Musée des Confluences, une collection

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MUSÉE DES CONFLUENCES, UNE COLLECTION

MUSÉE DES CONFLUENCES, UNE COLLECTION Sous la direction d’Hélène Lafont-Couturier et Cédric Lesec Photographies de Pierre-Olivier Deschamps

ISBN : 978-2-330-07543-9

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ACTES SUD

Dép. lég. : mars 2017 36 e TTC France www.actes-sud.fr

ACTES SUD & MUSÉE DES CONFLUENCES

ACTES SUD & MUSÉE DES CONFLUENCES


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Ce livre a été réalisé sous la direction d’Hélène Lafont-Couturier, directrice du musée des Confluences, et de Cédric Lesec, responsable des éditions.

Auteurs Cédric Audibert, chargé des collections sciences de la vie (CA) David Besson, responsable du service des collections (DaB)

Didier Berthet, chargé des collections sciences de la Terre et égyptologie. Responsable inventaire (DiB) Claire Brizon, anciennement chargée des collections d’Océanie (CB) Yoann Cormier, chargé d’expositions (YC)

Cécilia Duclos, chargée d’expositions et des collections sciences et techniques (CD) Deirdre Emmons, chargée des collections d’Asie (DE) Aude Gros de Beler, égyptologue (AGB)

Marie-Paule Imberti, chargée des collections des Amériques et du Cercle polaire (MPI) Bruno Jacomy, ancien directeur scientifique du musée des Confluences (BJ) Harold Labrique, chargé des collections sciences de la vie (HL)

Marie Perrier, chargée des collections d’Afrique et d’Océanie (MP) Christian Sermet, responsable du service des expositions (CS) Marianne Rigaud-Roy, chargée d’expositions (MRR)

François Vigouroux, assistant de gestion des collections (FV)

Note de l’éditeur Il existe deux mentions différentes pour une seule et même collection conservée au musée des Confluences, ce n’est pas une erreur mais une marque de l’histoire et de la complexité de l’élaboration des collections du musée. L’Œuvre de la propagation de la foi, fondée à Lyon en 1822, appartient aux Œuvres pontificales missionnaires au même titre que trois autres œuvres missionnaires. En 1960, les Œuvres pontificales missionnaires décident de fermer le musée de l’Œuvre de la propagation de la foi. Les collections prennent alors le nom des Œuvres pontificales missionnaires et sont mises en dépôt au Muséum d’histoire naturelle de Lyon à partir de 1979. Elles sont aujourd’hui conservées au musée des Confluences.

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La publication de cet ouvrage a été rendue possible grâce au mécénat d’AG2R LA MONDIALE.

Nous remercions chaleureusement pour leur aide précieuse : Mathilde Allard, Christian Bange, Pierre Baptiste, Blandine Bartschi, Marie-Claire Bataille Benguigui, Frère Alain Begay, Roger Boulay, Michel Boulétreau, Pierre Boutin, Abraham H. Breure, Denis Buffenoir, Delphine Burguet, Jean-Christophe Charbonnier, Daria Cevoli, Jacques Chemla, Joël Clary, Jean-François Courant, Denis Coutagne, Laëtitia Coutagne, Frédéric Danet, Louis David (†), Bernard De Lemos, André Delpuech, Constance De Monbrison, Michaël Dierkens, Isabelle Dion, Sandrine Doré, Déborah Dubald, Nadine Girard, Monique Goffard, Bertrand Goy, Pierre Guichard, Serge Guiraud, Hélène Guiot, Stéphane Jacob, Emmanuel Kasarherou, Michael Kershaw, Frère André Lanfrey, Françoise Levrel-Berjot, Paul Matharan, Anthony Meyer, Denise et Michel Meynet, Sébastien Minchin, Arnaud Morvan, Jean-Francois Nigon, Jean-Luc Paul, Michel Philippe, Stéphanie Porcier, Thierry Porion, Suzanne Réal, Philippe Richoux, Émilie Salaberry, Père Carlo Maria Schianchi, Jérôme Sirdey, Mélanie Thiébaut, Alick Tipoti, Yves Tupinier, Lucette Valensi, Frédéric Vivien.

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partie 1.

HISTOIRE NATURELLE

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I. MINÉRAUX, ROCHES, GEMMES C’est au sein de cet ensemble patrimonial que l’on retrouve les plus anciens objets du musée : des pièces rassemblées par Mouton-Fontenille y sont en effet encore conservées. Bien sûr, si elles ont pu traverser les siècles, c’est en grande partie grâce à leur nature minérale bien plus pérenne que la matière organique. Après cet héritage des cabinets d’histoire naturelle, l’engouement pour les sciences et la recherche de matière première pour alimenter une industrie florissante expliquent que le fonds se soit notablement développé au cours du xixe siècle. Dans un premier temps, les minéraux sont essentiellement issus des exploitations minières de la région, puis l’ensemble s’enrichit au fil du temps grâce à l’acquisition de spécimens – à but comparatif ou de collecte systématique – provenant des Empires austro-hongrois, germanique ou britannique. À la même période, le musée constitue une collection de roches, qui trouve son intérêt dans la volonté de comprendre comment et selon quelle chronologie se sont formés les paysages, comment les exploiter et où trouver certaines ressources économiques ; en témoignent, par exemple, les multiples échantillons de roche utilisés comme matériaux de construction. Au début du xxe siècle, c’est auprès de Ferdinand Gonnard, grand minéralogiste amateur, que le musée acquiert un grand nombre de pièces, notamment une dumortiérite, espèce minérale que l’homme a découverte, décrite et nommée. Dans son sillage, en 1923, Alexis Chermette, alors étudiant de l’École des mines de Nancy, fait ses premiers dons. Devenu un spécialiste mondialement connu de la fluorite, il lègue sa prestigieuse collection au musée en 1998. Cette période est également marquée par la donation d’un très bel ensemble de gemmes par Pierre Fumey, bijoutier et gemmologue lyonnais. Ces entrées en entraînent d’autres, plus modestes mais qui viennent les compléter du point de vue de la systématique. Ces dernières années, les acquisitions ont surtout eu pour objectif de combler certaines lacunes relatives aux discours des expositions ; c’est notamment le cas des météorites illustrant la formation du système solaire et de la Terre dans l’exposition “Origines”. Aujourd’hui, le musée conserve plus de vingt-deux mille lots et spécimens ; la minéralogie, qui en représente près de la moitié et renferme de nombreuses pièces remarquables, fait partie des plus importantes collections françaises. FV

Météorite Imilac (détail d’une tranche) Pallasite, groupe principal. Découverte dans le désert d’Atacama, Chili, en 1822. 38 × 20 × 0,2 cm. Acquis en 2004. Inv. 1200053

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4. Les gemmes

R Couronne de Charles V D’après Bernard Morel, réalisée par Roland Balizet et ses élèves, 1974. 33 cm ; diam., 25 cm. Dépôt du serp métiers rares et métiers d’art de Lyon, 1983. Inv. D1100515

assemblées pour leur esthétisme et leur rareté depuis l’Antiquité, les gemmes sont des minéraux qui se distinguent par leur pureté et que l’on peut travailler, c’est-àdire tailler et polir, pour les utiliser en joaillerie ou en orfèvrerie. Une gemme est un cristal, plus ou moins transparent mais pur. Aujourd’hui, les gemmes les plus appréciées sont qualifiées de pierres précieuses et on en dénombre quatre : le diamant, le rubis, le saphir et l’émeraude. La topaze, le quartz, les grenats, l’améthyste, l’opale, les tourmalines sont des pierres fines. Quant au corail, à l’ambre, au jais et à la perle, dont l’origine est organique, ils sont également assimilés aux gemmes. Leur valeur dépend en grande partie de leur rareté, mais aussi de leur couleur et de leur degré de pureté. Entre lapidaires, le prix des pierres est calculé en carats. Ce terme serait issu du kuara, qui désigne la graine d’un arbre africain, ou du grec karation, nom du noyau du caroubier. Le fonds du musée des Confluences compte 592 pièces, représentant 89 espèces et variétés différentes. Une grande partie de cet ensemble est issue de la donation de Pierre Fumey. Bijoutier lyonnais, ce dernier travaille tout au long de sa carrière pour le développement de la gemmologie, en particulier au sein de l’association française de gemmologie, et il collabore dès 1976 avec le Muséum en prenant part aux expositions “Minéraux et gemmes” (1976), “Quartz et silice” (1979) et “Féerie minérale” (1996). Avec ses 54 béryls, dont 19 émeraudes, 53 corindons, dont 14 rubis, 4 diamants et 20 opales notamment, la collection Fumey a été constituée de manière systématique, tant du point de vue des espèces représentées que de leur façonnage. La diversité des formes de taille caractérise cet ensemble, qui a été présenté au public lyonnais entre 1981 et 1998 : pierres facettées en ovale, à huit pans, à l’antique, en

poire, en navette, mais également pierres polies et calibrées en cabochon, en boule, en goutte. La collection Fumey est liée à l’activité joaillière de son donateur. Aucune des pièces n’est historique – hormis, sans doute, la reconstitution de la couronne de Charles V, qui fut réalisée et déposée par l’école lyonnaise de bijouterie. Roi de France de 1364 à 1380, Charles V avait commandé, en plus de cette dernière, deux autres couronnes à l’orfèvre Hennequin du Vivier. Ces joyaux furent monnayés sous le règne de son fils, Charles VI, pour faire face aux difficultés financières que connaissait le royaume. Il ne restait donc rien de la “très grande, très belle et meilleure couronne” décrite dans l’inventaire du roi. En 1974, sous l’impulsion de l’Association française de gemmologie et de Pierre Fumey, son président, on reconstitua cette couronne à Lyon grâce à des pierres et des métaux d’imitation. Outre les pierres précieuses et fines, le fonds de gemmologie du musée compte également quelques pièces de glyptique, essentiellement des camées et intailles en calcédoine, mais aussi des coupes, flacons, figurines, calices en fluorite principalement issus du legs d’Alexis Chermette.

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Gemmes (l’ensemble) Don de Pierre Fumey (de gauche à droite, de haut en bas) : elbaïte, Inv. 1100395 ; quartz améthyste, Inv. 1100032 ; quartz calcédoine, Inv. 1100280 ; quartz enfumé, Inv. 1100034 ; topaze, Inv. 1100156 ; corindon saphir, Inv. 1100359 ; ambre, Inv. 1100187 ; orthoclase, Inv. 1100381 ; béryl, Inv. 1100035 ; spodumène, Inv. 1100064

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en haut, à gauche Azurite Chessy, Rhône, France. 26 × 20 × 10 cm. Acquis au xixe siècle. Inv. 1000536 en haut, à droite Pyromorphite Les Fages, Ussel, Corrèze, France. 47 × 29 × 18 cm. Acquis en 1977. Inv. 1004372 en bas, à gauche Aigue-marine et muscovite Vallée de Shigard, Skardu, Pakistan. 44 × 33 × 18 cm. Acquis en 2010. Inv. 1009047 en bas, à droite Rutile en épitaxie sur hématite Ibitiara, État de Bahia, Brésil. 7 × 8 × 4,5 cm. Acquis en 2010. Inv. 1009048

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Romanèchite et goethite (détail) Romanèche-Thorins, Saône-et-Loire, France. 33 × 15 × 13 cm. Acquis au xixe siècle. Inv. 1003937

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III. INSECTES

Les insectes constituent le groupe zoologique le plus riche en espèces connues et en espèces restant à découvrir. La complexité de leur étude nécessite la constitution de collections de référence, rassemblant par séries des spécimens représentatifs de leur espèce et de leur variabilité. L’ensemble des collections entomologiques comprend environ un million et demi de spécimens répartis en plus de quinze mille cartons, ce qui place le musée des Confluences au tout premier rang des musées de province pour ce domaine. Certaines collections revêtent un intérêt historique (Rey, Foudras, de Fréminville), qui s’ajoute à leur valeur scientifique ; d’autres sont plus contemporaines (Lepesme, Nicolas, Soula) ; beaucoup renferment des spécimens types (dix mille estimés), représentant de nouvelles espèces décrites et utilisés comme références. La systématique est l’un des axes privilégiés des recherches entomologiques, et de nombreux scientifiques continuent à étudier les insectes, en exploitant les données biogéographiques, en examinant de manière comparative des spécimens avec les types décrits ou en reclassant les espèces dans l’arbre du vivant à la lumière de nouvelles connaissances. Bien d’autres aspects de la biologie sont analysés à travers les insectes : le mimétisme et le phototropisme, par exemple, dont le musée conserve des ensembles réalisés pour mieux comprendre ces phénomènes. Les collections entomologiques du musée des Confluences ont été organisées selon deux axes principaux : l’un suivant les groupes dans lesquels, par opportunité ou par choix éclairé, il a souhaité développer des collections importantes, voire exceptionnelles (scarabées, fulgores, papillons saturnides) ; l’autre suivant la dynamique locale entretenue par des entomologistes amateurs exercés. Depuis une vingtaine d’années, le musée joue un rôle moteur dans la connaissance régionale des insectes, grâce à des inventaires menés sur les collections du musée et grâce à la participation d’un grand nombre d’acteurs. Enfin, soulignons la longue histoire qui lie les insectes et les hommes. Différentes espèces sont des vecteurs de maladie, des ravageurs des cultures ou des “pestes” responsables de pertes économiques considérables en détruisant les stocks de denrées entreposées ; plusieurs collections du musée témoignent des recherches qui ont été conduites pour contrôler leur nombre ou leur impact. L’importance toute lyonnaise pour la sériciculture a fait se développer une collection unique au monde autour des lépidoptères producteurs de soie avec un ensemble de cocons, de papillons séricigènes et de pièces en soie tissée. CA

Papilio blumei (détail)

Collecté à Célèbes, Indonésie, 1980. 11 × 10 × 1 cm. Acquis en 2004. Inv. 47025382

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2. Les papillons de la soie

Bibliographie J. Clary, Les Ailes de la soie, musée des Confluences/Silvana Editoriale, Lyon/Milan, 2009.

Gynanisa maja

Collecté au Natal, République d’Afrique du Sud, xxe siècle. Longueur du corps, 4,2 cm ; envergure, 12,2 cm. Acquis en 1998. Inv. 47003124

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e fonds du musée des Confluences en lien avec la soie est riche et varié. Il est, très probablement, l’un des plus importants de France et se compose de plusieurs collections de lépidoptères séricigènes (papillons producteurs de soie) et d’éléments variés, allant des cocons de diverses espèces aux pièces en soie tissées, en passant par des bracelets de cocons, des écheveaux, sans oublier des pièces en soie d’araignée ou en soie “marine”. Les collections de saturnides, papillons producteurs de soie dite “sauvage” – par opposition à la soie dite “domestique” produite par le bombyx dont la chenille est le ver à soie –, sont très importantes et comprennent plus de mille boîtes et près de vingt mille spécimens, représentant plus du tiers des espèces connues à ce jour, soit environ sept cents à huit cents espèces. Les faunes les mieux représentées sont celles d’Amérique du Sud, d’Amérique du Nord et d’Asie. Parmi les collections majeures du musée des Confluences, il faut citer celles du laboratoire de la Condition des soies, de Laurent Schwartz, de Claude Lemaire et de Richard Peigler, cette dernière étant constituée d’un bel ensemble de pièces tissées en soie “sauvage”. En dehors du fonds directement lié à l’importante famille des saturnides (plus de deux mille espèces

décrites à ce jour), le musée des Confluences dispose de plusieurs éléments représentant d’autres types de soie : des objets ethnographiques en soie “domestique” (robes chinoises, etc.), des objets en soie d’araignée (néphile de Madagascar), ainsi qu’un remarquable châle en soie marine réalisé avec le byssus d’une espèce de moule géante vivant en Méditerranée. Des papillons… Mais que sont ces fameux saturnides ? Ce sont des papillons de nuit souvent de grande taille et parés d’ornementations variées, d’où l’intérêt que leur portent certains entomologistes. À l’état adulte – celui de papillon –, les espèces de cette famille ne s’alimentent pas – leurs pièces buccales sont atrophiées et non fonctionnelles – et leur durée de vie est très courte, de l’ordre de quelques jours. Cette courte période est mise à profit pour assurer la descendance de l’espèce : accouplement et ponte des œufs sur la plante nourricière des chenilles qui, elles, se développent durant plusieurs semaines et consomment de grandes quantités de nourriture. Avant de se transformer en chrysalide – stade précédant celui du papillon –, les chenilles tissent un cocon en soie, de couleur, de forme et de structure variées. La soie est sécrétée par des glandes séricigènes situées à l’arrière de la bouche de la chenille. Dans plusieurs pays d’Asie (Inde, Chine, etc.), des espèces de saturnides sont élevées et la soie des cocons récupérée afin de réaliser différents tissus et vêtements.

… des collections À la suite d’un rapport présenté à la Chambre de commerce, le laboratoire de la Condition des soies est créé en 1884 et inauguré en 1885. Il a pour mission l’étude des cocons des races de vers à soie, mais également la constitution d’une collection de référence de toutes les espèces séricigènes. Ce remarquable ensemble, commencé à la fin du xixe siècle et continué au début du xxe siècle, est entré au musée Guimet en 1959. Laurent Schwartz, éminent mathématicien, avait une véritable passion pour les papillons, qu’il a rassemblés durant une grande partie de sa vie. Sa collection de saturnides se compose de deux cent soixante-dix-sept cartons, constituant un ensemble de plus de quatre mille trois cents spécimens. Elle a été léguée en 2002 au musée d’Histoire naturelle de Lyon. Claude Lemaire, commissaire-priseur à l’hôtel Drouot à Paris, s’est intéressé très jeune à cette famille de papillons. Il a étudié en particulier la faune américaine sur laquelle il a publié

de nombreux articles et de beaux ouvrages. La majeure partie de sa collection est conservée au Muséum national d’histoire naturelle à Paris et une autre a été donnée au musée des Confluences en 2003. Elle se compose de cent trente-deux cartons et rassemble plus de deux mille huit cents spécimens, provenant essentiellement des Amériques. Richard Peigler, universitaire américain, est un éminent spécialiste de la famille des saturnides, à laquelle il s’intéresse à la fois aux plans systématique et ethnographique. Impressionné par la diversité et la qualité du fonds du musée des Confluences, il fait régulièrement don de pièces en soie “sauvage” tissée provenant de différents pays d’Asie. Cet ensemble comprend actuellement une vingtaine de pièces, souvent de très belle facture. D’autres ensembles viennent renforcer ce fonds : ce sont ceux de Claudius Côte, de Gilles Terral, de Jean Poulard, etc. HL

Actias isis

Collecté à Célèbes, Indonésie, xxe siècle. Envergure, 19 cm. Acquis en 1998. Inv. 47001845

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9. Entomologie, les collections spécialisées

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Belionota tricolor

Collecté à Ceram, îles Moluques, 2006. 2,8 × 1,3 × 0,7 cm. Acquis en 2008. Inv. 47025405

ifférentes motivations (intérêt naturaliste, soif de connaissance, goût de l’esthétique ou simple plaisir “d’accumuler”) peuvent présider à la constitution d’une collection d’histoire naturelle. Celle-ci, quelles qu’en soient la finalité et la nature, est une œuvre de longue haleine souvent mue par la passion. Le monde des insectes est tellement vaste – plus de 1 million d’espèces déjà décrites et vraisemblablement entre 4 et 10 millions à découvrir – que les façons d’aborder l’étude de ces animaux sont très variées. On peut, par exemple, étudier les insectes d’un milieu particulier (faune aquatique, faune du sol, faune des cadavres, faune des excréments…), ceux d’un pays ou d’une région, ceux d’un groupe systématique bien défini, ces différentes approches pouvant se croiser. Devant cette extrême diversité, de nombreux entomologistes ont ressenti très tôt la nécessité de se spécialiser et sont, progressivement, devenus d’excellents experts dans leur groupe de prédilection. À titre d’exemple, Jean-Louis Nicolas s’est intéressé aux scarabéides (groupe systématique) coprophages (milieu particulier) d’Afrique (zone géographique). Plusieurs fonds de spécialistes sont conservés au musée des Confluences. Ce sont des ensembles de premier plan, qui renferment souvent des types : spécimens de référence ayant servi à la description d’espèces (ou de sous-espèces) nouvelles. Jean-Louis Nicolas fit son premier voyage en Afrique en 1966. Ce fut un coup de foudre : il se prit de passion pour ce continent et pour sa riche faune en scarabéides coprophages, dont il devint, au cours des années, un éminent spécialiste. Sa riche collection comprend deux cent vingt-quatre cartons regroupant des coléoptères français et exotiques de diverses familles (buprestides, carabides, cérambycides, cétonides, etc.), des scarabéides (cent trente-cinq cartons), essentiellement africains et les aphodides rassemblés par Hoffmann. Les types des espèces qu’il a

décrites, souvent en compagnie de son ami Philippe Moretto, sont conservés dans sa collection. Celle-ci fait référence pour la faune africaine, et différents chercheurs s’en servent régulièrement pour leurs travaux actuels. Gilbert Liskenne, artiste peintre et entomologiste, s’est spécialisé dans l’étude des buprestides, encore appelés “richards” dans le langage populaire. Ce sont vraisemblablement les couleurs, souvent chatoyantes, de ces insectes qui ont attiré l’artiste. Sa collection, entrée au musée des Confluences en 2005, se compose de deux parties : l’une “générale” de trentetrois cartons ; l’autre spécialisée (buprestides paléarctiques principalement) de trente cartons. Elle constitue une référence pour la faune de France, en particulier pour l’Ardèche, que Gilbert Liskenne prospectait régulièrement. Tout à fait remarquable et exclusivement consacré à la famille des cérambycides (ou longicornes), l’ensemble constitué par Pierre Lepesme dans la première moitié du xxe siècle se compose de trois cent quatre-vingt-quatorze boîtes et rassemble plusieurs milliers de spécimens, de même que des centaines d’espèces des faunes africaine et asiatique. Il regroupe des centaines de types d’espèces décrites par Lepesme lui-même ou par Étienne de Breuning dont il avait racheté le fonds. De nombreux spécialistes, y compris étrangers, consultent cet ensemble qui fait référence au niveau mondial. Toutes ces collections ont de multiples intérêts : la présence de types les rend incontournables pour toute étude systématique concernant les groupes considérés ; le matériel étant identifié et classé par un spécialiste, il peut permettre à d’autres entomologistes, par comparaison, de confirmer ou de corriger leurs propres identifications ; les exemplaires des différentes espèces sont munis d’étiquettes indiquant généralement leurs lieux et dates de collecte, ainsi que,

parfois, les conditions dans lesquelles ils ont été trouvés, éléments permettant de mieux connaître la distribution et la biologie desdites espèces ; les exemplaires conservés ont également une valeur de témoins et permettent de suivre l’évolution de la biodiversité. HL

Geotrupidae

(l’ensemble ci-dessus) Collectés en Europe et au Japon. 1,5 × 1 × 1 cm (moyenne). Acquis en 1996 (de haut en bas et de gauche à droite) : Trypocopris fulgidus, Inv. 47025492 ; Trypocopris pyrenaeus coruscans, Inv. 47025494 ; Trypocopris vernalis forme autumnalis, Inv. 47025490 ; Phelotrupes auratus, Inv. 47025491 ; Trypocopris vernalis, Inv. 47025493 Scarabées (l’ensemble ci-contre) Collectés en Amérique du Sud. 2,5 × 2 × 1,5 cm (moyenne). Acquis entre 1996 et 2008 (de haut en bas et de gauche à droite) : Deltochilum icarus, Inv. 47025499 ; Oxysternon festivus, Inv. 47025497 ; Oxysternon conspicillatus (femelle), Inv. 47025495 ; Sulcophanaeus imperator (mâle), Inv. 47025500 ; Oxysternon conspicillatus (mâle), Inv. 47025496

94 - insectes

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12. Insectes et mimétismes

en haut

Phyllium celebicum – Phyllie

Collectée à Chiang Maï, Thaïlande, 2002. 9 × 5 × 0,4 cm. Acquis en 2004. Inv. 47025276 en bas, à gauche Cérambycidé, Érotylidé et Chrysomélidé Collectés à Rio Canuma, Brésil, 1991. 2,5 × 1,5 × 1 cm (le cérambycidé). Acquis en 2004. Inv. 4615635

A

vec plus d’un million d’espèces connues, les insectes constituent le groupe zoologique le plus diversifié sur notre planète, d’autant que l’on estime qu’il reste entre 4 et 10 millions d’espèces à décrire ! Ils ont conquis tous les milieux, à l’exception du milieu marin (quelques rares espèces se rencontrent dans la zone de balancement des marées) dans lequel ils sont remplacés par leurs “cousins” les crustacés. Ils occupent des niches écologiques très variées et participent à de nombreuses chaînes alimentaires. C’est dans la zone intertropicale que leur diversité est maximale. L’une des questions majeures dans la nature est celle-ci : manger ou être mangé ? Les divers types de mimétismes qu’ont développés de nombreux insectes sont une des réponses à cet épineux dilemme.

Deux stratégies La forme de mimétisme la plus connue, et l’une des plus spectaculaires, est celle qui consiste à imiter la couleur (homochromie) et/ou la forme (homomorphie) d’éléments de son environnement et ainsi de “disparaître” aux yeux des prédateurs. Certaines sauterelles, les phyllies, ainsi que certains papillons imitent des feuilles à la perfection. Quant aux phasmes, ils ressemblent à s’y méprendre à des brindilles. Certains papillons “imitent” de façon saisissante des écorces d’arbre couvertes de lichens. Dans notre fonds, nous avons de nombreux spécimens illustrant ce type de mimétisme : les sauterelles-feuilles du genre Porphyromma, les papillons du genre Kallima, diverses espèces de phasmes, et d’autres encore. Par ailleurs, un certain nombre d’espèces sont toxiques ou ont un très mauvais goût. Elles sont donc peu appréciées des prédateurs (reptiles, oiseaux, etc.) qui, après une ou deux expériences

désagréables, les ignoreront, de même que toutes celles, inoffensives, qui leur ressemblent ! Donc, ressembler à une espèce toxique ou ayant mauvais goût est gage de longévité ! L’un des exemples les plus spectaculaires est l’espèce Papilio dardanus, dont les femelles imitent, selon les régions, la femelle toxique d’une autre espèce de papillon. Certains insectes, notamment des hyménoptères (guêpes, frelons), peuvent être dangereux pour d’éventuels prédateurs. Ceux-ci les éviteront soigneusement, ainsi que toute autre espèce leur ressemblant. De nombreuses mouches de la famille des Syrphides, des papillons de la famille des Sésides, certains longicornes du groupe des Clytes totalement inoffensifs sont protégés par leur ressemblance, parfois très poussée, avec des bourdons, des guêpes ou des frelons. Parmi les collections d’insectes du musée des Confluences, celles strictement dédiées au mimétisme sont rares et ne représentent que quelques boîtes. La collection Jean-Georges Henrotte, naturaliste et philosophe, est constituée de quinze boîtes rassemblant exclusivement des papillons et illustrant divers types de mimétismes. Celle de Dominique Fleurent se compose de cinq boîtes contenant des insectes (papillons, coléoptères, etc.), présentés sur des supports (écorces, branches, feuilles mortes, etc.) avec lesquels ils se confondent. Enfin, l’ensemble rassemblé par Thierry Porion et consacré à la thématique du mimétisme regroupe une vingtaine de boîtes de sauterelles-feuilles, de phyllies et de phasmes. Pour être complet, il faut signaler que de nombreux autres exemplaires d’insectes mimétiques se trouvent disséminés dans divers cartons entomologiques conservés par l’institution.

en bas, à droite

Porphyromma viridifolia –

Sauterelle-feuille Collectée à Santa Catarina, Brésil, 2002. Longueur du corps, 3,8 cm ; envergure des antennes, 7,8 cm. Acquis au xxie siècle. Inv. 4613351

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Schizodactylus monstrosus – Grillon des sables (détail) Inde. Longueur du corps, 4,5 cm ; envergure, 8 cm. Acquis en 2016

Tagesoides nigrofasciata – Phasme (détail) Collecté en Malaisie, 2006. Femelle : longueur du corps, 8,5 cm ; envergure, 11 cm. Acquis en 2007. Inv. 47037103

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VI. COQUILLES

Les mollusques constituent un groupe d’invertébrés, essentiellement caractérisés par un corps mou qui les rend très vulnérables vis-à-vis des prédateurs. La coquille qui les protège est une autre de leurs caractéristiques remarquables, et rares sont ceux qui n’en possèdent pas (limaces et limaces de mer). Parce que la coquille est un élément très important pour la détermination des espèces, et aussi parce qu’elle est souvent ornementée et facilement “collectionnable”, une majorité de naturalistes ont restreint l’étude des mollusques (malacologie) à la seule conchyliologie (étude des coquilles). Le musée des Confluences possède très peu de mollusques entiers, avec l’animal alors conservé dans l’alcool ; en revanche, il conserve environ soixante-douze mille lots correspondant à quatre cent quatre-vingt-dix mille coquilles ! Le nombre de types (spécimens servant de références lorsqu’une nouvelle espèce est décrite) est estimé à environ deux mille ; la plupart ont été obtenus par échange. La constitution de ces collections renseigne la manière de voir des auteurs. Pour celles du début du xixe siècle (Devilliers), la recherche de l’exhaustivité des espèces reste le leitmotiv principal du collectionneur, avec une attention particulière portée aux espèces venant des terres lointaines ; cette approche fait transition entre l’esprit des cabinets de curiosité et une autre, plus méthodique et plus moderne de classification. Puis viennent des collections dont l’objet d’étude est la caractérisation des espèces. La notion d’espèce a beaucoup varié entre les protagonistes de la “nouvelle école” (multiplicité des espèces), dont Locard était l’un des plus fervents défenseurs, et Coutagne, par exemple, situé à son extrême opposé. Sa collection a été en grande partie constituée pour démonter cette approche et redéfinir la notion d’espèce sur de nouvelles bases. Le musée des Confluences possède une suite très importante de coquilles, représentative de la faune mondiale et couvrant toute la systématique. Il regroupe des collections générales et des collections nominales : celles de Michaud et Terver font partie des grandes collections du milieu du xixe siècle, régulièrement consultées par les scientifiques pour les types ou le matériel précieux qu’elles renferment. D’autres, comme celles de Sayn et de Coutagne, sont plus récentes et datent de la fin du xixe siècle au début du xxe siècle. Exceptionnelles par la richesse de leur matériel, elles ont été développées par des campagnes de collectes rigoureuses et considérablement augmentées grâce à un réseau européen – sinon mondial – de naturalistes qui a permis à ces auteurs d’obtenir un maximum d’espèces. Enfin, des fonds entiers de collections – comme celui de la Société linnéenne de Lyon ou celui des frères maristes – sont venus enrichir le musée. Ces fonds témoignent de l’intensité des activités naturalistes au sein des congrégations religieuses et des sociétés savantes, marquant le développement d’axes inexplorés de la recherche malacologique que sont l’histoire et la sociologie. CA

Spondylus wrightianus (détail) Collecté à Keppel, Queensland, Australie, 1978. 8,3 × 5,6 × 3,4 cm. Acquis en 2006. Inv. 45106910 158 - minéraux, roches, gemmes

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Gloripallium pallium (détail)

Collecté aux Philippines, 2002. 6,8 × 6,3 × 2,75 cm. Acquis en 2006. Inv. 45106890

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Murex pecten – Peigne de Vénus (détail) Collecté aux Philippines, 2001. 13 × 6,6 × 4,9 cm. Acquis en 2006. Inv. 45025862

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partie 2.

SCIENCES HUMAINES

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I. OCÉANIE

Le continent océanien a historiquement été divisé en aires géographiques par Dumont d’Urville, qui explore l’Océanie à bord de l’Astrolabe en 1826 : à la Polynésie “îles nombreuses”, la Mélanésie “îles noires”, la Micronésie “petites îles” s’ajoutait la Malaise, qui a depuis été retirée, au profit de l’Australie. La collection issue de ce continent, constituée de plus de mille six cents pièces, naît dans le dernier quart du xixe siècle, très précisément le 19 septembre 1874, grâce au don d’une dizaine de pièces australiennes par Anthelme Thozet, géographe, naturaliste, originaire de l’Ain. Cette collecte de terrain, richement décrite dans le livre d’entrée, marque un grand intérêt pour la connaissance des Aborigènes d’Australie et de leur culture matérielle – “bois d’acacia…”, “tribu de la Nouvelle-Galles du Sud”. Elle comprend des boomerangs, des massues et des boucliers, ainsi que quelques naturalisations. D’autres ensembles remarquables se construisent au fil des entrées à la fin du xixe siècle et au cours des siècles suivants. Les tapa forment un ensemble incontournable, lot d’une cinquantaine d’étoffes d’écorce battue provenant essentiellement de Polynésie et de Nouvelle-Calédonie, parfaitement équilibré entre des pièces anciennes et d’autres, représentatives de la diversité des techniques de fabrication et du décor. Les valeurs d’échange représentent un ensemble de référence. Ces nombreuses pièces, pour certaines historiques – ayant appartenu à plusieurs collections prestigieuses (celles d’Alain Schoeffel à Paris, du Sacré-Cœur de Borgerhout à Anvers, de Norbert Jacques à Coblence) –, sont toutes très bien documentées et contextualisées. Les pièces collectées en Océanie par les missionnaires – principalement maristes – dès le deuxième quart du xixe siècle sont le reflet de l’Océanie traditionnelle et illustrent de nombreux pans de la vie quotidienne du xixe siècle : l’habillement, la navigation, la chasse, la parure et l’alimentation. Viennent ensuite les toiles et les œuvres en trois dimensions contemporaines aborigènes, dont les premières ont été acquises dans les années 2000 ; elles évoquent la perméabilité des mondes et le lien aux territoires. Cet ensemble, qui actualise les fonds du xixe siècle, constitue également la parfaite illustration de la pluridisciplinarité du musée des Confluences. Enfin, le musée fait également référence grâce à différents objets : un bâton de chef des îles Marquises (Polynésie), de facture exceptionnelle, donné en 1884 par Émile Guimet, un ensemble de massues fidjiennes ou quatre hameçons de Banaba (Micronésie) d’une grande rareté. CB

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Tevau – Double rouleau en plumes rouges xxe siècle. Îles Santa Cruz, archipel des Salomon. 10 × 82 × 60 cm. Plumes de Myzomela cardinalis (“l’oiseau mangeur de miel”), coquillages, fibres végétales. Acquis en 2002. Inv. 2002.2.1

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2. La Nouvelle-Calédonie

A

Bibliographie R. Boulay, E. Kasarherou, Kanak, l’art est une parole, coédition Actes Sud et musée du quai Branly, Paris, 2013. C. Brizon, “Mystérieuse madame Michel, collection musée des Confluences”, Mwà Véé, n° 84, p. 108-113, 2014. C. Brizon, D. Pourawa, “Entre inaliénabilité et restitution/ réhabilitation/réappropriation : l’écriture à quatre mains. La collection du père Goubin au musée des Confluences”, Mwà Véé, n° 86, p. 34-51, 2015. Père Lambert, Mœurs et superstitions des Néo-Calédoniens, Société d’études historiques de la Nouvelle-Calédonie (réédition de 1900), Nouméa, 1980. Maurice Leenhardt, Documents néo-calédoniens, Institut d’ethnologie, Paris, 1932.

vec plus de deux cent soixante-quinze pièces qui proviennent principalement de la Grande Terre, de Lifou et de l’île des Pins, la collection kanak est la plus importante pour l’aire océanienne, non seulement en termes de quantité mais également au regard de son exceptionnelle qualité. Elle s’est particulièrement enrichie après les évènements de 1878, lorsque le peuple kanak entame son émancipation, au cours d’une insurrection qui éclate dans les régions de Lafoa, Moindou, Bourail et Poya, immédiatement réprimée par le gouvernement français. À cette occasion, il est possible que les Kanak aient été dépossédés de leurs effets personnels par les colons : en effet, on constate que les armes et les emblèmes de prestige arrivent alors en grand nombre sur le marché de l’art, alimentant ainsi les collections privées et publiques. Durant ce quart de siècle, le fonds ethnographique du Muséum se développe grâce aux dons réalisés par des personnes extérieures à l’institution.

La collection Dumont Cette collection comprenant plus d’une centaine de pièces est donnée au Muséum par M. Dumont, le 10 mars 1880. À la lecture approfondie des archives, Dumont apparaît plutôt comme un passeur, alors que Louis-Rodolphe Germain se révèle être le collecteur, militaire qui séjourne en Nouvelle-Calédonie de 1875 à 1878. Les pièces les plus remarquables sont des bambous gravés. Cet objet emblématique de la culture matérielle kanak est une section de bambou de 70 à 140 centimètres (pour ceux du musée), sur laquelle sont gravés des motifs faisant référence à la faune, la flore, la vie quotidienne et les divers événements de la vie sociale

et politique. Les plus anciens spécimens sont identifiables par leur gravure, réalisée avec un morceau de quartz ou une pince de crustacé, tandis que les plus récents sont ciselés avec une pointe métallique. Les dessins, propres à chaque famille et même à chaque individu, constituent un riche répertoire iconographique qui évolue au fil du temps : sur les bambous plus contemporains, il fait référence à la présence des Occidentaux (armes à feu, uniformes, robes missions et lettres de l’alphabet latin). Dès la seconde moitié du xviiie siècle, la littérature apporte de nombreuses informations sur l’usage de cet objet : support de langage qui permet de transmettre la mémoire pour le père Lambert ou contenant à “herbes magiques” pour le pasteur ethnologue Maurice Lennhardt. La collection Louise Michel Un second ensemble est envoyé de Nouméa au Muséum de Lyon par Mme Michel en 1880. La date et le lieu d’envoi des pièces font inévitablement penser à l’histoire de Louise Michel, militante anarchiste, figure emblématique de la Commune de Paris. Condamnée au bagne en Nouvelle-Calédonie de 1873 à 1878, elle est libérée comme déportée simple, ce qui lui donne le droit d’enseigner sur le sol kanak jusqu’en 1880 avant son retour à Paris. Durant sept ans, elle est en contact avec les Kanak, notamment avec Daoumi, fils de chef originaire de Lifou, au côté de qui elle apprend de nombreux mots de vocabulaire kanak qui alimentent son ouvrage Légendes et chants de gestes canaques. Par ailleurs, dans une lettre datée du 20 mars 1879 adressée à Georges Clemenceau, alors député de la Seine, elle dit qu’il est possible de se procurer facilement des objets kanak. Clemenceau, donateur au Muséum en 1910, soucieux

Bambou gravé xixe siècle. Nouvelle-Calédonie / population kanak. 80,7 cm ; diam., 4,8 cm. Bambou, terre crue, fibres végétales. Don de Dumont, 1880. Inv. 2008.0.75

de l’éducation et de l’enseignement, passionné par les arts, aurait ainsi pu conseiller à Louise Michel de faire parvenir des objets au Muséum de Lyon avec lequel il est en lien. Cet envoi de dix-neuf pièces kanak et fidjiennes comprend des sagaies à plaquettes, des massues, des casse-têtes, des écheveaux de poils de roussette et une dent de cachalot. La pièce la plus remarquable est l’une des deux sagaies à plaquettes, en parfait état de conservation : d’une part, le poil de roussette a préservé toute l’intensité de sa couleur d’origine ; d’autre part, les

sparteries et le tapa enserrent encore la plaquette de bambou gravée de motifs géométriques. La minutie et la finesse de l’assemblage donnent une grande valeur à cet objet de prestige, probablement propriété d’un personnage important. La collection comprend aussi une dent de cachalot, emblématique des îles Fidji, qui témoigne de la circulation des hommes et des objets entre les îles. CB

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III. CERCLE POLAIRE

Les collections arctiques du musée des Confluences s’organisent autour de la zone géographique du Cercle polaire. Le Nord du Canada et du Québec, l’Alaska, le Groenland et la Sibérie, ainsi que le Nord de l’Europe forment le socle géographique de ce fonds. Historiquement, c’est une paire de chaussures en bouleau de Laponie finlandaise qui marque le début de l’enregistrement au journal des entrées en 1875. Par la suite, la fin du xixe siècle voit le fonds s’enrichir d’un impressionnant kayak grandeur nature des Inuit de l’Ouest du Groenland, qu’un mannequin portant un vêtement traditionnel de peau de la même origine culturelle vient compléter quelques années plus tard. C’est aussi l’entrée du plus important ensemble d’objets illustrant une zone jusque-là non représentée : la Sibérie orientale. Des pointes ouvragées en os, extrémités de divers harpons de pêche et de chasse des Inuit de la région du Labrador (Canada), marquent quant à elles le premier quart du xxe siècle. Enfin, les années 2000 inscrivent un tournant dans l’histoire de la constitution de ce fonds. En 2001, 2002 et 2003, des pièces ethnographiques liées à la vie traditionnelle des Inuit du Labrador et du Nunavut (Canada), du Nunavik (Québec), du Groenland, de l’Alaska et quelques pièces de Laponie, principalement de Suède, viennent compléter le fonds ancien : parmi elles, plus de quatre-vingts objets provenant de l’ancienne collection Michel Goudal, explorateur polaire ayant collecté des pièces pour un musée dédié à l’Arctique. Dans ce lot, un deuxième kayak grandeur nature, ainsi que des éléments liés à ce type d’embarcation et aux traîneaux, des parures vestimentaires, une lampe à huile, un tambour, des sculptures en pierre, des dessins et des estampes. C’est également une série de vingt-cinq plaques de verre retraçant l’expédition arctique du duc d’Orléans en 1905 qui entre au musée à cette occasion, apportant une dimension nouvelle à la typologie jusque-là représentée. Ces “images polaires” font écho à deux photographies du fonds photographique ancien du musée, présentant des familles lapones immortalisées par Knud Knudsen, photographe norvégien. Enfin, le développement d’un ensemble axé sur les œuvres inuit contemporaines donne une nouvelle impulsion au fonds existant. À ce jour, un corpus de plus de quatre-vingts œuvres, sculptures en pierre et en os, arts graphiques, textiles, photographies contemporaines, s’inscrit dans l’histoire de cette collection. Cette zone arctique ne s’arrête pas à sa seule représentation ethnographique puisque des spécimens d’histoire naturelle sont également conservés : des oiseaux, des dents de narval, des lapins, un ours et un renard polaire, mais aussi une série de minéraux du Groenland et des invertébrés. Les différentes études menées sur ce fonds s’accordent toutes à souligner son caractère remarquable, tant dans sa partie ancienne que contemporaine. MPI

[Sans titre] Ours debout avec gueule ouverte. Elijah Michael (1929-2008). 1998. Kimmirut, Nunavut, Canada. 45,5 × 40 × 25 cm. Serpentine. Acquis en 2001. Inv. 2001.1.2 212 - minéraux, roches, gemmes

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3. Expressions de l’Arctique

1- Cette artiste d’origine inuit et athabascan produit des œuvres multimédias. En 2010, le musée des Confluences fait l’acquisition de photographies de sa série “Tanning project”, où elle explore les préoccupations autochtones contemporaines. 2- Terme anglicisé pour désigner la déesse habituellement nommée Sanna en inuktitut. 3- La gravure sur pierre est une technique unique au Nord canadien, et la production d’estampes a débuté dans les années 1950. Si un artiste est à l’origine de la conception du dessin, l’étape de la gravure et de l’impression est souvent déléguée à un autre artiste, sculpteur sur pierre par exemple. Ainsi, une même œuvre mêle souvent le travail de celui qui a dessiné et de celui qui grave et qui imprime.

Bibliographie L. Gagnon, “La collection de sculptures inuites du Muséum d’histoire naturelle, Lyon. Premières acquisitions”, Cahiers scientifiques du Muséum d’histoire naturelle, hors-série n° 1, Lyon, 2003. Collectif, Grand Nord, Grand Sud, artistes inuit et aborigènes, Palantines, Plomelin, 2010.

L

es créations artistiques contemporaines inuit du musée des Confluences sont produites depuis les années 1960 et proviennent principalement du Nunavut, le nouveau territoire du Nord canadien, et du Nunavik, la portion septentrionale du Québec. Principalement axé sur les œuvres sculptées, le fonds regroupe aujourd’hui une soixantaine d’œuvres créées par une quarantaine d’artistes. Ce corpus s’enrichit également d’une trentaine d’œuvres graphiques (lithographies, estampes, dessins), de deux tapisseries, de scènes en feutrine et peaux appliquées et de trois photographies contemporaines de l’artiste Erika Lord1. Plusieurs thématiques se dégagent de cette collection, illustrant à la fois l’environnement naturel des Inuit et leur système de croyances ancestrales : scènes de vie traditionnelle, représentations animalières, sujets se référant à la cosmologie et au chamanisme, évocation de personnages mythiques ou de récits mythologiques. Les mythes traditionnels inuit, transmis oralement de génération en génération, restent une inspiration importante pour les artistes contemporains. Le musée des Confluences a particulièrement axé le développement de cet ensemble autour de cette thématique, et plus précisément sur la figure mythique de Sedna2. Ce personnage, dont le nom prend différentes formes suivant les régions où se raconte l’histoire, représente la déesse de la Mer qui contrôle la vie marine et distribue ses richesses aux hommes. Il existe plusieurs variantes de ce mythe, mais tous ont en commun de conter l’aventure d’une jeune fille qui refuse de se marier. L’histoire évolue de diverses manières jusqu’au passage où son père, avec lequel elle se trouve dans une embarcation, lui sectionne les doigts, qui tombent à l’eau et donnent naissance aux animaux marins. Plongeant dans les profondeurs de la mer, la déesse règne alors sur ces nouvelles créatures. Selon les artistes, sa représentation

sculptée varie d’une œuvre à l’autre, mais on retrouve généralement la longue chevelure qui la caractérise, tressée, fluide ou complètement échevelée lorsque les hommes ont provoqué son courroux par la transgression d’un interdit et qu’elle décide de cesser la distribution de nourriture. L’intervention du chamane est requise pour apaiser Sedna et rétablir l’équilibre. L’œuvre de George Arluk propose une interprétation de la déesse, conforme au style semi-abstrait unique de l’artiste. Cette sculpture fait directement référence à l’épisode du récit où les animaux marins naissent de ses phalanges. Ils émergent ici de chaque côté de son corps, quelques traits – les yeux, par exemple – subtilement esquissés. L’œuvre a été finalisée par l’artiste au sein même du Muséum de Lyon en 2007, face aux visiteurs, confirmant la volonté du musée de mettre en place des actions d’échange et de partage d’expériences autour de la création inuit. Cet art contemporain ne se limite pas aux sculptures, et la collection témoigne des différentes formes de représentations qui ont pris naissance dans l’Arctique, comme les arts graphiques. Kenojuak Ashevak, disparue en 2013, est l’une des plus célèbres artistes inuit. À la tête d’une production graphique considérable, elle jouit d’une reconnaissance internationale et a naturellement trouvé sa place au musée, qui a acquis six de ses œuvres en 2009. Elle est connue pour être l’une des premières femmes à réaliser des dessins imprimés selon le procédé de la gravure sur pierre3. Son style particulier est marqué par la grande intensité de ses images. L’environnement arctique, les animaux ou les figures mythiques sont parfois figurés en s’organisant autour d’un motif central, en symétrie, ou dans un mouvement d’irradiation. L’une de ses estampes montre un harfang des neiges, oiseau familier des Inuit, dédoublé et se tenant sur une seule paire de pattes.

218 - cercle polaire

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Le musée des Confluences est aujourd’hui une référence en termes de conservation et de valorisation de productions contemporaines inuit. L’institution marque ici son intérêt pour la dynamique culturelle de ces populations, exposant sa volonté d’illustrer la diversité des productions et des itinéraires artistiques personnels des artistes inuit. MPI

Sedna

George Arluk (né en 1949). 2007. Arviat, Nunavut, Canada. 59 × 49 × 33 cm. Stéatite. Acquis en 2007. Inv. 2007.15.1 219

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Grand corbeau (détail)

Johanasie Illauq (né en 1949). 1988. Nunavut, Canada. 70 × 87 × 40 cm. Os de baleine. Acquis en 2010. Inv. 2010.31.1

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Mannequin avec un anorak de kayak (détail) Fin du xixe siècle. Groenland, Danemark. 100 × 70 × 75 cm. Cuir de phoque, ivoire. Don de Mme Heisse, 1891. Inv. 2012.0.165

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IV. ASIE

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Tonkotsu – Tabatière à décor de crabe (détail) Hasegawa Ikko (actif de 1820 à 1850). xixe siècle. Japon. 8 × 10 × 3,4 cm. Bois, ivoire, corne, verre. Acquis en 1914. Inv. MGL1185

L’histoire et le projet muséographique des institutions à l’origine des collections asiatiques expliquent aujourd’hui leur diversité comme leur importance. Elles proviennent de trois institutions et de deux dépôts importants : le Muséum d’histoire naturelle, le musée Guimet de Lyon après sa réouverture (1913-1968) et le Musée colonial (1927-1968), ainsi que les dépôts du musée national des Arts asiatiques – Guimet de Paris (entre 1912 et 1929) et du musée de l’Œuvre de la propagation de la foi dès 1979. Chacun de ces fonds raconte une part de l’histoire des contacts entre l’Occident et cet immense territoire aux xixe et xxe siècles. Cet ensemble compte près de dix mille pièces réparties entre les pays et les zones géographiques suivantes : Chine, Japon, Inde, Mongolie, Corée, Asie centrale, monde himalayen et Asie du Sud-Est (Thaïlande, Viêtnam, Cambodge, Laos, Birmanie et toute l’Indonésie). Les entrées d’œuvres ou les dépôts des musées Guimet – Lyon et Paris confondus – représentent près de six mille pièces, essentiellement asiatiques, parmi lesquelles un grand nombre de pièces religieuses. Ainsi la collection du sinologue néerlandais Johann Jacob Maria De Groot regroupe plus de six cents éléments (statuettes, objets rituels, marionnettes, etc.) relatifs aux cultes populaires chinois de la fin du xixe siècle. Dans ce fonds Guimet, on trouve également des sculptures khmères (viie-xve siècle), gréco-bouddhiques (Afghanistan, iiie-ive siècle) et religieuses du Japon et d’Asie du Sud-Est, ainsi qu’une série de divinités hindoues collectée par le naturaliste Maurice Maindron à la fin du xixe siècle, une dizaine de peintures du Cambodge figurant des scènes du Ramayana… À ces ensembles s’ajoutent plus d’un millier de céramiques de Chine et du Japon, des ivoires chinois et japonais, des laques, armes et armures du Japon. Enfin, une dernière pièce monumentale d’architecture japonaise traditionnelle, connue sous le nom de “salle des Grues”, entre à l’inventaire en 1912 grâce à l’intervention d’Émile Guimet. Cette reproduction grandeur nature de la salle d’audience du xviie siècle du temple de Nishi Honganji à Kyôto a été réalisée pour l’exposition anglo-japonaise de Londres en 1910. Dans les journaux d’entrée du Muséum, quelques pièces asiatiques se distinguent, comme les sculptures cham (xiie-xiiie siècle) rapportées du Viêtnam par le Dr. Albert Morice à la fin du xixe siècle, la collection de Sumatra rassemblée par Ernest Journet vers 1890, quelques pièces de Corée données par l’ingénieur Émile Bourdaret, des céramiques et vanneries d’Asie du Sud-Est, des objets de culte du monde himalayen acquis dans les années 1980 ou encore, en 1986, des pièces chinoises offertes par les frères maristes de Saint-Genis-Laval parmi d’autres spécimens de sciences naturelles. Le dépôt de l’Œuvre de la propagation de la foi contient près de cinq cents objets ou lots d’objets plus usuels envoyés par les missionnaires à la fin du xixe siècle : micas indiens, boîtes laquées birmanes, chaussures, pipes à eau et à opium, modèles miniatures d’embarcation et d’habitation, etc. Enfin, le musée des Confluences s’est doté ces dernières années d’une centaine de pièces provenant de Mongolie et de quelques peintures contemporaines indiennes et japonaises. DE

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Yunshi, Hailongwang et Yushi Vers 1886-1887. Fujian, Chine. Statuettes (de gauche à droite) : Yunshi, le maître des nuages, 33 × 11,6 × 11 cm ; Hailongwang, le roi dragon des mers, 34 × 15 × 14,5 cm ; Yushi, le maître de la pluie, 31 × 11,6 × 10,5 cm. Bois polychrome, crin, soie. Dépôt du musée national des Arts asiatiques – Guimet, 1913. Inv. DMG11621, Inv. DMG11618 et Inv. DMG11620

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Thangka représentant Vajrapâni (détail) xviiie-xixe siècle. Tibet . 136 × 95 cm. Détrempe sur toile, soie, bois. Dépôt du musée national des Arts asiatiques – Guimet, 1924. Inv. DMG16510

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V. AFRIQUE

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Coiffe d’initiation (détail) Début du xxe siècle. République centrafricaine / groupe dakpa, population banda. 40 × 55 × 46 cm. Bois sculpté, fibres végétales, pigments. Don de Denise et Michel Meynet, 2000. Inv. 60008185

Avec plus de deux mille langues actuellement parlées, le continent africain est l’une des parties du monde les plus riches en termes de diversité culturelle, richesse qui s’exprime notamment à travers la culture matérielle des populations. La collection africaine du musée des Confluences se compose d’environ huit cents objets d’Afrique du Nord, cinq mille d’Afrique subsaharienne et six cent cinquante de Madagascar. À ces ensembles s’ajoute le fonds photographique ancien et contemporain. Les premières pièces ethnographiques africaines acquises par le Muséum d’histoire naturelle sont une donation d’Émile Guimet constituée d’objets d’Afrique centrale et de Somalie, une collection d’Afrique du Sud achetée en 1879 à un certain Wood et des artefacts du Congo, du Gabon et du Sénégal achetés aux frères Gravier à la fin du xixe siècle. Au fil du temps, achats et donations viennent compléter les collections du Muséum et du Musée colonial, qui bénéficie d’autres réseaux d’acquisitions, notamment ceux de l’administration coloniale. Parmi les grands ensembles conservés par le musée, citons celui de Louis Roux composé de quelques très belles œuvres de Côte d’Ivoire, tels les masques et la cuillère dan ou le casque senoufo surmonté d’une figure féminine. Au xxe siècle, cet ensemble est étoffé par l’achat de chefs-d’œuvre de la statuaire senoufo et dan. Dans les années 1930, le Musée colonial bénéficie de deux importantes donations : l’une formée de la collection de peintures et objets d’Afrique du Nord des artistes Jean et Marie Caire, l’autre de photographies et d’objets de Madagascar rassemblés par Charles Renel, administrateur colonial et directeur de l’enseignement sur l’île. En 2000, le département Afrique s’enrichit de plus de sept cents pièces, provenant de tout le continent, grâce à la généreuse donation de Denise et Michel Meynet, composée d’objets du quotidien. À cet ensemble diversifié vient s’ajouter, en 1979, l’exceptionnel dépôt de l’Œuvre de la propagation de la foi, qui regroupe des objets souvent anciens provenant des pays du golfe de Guinée et d’Afrique centrale, mais aussi de zones qui n’ont jamais été sous domination coloniale française. C’est notamment le cas du siège kami et la statue zaramo/doë de Tanzanie, pays dont les productions artistiques sont rarement représentées dans les institutions françaises. Enfin, le fonds photographique ancien constitue une documentation remarquable sur l’histoire de l’Afrique. Il comprend notamment l’importante donation des photographies, plaques de verre et films réalisés par Louis Desplagnes, qui voyage au Mali entre 1904 et 1905, devenant le premier Occidental à explorer le plateau nigérien de manière aussi complète. Ce fonds comporte également un ensemble contemporain, où sont représentés, entre autres, les artistes Alioune Bâ, Dicko Harandane, Tidiani Shitou, Oumar Ly, Baudouin Mouanda et Sammy Baloji. MP

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1. Masques dan : des fonctions évolutives

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Masque Début du xxe siècle. Côte d’Ivoire / population dan. 42 × 27 × 43 cm. Bois, pigments naturels, fibres végétales, dents. Acquis en 1936. Inv. 60004148

Bibliographie J.-P. Colleyn, “Les masques et le rapport à l’invisible”, in Arts d’Afrique, Voir l’invisible, Hazan, Paris, 2011, p. 17-21. E. Fischer, H. Himmelheber, The Arts of the Dan in West Africa, Museum Rietberg, Zurich, 1984. M.-N. Verger-Fèvre, “Masques en pays dan de Côte d’Ivoire”, in Arts de la Côte d’Ivoire, tome I, musée Barbier-Mueller, Genève, 1993, p. 144-183. Collectif, Cultures du monde : chefs-d’œuvre du musée des Confluences, musée des Confluences/Glénat, Lyon/Paris, 2006.

n Occident, le masque est perçu comme le fleuron de l’art africain, admiré pour sa beauté plastique, la finesse de son exécution, l’ingéniosité de l’artiste qui l’a réalisé. Dans sa culture d’origine, bien que l’aspect esthétique soit important, un masque est autre chose qu’un objet habilement sculpté qui dissimule le visage. Sacré ou profane, conservé d’une génération à l’autre ou éphémère, en bois, en tissu, en fibres ou en feuilles, accompagné de musique, chantant ou muet, statique ou dansant, diurne ou nocturne, visible par tous ou seulement par une partie de la population, le masque matérialise les créatures d’un autre monde, incarne un concept ou une entité spirituelle en lui donnant un moyen d’expression. Accompagnant les grands moments de la vie, garant de l’ordre social et de l’équilibre entre les mondes visible et invisible, il détient et transmet un savoir, au cœur d’une communauté pour laquelle il fait sens. Chez les Dan, qui vivent à l’ouest de la Côte d’Ivoire, à l’est du Liberia et en Guinée, les cérémonies à caractère religieux et les moments de sociabilité sont rythmés par l’apparition de masques. Ceux-ci sont variés dans leur forme comme dans leur usage en raison de l’étendue du territoire dan, les différentes régions subissant l’influence des peuples voisins, aussi bien sur le plan artistique que sur le plan socioculturel. Les masques dan peuvent être regroupés en deux catégories principales : les grands masques, qui représentent des forces spirituelles, chargées de maintenir l’ordre social, et les petits masques, dévolus aux fêtes qui animent les villages. La face sculptée d’un masque fournit des éléments sur le rôle joué par le personnage ou l’entité qu’il incarne (policier, bagarreur, chanteur, comédien, de circoncision, de justice, etc.). Mais, bien souvent, c’est la coiffure, le costume,

la danse, la manière de se mouvoir et de se comporter, ainsi que les circonstances d’apparition du masque, qui vont permettre d’affirmer quel est le caractère du masque et clarifier son rôle dans la société. Chaque masque possède un nom, un rôle et un comportement qui lui est propre. Dans les communautés dan, non seulement la variété de masques est large, mais ils peuvent en plus changer de statut et de fonctions. Certains passent de la catégorie de petit masque à celle de grand masque, remplissant un nouveau rôle dans la société. Ils sont alors placés sous l’autorité des hommes d’âge mûr et entourés de secrets. À l’inverse, les masques dits “guerriers”, qui accompagnaient autrefois l’effort des combattants du village, ont perdu leur mission première et ils s’en sont vu attribuer une autre, parfois moins prestigieuse. Le musée des Confluences possède une dizaine de masques dan qui ont, pour la plupart, été acquis entre 1936 et 1938 auprès de Louis Roux, planteur et chasseur à Danané, ville du pays dan, en Côte d’Ivoire. L’un de ces masques présente un visage aux traits doux, d’une grande finesse, suggérant un caractère féminin. Les lèvres charnues laissent apparaître de fines dents blanches, et les pommettes saillantes font écho au bombé du front. Le modelé du visage, qui témoigne de la virtuosité du sculpteur, est accentué par une patine sombre et luisante. Les yeux sont figurés de manière très étirée, ce qui correspond à l’idéal de beauté classique des Dan. La couleur rouge appliquée sur la bouche peut évoquer le goût pour la mastication des noix de cola et invite les spectateurs à en offrir au masque. La précieuse élaboration de la coiffure, probablement ancienne, reproduit la parure traditionnelle des femmes – coiffure que les guerriers pouvaient également porter dans le passé afin

de tromper la vigilance des ennemis en se travestissant en femme. Parfois plus prisées que le masque lui-même, ces coiffures complexes à réaliser étaient transmises d’une génération de masques à l’autre. Un second masque dan acheté par le musée des Confluences au collectionneur Patrick Girard, a été collecté en 1968 au Liberia. De dimensions imposantes, il présente une belle régularité des traits et s’inscrit dans le style des sculpteurs dan septentrionaux. Selon Patrick Girard, la coiffure complexe et la barbe, agrémentée de chaînes, de perles, de pendeloques et de dents de panthère, rendent l’utilisation de ce masque peu propice à la danse, l’excluant sans doute de la catégorie des masques de divertissement. Il pourrait s’agir d’un masque appartenant à la catégorie des grands masques, sans que l’on puisse être plus précis sur sa destination. La difficulté à caractériser un masque – alliant ici des yeux en fente, supposés féminins, et une barbe, caractéristique masculine – n’est pas exceptionnelle chez les Dan, qui expliquent, d’une part, qu’un homme peut aussi avoir un joli visage et, d’autre part, que certains masques masculins reprennent les caractères féminins (yeux en amande et coiffure élaborée) afin de séduire les hommes et les esprits. MP

Masque Fin du xixe-début du xxe siècle. Nimba : Liberia, Guinée et Côte d’Ivoire / population dan. 57 × 26 × 10,5 cm. Bois (Holarrhena africana), dents de panthère, perles de verre, métal, cheveux, fibres végétales, cauris. Acquis en 2003. Inv. 2003.15.1

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9. Les momies animales de l’Égypte antique

1- La première radiographie de l’histoire a lieu le 22 décembre 1895. Il s’agit d’une radio de la main d’Anna Bertha Röntgen, épouse de Wilhelm Röntgen, découvreur des rayons X. 2- Mahes : Momies animales et humaines égyptiennes. Perception de la mort en Égypte ancienne à travers l’étude des animaux sacrés. 3- esrf : European Synchrotron Radiation Facility. Statue-sarcophage de faucon Gabbanat el-Gouroud, Vallée des Singes, Égypte. Époque gréco-romaine (ive siècle av. J.-C.iie siècle apr. J.-C.). 49,5 × 42,5 × 14,5 cm. Matières organiques, lin, bois, pigments. Inv. 90000834 et Inv. 90001849

De l’origine des espèces égyptiennes

À

la fin du xixe siècle, Darwin a déjà révolutionné la biologie, mais sa théorie sur l’évolution des espèces appelle encore de nouvelles contributions. Louis Lortet, médecin, zoologiste et directeur du Muséum d’histoire naturelle de Lyon, entreprend alors de recueillir sur le sol égyptien des centaines de momies animales datées de quelques milliers d’années. Sa démarche est motivée par l’espoir d’identifier des tendances évolutives dans l’intervalle de temps qui sépare la faune contemporaine égyptienne de cette faune “antique”. Si la période étudiée s’avère trop courte pour tirer des conclusions solides, cette expérience permet la constitution d’un fonds exceptionnel de momies animales, le plus important au monde à l’extérieur des frontières égyptiennes. Plus de deux mille cinq cents momies animales sont conservées au musée des Confluences. Rapaces, gazelles, ibis, musaraignes, taureaux, béliers, crocodiles, perches du Nil, chats, chiens, singes, hyènes : la plupart des espèces momifiées par les anciens Égyptiens sont présentes dans cette collection, qui compte également de remarquables jarres funéraires, cercueils et bronzes reliquaires. Des animaux et des dieux Les Égyptiens associaient des espèces animales à leurs divinités. Les momies de crocodiles découvertes dans les nombreuses nécropoles de la Vallée du Nil témoignent ainsi des offrandes faites au dieu Sobek dans l’espoir d’obtenir ses faveurs. Des catacombes d’ibis sont approvisionnées à travers toute l’Égypte pour satisfaire Thot, et plusieurs centaines de milliers de momies de chats ont été sorties de terre près des temples dédiés aux déesses félines, notamment Bastet…

Au musée des Confluences, à l’exception des quelques rares individus “sacrés” (un bélier et des crocodiles), considérés de leur vivant comme des incarnations divines, les momies sont des animaux “sacralisés”. Ces offrandes animales sont préparées par les prêtres, parfois excérébrées ou éviscérées, puis déshydratées, embaumées et enfin recouvertes de bandelettes de lin. La plupart des momies du musée possèdent toujours leurs bandelettes, mais certaines, ouvertes par Lortet dans le cadre de ses recherches, se présentent aujourd’hui sous la forme de squelettes “préparés”. Si Lortet a toujours limité ses prélèvements, ce n’est qu’à partir de la découverte des rayons X en 18951 qu’il peut réellement imaginer “décrypter” ces momies tout en préservant leur intégrité. Dès 1904, il les radiographie à Lyon. Plus d’un siècle après les travaux de Lortet, en 2013, le projet Mahes2 replace les momies de Lyon sur le devant de la scène. Il engage une vaste campagne de nouvelles radiographies, de datations, d’analyses géochimiques des squelettes et d’analyses des textiles comme des baumes de momification. On compile ainsi des données pluridisciplinaires inédites. Le projet Mahes est aussi à l’origine d’une collaboration entre le musée et l’accélérateur de particules de Grenoble3. Les momies passées dans le faisceau synchrotron révèlent des informations précieuses, en particulier le régime alimentaire des animaux au moment de leur mort, leur origine sauvage ou captive, ou la présence fréquente d’espèces distinctes au sein d’un même objet ; autant d’éléments qui nous éclairent sur l’économie animale à l’époque et qui ouvrent parfois la voie à de nouvelles perspectives d’interprétation des cultes égyptiens.

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Momie de chat Époque gréco-romaine (ive siècle av. J.-C.-iie siècle apr. J.-C.). Stabl-Antar, Moyenne-Égypte, Égypte. 58 × 10 × 11,3 cm. Matières organiques, lin. Don de Gaston Maspero, 1901. Inv. 90001203

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Statue d’homme barbu Époque prédynastique (3800-3100 av. J.-C.). Gebelein, Haute-Égypte, Égypte. 50 × 13,5 × 12,7 cm. Brèche à veines roses. Fouilles du musée, 1909. Inv. 90000171 page en regard Momie de Taubasthis et les éléments de parure du cartonnage Époque ptolémaïque (305-30 av. J.-C.). Kom Ombo, Haute-Égypte, Égypte. 160 × 38 × 30 cm. Lin et cartonnage polychrome. Fouilles du musée, début du xxe siècle. Inv. 90001172

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