musique, un cluster, ou grappe de sons voisins, est un agrégat de notes espacées d'un intervalle de seconde. En sonorisation, un cluster est un groupe d'enceintes suspendu au-dessus du public pour projeter le son au plus loin.
URBANISME =
En urbanisme, un cluster est une unité urbaine, un bloc urbain dont les activités sont homogènes, par exemple un Central business district (CBD) tel que La Défense à Paris est un cluster. En économie, un cluster est un regroupement, généralement sur un bassin d'emploi, d'entreprises du même secteur
champs d ‘application illustration Muriel Audouin
10
INFORMATIQUE = En réseau et système, un cluster est une grappe de serveurs (ou « ferme de calcul ») constituée de deux serveurs au minimum (appelés aussi nœuds) et partageant une baie de disques commune. Un cluster est le terme anglais pour désigner un bloc (disque dur), la plus petite unité de stockage d'un système de fichiers (utilisé sur une partition d'un disque dur) d'un système informatique. En calcul distribué, le cluster est un système informatique composé d'unités de calcul (micro-processeurs, cœurs, unités centrales) autonomes qui sont reliées entre elles à l'aide d'un réseau de communication.
SCIENCE =
En physique / chimie, un cluster correspond à de petits agrégats d'une dizaine à une centaine d'atomes dotés de propriétés particulières (il peut s'agir par exemple d'excellents catalyseurs) absentes à la fois des matériaux massifs et de leurs constituants atomiques En astronomie, un cluster est le terme anglais parfois utilisé pour désigner un amas stellaire. En génétique, un cluster de gènes est un ensemble de gènes appartenant à la même famille, groupés les uns derrière les autres au niveau d'une même région chromosomique. En analyse des données, l'analyse de partitionnement de données (ou cluster en anglais) permet de classer des groupes/documents en fonction de leur contenu. En médecine, un cluster de cancer est une occurrence de cancers plus élevée que la normale au sein d'une population donnée, dans une aire géographique déterminée ou sur une période de temps donnée.
Vous avez dit clusters ? «Et tel est le début de leur entreprise» Bible de Jérusalem, Le Cerf, Paris, 1956
Les points sur les « i » Naissance d’un terme « Cluster » est un terme américain, inventé par les époux Smithson pour le CIAM (Congrès International d’Architecture Moderne) de Dubrovnik en 1956. Au fil des années, sa signification a évolué et s’est appliqué à différents domaines. Ce terme générique désigne l’agglomération de différents éléments. Ainsi, en astronomie, un amas stellaire, en médecine, une occurrence plus élevée de cancers au sein d’une population donnée, en musique une grappe de sons voisins, en physique un agrégat d’atomes. Appliqué à l’urbanisme, une unité urbaine dont les activités sont homogènes, à l’économie, un regroupement d’entreprises du même secteur. Toutes ces définitions ont en commun qu’elles désignent un groupement d’éléments. Dans ce mémoire, nous nous intéresserons essentiellement à la structure économique et urbanistique induites par le cluster, et nous nous attacherons à en comprendre au mieux le fonctionnement. Sur un territoire donné, un « Cluster » est défini par de nombreux critères. Tout d’abord par la géographie, car pour que les différents éléments/acteurs interagissent les uns avec les autres, il faut qu’ils se trouvent sur la même zone. Il désigne plusieurs entités, indépendantes les unes des autres, qui pourtant concourent conjointement à créer un ensemble plus puissant. 11
Au cours du XIXème siècle, les économistes ont commencé à comprendre l’intérêt qu’il pouvait y avoir à créer un conglomérat d’entreprises et industries du même secteur, on observe alors une spécialisation du territoire. Certaines par besoin pour se rapprocher des matières premières nécessaires à leur industrie, d’autres par stratégie. Si on choisit la vision d’un « Cluster » impliquant simplement le regroupement géographique de plusieurs entreprises, nous pouvons alors établir que les « Clusters » existent depuis toujours, même s’ils n’ont été théorisés qu’à partir du XXème siècle par quelques économistes de renom. D’abord appliqué au champ de l’industrie, l’économiste Alfred Marshall conceptualisa, à la fin du XXème siècle, les bénéfices de la concentration d’entreprises sur un territoire géographique donné. Sa théorie repose sur le fait que ces collectifs industriels relèvent du bon sens économique, dès lors qu’en se rapprochant les uns des autres, certaines données des entreprises deviennent des composants élémentaires de l’atmosphère du territoire ou du district. Il est le premier à avoir mis en exergue « ce petit quelque chose dans l’air » que chacun essayera par la suite de décomposer. On peut citer comme premier exemple industriel, la répartition des ateliers de textile dans l’Italie du Nord, et l’organisation du travail qui y régnait. Pour l’économiste Giacomo Becattini, le « cluster » n’existe que si le mode d’organisation des districts industriels repose sur une division du travail entre plusieurs entreprises spécialisées et si les aspects économiques sont liés à l’appartenance d’une communauté locale marquée par une histoire, des valeurs et une vision commune. Le « cluster » ne peut donc être crée de toute pièce par une partie extérieure au contexte, et tous les acteurs doivent être liés par une même culture. Cette vision, quelque peu dépassée peut être, contredit l’idée d’un « cluster » babélien, source de diversité et de mixité venant enrichir la complexité de l’ensemble. Elle ne s’applique qu’aux modes de travail industriels, pensés et mis en place afin d’augmenter la productivité des ouvriers et l’efficacité du système économique. De nos jours, on considère cette définition comme incomplète puisqu’elle exclue un facteur primordial : la réflexion et l’innovation technique d’un produit donné. Limites du «cluster» Schéma : Muriel Audouin
12
Nous l’avons compris, chaque définition du « cluster » est
intimement liée à une époque et à une région, constituant ainsi un mot « valise » flou et controversé. Certaines questions demeurent en suspens : celles de ses limites géographiques (échelle spatiale du transfert de connaissance, densité géographique), industrielles (niveau de spécialisation requis pour définir un « cluster », typologie des acteurs impliqués et des activités, masse critique d’acteurs) ou même comment qualifier et quantifier les liens entre acteurs (niveau d’intensité, niveau de coopération et de compétition). On admettra que chaque « cluster » est différent, qu’il dépend étroitement de son environnement et de ses modes de financement.
PÉPINIÈRE D’ENTREPRISES = structure destinée à faciliter la création d'entreprises en apportant un soutien technique et financier, des conseils et des services
BULLE = lieu protégé des éléments extérieurs
GRAPPE INDUSTRIELLE =
PÔLE DE COMPÉTITIVITÉ =
rassemblent, sur une même zone géographique et dans une branche d'activité spécifique, une masse critique de ressources et de compétences procurant à cette zone une position-clé dans la compétition économique mondiale.
MICROCOSME
Les grappes couvrent un ensemble d’industries liées et d’autres entités importantes pour la compétitivité
=
Image réduite du monde et de la société. L'homme en tant qu'il est en relation d'analogie avec l'univers extérieur, ou « macrocosme »
CLUSTER
PRES = pôle de recherche et d’enseigenement supérieur
ECOSYSTEME = Système formé par un environnement et par l'ensemble des espèces qui y vivent, s'y nourrissent et s'y reproduisent
TECHNOPÔLE =
site (ville) specialement aménagé pour accueillir des entreprises et institutions pour favoriser les hautes technologie, la création, l’économie, l’enseignement et la recherche dans un domaine
TECHNOCRATIE
= Système politique ou économique dans lequel les experts, techniciens et fonctionnaires supplantent, en fait ou en droit, les responsables politiques dans la prise des décisions
TECHNOLOGIE =
Étude des outils, des machines, des procédés et des méthodes employés dans les diverses branches de l'industrie. Ensemble cohérent de savoirs et de pratiques dans un certain domaine technique, fondé sur des principes scientifiques.
PÔLE DE TECHNOLOGIE =
groupements d'organisations de recherche et d'affaires qui s'attachent au développement scientifique en englobant un processus allant de l'étape du laboratoire jusqu'à celle de la fabrication du produit
Vocabulaire
Schéma : Muriel Audouin
13
Modèle du Diamant de Michael Porter
Illustration Muriel Audouin, d’après M. Porte «Choix stratégique et concurrence»
Théories (ref ) « La valeur d’un cluster réside ainsi souvent dans les synergies qui se créent grâce aux réseaux et aux relations personnelles entre les acteurs. Elles constituent réellement un actif à la fois intangible et spécifique au cluster donc intransférable. [...] La propension individuelle à coopérer et à se coordonner est, comme la confiance, le produit d’un background commun aux individus qui interagissent : histoire ou culture commune. Dans cette perspective, la confiance est un produit de l’enracinement des relations économiques quotidiennes dans le champ plus large des institutions sociales et politiques, des normes et des règles tacites dont dépend la reproduction de la collectivité. Cette confiance est déterminante pour le bon fonctionnement d’un cluster et son efficacité économique » Alain Marciano, professeur à l’université de Reims, département sciences 14
économiques et de gestion (2005). C’est l’économiste Daniel Porter qui fera l’unanimité sur le terme de « cluster » en en proposant une définition applicable aux phénomènes économiques contemporains. Le modèle du « diamant de Porter », décrit en effet, l’environnement économique des « clusters », dans lequel les entreprises, les pouvoirs publics, la communauté scientifique et les institutions financières collaborent avec l’appui d’organismes représentatifs comme les chambres de commerce et les associations industrielles. Il est donc le premier à induire un système d’acteurs définit, et précédemment observé dans la création de la Silicon Valley, par exemple. Ce modèle tend à démontrer comment une entreprise peut obtenir un avantage compétitif en maitrisant les forces qui structurent son environnement et ses concurrents. L’environnement concurrentiel de Porter se présente dans une série de forces identifiées : - L’intensité de la rivalité entre les concurrents. - Le pouvoir de négociation des clients. - Le pouvoir de négociation des fournisseurs. - La menace d’entrants potentiels sur le marché. - La menace des produits de substitution et l’influence des pouvoirs publics. - Les compléments. Le cluster possède un avantage concurrentiel déterminant car il développe et intensifie les interactions entre quatre facteurs complémentaires qui constituent l’avantage compétitif régional : - Les ressources (« factor conditions »), qui incluent les facteurs de production utilisés par les entreprises du « cluster » : la main d’œuvre (scientifique et technique), le capital, les infrastructures, les ressources naturelles. - L’environnement politique, législatif et économique (« context for firm, strategy and rivalry ») qui doit être sain et stable, encourager l’investissement, l’innovation et la concurrence. - Un marché local de qualité, et en quantité suffisante (« demand conditions ») : des consommateurs connaisseurs, exigeants pour les produits du cluster, permettant d’anticiper les demandes extérieures, et poussant les entreprises à toujours plus d’innovation et de qualité. 15
Différents types de «clusters»
Illustration Muriel Audouin
- Un tissu local riche de fournisseurs et d’industries connexes ou d’assistance (« related and supporting industries »). La proximité et les liens, qu’ils soient verticaux (liens clients-fournisseurs, par exemple) ou horizontaux (produits et services complémentaires, utilisations de ressources, de technologies semblables) impliquent des relations sociales qui bénéficient aux entreprises concernées. Aussi le « cluster » peut-il se comprendre comme « une forme de réseau qui se produit dans une localisation donnée, où la proximité d’entreprises et d’institutions assure certains éléments communs et améliore la fréquence et l’impact des 16
interactions »; autrement dit, comme une forme d’organisation en réseau du territoire, mettant l’accent sur des liens dans un lieu donné. Cette définition s’applique à chaque échelle économique, aussi bien à l’entreprise en elle même qu’au « cluster », et par extrapolation aux nations. Ces dernières ont, elles aussi, fait l’objet de l’adaptation à cette théorie afin d’arriver en tête dans la course mondiale de la croissance. Propriétés économiques et fonctionnement Comportement économique (réf Raphael Suire)
TECHNOPO LE
ERS UST CL PÉPINIÈRE D’E
PÉPIN IÈR
ERS UST CL PÉPINIÈRE D’E RISES REP NT PÉP I
TREPRISES EN D’
INCUBATEURS START UP INVESTISSEURS ENTREPRENEURS
imbrication d’institutions Schéma : Muriel Audouin
INCUBATEURS START UP INVESTISSEURS ENTREPRENEURS
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INCUBATEURS START UP INVESTISSEURS ENTREPRENEURS
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INCUBATEURS START UP INVESTISSEURS ENTREPRENEURS
Pour l’enseignant-chercheur Raphael Suire, les « clusters » résilients, c’est à dire ceux capables de résister aux chocs externes de l’économie, sont ceux à même de se réorienter vers de nouveaux champs technologiques. La Silicon Valley, grand modèle des « clusters » s’oriente de plus en plus vers les technologies vertes et l’énergie solaire, se transformant petit à petit en Solar Valley. L’étude menée par cette équipe cherche à comprendre les forces intrinsèques des cycles et de la résilience des « clusters » en mettant en lumière les mécanismes menant à certains scénarii de leur trajectoire. La clef semblerait résider dans leur capacité à se déconnecter du cycle de technologies qu’ils produisent sur le marché, de façon à maintenir la croissance et la stabilité. La trajectoire des « clusters » résulte davantage d’une relation complexe entre des micro-comportements et des macrostructures plutôt que des conséquences mécaniques des cycles industriels. Trois paramètres sont déterminants dans le cycle des « clusters » : les externalités liées à la localisation, les cycles et phases des technologies composites, et les propriétés structurelles de la connaissance des réseaux. • les externalités liées à la localisation Les marchés technologiques sont davantage concernés par des cycles de vie courts et des changements rapides. Les externalités liées à la localisation d’un « cluster » sont très importantes. Ainsi si Microsoft, un des leaders des marchés de l’informatique, basé à Seattle (État de Washington), ne s’était pas également 17
test de marché beta
ies are antibodies antigens (heterophile
début du marché
gouffre
marché de masse
Les effets de réseau p r é v a l e n t . Formation de ponts géographique
ce des individus à du même genre.
cluster dominant : orme mondiale. Coïncidence entre les cycles de clusters et de la technologie. Le cluster remporte la «bataille des normes», mais forte assortativité locale
les effets de réseaux prévalent et les connaissances sont homophiles
les effets du public exterieur et de la réputation prévalent et les connaissances sont homophiles
cluster dominé : typique de la région, le manque d'exploitation mondiale. Aucune pont géographique. Cycle plus court que les clusters dominants Les effets de réseau prévalent. Aucune formation de ponts géographique clusters déclinant
Le réseau et l’audience externe coexistent. La périphérie reste à l’écart
les effets du public exterieur prévalent et les connaissances sont hétérophiles
les effets du public exterieur coexistant et les connaissances sont hétérophiles réseau et les effets de l'auditoire externes coexistent. Connaissances hétérogènes, périphérie connectée et ponts géographiques
Comportement d’un cluster en fonction de son environnement schéma réalisé à partir du livre de Raphael Suire
18
Cluster dominant : La structure de base de l'exploitation des connaissances, la variété intersectorielle. les noyaux élevés se lient avec des noyaux élevé localement. Coïncidence entre les cycles de munitions et de la technologie Cluster résiliant : cluster dominant et propriété de rélilience. Mélange de motifs noyau/périphérie, les noyaux élevés se lient avec des noyaux de plus bas niveaux et variété relative. Le cluster dispose de plus de stabilité que la technologie
implantée dans la Silicon Valley, cela aurait pu nuire à son image car pouvant être interprété comme un désintérêt de l’entreprise pour ce qui se passait dans la Valley. En s’y installant, l’entreprise joue gagnant-gagnant en profitant du rayonnement de la zone en terme de réputation et réciproquement. A l’effet « label » que nous tentons d’expliciter, s’ajoute un effet de « mode » : s’implanter dans un endroit « à la mode » peut être déterminant. Lorsque le processus de localisation est gouverné par des effet d’audience externe, un « cluster » peut croitre rapidement, spécialement lorsqu’une ou plusieurs entités sont perçues de l’extérieur comme les entreprises leader d’un secteur donné. Un tel processus a pour effet induit de rendre ce territoire attractif (« fashionable »), effet renforcé par les médias, les organisations professionnelles, politiques … Malheureusement de tels sites ne sont pas toujours accessibles, et les résultats, notamment en France, ne sont pas toujours en adéquation avec les intentions des collectivités locales, pour des problèmes de trafic, de réseaux et de terrain. La recherche d’une légitimité en se trouvant au bon endroit peut engendrer un fort degré de spécialisation et un potentiel de développement technologique élevé. Pour autant, une structure trop homogène et un manque de variété peuvent freiner l’ouverture de nouvelles combinaisons de connaissances et empêcher les clusters de se déconnecter du cycle d’un produit, à l’exemple du Silicon Sentier à Paris. Les externalités positives du lieu choisi peuvent aussi être issues d’une université réputée, d’infrastructures et services modernes, d’une élite locale et nationale, et d’un mode de vie correspondant aux attentes d’une force de travail créative. Dans la formation d’un « cluster », les premières grappes posent les bases et appliquent une attraction sur les suivantes qui viennent se greffer sur la structure d’ensemble. • les cycles et phases de technologies composites. Le chevauchement potentiel des domaines de connaissances résulte davantage d’une composition et d’une transversalité que d’une simple coexistence fortuite. Dans la Silicon Valley, le développement d’Internet s’est fortement fondé sur l’industrie des logiciels et des ordinateurs, même si l’effet a été bénéfique dans les deux sens. Une fois la phase de recherche aboutie, le produit arrivé à maturité, les incertitudes du marché et du 19
business diminuent et les ressources sont concentrées vers l’exploitation du produit. L’interaction entre la nature évolutive de la demande des consommateurs, de la démographie changeante de l’industrie et les phases successives des produits technologiques met en lumière les liens entre la dynamique du « cluster » et celle de l’industrie. La composition technologique requiert un haut degré de coopération. Il apparaît donc clairement que l’efficacité des « clusters » repose essentiellement sur une organisation structurelle basée sur le réseau. Cette organisation s’enrichit aussi bien de la structure des relations entre les différents acteurs (chercheurs, ingénieurs, manageurs et investisseurs), que des accords de recherche et production entre les différentes organisations assurant la promotion de la connaissance et de la recherche publique aux petites et grandes entreprises (exemple Sophia Antipolis, comme on le verra plus loin). En ce qui concerne les décisions de localisation, des partenariats du savoir peuvent être expliqués par des réseaux implicites d’alliance. • les propriétés structurelles de la connaissance des réseaux Le succès des « clusters » dépend davantage de la façon dont leurs propriétés structurelles composent les processus de connaissance et les complémentarités interentreprises entre organisations hétérogènes, que sur leur degré de densité relationnelle. En d’autres termes, l’efficacité ne se mesure pas au nombre des acteurs mais à leur complémentarité. Il repose également sur la manière dont ces propriétés structurelles évoluent au long du processus de co-implantation et du cycle de vie des produits. James S. Coleman (sociologue et auteur de l’ouvrage Foundation of social theory, Cambridge, Harvard Business School Press, 1990) suggère que les ressources que les acteurs tirent du réseau influencent considérablement l’action individuelle et expliquent le comportement collectif. Cette proximité donne lieu à des comportements bienveillants et favorise une équivalence structurelle des agents. Des liens abondants et une fermeture adéquate (limitant les risques d’opportunisme) du réseau sont la marque d’une structure cohérente des relations qui suscitent la confiance, la diffusion de l’information, les effets de conformité et l’émergence de comportements normatifs. Enfin les auteurs s’accordent à dire que les « clusters » qui réussissent 20
sont à la fois : - ceux qui parviennent à la construction et au mélange des chaînes locales et mondiales afin de gérer l’accès des connaissances à différentes échelles géographiques ; mais aussi ceux qui, en s’appuyant sur des partenariats stratégiques mondiaux, et grâce à leur organisation interne des flux de connaissances, ont su transformer de nouvelles idées en design dominants et standards technologiques. Les « clusters » sont des réseaux faisant eux même partie d’un système de chaines de relations dédiées à l’exploration du savoir. Réalités Quelque soit la définition donnée du « cluster » à travers diverses sources et références, il apparaît toujours comme un organisme vivant, doté d’un comportement et d’une capacité d’adaptation. Cet écosystème est composé de nombreuses cellules, chacune capable de réfléchir et d’agir seule, l’ensemble forme un tout qui fait sa force. A l’heure où chaque homme politique cherche à valoriser son territoire et à en redynamiser l’économie, le « cluster » est devenu un outil à la mode. Chacun s’imagine donc pouvoir recréer la « Silicon Valley » à sa porte. Nous avons vu que ce phénomène n’est pas spontané. Outre le rendu très approximatif qu’en font les médias, et l’approche trop politique des élus sur ce concept, le manque de précision théorique et ses difficultés d’applicabilité nous conduisent à nous interroger sur la pertinence de ce modèle. Faut il encore croire au « cluster » ? Ce modèle a-t-il encore une raison d’être ? Les territoires ne méritent-ils pas mieux qu’un simple copier-coller ? Le terme cluster est devenu une marque, créant des débouchés certains et attirants les entreprises comme des mouches, avides d’innovation et de développement. On peut à ce jour citer autant d’exemples de réussites que d’échecs, dans la volonté de ces grappes à devenir un modèle de référence dans un domaine donné. La validité du concept est-elle suffisante pour que le monde économique fasse d’une approche « cluster » la clé de leur stratégie de développement ? Certains théoriciens disent très clairement non au zoning et à l’ultra spécialisation. Jane Jacobs, sociologue et urbaniste, revendique le « besoin de toutes les formes de diversités 21
possibles, entremêlées de façon à se compléter les unes les autres ». Il faut de tout pour faire un monde. Mais cette concentration des activités doit être mesurée à l’aune des effets de congestion associés, du trafic en cas d’infrastructures insuffisantes, susceptibles de générer retards et stress nuisant à la productivité des entreprises (cas de Londres) ou de coûts pour les entreprises comme la hausse des prix fonciers et immobiliers (cas de la Silicon Valley).
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2. La Silicon Valley «Ils trouvèrent une vallée au Pays de Shinéar, et ils s’y établirent» Bible de Jérusalem, Le Cerf, Paris, 1956
Entreprises de l’industrie hightech : 11 200 ; Employés de l’industrie high tech : 343 000 ; Employés de l’ensemble de la Silicon Valley : 1 300 000 ; Origines des employés de la Silicon Valley : 35 % non américains Investissements de capital risque dans la Silicon Valley : 8,5 milliards de dollars Sociétés d’investissements de capitalrisque : +400.
Silicon Valley, un nom qui résonne et que chacun connaît. Ce nom est composé du mot silicon, traduction anglaise de silicium (matériaux de base des composants électroniques utilisés dans l’informatique et les nouvelles technologies) et valley, de Santa Clara Valley, lieu où le concept a pris racine. La Silicon Valley est considéré comme LE modèle en terme de « cluster ». Dans la prochaine partie de ce mémoire, nous nous efforcerons de mettre en lumière les mécanismes qui régissent le fonctionnement de cette vallée si particulière et si jalousée. La Californie a toujours été associée à l’entreprenariat. Depuis la découverte de l’Amérique, ce territoire de l’est a toujours captivé, d’abord par son mystère lors de la découverte par les pionniers du grand ouest, puis avec la ruée vers l’or au XIXème siècle. Ce territoire a toujours su attirer ceux qui voulaient aller plus loin, réussir, devenir plus riches… Le développement de la Silicon Valley ne fait que s’inscrire dans cette continuité. Depuis la construction de la première ligne de chemin de fer transcontinentale en 1869, initiée par quatre entrepreneurs – dont Lelan Stanford, père de la Silicon Valley - ce territoire n’a eu de cesse d’attirer les populations et les ambitions de chacun.
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Une corrélation d’éléments qui expliquent l’histoire de la Valley Illustration Muriel Audouin
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lĂŠgende lĂŠgende
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Sacramento
Sacramento
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Stanford San Jose
San Jose 1899 La ligne de train construite en 1869 pour la découverte de l’Ouest et la ruée vers l’or va jusqu’a Sacramento. Le projet est mené par quatre entrepreneurs, dont Lelan Stanford.
1915 San Francisco se développe en face de Oakland.
Sacramento
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1991 La conurbation entre San Francisco et San José est complète. Le portours de la baie devient assez dense et seules quelques terres agricoles survivent dans le creux de la baie
Constuction et progression de la Valley
Illustration Muriel Audouin, d’après les cartes historiques de l’université de Stanford
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Stanford San Jose
San Jose 1946 Le passage d’une rive à l’autre de la Baie est désormais possible grâce à la construction du San MAtoe Hayward Bridge (1929) , du Oakland Bay Bridge (1936) et du Golden Gate Bridge (1937). La construction de l’autoroute Bayshore Freeway (route 101) entre San Francisco et San Jose débute.
1968 La vallée connait un développement exponentiel, beaucoup d’entreprises s’installent et des poches d’habitations se crées le long des deux autoroutes. Sacramento
San Francisco
2014 Les startup ont envahis la vallée et se dirigent maintenant à la conquête de San Francisco La Silicon Valley s’exporte et s’associe avec d’autres clusters (ex. Bengalore pour les call center).
Oakland
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Constuction et progression de la Valley
Illustration Muriel Audouin, d’après les cartes historiques de l’université de Stanford
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Une influence qui dĂŠpasse les limites administratives Illustration Muriel Audouin
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Morphologie de la Valley Illustration Muriel Audouin
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2.1 Histoire et construction d’un mythe Université de Stanford En 1876, l’ancien gouverneur de Californie, Leland Stanford, achète 283 hectares de Rancho San Francisquito afin d’y construire une ferme qui se développera dans le fond de la Vallée et deviendra ensuite la fameuse Palo Alto Stock Farm. L’entreprise grandit et s’étend bientôt sur plus de 3240 hectares. Elle contribue au développement d’un pôle villageois qui prend le nom de Palo Alto. Après le décès de leur enfant, Leland et Jane Stanford consacrent leur argent au futur de cette génération, faisant de tous les enfants de Californie leurs propres enfants. Ils décident d’y fonder une université et un musée. L’université devait répondre à trois grands principes très modernes pour l’époque : mixte, laïque (là où la plupart était d’origine religieuse), et doté d’un sens pratique afin de former des citoyens « utiles et cultivés ». Stanford University ouvre ses portes en 1891 après six ans de planification urbaine et de travaux. La première promotion
Plan Historique Olmted
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compte 555 étudiants, hommes et femmes. En 1906, le terrible tremblement de terre de San Francisco détruit quelques bâtiments, dont certains sont alors reconstruits à l’identique. Cette recomposition atteste de la vitalité et de l’esprit entrepreneurial qui anime Stanford, riche d’une capacité à surmonter les obstacles de toutes sortes. L’architecte paysagiste Frederick Law Olmsted se voit confier le soin de dessiner le plan du campus de l’université. Basé sur une symétrie développée autour d’un axe est-ouest, l’université s’efforce depuis de longues années, et malgré un développement croissant, de respecter ses dessins d’origine. Dans la première décennie du XXème siècle, Stanford ouvre des départements de médecine, commerce, ingénierie, et droit. En 1934, l’association « Stanford Associates » est créée afin de récolter des fonds pour assurer le développement des programmes éducatifs et des équipements. Depuis cette époque, les étudiants de Stanford ont toujours joué un rôle très important dans l’expansion et l’amélioration de leur université. La Défense, un allié de taille Dans les années 30, Frederick Terman devient directeur du département des sciences électroniques de Stanford. C’est là qu’il se fait recruter par le Pentagone durant la Seconde Guerre Mondiale pour conduire le département de recherche de Harvard, avec pour mission de développer des radars aéronautiques capables de percer les défenses antiaériennes allemandes. Les relations de l’armée et de l’université vont en être profondément modifiées. Avant la 2nde guerre mondiale, la recherche et développement de l’armée étaient effectués par des laboratoires militaires. Pendant la guerre, il fallut impliquer directement les universités dans l’effort de guerre, en laissant les professeurs en place : 450 millions $ furent investis
s de la NASA
militaires de l’US Army
militaires de l’US Navy
militaires de l’US Air Force
Washington D.C Le Pentagone
Washington D.C Darpa Le Pentagone Darpa Silicon Valley
Silicon Valley Cap Canaveral
Cap Canaveral
Centres de la NASA Bases militaires de l’US Army Bases militaires de l’US Navy Bases militaires de l’US Air Force
Pôles de recherche et militaire aux USA
Illustration Muriel Audouin
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Financement de la recherche dans le secteur de la Défense
Performance
Illustration Muriel Audouin
Cycle d’innovation dans la vallée Illustration Muriel Audouin
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dans la R&D des armes dans les universités du MIT (117 millions $), Harvard et Columbia (30 millions $), Caltech (83 millions $) tandis que Stanford ne récolta que 50 000 $ ! Historiquement, c’est Frederick Terman, directeur du département électronique de l’université qui fût, en 1946, à l’origine de la transformation de la Valley. En effet, quand il rentre à Stanford après la guerre, il déclare « we’re never getting screwed again » et décide de faire de Stanford un pôle d’excellence en technologies micro-ondes et électroniques. Il recrute 11 anciens chercheurs du pôle de Harvard pour monter un laboratoire de recherche : The Electronics Research Laboratory (ERL). Un premier contrat est passé avec l’ONR (Office of Naval Research) en 1946. En 1950, Stanford devient le MIT de l’ouest. Les conséquences de la guerre de Corée et de la guerre froide sont importantes pour Stanford. L’ERL est séparé de AEL (Applied Electronics Laboratory) qui comporte des programmes militaires appliqués et secrets. Les effectifs des programmes d’électronique sont doublés, et l’université devient pour la première fois un partenaire à part entière du complexe militaro industriel. Stanford devient un centre d’excellence pour la NASA, CIA, la Navy et l’Air Force. De cet effort naîtront les premiers avions (U2) dotés d’intelligence électronique (radars). En 1955, Frederick Terman devint doyen de l’université, et fusionne les deux laboratoires pour former le SEL (Systems Engineering Laboratory).
Financement des cycles d’innovation
Afin de transformer Stanford en la plus puissante machine d’innovation de guerre possible, Frederick Terman changea les règles de l’université : • au lieu d’encourager les élèves à faire des doctorats, il les pousse à monter leur entreprise ; • les professeurs sont invités à multiplier les contacts avec les entreprises ; • Frederick Terman et d’autres professeurs siègent au sein de conseils d’administrations extérieurs à Stanford ; • il rend les transferts de technologies et la réglementation des brevets plus faciles. Pour autant, il ne souhaitait pas produire pour l’armée, mais seulement effectuer la phase de recherche, laissant le soin à d’autres de remplir ces contrats et de se faire financer par l’armée.
Illustration Muriel Audouin
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2.2 Mode de Vie « Cet endroit n’est fait que pour travailler » Thomas Nanterme, co-fondateur du WProject Si l’on devait décrire l’environnement urbain de la Silicon Valley, on pourrait dire que c’est la succession perpétuelle de poches d’habitations (aux standards plus ou moins élevés) et de ce qui nous paraitrait à nous, européens, comme de vastes zones industrielles, branchées par le biais de voies perpendiculaires à la route US 101. Même si les grands groupes comme Google ou Facebook tentent à leur façon de recréer un environnement de vie agréable pour leurs employés, il est clair que rien, ou presque, ne s’assimile à la culture et au divertissement. Cet élément est fortement lié à la culture américaine et à la pratique de l’automobile. De fait, les américains préfèrent jouir d’un luxe domestique et se rendre dans des centres commerciaux en voiture pour pouvoir sortir au restaurant ou aller au cinéma. Culture californienne et réseau Le succès de la Silicon Valley en fait l’eldorado contemporain. La Californie contribue largement à cette image : le soleil, la culture et la qualité de vie. En somme, la Californie, c’est « cool ». Comme la Silicon Valley. Les américains bénéficient dans leur système éducatif d’atouts que nous n’avons pas. Dès leur plus jeune âge, ils sont entrainés à l’école à l’expression orale : ne pas avoir peur du micro, ni de l’assemblée, être clair et concis, tout en rajoutant si possible une touche d’humour. Ils savent tôt pratiquer le « pitch » de l’entrepreneur, ces cinq petites minutes qui peuvent changer votre vie, et vous permettre de lever des millions de dollars pour votre entreprise. Ce « pitch » est destiné en premier lieu aux investisseurs de la Silicon Valley, qu’ils soient « business Angels » ou « venture capitals » (VC). On les trouve sur San Hill Road, une route accolée au campus de Stanford, où se regroupent tous les « capital risqueurs » de la zone. « On ne sait jamais » est leur devise. Le réseau est une des clés de la Silicon Valley, et il se construit en rencontrant des partenaires potentiels. Un minimum de cinq minutes est attribué, montre en main, à chaque « startupper » 36
tentant de vendre son idée. D’autres techniques d’approche sont inventées par des malins qui se retrouvent au « Buck’s restaurant» avec leur projet pour appâter l’investisseur. Cette technique est aussi rendue possible grâce à la culture américaine. En effet, Aux Etats Unis, come nous pouvons le retrouver avec le phénomène des « brown papers », le déjeuner et les lieux de restauration ne représentent pas, à l’instar des restaurants français, des moments de pause et de sociabilité, mais davantage des lieux de rencontre. En somme, pour réussir, il faut du culot et de l’audace. Il n’apparaît donc pas difficile de rencontrer des personnes influentes dans la vallée, puisqu’elles sont toutes poussées par cette contribution à l’écosystème. La concentration sur un même territoire de nombreuses personnes susceptibles de contribuer au développement d’un business donné en un laps de temps très réduit entraine la constitution de réseaux multiples d’acteurs. Un des outils principaux de cette intelligence collective est l’existence d’une multiplicité de réseaux sociaux à l’origine de cette communauté innovante ; ils doivent être analysés à plusieurs niveaux pour comprendre la dynamique sociale du « cluster » (et notamment les relations de confiance qui s’y créent) : il existe des réseaux sociaux locaux, au sein de micro clusters, mais aussi des logiques « d’offshoring » qui se développent dans la fabrication de semi-conducteurs. La Silicon Valley s’impose de plus en plus comme la tête d’un réseau mondial liant la Californie et ses activités à forte valeur ajoutée, à des nœuds secondaires comme la Chine Continentale, Singapour, Taiwan, Israël, l’Inde, où sont réalisées les tâches moins exigeantes de la chaîne de valeur (call center, assemblage, production des matières premières…).
Immigration dans le secteur High Tech au coeur de la Silicon Valley Illustration Muriel Audouin d’après Community Survey
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Organisation et acteurs sur Sand Hill Road Illustration Muriel Audouin
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Sièges des Million Dollar Compagnies Photos de Rémi Ferrand, architecte ingénieur
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Par ailleurs, la Silicon Valley appliquent de plus en plus des méthodes de travail dites « libres » : la méthode R.O.W.E (Results Only Work Environment) privilégie les résultats sur les heures de travail et prodiguent aux travailleurs le bien être au travail, afin d’accentuer leur productivité. Ainsi, le temps de travail n’est donc pas géré de la même façon, l’idée maitresse étant de faire travailler H24, tout en prenant du plaisir. Par exemple, Google a mis en place des moyens permettant à ses salariés de disposer d’équipements (école, crèches) pour accueillir leurs enfants, de l’alimentation gratuite sur tous le campus du Googleplex, ainsi que des installations sportives accessibles à n’importe quelle heure, le tout sans horaire de travail fixe. On est bien loin de la rigidité des contrats et des 35 heures « à la Française ». Enfin, le business américain ne fonctionne pas sur les mêmes codes qu’en Europe. Quand nous essayons de rédiger un business plan sur plusieurs années en prévoyant les fluctuations du marché, eux créent une première version V.0 de leur produit lancé directement sur le marché afin de le tester. Alors que chez nous, le marketing n’est souvent qu’une question de packaging et de publicité pour promouvoir un produit, en Amérique il représente une part bien plus importante du marché, et constitue un élément incontournable du produit. Ecosystème et cycles de l’entreprenariat Le phénomène des startup se caractérise par des jeunes entrepreneurs passionnés, qui décident de monter une entreprise basée sur une idée innovante. C’est tout un écosystème qui se cache derrière ce terme. Tout droit sortis de l’école, ces aventuriers de l’économie ont besoin de financement et de bases solides pour pouvoir faire grandir leur business. A priori, on peut penser que la Silicon Valley s’apparente davantage à une jungle répondant à un système darwinien qu’à un écosystème construit. Si l’on désire se lancer dans les nouvelles technologies, c’est là et nul par ailleurs qu’il faut le faire, disent-ils tous en cœur. Mais la concurrence est rude, et chaque idée équivaut à une startup. C’est dans ce bassin que se crée la moitié du marché mondial en matière de numérique. Pour réussir, mieux vaut avoir parfaitement intégré les rouages 41
et mécanismes régissant le jeu des différents acteurs de cette pièce. A l’origine de l’histoire de la Silicon Valley, l’université de Stanford, est encore aujourd’hui à la base de très nombreux projets. Nombre d’étudiants, américains et du monde entier, tentent de s’y inscrire, conscients que cette institution peut être un tremplin. Progression d’un projet dans la Silicon Valley Illustration Muriel Audouin
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Il existe des cycles dans la Silicon Valley. Dans le schéma type de progression, l’étudiant conçoit un projet à partir d’une idée développée seul ou en groupe. Encouragé par le corps enseignant, il développe un concept et un business plan et se prépare à trouver des financements. Grace à la présence de relations particulières entretenues entre l’université et les capital-risqueurs, l’étudiant est introduit dans le cercle des startupper. D’autres institutions sont dédiées à la mise en relation et au coaching des jeunes pousses : les incubateurs et les accélérateurs : ces structures proposent notamment des ateliers de brainstorming permettant de profiter du savoir des uns et des autres afin de faire évoluer l’idée en projet et de le rendre rentable. Cette étape à généralement lieu avant la première levée de fond. C’est un sas d’entrée. Avant d’investir dans un concept, le business Angel s’assure de
Critères de sélection appliqués par un Angel
Cycle d’un acteur dans la vallée
Illustration Muriel Audouin
Illustration Muriel Audouin
Idée
Directeur de recherche
Projet de recherche universitaire
Création d’une startup
Business Angel
Sortie
la bonne constitution de l’équipe et de sa capacité à rebondir sur un autre projet. Par rapport à ce qu’on connaît en France, il semble que les fonds soient levés plus rapidement, avec moins de matière constituée au niveau du projet, mais davantage d’assurance en termes humains. Par ailleurs, le système d’acteurs mis en place par Frederick Terman, toujours en fonctionnement, promeut les échanges entre l’université et un ensemble d’acteurs. En créant le Stanford Industrial Park, il a permis à un certains nombres d’entreprises de venir s’installer près de l’université, en leur louant des parcelles à loyers modérés. Ces entreprises peuvent profiter d’avantages fiscaux intéressants ainsi que d’une main d’œuvre d’ingénieurs de haut niveau tout juste diplômée.
Stanford, producteur de talents
Illustration Muriel Audouin
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Organisation du Stanford Reasearch Institute Illustration Muriel Audouin
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Stanford, un campus historique qui se dĂŠveloppe et qui met en relation des acteurs variĂŠs Illustration Muriel Audouin
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Ces dispositions leur permettent également d’obtenir d’importants contrats fédéraux, en échange de quoi elles financent les projets de recherche et des étudiants de l’université, ainsi que les infrastructures ou le personnel administratif. Après les révoltes de mai 68, le Stanford Research Institute est devenu autonome. Il est devenu au fil du temps, une grande société de consultance dans les domaines civiles et militaires. Les produits développés pour les civils ont une version duale militaire et les employés des grands groupes engagés par ces institutions fédérales (NASA, NSA, Darpa, Armée, etc…) travaillent en même temps sur les deux champs. La Darpa (Defense Advanced Research Projects Agency) finance l’industrie civile afin de transférer ensuite à moindre coût des technologies avancées et risquées vers les laboratoires de l’armée. Les militaires américains investissent ainsi dans des projets à long terme pour l’industrie civile en disposant de la logique suivante : si on investit dans des technologies futuristes non applicables à court terme, les laboratoires de l’armée peuvent sélectionner certains de ces projets civils et ainsi en réduire les coût alors qu’il ne reste plus qu’à les adapter plutôt que de les créer. La Darpa finance aussi des projets par le biais des les universités. A cet effet un concours est lancé entre les universités : seules deux seront retenues, chacune pouvant disposer de dix équipes de recherche. Pour y parvenir, il leur faut constituer une équipe avec au moins un institut de recherche et une entreprise. Pour bénéficier d’un financement, il faut s’engager dans des partenariats, y compris avec ses concurrents. Cela favorise des logiques de coopération et de concurrence. Sur des projets de l’armée à très long terme, les équipes changent, les projets évoluent et passent de mains en mains. Entre ces différentes instances, les partenariats sont infinis et les réseaux peuvent s’associer le temps d’un projet. Le cycle des équipes évolue en même temps que le cycle des projets. Moins de 50% des employés de la NASA possèdent des contrats de travail, les autres sont prestataires de services ou consultants.
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Des réserves foncières encore conséquentes Illustration Muriel Audouin
Organisation de la concurrence Illustration Muriel Audouin
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Cycle d’acteurs dans la Silicon Valley Illustration Muriel Audouin
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Par ailleurs, la NASA a mis en place sa propre université : La Singularity University. On y dispose de programmes courts de trois mois. Seuls les meilleurs cerveaux du monde entier y ont accès, afin de réfléchir sur des problématiques de bio technologies et le développement de l’humain et de la vie éternelle. Ce projet est financé en grande partie par les fonds d’investissement de la compagnie Google.
Campus de la Nasa Illustration Muriel Audouin
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L’ecosystème principal, structure du cluster mondial en terme d’innovation Illustration Muriel Audouin
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Evolution des projets Lorsqu’une startup prend son envol, généralement ce n’est pas son premier essai. Aux Etats Unis l’échec ne s’appréhende pas de la même façon. Dans la Valley, chaque startupper est un éternel étudiant, qui continue d’apprendre de ses erreurs. C’est la raison principale qui pousse les capital-risqueurs à financer un projet : la capacité de l’équipe à encaisser l’échec. Dans l’évaluation d’un projet, la constitution de l’équipe participe pour 60% dans la décision du capital-risqueur. L’important n’est pas de réussir tout de suite, mais de se rendre compte rapidement que le produit marchera ou non, en le testant rapidement sur le marché. Pour des raisons de montant d’investissements, le marché du numérique présente de moindres risques car les applications coûtent moins cher à développer et les prototypes (composés essentiellement de codage informatique) ne génèrent pas de coût de production en terme de matériaux et d’assemblage. 53
Il est difficile d’évaluer ce que constitue un échec dans la Valley. Les innovations sont faites de bifurcations, et parfois le marché absorbe un produit qui connaît un succès retentissant, d’autres fois, sans qu’on sache pourquoi, l’innovation ne séduit pas. Plusieurs facteurs entrent en jeux : le manque de financement, la communication au public, les attentes des consommateurs … Pour palier à ces problèmes, un dogme est entretenu dans la Silicon Valley : le Lean Startup. Une première version du produit est directement testée par des utilisateurs qui émettent un avis permettant de l’améliorer, et d’en produire une seconde version et ainsi de suite. L’échec n’est donc pas une fin, mais une façon de toujours s’améliorer et de rebondir sur quelque chose de mieux.
Gestion des infrastructures Services et produits d’information Innovation et services spécialisés Gestion administrative et des ressources Autres activités industrielles Sciences biologiques
Répartition du travail dans la vallée source : Collaborative Economics
Si, au contraire, la startup rencontre le succès, elle connaît une progression fulgurante pouvant démultiplier ses effectifs et sa capacité de production en quelques mois. Elle peut alors être rachetée par plus gros qu’elle, ou devenir propriété de multiples actionnaires par le biais d’une entrée en Bourse, comme ont pu le faire Facebook ou Google. Les capital-risqueurs récupèrent leur investissement avec avantages, en disposant d’une partie des actions si la société devient publique, ou en prenant un bénéfice sur la vente si elle se fait racheter. Mais, le chemin de la Bourse n’est pas ouvert à tous. Pour se faire, il est nécessaire de disposer de bons fondamentaux, d’offrir une visibilité et de réelles perspectives, … autant de facteurs qui seront étudiés par la banque chargée de l’introduction. Le startupper, précédemment étudiant, possède alors plusieurs options. Il choisit, soit de revenir à l’université pour continuer ses études, soit faire de la recherche pour continuer à développer des projets, et/ou de devenir lui-même Angel, afin de contribuer à l’écosystème de la vallée et d’honorer à son tour un principe cher aux californiens : le « pay forward ». Une capacité d’adaptation collective Pour résumer l’histoire de la Silicon Valley, le point de départ a été l’investissement massif de l’armée dans la recherche et développement, en partenariat avec Stanford et le Stanford Research Institue. A travers les cycles de la Silicon Valley, on observe que sa force réside dans sa capacité à rebondir et à se réorienter vers les domaines de demain, par le biais de
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politiques publiques énergiques et influentes. A la suite de l’implosion des « dotcoms », les autorités de l’Etat de Californie et de la ville de San Francisco ont fait des « cleantech » le pivot de leur stratégie de développement économique, et donné l’impulsion à une mutation des compétences du « cluster » vers ce domaine : après l’électronique, l’informatique et l’Internet, les biotechnologies et les nanotechnologies, la « Silicon Valley version 5.0 » s’engage ainsi vers les technologies propres ou vertes : nouveaux carburants, biomasse, capteurs intelligents, énergie solaire... Si les perspectives industrielles sont nombreuses et les champs technologiques impliqués multiples, leurs développements s’appuient sur les nanosciences et les super ordinateurs, deux domaines scientifiques où le cluster californien bénéficie d’une large avance. Ainsi, le programme « Greenware » de l’Etat de Californie prévoit d’investir 200 millions $ dans les startup de « cleantech » et de financer à hauteur de 3.2 milliards $ l’installation de toits solaires. La réorientation des financements et de la législation de l’état californien entend apporter une réponse aux problèmes de pollution et de réchauffement climatique dans les grandes villes de la région, et rester à la pointe de l’innovation dans un secteur clés de demain en s’appuyant sur un marché et une demande en plein essor. Cela a logiquement encouragé le positionnement des acteurs privés (entreprises et sociétés de capital-risque) sur cette thématique déjà proche des technologies clés de la région (biotechnologies et photovoltaïque).
Progression d’une startup dans la vallée Illustration Muriel Audouin
Progression d’une entreprise en France Illustration Muriel Audouin
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Ainsi, les sociétés de capital risque accompagnent d’ores et déjà les entreprises américaines dans leurs stratégies d’adaptation (semi-conducteur, logiciel..). Un dernier exemple est l’initiative public-privé « Joint Venture Silicon Valley », qui depuis 1992 réunit entrepreneurs, banquiers, avocats et responsables de gouvernements locaux et de l’Etat afin d’étudier la compétitivité de la région et de préserver sa place comme « la meilleure plate-forme mondiale de l’innovation et de l’esprit d’entreprise ».
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2.3 Mode de Ville
Agglomération Ville de San Francisco parcs
La Silicon Valley que nous connaissons s’installe dans un contexte géographique particulier. Contenue dans la vallée de Santa Clara, entre San Francisco et San José, elle est bordée par une chaine de montagne abritant des nombreux parcs et réserves naturelles. La proximité de ces reliefs fait de cette vallée un micro climat, peut être en partie responsable du mythe de l’eldorado californien, puisqu’elle protège les habitants des vents de l’Atlantique. Irriguée par deux voies rapides fédérales, U.S Road 101 et 280, la vallée s’est construite dans cette faille et s’étend sur plus de 90 km de longueur. Les poches d’habitats s’insèrent entre les zones industrielles. Plus on se rapproche de la côte atlantique, plus le tracé des routes serpente sur les collines, tandis qu’entre ces deux veines, on respecte le tracé américain standard du damier. Les industries et sièges des grandes entreprises devenues symbole de la puissance de la Silicon Valley, s’implantent davantage entre la route US 101 (Bayshore Freeway) et la route historique structurante, El Camino Real.
zones portuaires zones résidentielles Coeur de la Vallée universités aéroports autoroutes
L’effet souk Le « cluster », modèle typiquement américain, respecte l’urbanisme spécifique des grandes métropoles américaines. Sur la côte ouest, la force des villes nait de leur spécialité. A Los Angeles, on vient chercher le show business et Hollywood, à Las Vegas les jeux et casinos, etc. L’urbanisme américain fonctionne sur le même principe. Dans chaque ville, on retrouve des phénomènes de ghettoïsation, des quartiers riches « entre-soi » en périphérie, puis des zones commerciales basées sur de grandes axes autoroutiers, des quartiers de divertissements, des quartiers dédiés à une certaine population (China Town), etc… Le même schéma se lit dans la métropole de San Francisco et la vallée de Santa Clara : on y retrouve la notion première du « cluster », sorte de bloc regroupant différents éléments se référant au même domaine de compétence. Ainsi, en analysant la vallée, il nous est possible de déterminer très nettement des typologies différentes, des poches d’habitations riches, d’autres moins, les centres de recherche, les grands complexes industriels et les campus universitaires. 57
Un réseau routier structurant duquel découle des typologies urbaines particulière autour de Stanford Illustration Muriel Audouin
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Zones industrielles et concentrations d’entreprises poches d’habitation aisées zones résidentielles parc naturel et reliefs terres agricoles et terres inondées
Zoning de la Vallée
1
5
10 km
Illustration Muriel Audouin
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Seattle Portland
Salt Lake City Sacramento San Francisco Las Vegas Los Angeles San Diego
Phoenix
Dallas Houston
Exemple de spÊcialisation des villes de l’ouest Illustration Muriel Audouin
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On retrouve aisément sur ce territoire la trace des grandes théories du XXème siècle et le zoning. Cette vision des éléments comporte deux caractéristiques. L’une positive, l’autre négative. Comme nous l’avons démontré auparavant, cette répartition autorise une lecture claire et précise du territoire dans son ensemble. Dans l’imaginaire du consommateur américain, il lui est aisé de savoir où se diriger s’il veut faire affaire avec un banquier, ou s’il a besoin de faire des courses alimentaires, etc… Ce regroupement de compagnies et de compétences prodigue davantage de chances au consommateur de trouver ce qu’il était venu chercher. Sand Hill Road est un bon exemple, et concentre plus d’investisseurs sur cet axe que dans toute la vallée. D’un autre côté, un tel zoning de permet pas d’obtenir une perméabilité importante entre les différentes couches de ville. De plus, elle crée des couloirs de circulation difficiles, et de la congestion sur certains axes routiers, très prisés des consommateurs. On observe aussi, de San Francisco à Santa Clara, l’existence de micro-clusters au sein de la technopôle (site spécialement aménagé pour accueillir les entreprises de haute technologie ou en favoriser la création. Définition Larousse): les fabricants de hardware se regroupent davantage au Sud de la Baie, autour de San Jose, tandis qu’à San Francisco on observe davantage la présence de services de marketing et design. On se trouve toujours dans une spécificité urbaine. La fuite vers San Francisco On l’a dit, la Silicon Valley, c’est une aventure H24. Dans la Valley, rien n’est réellement fait pour le loisir, et s’il existe des équipements sportifs, ils n’existent que pour améliorer la productivité des employés. Les différents témoignages que l’on peut lire, attestent tous que une fois le travail terminé, il n’y a pas grand chose à faire à Mountain View, Palo Alto et les autres communes de la région. L’attraction culturelle se trouve regroupée au centre de San Francisco. Encore une fois, les choses se passent à l’américaine. Dans ce pays où la voiture est omniprésente, ce n’est pas un problème d’habiter à une heure de son lieu de travail. Beaucoup d’employés préfèrent donc s’installer dans le centre de San Francisco, ou de 61
Des habitants qui préfèrent l’autre côté de la baie
l’autre côté de la baie pour jouir d’un cadre de vie plus agréable et récréatif. Cette distance mise entre logement et travail crée des problèmes de congestion très importants au niveau des grands axes routiers. Il n’existe pour l’heure aucun transport en commun parcourant les 90 km qui séparent San Jose de San Francisco. Pour réduire ce temps de transport, de nombreuses startup décident d’économiser du temps et d’établir leurs locaux directement dans le centre de San Francisco. En effet, si la précédente génération d’innovateurs préférait s’adosser au parc national et profiter de son atmosphère naturelle autour de Palo Alto, la nouvelle est résolument urbaine. Dans leurs pratiques urbaines et leurs ambitions, ces jeunes salariés du numérique sont tenus responsables de nombreux problèmes à San Francisco.
Illustration Muriel Audouin
Dans cette masse de jeunes startuppers, certains ont déjà eu la chance de réussir un ou plusieurs projets, et donc ont déjà eu l’opportunité d’amasser la recette de leur succès. Bien entendu, certains le réinvestissent dans l’écosystème en devenant « Business Angel », d’autres préfèrent mettre leur argent à l’abri en investissant dans l’immobilier. L’arrivée de cette masse de nouveaux acheteurs, prêts à dépenser sans compter, a eu pour effet de provoquer une augmentation considérable du prix des loyers et de l’immobilier alentour.
La fuite des startup vers de San Francisco Illustration Muriel Audouin
Tension entre les deux pôles de l’innovation de San Francisco Illustration Muriel Audouin
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Ce qui se développe à San Francisco est un phénomène social directement lié aux nouvelles technologies. Car, après les hippies de San Francisco des « sixties », voici venus les « techies » : cette nouvelle génération de jeunes entrepreneurs rêvant de changer le monde et la société grâce à la technologie. Ces visionnaires ont élu domicile en plein cœur de San Francisco, loin des embouteillages et de la concurrence de la Silicon Valley. Ces électrons libres gravitent cependant autour de la Valley. Cette communauté a besoin de « geeks » rêveurs, d’investisseurs, d’incubateurs et d’accélérateurs comme dans la Valley. On dénombre dans le centre de San Francisco, 20 à 30 communautés de ce genre : Campus, Agape ou Lagton Labs … L’atmosphère qui y règne est cependant très différente de ce qu’on trouve dans la Valley : moins de concurrence et de profit. Car ces communautés ont pour rêve de changer le monde grâce à ces nouvelles technologies. Le temps ne s’y écoule pas de la même façon et les liens entre les acteurs sont davantage basés sur une relation de partage. « Ce qui inquiète certains,
Oakland international airport
Hayward Executive Airport
San Francisco international airport
Route 101
Route 280
San Carlos Airport Palo Alto Airport of Santa Clara County Moffett Federal Airfield
Mineta San José International Airport
Infrastructures et voies engorgées dans la vallée Illustration Muriel Audouin
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c’est la fusion entre la Silicon Valley et San Francisco, deux lieux géographiquement très proches, mais culturellement très différents » souligne Fred Turner, professeur en sciences de la Communication à Stanford. Evolution urbaine d’un modèle économique Outre les cycles économiques et les cycles d’innovation que la Silicon Valley a vu naitre, le « cluster » a subit à travers cette progression un changement physique, dont on peut retracer l’évolution des formes urbaines à travers l’exemple du géant de l’internet, Google. C’est l’histoire de deux étudiants, Larry Page et Sergey Brin, diplômés en informatique à l’université de Stanford qui décident de se lancer dans l’aventure. Supportés par l’université, ils créent un premier moteur de recherche, baptisé BackRub, fonctionnant sur le serveur de l’université. Lorsque cette dernière estime que le projet n’est pas viable, les deux acolytes s’installent dans un garage à Menlo Park et retravaillent leur projet en le renommant Google (dérivé du mot anglais googol illustrant le chiffre 1 suivit de 100 zéros). L’entreprise décolle et déménage par la suite dans des locaux de l’université, qu’ils louent. Après avoir ouvert leur premier bureau à l’étranger, à Tokyo, puis à Sydney, il est temps pour l’entreprise de posséder des bureaux qui reflètent l’expansion impressionnante du moteur de recherche : ils emménagent dans le Googleplex en mars 2004, alors que l’entreprise compte plus de 800 employés. Avec 200 mètres de longueur et 8.500 mètres carrés de surface, le principal bâtiment de deux étages accueille principalement les informaticiens qui travaillent sur les futurs projets de Google. Le Googleplex prend la forme d’un campus à l’américaine. La moyenne d’âge des employés de Google, issus majoritairement de l’immigration et d’horizons sociaux variés, ne dépasse pas 32 ans. De nombreux équipements sont mis à leur disposition pour rendre leur vie plus agréable, et surtout, pour accentuer leur productivité et leur créativité. Ce complexe urbain, disposé presque à la lisière de l’eau, se pratique en vélo, peints aux couleurs de la compagnie. La nourriture y est gratuite et disponible dans plusieurs restaurants et cafétérias sur le campus. Il y en a pour tous les goûts. 64
Autre que les plaisirs culinaires et le confort de ses employés, la grande firme a également mis en place des services de garderie pour les jeunes enfants. De cette façon, les employés peuvent travailler non loin de leurs bambins, sans se soucier de la babysitteur. En somme tous les moyens sont bons et pernicieux pour donner une image de marque. Google a été désignée en 2014, comme la première entreprise où les jeunes diplômés aimeraient travailler. En 2014, la Compagnie Google possède 23 sites nord américains, 14 sites asiatiques et dans le pacifique, 23 sont situés en Europe, 5 au Moyen Orient et 3 en Amérique Latine. Parallèlement à ce développement, l’entreprise a besoin de plus en plus de technologies pour relayer l’information. Les data centers de Google, disposés dans le monde entier, permettent de traiter les centaines de milliards de données qui transitent par ce site internet par jour. On retrouve dans l’évolution de Google, une succession de typologies d’espaces de travail. Cette progression est à peu de chose près la même pour toute les startups qui réussissent. Le garage, utilisé également par Steve Jobs lors du lancement de Apple, est un objet emblématique de la Silicon Valley. Le garage est un archétype qui permet de rappeler à tous les startuppers que dans la Silicon Valley on peut partir de rien, et connaître un succès international. On entretien par ce biais, l’idée que tout est possible. Progression architecturale et urbaine de l’entreprise
Illustration Muriel Audouin
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Cependant, rapidement insuffisant, il contraint l’entreprise à déménager dans des locaux mis à disposition par des « incubateurs ». Ces derniers prennent la forme, au fil des années, de bâtiments de type hangars, rudimentaires dans leurs formes mais technologiquement plus élaborés, truffés de systèmes de communication perfectionnés avec des plateaux nus et des open space favorisant le partage et la transmission du savoir. Ce regroupement d’entreprise dans de tels locaux est rendu possible par la présence de nombreux Data center relayant les nombreuses informations numériques de la vallée. Dans sa course au succès, ces startups se voient ainsi propulsées sur le devant de la scène. Il leur faudra un siège, une unité urbaine qui puisse témoigner de leur puissance. Bien souvent donc, l’évolution économique d’une entreprise s’accompagne d’un changement physique et d’une position urbaine de plus en plus affirmée. ` 2.4 La Silicon Valley, Frankenstein californien ? Des projets au-delà des frontières Depuis sa création, la Silicon Valley a connu différentes évolutions : le passage d’un cycle technologique à l’autre, les changements de design urbains et architecturaux de San Francisco à San Jose, et récemment des bouleversements sociologiques avec l’arrivée de nouvelles générations (techies).
Projet Blueseed source internet
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Le « cluster » de la Silicon Valley se révèle ainsi un organisme vivant porté par les investisseurs et les innovateurs. Il est vrai que cette région, au delà de son rayonnement mondiale dans le domaine des nouvelles technologies, se donne les moyens de sa réussite, attirant ainsi des flux de populations étrangères, avides de développer de nouvelles idées et de réaliser « l’American dream ». Mais cet attrait s’exerce également dans l’autre sens, l’immigration étant un des outils clés de cet écosystème. Si la diversité est un des mots clefs dans la recette du succès, elle réside notamment dans le fait que plus de 50% des collaborateurs des entreprises viennent d’Europe et d’Asie. Cependant, alors que la législation régionale a mis en place certains avantages financiers pour inciter les entreprises à se réorienter dans différents domaines, en fonction de l’évolution
du marché, l’immigration demeure un sujet complexe car elle relève d’une compétence fédérale. Pour recruter des étrangers, les coûts s’avèrent très élevés pour les entreprises : l’obtention d’une « green card », viatique indispensable pour travailler aux Etats-Unis permettant la résidence dans le pays, entraine des démarches et des frais conséquents pour les entreprises. Du fond de leur Valley, les géants rêvent d’une nouvelle tour de Babel, où ils seraient libérés de toutes contraintes du marché, de la réglementation, rêvant de pouvoir créer et dessiner le monde de demain sans entraves. Peter Thiel, cofondateur de l’entreprise Paypal, souhaite à cet égard pouvoir créer en partenariat avec le Seasteading Institute (un lobby de recherche et de promotion de l’habitat utopique de demain sur l’eau) des communautés permanentes et autonomes de chercheurs sur des villes flottantes, localisées dans les eaux internationales, au large de la baie de San Francisco. Il s’agit « d’expérimenter divers systèmes sociaux, politiques et légaux innovants ». Pour les commanditaires de ces recherches, rien n’est jamais trop beau, rien n’est impossible. Loin de l’utopie, ces iles artificielles reflètent la possibilité d’un monde libertarien dont la première graine pourrait se nommer Blueseed. Ses fondateurs entendent ainsi éviter les lois américaines sur les visas pour permettre aux meilleurs entrepreneurs du monde entier de réunir leurs talents de créateurs sur une plateforme située au large de la Silicone Valley. Là encore, l’utopie est au service de l’intérêt général: «Blueseed bénéficiera à tout le monde en apportant des nouvelles technologies au marché, augmentant le niveau général de prospérité, et c’est pourquoi des acteurs issus de tout horizon supportent notre projet», explique son cofondateur Max Marty.
Vers Lulea, Suède The Dalles, Oregon Prineville, Oregon
Council Bluffs Iowa usage de 6 data centers dans la Valley et un à San Francisco
Silicon Valley Mayes County, Oklaoma
Ashburn, Virginie Lenoir North Carolina Forest city, North Carolina Douglas County, Georgie
Berkeley County, South Carolina
Les Data centers des million Dollar Compagnies Illustration Muriel Audouin
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Si ces projets plus ou moins utopiques sont de nature à en inquiéter certains, il faut admettre qu’aucune tentative précédente auparavant, basée sur les même principes, n’a pu aboutir, se heurtant notamment aux législations maritimes, à des problèmes politiques … Le projet Blueseed a néanmoins su attirer des millions de dollars en provenance de la Silicon Valley, et témoigne de l’ambition des géants du numérique, à repousser toujours plus loin les limites du possible dans la ville du futur. 1984, une prophétie qui se réalise ? Dans les cycles d’innovation qui se succèdent au cœur de la Valley, les entreprises se réinventent constamment, dans des domaines qui ne sont pas les leurs au départ. Google se lance ainsi dans le développement des technologies vertes en proposant une voiture sans chauffeur fonctionnant uniquement à partir d’énergie solaire. De nouveaux champs d’application ont émergé qui témoignent de la prédominance des géants de la Valley à influencer la marche du monde. Ainsi, les réseaux sociaux mis en place durant la dernière décennie régissent dorénavant notre rapport aux autres et notre sociabilité. Pour ne prendre qu’un exemple, Facebook compte aujourd’hui plus d’un milliard d’utilisateurs à travers le monde, soit une personne sur sept. La ville est devenue intelligente, et notre dépendance aux ondes et à la technologie mobile permettent aux grandes firmes d’échanger des informations sur les consommateurs, et ainsi de cibler leurs marchés en y ajustant leurs produits, quasiment en temps réel. Les informations personnelles que chaque individu imprime sur la toile du net sont devenues une nouvelle forme de monnaie d’échange internationale. La technologie ne connaît pas de frontières. Dorénavant il est possible de récolter un nombre de données pharamineux sur la société, allant de l’information basique à la plus privée. La technologie que nous utilisons chaque jour permet de révéler à peu près tout d’un individu, de ses déplacements à son alimentation, son style de vie, son réseau social, ses passions et ses défauts, etc. On se demande ce qui relève encore de la vie privée et du domaine public. Notre rapport au monde est en train d’évoluer, et ce aussi par le 68
biais d’une technologie faisant appel à de la « réalité augmentée ». Cela consiste à superposer, en temps réel, la perception que l’on a de la réalité avec un modèle virtuel. Dans le projet « Google glass », des lunettes, équipées de caméras et d’un système d’affichage, permettent à l’utilisateur de visionner en temps réel des informations ou objets, de reconnaître et d’analyser des éléments de l’environnement extérieur et d’y adjoindre des informations récupérées sur internet, voire d’effectuer certaines actions. On peut se demander, si les géants de la Silicon Valley, dans leur désir de transformer, par le biais de la technologie, notre société ne seraient pas en train de l’automatiser complètement ? Et si cette technologie, de plus en plus intelligente, se voulait pernicieuse ? De nombreuses fictions ont déjà été réalisées sur le sujet, et on se demande aujourd’hui si George Orwells n’aurait pas vu juste.
Références cinématographique de renversement de nos sociétés par la technologie créee par l’homme sources internet
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Mythes
La Silicon Valley s’est installée dans la vallee de santa clara car c’était l’image de l’eldorado americain La Silicon Valley c’est le lieu où est né et s’est développé internet La Silicon Valley est constituée d’une dizaine de «million dollars compagnies» Dans la Silicon Valley on se déplace simplement La Silicon Valley ressemble à un grand campus américain La Silicon Valley se concentre à Palo Alto et Mountain View Les investisseurs de la Silicon Valley sont principalement les banques Les entrepreneurs et les investisseurs sont des personnes différentes Un capital risqueur investit d’abord dans un projet à développer Tous le monde a sa place dans la Silicon Valley, n’importe qui peut réussir La Silicon Valley c’est la belle vie à la californienne 70
Réalités
La Silicon Valley est maintenant dans la vallée de Santa Clara car c’est là où l’université de Stanford a été construite, et qur Frederick Terman y était doyen La Silicon Valley, c’est, avant internet, l’histoire du financement de nombreux projets de l’armée et de l’industrie de la défense américaine Pour parcourir la Silicon Valley, il n’existe pas de transports en commun pour aller de San Francisco à San José, et la vallée subit aujourd’hui de grands problèmes de congestion des axes autoroutiers La Silicon Valley s’étend véritablement du centre de San Francisco à San Jose Les investisseurs sont des capital-risqueurs Les investisseurs de la Silicon Valley sont aussi bien des entrepreneurs, que des chercheurs, et des dirigeants d’entreprises Un capital risqueur investit dans une équipe, et dans un projet qui n’existera peut être pas demain La Silicon Valley c’est un système darwinien, il faut être le meilleur La Silicon Valley, c’est du travail non-stop 71
Lexique
illustration Muriel Audouin
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3. « Cluster » VS « Pôle de compétitivité » «Confondons leur langage pour qu’ils ne s’entendent plus les uns les autres» Bible de Jérusalem, Le Cerf, Paris, 1956
Quelle est la différence fondamentale entre « cluster », PRES, « pôle de compétitivité », « pépinière d’entreprises » ? Qu’ont-ils en communs et quelles sont leurs spécificités ? , Le « cluster » est-il résolument un modèle américain ou peut-il trouvé place sur d’autres territoires avec d’autres méthodologies ? L’Etat donne des pôles de compétitivité la définition suivante : « Un pôle de compétitivité rassemble sur un territoire bien identifié et sur une thématique ciblée, des entreprises, petites et grandes, des laboratoires de recherche et des établissements de formation. Les pouvoirs publics nationaux et locaux sont étroitement associés à cette dynamique ». Si les deux termes sont souvent confondus dans le langage courant, un cluster et un pôle de compétitivité ne représentent donc pas théoriquement la même chose. Nous tenterons de déterminer ce qui les distingue, au niveau des politiques qui s’appliquent à chacun et au niveau de l’imaginaire auxquels ils renvoient. 3.1 En France Comparaison des modèles «cluster» et pôle de compétitivité illustration Muriel Audouin
On observe sur le site internet gouvernemental (http:// competitivite.gouv.fr/) que l’Etat reconnaît s’être inspiré du 73
modèle des clusters pour créer le label « pôle de compétitivité ». Ce qui semble commun dans ces associations d’acteurs se résume aux trois éléments suivants : des centres de formation, des entreprises et de la recherche. Selon nos analyses précédentes, il manque au pôle de compétitivité un élément déterminant pour « faire prendre la mayonnaise » : outre un indispensable « bottom-up », le financement permettant à une idée de devenir réalité. Un pôle de compétitivité ne peut devenir visible à l’échelle internationale que si l’innovation est révolutionnaire. Les banques, « business angels » et autres capital risqueurs français auraient ils des doutes sur les compétences des pôles de compétitivité ? Lancée en 1997, la politique nationale, mise en place par la DATAR, s’est traduite par un appel à projet et une labellisation proposée aux systèmes productifs existant. Le rôle des pouvoirs publics fut d’identifier les grappes de PME travaillant dans un même secteur d’activité, et d’en sélectionner une centaine, entre 1998 et 2000 ; de favoriser la mise en place d’infrastructures, des centres de formation, d’encourager les connexions à l’international et d’appuyer financièrement les animateurs de Sociétés Publiques Locales (Chambres consulaires, Agences de développement économique, structures de formation ou intercommunale). Destinés à relancer l’économie française, les pôles de compétitivité se vantent d’être source d’innovation et d’attractivité, et d’être un frein aux délocalisations. Ce serait peut être vrai si ces pôles comprenaient également pour partie la fabrication proprement dite de tout ou d’une partie des produits inventés. Les projets collaboratifs en recherche et développement peuvent faire l’objet de subventions et d’aides publiques, notamment de la part du Fond unique interministériel (FUI). On peut avancer l’analyse que la faille des pôles de compétitivité en France résiderait dans leur incapacité à transformer un projet prometteur en innovation révolutionnaire. Serait-ce par défaut d’investisseurs ? Ou notre culture du risque, serait-elle moins développée que celle de nos amis américains ? Ou notre marché actuel moins accueillant ? Ou un manque de communication et de marketing qui priverait ces projets innovants de devenir les inventions de demain ? 74
Carte des 71 pôles de compétitivité français (mise à jour octobre 2014) Pour en savoir plus sur chaque pôle de compétitivité : www.competitivite.gouv.fr
Même si des études menées tendent à prouver que les entreprises engagées dans les pôles de compétitivité feraient preuve de davantage de compétitivité et d’innovation que les autres PME, ce modèle n’a pas fourni les preuves suffisantes pour pouvoir apprécier son efficacité dans la relance de la croissance française. De plus, en cherchant davantage d’informations sur les pôles de compétitivité référencés, on s’aperçoit que certains ne comprennent pas d’unités d’enseignement (ex. Medicen Paris Région) Est ce là une erreur de communication ou le partenariat est il inexistant ? Néanmoins, l’Etat se positionne comme l’un des acteurs clefs et moteur de ce label. Pour favoriser la croissance des PME, quatre domaines ont été perçus comme prioritaires par les pouvoirs publics : l’accès aux financements (liens avec les business angels, les capitaux risqueurs, le capital investissement, les fonds d’amorçage, les banques...), l’ouverture à l’international (partenariats technologiques, identification de marchés à l’international, export...), l’anticipation des besoins en compétences (cartographie des compétences, développement de l’offre de formations...) et l’accompagnement individuel des PME. Un acteur clef qui supervise, encourage, mais ne finance que très peu (pas assez).
Pôle de compétitivité labellisés français source : competitivite.gouv.fr
Centres de recherches majeurs français source : expert-business-development.com
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Croissance proportion d’emplois à Sophia Antipolis
Envol modéré de la Technopole Sophia Antipolis
Illustration Muriel Audouin, d’après Sophia Antipolis territoire d’avenir, ed Audacia
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Exemple de Sophia Antipolis Comme Stanford, Sophia Antipolis est née de l’ambition d’un seul homme, Pierre Laffitte, ingénieur en chef à l’Ecole des Mines et originaire de la région. Son ambition : créer un centre favorisant le bouillonnement intellectuel, hors des centres urbains engorgés, pour accentuer la créativité. Co-directeur de l’Ecole des Mines en 1963, il prend deux ans plus tard l’initiative de décentraliser certains laboratoires de la grande école au Nord d’Antibes. Ce sera là le premier pas vers la création d’une nouvelle zone scientifique. A cette époque, on commence à considérer les avantages de la décentralisation. En 1967 l’association Armines, rattachée à la grande école d’ingénieurs, se donne pour objectif de mettre en relation les acteurs scientifiques et leurs partenaires pour mettre en œuvre et commercialiser leurs découvertes. Le 8 mai suivant, le projet est présenté à l’Assemblée Nationale. L’histoire de ce pôle de compétitivité, que nous pouvons aussi appelé technopôle, débute officiellement le 21 juillet 1969 par la création de l’Association Sophia Antipolis. Le plateau de Valbonne offre quant à lui au nord d’Antibes 10 000 hectares permettant d’y développer la Cité internationale de la Sagesse. Le principal atout de cette zone est la proximité de l’aéroport international de Nice, permettant de relier le site aux grandes métropoles nationales et internationales. Les premières entreprises à s’installer sont L’Oréal, et Franlab (Institut français du pétrole) en 1974. Le CNRS s’engage dans la foulée à installer de futurs centres de recherche. Mais, si l’Assemblée Nationale donne son feu vert pour la création du site, elle n’entend pas pour autant mettre la main à la poche. C’est une banque privée, le Crédit Lyonnais qui fournira le capital risque nécessaire, sous la forme d’une autorisation de déficit bancaire, sans garanties hypothécaires. En 1972, le projet est au point mort et la Datar (Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale lance une première étude sur l’éventuelle création d’un parc scientifique de 2400 hectares sur le plateau de Valbonne. A cette époque, le site est essentiellement dédié aux randonnées en pleine nature. L’étude conclut, qu’afin de préserver le caractère naturel et paysager du lieu, et en s’inspirant des bienfaits 77
La lente contruction de la technop么le Sophia Antipolis Illustration Muriel Audouin
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d’un tel environnement sur la productivité des entreprises (à l’instar de la Silicon Valley), seuls 900 hectares seront affectés à l’implantation d’activités, 100 hectares au logement et 200 aux services. Le Comité interministériel de l’aménagement du territoire (CIAT) valide le projet en mars 1974. En 1990, près de 30 après les prémices du projet, sa surface bâtie est de 578 000 m2 accueillant 12 500 emplois, dont 30% sont occupés par des personnes d’origine étrangère. Certains clubs et associations se forment pour créer du lien et du réseau entre les entreprises et les différents acteurs. Après la crise liée à la guerre du Golfe, le site de Sophia Antipolis souffre de la chute en solde net d’entreprises présente sur le site, passant de 120 à 15 en l’espace d’un an. Dans les années qui suivirent la technopôle se relève doucement et réussi à reconquérir les grandes entreprises américaines qui choisissent le plateau de Valbonne pour établir leur antenne Européenne. La croissance reprend et son développement se poursuit. Néanmoins, si les instances responsables de la zone continue à en faire la publicité, et à la citer comme LA « technopôle » internationale française, on constate que son rayonnement n’est nullement proche de celui de la Silicon Valley. Cela est il dû au marché auquel elle s’adresse ? Au manque de liens entre les différents acteurs ? Ou a sa situation géographique excentrée ? Le fait même que cette entité administrative et économique soit désignée comme une technopôle et non un pôle de compétitivité des nouvelles technologies démontre d’une confusion réelle concernant l’identité de ce territoire. En comparant la Silicon Valley et Sophia Antipolis, on constate que les deux projets ont commencé à peu près en même temps. La différence fondamentale entre les deux histoires réside dans la levée de fond destinée à propulser le cluster sur des sphères mondiales. En refusant d’y investir, l’Etat français a délibérément privé Sophia Antipolis d’un effet de levier qui aurait considérablement accéléré le processus de création. Quand on constate qu’en vingt ans, le plateau de Valbonne a connu la même évolution que la Silicon Valley, en 3 ans, on réalise que le temps ne s’écoule pas de la même façon d’un côté et de l’autre de l’Atlantique. Il faut évidemment comparer ce qui est comparable, le marché américain n’étant pas le marché européen. Dans la Silicon Valley, le marché des nouvelles technologies représente 50% du 80
marché mondial, contre seulement 4% en France. L’effet taille n’est donc pas comparable. Il faut évoquer des différences structurelles essentielles. La France s’est privée d’un effet de levier très important, en ne proposant que peu de logements dans l’environnement, des services insuffisants alors qu’il aurait sans doute mettre l’accent sur la qualité de vie inhérente au lieu et ses débouchés en matière de loisirs, culture, divertissement. Implanter une zone de recherche scientifique éloignée du monde urbain était certes un pari risqué. Enfin, la complexité du système d’acteurs en charge de l’aménagement et des décisions sur le plateau de Valbonne a certainement pénalisé un développement coordonné du site : en effet, ce territoire, à cheval sur différentes communes, n’appartenant elles-mêmes pas aux mêmes communautés de communes, dépend également de services, de partenaires et d’administrations diverses qui se répètent et se contredisent. Tout ce mille-feuille administratif n’a d’autre effet que de ralentir ou d’entraver considérablement le processus de décision.
Réseau et Population autour du plateau de Valbonne Source : Reichen&Robert&Associés
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Territoire et composition de Sophia Antipolis Source : Reichen&Robert&AssociĂŠ
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0
200
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600
800
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3.2 Paris et le Grand Paris : Système d’entrepreneuriat parisien
Géographie des acteurs du modèle «Silicon Valley» à Paris Illustration Muriel Audouin
Silicon Sentier À la fin des années 1990, la France connaît un engouement presque sans précédent pour une nouvelle économie largement portée par de (très) jeunes entrepreneurs qui découvrent les opportunités sans limites de l’internet. C’est à cette même époque que le Silicon Sentier parisien va éclore, indépendamment de toute action publique. Dans le quartier du Sentier, au centre historique de Paris, l’industrie du textile se meurt et laisse derrière elle de nombreux locaux vacants. L’histoire de la localisation du Silicon Sentier se résume donc à une opportunité foncière mais aussi du développement urbain, avec des bars, des restaurants, de la diversité, une centralité. Autant d’atouts qui ont favorisé l’éclosion de ce type de «cluster». Un écosystème s’est mis en place petit à petit, sans que ni la ville de Paris, ni l’Etat ne détectent ce qui était en train de s’y passer. Des « tiers lieux » (notion développée dans cet album. Cf le mémoire de Paul de Robillard MUTUALISONS BABEL - Les tiers-lieux de travail, mythes et réalités dans le Grand Paris) ont commencé à émerger dans ce quartier et de jeunes startuppers s’y sont regroupés. Un frémissement qui pouvait faire penser à « ce petit quelque chose dans l’air », précédemment évoqué. Il fallait à ces jeunes entrepreneurs des lieux où se retrouver pour échanger et profiter d’un haut débit, sans avoir toutefois la contrainte de payer un loyer. C’est sur cette base que sont nées certaines structures d’incubateurs, accélérateurs pour accompagner l’évolution des startups parisiennes. C’est l’émergence d’un acteur assez spécifique au sein du milieu entrepreneurial parisien, qui était moins présent dans la Silicon Valley : les accélérateurs. Ces structures permettent, comme leur nom l’indique, d’accélérer le processus de mise sur le marché d’un produit, et de croissance d’une startup. La recette se résume le plus souvent à : des stages de trois mois, où le startupper est accompagné constamment sur son produit, sur son business plan, sur la partie juridique par des professionnels et des conseillers en gestion. Ceci lui permet de passer d’une version du produit v.1 à v.2. Ces accélérateurs se financent en prenant une part du capital de la startup. 85
Répartition des startup sur le territoire parisien
Illustration Muriel Audouin d’après le site http://techlist.in/
Répartition des investisseurs privés sur le territoire parisien
Illustration Muriel Audouin d’après le site http://techlist.in/
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Répartition des accélérateurs sur le territoire parisien
Illustration Muriel Audouin d’après le site http://techlist.in/
Répartition des incubateurs sur le territoire parisien
Illustration Muriel Audouin d’après le site http://techlist.in/
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Une nouvelle vague d’investisseurs prend ainsi place à Paris, en se basant de plus en plus sur ce que la Silicon Valley nous apprend : juger de la capacité humaine d’une équipe plutôt que d’un business plan. Néanmoins, les capital-risqueurs demeurent toujours rares, préférant à l’investissement dans des idées, un placement moins risqué dans l’immobilier qui représente un moindre risque. En France, l’intérêt général passe souvent derrière l’intérêt individuel. Rôle des incubateurs parisien Illustration Muriel Audouin
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Le moyen principal de financer un projet en France reste aujourd’hui de faire appel aux banques. Ces dernières, contrairement aux business Angels, ne jugent pas sur l’humain, ou sur un produit révolutionnaire qui n’existe pas encore, mais bien sur un produit déjà fini, qui a d’ores et déjà été le fruit de nombreuses années de travail et d’investissements financiers. Les banques, pour investir, ont besoin d’un projet sécurisé, cadenassé qui n’engage aucun risque. Soit un raisonnement à l’opposé de celui pratiqué dans la vallée de Santa Clara. On profite à Paris d’un effet Label ou « étiquette » décerné par
les grandes écoles ou les institutions « à la mode ». Un jeune entrepreneur sortant de HEC, ou fondateur d’une startup ayant profité des services d’incubateurs très reconnu (le Camping, le NUMA, la Cantine) se dote au départ d’un réseau de plus grande importance. En d’autres termes, plus l’institution de laquelle il est issue est célèbre, plus son réseau sera important et sa présence désirable, du fait de son carnet d’adresse. Il s’agit encore d’un sujet « tabou » en France, mais les expériences prouvent sa réalité chaque jour.
Les clusters du Grand Paris
Illustration Muriel Audouin d’après Christian Blanc
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Progrès de l’innovation parisien Illustration Muriel Audouin
source : Ville de Paris
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NUMA, fonctionnement et système d’acteur source : www.numa.paris
NUMA, fonctionnement et système d’acteur source : Paul de Robillard
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Rhizome vs clusters ? Plateau de Saclay « Christian Blanc nous expliquait la métaphore du rhizome, un entrelacs de troncs - pas de racines - d’où peut resurgir sans qu’on puisse le prévoir une nouvelle plante formant une nouvelle polarité. Un système vivant qui s’en va de sa propre initiative et se développe là où les conditions sont optimales » écrit le grand prix de l’urbanisme Philippe Panerai dans la revue Criticat. C’est une vision de la grappe et de ses éléments qui se regroupent par nécessité. L’union fait la force. C’est un modèle qui semble avoir fait ses preuves et qui démontre une réelle envie, et un besoin des acteurs de se trouver à cet endroit précis à ce moment précis. A travers sa vision du Grand Paris, l’urbaniste Christian de Portzamparc a esquissé la vision d’une métropole organique en rupture avec la pensée fonctionnaliste de la programmation et de la planification autoritaire. « La théorie du rhizome consiste pour l’urbaniste à créer les conditions, plutôt même à être simplement suffisamment attentif pour reconnaître les lieux où elles sont presque réunies et faire juste ce qu’il faut pour que ça prenne » reprend-il. Le rhizome s’attache donc à offrir une liberté aux acteurs, tandis que le cluster ne fait que perpétuer la pensée du zoning en regroupant tout le monde au même endroit. Est-il possible de tirer des bénéfices d’un système mis en place par le pouvoir politique central et sa technocratie ? Ce débat est permanent chez les théoriciens des clusters. L’émergence du cluster estelle le fruit d’une génération spontanée et faut-il ensuite accompagner sa mise en valeur ? Ou bien, faut-il installer le cluster en imposant le regroupement par une proximité géographique ? D’une certaine manière, le projet du Grand Paris et le réaménagement du plateau de Saclay relèvent de cette seconde démarche. Rassemblons sur ce plateau tout ce que Paris compte d’acteurs de la haute technologie pour que cela se voit et le cluster technologique à la française sera enfin l’égal de la Silicon Valley. Ce projet est aujourd’hui en souffrance. Non seulement, il pose d’évidentes questions d’aménagement des déplacements difficile à résoudre mais surtout, un certain nombre d’acteurs rechignent à quitter Paris intramuros et une centralité bien attractive, et ce même si de grandes infrastructure de transport sont mises en place. 92
Yves Crozet, économiste des transports fait dans la revue des cahiers du Grand Paris, une analyse poignante de ce phénomène et des rêves des dirigeants du Grand Paris : « Qu’il y ait une corrélation parfaite entre accessibilité et productivité ne signifie pas que la première soit la cause de la seconde. Au contraire, quand deux variables sont corrélées aussi étroitement, c’est qu’une autre variable clé intervient8. Ainsi, la productivité à Paris est plus élevée qu’à Guéret non pas d’abord parce que l’accessibilité est meilleure mais au premier chef parce que la structure des qualifications n’est pas la même. Si le niveau de la productivité progresse avec la taille de la ville, c’est essentiellement parce que plus la ville est grande et plus sont importantes, relativement, les activités utilisant du travail qualifié. L’accessibilité découle simplement de la taille de la ville et c’est cette taille qui définit la productivité par tête. Ainsi, dire que l’augmentation de la mobilité se transforme inévitablement en un accroissement du même ordre de grandeur du PIB est un sophisme9 fondé sur un triple biais de raisonnement. - Le premier biais est le fruit d’une inversion de causalité, on prend la conséquence pour la cause10. - La seconde erreur consiste à oublier que la croissance dépend surtout de la quantité et de la qualité de capital et de main d’œuvre disponible, et très marginalement de la mobilité. 8. Ainsi, une corrélation très forte existe entre le niveau moyen des salaires et la taille de l’agglomération. On pourrait en déduire qu’il n’y a qu’à accroître fortement le nombre d’habitants dans une ville pour accroître les salaires ! 9. Pour le lecteur qui aurait besoin de se rafraichir la mémoire, un sophisme est un raisonnement apparemment logique mais qui est faux malgré des apparences de vérité. Ainsi l’affirmation « mon chien a des poils, Socrate a des poils, donc mon chien est philosophe (ou Socrate est un chien !) » est un sophisme ! Dans le cas qui nous occupe, nous dirons que l’affirmation qui consisterait à dire « là où la mobilité est forte, le PIB par tête est fort donc dès que j’accrois la mobilité quelque part j’accrois la productivité » est un sophisme qui transforme une corrélation en causalité. 10. Une croyance fétichiste très répandue sur les bienfaits des transports affirme que la mobilité crée de la productivité alors que c’est le contraire qui est vrai historiquement. Ce n’est pas parce que l’on a inventé le transport ferroviaire au XIXème siècle qu’il y a eu décollage économique, mais parce qu’il y a eu gains de productivité que le transport a pu aider à diffuser les produits nombreux issus des rendements croissants dans l’industrie et l’agriculture. Ainsi que l’a montré R. Fogel, si les chemins de fer n’avaient pas existé aux USA au XIXème siècle, la croissance économique n’aurait pas été très différente, bien que les transports auraient été plus lents et plus chers. La croissance appelle les gains d’accessibilité, mais les gains d’accessibilité ne provoquent pas la croissance, au mieux ils l’accompagnent.
- La troisième erreur est de considérer comme un enrichissement net ce qui n’est qu’un déménagement d’activités au sein d’un territoire plus vaste. Le risque du Grand Paris est d’étaler l’activité plus que de la développer. Nous paraissons sévère, mais qu’on ne s’y trompe pas, nous ne disons pas qu’il ne faut rien faire à Paris. Bien au contraire. S’il y a un endroit où il faut investir en France c’est bien en Île-deFrance puisque les emplois y sont en moyenne plus qualifiés et plus rémunérateurs pour la collectivité. Mais c’est parce que cette zone est dynamique qu’il faut investir en infrastructures et services de transport adaptés, ce n’est pas parce que l’on va faire des infrastructures qu’il y aura plus de dynamisme! ».
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Les territoires du grand paris source internet
Les territoires du grand paris source ACADIE
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Les territoires du grand paris source internet
Les territoires du grand paris source Christiian Blanc
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Quel avenir pour les pôles de compétitivités /clusters du grand Paris ? A l’issue de la Consultation internationale du Grand Paris, lancée en 2007, neuf territoires satellites du Paris historique ont été initialement identifiés, chacun prédisposé à accueillir un domaine d’activité précis. Dans l’évolution du projet et de sa communication, ce chiffre a évolué, passant de 9 à 7 puis 6 territoires. Ces derniers, possèdent des limites incertaines et sont désignés dans la communication du projet comme les « nouveaux clusters » du Grand Paris. Que représententils réellement ? Est-ce un abus de langage ou un désir de redynamiser l’attrait d’un territoire en lui accolant une étiquette prometteuse ? Dans le projet du Grand Paris, chaque équipe a mis le doigt sur le problème du système de transport métropolitain, et la difficulté qu’ont les parisiens à effectuer le trajet quotidien domicile/travail. Ainsi le fameux « grand huit », métro innovant de 130 km de long et reliant les nouvelles zones de projet entre elles, apparaît-il comme l’outil principal de ce projet, même si le nœud principal demeure placé au cœur de Paris. Comme le relève Philippe Panerai, « la création des clusters suit une logique parisienne historique : tout ce que la ville construit et assimile en dehors de ses limites, sont des entités (cimetières, chauffage urbain, zones d’activités, aéroport…) destinées à servir la Grande Ville, à la nourrir et à la faire briller mondialement ». C’est dans cette optique que les pôles de compétitivité de Paris Saclay, Evry Villejuif et Marne la Vallée ont été imaginés selon trois domaines de spécialisation différents, mais tous avec les mêmes ingrédients, à priori nécessaires à leur réussite : la recherche, l’éducation, le support et financement d’institutions nationales, et les entreprises. Certains de ces territoires bénéficient d’un effet d’aubaine. Le pôle Evry Villejuif, dont on observera que les dimensions excèdent la taille même de Paris intra-muros, tire parti de la présence d’ores et déjà remarquable de certains acteurs : la vallée de la Bièvre, déjà présentée comme un maillon du cône sud francilien de l’innovation (230 laboratoires de recherche, 8 établissements industriels de recherche et 13 établissements d’enseignement supérieur), des grands sites de recherche et de santé (Hôpital universitaire Paul Brousse, Inserm, CNRS, 96
Institut Gustave Roussy…) tandis que d’autres projets viennent s’ajouter à l’expansion de cette zone (projet Cancer campus). A ces éléments manquent toutefois les entreprises et l’innovation industrielle. Ce territoire ne réunit pas les conditions nécessaires pour être appelé « cluster » puisqu’il ne répond pas à l’exhaustivité des éléments requis. Il ne répond pas non plus aux critères de l’Etat visiblement, puisqu’il ne figure pas dans la liste des 71 pôles de compétitivité français. S’agissant du Plateau de Saclay, désigné comme un des projets structurants du Grand Paris, il comportera des universités, de la recherche, mais là encore pas d’entreprises si elles ne choisissent pas de s’y délocaliser. Enfin, pour le pôle « déplacement » autour de Roissy et du triangle de Gonesse, il semblerait qu’il s’agisse simplement de lui coller une nouvelle étiquette, histoire de faire croire au renouveau du projet.
La Vallée de la Bièvre / Pôle scientifique de Evry Villejuif Source : http://www.vsbievre.eu/
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Conclusion
Le terme « cluster » est tellement générique qu’il ne semble pas davantage correspondre à des échelles déterminées. Il est utilisé mal à propos autant pour désigner un groupement d’entreprises industrielles, qu’un rassemblement d’entités de recherche et de production sur un territoire donné pour relancer la compétitivité et l’innovation. Nous avons à travers ce mémoire, combattu certaines idées reçues à propos de la mythique Silicon Valley et des Clusters, et tenté de comprendre ce qui poussait nos politiques à vouloir en saupoudrer le territoire. Si la Silicon Valley demeure l’exemple à suivre, elle ne nous paraît cependant pas reproductible en tant que «matrice». Son succès s’explique par différents éléments, inhérent à son territoire, ses habitants et au fonctionnement qui lui est propre : - sa capacité à se renouveler et à faire face aux crises du marché ; - la culture américaine qui l’habite, jouant autant sur sa localisation (la voiture est une fatalité) que sur sa capacité à créer du réseau professionnel ; - son histoire, fortement liée à la Défense américaine ; - son caractère innovant ; - le goût du risque, sans peur de l’échec et des jugements - la taille du marché auquel elle s’adresse. Les technologies et dorénavant les énergies renouvelables sont le futur de notre planète. - son rayonnement planétaire, et l’effet « aimant » qu’elle exerce sur les cerveaux du monde entier. 99
Sa morphologie toute en circonvolutions, à l’inverse du damier traditionnel des villes nord-américaines, peut être assimilé à un cerveau dont les contours induits par la Valley évoque des lobes innervés de multiples liaisons névralgiques (le réseau) à l’image des câbles courant dans ses profondeurs. En revanche, pourquoi ne pas imaginer sur d’autres territoires, dont la France, des groupements d’intérêts (on pourrait même les appeler « pôles de compétitivité ») dont le rayonnement serait international si tant est qu’on veuille bien s’en donner les moyens : simplification du mille feuille territorial français, mise en place par l’Etat de moyens significatifs dans les domaines de la recherche, création de zones franches, recrutement de «têtes» à l’international également séduit par notre cadre de vie, … Tels pourraient être quelques-uns des ingrédients susceptible de nous ouvrir des marchés différents de celui visé par les géants de la Silicon Valley, voire de monter sur le podium dans un domaine donné énergie, transports, médecine, … De telles ambitions devraient permettre aux investisseurs privés de participer à ces développements, dans le cadre d’une législation adaptée à l’évolution rapide des projets ? Les pôles de compétitivité à la française apparaîtraient finalement comme un modèle économique encore plus déterminé que celui des « Clusters », car alliant au réseau recherche et industrie, une partie formation visant à sédentariser les jeunes diplômés, et ainsi auto-alimenter le marché de l’emploi local. S’ils offrent une alternative crédible à l’attrait d’un territoire, ils ne jouissent cependant pas encore d’une image de marque solide, suffisante pour séduire les investisseurs face à ce produit perfectible. Connus dans les domaines qu’ils représentent seulement par quelques spécialistes, ils ne sont souvent perçus par le grand public que comme de simples zones industrielles, de véritables barrières urbaines. 100
Loin de l’idée des acteurs politiques de vouloir « tuer le poussin dans l’œuf », il leur a peut-être semblé plus approprié d’attribuer à ce stade de développement des territoires de demain du Grand Paris, l’étiquette floue et vendeuse des « Clusters » à l’américaine. L’avenir dira si, à l’instar d’Henry IV pour qui « Paris vaut bien une messe », le Grand Paris « mérite mieux qu’un effet de mode ».
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Remerciements Je souhaiterais remercier tout d’abord David Mangin et Shahinda Lane, pour leur interêt et leur patience, ainsi que pour l’organisation des tables rondes qui fûrent très enrichissantes. Merci également à Claude Rosental, pour ses précieuses informations sur le fonctionnement de la NASA et ses rapports avec l’université de Stanford. Merci à Thomas Nanterme pour son analyse de la Silicon Valley, et au WProjet pour leurs reportages sur le système de l’entreprenariat dans la vallée. Merci à Valérie Liquet-Madry pour ses contacts, et son aide dans l’élaboration de la table ronde du 27 novembre. Merci à Joséphine Bonte pour m’avoir guidé dans ses connaissances de Sophia Antipolis et à Reichen& Robert& Associés pour leur documentation. Des remerciements particuliers à mes parents Odile et Jean pour leur relecture, et les grands débats que nous avons eu, qui m’ont permis de pouvoir construire un discours clair et nuancé. Enfin, merci à Romain Fouqueray, pour ses lumières en économies, et pour sa présence. Merci à Noémie pour ces moments «Happy».
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rÉférences bibliographiques Economie Martin, Reinhold & Kadambari Baxi, 2007, Multi-national City : architectural itineraries, Barcelona, Actar 136p Hervé Lebret, Start-Up : ce que nous pouvons encore apprendre de la Silicon Valley, 2007, p201 Understanding Silicon Valley, The anatomy of an Entrepreneurial Region, Santa Clara, Martin Kenney, 2000, 286p Raphaël SUIRE, Jérôme VICENTE, « Clusters for Life or Life Cycles of Clusters: In Search of the Critical Factors of Cluster Resilience », Entrepreneurship and Regional Development, 2013 p43 Laetitia Mailhes, Au coeur de la Silicon Valley, InaGlobal.com, avril 2014 Le Livre Blanc, L’émergence des clusters européens de classe mondiale , publication internet Raphaël Suire, Fabriquer des clusters a-t-il du sens ?, InaGlobal.com, 2014 Christian Blanc, Pour un écosystème de la croissance, La Documentation française, 2004, p81 Yan Dalla Pria & Jérôme Vicente, Processus mimétiques et identité collective : gloire et déclin du Silicon Sentier, France, Revue Française de Sociologie, 2006 Michael E. Porter, The Competitive Advantage of Nations, New York, Free Press, 1990 Histoire John M. Findlay, 1992, Magic lands : western cityscapes and american culture after 1940, Berkeley, USA, University of California Press, p125 Robert X. Cringely, Bâtisseurs d’empires par accident, Origines et dessous de la Silicon Valley, AddisonWesley France SA, 1993, 307p Manuel Castells and Peter Hall, Technopoles of the World, London, Routledge, 1996, 275p Langdon Winner, Variations on a Theme Park, Silicon Valley Mystery House, New York, Michael Sorkin Editor, 1992, 250p 104
Sophia Antipolis, Territoire d’avenir, Audacia Edition, 2009 La Grand Paris, presse Philippe Panerai, Grand Paris les méandres du Grand Huit, Criticat n°6, 2013 Yves Crozet, Les Rendez vous de la mégapole (Equipe SEURA), Systèmes / AIGP 2 / saison 2, p33-51 Martin Legros, Alexandre Lacroix, Liberté/Inégalité/Immortalité, Philosophie Magazine, octobre 2014, p40-68 Olivier Tesquet, Sacrifiés sur l’autel California, Telerama n°3366, juillet 2014 Urbanisme Gérard Dorel, Atlas de la Californie (Au cœur de toutes les mutations contemporaines), Paris, Editions Autrement, 2008, 79p Rémi Ferrand & Emilie Cam, US Anatomy, Saison 1 et 2, 2011-2012 Gian Franco Elia, Sophia Antipolis quand la sagesse quitte la Grande Ville, Annales de la recherche urbaine n°46, mars-avril 1990, PUCA, France p5-12 Nicole May, L’organisation spatiale de la recherche industrielle, Annales de la recherche urbaine n°46, marsavril 1990, PUCA, France, p12-21 Michel Queré, Technopoles Françaises et parcs technologiques allemands, Annales de la recherche urbaine n°46, mars-avril 1990, PUCA, France, p21-31 Yann Couvidat, Vingt ans de gestation trente ans de maturité en Californie, Annales de la recherche urbaine n°46, mars-avril 1990, PUCA, France, p31-39 Alain Briol et Richard Lauraire, Technopoles télécomunications stratégies et acteurs locaux, Annales de la recherche urbaine n°46, mars-avril 1990, PUCA, France, p95-106 Michel Savy, Mutation économique et changement spatial, Annales de la recherche urbaine n°46, marsavril 1990, PUCA, France p106-113 Site internet d’informations http://www.lesechos.fr http://www.lemonde.fr http://www.oezratty.net/wordpress 105
http://www.wproject.fr http://competitivite.gouv.fr Mémoires Babel Chloé Picard sous la direction de David Mangin, Babel Sup’, Mémoire Séminaire Babel, 2013, 152p Anne Cécile Rabine sous la direction de David Mangin, Les Coulisses de Babel, Mémoire Séminaire Babel, 2013. 106p Pierre Duperray, sous la direction de David Mangin, Ghetto(s) du Marais, Mémoire Séminaire Babel, 2012, p118 Filmographie Joshua Michael Stern , Jobs, Long métrage, 2013, 133min. The WProject, Le Mythe Silicon Valley, reportage, 13 min et 11min. Shawn Levy , The Intership, long métrage, 2013, 120min.
ANNEXES Compte rendu de Table Ronde du 20 novembre 2014 Séminaire de Mémoire Métropole « Babel Babylone » dirigé par David Mangin et Shahinda Lane Invité : - Claude Rosental, Directeur de recherche au CNRS, et à l’Ecole des Hautes études en sciences sociales. Auteur notamment de deux ouvrages : ROSENTAL, Claude. 2007. Les capitalistes de la science. Enquête sur les démonstrateurs de la Silicon Valley et de la NASA. Paris: CNRS Éditions. - Thomas Nanterme, co-fondateur du WProject, et auteur de reportage sur l’implantation de l’entreprenariat au cœur de la Silicon Valley, et les mythes de la Silicon Valley. Compte rendu : ¬Naissance de Stanford. Au début c’est une petite université technologique. L’université n’est devenue importante qu’au moment de la 2ème Guerre mondiale, et elle s’est largement développée à partir de l’après guerre. Un des atouts de Stanford était leurs biens fonciers. Ils avaient énormément de terres qui leur ont permis de développer leur parc, et continuent même aujourd’hui de jouer le rôle de propriétaire terrien en louant des terres à des entreprises (sur des baux de 99ans) qui viennent s’établir sur leur domaine. CR : Compte rendu de l’histoire insiste sur l’influence du département de la défense et des militaires dans le développement de cette zone, financements fédéraux. Depuis la fin de la 2nde Guerre mondiale il y a eu quelque chose de très planiste dans la conception de cette zone, le côté jungle a émergé plus dans les années 90 quand les financements des départements fédéraux et de la défense ont commencés a diminué. Les financements de l’armée ont commencés au début du XXème siècle, et investissements massifs pendant la 2nde Guerre Mondiale. Références DM : exposition sur la Guerre de Jean Louis Cohen, catalogue très intéressant sur les machines d’institutions pendant la guerre. L’histoire de Stanford, dynamique, relation avec la défense et l’armée et les financements et l’arrivée des startup. Développement en trois points : l’université de Stanford, l’importance de la défense, et les industries civiles avec incursions vers les startup. Zone qui a connu dans la deuxième moitié du XXème siècle un développement extraordinaire dans le domaine des semi-conducteurs. Pendant la guerre il y avait beaucoup d’utilisation de transistors pour l’électronique de défense. Ce qui a fait la différence en matière de technologie a été de développer des transistors à base de silicium pour développer des semi conducteurs. Phase de l’immédiat après guerre. A partir de cet électronique que se sont développés toutes les activités d’informatique et puis ensuite l’activité liée à internet. La Silicon Valley est très connue dans le domaine I-Tech mais depuis quelques années ils développent aussi de l’activité dans le domaine des bio et des nano technologies, et plus récemment des technologies vertes (panneaux solaires et éco carburants). 4 millions de personnes dans ces activités, et 6000 entreprises et 250 000 emplois dans le domaine I-Tech 108
ce qui représente 1/3 de la population active de la zone, dont 50% des populations immigrées (beaucoup d’Asie, d’inde et de chine) légaux et très diplômés. PIB par habitant très élevé. Domaine des bio technologies : 700 sociétés et 80 000 emplois. Technologies verte : une centaine d’entreprises. Au début du XXème siècle commence à héberger des recherches et centres de production technologiques pour la US Navy, et ensuite des centres de recherche aéronautique (progressivement regroupée autour de Moffett Field). Au début la NACA (ancêtre de la Nasa). Centre d’essai d’avion et ca a été ensuite repris en 1958 par la Nasa (date de création de la Nasa et de la Darpa). Elan de création et d’innovation par esprit de compétition en 1958 suite au lancement du Spoutnik des russes (guerre Froide). Pourquoi San Francisco plutôt que Los Angeles ? il y avait déjà une activité forte dans le domaine qui utilisait les transistors. A San Diego il y avait des bases navales et militaires. La cote ouest était exposée de façon directe au Japon (risque de représailles de Bombe nucléaire, et mémoire de Pearl Harbour). Le pôle recherche et développement de l’armée était plutôt au Nord historiquement. Toutes les villes de la côte ouest se sont spécialisées dans un domaine, L.A dans les loisirs … Entre San Diego et Los Angeles il y avait des bases militaires mais jamais de mégalopoles à cause de ces camps entre les deux villes. Grands besoin de transistors pour calculer la trajectoire des missiles et obus. Naissance et base du Silicium ? Le Silicium s’est développé dans la vallée à cause accès faciles à l’eau pour la purification du Silicium. Si cette zone s’est développée ce n’est pas simplement grâce à un micro climat (chaine de montage qui protège des vents et fraicheurs). Mythe abattu : les gens ne s’y sont pas installés car il y faisait bon vivre. « Valley of heart’s delice ». Histoire de Frederic Termann, professeur d’ingéniérie et provost, qui a lancé Stanford sur la piste des technologies informatiques, c’est le premier à avoir mis en place un système d’échange entre l’université et un ensemble d’acteurs. Il a essayé d’attirer des financements de la défense, et a créer un parc (Stanford Industrial Park) pour attirer des entreprises. Le principe était d’avoir des loyers modérés pour les entreprises qui s’installaient sur place, d’avoir des avantages fiscaux, de fournir une main d’œuvre d’ingénieurs de haut niveau et d’offrir aux entreprises d’importants contrats fédéraux. La question de l’investissement massif qu’il y a eu dans cette zone est un critère fondamental (Sophia Antipolis pas la même échelle). Investissement massif disponible, en échange de quoi les entreprises s’y retrouvaient parce que elles devaient financer des bâtiments ou équipements de l’université (share), personnel administratifs et projets. Il fallait former des gens à ces technologies complètement nouvelles. Tout était fait sur place. Terman a permis aux entreprises de détacher des salariés dans les centres de recherche, avoir une vue sur les étudiants qu’il était possible de recruter, et création d’un programme de formation continue pour former en permanence des salariés sur place. Est ce que les universités de la côte Est étaient sur le même modèle ? MIT a Boston avait une tradition plus ancienne, notamment dans les années 30 avec beaucoup de contrats et d’argent de la défense, et finalement l’idée a été de transférer une partie des fonds du gouvernement et de la défense sur la côte ouest a cause des spécificités. Relation privé/public est un tabou français à cause des sommes d’argent ? Effet de levier, s’il y a de l’investissement public il y a de l’investissement privé. Des clubs venaient aussi de San Francisco. Terman a aussi convaincu un certain nombre de ses étudiants de s’installer (Hewlett Packard 109
1953) et ils se sont installés dans le Stanford Industrial Park. Cibler la période d’action de Terman. On lui a demandé de réitérer l’expérience pour créer un autre centre dans le New Jersey et ce fut un échec retentissant. Terman a fait venir de grosses entreprises dans le parc (general electric, kodak, et lokeed) Terman a aussi trouvé des capital risqueurs pour financer des startup. Les banques prêtent et attendent des intérêts en prenant le moins de risque possible, tandis que le capital risqueurs a foie en le projet et prend une part des actions. Pas la même logique. Les startup n’étaient pas financées par le système bancaire. Aujourd’hui la Silicon Valley attire plus de 50% des financements de capital risqueurs. Localisation et Histoire de Sand Hill Road. Localisation des financements et investisseurs. La proximité est telle que c’est comme si il n’y avait pas de parois, on travers la route et on va chercher des investisseurs. Route avec petits bureaux et maisons de 2 ou 3 étages. Relations de proximité énorme, dans l’autre sens aussi puisque les investisseurs n’ont qu’a traverser une route pour aller voir les nouveaux projets de recherche et startup. Système unique au monde, route la plus financée et la plus chère du monde. Logique de regroupement des activités, regroupement de garages, de centre commerciaux etc… groupement de compétences. Effet de soupe. Café chez Bucks, repère des investisseurs. Technique de laisser son ordinateur ouvert et partir 2 minutes pour qu’ils puissent regarder les écrans, et attraper le poisson. On sait ou tout le monde se trouve et si on est un peu malin et audacieux on laisse trainer les 2 ou 3 informations qu’il faut. Les cafés sont devenus des lieux particuliers parce que l’instant du déjeuner n’est pas un moment de sociabilité, phénomène des Brown papers. Comprendre pourquoi la proximité reste importante. Dans les interactions on retrouver ce côté speed dating. Economie d’échelle qui est possible car ca permet de rencontrer beaucoup de monde assez vite, des salons sont organisés avec rencontres entre entrepreneurs et financiers. Référence CR : Sack Sinien, la Silicon Valley a beaucoup mieux marché que la route 128 près de Boston a coté de MIT, parce qu’on est pas dans le même type de relations sociales. Vrai et faux car très forte population immigrée (50%) on lit facilement le cosmopolitisme, moins WASP. Les gens ont pas beaucoup de temps : boulot. Il faut être passionnés, beaucoup de gens utilisent des excitants comme le café, et des gens ne tiennent pas longtemps (burn out). Il ne faut faire que ca. On laisse sur le carreau les personnes qui ne sont pas prêtes pour cet environnement. Tout le monde est orienté entreprise, si vous devez en monter une c’est la bas qu’il faut le faire, envie communicative. Consul général de France au bout de 6 mois voulait créer sa boite. Un coté : j’ai une idée j’y vais. Et si on n’y arrive pas ? Speed dating, on investit beaucoup et il faut plier les voiles assez vite. Relation à l’échec très particulière, la Silicon Valley s’est aussi construite sur les échecs et sur des crises. Année 2000 crise des startup, on avait atteint des montants d’investissement pharamineux et aujourd’hui on dépasse ces même montants. Les cycles réussite/échec très importants. Tu vas rater 10 fois et la 11ème sera la bonne. L’endettement de l’échec dépend du produit qu’on développe. Industrie et logistique sont cher, mais les logiciels et l’informatique sont à moindre cout. Question de volume. Pour des capital risqueurs, ils vont perdre une certaines partie mais gagner une autre beaucoup plus importante. Xerox et le logiciel de traduction, tout le monde s’y retrouvait : dans le projet il était prévu d’acheter du matériel Xerox donc l’argent ne sort pas. Les investisseurs avaient mis beaucoup d’argent dont les employés ne savaient plus quoi faire (traiteur engagé tous les jours), et à la fin les investisseurs avaient récupéré un produit intéressant sur le lot de tous ceux qui avaient été développés. Le capital risqueurs investit d’abord sur une équipe, plus que sur un produit (évalua a 60% les dirigeants du projet), facteur très important. Une banque résonne : produit/ 110
projet, Capital risqueur : équipe (diplômés compétente et capacité à encaisser l’échec et changer le produit du jour au lendemain). C’est aussi pour ca qu’on a un phénomène de cycle, car le capital risqueur mise sur quelque chose qui n’existe peut être même pas aujourd’hui. Quel type de contrat avec ces étudiants ou ces startup en cas d’échec ? Capacité à rebondir. Histoire de Facebook, il avait la capacité de développer son produit plus loin que ce qu’il proposait au jour J. Aujourd’hui on est moins dans l’investissement public que dans le capital risque. Le cycle échec réussite est lié a la façon dont la Silicon Valley marche et à son financement par le capital risque. Qu’est ce qu’un succès qu’est ce qu’un échec ? Tout le monde n’est pas en bourse, donc l’action n’existe pas, et les innovations sont faites de bifurcations. Quelque chose qui ne marche pas la peut fonctionner dans 10 ans. Histoire des téléphones portable, crées avant les téléphones filaires mais Dell a racheté les brevets car cela ferait trop de concurrence au produit qu’ils développaient (1910), et ainsi éliminer la concurrence. Est ce un échec ? Beaucoup de bifurcations, emprunt et combinaisons de projets, pour parler donc d’échec ou de succès il fat prendre de chiffre et choses très précises. Sack Seniance : La Silicon Valley a bien fonctionné car elle a une plus grande tolérance à l’échec que la route 128. Grand dogme des entrepreneurs dans la Silicon Valley : « Lean Startup » : on commence avec un prototype qu’on donne directement au client pour le tester. Inversion complète de ce qu’on pense de l’entreprenariat normalement. En France on fait un produit parfait dès le début pour aller le vendre, alors que la on fait un produit imparfait qui serait améliorer et complété par les utilisateurs. Théorie de l’échec et mise en valeur, à force de rater on arrivera a quelque chose de bien. On améliore constamment le produit. Coût du prototype ? Pour une application c’est vraiment pas cher, site internet même chose, méthode pour le numérique qui permet d’améliorer le développement. Les produits sont à minima avec peu de fonctionnalité et donc peu chers à développer et on améliore au fur et à mesure. Le coût est réparti dans le temps. Quel est le rapport d’investissement entre les nano technologies, les bio technologies ? La production ne se fait pas dans la Silicon Valley ? Les étapes d’un projet sont en elles même un élément marketing. On ne dit pas j’ai un prototype mais j’ai une version v.0 ou 0.1 avec des fonctionnalités qui seront améliorés. Présenté comme un prototype fait douter le client, c’est risqué. Dans la façon de séquencer un projet et dire on a quelque chose entre l’étape « on a rien » et « on a un produit », et c’est investit d’imaginaire et d’intelligence pour gérer la présentation publique de l’état d’un projet. Pas politiquement correct de dire que la Silicon Valley c’est un grand centre de défense. 1946 l’université crée le Stanford Research Institute. Lieu ou étaient hébergé tous les contrats militaires de l’université. L’engagement des USA dans la guerre du Vietnam a suscité pas mal d’actions de protestations sur tous les campus américains pour essayer de dissocier l’activité de recherche militaire de l’endroit où avaient lieu les enseignements. Donc le Stanford Research Institute est devenu un institue autonome et est devenue au fil des années une grande société de consultance dans les domaines civiles et militaires. Les produits développés pour les civiles ont une version duale avec une version militaire et les gens travaillent sur les deux. Vision de la logique évolutionnaire de la zone. Branchement avec des institues et des organisations qui se développent et donne lieu à d’autres entreprises avec des équipes débauchées qui circulent. 1968 SRI, c’est la qu’a eu lieu le lancement de la recherche de Arpanet (ancêtre internet), et aussi l’endroit ou Douglas Angelbart a développé le concept d’ordinateur personnel et l’environnement de travail actuel (interface, souris). Il a développé ca avec des subventions de la Nasa et de la US Air force, et certains membres de l’équipe ont été recrutés par un parc de hautes technologies de Xerox (Xerox Park). Steve Job a été débauché des gens qui travaillaient à Xerox Park. On peut faire la généalogie des équipes sur les réseaux de personnes 111
et les grands objets emblématiques qui ont été crée. On peut établir un développement géographique de cette zone via cette généalogie. Le droit du travail permet d’avoir plusieurs emplois en même temps, possibilité de partenariats sont infinis, les réseaux peuvent s’associer – Influence autoblocante au niveau des institutions ? Moins de 50% des employés de la Nasa possèdent des contrats de travail, les autres sont prestataires de services ou consultants. Ils prennent des parapluies d’entreprises qui les embauche et les protègent comme les sociétés d’informatiques, ou alors ils sont prestataires individuels (travailler en tant qu’auto entrepreneurs). Si les flux et les équipes de travail sont aussi mouvantes, est on surveillé pour prouver qu’on a pas pris l’idée d’un autre avec qui on aurait travailler plus tôt ? Problème entre intrication et concurrence. Sur les grosses firmes il y a quelques gros procès. Pas facile de prouver pour les avocats que les choses ont circulées, honoraires très chers, ces procès sont souvent perdus d’avance. Cela n’a finalement aucun sens. Procès long et risqués. Pour des montants de quelques millions de dollars ca ne vaut pas le cout. Les gens ont souvent intérêt à avoir des produits complémentaires et compatibles dans l’innovation. Il faut des concurrents pour faire mousser les choses. Histoire du secteur de la défense : le secteur impose à tous fournisseur d’avoir un concurrent qui produise exactement la même chose. Il faut éviter les relations de dépendance. Historiquement les grandes entreprises civiles se sont inspirées de ce modèle, modèle généralisé. Dans les contrats d’avocats, il y a des clauses de médiations, on doit tenter une médiation avant d’aller en procès. Rues entière des cabinets d’avocats : ils font les contrats des startup et ils font les médiations entre les commerciaux, on évite donc le procès qui est trop incertain. Chaque parti participe à l’élaboration de la solution. L’entreprise à une activité principale et ca va lui couter trop cher de développer en interne une technologie. Elle prendra beaucoup plus de temps que si c’est une startup qui le fait pour elle. Phénomène : on laisse toutes les startup se développer et on achète quand l’affaire est devenue mature (utilisateurs). On l’aide à se développer et après on l’achète. Externalisation de la technologie : moindre risque et moindre coût. Perméabilité startup Stanford très importante : un startupper va peut être retourner à l’université pour y donner des cours, ou faire de la recherche et remonter un autre projet de startup, puis devenir investisseur. Cycle !! Les professeurs sont entrepreneurs, liens permanents. Responsable des machines learning a Stanford est quelqu’un qui a revendu sa startup plusieurs millions, et qui est revenu à Stanford pour pouvoir avoir les fonds pour son projet de recherche et ensuite développer son nouveau projet avec une nouvelle startup. Stanford en profite parce qu’avec des professeurs comme cela ils sont à la pointe d’un domaine très précis, et effet de visibilité. Cercle vertueux entre tous ces gens là. En parallèle ce monsieur est aussi investisseur. Notion de professeur consultant qui facilite ce genre de rapport. Berkley, université plus ancienne, université d’Etat, beaucoup de disciplines et joue un rôle, forme beaucoup d’ingénieur et de chercheurs Rapport entre San Francisco et la Silicon Valley ? Aujourd’hui les entrepreneurs quittent la Silicon Valley pour aller dans San Francisco parce que c’est moins cher, ils ont le confort de vie d’être en centre ville, il y a une ébullition et une énergie, et en parallèle de ca, les gens qui sont devenus riches en revendant leurs startup investissent massivement dans l’immobilier à San Francisco, et avec ces phénomènes le prix de l’immobilier a San Francisco est en train d’exploser. Les 112
habitants de San Francisco en ont marre que ces jeunes riches fasse n’importe quoi avec les marché de l’immobilier. La Silicon Valley est en train de remonter dans la ville et ca pose des problèmes d’infrastructure et d’immobilier. Pas de système de transport en commun autre qu’une autoroute pour faire la liaison. Possibilité d’habiter dans le cluster. Sectorisation de la zone par bande et beaucoup habitent de l’autre côté de la Baie ou de l’autre côté de l’autoroute. Beaucoup de boites se montent à San Francisco car les embouteillages sont trop importants pour faire la liaison. La voie ferrée n’est pas du tout utilisée, c’est la culture de l’autoroute. Voies de bus consacrée « car pool » et utilisateurs qui ont plus d’un utilisateur dans leur voiture. Système pas très « drôle ». Beaucoup de condo, sinistre. Cet endroit n’est fait que pour travailler. Moyenne des salaires pour les ingénieurs : 150 000$ / an. 50% de plus que la moyenne nationale. Développeur 100000$/an. Beaucoup d’entreprises françaises gardent la partie développement en France et juste la partie développement commerciale aux USA, ca coute moins cher. Cycle géographique : San Francisco, Date de construction des ponts passant d’une rive à l’autre, ca se développe autour de Stanford et le long de la route 101, effets de souk avec les différents métiers, avocats banquiers. Présence de production ? Non surtout des services. Les gens de l’état allaient aussi un peu à Sacramento, politique d’avantages fiscaux, ca pouvait être plus rentable de s’installer plus haut. Il y a eu des dot com après l’explosion de la bulle. La Silicon Valley est en train de remonter et se diversifie, grands pôles notamment en Inde avec des centres d’appels qui forment beaucoup d’ingénieurs en informatique. Les grandes entreprises développent des centres en Inde. Les grands sièges (Babel), localisation, et taille ? La Nasa a sorti son université propre : La singularity university, programmes courts de trois mois avec sélection des meilleurs cerveaux du monde entier, afin de réfléchir sur des problématiques de bio technologies et le développement de l’humain et de la vie éternelle, et financer en grande partie par les financeurs de Google. De nouvelles choses se passent du côté de la Nasa. Nasa activité informatique spatiale. Cap Canaveral en Floride est la base de lancement, le Texas est l’entrainement des Astronautes, et là on a un pôle spécialisé. Chaque acteur va travailler sur le domaine de l’autre avec des hybridations un peu complexes. Nasa est ouverte ? Les entreprises ont développé des campus universitaires complètement ouverts, restrictions seulement dans les bâtiments pour la sécurité. Darpa. Département de la défense est situé physiquement à Washington, mais ce n’est pas exactement l’armée. La Darpa finance l’industrie civile pour récupérer à moindre coût des technologies avancées et risquées dans les laboratoires de l’armée. Controverse : Les militaires américains investissent dans des projets à long terme pour l’industrie civile avec des projets, développement de l’intelligence artificielle. Logique économique : Si on investit dans des technologies folles pas forcément applicables à court terme, les laboratoires de l’armée sélectionne des projets et ca va couter beaucoup moins cher de les adapter que de les créer. La Darpa finance des partenariats entre les universités, 10 partenariats avec 2 universités, partenariat avec un institue de recherche, une entreprise. Pour bénéficier d’un financement il faut créer ces partenariats. Cela favorise donc des logiques de coopération et de concurrence. Les concurrents doivent se mettre ensemble pour bénéficier de ces financements. Même chose pour la Nasa. Nasa : organisme civile et militaire. Dans le domaines I-Tech on tombe sur des financements de la défense, la frontière n’est pas simple. Pas comme la NSA. Darpa 200 personnes avec des parcours divers avec des mandats de 4 ans pour sélec113
tionner des projets de I-Tech risqués et prometteurs. Et après ce mandat ils repartent. Valeurs anti démocratiques. Ces personnes sont au cœur de pleins de réseaux, ils connaissent qui fait quoi dans le Silicon Valley. Trajectoires croisées vont des entreprises vers l’université, mais aussi conglomérat militaro-industrialo-universitaire. Ceci permet de comprendre la logique coopération compétition, un peu darwinien. Fondamentaux de l’histoire américaine ? Guerre entre les trust, gangsters et histoire des grandes fortunes, régulation de l’état. L’empire. Idée d’économiser au maximum les hommes. 10 types pour servir un homme. On va vers le robot. On fait appel au privé et aux robots. Mettre en perspective. Affaire qui se réactualise et qui fonctionne avec la porosité qui a été décrite précédemment. Souvent des secrets de polichinelle. Ca évolue tellement vite qu’une fois qu’on sort c’est très difficilement récupérable. Projets très sophistiqués. Notion de la culture du réseau assez poussé : on rencontre tout le monde car on ne sait jamais ce qu’il peut se passer. On ne sait jamais ce que les personnes peuvent nous apporter. On peut se retrouver du jour au lendemain propulsé, beaucoup d’opportunité. Il faut être au courant de tout et rencontrer tout le monde physiquement. Rendez vous de 20 minutes avec chrono. Speed dating du peech. Parfois le rendez vous se fait en marchant. Culture de l’assurance, système auto entretenu. Comprendre ce que c’est que d’être recruté à l’université de Stanford. Seulement 3% des candidats sont admis et parmi les critères d’admissions la question de l’assurance est primordiale, il faut des très bonnes notes et avoir montré dans la fabrication du CV qu’on a monté des entreprises, des associations, on a fabriqué des choses. Faire preuve d’une implication. Ce type de profil et d’individu qui irrigue cette région. Phénomène auto entretenu et moutonnier. Si je suis a Stanford je sais que je vais monter une structure qui va réussir. Côté label, si je monte ma startup dans la Silicon Valley, et que ca marche elle vaudra 100 fois plus que ce qu’elle aurait valu en France. Prophétie auto réalisatrice. Le profil psychologique est la limite de la sociologie des trajectoires et de l’espace. Institutionnalisé, on intériorise cette position. Très américain, dès le secondaire on pousse les gens à s’exprimer. Lieux d’immigration, donc les gens riches et célèbres (enfants de Clinton) ont plus de chance de développer une structure que les gens venant d’inde du sud qui n’ont pas cette habitude de la culture américaine du peech. On n’approche pas les gens pareil, règle de socialisation différentes. Geek fidèles à leurs entreprises et qui s’adaptent progressivement. Idées reçues : Les grandes universités américaines pratiquent la diversité, Berkeley le fait beaucoup. Beaucoup plus de chance de rentrer en venant d’écoles privées WASP. Les écoles privées forment les gens à des matières rares. Si on ne recrutait que sur des critères scolaires on aurait que des asiatiques, les clubs universitaires pratiquent une sélection aussi liée à des sponsors, anciens étudiants, entreprises qui financent les universités. Ils se débrouillent pour que les enfants de ces familles rentrent dans ces universités. Et ca passe notamment par les écoles préparatoires privées. On fait payer cher la nomenclatura chinoise et après on s’en débarrasse pour ne pas nuire à l’image. Aucune personne ne paye réellement le même prix. Le pire c’est pour les classes moyennes. Ils sont prêts à payer très cher et faire des emprunts. Ce n’est pas un obstacle mais un investissement. Ca reste un système très oligarchique dans les grandes universités, et en même temps ce qui fait marcher la Silicon Valley c’est aussi l’immigration. Division du travail dans la Californie. Immigration mexicaine irrigue les métiers de base, et aussi dans l’agriculture à des coûts très bas. Des économies d’échelles sont construites. Une immigration de réseaux, par exemple dans le domaine I-Tech. Les USA ont besoin d’ingénieurs indiens et autres parce que ce qui est valorisé aux USA c’est de viser une école de médecine ou d’avocat. Les métiers de la technologie ne font pas partie de l’image de prestige. Immigration assez filtrée car pour réussir il faut être le meilleur de sa nationalité si on vient d’ailleurs. Filtre 114
par le haut vu le niveau de compétition qui se passe. Ne rentre pas dans le Silicon Valley qui veut : principaux obstacles : coûts, rapidité d’exécution, excellence des gens déjà la bas. Les entreprises font toutes les démarches pour avoir les ingénieurs étrangers qui les intéressent. Le moindre talent vaux très cher, plus les cout institutionnel. Maintenant on laisse davantage les cerveaux chez eux en essayant d’externaliser. Problématique salaire est une des grosses problématique de la Silicon Valley en ce moment. On délocalise les réseaux de la Silicon Valley. Exemple les centre d’appels en Inde. Effets de souk aussi. Historiquement au début des années 90, internet était un réseau universitaire, les débits ont énormément évolué en 20 ans. Maintenant les entreprises peuvent faire les rendez vous face à face par le biais du numérique (Skype amélioré). Ca change la donne pour les capacités de travail. Dynamiques qui s’agglomèrent et qui convergent vers des logiques multi pôles. Le Grand Paris et la diversification Entrée de l’immigration est intéressante pour le GP, diversification aussi par rapport à tout ce qui a été expliqué. Ref = Yves Creuzet Grand Paris express. On thématise les bases er on les relie entre elles. On thématise sur des embryons d’embryons. Phase contradictoire ? A-t-on besoin d’un grand métro pour relier des gens qui n’ont pas forcément avoir les uns avec les autres ? Si les patrons viennent de Roissy ils prendront un taxi. Creuzet : le développement de ce métro suppose un accueil des migrants beaucoup plus important que celui qui existe aujourd’hui. Les clusters du GP n’ont rien à voir avec l’exemple de diversification qui a été donné au cours de la table ronde sauf pour le côté écosystème et synergie armée et recherche développement. Mais pas de thématiques particulière dans la Silicon Valley (transistor, internet, bio Tech), cosmopolitisme, flux d’immigration, porosité public/privé tout à fait différent. Ambiguïté bizarre. Silicon Valley 50% du marché technologique mondial. C’est bien de vouloir créer un marché en France mais pour quel marché ? L’Europe c’est pas les USA, parce qu’il y a beaucoup de barrières (langues, institutions) alors que les USA ne font qu’un. Pour les logiciels c’est la Silicon Valley ou rien. Effet taille très rationnel et qu’il faut prendre en compte aussi, on y pense pas forcément. Effet culture. Culture de la voiture = c’est pas grave si la Silicon Valley est a 1h de voiture de San Francisco, pas grave si le cluster est pas en centre ville. On n’a pas envie d’aller s’enterrer à Sophia Antipolis (problématique des villes nouvelles qui ne fonctionnent pas?) On veut être la ou on peut prendre un café ou une bière, la ou il y a de la vie. On a pas envie d’aller vivre a Sophia Antipolis. La différence c’est que pour Saclay, on n’a pas demandé leur avis aux acteurs et entreprises. Pierre Veltz et l’effet taille. Saclay rapport investissement retour douteux. Faut il mettre autant d’argent dans les transports publics, plutôt que dans les salaires ou l’aménagement ? Dans les clusters Français il n’y a pas de société de capital risque et ce n’est pas les mêmes individus avec les mêmes trajectoires. Il ne faut pas avoir peur de lister un a un les choses, il n’y a pas que 1 facteur déterminant, tout compte. On parle de quelque chose qui a mis 100 ans à émerger, c’est utopique de penser qu’en 10 ans on peut faire la même chose. Le mot start up arrive quand ? Notion qu’on démarre et en 2 ou 3 ans on est propulsé dans des sphères inimaginables. Les startup continuent elles à marcher ? Notion liée aux années 90 avec le boom d’internet, hyper croissance. Dans la Silicon Valley on est pas dans les problématiques que celles qu’on a quand on crée une boite en France : en France on est plus linéaire, alors que dans la Silicon Valley c’est exponentiel. Dans la SV tout est tourné vers l’hyper croissance : les capitaux sont tournés pour vous faire monter très haut très 115
vite, on vous apprend à recruter 30 personnes par jours. On sait qu’il faut injecter beaucoup d’argent dès le début. On raisonne « champion mondial » tout de suite. Rapport avec New York et la Bourse ? L’objectif de toutes les startup est de rentrer en bourse, c’est le but ultime. C’est le seul endroit ou on peut avoir du cash. Avant c’est de l’argent potentiel. Quels sont les critères pour rentrer en bourse ? Seuil de rentabilité et bénéfices, nombre d’utilisateurs, capacité des dirigeants à emmener l’entreprise plus haut, capital minimum ou chiffre d’affaire, Qui décide ? Autorité régulatrice ? Combien des startup créées dans la Silicon Valley sont entrées en bourse ? Un des critères de réussite. Il existe plusieurs phase de réussite. Dans l’entrée en bourse on dépasse le stade du capital risque, l’entreprise est suffisamment stable pour qu’on puisse investir sereinement. La mesure du succès réside plus dans une dynamique et une trajectoire, incorporé dans l’individu. Prendre des mesures extérieures est moins retentissant que l’esprit « being succesful », et de se réinventer après la vente d’une entreprise en business angels ou en investisseur, pour prendre des risques et croire en d’autres personnes. Philanthropie intéressée. Quelles sont les autres stratégies pour mesurer si son entreprise est succesful ? Ikea, Auchan pas en bourse donc quels sont les autres business plan ? En France les entrepreneurs ne réinvestissent pas l’intégralité de leurs gains dans l’écosystème entrepreneurial. Xavier Niel, Simon Sini. Dans la Silicon Valley il y a la notion « pay forward » tout ce qu’il m’a été donné je dois le rendre à la société. Logique derrière ca ? C’est le gain du jeu, côté Las Vegas. Il faut faire fructifier le capital. Générosité modulée pour avoir un retour sur l’investissement. C’est une passion et une compétence : savoir évaluer ce qui a du potentiel. Le milieu entrepreneurial dans Paris comment évolue-t-il ? Ecosystème entrepreneurial a Paris en pleine effervescence, avec l’influence de la Silicon Valley. De grandes entreprises se rendent compte aussi qu’il faut investir dans de nouveaux projets. Plusieurs initiatives avec un énorme effet Label (école, incubateurs et accélérateur, qui facilite l’accès au succès). Accélérateur = produit lancé et on veut améliorer et passer de 100 clients à 1000. Stage de 3 mois ou on est challengé sur le produits avec des conseils d’experts, challenge sur la partie juridique. On passe à la V.2. Camping (NUMA dans le 2nd arrondissement). 2coles de commerces bougent aussi pas mal sur l’entrepreneuriat. Chacun mène sa petite initiative sans fédération, c’est fait de manière informelle. L’accélérateur se finance en prenant une part du capital des entreprises. Niel : incubateur géant. Schéma sur V.0 dans cahier. Le capital risque se développe grâce à des entrepreneurs ou des financiers. Simon Sini, Gena capital fond de capital risque = envoie de business plan avec étude de la partie financière, étude de l’humain. Il savent coatcher la partie financière donc ils ont besoin d ‘assurance sur le coté humain. La caisse des dépôts finance aussi des startup. Peut on faire sans capital risqueurs a paris ? Le succès appel t il le succès ? Est ce que ca passe par des projets de loi sur l’investissement ? Taxation des reventes d’entreprises un peu décourageantes dans l’écosystème. Aujourd’hui un entrepreneur qui réussit va investir dans l’immobilier plutôt que dans les startup. Londres traditionnellement c’est la finance coloniale. Ancien empire avec richesse du patrimoine, pas les actions. Problème de la taille du marché qui est difficile à comprendre. Forcément en anglais c’est beaucoup plus facile, vu que la langue concerne déjà une grande partie du commerce mondial. Big Brother et Snapchat, revente de data base pour collecter des informations sur les clients potentiels. 116
Les conséquences de la technologie sur les déplacements et le travail Compte-rendu Table Ronde 1505-2014 Séminaire Babel 2014 Intervenants : Georges Amar, Prospectiviste Bruno Marzloff, Sociologue du travail, directeur du Groupe Chronos Vincent Leygonie, Directeur Général ANNEXX Georges AMAR, le nouveau paradigme de la mobilité Je ne vais pas vous parler uniquement de tierslieux, je vais vous situer ces lieux tiers dans ma réflexion prospective sur la mobilité. Qu’est ce qu’un lieu à l’âge de la mobilité ? En quoi l’âge de la mobilité reformule la notion même de lieu ? La prospective c’est l’étude des changements de paradigme. Elle s’intéresse plutôt aux mutations qu’aux tendances. Il y a des paradigmes émergents, le travail de prospective c’est de détecter ces paradigmes et de les nommer, de leur trouver des langages. Ce qu’il y a d’intéressant, c’est la vitesse de changement de ces paradigmes (le delta P sur le delta T), l’accélération de ces variations. On est en train de vivre un changement de paradigme : du paradigme du transport au paradigme de la mobilité. « Vivre Mobile » : une enseigne de marchand de téléphone photographiée dans la rue, révélatrice du changement de paradigme, qui ne vient pas du transport. Nous rentrons dans la vie mobile, on passe du transport à la mobilité. C’est une mutation des usages, des outils, des acteurs. C’est aussi révélé dans le changement des objets emblématiques : des voitures et des avions au XXe siècle on est passé au smartphone, aux chaussures et au vélo. Nous menons une vie mobile qui se déroule dans une ville mobile, et c’est là qu’on retrouve les tiers-lieux. Ce changement de paradigme touche aux fondements de notre existence : l’espace et le temps. L’ancien paradigme : «la vie postée », c’est l’idée que les choses de la vie se font quelque part, dans des lieux ‘faits pour’. Je dors à la maison, j’achète dans un magasin, je travaille au bureau ou à l’usine. Le nouveau paradigme c’est la vie en mobilité. Cette transformation est à la fois progressive et brutale. Ce sont des ruptures lentes. Nous allons rester encore longtemps dans la vie postée, et pourtant nous sommes déjà rentrés dans l’idée que les choses ne sont pas postée quelque part. La notion de temps n’a plus rien à voir. Le transport était considérée comme une perte de temps. La mobilité n’est pas une perte de temps. On n’attend plus son bus, ce qui était une chose angoissante. Le concept d’attente s’est transformé en transition. Je ne développe pas plus cette notion de temps. Il y aurait beaucoup de choses à dire. Il faudrait réussir à oublier cette angoisse de perte de temps, car l’activité ne consomme pas du temps mais en créé. La révolution du lieu est presque encore plus important celle du temps. Dans l’ancien paradigme, le lieu précède le mouvement. Le transport c’est le déplacement : aller de place en place. La primauté c’est le lieu. Dans le nouveau paradigme c’est l’inverse : je suis en mouvement, et le lieu c’est là ou je m’arrête. Le mouvement précède le lieu. Le lieu c’est l’intersection entre deux trajectoires, le rendez-vous dynamique. L’image que j’apprécie pour figurer cette nouvelle notion du lieu, c’est celle du ravitaillement des avions 117
en vol. Grâce au téléphone portable, on n’a pas besoin vraiment de déterminer le lieu de rendez-vous, ce sera le point où nos trajectoires se croiseront. Dans Vingt Milles Lieux Sous les Mers, Jules Verne, en avance sur le futur, fait parler le capitaine Nemo : Mobilis in Mobile (mobile dans l’élément mobile). C’est la mobilité au carré. Quand je vais de A à B, A et B bougent. Plus personne ne reste en place. Quand on appelle quelqu’un on ne sait pas où il se trouve, alors que dans l’ancien paradigme la personne se trouvait physiquement à l’autre bout du fil. C’est important de comprendre l’ancien paradigme, qui se résumait à Mobilis in Stabile, « je bouge dans un monde stable ». Maintenant « je bouge dans un monde qui bouge ». L’image la plus forte de la mobilité contemporaine est le surf : bouger sur une vague, bouger sur quelque chose qui n’est pas stable (le surf internet). Cela m’amène à dire quelques mots à propos de ces lieux. Les lieux du transport sont plus intéressants que les lignes. C’est une des proposition de prospective menée à la RATP. L’un des exemple les plus intéressants à regarder, c’est le Vélib. C’est un très bon exemple du nouveau paradigme. C’est un hybride entre transport public et transport individuel. Le vélo en lui-même n’est pas l’innovation, il est assez classique. La partie la plus innovante c’est la station Vélib : c’est une véritable invention. Les hauts lieux de la ville aujourd’hui ce sont les gares et les stations de métro, les pôles d’échanges babéliens, mais aussi les bancs publics. Le Bryant Park est le premier wireless park de New York, ouvert en 2008. Il y a dans ce parc un télescopage de la tradition d’espace public à la française (ils ont importés des mobiliers similaires à ceux du jardin du Luxembourg) et du wi-fi. Pour moi c’est devenu une sorte de métaphore de la station de la mobilité, les tiers-lieux si vous voulez. C’est un endroit où l’on peut se rencontrer, où il y a simplement internet et des toilettes. Il faut voir ces lieux d’une façon très large. Les concepts sont dans la rue. Les tables de café parisien traditionnelles comportent parfois des publicité comme celle-ci : « le café, c’est l’instant de pause au cœur de la mobilité ». Ca révèle le fait que le café est un équipement de la vie mobile : c’est un tiers-lieu. Aujourd’hui ça devient conscient. La ville elle-même est un tiers-lieu, un lieu d’agencement entre les mobilités. David Mangin : Dans des territoires très distendus qui fonctionnent avec la voiture, est-ce qu’il faudrait des lieux de rendez-vous fixes où est-ce qu’il y a la capacité de faire des lieux de rendez-vous mobiles ? On avait distingué avec Bruno Marzloff trois types de tiers-lieux : un qui serait un point de rencontre intermédiaire entre domicile et travail, l’autre c’était la question de lieux d’hébergement pour les télétravailleurs, peut-être sous l’influence du co-working, et le dernier c’était la possibilité de réinventer des nouveaux programmes dans un contexte de crise des équipements publics. Telles seraient les trois familles de tiers-lieux. Il faut les distinguer. G.A : On pourrait dire qu’il y aussi le « lieu mobile » D.M : C’est celui-là qui est plus difficile à imaginer. Dans l’affaire du Vélib, j’ai pas tout compris. C’est un système de réseau avec des stations, c’est peut être le paradigme ancien. Bruno Marzloff : A une autre échelle. On a une station tous les 300m, ce qui remaille le réseau ancien. Et c’est ça qui en fait véritablement la puissance. 118
D.M : Oui, mais ce n’est pas la nouveauté. G.A : A une station de métro ou de bus, j’attends mon métro ou mon bus. A une station de Vélib ce n’est pas du tout pareil. C’est un nouveau concept de station. Je prend mon vélo à une station. Vélib n’est pas un vélo. Désormais, dans le vélo il y a plusieurs modes. Dans la voiture, il y a le taxi et la voiture individuelle. Cela élargit le concept modal. Pédibus, ce n’est pas de la marche, c’est un autre mode. Aujourd’hui on est dans la création de modes. D.M : Dans les deux sens du terme. G.A : Si on veut. Les modes ont quelque chose de communicant. La diversité modale devient un principe urbain. On peut considérer que la ville future aura cinquante modes. Le covoiturage pourrait devenir dynamique, sans fixer de lieu, ce serait un nouveau mode. Question d’un étudiant : On est dans l’âge de la mobilité, mais on cherche aussi à moins bouger, à utiliser moins les transports, à cause de leur saturation, mais aussi pour des raisons écologiques. G.A : L’âge de la mobilité ça ne veut pas dire plus de mobilité. La mobilité va devenir plus intéressante. Chaque geste devient précieux. Nous sommes tout juste en train de rentrer dans la bonne mobilité, qui ne signifie pas faire plus de kilomètres, au contraire. Bruno MARZLOFF, les tiers-lieux Mobilités, dé-mobilités Je suis sociologue, je me suis saisi de cette problématique des tiers-lieux très tôt. Je suis rentré dans ces problématique via les mobilités. Gare&Connexions, filiale de la SNCF, a lancé un Appel à Manifestation d’intérêt sur les gares de la seconde couronne. Son propos : les travailleurs de la seconde couronne subissent en moyenne 2h20 de déplacement par jour. Quelles seraient les solutions immobilières autour des gares de la seconde couronne pour résoudre ce problème-là ? Dans la logique du travail Fordiste, les pics de commuting (heures de pointe) continuent à progresser. Pour l’exploitant (SNCF), le modèle est impossible : 200% de taux d’occupation des trains à 8h alors qu’il y a 40% sur la moyenne de la journée. C’est insoutenable pour les usagers : c’est la « la pathologie du transport ». C’est insoutenable aussi pour les services publics. J’ai tourné autour de ce sujet : comment peut-on résoudre ce problème ? J’en suis arrivé rapidement aux notions de délocalisation et désynchronisation des activités, et au concept de quotidien à distance. C’est particulièrement lié au travail, mais pas seulement, ça dépasse même largement cette problématique. Le tiers-lieu en fait c’est un objet qui pose toute une série de questions sur des plans urbanistiques, territoriaux, sociologiques, et c’est ça que je vais vous proposer de regarder. On pourrait revenir sur cette notion de « station de mobilité » proposée par Georges Amar. C’est un oxymore, les deux mots sont antagonistes. L’expression résume assez bien le conflit qui est en train de se passer entre le sédentaire et le mouvement. Je pense qu’il faudrait y accoler un troisième terme : la notion de proximité. Tout d’un coup il y a une irruption de tout l’univers immobilier autour du tiers-lieu. J’ai cité l’AMI Gare&Connexion. Le tiers-lieu devient l’incarnation territoriale du numérique. La chaire immobilière de l’ESSEC a produit « L’immobilier dans la ville de demain », ils interview toute une série d’acteurs sur cette 119
question là : c’est quoi l’immobilier de bureau aujourd’hui ? Ils montrent comment le bureau devient très poreux. Il y a Nexity, il y aussi le Crédit Agricole, qui vont lancer des réseaux de tiers-lieux. Il est en train de se passer quelque chose d’extrêmement étonnant avec l’irruption de ces acteurs-là. Les dépenses des ménages les plus importantes sont l’automobile et le logement pour les ménages, les moins importantes sont celles qui sont liées au numérique. D’un coup on comprend mieux cette problématique du tiers-lieu. Il y a des considérations économiques, environnementales. J’avais formulé la notion de « dé-mobilité » liée à la dé-croissance, dont personne ne veut en entendre parler. La transformation la plus radicale il faut aller la chercher chez Le Corbusier : l’urbanisme fonctionnel (le Plan Voisin), la zonification et la voiture qui relie le tout. C’était il y a un siècle. On voit où ça nous a emmené : l’étalement urbain, l’écartèlement entre le domicile et toutes les fonctions de l’urbain. A un moment, ça ne fonctionne plus. Peut être que le tiers-lieu est l’exacte contraire de la figure de Le Corbusier. C’est là où l’on va retrouver la notion de multifonctionnalité. Précarisation et économie collaborative Le travail est en train de se précariser, on passe du CDI au CDD (84% des embauches au 3e trimestre 2013 se sont faites en CDD). Le modèle de l’entreprise-providence est en train de s’écrouler au profit d’un modèle de précarité. Du CDD on passe à la mission, de la mission on va passer à auto-entrepreneuriat, qui croît plus vite que le chômage. Les acteurs publics ont une vision très lucide de ce qui est en train de se passer. D.M : Ça c’est Babel ! La dispersion... B.M : Tout à fait. A la fois on est très loin des tiers-lieux et on est complètement dans les tiers-lieux. Il y a une façon de positiver la précarité. Jacques Attali dit : « la précarité est une valeur ». On passe de la providence à la précarité, du fordisme au flexible, et là encore on est dans une transformation. Le Fordisme a créé un modèle suivi par toute l’économie pendant un siècle, mais il a oublié qu’on pouvait appliquer la productivité à la consommation. On pourrait multiplier la productivité de la flotte automobile par deux si on partageait sa consommation, si on mutualisait son usage. C’est la base de l’économie collaborative. De plus on passe de la monochromie des activités (le fait de ne pouvoir faire qu’une seule tâche) à la polychromie (multitasking), aux agilités. Les agilités sont un peu la suite des mobilités. On a fait une étude pour mesurer comment les travailleurs se saisissent des outils numériques et comment ils réorganisent leur travail autour. Je peux mesurer chez chaque travailleur une agilité spatiale (je travaille en dehors de mon bureau), une agilité temporelle (je travaille en dehors des horaires fixes 9h-17h) et une agilité relationnelle (je travaille avec d’autres protagonistes que mes collègues et ma hiérarchie). Quand on est agile, on est agile sur tout, quand est pas agile on est agile sur rien. C’est intéressant parce que ça raconte que la mobilité dans son sens réducteur de déplacement ne devient qu’une des mobilités. Mobiliser son Iphone ou sa tablette pour travailler dans d’autres occurrences, d’autres espaces, devient un des éléments constitutifs de la mobilité. On est face à une transformation sociologique. Les collectivités ont pensé que c’était suffisant d’amener le câble et des ordinateurs dans les Espaces 120
Publics Numériques et les Espaces de Travail Numériques pour créer la demande. Ce n’est pas ce qui s’est passé. Ils n’ont pas fonctionné. Les gens ont été au Starbucks qui avait le café et le wi-fi, et qui était sur la route ou sur les transports. La SGP en revanche a été plus intelligent en pensant que le plus important n’était pas l’élément physique, le câble ou le poste de travail, mais bel et bien la communauté. Le numérique n’existe que grâce aux communautés, aux réseaux sociaux. Blablacar est en quelque sorte une communauté qui est dans l’économie collaborative et dans le tiers-lieu. On va être dans une forme de mutualisation de la productivité. Je reprends la terminologie de Foucault d’hétérotopie : une utopie qui est en train de se réaliser, un produit de la société. Le Club Med est une hétérotopie : c’est quelque chose de voulu. Les tiers-lieux sont une hétérotopie. Les tiers-lieux ouverts à beaucoup d’attentes Quand on pose la question aux collectivités de qui ils pensent accueillir, les travailleurs délocalisés ne viennent qu’en cinquième position. Les collectivités veulent des start-ups. C’est le dynamisme économique. Tout le monde veut des start-ups. Le NUMA veut des start-ups. Google et Microsoft qui font des incubateurs veulent des start-ups. WAZE a été racheté un milliard de dollars par Google il y a un an. Il y a une fascination générale derrière ces start-ups. La métropole de Rennes a installé un réseau d’une douzaine de fablabs. Le génie de l’affaire ce n’est pas que d’avoir installé des machines 3D, c’est de regrouper la dimension numérique des jeunes et la dimension technique des vieux, cela créé des communautés formidables. Les collectivités veulent tout : des services publics, des points-relais, des commerces, des crèches. On veut des auberges espagnoles. Le tiers-lieu est à la fois : -le lieu d’hébergement du travail délocalisé, -le lieu du dynamisme économique, -le lieu des nouvelles aménités urbaines, qu’elles aient disparues ou qu’elles n’existent pas encore. -c’est le prochain pôle emploi Il y a une demande magique sur ces lieux. On a un objet qui est ouvert à beaucoup d’attentes et énormément de promesses. C’est un objet de Présentiel, de Proximité, de Parcours et de Portée (les 4P). Parce que c’est à la fois un jalon du parcours, une étape, une pause, ça ne confine pas l’immédiate proximité. La notion de réseau est extrêmement importante. On a un décloisonnement du monde immobilier. La Halle Freyssinet de 34 000m² va être un espace composite avec du logement, du travail, du coworking, de l’incubateur, des espaces récréatifs, on va être dans le tiers-lieu monstrueux. Le tiers-lieu, c’est attractivité et urbanité, et cela séduit les acteurs publics. Débat Shahinda Lane : Dans la mutualisation des programmes, des services, quelles sont les conséquences sur les changements des modes opérationnels ? Un seul opérateur serait derrière ce genre de lieux ? B.M : Isabelle Barreau Sarfati réfléchit à tous les instruments qui sont en train de se mettre en place dans la concertation entre les acteurs. La puissance publique n’a plus les moyens de ses ambitions. Il y a une délégation des programmes au privé mais on ne veut pas les perdre de vue. D.M : Comment sont gérés par exemple les fablabs de Rennes ? B.M : C’est de l’investissement de la subvention de la métropole. Comme le NUMA, il y aussi une partie auto-financée par la location d’espaces. On est obligé de penser différemment le système économique dans cette affaire. Nous organisons en octobre 2014 avec la Caisse des Dépôts un colloque sur ces enjeux121
là. La Caisse des Dépôts s’intéresse à la mesure des externalités positives des tiers-lieux. Les avantages ne seront pas liés à des bénéfices directs mais indirects, comme la baisse des dépenses liées à la pollution, à la santé, aux transports. C’est évidemment un raisonnement neuf, il faut le raconter, j’essaye de le raconter. Les externalités positives de deux jours de télétravail pour la moitié de la population active serait égale à 50 milliards d’euros annuels, selon une étude menée par Regus. Mais ce n’est pas un mode de lecture économique très classique. Il faut lire en creux. On pose les prémices de quelque chose. D.M.: S’il y a de la destruction d’emplois tertiaires, le sujet qui émerge c’est le service à la personne, aujourd’hui déficitaire. Le tiers-lieu a peut-être plus un avenir là-dessus. L’aspect territorial intéressant c’est peut être avec les services à la personne. On a beaucoup de mal à définir la communauté à l’échelle du Grand Paris. On a un effet de club connoté. Comment sortir de ça? B.M : Un élément de réponse se trouve dans la question de seniors. Un autre élément de réponse se trouve dans la santé (Gare du Nord). La télé-santé demain ? On pourrait imaginer des services à la personne. Ce que je retiens : une apétence phénoménale des services publics, une compréhension très rapide du secteur immobilier. On voit aujourd’hui que l’offre d’espace de coworking ne suffit pas à la demande. Pour votre génération c’est une source de travail formidable. G.A : C’est intéressant d’observer la créativité urbaine, la ville invente des lieux. Le lieu bouge et est en train de se réinventer. Il y a une réinvention extraordinaire de la mobilité et des lieux. Les formes vont continuer à bouger. B.M : A tous les niveaux. C’est un modèle économique à réfléchir, un modèle de concertation entre les acteurs et avec de nouveaux acteurs, un modèle de nouveaux instruments, de nouveaux partenariats. Les grandes entreprises se ré-emparent de l’économie collaborative. Pour le philosophe Bernard Stiegler, le collaboratif c’est déjà une nouvelle phase du capitalisme, il milite pour le contributif (on est responsable de sa consommation). Voire mon billet sur le site Chronos. La force est dans les réseaux sociaux : Facebook rachète Whatsapp 19 milliards de dollars. G.A : Le travail se transforme. On ne peut pas imaginer du travail ancien dans des lieux nouveaux. Ceux qui feront des innovations réussies, c’est ceux qui mettront en synergie la nouvelle façon de se bouger, la nouvelle façon de travailler, la nouvelle façon de consommer, et c’est ça qui est intéressant. On ne peut pas raisonner en figeant un paramètre. D.M : Il y a les deux tendances, ceux qui font du travail nouveau dans des lieux anciens, par le manque d’opportunité immobilières ou parce qu’il faut un certain ancrage, et il y a les grosses boites de San Francisco qui font des Babylone, qui refabriquent la ville. Il y a deux capitalismes assez différents. Vincent Leygonie: Est ce qu-on va pas pousser aujourd’hui un concept qui n’est pas encore utile ? C’est le risque. B.M : Il y a tous les espaces invisibles qui sont les bistrots. V.L : Le centre d’affaire ça existe depuis des années. Pour moi le coworking c’est une petite évolution du centre d’affaire. On est pas encore dans le tiers-lieu avec la crèche en bas, le senior qui vient pour pas se désocialiser, on en est pas encore là. 122
D.M : Ce qui est peut être nouveau c’est que les petites villes qui ne peuvent pas faire de centres d’affaire passent par ces solutions là, ce qui provoque une montée en puissance de la métropolisation. Nexity en fait un produit. Je prépare mon machin en secret, en deux ans j’essaye de saturer le marché et j’ai deux ans d’avance sur mes concurrents. B.M : ça n’épuisera pas pour autant le concept de tiers-lieux. Le gisement du tiers-lieu est infiniment plus monstrueux. D.M : Le risque c’est que le tiers-lieu est une notion attrape-tout. B.M : Il ne faut pas non plus que l’auberge espagnole devienne du n’importe quoi. Question d’un étudiant : Le tiers-lieu est-il généralement un espace public ou privé ? B.M : Espace privé, espace publique, finalement la Halle Freyssinet ça va être une hybridation. On ne peut plus avoir cette partition public-privé. La Cantine a été créé il y a 5 ou 6 ans avec un co-financement Mairie de Paris – Région. C’était dans une galerie parisienne un espace de 200m², où le RDC était un espace d’accueil dans lequel on pouvait coworker ou dans lequel il y avait des manifestations etc. Ils hébergeaient aussi des entreprises. Ils ont déménagés dans un immeuble de plus de 1000m² dans lequel il y a des espaces d’incubation, des espaces de coworking, des espaces d’évènements, etc. Il y a beaucoup d’espaces privés, d’inititatives très diverses. Il y aussi des espaces d’initiative publique et subventionné. Il n’y a pas que le marché industriel Regus – Multiburo etc.
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Tout le monde se servait d’une même langue et des mêmes mots. Comme les hommes se déplaçaient à l’Orient, ils trouèrent une vallée au pays de Shinéar et ils s’y établirent. Ils se dirent l’un à l’autre: « Allons! Faisons des briques et cuisons-les au feu! » La brique leur servit de pierre et le bitume leur servit de mortier. Ils dirent: « Allons! Bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet pénètre les cieux! Faisons-nous un nom et ne soyons pas dispersés sur toute la terre. ». Or Yahvé descendit pour voir la ville et la tour que les hommes avaient bâties. Et Yahvé dit: « Voici que tous font un seul peuple et parlent une seule langue, et tel est le début de leurs entreprises! Maintenant, aucun dessein ne sera irréalisable pour eux. Allons! Descendons! Et là, confondons leur langage pour qu’ils ne s’entendent plus les uns les autres. » Yahvé les dispersa de là sur toute la face de la terre et ils cessèrent de construire la ville. Aussi la nomma-t-on Babel, car c’est là que Yahvé confondit le langage de tous les habitants de la terre et c’est là qu’il les dispersa sur toute la face de la terre. autres. » Yahvé les dispersa de là sur toute la face de la terre et ils cessèrent de construire la ville. Aussi la nomma-t-on Babel,, car c’est là que Yahvé confondit le langage de tous les habitants de la terre et c’est là qu’il les dispersa sur toute la face de la terre // Bible de Jérusalem, Le Cerf, Paris, 1956 // Et toute la terre était lèvre unique et paroles uniques. Et il arriva, dans leur déplacement à partir de l’Orient, qu’ils trouèrent une plaine en la terre de Shinéar, et ils s’assirent là. Et ils dirent, chacun vers son compagnon: « Allons! Briquetons des briques et flambons-les à la flambée! » Et la brique fit pour eux pierre et le bitume fit pour eux mortier. Et ils dirent: « Allons! Bâtissons une cité et une tour : sa tête dans les cieux! Et faisons pour nous un nom pour ne pas être dispersés sur la face de toute la terre. » Et le seigneur descendit pour voir la cité et la tour qu’avaient bâties les fils d’Adam. Et le seigneur dit: « Voici, ils sont peuple unique et lèvre unique pour eux tous. Et voilà le commencement de ce qu’ils font. Maintenant, rien ne les retiendra de ce qu’ils décideront de faire. Allons! Descendons et embrouillons ici leurs lèvres que, chacun vers son compagnon, ils n’entendent pas leur lèvre ». Et le seigneur les dissémina à partir de là sur la face de toute la terre. Et ils cessèrent de bâtir la cité. C’est pourquoi on appela son nom « Porte de Dieu » (Babel) car c’est à cet endroit que le seigneur embrouilla la lèvre de toute la terre et à partir de cet endroit, le Seigneur les dissémina sur la face de toute la terre. // Traduction française d’Edmond Fleg Chant nouveau, Paris, 1946 // La terre entière se servait de la même langue et des mêmes mots. Or en se déplaçant vers l’Orient, les hommes découvrirent une plaine dans le pays de Shinéar et y habitèrent. Ils se dirent l’un à l’autre: « Allons! Moulons des briques et cuisons-les au four. » Les briques leur servirent de pierre et le bitume leur servi de mortier. « Allons! Dirent-ils, bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet touche le ciel. Faisons-nous un nom afin de ne pas être dispersés sur toute la surface de la terre. » Le SEIGNEUR descendit pour voir la ville et la tour que bâtissaient les fils d’Adam. « Eh, dit le SEIGNEUR, ils ne sont tous qu’un peuple et qu’une langue et c’est là leur première oeuvre! Maintenant, rien de ce qu’ils projetteront de faire ne leur sera inaccessible! Allons, descendons et brouillons ici leur langue, qu’ils ne s’entendent plus les uns les autres! » De là, le SEIGNEUR les dispersa sur toute la surface de la terre et ils cessèrent de bâtir la ville. Aussi la nomma-t-on Babel car c’est là que le SEIGNEUR brouilla la langue de toute la terre, et c’est là que le SEIGNEUR dispersa les hommes sur toute la surface de la terre. // Traduction oecuménique // Tout le monde se servait d’une même langue et des mêmes mots. Comme les hommes se déplaçaient à l’Orient, ils trouèrent une vallée au pays de Shinéar et ils s’y établirent. Ils se dirent l’un à l’autre: « Allons! Faisons des briques et cuisons-les au feu! » La brique leur servit de pierre et le bitume leur servit de mortier. Ils dirent: « Allons! Bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet pénètre les cieux! Faisons-nous un nom et ne soyons pas dispersés sur toute la terre. ». Or Yahvé descendit pour voir la ville et la tour que les hommes avaient bâties. Et Yahvé dit: « Voici que tous font un seul peuple et parlent une seule langue, et tel est le début de leurs entreprises! Maintenant, aucun dessein ne sera irréalisable pour eux. Allons! Descendons! Et là, confondons leur langage pour qu’ils ne s’entendent plus les uns les autres. » Yahvé les dispersa de là sur toute la face de la
GABARIT TRAIT DE COUPE
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