Album de l'exposition Hugo Pratt, lignes d'horizons

Page 1


T

M

Y

X

Z

Z

B

B

C

M

Y

X

Z

0

B 20

B 40

B 80

B

C

M

Y

X

Z

CMY

CMY

CMY

CMY

B

C

M

Y

X

Z

C 20

C 40

C 80

B

C

M

Y

X

Z

C

M

B

C

M

Y

X

Z

0

B

C

M

Y

X

Z

B

C

M

Y

X

Z

CMY

M 20

M 40

M 80

B

C

M

Y

Z

Y

X

B

C

M

Y

X

Z

0

Y 20

Y 40

B

C

M

Y

X

Z

CMY

CMY

CMY

CMY

B

C

M

Y

X

Z

CMY

X 20

X 40

X 80

B

C

M

Y

X

Z

CM

CY

MY

CMY

Y B

T

En regardant les portraits des différents chefs indiens, dans Sergent Kirk notamment, j’ai eu le sentiment qu’il avait été interpellé par les portraits d’Edward Sheriff Curtis7. Je ne sais pas si c’était l’une de ses sources mais les traits des visages me semblent parfois plus attentivement représentés comme s’il avait pris plus de temps pour les dessiner.

Oui, c’est l’un des éléments. Sa capacité à représenter l’autre s’exprime de deux manières. Il dessine ses personnages sous une forme très stéréotypée, par le vêtement, le costume, l’uniforme. Pour ce faire, il consulte des catalogues d’ethnographie, des répertoires de tenues militaires. Et puis, il y a les portraits qu’il réalise. Chaque personnage, même secondaire, est une personne à part entière. Il ne s’agit absolument pas d’une représentation figée.

W

M

Y

X

Z

0

Z 20

Z 40

Z 80

B

C

M

Y

X

Z

CMY

CMY

CMY

CMY

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 7

CM

Prinect Micro−6i Format 102/105 Dipco 16.0d (pdf2540dpi) © 2013 Heidelberger Druckmaschinen AG

CY

MY

CMY

16/02/2018 11:49

B

C

M

Y

X

Z

0

B 20

B 40

B 80

B

C

M

Y

X

Z

CMY

CMY

CMY

CMY

B

C

M

Y

X

Z

CMY

C 20

C 40

C 80

B

C

M

Y

X

Z

Z

B

B

C

M

Y

X

Z

0

B

C

M

Y

X

Z

B

C

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 8

M

Y

X

Z

CMY

M 20

M 40

M 80

B

C

M

Y

X

16/02/2018 11:49

Z

C

M

B

C

M

Y

X

Z

0

Y 20

Y 40

Y 80

B

C

M

Y

X

Z

CMY

CMY

CMY

CMY

B

C

M

Y

X

Z

X 20

M

C

M

C

M C

M

C

M

X

Y

Z

Y

X Y

Z

Y

X

−−−−−−−−−−−−−−− 7 −−−−−−−−−−−−−−−

8

−−−−−−−−−−−−−−− 9 −−−−−−−−−−−−−−−

10

−−−−−−−−−−−−−−− 11 −−−−−−−−−−−−−−−

12

INTRODUCTION HÉLÈNE LAFONT-COUTURIER Directrice du musée des Confluences

Le musée des Confluences s’attache à décrire le monde depuis les origines jusqu’aux étapes récentes de l’aventure humaine. Les collections qu’il conserve, constituées depuis le xviie siècle, remontent les âges et sillonnent les géographies de notre planète, depuis les premières ères géologiques et climatiques à travers le minéral et le vivant et jusqu’aux liens complexes de l’homme avec la nature. Dédié aux cultures et aux civilisations du monde entier, le musée des Confluences l’est aussi à toutes les formes de création artistique. C’est pourquoi nous avons approché l’œuvre d’Hugo Pratt, sans doute l’une des plus importantes de l’histoire de la bande dessinée. L’auteur fut l’un des premiers à vouloir trouver de nouvelles voies entre récit et images, à se vouloir romancier et dessinateur, à parvenir à une rare osmose entre texte et graphisme. Rien ici de bavard mais de la rigueur parfois réduite à quelques traits de plume ou de pinceau. Ce qui n’interdit nullement la fantaisie, l’invention permanente, l’imagination amusée et parfois le goût de l’absurde et des situations impossibles.

−−−−−−−−−−−−−−− 13 −−−−−−−−−−−−−−−

14

−−−−−−−−−−−−−−− 15 −−−−−−−−−−−−−−−

16

−−−−−−−−−−−−−−− 17 −−−−−−−−−−−−−−−

18

−−−−−−−−−−−−−−− 19 −−−−−−−−−−−−−−−

ENTRETIEN AUTOUR D’HUGO PRATT

Ce sont ces géographies diverses et ces moments d’histoire qui ont fait naître l’idée d’un dialogue entre l’univers d’Hugo Pratt et les collections du musée des Confluences. Grâce à la complicité de la société Cong et à l’initiative de sa directrice Patrizia Zanotti, nous avons développé l’idée d’une exposition où la planche dessinée, l’aquarelle, le détail d’une case retrouveraient l’objet, l’image, le récit ayant pu l’inspirer. À l’encontre de la classique cimaise, le musée des Confluences propose une scénographie inédite où la planche dessinée, par essence bidimensionnelle, acquiert une troisième dimension. L’objet dessiné surgit de la page et pénètre le réel, l’univers sensible du visiteur, évoquant le lien tangible entre les civilisations du monde entier et notre propre culture, celle d’une bande dessinée foisonnante, entre littérature et art graphique, une « littérature dessinée ». En proposant l’écrin de ses murs et la magie de ses collections aidées de nombreux prêts, le musée des Confluences a souhaité ainsi rendre hommage à un auteur d’exception et retrouver, grâce à lui, une grande part de nos imaginaires. L’album de l’exposition, par son format original, déploie, tel un long fleuve, l’histoire d’Hugo Pratt et prolonge le voyage au cœur de ses horizons.

CORMIER

À l’origine de ce projet d’exposition, il y a une réflexion commune du musée et de Patrizia Zanotti, directrice de la société Cong en charge aujourd’hui de la valorisation de l’œuvre d’Hugo Pratt. Nous souhaitions mettre en dialogue son œuvre et ce qui avait pu l’inspirer en matière d’objets ethnographiques. Présenter l’exposition au musée des Confluences paraissait une évidence ! Les espaces et l’importante hauteur sous plafond s’y prêtaient admirablement. Il y avait une réflexion esthétique à mener entre le graphisme de Pratt et la beauté des objets du musée. Voilà comment le projet s’est mis en place ! Ensuite, il est apparu passionnant d’intégrer les objets au style de récit propre à Hugo Pratt qui avait ce talent inimitable de savoir mêler tous les registres de l’imaginaire : le faux, le vrai et le semblant. Une vraie piste se dessinait. Dans son œuvre, les objets sont dans un contexte mais pas dans leur contexte, il joue infiniment avec la réalité et ses transformations.

DANS SON ŒUVRE, IL JOUE INFINIMENT AVEC LA RÉALITÉ ET SES TRANSFORMATIONS.

16/02/2018 11:49

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 2

16/02/2018 11:49

Times 4P 2%

1x1

2x2

3x3

< Requested Screening Calibrated and screened per job settings < Reference Screening 180 lpi, uncalibrated

Kodak Plate Control Strip v4.0.1 Interpreter: Kodak Prinergy Normalizer

99%

1%

Checkerboard Patterns

0%

5%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

95%

100%

Parallel Lines

Times 2P

Plate Control Strip

1 Pix 2 Pix 1 Pix 2 Pix

4x4

2540-175I-H 633-00651A

Resolution: 2540 dpi Screen: 175 lpi Pixel Size: 10.0 µm © 2006 Kodak

98%

Times 1P Times 0.5 P

© Heidelberger Druckmaschinen AG 2013 V16.0d (pdf)

Suprasetter Heidelberg Saphira Thermal Plate PN 101

−−−−−−−−−−−−−−− 21 −−−−−−−−−−−−−−−

22

−−−−−−−−−−−−−−− 23 −−−−−−−−−−−−−−−

24

1/17

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 3

−−−−−−−−−−−−−−− 25 −−−−−−−−−−−−−−−

26

−−−−−−−−−−−−−−− 27 −−−−−−−−−−−−−−−

Les choses étaient lancées. Les résultats des recherches ont été prolifiques et les éléments se sont bien articulés. Nous avons découvert et redécouvert des objets, rencontré des collectionneurs et des partenaires enthousiastes ! Thierry Wendling, à la lecture de votre article sur la collection d’arts premiers de Raspoutine1, nous avons eu comme une confirmation du bien-fondé de ce projet. En effet, vous révélez que les collections de musée sont la source d’inspiration de bon nombre d’objets dessinés par Hugo Pratt dans l’album La Ballade de la mer salée. On présume que Pratt détenait des catalogues de musée dans sa bibliothèque et grâce à certains éléments, des dessins préparatoires notamment, on sait qu’il a travaillé d’après des livres. Je pense par exemple à la - la vignette des champignons dans l’album Mu, cité perdue où l’orientation de l’objet, redessiné par Pratt, est identique à celle de la photographie d’un catalogue que nous avons identifié. Cela laisse peu de doutes sur sa source ! Votre article a été très important pour nos recherches mais, pour vous, quel a été l’élément déclencheur ? Comment avez-vous trouvé l’idée de cet article ? Une intuition ?

WENDLING

Le point de départ, pour moi, c’est l’album Les Helvétiques. J’ai vécu longtemps en Suisse et, un jour, un appel à proposition d’article est passé, demandant justement une réflexion sur cet album. À l’époque, je disposais d’une quinzaine de jours, mon emploi du temps n’était pas surchargé et je me suis dit que cela serait amusant d’écrire sur Corto Maltese ! Ce personnage avait enchanté mon enfance, je l’avais découvert avec l’hebdomadaire Pif gadget. Vous deviez faire partie de la minorité de jeunes lecteurs séduits par l’art d’Hugo Pratt ! Le public était souvent dérouté par son graphisme et son style de récit en rupture avec la plupart des autres bandes dessinées du magazine.

SERGIO PURINI

C’était pourtant ce que je préférais ! Je me suis donc attelé à cet article et ces quinze jours se sont révélés totalement insuffisants. Pourquoi ? Parce que j’avais commencé à tirer des fils, à essayer de regarder vraiment ces images, à lire ces textes, ces échanges qu’il y avait entre ces personnages. J’avais l’édition de luxe de l’album Les Helvétiques. L’histoire était précédée d’aquarelles représentant chacune des cantons suisses identifiés par des choix iconographiques d’Hugo Pratt [cf. ill. 53]. Et j’ai découvert qu’elles étaient d’une richesse ethnographique fantastique !

W

Plus je regardais les dessins d’Hugo Pratt, plus j’essayais de trouver des éléments m’expliquant comment le livre, l’histoire, avaient été conçus. J’entrais dans des univers qui m’étaient, en partie ou totalement, inconnus, comme le romantisme allemand ou Hermann Hesse. Finalement, j’ai mis des mois, peut-être même des années, je ne sais plus, pour écrire ce premier article sur Les Helvétiques. Après cette première plongée dans l’univers de Pratt, je me suis dit en voyant la programmation du musée de Neuchâtel que le conservateur, Marc-Olivier Gonseth, grand amateur de bande dessinée, serait sans doute intéressé par une petite contribution sur Corto Maltese2. En effet, le musée d’Ethnographie préparait une exposition sur le secret et comme le premier grand album où apparaît Corto Maltese est La Ballade de la mer salée et que cet album regorge de masques, je tenais un sujet ! Là, j’ai mené un véritable travail d’enquête policière. J’imaginais au départ qu’Hugo Pratt avait inventé les formes de ces masques. Néanmoins, assez rapidement, il m’a semblé reconnaître des objets du musée de Bâle. J’ai alors essayé de défricher tout ce qu’avait pu publier le musée mais je luttais contre un obstacle, je n’avais pu identifier que trois ou quatre masques. Ainsi, de fil en aiguille, j’ai tenté de retrouver les sources de Pratt : j’ai découvert tel masque au Metropolitan Museum de New York, tel masque à Budapest. 2. Op. cit.

J’IMAGINAIS QU’HUGO PRATT AVAIT INVENTÉ LES FORMES DE CES MASQUES. Et, un beau jour, j’ai aussi entrepris de travailler sur les sources auxquelles Hugo Pratt avait pu avoir accès. Cela m’a pris du temps, mais j’ai décelé que l’essentiel de ses ressources iconographiques venait d’un ouvrage d’un grand océaniste : Jean Guiart. À partir de cette découverte, et ce fut là aussi une surprise, je me suis rendu compte qu’il y a des éléments évidents et que, derrière ceux-ci, d’autres éléments apparaissent en filigrane. Si on possède les connaissances, le référentiel, on distingue d’autres choses. C’est un point très intéressant dans la construction de Pratt, il effectue une sorte de mise en abîme permanente du dessin. De fait, j’ai repéré des objets bien distincts et aussi d’autres objets dont juste une petite partie de motif, au coin d’une case, était visible. Par rapport à la ligne claire d’Hergé, le contraste est très fort. Dans les albums de Tintin, les objets – notamment exotiques – sont tous clairement identifiables, on pourrait les extraire de la case pour les mettre directement sous vitrine. Chez Pratt au contraire, les taches noires de l’encre de Chine, ou encore les transparences de l’aquarelle, ne laissent souvent affleurer que des fractions d’objets fondus dans le reste de la scène. Il faut souvent avoir l’objet représenté sous les yeux pour le redécouvrir dans la composition de Pratt. Et ces petits objets, ces petits motifs n’étaient pas là simplement pour remplir la case mais – et c’est là où ça commence à devenir passionnant – ils participaient du récit lui-même et peut-être même principalement pour Hugo Pratt, à mon avis.

1%

2%

3%

5%

10%

20%

25%

30%

40%

50%

60%

70%

75%

80%

90%

95%

97%

98%

99%

M

Y

X

Z

Y

X

B

C

M

Y

X

Z

0

Z 20

Z 40

Z 80

B

30

C

M

Y

X

Z

CMY

−−−−−−−−−−−−−−− 31 −−−−−−−−−−−−−−−

possible dans ses rendus. Dans Jesuit Joe, il aborde un sujet généralement peu connu des amateurs de western , le phénomène des Métis et la fameuse révolte de la rivière Rouge menée par Louis Riel au Canada en 1869-1870. Avec cet album, il est dans la réalité amérindienne ! Quand Pratt aborde le monde amérindien ou américain dans Corto Maltese, on sent qu’il utilise ce monde comme il en a envie.

J’ÉCRIS AVEC LE DESSIN

Comment cela ? Je n’ai pas connu Hugo Pratt, je ne peux faire que des reconstitutions, mais je l’imagine très bien travaillant énormément sur ses sources mais rêvant aussi beaucoup. Rêvant et trouvant dans ces images, dans ces photographies d’objets océaniens, de lieux où il n’était pas allé, une inspiration pour ce récit qu’il écrivait au jour le jour. Et cet article a été pour moi une sorte de révélation sur le travail de création d’un récit ! Comment ce conteur qu’était Hugo Pratt, en récupérant des tas d’éléments dont il s’abreuvait quotidiennement – j’ai principalement travaillé sur les masques, mais il y a la littérature, l’histoire – les assimilait-il et les retranscrivait-il à sa façon, dans ses planches ? Ce travail de composition, décomposition, recomposition me passionne !

W

Sur l’ensemble de sa production, je ne crois pas que Pratt se soit attaché à la réalité historique. Je pense qu’il a essayé de prendre un maximum de faits historiques et d’objets réels comme sources d’inspiration pour créer un effet de réel. Cependant, il ne se pose pas non plus comme historien des guerres indiennes ou de la Première Guerre mondiale dans le Pacifique.

PERRIER

En ce qui concerne l’horizon africain, Cato Zoulou, Ann de la Jungle et Les Éthiopiques entre autres, Hugo Pratt ancre systématiquement son récit dans l’histoire. Il procède de manière plus ou moins marquée et s’autorise des anachronismes pour servir son scénario. Avec la première vignette de Cato Zoulou, il situe clairement le récit en 1879, année de la mort du prince impérial Louis-Napoléon Bonaparte, fils unique de Napoléon III et de l’impératrice Eugénie. L’auteur revient sur cet événement qui a fortement ému l’opinion publique française à l’époque mais qui depuis est tombé dans l’oubli. Le prince est décédé en Afrique du Sud alors qu’il se battait aux côtés des troupes britanniques contre les populations zouloues. En suivant les aventures de Cato en Afrique du Sud, le lecteur assiste à ce conflit et à la fuite des Boers. Dans Les Éthiopiques, Corto Maltese est le témoin de la guerre opposant Ottomans et Britanniques au Yémen, puis de la campagne des « derviches » du Mad Mullah3 contre les Anglais, à nouveau, en Somalie britannique4.

Dans l’exposition, on présente un masque de faîtage du musée du quai Branly et la planche de bande dessinée où Hugo Pratt a crayonné cet élément. On constate que l’objet devient un élément narratif de l’ensemble et cela me fait penser à ce qu’Hugo Pratt disait de son travail : « J’écris avec le dessin. » En réalité, il propose deux niveaux de lecture : au texte s’ajoute un langage du dessin. Hugo Pratt parlait d’une « littérature dessinée » pour son travail et j’ai l’impression qu’il a quelque peu souffert d’une vision réductrice de la bande dessinée, cantonnée à la jeunesse. Dans de nombreuses interviews, on le voyait s’insurger contre ceux qui ne voyaient dans la bande dessinée qu’une histoire de « petits Mickeys ». Il comparait le travail de l’écrivain à celui du dessinateur. Quand l’écrivain décide de raconter « un Indien mohawk à la lisière d’une forêt », il peut se contenter d’écrire ces quelques mots car l’imagination du lecteur fait le reste. Le travail du dessinateur est plus complexe, il doit se renseigner sur la physionomie des Indiens mohawks, leurs vêtements, les essences d’arbres qui peuplent les forêts de leurs territoires. Comme Hugo Pratt l’affirmait : « C’est un sacré boulot ! »

C

3. Mohammed Abdullah Hassan. 4. Actuelle République du Somaliland.

En apportant mon analyse sur le monde américain, j’ai distingué deux productions d’Hugo Pratt. Il y a la production Corto Maltese où, comme vous disiez, on passe dans la rêverie, l’onirisme. C’est le melting-pot culturel, on va du nord au sud du continent. Et, à côté de cela, il y a des œuvres comme Jesuit Joe ou Fort Wheeling – elle-même inspirée d’une œuvre antérieure de Pratt, Ticonderoga dont il réalise dix-huit épisodes de 1957 à 1959 sur un scénario d’Hector Oesterheld – et même les Sergent Kirk, ses premières œuvres, qui sont beaucoup plus liées à la réalité. Fort Wheeling, ce n’est jamais que le récit d’un événement historique, où Pratt essaie d’être le plus précis

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 4

16/02/2018 11:49

Resolution: 2540 dpi Screen: 175 lpi Pixel Size: 10.0 µm © 2006 Kodak 0/100%

C

−−−−−−−−−−−−−−− 29 −−−−−−−−−−−−−−−

4. Hugo Pratt, L’Homme du Grand Nord (Jesuit Joe), couverture, 1980. Aquarelle et encre de Chine.

Lin+ Process

0.5P Times

1P Times

4P Times

B

- la cité perdue, 3. Hugo Pratt, Corto Maltese – Mu, 1988. Vignette représentant des sculptures en forme de champignons.

16/02/2018 11:49

2P Times

28

X 80

2. Sculpture en forme de champignon, Guatemala, vallée de Las Vacas, 600-100 av. J.-C. Pierre volcanique. Paris, musée du quai Branly Jacques Chirac.

1. Thierry Wendling, « Corto Maltese et la collection secrète d’arts premiers de son ami Raspoutine », in Marc-Olivier Gonseth (dir.), Secrets. Opacités du patrimoine culturel immatériel, musée d’Ethnographie de Neuchâtel, 2015.

1. Hugo Pratt, Wheeling, dossier de travail, carte des territoires indiens, années 1960-1961. Crayon de couleur et encre de Chine.

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 1

20

X 40

Y

6

THIERRY

−−−−−−−−−−−−−−− 5 −−−−−−−−−−−−−−−

T

4

YOANN

−−−−−−−−−−−−−−− 3 −−−−−−−−−−−−−−−

T

12. Hugo Pratt, Sgt. Kirk – Les Faux Visages (Sgt. Kirk, quatrième époque), 1956. Vignette avec masques hopis et faux-visages iroquois.

Y

2

À la différence d’autres dessinateurs, c’est certainement son itinéraire personnel, d’une rare densité, qui lui permet de débuter le cycle des aventures de Corto Maltese avec un imaginaire si riche. Hugo Pratt a construit un véritable univers et l’exposition tente de le faire découvrir…

L’idée d’une influence des photographies de Curtis est une hypothèse à explorer. Effectivement, à la différence de films ou de récits, de présentations scénographiques où finalement tous les gens sont pareils, il y a une véritable individualisation chez Hugo Pratt.

C

−−−−−−−−−−−−−−− 1 −−−−−−−−−−−−−−−

C

W

7. Hugo Pratt, Corto Maltese – La Ballade de la mer salée, 1967. Vignette représentant Corto en lutte contre le bénitier.

C

En parlant de composition, il est amusant de pointer l’épisode dans Sergent Kirk, où il a affaire à la tribu des faux-visages. Cette tribu vit dans un pueblo, une architecture caractéristique des Indiens hopis et zuñis du sud-ouest des États-Unis. Or, aucune tribu n’a jamais été nommée « les faux-visages » dans cette région. Les faux-visages (false-faces) est

M-P I

Cela a été le cas pour vous ?

C

Y

T

M

Ce regard est vraiment remarquable chez Hugo Pratt et il me semble que cela a aussi participé à sa réception comme auteur de bande dessinée. Cette sorte d’humanisme ouvert à tous les peuples est aussi l’une des raisons de mon intérêt pour son œuvre. Hugo Pratt a eu une influence chez les historiens et les ethnologues, qu’ils soient déjà adultes ou qu’ils l’aient lu adolescents. D’une certaine manière, ils y ont trouvé des éléments pour leur vocation à venir.

W

Absolument ! Dans leur majorité, les dessinateurs de bande dessinée emploient de la documentation. Mais ils mettent en exergue cette documentation, on a l’impression qu’ils disent : « Attention, est-ce que vous avez bien vu que j’ai représenté ici telle pyramide ? » Tout l’intérêt d’Hugo Pratt, c’est de réussir à fusionner cela dans une histoire. Il fait disparaître d’une certaine manière la référence, ce que vous essayez justement de faire réapparaître, cette partie un peu cachée de l’iceberg.

W

7. Edward Sheriff Curtis (1868-1952) est un photographe ethnologue américain.

16/02/2018 18:31

Y 80

C’est une analyse passionnante, Hugo Pratt propose plusieurs niveaux de lecture. Personnellement, je ne connaissais pas l’œuvre d’Hugo Pratt avant ce projet et, par le biais des objets, j’ai été amenée à comprendre son univers. J’ai donc « suivi » les objets, leur lien aux personnages historiques, tout ce travail de composition avec les mondes. Le visiteur, qui ne connaitraît pas non plus l’univers d’Hugo Pratt, qui ne serait pas un inconditionnel lecteur de ses aventures, pourra véritablement entrer dans cet univers.

6. Hugo Pratt voua toute sa vie une certaine admiration aux uniformes des soldats britanniques qu’il avait découverts en Éthiopie, pendant la Seconde Guerre mondiale, alors qu’il était un jeune adolescent enrôlé dans la milice de Mussolini aux côtés de son père.

ECL Pratt INT BAT Corr Pages 6-17-47.indd 6

X

M-P I

98%

2%

99%

1%

1x1

2x2

3x3

1 Pix 2 Pix 1 Pix 2 Pix

4x4

< Requested Screening Calibrated and screened per job settings < Reference Screening 180 lpi, uncalibrated

Kodak Plate Control Strip v4.0.1 Interpreter: Kodak Prinergy Normalizer

2540-175I-H 633-00651A

Il y a des objets qui collent complètement avec les planches d’Hugo Pratt comme le modèle réduit de pirogue océanienne [cf. ill. 16]. Ici, la corrélation entre le dessin et l’objet est assez flagrante. Cependant, on ne s’est pas non plus arrêté à la représentation formelle des objets. C’est aussi ça l’univers de Pratt, l’influence qu’a pu avoir l’objet sur son œuvre, son imaginaire ! Il pouvait partir d’un objet et, comme vous le remarquiez, glisser des morceaux de cartes, des indices dans des coins de cases. On a essayé de creuser au-delà de l’objet qu’on pouvait voir.

Dans la bande dessinée, pour tout ce qui est reproduction du monde amérindien ou de l’archéologie américaine, beaucoup de dessinateurs ont utilisé des éléments appartenant aux civilisations amérindiennes dans leurs histoires. Cette tendance existe chez d’autres que Pratt mais d’une manière différente.

T

C

À propos des délires à la Churchward, concernant Mu- et ses trésors perdus, je crois que c’est un très bon moyen pour Hugo Pratt de replonger le lecteur dans le savoir et l’imaginaire des Occidentaux vers 1910-1930. En effet, au début du XXe siècle, on connaît mal l’histoire du monde, du peuplement humain. De nombreuses théories circulent, plus ou moins précises, plus ou moins imaginaires. Elles sont parfois complètement délirantes et inventées. Mais elles nourrissent beaucoup les chercheurs, les historiens, les ethnologues. Et la manière qu’a Hugo Pratt de réinjecter ces histoires est magnifique ! Par exemple, le crâne en cristal de roche que vous exposez [cf. ill. 27], Hugo Pratt le dessine dans Mu- en 1988 alors qu’à l’époque on sait déjà, en tout cas les spécialistes, qu’il s’agit d’une fabrication allemande du XIXe siècle ! Mais jusqu’à cette date, il a fasciné des générations de visiteurs du musée de l’Homme à Paris.

M-P I

19/02/2018 07:35

À la question : « Pourquoi Corto Maltese est-il devenu ce qu’il est devenu, c’est-à-dire le nouveau Rimbaud, l’image d’Épinal de l’aventurier, de la liberté incarnée ? », Hugo Pratt répondait que s’il pouvait se reconnaître un talent c’était sa capacité à capter l’air du temps. Et, en 1967, Corto Maltese incarne ce qui s’est révélé dans les mois suivants avec les mouvements contestataires et libertaires de 1968. Comme tout créateur, Hugo Pratt avait perçu les bouleversements de son temps et son héros, Corto Maltese, en était l’étendard.

En outre, chaque personne semble aussi porter sur son visage sa propre histoire. Je pense à ce jeune Maori, Tarao [cf. ill. 65]. Il arbore des tatouages traditionnels maoris, des moko qui évoquent par leur motif sa condition de maître de la mer. Et, de fait dans le récit, Tarao va sauver la jeune Pandora en l’emmenant sur un esquif et en lui permettant de traverser la mer. Or, dès la première représentation de Tarao, ce dénouement est déjà prévu, il est sousentendu par ses moko.

Il dessine par exemple les Askaris, ces soldats africains engagés auprès des colonisateurs, aussi bien que les populations noires en rébellion contre le colonialisme. Il montre qu’il n’y avait pas en Afrique, comme ailleurs, une seule et même position face à l’impérialisme. De même, les Blancs sont montrés sous de multiples facettes : fourbes, poltrons mais aussi compréhensifs, arrangeants, pensant sincèrement aider les autochtones, comme le docteur Livingstone, père de Ann dans Ann de la jungle. Hugo Pratt esquisse une mosaïque de peuples, expose la grande diversité de langues et de cultures qui compose l’Afrique. Il se situe loin de l’image homogène qui pouvait être donnée à l’époque et qui ne correspondait aucunement à la réalité.

C Une lecture plus ethnographique des œuvres d’Hugo Pratt nous paraissait également intéressante. Les personnages secondaires, comme les marins Cranio et Tarao, le guerrier Cush et les populations locales que Corto Maltese rencontre, proposent tous une vision de l’étranger assez humaniste. Corto Maltese traite ces personnages comme des frères. Il y a une connivence quasi immédiate avec les personnages de second plan, qui le sont plus ou moins d’ailleurs. Rien n’importe, que ce soit l’âge des protagonistes, leur sexe, leur provenance ou leur statut. Le rapport qu’il entretient avec les populations locales des quatre coins du monde n’est pas celui qui prédomine en 1967, même si déjà de nouveaux courants de pensée se profilent. Ce discours n’est pas unanime, y compris dans certains musées ethnographiques.

C

W

UNE LECTURE ETHNOGRAPHIQUE DES ŒUVRES DE PRATT NOUS PARAISSAIT INTÉRESSANTE.

Oui, il y a des éléments qui se croisent. Entre l’Amérique et l’Afrique, par exemple, nous avons constaté des mélanges, comme ces yeux ronds que l’on pourrait penser inspirer des masques hopis et que l’on retrouve dans ses statuettes africaines. Hugo Pratt entrelace les continents par l’inspiration et l’imagination.

MARIE

Et aujourd’hui, ce sont ses dessins qui nous inspirent pour cette exposition ! Différents écrits affirment que Pratt allait puiser dans les 17 000 ouvrages de sa bibliothèque. Lui-même disait qu’il n’avait pas le temps de tout lire, mais il savait exactement où chercher la bonne information. Il possédait la collection intégrale du National Geographic et bon nombre d’atlas en tous genres. Lorsqu’il voyageait finalement, c’était souvent a posteriori de ses créations pour vérifier des données ou se recueillir sur les lieux qu’il avait imaginés...

6. Hugo Pratt, Corto Maltese – Les Helvétiques, 1987. Vignette représentant des squelettes en pied.

Oui, c’est un regard d’historien qui partage toujours, d’une certaine manière, les moments des vaincus ou des minorités : les Irlandais, les prostituées, les juifs… Systématiquement, il est en opposition avec les impérialistes. Je pense que c’est en lien avec son histoire personnelle d’Italien. Même sans être fasciste, il a connu la défaite et ses conséquences. Ensuite, il projette dans ses récits de la Première Guerre mondiale ce qu’il a pu connaître lors de la Seconde, il réinvente cette fin. Fondamentalement, il est un héros de la nostalgie. Et, de ce point de vue, la guerre russo-japonaise présage l’effondrement, du moins une transformation du monde. L’Occident ou l’Europe perd sa place de puissance mondiale. Les Japonais ont gagné contre les Russes. C’est un moment charnière.

M-P I

T

M

Je trouve que c’est un juste retour des choses ! Au départ, Hugo Pratt s’est inspiré de catalogues de musées pour nourrir son œuvre...

Oui, cette lecture me semble fondamentale dans l’œuvre d’Hugo Pratt. Il reconnaît aux populations locales le droit de s’opposer au système colonial qui leur est imposé, ce qui ne va pas de soi à l’époque. Les personnages comme Cush sont montrés comme des individus libres, avec leurs qualités et leurs défauts. Ils possèdent leurs propres aspirations, poursuivent leurs propres rêves. Chez Pratt, il n’y a pas d’opposition simpliste entre les colonisateurs blancs et les populations noires. Tout est très nuancé.

W

W

AU DÉBUT DU XXe SIÈCLE ON CONNAÎT MAL L’HISTOIRE DU PEUPLEMENT HUMAIN.

W

5. « Squelettes musiciens », in Miroir salutaire. La danse macabre historiée. Les trois morts et les trois vifs, Paris, Guy Marchant, 1486. Paris, BnF.

B

Il y a peu de références au monde amérindien mais il est évident qu’Hugo Pratt connaît le sujet. Et, comme vous le soulignez, il démontre une accumulation de connaissances et, à d’autres moments il s’inspire directement - lorsqu’il représente le site d’images. Dans Mu, de Tikal au Guatemala et les temples émergeant de la forêt, il s’inspire d’une photographie connue du lieu.

Au début, on avait peur d’être un peu pauvre en objets. 750 m2 d’espace d’exposition, ce n’est pas une petite surface ! Et finalement, en parallèle de nos recherches, c’est tout l’inverse qui s’est profilé ! Il a fallu faire des choix.

Par rapport à ces jeux de réalité, de faux-semblants qu’il instaure, il est intéressant de mettre l’œuvre d’Hugo Pratt en parallèle avec la réalité matérielle et financière qui est la sienne. Lorsque sa vie est construite et qu’il vit confortablement, il est totalement libre, il est presque dans un état de jubilation. Qu’est-ce qu’il peut inventer de plus délirant ? Il me semble important de souligner la liberté de création qui s’offre à lui. Quand il crée - à la fin de sa vie, Les Helvétiques ou Mu, il n’a aucune contrainte.

ECL Pratt INT BAT Pages 5 et 17-18.indd 5

- c’est la reprise d’une légende Mu, du XXe siècle écrite par James Churchward. Elle est moins connue que l’Atlantide mais elle fascine tout autant.

l’appellation d’une société médecine chez les Indiens de l’est des États-Unis, ceux que l’on a appelés les Mohawks, les Iroquois. Dans cet épisode, Hugo Pratt dessine plusieurs masques dont un masque hopis et un faux-visage iroquois. On constate donc encore une fois l’éclatement et le rassemblement de ses connaissances. Déjà, dans Sergent Kirk – qui est l’une de ses premières œuvres importantes marquant le début d’une collaboration avec le scénariste Hector Oesterheld –, il manifeste ce goût de réunir, de sortir de la réalité alors que cette œuvre se veut plus réaliste que d’autres.

Absolument.

P

La mythologie est présente dès La Ballade de la mer salée, puisque Corto Maltese mène cette lutte contre les trois monstres de la mer : la pieuvre, le requin et le bénitier. C’est totalement imaginaire, on est dans un mythe. À ce moment précis, Hugo Pratt a construit le héros, même si lui-même ne le sait pas encore. L’affrontement avec les trois monstres marins transforme Corto Maltese en une sorte de héros de la mer. C’est le moment crucial ! Alors peut-être qu’Hugo Pratt a oublié et décide ultérieurement que Corto Maltese est le héros de l’aventure mais c’est à cet instant que son personnage est devenu le héros. Un antihéros à sa manière.

Oui, l’apogée des empires. Plus jamais l’Occident ne dominera le monde comme il l’a fait jusqu’en 1905, c’est un moment de rupture, marqué par la défaite de la Russie face au Japon. Pourquoi choisir de faire surgir le jeune Corto Maltese en 1905, lors de la guerre russo-japonaise ? Hugo Pratt aurait très bien pu enraciner son héros dans sa propre époque. Or, il décide d’en faire le témoin d’une époque particulière. Corto Maltese n’est d’ailleurs jamais directement impliqué dans les aventures, il reste en retrait. J’ai le sentiment qu’Hugo Pratt porte un peu un regard d’historien sur cette première moitié du XXe siècle.

C

M-P I

Et encore, je me souviens vous avoir remis une liste d’objets et vous en avez supprimé beaucoup en disant : non, c’est trop !

De la même manière, dans Les Éthiopiques, Corto rencontre, dans le désert du Danakil, un homme qui semble avoir perdu la raison et qui lui dit : « Je m’appelle Stanley, vous êtes le Docteur Livingstone, je suppose ? » Hugo Pratt fait ici référence aux retrouvailles de l’explorateur britannique Henry Morton Stanley et du docteur Livingstone, parti à la recherche des sources du Nil en 1866 et porté disparu depuis. Stanley était missionné par le New York Herald pour retrouver Livingstone, ce qu’il fera en 1871 à Ujiji en Tanzanie, sur les bords du lac Tanganyika. Cette rencontre est suivie d’une conversation toute britannique : « Docteur Livingstone, I presume ? – Yes. I feel thankful that I am here to welcome you. » [Docteur Livingstone, je suppose ? – Oui, je suis heureux d’être ici pour vous accueillir.] Cet échange était une pure fabrication mais l’anecdote est restée.

P

11. Edward Sheriff Curtis, Red Wing, Apsaroke, avant 1915. Photographie. La Rochelle, musées d’Art et d’Histoire.

T

Oui, il y a une fusion entre Michel-Ange, l’artiste de la Renaissance et George Catlin, le grand peintre des Indiens du xixe siècle !

9. Hugo Pratt, Corto Maltese – Au nom d’Allah le miséricordieux, in Les Éthiopiques, 1972. Vignette représentant Cush.

Y

MARIET

W

10. Hugo Pratt, Sgt. Kirk – Une place étrange (Sgt. Kirk, cinquième époque), 1958. Vignette représentant un chef indien.

T

5. Codex Zouche-Nutall ou Codex Tonendeye : document pictographique mixtèque préhispanique probablement peint au xive siècle.

On ne pouvait pas se permettre d’aller chercher les objets réels qui ont inspiré Hugo Pratt à Budapest, New York ou dans d’autres collections muséales à travers le monde. Cependant, ce n’était pas si important puisqu’on s’est rendu compte que la richesse de son œuvre, s’exporte au musée des Confluences. Les collections recèlent suffisamment d’objets pour illustrer ce principe d’aller-retour entre les dessins et les objets.

Dans les aventures de Corto Maltese, il y a des albums à caractère vraiment historique et ceux du rêve comme Les Helvétiques, Les Celtiques. Dans ceux-ci, le personnage entre dans le monde de la mythologie, bien qu’il y ait des références à l’histoire, à des événements historiques.

C’est aussi parce que cette période marque l’apogée de l’Empire britannique.

W

T

Y

Oui effectivement ! Il arrive à intégrer graphiquement des choses telles quelles dans ses planches. On a par exemple relevé le motif de la danse macabre dans Les Helvétiques. Ces dessins, dont nous avons cherché la source, sont des gravures réalisées à partir des fresques du cimetière des SaintsInnocents à Paris. Ces gravures ont circulé dès le xve siècle et on en retrouve un exemple dans un livre de 1485, conservé à la bibliothèque de Grenoble. Mais la page qui correspond à la gravure reproduite dans l’album, la source d’Hugo Pratt, a été arrachée. Comme si une part de mystère devait être conservée !

À ce propos, dans un épisode du Sergent Kirk, une journaliste du Chicago Post est à la recherche de George Catlin pour l’interviewer mais le personnage n’est pas nommé George Catlin, comme le peintre, il s’appelle Michel-Angel Catlin !

T

C

PAULE IMBERTI

8. Wilfred Patrick Thesiger, Portrait d’un soldat patriote abyssin avec un fusil, 1941. Photographie. Oxford, Pitt Rivers Museum.

W

T

T

Oui, des private jokes.

L’univers d’Hugo Pratt démontre une fascination pour le monde de l’Angleterre victorienne. Une des clefs de son imaginaire, c’est le romantisme victorien. Il y est plongé par ses lectures, par la découverte qu’il fait des Anglais en Éthiopie6. Les Anglais sont partout, ils sont dans Fort Wheeling, en Irlande, ils sont dans le père de Corto, ils sont dans Jesuit Joe.

Oui, c’est vrai. Par contre, il y a une différence dans sa manière d’aborder les horizons océanien et américain. Quand il évoque - j’ai retrouvé l’Amérique, et notamment dans Mu, tout le mystère des civilisations précolombiennes, des civilisations amérindiennes. Cette part de rêve ! On doit avoir bien sûr un côté sérieux en abordant l’étude de ces civilisations mais, curieusement dans ce domaine dit de l’américanisme ou de l’archéologie américaine, tous les chercheurs conservent cet imaginaire. On sort du cadre strict de la science archéologique. Énormément de questions se posent encore aujourd’hui, auxquelles on ne peut pas répondre. Et, en rêvant, en imaginant des mondes, des hypothèses, des liens entre des civilisations, on apporte peut-être des éléments de réponse.

S

Y

Au musée, l’idée a été de partir du travail que vous aviez effectué, Thierry, et de l’étendre aux autres horizons d’Hugo Pratt : l’Océanie, l’Amérique et l’Afrique principalement. Nous pouvions faire le même travail que vous dans nos collections. Ainsi, à partir des objets dessinés dans les planches, on a tout simplement cherché à trouver des objets référents dans nos collections. Ils ne sont pas forcément identiques mais ce sont des typologies d’objets qui ont influencé le dessin de Pratt au moment où il réalisait ses différents albums.

C

Y

Effectivement, dans sa représentation du monde amérindien par exemple, il reproduit précisément des éléments. - on observe des glyphes qui sont Dans Mu, la retranscription exacte de glyphes mayas que l’on distingue dans les codex ou sur les panneaux sculptés illustrant les grands événements des cités-États mayas. Dans l’exposition, vous rapprochez ce travail du Codex Zouche-Nutall 5 dont vous conservez une copie ancienne au musée [cf. ill. 30, 31] et qui est probablement l’une des sources iconographiques utilisées par Hugo Pratt. Le site de Palenque est également présent, notamment par ses bas-reliefs. La force de son récit vient aussi de là, de cette réalité distillée au fil d’un récit imaginaire.

P

HUGO PRATT MET AUSSI EN PLACE UNE LOGIQUE DU CLIN D’ŒIL. P

Ces réflexions posent la question du temps dans lequel Hugo Pratt ancre son récit, ses personnages. Quand et pourquoi ?

Il me semble que l’on retrouve sur les planches d’Hugo Pratt, d’une certaine manière, les réserves d’un musée, mais un musée imaginaire qu’il aurait composé lui-même à partir d’éléments qu’il serait allé piocher dans différents textes de musées voire, pourquoi pas, dans des expositions.

M-P I

Black 2018-02-20 Cyan Magenta Yellow 2018-02-20 2018-02-20 2018-02-20 DRUK:Skleniarz$ DRUK:Skleniarz$ DRUK:Skleniarz$ DRUK:Skleniarz$

M-P I

W

T

Il s’inspire du réel, joue avec la réalité, il compose, comme vous le disiez. Il laisse libre cours à son imagination mais, en même temps, il aime représenter certains éléments qui le rapprochent d’une forme de restitution de la réalité. Et lorsque cette réalité implique de dessiner de véritables avions ou trains, il lui arrive de faire appel à des collaborateurs qui savent être d’une extrême précision comme Guido Fuga pour l’épisode de Corto Maltese en Sibérie.

C

Outre la composition du récit sur le mode de la fantasia, Hugo Pratt met aussi en place une logique du clin d’œil. C’est très personnel, il glisse dans ses récits des mots qui ne sont éventuellement compréhensibles que par une seule personne.

$[ImpPlanName] Press Sheet 1 Front

Y

L’œuvre s’inscrit au cœur des guerres coloniales qui bouleversent l’Afrique, à l’aube de changements importants pour les populations locales. On peut faire un lien entre ce décor belligérant et l’expérience personnelle d’Hugo Pratt confronté à un très jeune âge à la Seconde Guerre mondiale en Éthiopie et qui mène de fait « une vie assez folle », selon ses propres dires.

W

S

Un mot revenait souvent chez Hugo Pratt : le droit à la fantaisie, à la fantasia qui donne toute liberté à l’imagination même en l’ancrant dans la réalité. Hugo Pratt est un autodidacte et tout ce qui parfois apparaît curieux, bizarre, fantaisiste, tout ce qui a marqué sa mémoire visuelle, va nourrir le fond de ses images. Il va les utiliser de-ci de-là et puis tout d’un coup dans une histoire qui peut apparaître très réelle, il fait surgir une fantaisie absolue. C’est un mode de récit, un jeu de précision microscopique et de fantaisie délirante. L’imaginaire d’un auteur est difficile à interroger, il a ses livres, ses images. La bibliothèque d’Hugo Pratt était d’un grand éclectisme et il savait y retrouver l’information pouvant alimenter tel ou tel rebondissement de récit.

ulotki

Y

279_18_Anabasis

Checkerboard Patterns

0%

5%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

95%

100%

Parallel Lines

CMY

CMY

CMY

B

C

M

Y

32

X

Z C

M

Y

Z


T

M

Y

X

Z

Z

B

B

C

M

Y

X

Z

0

B 20

B 40

B 80

B

C

M

Y

X

Z

CMY

CMY

CMY

CMY

B

C

M

Y

X

Z

C 20

C 40

C 80

B

C

M

Y

X

Z

C

M

B

C

M

Y

X

Z

0

B

C

M

Y

X

Z

B

C

M

Y

X

Z

CMY

M 20

M 40

M 80

B

C

M

Y

Z

Y

X

B

C

M

Y

X

Z

0

Y 20

Y 40

B

C

M

Y

X

Z

CMY

CMY

CMY

CMY

B

C

M

Y

X

Z

CMY

X 20

X 40

X 80

B

C

M

Y

X

Z

CM

CY

MY

CMY

Y B

T

En regardant les portraits des différents chefs indiens, dans Sergent Kirk notamment, j’ai eu le sentiment qu’il avait été interpellé par les portraits d’Edward Sheriff Curtis7. Je ne sais pas si c’était l’une de ses sources mais les traits des visages me semblent parfois plus attentivement représentés comme s’il avait pris plus de temps pour les dessiner.

Oui, c’est l’un des éléments. Sa capacité à représenter l’autre s’exprime de deux manières. Il dessine ses personnages sous une forme très stéréotypée, par le vêtement, le costume, l’uniforme. Pour ce faire, il consulte des catalogues d’ethnographie, des répertoires de tenues militaires. Et puis, il y a les portraits qu’il réalise. Chaque personnage, même secondaire, est une personne à part entière. Il ne s’agit absolument pas d’une représentation figée.

W

M

Y

X

Z

0

Z 20

Z 40

Z 80

B

C

M

Y

X

Z

CMY

CMY

CMY

CMY

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 7

CM

Prinect Micro−6i Format 102/105 Dipco 16.0d (pdf2540dpi) © 2013 Heidelberger Druckmaschinen AG

CY

MY

CMY

16/02/2018 11:49

B

C

M

Y

X

Z

0

B 20

B 40

B 80

B

C

M

Y

X

Z

CMY

CMY

CMY

CMY

B

C

M

Y

X

Z

CMY

C 20

C 40

C 80

B

C

M

Y

X

Z

Z

B

B

C

M

Y

X

Z

0

B

C

M

Y

X

Z

B

C

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 8

M

Y

X

Z

CMY

M 20

M 40

M 80

B

C

M

Y

X

16/02/2018 11:49

Z

C

M

B

C

M

Y

X

Z

0

Y 20

Y 40

Y 80

B

C

M

Y

X

Z

CMY

CMY

CMY

CMY

B

C

M

Y

X

Z

X 20

M

C

M

C

M C

M

C

M

X

Y

Z

Y

X Y

Z

Y

X

−−−−−−−−−−−−−−− 7 −−−−−−−−−−−−−−−

8

−−−−−−−−−−−−−−− 9 −−−−−−−−−−−−−−−

10

−−−−−−−−−−−−−−− 11 −−−−−−−−−−−−−−−

12

INTRODUCTION HÉLÈNE LAFONT-COUTURIER Directrice du musée des Confluences

Le musée des Confluences s’attache à décrire le monde depuis les origines jusqu’aux étapes récentes de l’aventure humaine. Les collections qu’il conserve, constituées depuis le xviie siècle, remontent les âges et sillonnent les géographies de notre planète, depuis les premières ères géologiques et climatiques à travers le minéral et le vivant et jusqu’aux liens complexes de l’homme avec la nature. Dédié aux cultures et aux civilisations du monde entier, le musée des Confluences l’est aussi à toutes les formes de création artistique. C’est pourquoi nous avons approché l’œuvre d’Hugo Pratt, sans doute l’une des plus importantes de l’histoire de la bande dessinée. L’auteur fut l’un des premiers à vouloir trouver de nouvelles voies entre récit et images, à se vouloir romancier et dessinateur, à parvenir à une rare osmose entre texte et graphisme. Rien ici de bavard mais de la rigueur parfois réduite à quelques traits de plume ou de pinceau. Ce qui n’interdit nullement la fantaisie, l’invention permanente, l’imagination amusée et parfois le goût de l’absurde et des situations impossibles.

−−−−−−−−−−−−−−− 13 −−−−−−−−−−−−−−−

14

−−−−−−−−−−−−−−− 15 −−−−−−−−−−−−−−−

16

−−−−−−−−−−−−−−− 17 −−−−−−−−−−−−−−−

18

−−−−−−−−−−−−−−− 19 −−−−−−−−−−−−−−−

ENTRETIEN AUTOUR D’HUGO PRATT

Ce sont ces géographies diverses et ces moments d’histoire qui ont fait naître l’idée d’un dialogue entre l’univers d’Hugo Pratt et les collections du musée des Confluences. Grâce à la complicité de la société Cong et à l’initiative de sa directrice Patrizia Zanotti, nous avons développé l’idée d’une exposition où la planche dessinée, l’aquarelle, le détail d’une case retrouveraient l’objet, l’image, le récit ayant pu l’inspirer. À l’encontre de la classique cimaise, le musée des Confluences propose une scénographie inédite où la planche dessinée, par essence bidimensionnelle, acquiert une troisième dimension. L’objet dessiné surgit de la page et pénètre le réel, l’univers sensible du visiteur, évoquant le lien tangible entre les civilisations du monde entier et notre propre culture, celle d’une bande dessinée foisonnante, entre littérature et art graphique, une « littérature dessinée ». En proposant l’écrin de ses murs et la magie de ses collections aidées de nombreux prêts, le musée des Confluences a souhaité ainsi rendre hommage à un auteur d’exception et retrouver, grâce à lui, une grande part de nos imaginaires. L’album de l’exposition, par son format original, déploie, tel un long fleuve, l’histoire d’Hugo Pratt et prolonge le voyage au cœur de ses horizons.

CORMIER

À l’origine de ce projet d’exposition, il y a une réflexion commune du musée et de Patrizia Zanotti, directrice de la société Cong en charge aujourd’hui de la valorisation de l’œuvre d’Hugo Pratt. Nous souhaitions mettre en dialogue son œuvre et ce qui avait pu l’inspirer en matière d’objets ethnographiques. Présenter l’exposition au musée des Confluences paraissait une évidence ! Les espaces et l’importante hauteur sous plafond s’y prêtaient admirablement. Il y avait une réflexion esthétique à mener entre le graphisme de Pratt et la beauté des objets du musée. Voilà comment le projet s’est mis en place ! Ensuite, il est apparu passionnant d’intégrer les objets au style de récit propre à Hugo Pratt qui avait ce talent inimitable de savoir mêler tous les registres de l’imaginaire : le faux, le vrai et le semblant. Une vraie piste se dessinait. Dans son œuvre, les objets sont dans un contexte mais pas dans leur contexte, il joue infiniment avec la réalité et ses transformations.

DANS SON ŒUVRE, IL JOUE INFINIMENT AVEC LA RÉALITÉ ET SES TRANSFORMATIONS.

16/02/2018 11:49

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 2

16/02/2018 11:49

Times 4P 2%

1x1

2x2

3x3

< Requested Screening Calibrated and screened per job settings < Reference Screening 180 lpi, uncalibrated

Kodak Plate Control Strip v4.0.1 Interpreter: Kodak Prinergy Normalizer

99%

1%

Checkerboard Patterns

0%

5%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

95%

100%

Parallel Lines

Times 2P

Plate Control Strip

1 Pix 2 Pix 1 Pix 2 Pix

4x4

2540-175I-H 633-00651A

Resolution: 2540 dpi Screen: 175 lpi Pixel Size: 10.0 µm © 2006 Kodak

98%

Times 1P Times 0.5 P

© Heidelberger Druckmaschinen AG 2013 V16.0d (pdf)

Suprasetter Heidelberg Saphira Thermal Plate PN 101

−−−−−−−−−−−−−−− 21 −−−−−−−−−−−−−−−

22

−−−−−−−−−−−−−−− 23 −−−−−−−−−−−−−−−

24

1/17

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 3

−−−−−−−−−−−−−−− 25 −−−−−−−−−−−−−−−

26

−−−−−−−−−−−−−−− 27 −−−−−−−−−−−−−−−

Les choses étaient lancées. Les résultats des recherches ont été prolifiques et les éléments se sont bien articulés. Nous avons découvert et redécouvert des objets, rencontré des collectionneurs et des partenaires enthousiastes ! Thierry Wendling, à la lecture de votre article sur la collection d’arts premiers de Raspoutine1, nous avons eu comme une confirmation du bien-fondé de ce projet. En effet, vous révélez que les collections de musée sont la source d’inspiration de bon nombre d’objets dessinés par Hugo Pratt dans l’album La Ballade de la mer salée. On présume que Pratt détenait des catalogues de musée dans sa bibliothèque et grâce à certains éléments, des dessins préparatoires notamment, on sait qu’il a travaillé d’après des livres. Je pense par exemple à la - la vignette des champignons dans l’album Mu, cité perdue où l’orientation de l’objet, redessiné par Pratt, est identique à celle de la photographie d’un catalogue que nous avons identifié. Cela laisse peu de doutes sur sa source ! Votre article a été très important pour nos recherches mais, pour vous, quel a été l’élément déclencheur ? Comment avez-vous trouvé l’idée de cet article ? Une intuition ?

WENDLING

Le point de départ, pour moi, c’est l’album Les Helvétiques. J’ai vécu longtemps en Suisse et, un jour, un appel à proposition d’article est passé, demandant justement une réflexion sur cet album. À l’époque, je disposais d’une quinzaine de jours, mon emploi du temps n’était pas surchargé et je me suis dit que cela serait amusant d’écrire sur Corto Maltese ! Ce personnage avait enchanté mon enfance, je l’avais découvert avec l’hebdomadaire Pif gadget. Vous deviez faire partie de la minorité de jeunes lecteurs séduits par l’art d’Hugo Pratt ! Le public était souvent dérouté par son graphisme et son style de récit en rupture avec la plupart des autres bandes dessinées du magazine.

SERGIO PURINI

C’était pourtant ce que je préférais ! Je me suis donc attelé à cet article et ces quinze jours se sont révélés totalement insuffisants. Pourquoi ? Parce que j’avais commencé à tirer des fils, à essayer de regarder vraiment ces images, à lire ces textes, ces échanges qu’il y avait entre ces personnages. J’avais l’édition de luxe de l’album Les Helvétiques. L’histoire était précédée d’aquarelles représentant chacune des cantons suisses identifiés par des choix iconographiques d’Hugo Pratt [cf. ill. 53]. Et j’ai découvert qu’elles étaient d’une richesse ethnographique fantastique !

W

Plus je regardais les dessins d’Hugo Pratt, plus j’essayais de trouver des éléments m’expliquant comment le livre, l’histoire, avaient été conçus. J’entrais dans des univers qui m’étaient, en partie ou totalement, inconnus, comme le romantisme allemand ou Hermann Hesse. Finalement, j’ai mis des mois, peut-être même des années, je ne sais plus, pour écrire ce premier article sur Les Helvétiques. Après cette première plongée dans l’univers de Pratt, je me suis dit en voyant la programmation du musée de Neuchâtel que le conservateur, Marc-Olivier Gonseth, grand amateur de bande dessinée, serait sans doute intéressé par une petite contribution sur Corto Maltese2. En effet, le musée d’Ethnographie préparait une exposition sur le secret et comme le premier grand album où apparaît Corto Maltese est La Ballade de la mer salée et que cet album regorge de masques, je tenais un sujet ! Là, j’ai mené un véritable travail d’enquête policière. J’imaginais au départ qu’Hugo Pratt avait inventé les formes de ces masques. Néanmoins, assez rapidement, il m’a semblé reconnaître des objets du musée de Bâle. J’ai alors essayé de défricher tout ce qu’avait pu publier le musée mais je luttais contre un obstacle, je n’avais pu identifier que trois ou quatre masques. Ainsi, de fil en aiguille, j’ai tenté de retrouver les sources de Pratt : j’ai découvert tel masque au Metropolitan Museum de New York, tel masque à Budapest. 2. Op. cit.

J’IMAGINAIS QU’HUGO PRATT AVAIT INVENTÉ LES FORMES DE CES MASQUES. Et, un beau jour, j’ai aussi entrepris de travailler sur les sources auxquelles Hugo Pratt avait pu avoir accès. Cela m’a pris du temps, mais j’ai décelé que l’essentiel de ses ressources iconographiques venait d’un ouvrage d’un grand océaniste : Jean Guiart. À partir de cette découverte, et ce fut là aussi une surprise, je me suis rendu compte qu’il y a des éléments évidents et que, derrière ceux-ci, d’autres éléments apparaissent en filigrane. Si on possède les connaissances, le référentiel, on distingue d’autres choses. C’est un point très intéressant dans la construction de Pratt, il effectue une sorte de mise en abîme permanente du dessin. De fait, j’ai repéré des objets bien distincts et aussi d’autres objets dont juste une petite partie de motif, au coin d’une case, était visible. Par rapport à la ligne claire d’Hergé, le contraste est très fort. Dans les albums de Tintin, les objets – notamment exotiques – sont tous clairement identifiables, on pourrait les extraire de la case pour les mettre directement sous vitrine. Chez Pratt au contraire, les taches noires de l’encre de Chine, ou encore les transparences de l’aquarelle, ne laissent souvent affleurer que des fractions d’objets fondus dans le reste de la scène. Il faut souvent avoir l’objet représenté sous les yeux pour le redécouvrir dans la composition de Pratt. Et ces petits objets, ces petits motifs n’étaient pas là simplement pour remplir la case mais – et c’est là où ça commence à devenir passionnant – ils participaient du récit lui-même et peut-être même principalement pour Hugo Pratt, à mon avis.

1%

2%

3%

5%

10%

20%

25%

30%

40%

50%

60%

70%

75%

80%

90%

95%

97%

98%

99%

M

Y

X

Z

Y

X

B

C

M

Y

X

Z

0

Z 20

Z 40

Z 80

B

30

C

M

Y

X

Z

CMY

−−−−−−−−−−−−−−− 31 −−−−−−−−−−−−−−−

possible dans ses rendus. Dans Jesuit Joe, il aborde un sujet généralement peu connu des amateurs de western , le phénomène des Métis et la fameuse révolte de la rivière Rouge menée par Louis Riel au Canada en 1869-1870. Avec cet album, il est dans la réalité amérindienne ! Quand Pratt aborde le monde amérindien ou américain dans Corto Maltese, on sent qu’il utilise ce monde comme il en a envie.

J’ÉCRIS AVEC LE DESSIN

Comment cela ? Je n’ai pas connu Hugo Pratt, je ne peux faire que des reconstitutions, mais je l’imagine très bien travaillant énormément sur ses sources mais rêvant aussi beaucoup. Rêvant et trouvant dans ces images, dans ces photographies d’objets océaniens, de lieux où il n’était pas allé, une inspiration pour ce récit qu’il écrivait au jour le jour. Et cet article a été pour moi une sorte de révélation sur le travail de création d’un récit ! Comment ce conteur qu’était Hugo Pratt, en récupérant des tas d’éléments dont il s’abreuvait quotidiennement – j’ai principalement travaillé sur les masques, mais il y a la littérature, l’histoire – les assimilait-il et les retranscrivait-il à sa façon, dans ses planches ? Ce travail de composition, décomposition, recomposition me passionne !

W

Sur l’ensemble de sa production, je ne crois pas que Pratt se soit attaché à la réalité historique. Je pense qu’il a essayé de prendre un maximum de faits historiques et d’objets réels comme sources d’inspiration pour créer un effet de réel. Cependant, il ne se pose pas non plus comme historien des guerres indiennes ou de la Première Guerre mondiale dans le Pacifique.

PERRIER

En ce qui concerne l’horizon africain, Cato Zoulou, Ann de la Jungle et Les Éthiopiques entre autres, Hugo Pratt ancre systématiquement son récit dans l’histoire. Il procède de manière plus ou moins marquée et s’autorise des anachronismes pour servir son scénario. Avec la première vignette de Cato Zoulou, il situe clairement le récit en 1879, année de la mort du prince impérial Louis-Napoléon Bonaparte, fils unique de Napoléon III et de l’impératrice Eugénie. L’auteur revient sur cet événement qui a fortement ému l’opinion publique française à l’époque mais qui depuis est tombé dans l’oubli. Le prince est décédé en Afrique du Sud alors qu’il se battait aux côtés des troupes britanniques contre les populations zouloues. En suivant les aventures de Cato en Afrique du Sud, le lecteur assiste à ce conflit et à la fuite des Boers. Dans Les Éthiopiques, Corto Maltese est le témoin de la guerre opposant Ottomans et Britanniques au Yémen, puis de la campagne des « derviches » du Mad Mullah3 contre les Anglais, à nouveau, en Somalie britannique4.

Dans l’exposition, on présente un masque de faîtage du musée du quai Branly et la planche de bande dessinée où Hugo Pratt a crayonné cet élément. On constate que l’objet devient un élément narratif de l’ensemble et cela me fait penser à ce qu’Hugo Pratt disait de son travail : « J’écris avec le dessin. » En réalité, il propose deux niveaux de lecture : au texte s’ajoute un langage du dessin. Hugo Pratt parlait d’une « littérature dessinée » pour son travail et j’ai l’impression qu’il a quelque peu souffert d’une vision réductrice de la bande dessinée, cantonnée à la jeunesse. Dans de nombreuses interviews, on le voyait s’insurger contre ceux qui ne voyaient dans la bande dessinée qu’une histoire de « petits Mickeys ». Il comparait le travail de l’écrivain à celui du dessinateur. Quand l’écrivain décide de raconter « un Indien mohawk à la lisière d’une forêt », il peut se contenter d’écrire ces quelques mots car l’imagination du lecteur fait le reste. Le travail du dessinateur est plus complexe, il doit se renseigner sur la physionomie des Indiens mohawks, leurs vêtements, les essences d’arbres qui peuplent les forêts de leurs territoires. Comme Hugo Pratt l’affirmait : « C’est un sacré boulot ! »

C

3. Mohammed Abdullah Hassan. 4. Actuelle République du Somaliland.

En apportant mon analyse sur le monde américain, j’ai distingué deux productions d’Hugo Pratt. Il y a la production Corto Maltese où, comme vous disiez, on passe dans la rêverie, l’onirisme. C’est le melting-pot culturel, on va du nord au sud du continent. Et, à côté de cela, il y a des œuvres comme Jesuit Joe ou Fort Wheeling – elle-même inspirée d’une œuvre antérieure de Pratt, Ticonderoga dont il réalise dix-huit épisodes de 1957 à 1959 sur un scénario d’Hector Oesterheld – et même les Sergent Kirk, ses premières œuvres, qui sont beaucoup plus liées à la réalité. Fort Wheeling, ce n’est jamais que le récit d’un événement historique, où Pratt essaie d’être le plus précis

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 4

16/02/2018 11:49

Resolution: 2540 dpi Screen: 175 lpi Pixel Size: 10.0 µm © 2006 Kodak 0/100%

C

−−−−−−−−−−−−−−− 29 −−−−−−−−−−−−−−−

4. Hugo Pratt, L’Homme du Grand Nord (Jesuit Joe), couverture, 1980. Aquarelle et encre de Chine.

Lin+ Process

0.5P Times

1P Times

4P Times

B

- la cité perdue, 3. Hugo Pratt, Corto Maltese – Mu, 1988. Vignette représentant des sculptures en forme de champignons.

16/02/2018 11:49

2P Times

28

X 80

2. Sculpture en forme de champignon, Guatemala, vallée de Las Vacas, 600-100 av. J.-C. Pierre volcanique. Paris, musée du quai Branly Jacques Chirac.

1. Thierry Wendling, « Corto Maltese et la collection secrète d’arts premiers de son ami Raspoutine », in Marc-Olivier Gonseth (dir.), Secrets. Opacités du patrimoine culturel immatériel, musée d’Ethnographie de Neuchâtel, 2015.

1. Hugo Pratt, Wheeling, dossier de travail, carte des territoires indiens, années 1960-1961. Crayon de couleur et encre de Chine.

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 1

20

X 40

Y

6

THIERRY

−−−−−−−−−−−−−−− 5 −−−−−−−−−−−−−−−

T

4

YOANN

−−−−−−−−−−−−−−− 3 −−−−−−−−−−−−−−−

T

12. Hugo Pratt, Sgt. Kirk – Les Faux Visages (Sgt. Kirk, quatrième époque), 1956. Vignette avec masques hopis et faux-visages iroquois.

Y

2

À la différence d’autres dessinateurs, c’est certainement son itinéraire personnel, d’une rare densité, qui lui permet de débuter le cycle des aventures de Corto Maltese avec un imaginaire si riche. Hugo Pratt a construit un véritable univers et l’exposition tente de le faire découvrir…

L’idée d’une influence des photographies de Curtis est une hypothèse à explorer. Effectivement, à la différence de films ou de récits, de présentations scénographiques où finalement tous les gens sont pareils, il y a une véritable individualisation chez Hugo Pratt.

C

−−−−−−−−−−−−−−− 1 −−−−−−−−−−−−−−−

C

W

7. Hugo Pratt, Corto Maltese – La Ballade de la mer salée, 1967. Vignette représentant Corto en lutte contre le bénitier.

C

En parlant de composition, il est amusant de pointer l’épisode dans Sergent Kirk, où il a affaire à la tribu des faux-visages. Cette tribu vit dans un pueblo, une architecture caractéristique des Indiens hopis et zuñis du sud-ouest des États-Unis. Or, aucune tribu n’a jamais été nommée « les faux-visages » dans cette région. Les faux-visages (false-faces) est

M-P I

Cela a été le cas pour vous ?

C

Y

T

M

Ce regard est vraiment remarquable chez Hugo Pratt et il me semble que cela a aussi participé à sa réception comme auteur de bande dessinée. Cette sorte d’humanisme ouvert à tous les peuples est aussi l’une des raisons de mon intérêt pour son œuvre. Hugo Pratt a eu une influence chez les historiens et les ethnologues, qu’ils soient déjà adultes ou qu’ils l’aient lu adolescents. D’une certaine manière, ils y ont trouvé des éléments pour leur vocation à venir.

W

Absolument ! Dans leur majorité, les dessinateurs de bande dessinée emploient de la documentation. Mais ils mettent en exergue cette documentation, on a l’impression qu’ils disent : « Attention, est-ce que vous avez bien vu que j’ai représenté ici telle pyramide ? » Tout l’intérêt d’Hugo Pratt, c’est de réussir à fusionner cela dans une histoire. Il fait disparaître d’une certaine manière la référence, ce que vous essayez justement de faire réapparaître, cette partie un peu cachée de l’iceberg.

W

7. Edward Sheriff Curtis (1868-1952) est un photographe ethnologue américain.

16/02/2018 18:31

Y 80

C’est une analyse passionnante, Hugo Pratt propose plusieurs niveaux de lecture. Personnellement, je ne connaissais pas l’œuvre d’Hugo Pratt avant ce projet et, par le biais des objets, j’ai été amenée à comprendre son univers. J’ai donc « suivi » les objets, leur lien aux personnages historiques, tout ce travail de composition avec les mondes. Le visiteur, qui ne connaitraît pas non plus l’univers d’Hugo Pratt, qui ne serait pas un inconditionnel lecteur de ses aventures, pourra véritablement entrer dans cet univers.

6. Hugo Pratt voua toute sa vie une certaine admiration aux uniformes des soldats britanniques qu’il avait découverts en Éthiopie, pendant la Seconde Guerre mondiale, alors qu’il était un jeune adolescent enrôlé dans la milice de Mussolini aux côtés de son père.

ECL Pratt INT BAT Corr Pages 6-17-47.indd 6

X

M-P I

98%

2%

99%

1%

1x1

2x2

3x3

1 Pix 2 Pix 1 Pix 2 Pix

4x4

< Requested Screening Calibrated and screened per job settings < Reference Screening 180 lpi, uncalibrated

Kodak Plate Control Strip v4.0.1 Interpreter: Kodak Prinergy Normalizer

2540-175I-H 633-00651A

Il y a des objets qui collent complètement avec les planches d’Hugo Pratt comme le modèle réduit de pirogue océanienne [cf. ill. 16]. Ici, la corrélation entre le dessin et l’objet est assez flagrante. Cependant, on ne s’est pas non plus arrêté à la représentation formelle des objets. C’est aussi ça l’univers de Pratt, l’influence qu’a pu avoir l’objet sur son œuvre, son imaginaire ! Il pouvait partir d’un objet et, comme vous le remarquiez, glisser des morceaux de cartes, des indices dans des coins de cases. On a essayé de creuser au-delà de l’objet qu’on pouvait voir.

Dans la bande dessinée, pour tout ce qui est reproduction du monde amérindien ou de l’archéologie américaine, beaucoup de dessinateurs ont utilisé des éléments appartenant aux civilisations amérindiennes dans leurs histoires. Cette tendance existe chez d’autres que Pratt mais d’une manière différente.

T

C

À propos des délires à la Churchward, concernant Mu- et ses trésors perdus, je crois que c’est un très bon moyen pour Hugo Pratt de replonger le lecteur dans le savoir et l’imaginaire des Occidentaux vers 1910-1930. En effet, au début du XXe siècle, on connaît mal l’histoire du monde, du peuplement humain. De nombreuses théories circulent, plus ou moins précises, plus ou moins imaginaires. Elles sont parfois complètement délirantes et inventées. Mais elles nourrissent beaucoup les chercheurs, les historiens, les ethnologues. Et la manière qu’a Hugo Pratt de réinjecter ces histoires est magnifique ! Par exemple, le crâne en cristal de roche que vous exposez [cf. ill. 27], Hugo Pratt le dessine dans Mu- en 1988 alors qu’à l’époque on sait déjà, en tout cas les spécialistes, qu’il s’agit d’une fabrication allemande du XIXe siècle ! Mais jusqu’à cette date, il a fasciné des générations de visiteurs du musée de l’Homme à Paris.

M-P I

19/02/2018 07:35

À la question : « Pourquoi Corto Maltese est-il devenu ce qu’il est devenu, c’est-à-dire le nouveau Rimbaud, l’image d’Épinal de l’aventurier, de la liberté incarnée ? », Hugo Pratt répondait que s’il pouvait se reconnaître un talent c’était sa capacité à capter l’air du temps. Et, en 1967, Corto Maltese incarne ce qui s’est révélé dans les mois suivants avec les mouvements contestataires et libertaires de 1968. Comme tout créateur, Hugo Pratt avait perçu les bouleversements de son temps et son héros, Corto Maltese, en était l’étendard.

En outre, chaque personne semble aussi porter sur son visage sa propre histoire. Je pense à ce jeune Maori, Tarao [cf. ill. 65]. Il arbore des tatouages traditionnels maoris, des moko qui évoquent par leur motif sa condition de maître de la mer. Et, de fait dans le récit, Tarao va sauver la jeune Pandora en l’emmenant sur un esquif et en lui permettant de traverser la mer. Or, dès la première représentation de Tarao, ce dénouement est déjà prévu, il est sousentendu par ses moko.

Il dessine par exemple les Askaris, ces soldats africains engagés auprès des colonisateurs, aussi bien que les populations noires en rébellion contre le colonialisme. Il montre qu’il n’y avait pas en Afrique, comme ailleurs, une seule et même position face à l’impérialisme. De même, les Blancs sont montrés sous de multiples facettes : fourbes, poltrons mais aussi compréhensifs, arrangeants, pensant sincèrement aider les autochtones, comme le docteur Livingstone, père de Ann dans Ann de la jungle. Hugo Pratt esquisse une mosaïque de peuples, expose la grande diversité de langues et de cultures qui compose l’Afrique. Il se situe loin de l’image homogène qui pouvait être donnée à l’époque et qui ne correspondait aucunement à la réalité.

C Une lecture plus ethnographique des œuvres d’Hugo Pratt nous paraissait également intéressante. Les personnages secondaires, comme les marins Cranio et Tarao, le guerrier Cush et les populations locales que Corto Maltese rencontre, proposent tous une vision de l’étranger assez humaniste. Corto Maltese traite ces personnages comme des frères. Il y a une connivence quasi immédiate avec les personnages de second plan, qui le sont plus ou moins d’ailleurs. Rien n’importe, que ce soit l’âge des protagonistes, leur sexe, leur provenance ou leur statut. Le rapport qu’il entretient avec les populations locales des quatre coins du monde n’est pas celui qui prédomine en 1967, même si déjà de nouveaux courants de pensée se profilent. Ce discours n’est pas unanime, y compris dans certains musées ethnographiques.

C

W

UNE LECTURE ETHNOGRAPHIQUE DES ŒUVRES DE PRATT NOUS PARAISSAIT INTÉRESSANTE.

Oui, il y a des éléments qui se croisent. Entre l’Amérique et l’Afrique, par exemple, nous avons constaté des mélanges, comme ces yeux ronds que l’on pourrait penser inspirer des masques hopis et que l’on retrouve dans ses statuettes africaines. Hugo Pratt entrelace les continents par l’inspiration et l’imagination.

MARIE

Et aujourd’hui, ce sont ses dessins qui nous inspirent pour cette exposition ! Différents écrits affirment que Pratt allait puiser dans les 17 000 ouvrages de sa bibliothèque. Lui-même disait qu’il n’avait pas le temps de tout lire, mais il savait exactement où chercher la bonne information. Il possédait la collection intégrale du National Geographic et bon nombre d’atlas en tous genres. Lorsqu’il voyageait finalement, c’était souvent a posteriori de ses créations pour vérifier des données ou se recueillir sur les lieux qu’il avait imaginés...

6. Hugo Pratt, Corto Maltese – Les Helvétiques, 1987. Vignette représentant des squelettes en pied.

Oui, c’est un regard d’historien qui partage toujours, d’une certaine manière, les moments des vaincus ou des minorités : les Irlandais, les prostituées, les juifs… Systématiquement, il est en opposition avec les impérialistes. Je pense que c’est en lien avec son histoire personnelle d’Italien. Même sans être fasciste, il a connu la défaite et ses conséquences. Ensuite, il projette dans ses récits de la Première Guerre mondiale ce qu’il a pu connaître lors de la Seconde, il réinvente cette fin. Fondamentalement, il est un héros de la nostalgie. Et, de ce point de vue, la guerre russo-japonaise présage l’effondrement, du moins une transformation du monde. L’Occident ou l’Europe perd sa place de puissance mondiale. Les Japonais ont gagné contre les Russes. C’est un moment charnière.

M-P I

T

M

Je trouve que c’est un juste retour des choses ! Au départ, Hugo Pratt s’est inspiré de catalogues de musées pour nourrir son œuvre...

Oui, cette lecture me semble fondamentale dans l’œuvre d’Hugo Pratt. Il reconnaît aux populations locales le droit de s’opposer au système colonial qui leur est imposé, ce qui ne va pas de soi à l’époque. Les personnages comme Cush sont montrés comme des individus libres, avec leurs qualités et leurs défauts. Ils possèdent leurs propres aspirations, poursuivent leurs propres rêves. Chez Pratt, il n’y a pas d’opposition simpliste entre les colonisateurs blancs et les populations noires. Tout est très nuancé.

W

W

AU DÉBUT DU XXe SIÈCLE ON CONNAÎT MAL L’HISTOIRE DU PEUPLEMENT HUMAIN.

W

5. « Squelettes musiciens », in Miroir salutaire. La danse macabre historiée. Les trois morts et les trois vifs, Paris, Guy Marchant, 1486. Paris, BnF.

B

Il y a peu de références au monde amérindien mais il est évident qu’Hugo Pratt connaît le sujet. Et, comme vous le soulignez, il démontre une accumulation de connaissances et, à d’autres moments il s’inspire directement - lorsqu’il représente le site d’images. Dans Mu, de Tikal au Guatemala et les temples émergeant de la forêt, il s’inspire d’une photographie connue du lieu.

Au début, on avait peur d’être un peu pauvre en objets. 750 m2 d’espace d’exposition, ce n’est pas une petite surface ! Et finalement, en parallèle de nos recherches, c’est tout l’inverse qui s’est profilé ! Il a fallu faire des choix.

Par rapport à ces jeux de réalité, de faux-semblants qu’il instaure, il est intéressant de mettre l’œuvre d’Hugo Pratt en parallèle avec la réalité matérielle et financière qui est la sienne. Lorsque sa vie est construite et qu’il vit confortablement, il est totalement libre, il est presque dans un état de jubilation. Qu’est-ce qu’il peut inventer de plus délirant ? Il me semble important de souligner la liberté de création qui s’offre à lui. Quand il crée - à la fin de sa vie, Les Helvétiques ou Mu, il n’a aucune contrainte.

ECL Pratt INT BAT Pages 5 et 17-18.indd 5

- c’est la reprise d’une légende Mu, du XXe siècle écrite par James Churchward. Elle est moins connue que l’Atlantide mais elle fascine tout autant.

l’appellation d’une société médecine chez les Indiens de l’est des États-Unis, ceux que l’on a appelés les Mohawks, les Iroquois. Dans cet épisode, Hugo Pratt dessine plusieurs masques dont un masque hopis et un faux-visage iroquois. On constate donc encore une fois l’éclatement et le rassemblement de ses connaissances. Déjà, dans Sergent Kirk – qui est l’une de ses premières œuvres importantes marquant le début d’une collaboration avec le scénariste Hector Oesterheld –, il manifeste ce goût de réunir, de sortir de la réalité alors que cette œuvre se veut plus réaliste que d’autres.

Absolument.

P

La mythologie est présente dès La Ballade de la mer salée, puisque Corto Maltese mène cette lutte contre les trois monstres de la mer : la pieuvre, le requin et le bénitier. C’est totalement imaginaire, on est dans un mythe. À ce moment précis, Hugo Pratt a construit le héros, même si lui-même ne le sait pas encore. L’affrontement avec les trois monstres marins transforme Corto Maltese en une sorte de héros de la mer. C’est le moment crucial ! Alors peut-être qu’Hugo Pratt a oublié et décide ultérieurement que Corto Maltese est le héros de l’aventure mais c’est à cet instant que son personnage est devenu le héros. Un antihéros à sa manière.

Oui, l’apogée des empires. Plus jamais l’Occident ne dominera le monde comme il l’a fait jusqu’en 1905, c’est un moment de rupture, marqué par la défaite de la Russie face au Japon. Pourquoi choisir de faire surgir le jeune Corto Maltese en 1905, lors de la guerre russo-japonaise ? Hugo Pratt aurait très bien pu enraciner son héros dans sa propre époque. Or, il décide d’en faire le témoin d’une époque particulière. Corto Maltese n’est d’ailleurs jamais directement impliqué dans les aventures, il reste en retrait. J’ai le sentiment qu’Hugo Pratt porte un peu un regard d’historien sur cette première moitié du XXe siècle.

C

M-P I

Et encore, je me souviens vous avoir remis une liste d’objets et vous en avez supprimé beaucoup en disant : non, c’est trop !

De la même manière, dans Les Éthiopiques, Corto rencontre, dans le désert du Danakil, un homme qui semble avoir perdu la raison et qui lui dit : « Je m’appelle Stanley, vous êtes le Docteur Livingstone, je suppose ? » Hugo Pratt fait ici référence aux retrouvailles de l’explorateur britannique Henry Morton Stanley et du docteur Livingstone, parti à la recherche des sources du Nil en 1866 et porté disparu depuis. Stanley était missionné par le New York Herald pour retrouver Livingstone, ce qu’il fera en 1871 à Ujiji en Tanzanie, sur les bords du lac Tanganyika. Cette rencontre est suivie d’une conversation toute britannique : « Docteur Livingstone, I presume ? – Yes. I feel thankful that I am here to welcome you. » [Docteur Livingstone, je suppose ? – Oui, je suis heureux d’être ici pour vous accueillir.] Cet échange était une pure fabrication mais l’anecdote est restée.

P

11. Edward Sheriff Curtis, Red Wing, Apsaroke, avant 1915. Photographie. La Rochelle, musées d’Art et d’Histoire.

T

Oui, il y a une fusion entre Michel-Ange, l’artiste de la Renaissance et George Catlin, le grand peintre des Indiens du xixe siècle !

9. Hugo Pratt, Corto Maltese – Au nom d’Allah le miséricordieux, in Les Éthiopiques, 1972. Vignette représentant Cush.

Y

MARIET

W

10. Hugo Pratt, Sgt. Kirk – Une place étrange (Sgt. Kirk, cinquième époque), 1958. Vignette représentant un chef indien.

T

5. Codex Zouche-Nutall ou Codex Tonendeye : document pictographique mixtèque préhispanique probablement peint au xive siècle.

On ne pouvait pas se permettre d’aller chercher les objets réels qui ont inspiré Hugo Pratt à Budapest, New York ou dans d’autres collections muséales à travers le monde. Cependant, ce n’était pas si important puisqu’on s’est rendu compte que la richesse de son œuvre, s’exporte au musée des Confluences. Les collections recèlent suffisamment d’objets pour illustrer ce principe d’aller-retour entre les dessins et les objets.

Dans les aventures de Corto Maltese, il y a des albums à caractère vraiment historique et ceux du rêve comme Les Helvétiques, Les Celtiques. Dans ceux-ci, le personnage entre dans le monde de la mythologie, bien qu’il y ait des références à l’histoire, à des événements historiques.

C’est aussi parce que cette période marque l’apogée de l’Empire britannique.

W

T

Y

Oui effectivement ! Il arrive à intégrer graphiquement des choses telles quelles dans ses planches. On a par exemple relevé le motif de la danse macabre dans Les Helvétiques. Ces dessins, dont nous avons cherché la source, sont des gravures réalisées à partir des fresques du cimetière des SaintsInnocents à Paris. Ces gravures ont circulé dès le xve siècle et on en retrouve un exemple dans un livre de 1485, conservé à la bibliothèque de Grenoble. Mais la page qui correspond à la gravure reproduite dans l’album, la source d’Hugo Pratt, a été arrachée. Comme si une part de mystère devait être conservée !

À ce propos, dans un épisode du Sergent Kirk, une journaliste du Chicago Post est à la recherche de George Catlin pour l’interviewer mais le personnage n’est pas nommé George Catlin, comme le peintre, il s’appelle Michel-Angel Catlin !

T

C

PAULE IMBERTI

8. Wilfred Patrick Thesiger, Portrait d’un soldat patriote abyssin avec un fusil, 1941. Photographie. Oxford, Pitt Rivers Museum.

W

T

T

Oui, des private jokes.

L’univers d’Hugo Pratt démontre une fascination pour le monde de l’Angleterre victorienne. Une des clefs de son imaginaire, c’est le romantisme victorien. Il y est plongé par ses lectures, par la découverte qu’il fait des Anglais en Éthiopie6. Les Anglais sont partout, ils sont dans Fort Wheeling, en Irlande, ils sont dans le père de Corto, ils sont dans Jesuit Joe.

Oui, c’est vrai. Par contre, il y a une différence dans sa manière d’aborder les horizons océanien et américain. Quand il évoque - j’ai retrouvé l’Amérique, et notamment dans Mu, tout le mystère des civilisations précolombiennes, des civilisations amérindiennes. Cette part de rêve ! On doit avoir bien sûr un côté sérieux en abordant l’étude de ces civilisations mais, curieusement dans ce domaine dit de l’américanisme ou de l’archéologie américaine, tous les chercheurs conservent cet imaginaire. On sort du cadre strict de la science archéologique. Énormément de questions se posent encore aujourd’hui, auxquelles on ne peut pas répondre. Et, en rêvant, en imaginant des mondes, des hypothèses, des liens entre des civilisations, on apporte peut-être des éléments de réponse.

S

Y

Au musée, l’idée a été de partir du travail que vous aviez effectué, Thierry, et de l’étendre aux autres horizons d’Hugo Pratt : l’Océanie, l’Amérique et l’Afrique principalement. Nous pouvions faire le même travail que vous dans nos collections. Ainsi, à partir des objets dessinés dans les planches, on a tout simplement cherché à trouver des objets référents dans nos collections. Ils ne sont pas forcément identiques mais ce sont des typologies d’objets qui ont influencé le dessin de Pratt au moment où il réalisait ses différents albums.

C

Y

Effectivement, dans sa représentation du monde amérindien par exemple, il reproduit précisément des éléments. - on observe des glyphes qui sont Dans Mu, la retranscription exacte de glyphes mayas que l’on distingue dans les codex ou sur les panneaux sculptés illustrant les grands événements des cités-États mayas. Dans l’exposition, vous rapprochez ce travail du Codex Zouche-Nutall 5 dont vous conservez une copie ancienne au musée [cf. ill. 30, 31] et qui est probablement l’une des sources iconographiques utilisées par Hugo Pratt. Le site de Palenque est également présent, notamment par ses bas-reliefs. La force de son récit vient aussi de là, de cette réalité distillée au fil d’un récit imaginaire.

P

HUGO PRATT MET AUSSI EN PLACE UNE LOGIQUE DU CLIN D’ŒIL. P

Ces réflexions posent la question du temps dans lequel Hugo Pratt ancre son récit, ses personnages. Quand et pourquoi ?

Il me semble que l’on retrouve sur les planches d’Hugo Pratt, d’une certaine manière, les réserves d’un musée, mais un musée imaginaire qu’il aurait composé lui-même à partir d’éléments qu’il serait allé piocher dans différents textes de musées voire, pourquoi pas, dans des expositions.

M-P I

Black 2018-02-20 Cyan Magenta Yellow 2018-02-20 2018-02-20 2018-02-20 DRUK:Skleniarz$ DRUK:Skleniarz$ DRUK:Skleniarz$ DRUK:Skleniarz$

M-P I

W

T

Il s’inspire du réel, joue avec la réalité, il compose, comme vous le disiez. Il laisse libre cours à son imagination mais, en même temps, il aime représenter certains éléments qui le rapprochent d’une forme de restitution de la réalité. Et lorsque cette réalité implique de dessiner de véritables avions ou trains, il lui arrive de faire appel à des collaborateurs qui savent être d’une extrême précision comme Guido Fuga pour l’épisode de Corto Maltese en Sibérie.

C

Outre la composition du récit sur le mode de la fantasia, Hugo Pratt met aussi en place une logique du clin d’œil. C’est très personnel, il glisse dans ses récits des mots qui ne sont éventuellement compréhensibles que par une seule personne.

$[ImpPlanName] Press Sheet 1 Front

Y

L’œuvre s’inscrit au cœur des guerres coloniales qui bouleversent l’Afrique, à l’aube de changements importants pour les populations locales. On peut faire un lien entre ce décor belligérant et l’expérience personnelle d’Hugo Pratt confronté à un très jeune âge à la Seconde Guerre mondiale en Éthiopie et qui mène de fait « une vie assez folle », selon ses propres dires.

W

S

Un mot revenait souvent chez Hugo Pratt : le droit à la fantaisie, à la fantasia qui donne toute liberté à l’imagination même en l’ancrant dans la réalité. Hugo Pratt est un autodidacte et tout ce qui parfois apparaît curieux, bizarre, fantaisiste, tout ce qui a marqué sa mémoire visuelle, va nourrir le fond de ses images. Il va les utiliser de-ci de-là et puis tout d’un coup dans une histoire qui peut apparaître très réelle, il fait surgir une fantaisie absolue. C’est un mode de récit, un jeu de précision microscopique et de fantaisie délirante. L’imaginaire d’un auteur est difficile à interroger, il a ses livres, ses images. La bibliothèque d’Hugo Pratt était d’un grand éclectisme et il savait y retrouver l’information pouvant alimenter tel ou tel rebondissement de récit.

ulotki

Y

279_18_Anabasis

Checkerboard Patterns

0%

5%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

95%

100%

Parallel Lines

CMY

CMY

CMY

B

C

M

Y

32

X

Z C

M

Y

Z


279_18_Anabasis

ulotki

$[ImpPlanName] Press Sheet 3 Front

Black 2018-02-20 Cyan Magenta Yellow 2018-02-20 2018-02-20 2018-02-20 DRUK:Skleniarz$ DRUK:Skleniarz$ DRUK:Skleniarz$ DRUK:Skleniarz$

AFRIQUE 35. Hugo Pratt, Young Zulu, Cato Zoulou, 1990. Aquarelle et encre de Chine. Dessin représentant un bouclier et une massue. 36. Bouclier, Afrique du Sud, groupe Nguni, population zouloue, début du xxe siècle. Peau de vache, bois. Lyon, musée des Confluences. 37. Massue, Afrique du Sud, groupe Nguni, population zouloue, fin du xixe-début du xxe siècle. Bois. Lyon, musée des Confluences.

33. Hugo Pratt, Ann de la jungle – La Cité perdue d’Amon-Râ, 1959. Encre de Chine et crayon de couleur, collage. Vignettes représentant des coiffes. 34. Coiffe, Éthiopie, vallée de l’Omo, population Mursi, xxe siècle. Cuir, métal, os, dent de phacochère. Lyon, musée des Confluences. Donation Antoine de Galbert.

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 21

C

M

Y

X

Z

Z

B

B

C

M

Y

X

Z

0

B 20

B 40

B 80

B

C

M

Y

X

Z

CMY

CMY

CMY

CMY

B

C

M

Y

X

Z

C 20

C 40

C 80

B

C

M

Y

X

Z

C

M

B

C

M

Y

X

Z

0

B

C

M

Y

X

Z

B

C

M

Y

X

Z

CMY

M 20

M 40

M 80

B

C

M

Y

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 22

X

Z

Y

X

B

C

M

Y

X

Z

0

16/02/2018 11:51

Y 20

Y 40

Y 80

B

C

M

Y

X

Z

CMY

CMY

CMY

CMY

B

C

M

Y

X

Z

CMY

X 20

X 40

X 80

B

C

M

Y

X

Z

CM

CY

MY

CMY

B

C

M

Y

X

Z

0

Z 20

Z 40

Z 80

B

C

M

Y

X

Z

CMY

CMY

CMY

CMY

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 23

Prinect Micro−6i Format 102/105 Dipco 16.0d (pdf2540dpi) © 2013 Heidelberger Druckmaschinen AG

CM

CY

MY

CMY

B

16/02/2018 11:51

C

M

Y

X

Z

0

B 20

B 40

B 80

B

C

M

Y

X

Z

CMY

CMY

CMY

CMY

B

C

M

Y

X

Z

CMY

C 20

C 40

C 80

B

C

M

Y

X

Z

Z

B

B

C

M

Y

X

Z

0

B

C

M

Y

X

Z

B

C

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 24

M

Y

X

Z

CMY

M 20

M 40

M 80

B

C

M

Y

X

16/02/2018 11:51

Z

C

M

B

C

M

Y

X

Z

0

Y 20

Y 40

Y 80

B

C

M

Y

X

Z

CMY

CMY

CMY

CMY

B

C

M

Y

X

Z

X 20

C

M

C

M

C

M C

M

C

M

Y

X

Y

Z

Y

X Y

Z

Y

X

2

−−−−−−−−−−−−−−− 3 −−−−−−−−−−−−−−−

4

−−−−−−−−−−−−−−− 5 −−−−−−−−−−−−−−−

6

−−−−−−−−−−−−−−− 7 −−−−−−−−−−−−−−−

8

−−−−−−−−−−−−−−− 9 −−−−−−−−−−−−−−−

10

−−−−−−−−−−−−−−− 11 −−−−−−−−−−−−−−−

12

−−−−−−−−−−−−−−− 13 −−−−−−−−−−−−−−−

14

−−−−−−−−−−−−−−− 15 −−−−−−−−−−−−−−−

16

−−−−−−−−−−−−−−− 17 −−−−−−−−−−−−−−−

18

−−−−−−−−−−−−−−− 19 −−−−−−−−−−−−−−−

20

−−−−−−−−−−−−−−− 21 −−−−−−−−−−−−−−−

22

−−−−−−−−−−−−−−− 23 −−−−−−−−−−−−−−−

24

−−−−−−−−−−−−−−− 25 −−−−−−−−−−−−−−−

26

−−−−−−−−−−−−−−− 27 −−−−−−−−−−−−−−−

28

X 80

B

C

M

Y

X

Z

Y

X

B

C

M

−−−−−−−−−−−−−−− 29 −−−−−−−−−−−−−−−

Y

X

Z

0

Z 20

Z 40

Z 80

B

30

28. Reproduction d’une tête colossale, Mexique, culture olmèque, 900-400 av. J.-C. Réplique en résine. Bruxelles, musées royaux d’Art et d’Histoire.

C

M

Y

X

Z

CMY

−−−−−−−−−−−−−−− 31 −−−−−−−−−−−−−−−

32. Hugo Pratt, Corto - la cité perdue, Maltese – Mu, 1988. Vignette représentant des glyphes mayas.

29. Hugo Pratt, - la cité Corto Maltese – Mu, perdue, 1988. Encre de Chine et feutre. Vignettes représentant une tête colossale. 30, 31. Copie du Codex Nutall mixtèque (entier et détail), Mexique, xixe siècle. Cartonnage, encres. Lyon, musée des Confluences.

ECL Pratt INT BAT Pages 5 et 17-18.indd 17

19/02/2018 07:35

ECL Pratt INT BAT Pages 5 et 17-18.indd 18

19/02/2018 07:35

Times 4P Resolution: 2540 dpi Screen: 175 lpi Pixel Size: 10.0 µm © 2006 Kodak

98%

2%

1x1

2x2

3x3

< Requested Screening Calibrated and screened per job settings < Reference Screening 180 lpi, uncalibrated

Kodak Plate Control Strip v4.0.1 Interpreter: Kodak Prinergy Normalizer

99%

1%

Checkerboard Patterns

0%

5%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

95%

100%

Parallel Lines

Times 2P

Plate Control Strip

1 Pix 2 Pix 1 Pix 2 Pix

4x4

2540-175I-H 633-00651A

−−−−−−−−−−−−−−− 1 −−−−−−−−−−−−−−−

X 40

Times 1P Times 0.5 P

© Heidelberger Druckmaschinen AG 2013 V16.0d (pdf)

Suprasetter Heidelberg Saphira Thermal Plate PN 101

1/17

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 19

16/02/2018 11:51

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 20

16/02/2018 11:51

Lin+ Process

0.5P Times

1P Times

2P Times

Resolution: 2540 dpi Screen: 175 lpi Pixel Size: 10.0 µm © 2006 Kodak

4P Times

0/100%

1%

2%

3%

5%

10%

20%

25%

30%

40%

50%

60%

70%

75%

80%

90%

95%

97%

98%

99%

98%

2%

99%

1%

1x1

2x2

3x3

1 Pix 2 Pix 1 Pix 2 Pix

4x4

< Requested Screening Calibrated and screened per job settings < Reference Screening 180 lpi, uncalibrated

Kodak Plate Control Strip v4.0.1 Interpreter: Kodak Prinergy Normalizer

2540-175I-H 633-00651A

B

16/02/2018 11:51

Checkerboard Patterns

0%

5%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

95%

100%

Parallel Lines

CMY

CMY

CMY

B

C

M

Y

32

X

Z C

M

Y

Z


279_18_Anabasis

ulotki

$[ImpPlanName] Press Sheet 3 Front

Black 2018-02-20 Cyan Magenta Yellow 2018-02-20 2018-02-20 2018-02-20 DRUK:Skleniarz$ DRUK:Skleniarz$ DRUK:Skleniarz$ DRUK:Skleniarz$

AFRIQUE 35. Hugo Pratt, Young Zulu, Cato Zoulou, 1990. Aquarelle et encre de Chine. Dessin représentant un bouclier et une massue. 36. Bouclier, Afrique du Sud, groupe Nguni, population zouloue, début du xxe siècle. Peau de vache, bois. Lyon, musée des Confluences. 37. Massue, Afrique du Sud, groupe Nguni, population zouloue, fin du xixe-début du xxe siècle. Bois. Lyon, musée des Confluences.

33. Hugo Pratt, Ann de la jungle – La Cité perdue d’Amon-Râ, 1959. Encre de Chine et crayon de couleur, collage. Vignettes représentant des coiffes. 34. Coiffe, Éthiopie, vallée de l’Omo, population Mursi, xxe siècle. Cuir, métal, os, dent de phacochère. Lyon, musée des Confluences. Donation Antoine de Galbert.

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 21

C

M

Y

X

Z

Z

B

B

C

M

Y

X

Z

0

B 20

B 40

B 80

B

C

M

Y

X

Z

CMY

CMY

CMY

CMY

B

C

M

Y

X

Z

C 20

C 40

C 80

B

C

M

Y

X

Z

C

M

B

C

M

Y

X

Z

0

B

C

M

Y

X

Z

B

C

M

Y

X

Z

CMY

M 20

M 40

M 80

B

C

M

Y

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 22

X

Z

Y

X

B

C

M

Y

X

Z

0

16/02/2018 11:51

Y 20

Y 40

Y 80

B

C

M

Y

X

Z

CMY

CMY

CMY

CMY

B

C

M

Y

X

Z

CMY

X 20

X 40

X 80

B

C

M

Y

X

Z

CM

CY

MY

CMY

B

C

M

Y

X

Z

0

Z 20

Z 40

Z 80

B

C

M

Y

X

Z

CMY

CMY

CMY

CMY

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 23

Prinect Micro−6i Format 102/105 Dipco 16.0d (pdf2540dpi) © 2013 Heidelberger Druckmaschinen AG

CM

CY

MY

CMY

B

16/02/2018 11:51

C

M

Y

X

Z

0

B 20

B 40

B 80

B

C

M

Y

X

Z

CMY

CMY

CMY

CMY

B

C

M

Y

X

Z

CMY

C 20

C 40

C 80

B

C

M

Y

X

Z

Z

B

B

C

M

Y

X

Z

0

B

C

M

Y

X

Z

B

C

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 24

M

Y

X

Z

CMY

M 20

M 40

M 80

B

C

M

Y

X

16/02/2018 11:51

Z

C

M

B

C

M

Y

X

Z

0

Y 20

Y 40

Y 80

B

C

M

Y

X

Z

CMY

CMY

CMY

CMY

B

C

M

Y

X

Z

X 20

C

M

C

M

C

M C

M

C

M

Y

X

Y

Z

Y

X Y

Z

Y

X

2

−−−−−−−−−−−−−−− 3 −−−−−−−−−−−−−−−

4

−−−−−−−−−−−−−−− 5 −−−−−−−−−−−−−−−

6

−−−−−−−−−−−−−−− 7 −−−−−−−−−−−−−−−

8

−−−−−−−−−−−−−−− 9 −−−−−−−−−−−−−−−

10

−−−−−−−−−−−−−−− 11 −−−−−−−−−−−−−−−

12

−−−−−−−−−−−−−−− 13 −−−−−−−−−−−−−−−

14

−−−−−−−−−−−−−−− 15 −−−−−−−−−−−−−−−

16

−−−−−−−−−−−−−−− 17 −−−−−−−−−−−−−−−

18

−−−−−−−−−−−−−−− 19 −−−−−−−−−−−−−−−

20

−−−−−−−−−−−−−−− 21 −−−−−−−−−−−−−−−

22

−−−−−−−−−−−−−−− 23 −−−−−−−−−−−−−−−

24

−−−−−−−−−−−−−−− 25 −−−−−−−−−−−−−−−

26

−−−−−−−−−−−−−−− 27 −−−−−−−−−−−−−−−

28

X 80

B

C

M

Y

X

Z

Y

X

B

C

M

−−−−−−−−−−−−−−− 29 −−−−−−−−−−−−−−−

Y

X

Z

0

Z 20

Z 40

Z 80

B

30

28. Reproduction d’une tête colossale, Mexique, culture olmèque, 900-400 av. J.-C. Réplique en résine. Bruxelles, musées royaux d’Art et d’Histoire.

C

M

Y

X

Z

CMY

−−−−−−−−−−−−−−− 31 −−−−−−−−−−−−−−−

32. Hugo Pratt, Corto - la cité perdue, Maltese – Mu, 1988. Vignette représentant des glyphes mayas.

29. Hugo Pratt, - la cité Corto Maltese – Mu, perdue, 1988. Encre de Chine et feutre. Vignettes représentant une tête colossale. 30, 31. Copie du Codex Nutall mixtèque (entier et détail), Mexique, xixe siècle. Cartonnage, encres. Lyon, musée des Confluences.

ECL Pratt INT BAT Pages 5 et 17-18.indd 17

19/02/2018 07:35

ECL Pratt INT BAT Pages 5 et 17-18.indd 18

19/02/2018 07:35

Times 4P Resolution: 2540 dpi Screen: 175 lpi Pixel Size: 10.0 µm © 2006 Kodak

98%

2%

1x1

2x2

3x3

< Requested Screening Calibrated and screened per job settings < Reference Screening 180 lpi, uncalibrated

Kodak Plate Control Strip v4.0.1 Interpreter: Kodak Prinergy Normalizer

99%

1%

Checkerboard Patterns

0%

5%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

95%

100%

Parallel Lines

Times 2P

Plate Control Strip

1 Pix 2 Pix 1 Pix 2 Pix

4x4

2540-175I-H 633-00651A

−−−−−−−−−−−−−−− 1 −−−−−−−−−−−−−−−

X 40

Times 1P Times 0.5 P

© Heidelberger Druckmaschinen AG 2013 V16.0d (pdf)

Suprasetter Heidelberg Saphira Thermal Plate PN 101

1/17

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 19

16/02/2018 11:51

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 20

16/02/2018 11:51

Lin+ Process

0.5P Times

1P Times

2P Times

Resolution: 2540 dpi Screen: 175 lpi Pixel Size: 10.0 µm © 2006 Kodak

4P Times

0/100%

1%

2%

3%

5%

10%

20%

25%

30%

40%

50%

60%

70%

75%

80%

90%

95%

97%

98%

99%

98%

2%

99%

1%

1x1

2x2

3x3

1 Pix 2 Pix 1 Pix 2 Pix

4x4

< Requested Screening Calibrated and screened per job settings < Reference Screening 180 lpi, uncalibrated

Kodak Plate Control Strip v4.0.1 Interpreter: Kodak Prinergy Normalizer

2540-175I-H 633-00651A

B

16/02/2018 11:51

Checkerboard Patterns

0%

5%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

95%

100%

Parallel Lines

CMY

CMY

CMY

B

C

M

Y

32

X

Z C

M

Y

Z


ulotki

$[ImpPlanName] Press Sheet 2 Back

Black 2018-02-20 Cyan Magenta Yellow 2018-02-20 2018-02-20 2018-02-20 DRUK:Skleniarz$ DRUK:Skleniarz$ DRUK:Skleniarz$ DRUK:Skleniarz$

PORTFOLIO

279_18_Anabasis

51. Hugo Pratt, Cato Zulù, couverture italienne, 1987. Photocopie peinte à la gouache. 52. Hugo Pratt, Corto Maltese – Le Secret de Tristan Bantam, in Sous le signe du Capricorne, 1970. 53. Hugo Pratt, portfolio « …Et in Helvetia Corto », Canton d’Uri, 1991. Aquarelle.

48. Hugo Pratt, Malemute Eskimo, L’Homme du Grand Nord (Jesuit Joe), 1984. Copie aquarellée. Dessin représentant un modèle de toboggan. 49, 50. Modèle réduit de toboggan avec chiens (entier et détail), Amérique du Nord, région subarctique de l’Ouest, fin du xixe siècle. Bois, peau, tendon, soie, feutre, grelots en laiton, perles de verre, plastique. Lyon, musée des Confluences. Dépôt des Œuvres pontificales missionnaires.

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 33

C

M

Y

X

Z

Z

B

B

C

M

Y

X

Z

0

B 20

B 40

B 80

B

C

M

Y

X

Z

CMY

CMY

CMY

CMY

B

C

M

Y

X

Z

C 20

C 40

C 80

B

C

M

Y

X

Z

C

M

B

C

M

Y

X

Z

0

B

C

M

Y

X

Z

B

C

M

Y

X

Z

CMY

M 20

M 40

M 80

B

C

M

Y

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 34

X

Z

Y

X

B

C

M

Y

X

Z

0

16/02/2018 11:52

Y 20

Y 40

Y 80

B

C

M

Y

X

Z

CMY

CMY

CMY

CMY

B

C

M

Y

X

Z

CMY

X 20

X 40

X 80

B

C

M

Y

X

Z

CM

CY

MY

CMY

B

C

M

Y

X

Z

0

Z 20

Z 40

Z 80

B

C

M

Y

X

Z

CMY

CMY

CMY

CMY

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 35

Prinect Micro−6i Format 102/105 Dipco 16.0d (pdf2540dpi) © 2013 Heidelberger Druckmaschinen AG

CM

CY

MY

CMY

B

16/02/2018 11:52

C

M

Y

X

Z

0

B 20

B 40

B 80

B

C

M

Y

X

Z

CMY

CMY

CMY

CMY

B

C

M

Y

X

Z

CMY

C 20

C 40

C 80

B

C

M

Y

X

Z

Z

B

B

C

M

Y

X

Z

0

B

C

M

Y

X

Z

B

C

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 36

M

Y

X

Z

CMY

M 20

M 40

M 80

B

C

M

Y

X

16/02/2018 11:52

Z

C

M

B

C

M

Y

X

Z

0

Y 20

Y 40

Y 80

B

C

M

Y

X

Z

CMY

CMY

CMY

CMY

B

C

M

Y

X

Z

X 20

C

M

C

M

C

M C

M

C

M

Y

X

Y

Z

Y

X Y

Z

Y

X

2

−−−−−−−−−−−−−−− 3 −−−−−−−−−−−−−−−

4

−−−−−−−−−−−−−−− 5 −−−−−−−−−−−−−−−

6

−−−−−−−−−−−−−−− 7 −−−−−−−−−−−−−−−

8

−−−−−−−−−−−−−−− 9 −−−−−−−−−−−−−−−

10

−−−−−−−−−−−−−−− 11 −−−−−−−−−−−−−−−

12

−−−−−−−−−−−−−−− 13 −−−−−−−−−−−−−−−

14

−−−−−−−−−−−−−−− 15 −−−−−−−−−−−−−−−

54. Hugo Pratt, Indiens, illustration pour la publicité des cuisines Dixie, 1969. Aquarelle.

16

−−−−−−−−−−−−−−− 17 −−−−−−−−−−−−−−−

18

−−−−−−−−−−−−−−− 19 −−−−−−−−−−−−−−−

20

−−−−−−−−−−−−−−− 21 −−−−−−−−−−−−−−−

22

−−−−−−−−−−−−−−− 23 −−−−−−−−−−−−−−−

24

−−−−−−−−−−−−−−− 25 −−−−−−−−−−−−−−−

26

−−−−−−−−−−−−−−− 27 −−−−−−−−−−−−−−−

28

X 80

B

C

M

Y

X

Z

Y

X

B

C

M

−−−−−−−−−−−−−−− 29 −−−−−−−−−−−−−−−

Y

X

Z

0

Z 20

Z 40

Z 80

B

30

C

M

Y

X

Z

CMY

−−−−−−−−−−−−−−− 31 −−−−−−−−−−−−−−−

55. Hugo Pratt, Corto Maltese – La Lagune des beaux songes, in Toujours un peu plus loin, 1971. Encre de Chine. 56. Hugo Pratt, Corto Maltese – Au nom d’Allah le miséricordieux, in Les Éthiopiques, 1972. Encre de Chine. 57. Hugo Pratt, Corto Maltese à Rapa Nui en 1912 – J’avais un rendezvous, 1994. Aquarelle.

58. Hugo Pratt, L’Homme du Sertão (La Macumba du gringo), 1977. Encre de Chine. 59. Hugo Pratt, - la cité Corto Maltese – Mu, perdue. 1988. Encre de Chine et feutre.

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 37

16/02/2018 11:52

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 38

16/02/2018 11:52

Times 4P Resolution: 2540 dpi Screen: 175 lpi Pixel Size: 10.0 µm © 2006 Kodak

98%

2%

1x1

2x2

3x3

< Requested Screening Calibrated and screened per job settings < Reference Screening 180 lpi, uncalibrated

Kodak Plate Control Strip v4.0.1 Interpreter: Kodak Prinergy Normalizer

99%

1%

Checkerboard Patterns

0%

5%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

95%

100%

Parallel Lines

Times 2P

Plate Control Strip

1 Pix 2 Pix 1 Pix 2 Pix

4x4

2540-175I-H 633-00651A

−−−−−−−−−−−−−−− 1 −−−−−−−−−−−−−−−

X 40

Times 1P Times 0.5 P

© Heidelberger Druckmaschinen AG 2013 V16.0d (pdf)

Suprasetter Heidelberg Saphira Thermal Plate PN 101

1/17

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 39

16/02/2018 11:52

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 40

16/02/2018 11:53

Lin+ Process

0.5P Times

1P Times

2P Times

Resolution: 2540 dpi Screen: 175 lpi Pixel Size: 10.0 µm © 2006 Kodak

4P Times

0/100%

1%

2%

3%

5%

10%

20%

25%

30%

40%

50%

60%

70%

75%

80%

90%

95%

97%

98%

99%

98%

2%

99%

1%

1x1

2x2

3x3

1 Pix 2 Pix 1 Pix 2 Pix

4x4

< Requested Screening Calibrated and screened per job settings < Reference Screening 180 lpi, uncalibrated

Kodak Plate Control Strip v4.0.1 Interpreter: Kodak Prinergy Normalizer

2540-175I-H 633-00651A

B

16/02/2018 11:52

Checkerboard Patterns

0%

5%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

95%

100%

Parallel Lines

CMY

CMY

CMY

B

C

M

Y

32

X

Z C

M

Y

Z


279_18_Anabasis

ulotki

$[ImpPlanName] Press Sheet 1 Back

60. Hugo Pratt, J’avais un rendez-vous, 1994. Aquarelle et mine de plomb.

Black 2018-02-20 Cyan Magenta Yellow 2018-02-20 2018-02-20 2018-02-20 DRUK:Skleniarz$ DRUK:Skleniarz$ DRUK:Skleniarz$ DRUK:Skleniarz$

64. Hugo Pratt, Ann de la jungle – Wambo est mort… Wambo revient, 1959. Encre de Chine.

61. Hugo Pratt, Corto Maltese – Fable de Venise, couverture, 1979. Encre de Chine et lavis.

65. Hugo Pratt, Corto Maltese – La Ballade de la mer salée, Tarao, 1967. Encre de Chine.

62. Hugo Pratt, Corto Maltese – Vaudou pour Monsieur le Président, in Toujours un peu plus loin, 1971.

66. Hugo Pratt, Corto Maltese, couverture de « Le Monde voyages », supplément du journal Le Monde, 1988. Aquarelle et encre de Chine. 67. Hugo Pratt, Capitaine Cormorant, 1962. 63. Hugo Pratt, Corto Maltese – Le Secret de Tristan Bantam, in Sous le signe du Capricorne, 1970. Encre de Chine.

B

C

M

Y

X

Z

Z

B

B

C

M

Y

X

Z

0

B 20

B 40

B 80

B

C

M

16/02/2018 11:53

Y

X

Z

CMY

CMY

CMY

CMY

B

C

M

Y

X

Z

C 20

C 40

C 80

B

C

M

Y

X

Z

C

M

B

C

M

Y

X

Z

0

B

C

M

Y

X

Z

B

C

M

Y

X

Z

CMY

M 20

M 40

M 80

B

C

M

Y

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 42

X

Z

Y

X

B

C

M

Y

X

Z

0

16/02/2018 11:53

Y 20

Y 40

Y 80

B

C

M

Y

X

Z

CMY

CMY

CMY

CMY

B

C

M

Y

X

Z

CMY

X 20

X 40

X 80

B

C

M

Y

X

Z

CM

CY

MY

CMY

B

C

M

Y

X

Z

0

Z 20

Z 40

Z 80

B

C

M

Y

X

Z

CMY

CMY

CMY

CMY

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 43

Prinect Micro−6i Format 102/105 Dipco 16.0d (pdf2540dpi) © 2013 Heidelberger Druckmaschinen AG

CM

CY

MY

CMY

B

16/02/2018 11:53

C

M

Y

X

Z

0

B 20

B 40

B 80

B

C

M

Y

X

Z

CMY

CMY

CMY

CMY

B

C

M

Y

X

Z

CMY

C 20

C 40

C 80

B

C

M

Y

X

Z

Z

B

B

C

M

Y

X

Z

0

B

C

M

Y

X

Z

B

C

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 44

M

Y

X

Z

CMY

M 20

M 40

M 80

B

C

M

Y

X

16/02/2018 11:53

Z

C

M

B

C

M

Y

X

Z

0

Y 20

Y 40

Y 80

B

C

M

Y

X

Z

CMY

CMY

CMY

CMY

B

C

M

Y

X

Z

X 20

C

M

C

M

C

M C

M

C

M

Y

X

Y

Z

Y

X Y

Z

Y

X

6

−−−−−−−−−−−−−−− 7 −−−−−−−−−−−−−−−

8

−−−−−−−−−−−−−−− 9 −−−−−−−−−−−−−−−

10

−−−−−−−−−−−−−−− 11 −−−−−−−−−−−−−−−

12

−−−−−−−−−−−−−−− 13 −−−−−−−−−−−−−−−

14

−−−−−−−−−−−−−−− 15 −−−−−−−−−−−−−−−

16

−−−−−−−−−−−−−−− 17 −−−−−−−−−−−−−−−

18

−−−−−−−−−−−−−−− 19 −−−−−−−−−−−−−−−

20

−−−−−−−−−−−−−−− 21 −−−−−−−−−−−−−−−

Cet album a été publié à l’occasion de l’exposition « Hugo Pratt, lignes d’horizons » présentée au musée des Confluences du 7 avril 2018 au 24 mars 2019. Cette exposition est réalisée en collaboration avec Cong, titulaire exclusif des droits d’exploitation de l’œuvre d’Hugo Pratt.

REMERCIEMENTS

Nous adressons nos sincères remerciements aux commissaires invités de l’exposition, Patrizia Zanotti, directrice générale de Cong, et Michel Pierre, historien et écrivain, pour leur soutien. Nous remercions chaleureusement pour leur aide précieuse Christian Sermet, responsable du service des expositions, Yoann Cormier, chef de projet, Marie-Paule Imberti et Marie Perrier, chargées des collections, Olivier Garcin, photographe du musée, ainsi que Maria-Grazia Lacidogna, coordinatrice pour Cong. Enfin, nous souhaitons remercier tout particulièrement Sergio Purini, conservateur honoraire des collections Amérique aux Musées royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles, et Thierry Wendling, anthropologue et chercheur au CNRS, pour leur généreuse participation à l’entretien publié dans cet ouvrage.

71. Hugo Pratt, Corto Maltese – … Et d’autres Roméos et d’autres Juliettes, in Les Éthiopiques, 1973. Encre de Chine.

16/02/2018 11:53

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 46

16/02/2018 11:53

Times 4P Resolution: 2540 dpi Screen: 175 lpi Pixel Size: 10.0 µm © 2006 Kodak

2x2

3x3

< Requested Screening Calibrated and screened per job settings < Reference Screening 180 lpi, uncalibrated

99%

1%

Checkerboard Patterns

0%

5%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

95%

100%

Parallel Lines

Times 2P

Plate Control Strip

1 Pix 2 Pix 1 Pix 2 Pix

4x4

Kodak Plate Control Strip v4.0.1 Interpreter: Kodak Prinergy Normalizer

−−−−−−−−−−−−−−− 25 −−−−−−−−−−−−−−−

26

−−−−−−−−−−−−−−− 27 −−−−−−−−−−−−−−−

28

M

Y

X

Z

Y

X

B

C

M

−−−−−−−−−−−−−−− 29 −−−−−−−−−−−−−−−

Y

Times 1P Times 0.5 P

© Heidelberger Druckmaschinen AG 2013 V16.0d (pdf)

Suprasetter Heidelberg Saphira Thermal Plate PN 101

1/17

ECL Pratt INT BAT Corr Pages 6-17-47.indd 47

1%

2%

3%

5%

10%

20%

25%

30%

40%

50%

60%

70%

75%

80%

90%

95%

97%

98%

99%

Z 20

Z 40

Z 80

B

30

C

M

Y

X

Z

CMY

−−−−−−−−−−−−−−− 31 −−−−−−−−−−−−−−−

COURTES ET LONGUES Jean Poderos, directeur Chloé Fougerouse, assistante éditoriale Graphisme : Dune Lunel Correction : ECL et Musée des Confluences Photogravure : Les Caméléons

Pour toutes les reproductions des œuvres d’Hugo Pratt © Cong SA, Suisse. Tous droits réservés. Corto Maltese & Hugo Pratt™. Photo Patrizia Zanotti 1992, © Cong SA, Suisse. Tous droits réservés.

© Bibliothèque nationale de France, Paris © Conseil des musées de NouvelleAquitaine – Musées d’Art et d’Histoire, La Rochelle © MRAH, Bruxelles © Musée des Confluences, Lyon / Patrick Ageneau © Musée des Confluences, Lyon / Olivier Garcin © Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris. Dist. RMNGP © Musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris. Dist. RMNGP / Patrick Gries / Valérie Torre © Pitt Rivers Museum, University of Oxford.

LIGNES ECL Pratt INT BAT CORR Page 48.indd 48

16/02/2018 18:40

Resolution: 2540 dpi Screen: 175 lpi Pixel Size: 10.0 µm © 2006 Kodak 0/100%

0

Hélène Lafont-Couturier, directrice du musée des Confluences Cédric Lesec, directeur de la diffusion et des relations extérieures Solveig Zingraff, chargée des éditions

Lin+ Process

0.5P Times

1P Times

4P Times

Z

CONFLUENCES

16/02/2018 18:31

2P Times

X

Album coédité par le musée des Confluences et les Éditions courtes et longues.

Cet ouvrage a été achevé d’imprimer en mars 2018 en Europe par Leporello.

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 45

1x1

24

Toute reproduction, même partielle, de cet ouvrage est interdite, sous peine de constituer une contrefaçon passible des peines prévues par les lois de protection des droits d’auteurs.

70. Hugo Pratt, Indiens, illustration pour la publicité des cuisines Dixie, 1969. Aquarelle.

2%

−−−−−−−−−−−−−−− 23 −−−−−−−−−−−−−−−

C

Couverture : plat 1 : masque, Papouasie-Nouvelle-Guinée, région du Sepik, XXe siècle. Bois, plumes, pigments, fibre végétale. Collection Claudine Gay et Gilles Sournies ; plat 4 : Hugo Pratt devant une statue moai, île de Pâques.

69. Hugo Pratt, Corto Maltese – Concerto en O’ mineur pour harpe et nitroglycérine, in Les Celtiques, 1972. Encre de Chine.

98%

22

B

D’HORIZONS

−−−−−−−−−−−−−−− 5 −−−−−−−−−−−−−−−

X 80

ÉDITIONS COURTES ET LONGUES

4

ÉDITIONS MUSÉE DES

−−−−−−−−−−−−−−− 3 −−−−−−−−−−−−−−−

CRÉDITS PHOTO GRAPHIQUES

2

2540-175I-H 633-00651A

−−−−−−−−−−−−−−− 1 −−−−−−−−−−−−−−−

X 40

98%

2%

99%

1%

1x1

2x2

3x3

1 Pix 2 Pix 1 Pix 2 Pix

4x4

< Requested Screening Calibrated and screened per job settings < Reference Screening 180 lpi, uncalibrated

Kodak Plate Control Strip v4.0.1 Interpreter: Kodak Prinergy Normalizer

2540-175I-H 633-00651A

ECL Pratt INT BAT FLASHAGE.indd 41

68. Hugo Pratt, Corto Maltese – Les Hommes-léopards du Rufiji, in Les Éthiopiques, 1973.

Checkerboard Patterns

0%

5%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

95%

100%

Parallel Lines

CMY

CMY

CMY

B

C

M

Y

32

X

Z C

M

Y

Z


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.