INTÉGRALE 2012-2014 JOURNAUX des KIOSQUES

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Kiosque Actualités scientifiques

LA SCIENCE EN MARCHE ! Un rendez-vous régulier avec l’actualité scientifique : les découvertes et leurs acteurs,

Janvier 2012 > Décembre 2014 17 kiosques-Actus

n Studio Pastre

du quotidien à l’exceptionnel.


Le kiosque-actus est né d’une volonté commune d’unir nos métiers pour rendre compte de l’actualité scientifique aux publics toulousains. C’est une action phare qui a désormais toute sa légitimité dans la programmation du Muséum. Francis Duranthon,

Christophe Giraud,

le Directeur du Muséum de Toulouse

Délégué Régional du CNRS en Midi-Pyrénées

Remerciements à toutes les équipes du Muséum et du CNRS qui se mobilisent régulièrement pour la réussite de ce projet.


La science en marche au Muséum ! L

e Kiosque-Actus résulte d’un partenariat entre le CNRS et le Muséum de Toulouse. Cette offre repose sur l’interactivité entre publics et chercheur-e-s et permet non seulement aux scientifiques de partager leurs connaissances mais également aux publics de percevoir les différentes facettes d’une recherche dynamique. C’est une structure légère et régulière qui a lieu 5 fois par an un dimanche de gratuité pour toucher le public le plus large possible, sans a priori sur ses connaissances. C’est un kiosque, une sorte de « marché des sciences » où chacun-e- vient découvrir, échanger et s’approprier ce qui l’intéresse. De nombreuses thématiques y sont traitées, couvrant un large domaine afin de mettre en avant la pluridisciplinarité inhérente à une démarche scientifique et la diversité du monde de la recherche. Du chercheur au technicien, du doctorant à l’ingénieur, en passant par l’enseignant-chercheur, tous les acteurs y sont conviés, sans oublier les membres d’associations scientifiques. La programmation de chaque kiosque s’intègre dans les préoccupations du Muséum - homme, nature, environnement - et fait écho à une actualité scientifique ou à événement spécifique du Muséum. Ce document présente l’ensemble des « journaux » et des quizz qui ont été distribués aux publics depuis le premier Kiosque, le 8 janvier 2012. Il ne se veut ni « pointu » ni exhaustif. Il a pour ambition d’être clair et bien illustré pour répondre à l’intérêt que portent collégien-ne-s, lycéen-ne-s, étudiant-e-s, professeur-e-s et simples citoyen-ne-s aux questions scientifiques d’actualité. Dominique Morello, Chargée de mission CNRS, Responsable du Kiosque-Actus

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e r i a m m o S 3

Kiosque n° 1 : Prix Nobel à l’immunité et à… la drosophile, 8 janvier 2012

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Kiosque n° 2 : Palmarès des découvertes scientifiques 2011, 5 février 2012

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Kiosque n° 3 : Les bactéries, pour le meilleur et pour le pire, 4 mars 2012

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Kiosque n° 4 : Histoires scientifiques insolites ou canulars ? 1er avril 2012

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Kiosque n° 5 : Rio +20, la conférence sur le développement durable, 17 juin 2012

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Kiosque n° 6 : Les péripéties de l’eau sur Terre, 2 septembre 2012

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Kiosque n° 7 : Le patrimoine culturel immatériel de l’humanité, 2 décembre 2012

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Kiosque n° 8 : L’eau et la vie, ici et ailleurs, 3 février 2013

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Kiosque n° 9 : Cerveau et modèles animaux : des souris, des abeilles et des hommes, 3 mars 2013

58

Kiosque n° 10 : Alimentation, santé et bien-être, 2 juin 2013

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Kiosque n° 11 : Les insectes, c’est fou ! 1er septembre 2013

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Kiosque n° 12 : Faune sauvage sous haute surveillance, 1er décembre 2013

76

Kiosque n° 13 : Un siècle de cristallographie, 2 février 2014

82

Kiosque n° 14 : Cerveau et mouvement : quel remue-méninges, 2 mars 2014

88

Kiosque n° 15 : Bestiaires, gargouilles et autres chimères, 6 juillet 2014

94

Kiosque n° 16 : Plantes et jardins médicinaux, 7 septembre 2014

100

Kiosque n° 17 : Sciences et handicaps : des recherches fondamentales aux défis technologiques, 7 décembre 2014


e u q s Kio scientifiqu L’ a c t u a l i t é

N° 1

um e au Musé

Prix Nobel à l’immunité et à… la drosophile 8 janvier 2012

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e u q s o i K scientifiqu L’ a c t u a l i t é

um e au Musé

Prix Nobel de Médecine 2011 Le 3 octobre 2011, ils ont reçu le Prix Nobel de Physiologie ou Médecine pour leurs travaux sur l’immunité (l’ensemble des mécanismes de défense contre les infections) Jules Hoffmann

Bruce Beutler

Ralph Steinman

Médaille d’Or du CNRS 2011 Professeur et chercheur, Université de Strasbourg, Directeur de Recherche émérite au CNRS (Né en 1941)

Professeur et chercheur, Institut Scripps, La Jolla, Californie, USA (Né en 1957)

Professeur et chercheur, Université Rockefeller, New York, USA (1943-2011)

Les lauréats ont bénéficié de l’aide précieuse de leurs collaborateurs et de deux modèles d’étude privilégiés, la drosophile (mouche du vinaigre) et la souris.

Conception : Dominique Morello Remerciements – Aux scientifiques éclairés : Jean-Charles Guéry et Jean-Jacques Fournié (CPTP, INSERM U563), Michèle Crozatier, Alain Vincent, Vanessa Gobert (CBD, CNRS UMR 5547, UPS), Magali Suzanne et Corinne Bennassayag (LBCMCP, CNRS UMR 5088, UPS). – Aux lecteurs “naïfs” Alice, Jean, Emilie et Nicole. – À tous les drosophilistes du CBD pour leur participation active à l’animation.

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um e au Musé

La réponse immune innée Un système de défense universel, immédiat et très efficace contre tous les microbes J. Hoffmann et B. Beutler ont découvert des molécules qui jouent un rôle crucial dans la lutte contre les microbes. Ces molécules s’appellent les récepteurs Toll ou TLR.

Bactéries

Récepteur Toll Microbe

Membrane de la cellule

Les récepteurs Toll (ou TLR) sont des molécules présentes à la surface des cellules. Ils reconnaissent un microbe, quel qu’il soit, comme un organisme étranger.

Différents microbes Champignons

Zoom

Noyau

Cellule

Le rôle du récepteur Toll dans l’immunité de la drosophile a été découvert en 1996 dans le laboratoire de J. Hoffmann. Si le récepteur Toll ne fonctionne pas, la drosophile ne peut pas combattre une infection par des champignons (ou des bactéries) et elle meurt.

Virus

Amibes, Trypanosome (maladie du sommeil), Plasmodium (paludisme…) …

différents sur nos cellules. Chacun est spécialisé dans la reconnaissance de différents microbes.

Toll non fonctionnel

Autres

Deux ans plus tard, l’équipe de B. Beutler montre qu’il existe chez les mammifères des récepteurs similaires au récepteur Toll de la drosophile. Ce sont les TLR (pour Toll-like Receptor). Il y a plus d’une dizaine de TLR Microbe 1 TLR 5

TLR 4

Microbe 2 TLR 2 TLR 6

Noyau

Réponse A

Réponse B

Drosophile infestée de champignons (travaux et photo Bruno Lemaitre)

Les globules blancs de notre corps Adénoïde

Amygdales

Vaisseau lymphatique

Thymus Rate

Plaques de Peyer de l’intestin grêle

Ganglion lymphatique

Ils circulent dans le sang et sont concentrés dans diverses régions du corps (rate, thymus, moelle osseuse….). Pour les voir, il faut un microscope.

Ces globules blancs mangent les microbes Neutrophile

Macrophage

Cellule

Bactérie

Virus

1/100 mm

1/1 000 mm

1/10 000 mm

Celui-là tue les cellules infectées

Lymphocyte T Tueur

Celui-là fabrique des anticorps

Lymphocyte B

Moelle osseuse

Cellule dentritique

À SAVOIR T vient de Thymus

Bactérie

Bactérie recouverte d’anticorps

B vient de Bone Marrow

(moelle osseuse en anglais)

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e u q s o i K L’ a c t u a l i t é

scientifiqu

um e au Musé

La réponse immune innée : comment ça marche? Après une infection, la reconnaissance des microbes par les cellules portant les récepteurs Toll ou TLR entraîne très rapidement la production de substances chimiques variées qui protègent l’organisme contre l’infection. Ces substances peuvent neutraliser directement les microbes ou agir comme de véritables « alarmes moléculaires » qui informent le reste de l’organisme de la présence et du type de microbes rencontrés. Chez les vertébrés, ces signaux d’alarme servent en plus à mettre en place une réponse de longue durée, adaptée au microbe rencontré, la réponse immune adaptative.

Chez la drosophile Les cellules pourvues de récepteurs Toll (cellules du corps gras et macrophages) produisent des molécules appelées peptides anti-microbiens qui détruisent les microbes. Les macrophages* peuvent également éliminer les microbes en les mangeant (phagocytose).

Chez les mammifères Les cellules du sang qui portent des TLR (macrophages, cellules dendritiques) phagocytent les microbes ou les tuent (1). Les cellules dendritiques produisent également des molécules chimiques (2) qui activent d’autres cellules du système immunitaire, les lymphocytes T et B.

Microbe Microbe 11

Cellule Cellule

Peptides anti-microbiens et phagocytose

*(en grec macrophage signifie « gros mangeur », de makros = grand et phagein =

1

Microbe Microbe

manger).

Cellule Cellule 22

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Peptides anti-microbiens et phagocytose

Production de signaux solubles qui préviennent de l’infection (cytokines inflammatoires) et activent les lymphocytes T et B, véritables acteurs de la réponse immune adaptative.

Les mécanismes moléculaires sont très semblables chez la drosophile et les mammifères.

La lutte contre l’infection INEFFICACE Bactérie

Virus

EFFICACE Bactérie Virus

Toxines Extérieur

Peau

Intérieur

Multiplication de la bactérie ou du virus Propagation de l’infection

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Arrêt de l’infection


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Immunité innée et immunité adaptative L’immunité innée est un système de défense contre les infections apparu très tôt dans l’évolution, probablement dès l’apparition des organismes pluricellulaires, il y a environ un milliard d’années. À cette immunité s’est ajouté, au fur et à mesure de l’évolution, un autre type d’immunité, plus sophistiqué, l’immunité adaptative. Elle serait apparue il y a environ 450 millions d’années chez les premiers vertébrés.

L’immunité innée est présente chez 2 millions d’espèces

L’immunité adaptative est présente chez environ 50 000 espèces, soit moins de 3% des espèces vivantes

Apparition de l’immunité adaptative, il y a environ 450 millions d’années Apparition de l’immunité innée, il y a environ 1 milliard d’années

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La réponse immune adaptative Un système de défense propre aux mammifères, plus lent que la réponse immune innée, mais beaucoup plus perfectionné et qui garde la mémoire de l’intrus. En 1973, R. Steinman a découvert chez les mammifères, un nouveau type de cellules immunes : les cellules dendritiques. Ces cellules détectent les microbes et signalent leur présence à d’autres cellules spécialisées du système immunitaire : les lymphocytes T et B qui sont les acteurs principaux de l’immunité adaptative. Les cellules dendritiques assurent le lien entre la réponse immune innée et la réponse immune adaptative.

Les lymphocytes B activés par les cellules dendritiques produisent des armes spéciales, les anticorps, qui reconnaissent les microbes et permettent leur destruction. Les lymphocytes T tuent les cellules infectées et ainsi évitent la propagation du microbe. Les lymphocytes T peuvent également tuer des cellules « anormales » de notre corps, par exemple des cellules cancéreuses. Une des caractéristiques remarquables de la réponse immune adaptative est que les lymphocytes T et B gardent la mémoire du microbe. La mémoire immunitaire permet de combattre très rapidement et avec efficacité une deuxième infection par le même microbe.

PLAIE Microbes Milieu extérieur Peau

1° Activation des cellules dendritiques par contact avec les microbes qu’elles ingurgitent. Elles en présentent des fragments à leur surface; ce sont les antigènes.

Milieu intérieur

2° Migration des cellules dendritiques vers les ganglions lymphatiques via les vaisseaux sanguins

Auxiliaire

3° Présentation des antigènes portés par les cellules dendritiques à des lymphocytes T auxiliaires qui permettent l’activation spécifique de lymphocytes B et T dans les ganglions lymphatiques 4° Activation de lymphocytes T tueurs spécifiques du microbe

Anticorps Les cellules dendritiques ont des sortes de « bras » qui rayonnent comme les branches d’un arbre, d’où leur nom (en grec dendron = arbre). Photo : J. Behnsen

Vaisseau sanguin

Ganglions lymphatiques

Tueurs

5° Production d’anticorps spécifiques du microbe par les lymphocytes B TCR (T cell receptor)

MHC II (Major Histocompatibility Complex)

« Clef et serrure » sur les cellules dendritiques et les T auxiliaires

Se souvenir du microbe : la mémoire immunitaire La première rencontre

La deuxième rencontre 2-3 jours

1 semaine Anticorps

« Super » anticorps

Virus

Il faut environ une semaine pour que le lymphocyte B qui a rencontré un virus fabrique des anticorps qui vont combattre le virus.

La deuxième fois, il ne faut que quelques jours pour que le lymphocyte qui a gardé la mémoire du virus fabrique une énorme quantité d’anticorps encore plus efficaces

Quand on vaccine, on « mime » une première rencontre avec un microbe. On développe la mémoire immunitaire sans tomber malade. Lorsqu’on rencontre plus tard le même microbe, la mémoire permet de produire de super anticorps très vite et ainsi de ne pas être malade.

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Retombées des découvertes dans le domaine de la santé Recherche fondamentale 1.

Les découvertes des trois lauréats et de leurs collègues ont révolutionné notre compréhension de l’immunité. Elles ont également permis d’expliquer de nombreux résultats obtenus de manière empirique, comme l’ajout d’adjuvant lors de la préparation d’un vaccin.

Virus inactivé (rougeole, rubéole)

1. Lorsqu’on vaccine, on injecte une version atténuée d’un virus. Elle déclenche une réponse immune primaire adaptative, c’est à dire la production d’anticorps spécifiques du virus injecté. Si par la suite, on est infecté par le virus, vivant cette fois-ci, il est éradiqué très rapidement grâce à la mémoire immunitaire.

vaccin

2. vaccin

2. Mais cette stratégie, comme dans le cas du virus de la grippe, n’est pas toujours efficace et peu d’anticorps sont produits. 3.

3. Un vaccin efficace est obtenu en ajoutant à la préparation virale un « adjuvant ». L’adjuvant n’induit pas par lui-même la synthèse d’anticorps mais se fixe sur les récepteurs Toll (TLR), stimulant ainsi la réaction immune innée au point d’injection. Cette réaction contribue alors au développement d’une réponse immune adaptative robuste et à la fabrication d’anticorps spécifiques du virus.

Virus inactivé + adjuvant

AVANCÉES THÉRAPEUTIQUES La découverte des récepteurs TLR et des cellules dendritiques a ouvert la voie à de nouvelles stratégies vaccinales et à d’importantes avancées thérapeutiques, notamment dans le domaine du cancer, des maladies auto-immunes, des maladies inflammatoires chroniques ou encore des infections virales. Exemple de vaccin basé sur les cellules dendritiques

Coculture

Dans le cas de traitement contre certains cancers, on prélève les cellules dendritiques du patient; on les cultive avec ses celnoyau lules tumorales pour stimuler leur capacité Cellule à reconnaître les cellules tumorales comme des cellules étrangères. On réinjecte les cellules dendritiques ainsi éduquées au même Cellule Cellule Cellule dentritique vaccin patient qui va produire des lymphocytes cancéreuse dentritique « éduquée » tueurs spécifiques des cellules tumorales. C’est la stratégie qu’a utilisée R. Steinman, le Cellule « découvreur » des cellules dendritiques, pour combattre son cancer du pancréas. Cette thérapie lui a permis de survivre quelques années, mais il est malheureusement mort quelques jours avant de recevoir le prix Nobel.

+

+

Cellule

Exemple de vaccin basé sur les TLR Des molécules synthétiques capables d’activer les TLR (agonistes) sont utilisées comme adjuvant dans la préparation de vaccins contre des maladies infectieuses (virus de l’hépatite C ou du papillome humain). Elles sont également utilisées pour éradiquer les cellules tumorales grâce à leur capacité de provoquer la mort de cellules cancéreuses portant un TLR particulier (par exemple le TLR3).

Agoniste

vaccin

TLR3

noyau

Cellule Cellule cancéreuse

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Kiosque L’ a c t u a l i t é

scientifiqu

um e au Musé

la mouche drosophile Un bon modèle de recherche La drosophile est un insecte qui appartient à l’ordre des diptères

Le cycle de vie de la drosophile Accouplement

diptera drosophile

Mise en place des futurs organes adultes

Métamorphose : formation des organes adultes

insectes

hymenoptera

moustique

lepidoptera

La drosophile est un bon modèle d’étude d’autres diptères qui causent des maladies comme la mouche du sommeil ou les moustiques, vecteurs de la malaria, du chicungunya ou de la dengue. Mais c’est également un très bon modèle pour étudier des processus physiologiques comme le développement embryonnaire, la réponse immunitaire ou le vieillissement ou bien encore des maladies humaines, comme le cancer, la maladie d’Alzheimer, de Parkinson ou l’autisme…

CROISSANCE

En 10 jours, chacun des 400 œufs pondus par une femelle devient une mouche adulte qui vit environ 30 jours à 29°C

L’Homme et la drosophile : pas si différents 30 000 gènes

2/3 des gènes impliqués dans de graves pathologies chez l’Homme existent chez la drosophile

15 000 gènes

Les gènes qui contrôlent le fonctionnement des cellules et la mise en place des tissus formant un organisme sont similaires chez l’Homme et la drosophile. L’étude de leurs mécanismes d’action chez la drosophile permet de mieux comprendre comment la maladie apparaît et se développe chez l’Homme.

Quatre prix Nobel ont déjà été attribués grâce à des travaux sur la drosophile En 1933, à Thomas Hunt Morgan pour ses travaux sur les mécanismes de transmission de l’hérédité.

En 1946, à Hermann Joseph Muller pour la découverte que les rayons X peuvent induire des mutations.

En 1909, Morgan identifie la mutation white (œil blanc) chez la drosophile. C’est la œil de drosophile première mutation jamais identifiée. Les travaux de Morgan apportent la preuve que les « caractères » découverts par Mendel sur les petits pois ont une base physique, « sauvage » mutant les gènes.

Cet élève de Morgan découvre en 1926 un lien de cause à effet entre la dose d’irradiation aux rayons X à laquelle on soumet une drosophile et le nombre de mutations induites. Il démontre ainsi la dangerosité des expositions aux rayonnements. Ses travaux établissent également qu’une protéine est codée par un gène, ouvrant ainsi l’ère de la biologie moléculaire.

En 1995, à Edward Lewis, Christiane Nüsslein-Volhard et Eric Wieschaus pour leurs travaux sur le contrôle génétique du développement animal.

Lewis décrit le premier des mutations dites « homéotiques » qui modifient le plan d’organisation de la drosophile , par exemple l’apparition de 4 ailes dans le mutant bithorax. Les gènes homéotiques existent chez tous les animaux. Ils contrôlent le plan général du corps; leurs mutations provoquent d’importantes malformations, y compris chez l’Homme.

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avant

après

rayon X

cassures, mutations

drosophile « sauvage » 2 ailes

mutant « bithorax » 4 ailes

En 2011, à Jules Hoffmann pour la découverte des récepteurs Toll et leur rôle dans l’immunité innée, un mécanisme de défense très efficace contre tous les microbes qui est présent chez tous les animaux. Récepteur Toll


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um e au Musé

! s i o m u d z z i Le qu

Dimanche 8 janvier 2012

Prix Nobel à l’immunité et à… la drosophile 1. Combien une drosophile a-t-elle de pattes ? n A. 4 n B. 6 n C. 8

5. La drosophile a-t-elle un système immunitaire ? n A. Oui n B. Non

6. Quel est le nom du prix Nobel français de médecine 2011 ? n A. Nobel n B. Pasteur n C. Hoffmann

2. Combien une drosophile a-t-elle d’ailes ? n A. 1 n B. 2 n C. 4

7. Citez deux microbes n A. ………………… n B. ………………………

3. Combien de temps environ vit une drosophile ? n A. 30 jours n B. 6 mois n C. 1 an 4. Combien d’embryons en moyenne pond une femelle drosophile ? n A. 40 n B. 400 n C. 4  000

8. Sont-ils présents tous les deux chez la drosophile ? n A. Oui n B. Non

N° 1 - DIMANCHE 8 janvier 2012

http://museum.toulouse.fr

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N° 2

um e au Musé

Palmarès des découvertes scientifiques 2011 5 février 2012

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e u q s Kio e scientifiqu é t i l a u t c a L’

m au Muséu

PEUT-ON RALENTIR LES EFFETS DE L’ÂGE ? Trois études publiées dans de grandes revues scientifiques se sont penchées sur les causes du vieillissement cellulaire et les possibilités de le retarder. Faire du neuf avec du vieux : on efface tout et on recommence

Les marques du temps ne sont pas irréversibles

Des chercheurs de Montpellier ont montré que des cellules de peau prélevées sur des centenaires pouvaient, une fois mises en culture et manipulées génétiquement, retrouver leur jeunesse.

Des biologistes américains ont isolé une molécule qui s’accumule dans le sang avec l’âge et compromet l‘apprentissage.

La « recette » du rajeunissement cellulaire

Si on injecte cette molécule à de jeunes souris par voie intraveineuse (schéma), elle provoque une réduction de leur capacité d’apprentissage. A l’inverse, de nouveaux neurones apparaissent dans le cerveau de souris âgées irriguées avec du sang de jeunes souris. Même s’il reste du chemin à parcourir avant que des personnes âgées bénéficient de ces recherches, ces travaux montrent que les marques du temps ne sont pas irréversibles. Souris âgée

Souris jeune

Éliminer les vieilles cellules pour rester jeunes Certaines cellules ne se divisent plus et s’accumulent dans notre corps. Ces cellules « sénescentes » pourraient être responsables de dommages variés. Des chercheurs américains ont fait l’hypothèse que leur élimination permettrait de rester jeune plus longtemps.

© JM Van Deursen

Les cellules du très jeune embryon sont pluripotentes, c’est à dire qu’elles peuvent donner naissance, au fur et à mesure de leurs divisions, aux différentes cellules qui constituent notre corps (cerveau, peau, sang,…). Une fois « différenciées », les cellules ne se divisent plus qu’un nombre limité de fois. L’enjeu des expériences du groupe montpelliérain était de comprendre si des cellules « âgées » qui ne se divisent plus depuis longtemps pouvaient être « reprogrammées » en cellules pluripotentes. La réponse est oui. La « recette » marche, mais quand pourra-t-on en routine réparer des tissus endommagés chez des personnes âgées?

Pour tester leur hypothèse, les chercheurs ont fabriqué un modèle de souris qui meurent jeunes avec de nombreux symptômes de vieillissement prématuré (à gauche sur la photo). Ils ont ensuite traité ces souris avec une drogue qui élimine les cellules sénescentes. Les souris traitées ne vivent pas plus longtemps mais vivent beaucoup mieux (à droite sur la photo). De là à rêver un jour d’une vieillesse plus dorée …

N° 2 - février 2012

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e u q s Kio scientifiqu L’ a c t u a l i t é

um e au Musé

SIDA LE DOUBLE BÉNÉFICE D’UN TRAITEMENT PRÉCOCE Un essai clinique de grande envergure, dont les premiers résultats ont été dévoilés en août 2011, montre de manière non ambigüe qu’un traitement précoce du virus du Sida permet non seulement de contenir la maladie mais également de prévenir la propagation du virus. Vers la fin de l’épidémie ?

D

© Stéphane Blot

epuis sa découverte il y a 30 ans, le virus du sida (ou retrovirus HIV) est toujours dévastateur : dans le monde, plus de 30 millions de personnes sont porteuses du sida et plus de 2 millions en meurent chaque année. Aujourd’hui, il n’existe pas de vaccin et aucun traitement permettant de guérir du sida n’est disponible. L’essai clinique entrepris par l’équipe américaine menée par le Dr M. Cohen portait sur près de 2 000 couples hétérosexuels dont un des partenaires était contaminé. Son enjeu était de tester si un traitement précoce de la personne contaminée pouvait limiter la transmission du virus au partenaire non infecté. Les premiers résultats apportent une preuve irréfutable : plus on traite tôt et plus la transmission du virus est faible.

L’étude réalisée dans 9 pays différents a porté sur 1763 couples dont un des membres était infecté par le virus du sida. La moitié des personnes infectées a reçu un traitement contre le virus dès le début de l’essai, avant l’apparition des symptômes, alors que dans l’autre moitié, les personnes n’ont été traitées que lorsque leurs défenses immunitaires avaient chuté. Le taux de transmission du virus au partenaire non infecté et l’apparition de symptômes liés au virus ont été comparés entre les groupes, traité précocément ou non. 1 seul des 28 cas avérés de transmission était observé dans le groupe traité, les 27 autres étant dans le groupe non traité. Cette étude montre qu’une thérapie anti-rétrovirale précoce diminue l’apparition des symptômes cliniques et réduit considérablement (96%) le taux de transmission hétérosexuelle du virus du sida.

Si les recherches pour développer vaccins et traitements efficaces contre le sida doivent être poursuivies, voire même intensifiées, la preuve est maintenant là qu’une génération sans sida demain est possible. Il en va de la santé publique mondiale. Encore faut-il s’en donner les moyens. ACTION !

N° 2 - février 2012 14

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e u q s Kio m au Muséu e u q i f i t n scie L’ a c t u a l i t é

LA CHASSE AUX PLANÈTES LOINTAINES S’ACCÉLÈRE

Grace au télescope Kepler de la NASA (ci-dessus), les scientifiques ont découvert de très nombreuses exoplanètes. Pour l’instant, peu ont une taille proche de celle de la Terre et aucune ne se trouve dans une zone habitable, c’est à dire où les températures sont compatibles avec la vie. Cependant, leur étude apporte de précieux renseignements. Des chercheurs américains ont décrit deux exoplanètes rocheuses, Kepler 20e et 20f de tailles comparables à celle de Vénus et de la Terre. Kepler 20e et 20f bouclent leur orbite autour de leur étoile en 19,6 jours et 6,1 jours, respectivement. Leur température est de plusieurs centaines de degrés Celsius.

Kepler 20e

Vénus

Terre

Kepler 20f

© NASA/Ames/JPL-Caltech

Plusieurs « petites sœurs » de la Terre ont été découvertes en 2011

© NASA

Notre système solaire comporte 8 planètes qui tournent autour d’une étoile, le Soleil. Mais dans l’univers, il y a de nombreuses autres étoiles que le Soleil. Elles sont pour la plupart entourées de planètes, qu’on appelle exoplanètes ou planètes extrasolaires. Plus de 1 000 exoplanètes ont été découvertes en 16 ans.

Une équipe toulousaine a découvert deux planètes, encore plus petites et plus près de leur étoile, autour de laquelle elles tournent en quelques heures (photo ci-contre). Leur travail montre que les planètes ne disparaissent pas lors des phases ultimes (gonflement puis extinction) de leur étoile. Il nous renseigne ainsi sur ce qu’il pourrait advenir dans 5 milliards d’années quand notre soleil sera devenu une géante rouge, la phase où l’étoile gonfle énormément.

N° 2 - février 2012

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e u q s Kio um e au Musé

● Ni le concombre ni la tomate mais peutêtre des graines de fenugrec seraient à l’origine de l’épidémie d’une forme redoutable de la bactérie Escherichia Coli, hôte normalement inoffensif de nos intestins. Une souche atypique et très virulente de cette bactérie (EHEC 0104 : H4) est apparue. Elle a infecté 3 000 personnes, provoqué un syndrome hémolytique et urémique et tué une cinquantaine de personnes cet été en Allemagne et en France.

● Des chercheurs confirment que l’épidémie de choléra due à la bactérie Vibrio cholerae est bien partie d’une base de l’ONU fréquentée par des casques bleus népalais contaminés. Cette épidémie a touché près d’un demi-million de personnes et en a tué 7000 en Haïti, dans une région déjà sévèrement endommagée par le séisme du 12 janvier 2010. L’ONU est visée par deux plaintes.

© M. Aublanc RBM

© Tepco

● Paludisme : l’espoir d’un vaccin? Le Plasmodium falciparum est un parasite qui infecte des moustiques. En le piquant, les moustiques parasités transmettent à l’homme le paludisme. Deux vaccins à l’essai (le RTS,S de GSK et le MSP3 de l’Institut Pasteur) et un traitement efficace des moustiquaires viendront-ils enfin à bout de cette plaie qui fait chaque année plus de 800 000 victimes?

● Le Prix Nobel de Physiologie ou Médecine 2011 a récompensé le Français J. Hoffmann, l’Américain B. Beutler et le Canadien R. Steinman pour leurs travaux sur l’immunité. La découverte des récepteurs Toll (TLR) et des cellules dendritiques a révolutionné nos connaissances sur la façon dont nous luttons contre les microbes. Les travaux des lauréats ont ouvert la voie à de nouvelles stratégies vaccinales et à d’importantes avancées thérapeutiques, notamment dans le domaine du cancer, des maladies inflammatoires ou des infections virales.

N° 2 - février 2012 16

● Un hominidé d’Afrique du Sud vieux de deux millions d’années a fait l’objet de 6 articles dans le numéro du 9 septembre 2011 de la prestigieuse revue Science. Plusieurs fossiles très bien conservés, dont ce crâne d’enfant, ont été découverts dans la grotte Malapa en Afrique du Sud. Ils appartiennent au genre Australopithecus sediba. Avec leurs caractéristiques hybrides de singe et d’homme, à la fois modernes et anciens, ces fossiles interrogent nos origines. Australopithecus sediba serait-il un de nos ancêtres directs? A la suite de sa conférence, L. Berger, le « papa » des fossiles, a remis solennellement au Muséum des moulages de ces vestiges. ● Le robot Curiosity a été lancé le 26 novembre 2011 vers la planète Mars. Après un voyage de 8 mois, il devrait atterrir sur Mars en août 2012. Il emporte à son bord un véritable laboratoire dont un laser très puissant qui lui permettra d’analyser les roches et savoir si la vie s’est développée sur Mars il y a 2 à 3 milliards d’années. Sa mission pourrait aussi nous aider à préparer notre voyage vers cette proche planète (plusieurs centaines de millions de kilomètres la séparent toutefois de la Terre). Pourvu que le parachute s’ouvre et que le robot atterrisse!

Récepteur Toll Microbe Zoom

Noyau

Cellule

Membrane de la cellule

● Le 11 mars 2011, un séisme d’une extrême violence, de magnitude 9, et un tsunami d’une ampleur exceptionnelle, due à la fusion de deux vagues, ont causé l’accident nucléaire de Fukushima. Si elle a coûté la vie à près de 20 000 personnes, cette catastrophe naturelle a aussi révélé la fragilité des installations nucléaires. Depuis, 43 des 53 réacteurs nucléaires du Japon sont à l’arrêt. En France, l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire a rapidement établi un rapport sur nos installations nucléaires. De nombreuses questions restent sans réponse.

© Brett Eloff and Lee Berger

ET AUSSI…

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Credit: NASA/JPL-Caltech

scientifiqu é t i l a u t c a ’ L


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um e au Musé

Les bactéries, pour le meilleur et pour le pire 4 mars 2012

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N° 3


e u q s Kio m au Muséu e u q i f i t n scie L’ a c t u a l i t é

E 4 MARS H C N A M DI 3 ° N

2012

LES BACTÉRIES : DES CHAMPIONNES DE DIVERSITÉ ET D’ADAPTABILITÉ La diversité des bactéries est immense ies ér ct

Plantes Champignons Animaux

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Cette représentation ou arbre phylogénétique montre la diversité des bactéries, comparée aux autres organismes vivant sur notre Terre, les eucaryotes – dont nous faisons partie avec les autres animaux, les champignons et les plantes – et les archées, autrefois nommées archéobactéries à cause de leur ressemblance avec les bactéries, mais qui en sont distinctes et plus proches des eucaryotes en terme d’évolution (Ciccarelli et al. Science, 2006).

Une seule cellule, microscopique et sans véritable noyau, mais tout y est ! Une membrane et une paroi pour se protéger

Les bactéries sont présentes partout La plupart des bactéries vivent dans le sol ou dans l’eau, parfois dans des conditions extrêmes. Une cuillère à soupe de sol ou un litre d’eau de mer peut contenir un milliard de bactéries. Des bactéries « extrémophiles » ont conquis de nombreux sites hostiles, comme les fumeurs noirs des rifts sous-marins, les lacs soufrés des volcans et les rivières de drainage de mines de métaux. Les bactéries vivent aussi à l’intérieur et sur la peau des animaux, ou encore sur les feuilles et les racines des plantes.

Notre corps héberge 10 fois plus de bactéries qu’il ne contient de cellules ! Notre intestin héberge 100 000 milliards (1014) de bactéries, soit plus d’un kilogramme!

Les bactéries ont différentes formes et peuvent vivre en communauté Certaines bactéries vivent en cellules isolées, d’autres forment des colonies qui peuvent prendre la forme de chaînes, de filaments ou de grappes. Les bactéries peuvent adhérer sur différentes surfaces et former un voile biologique ou biofilm. Plusieurs espèces de bactéries peuvent vivre en communauté dans les biofilms dont l’épaisseur peut atteindre 50 cm.

Un cytoplasme où sont fabriquées les protéines nécessaires à la vie de la bactérie Cellule de notre corps

Les bactéries ont des formes très différentes : bâtonnets (bacilles), sphères (coques), spirales (spirochètes).

1/100 mm

Bactérie 1/1 000 mm

Des pili pour assurer l’adhérence, les échanges et la mobilité

Parfois un flagelle pour se déplacer L’ ADN sous forme d’un seul chromosome circulaire pour stocker l’information génétique

Virus

Escherichia Coli © Wikipedia

Streptococcus

1/10 000 mm

La plupart des bactéries se multiplient très rapidement. En se divisant toutes les 30 minutes, une bactérie en donne plus d’un million en une journée!

Leptospira © William A. Ellis Queen’s University of Belfast

Biofilm de Bacillus cereus © Y. Lequette

Les biofilms assurent une croissance privilégiée aux communautés de bactéries qu’ils contiennent.

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m au Muséu

LES BACTÉRIES SONT PARTOUT, AMIES ET PARFOIS ENNEMIES Pour le meilleur … Les bactéries sont indispensables à la vie. Elles aident certaines plantes et animaux à se développer. Elles sont à la base de la plupart des chaînes alimentaires. Elles ont une importance considérable dans les cycles biogéochimiques, c’est-à-dire les systèmes naturels de recyclage des éléments essentiels à la vie (carbone, soufre, azote…).

On utilise les bactéries dans de très nombreux domaines industriels et technologiques, comme la fabrication des produits laitiers, la décontamination des eaux et des sols (bioremédiation), la dissolution de minéraux (biolixiviation), la production de protéines par génie génétique, etc…

Une vie à deux réussie : la symbiose entre légumineuses (ici soja) et bactéries. Les bactéries présentes dans les nodosités (visibles sur les racines) fixent l’azote et la plante en profite pour se développer. Plants inoculés Nodosité

Plants non traités Des bactéries lactiques sont utilisées dans la fabrication des yaourts et la conservation du saucisson.

Bactéries dans les nodosités

Hormone de croissance

PLANTES Flétrissement bactérien

Pourriture molle

E. coli en division

La bactérie Escherichia coli sert à la production par génie génétique de très nombreuses protéines « médicaments » telles qu’anticorps, hormone de croissance, insuline… ainsi que des antibiotiques.

Et pour le pire… Certaines bactéries provoquent des maladies chez les plantes comme la pourriture molle, le feu ou le flétrissement bactérien.

(Burkholderia cepacia)

(Ralstonia solanacearum)

Ici, les bactéries Thiobacillus ferrooxydans sont utilisées pour extraire le cuivre dans les mines à ciel ouvert.

Médecin allant soigner des pestiférés à Rome . Eau forte de Paulus Fürst, 1656 (d’après J. Columbina)

ANIMAUX Dans certains cas les bactéries s’attaquent aux animaux, provoquant parfois une zoonose, c’est à dire une maladie transmissible de l’homme à l’animal et vice et versa. Certaines comme la maladie du charbon ou anthrax (Bacillus anthracis) ont défrayé la chronique. La leptospirose (Leptospira interrogans), contre laquelle nos amis les chiens sont vaccinés chaque année, peut aussi se transmettre à l’homme. Très souvent les effets néfastes des bactéries sont provoqués par les toxines qu’elles libèrent dans la circulation. C’est le cas par exemple du tétanos (Clostridium tetani). La tuberculose (Mycobacterium tuberculosis), le typhus (Rickettsia typhi), la diphtérie (Corynebacterium diphtheriae), le choléra (Vibrio cholerae), la lèpre (Mycobacterium leprae), la peste (Yersina pestis) ou encore la syphilis (Treponema pallidum) sont aussi des fléaux causés par des bactéries. De nos jours, la plupart de ces maladies ne sont plus mortelles grâce à la vaccination préventive et au traitement des malades par des antibiotiques.

L’organisation mondiale de la santé (OMS) tire la sonnette d’alarme Cependant, l’utilisation massive d’antibiotiques chez l’homme et parfois abusive chez les animaux pour accélérer leur croissance favorise la résistance des bactéries : de plus en plus de bactéries ont évolué pour échapper à l’action des antibiotiques. Leur multi-résistance contraint les chercheurs à trouver de nouveaux antibiotiques et développer de nouvelles stratégies. Même pas peur !

La résistance des bactéries aux antibiotiques est un problème majeur de santé publique. Chacun est concerné. Ne prendre des antibiotiques qu’à bon escient et suivre la prescription sont deux règles impératives.

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QUAND LES BACTÉRIES FONT DE LA RÉSISTANCE Du miracle … au désenchantement

La perméabilité membranaire diminue; l’antibiotique ne pénètre pas

L’antibiotique est refoulé de la cellule

L’antibiotique est dégradé par des enzymes

La résistance à un antibiotique a plusieurs causes :

- sélection au sein d’une population d’une ou quelques bactéries qui portent naturellement une mutation leur permettant de résister à l’antibiotique;

Les antibiotiques ont différents modes d’action 1. Paroi

2. Membrane

3. Cytoplasme, synthèse des protéines

Avant sélection

4. Chromosome, synthèse de l’ADN

Représentation schématique d’une bactérie

Après sélection

- acquisition de gènes de résistance Ces gènes peuvent provenir 1° de l’ADN chromosomique (en bleu) ou 2° de molécules d’ADN autonomes (les plasmides, en jaune) contenus dans une bactérie résistante; Bactérie sensible

Les antibiotiques peuvent empêcher la croissance des bactéries, par exemple, en inhibant la synthèse des composants de leur paroi(1) ou de leur membrane(2), en compromettant leur capacité à fabriquer leurs propres protéines(3) ou à synthétiser leur ADN(4).

Cependant les bactéries peuvent résister aux antibiotiques, par exemple en les empêchant de pénétrer la paroi ou en les dégradant une fois qu’ils sont parvenus à rentrer.

sensible

résistante Acquisition de gènes de résistance portés par le plasmide

Bactérie résistante

Colonies d’actinomycètes qui synthétisent des antibiotiques.

Il existe toutes sortes d’antibiotiques - « naturels », c’est à dire fabriqués par des micro-organismes, tels des bactéries (par exemple, la streptomycine) ou des champignons (par exemple, la pénicilline); - ou « synthétiques » ou semi-synthétiques, fabriqués par synthèse chimique (sulfamides).

Les récepteurs sur lesquels se fixe l’antibiotique sont altérés; l’antibiotique ne pénètre pas

= gène de résistance

Les gènes de résistance (R) portés par le plasmide (en jaune) sont transférés de la bactérie résistante (en bas) à la bactérie sensible (en haut) qui devient ainsi résistante.

Population finale

3° Ils peuvent aussi provenir d’un bactériophage ou virus de bactérie bactérie virus modifié

virus

a b

c

d

Le génome du virus (a) porte des gènes de résistance (R). Une fois dans la bactérie (b), il peut s’intégrer à l’ADN bactérien (en bleu, c). Le virus se multiplie dans la bactérie, la lyse (d) et peut emporter dans son génome un fragment de l’ADN bactérien. Il est ainsi modifié.

Et maintenant ? L’utilisation sans frein depuis plus de 50 ans des antibiotiques a favorisé l’émergence de bactéries résistantes à de nombreux antibiotiques.

Même pas peur !

Ces bactéries multi-résistantes sont la plaie des hôpitaux (maladies nosocomiales). Depuis de nombreuses années, la recherche de nouveaux antibiotiques par les laboratoires pharmaceutiques est en net déclin. Et pourtant, plus que jamais, nous avons besoin de molécules efficaces. La course contre la montre est engagée. Voici quelques exemples de pistes poursuivies par les chercheurs :

La phagothérapie consiste à utiliser des bactériophages, ou virus de bactéries, pour tuer les bactéries. Ce traitement a été largement employé au début du XXe siècle jusqu’à l’avènement des antibiotiques, puis délaissé en Occident. La découverte de l’abondance des bactériophages dans notre entourage et l’amélioration de nos connaissances à leur sujet a donné un regain d’intérêt pour cette approche thérapeutique. Et là ? peur ?

Bactériophage à la surface d’une bactérie

Différents types de phage Phage

Phage T4

©wisc.edu/

Phage T6

© S. Trojet

Dès lors, on peut séquencer à tout va. C’est ainsi que la métagénomique a vu le jour. Cette discipline vise à connaître le contenu génétique d’un échantillon issu d’un environnement complexe (sol, intestin, goutte d’eau de mer…) sans nécessité de culture en laboratoire. Nous découvrons chaque jour de nouvelles molécules qui seront peut-être les armes anti-bactériennes de demain.

RB43

© E. Perrody

Approche multi-disciplinaire : il n’y a pas si longtemps, séquencer le génome d’une bactérie prenait des années. Aujourd’hui, il faut moins d’un jour et son coût est de moins en moins élevé.

©whatislife

Séquenceurs automatiques (TIGR © Wikipedia)

© Wikipedia

Approche moléculaire : étudier de manière approfondie les mécanismes moléculaires sous-jacents à la multi-résistance; par exemple, comment des bactéries comme la bactérie opportuniste Pseudomonas aeruginosa, responsable de nombreuses infections nosocomiales, élimine les antibiotiques en les refoulant au dehors.

Approche immunologique : stimuler des cellules spécialisées de notre système immunitaire pour reconnaître des protéines présentes dans la membrane d’un grand nombre de bactéries. Cette approche vise à développer la mémoire immunitaire pour éliminer les bactéries infectieuses.

De très nombreux virus de bactéries ou bactériophages existent dans la nature. Il y a sur Terre plus de bactériophages que d’autres formes de vie. Une goutte d’eau de mer en contient des millions. Chaque type de virus est spécialiste d’une espèce donnée de bactéries qu’il infecte et tue spécifiquement.

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DEUX EXEMPLES DE BACTÉRIES PATHOGÈNES La Tuberculose ou peste blanche

Incidence de la tuberculose en 2009 (en nombre de nouveaux cas estimés pour 100 000 personnes)

La Tuberculose en quelques chiffres En 2009, l’OMS a recensé 9,4 millions de nouveaux cas de tuberculose. L’incidence la plus forte est en Afrique.

(source OMS)

– 2 milliards de personnes contaminées par la tuberculose dans le monde ; – 9 millions de nouveaux cas chaque année ; – plus d’1 million parmi les personnes contaminées par le virus du SIDA ; – 2 millions de morts en 2009 ; – la mortalité par tuberculose a reculé de 40 % en 20 ans ; – mais ½ million de cas ne répondent plus au traitement standard (MDR, Multi Drug Resistant) et de plus en plus de cas ne répondent à aucun traitement (XDR, eXtensively Drug Resistant).

Cellules infectées par Mycobacterium tuberculosis (batonnets rouges)

La Tuberculose est : – une maladie contagieuse due à la bactérie Mycobacterium

tuberculosis (ou bacille de Koch) ; – elle se propage par voie aérienne ; – la forme la plus fréquente est la forme pulmonaire ; – 9 malades sur 10 guérissent suite à un traitement approprié ; – la vaccination par le BCG protège contre le développement de la maladie, mais de façon variable suivant les populations et les pays concernés ; – le développement d’un nouveau vaccin, plus efficace, est nécessaire ; – le développement de nouvelles drogues est indispensable pour combattre le problème aigu des résistances aux antibiotiques.

M. tuberculosis

Robert Koch ( 1843-1910) découvre M. tuberculosis en 1882. Le bacille de Calmette-Guérin (BCG) est utilisé comme vaccin depuis 1924.

Le génome de M. tuberculosis, connu depuis 1998, est indispensable pour comprendre la virulence de la bactérie et sa résistance à différents traitements. Chez l’hôte, les chercheurs traquent les cellules qui hébergent le bacille et contribuent à sa réémergence plusieurs années après l’infection. Ils étudient aussi les mécanismes de défense immunitaire qui assurent la guérison de la plupart des personnes exposées.

Escherichia coli (E. coli) dans sa version pathogène

© Wikipedia

– Escherichia coli est avant tout une bactérie non pathogène (non nuisible). – Elle appartient à notre flore intestinale – C’est l’organisme modèle pour les chercheurs en biologie – C’est « l’outil de base » qui permet la fabrication de protéines par génie génétique – Elle est également utilisée dans différents domaines industriels

Notre intestin est colonisé par des bactéries Escherichia coli

Mais Comme chez toutes les bactéries, le génome de E. Coli évolue rapidement et de nouvelles souches (appelées variants ou pathovars) peuvent émerger. Dans certains cas, elles deviennent dangereuses, pathogènes, pour l’homme et les autres animaux. Elles peuvent provoquer des diarrhées, des infections urinaires, des méningites, une septicémie… La fameuse souche HUSEC 0104:H4 a défrayé la chronique l’été dernier en provoquant un syndrome hémolytique et urémique et a causé la mort d’une cinquantaine de personnes en Europe. Comment  ? La pathogénicité résulte de plusieurs facteurs, en particulier l’acquisition de nouveaux gènes qui donnent à la bactérie la possibilité de se multiplier très rapidement même dans des milieux qu’elle ne colonisait pas normalement et de produire de nouvelles toxines très actives.

Culture sur boite d’Escherichia coli

Hormone de croissance

Hormone de croissance

E. coli en division

Des graines de fenugrec seraient à l’origine de l’épidémie d’E. Coli enterohémorragique (ECEH ou EHEC 104 : H4) qui a provoqué une épidémie durant l’été 2011.

JE SUIS LA MEILLEURE !

Suite à une infection par un virus (en rose) et à l’acquisition de deux molécules d’ADN autonomes ou plasmides (en jaune), la bactérie « hybride » ainsi obtenue devient super-virulente car elle produit des toxines, adhère aux cellules intestinales et résiste aux antibiotiques (en bleu, le chromosome de la bactérie).

bactérie super-virulente

Conception : Dominique Morello Avec la participation du Laboratoire des Interactions Plantes Microorganismes (INRA/CNRS), de l’IPBS (CNRS/UPS), du LMGM (CNRS/UPS), du Laboratoire de Bactériologie-Hygiène, du CHU Toulouse, de la Faculté de Médecine Toulouse-Purpan et de l’Ecole Vétérinaire. Un merci spécial à Matthieu Arlat, Olivier Neyrolles, Isabelle Saves et Elsa Perrody.

N° 3 - mars 2012 Institut de Pharmacologie et de Biologie Structurale

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Mise en page : Studio Pastre

Escherichia coli


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! s i o m u d z z i Le qu

Les bactéries, pour le meilleur et pour le pire Dimanche 4 mars 2012 1. Quelle est la taille moyenne d’une bactérie ? n A. 1/10 de mm □ n B. 1/100 de mm □ n C. 1/1000 de mm

6. Le bactériophage est-il un virus de ? n A. bactérie n B. cellules animales n C. cellules végétales

2. Les antibiotiques sont-ils utilisés pour tuer ? n A. des bactéries n B. des virus □ n C. les cellules de notre corps

7. La tuberculose est-elle causée par  ? n A. un virus n B. une bactérie n C. un parasite

3. En moyenne, à partir d’une seule cellule bactérienne combien peut-on obtenir de bactéries en une journée ? n A. 10 n B. 1 000 n C. Plus d’1 million

8. Les bactéries sont-elles ? n A. toutes des microorganismes pathogènes n B. toutes des microorganismes bénéfiques n C. certaines bénéfiques et certaines pathogènes pour l’homme

4. Combien notre intestin contient-il de bactéries ? n A. 10 g n B. 100 g n C. 1 kg

9. Une maladie due à une bactérie, la pourriture molle, affecte : n A. des animaux n B. des végétaux n C. des insectes

5. Un biofilm est ? n A. l’enveloppe des cellules bactériennes n B. une pellicule photographique n C. un groupement de bactéries vivant en communauté

6. Des bactéries aident à la conservation de ? n A. des boites de conserves n B. du saucisson n C. des tomates

N° 3 - DIMANCHE 4 mars 2012

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Histoires scientifiques insolites ou canulars ? 1er avril 2012

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N° 4


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2012 il r v a 1 E H C N° 4 - DIMAN

Recherches insolites, trouvailles improbables ou canulars ? À vous de voir… Le N° 4 du Kiosque propose 10 « scoops » qui illustrent l’inventivité de la nature ou… celle des chercheurs. Un poisson d’Avril s’est glissé parmi eux. Ferrez-le et communiquez-nous son numéro en plaçant votre réponse dans l’urne ou sur le blog du Muséum. N’oubliez pas d’indiquer votre adresse email. La réponse sera accessible sur le site du Muséum à partir du 2 avril. http://museum.toulouse.fr

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Le survivant de l’extrême c’est moi

Je suis un tout petit invertébré, d’environ un demi millimètre, qui habite aux 4 coins de la planète. Je fascine les biologistes car je résiste à tout : les scientifiques m’ont emmené dans l’espace où j’ai survécu au vide et à des radiations super intenses. Ils m’ont soumis à des températures plus que glaciales (-269°) et aussi horriblement brûlantes (150 °C). Dans ces conditions extrêmes, je fais le mort et ça peut durer 20 ans avant que je reprenne mon petit train train. Comment je m’y prends ? J’ai dévoilé quelques uns de mes secrets, mais il en reste en pagaille. Au fait, je m’appelle tardigrade. Oui, bien sûr, je marche lentement, mais toutes mes prouesses ne justifiaient-elles pas un nom plus prestigieux ? (W. Miller, Pour la Science, mars 2012, n° 413).

J’aurais été à mon aise à Fukushima…

Je suis la bactérie Deinococcus radiodurans, ainsi nommée parce que je résiste aux radiations ionisantes et aux UV à des doses qui tueraient un homme en un rien de temps. Moi aussi, comme le tardigrade, je survis au vide, à l’acide, à la famine, à la déshydratation et aux températures extrêmes. Quand je suis irradiée, je m’en sors très bien car je répare mon ADN à toute allure en remettant tous les petits morceaux cassés dans le bon ordre. J’y arrive en fabriquant des molécules anti-oxydantes qui protègent mes protéines de la dégradation. Inutile de dire que j’intéresse au plus haut point les chercheurs car ils pensent qu’en empruntant mes molécules miracles, ils pourront vaincre le vieillissement. Mais je passionne aussi les industriels qui aimeraient m’utiliser pour des corvées repoussantes, par exemple pour dépolluer des sites contaminés par des déchets radioactifs et d’autres produits très toxiques. (Krisko et al., PNAS, 2010, 2012). ◊ MJ Daly Wikipedia

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Recherches insolites, trouvailles improbables 3

Une grenouille sur le podium des… minus

© C. Austin

Avec ses 7,7 millimètres de long, la grenouille Paedophryne amauensis s’empare du titre du plus petit vertébré du monde. A deux millimètres près, elle détrône le poisson Paedocypris progenitica qui détenait le record jusqu’à janvier 2012. Ce sont des américains qui ont découvert cette minuscule grenouille en PapouasieNouvelle Guinée. Tapie dans sa litière végétale, elle n’était pas visible à l’œil nu, mais son cri strident et répété l’a trahie. Sa toute petite taille, 3 200 fois plus petite que celle de la baleine bleue, n’empêche pas notre batracien de sauter très haut : il peut faire des bonds de 20 cm, soit près de trente fois sa longueur ! (Rittmeyer et al. Plos One, 2012).

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Tout n’est affaire que de poids !

On sait depuis longtemps, en analysant l’ensemble du règne animal, qu’il existe une corrélation positive entre la taille du crâne et le développement des capacités cognitives. En d’autres termes et schématiquement, plus le crâne est gros, plus son porteur est intelligent (larger craniums and greater smarts). Homo sapiens n’échappe pas à cette règle, bien entendu. Mais qu’en est-il lorsqu’on s’intéresse aux genres et qu’on compare les cerveaux de l’homme et de la femme ? Avec les moyens de mesure de l’époque, les résultats obtenus aux XIXe et XXe siècles montraient que le cerveau de l’homme était un peu plus gros que celui de la femme. Des travaux récents, réalisés avec des méthodes d’imagerie ultra-modernes et sur un échantillonnage important, confirment que, toutes proportions gardées, le poids du cerveau de la femme est légèrement inférieur à celui de l’homme. (D. Matmol et al., Cogit in Brain Psy., 2010).

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Les riches seraient-ils éthiquement moins corrects que les pauvres ?

On avait bien quelques soupçons, mais on manquait de critères objectifs pour répondre à la question. Pour y parvenir, deux équipes de chercheurs, une canadienne et une californienne, ont joint leurs efforts pour entreprendre une vaste étude portant sur des centaines de sujets qu’ils ont soumis à 7 protocoles expérimentaux. Leur conclusion est sans appel : les riches ont un comportement moins civique que celui des individus de classes moins aisées. Globalement, les nantis n’hésitent pas à mentir ou tricher pour augmenter leur chance de gagner ; ils violent le code de la route en ne respectant pas la priorité ou en ne laissant pas traverser un piéton engagé sur les clous ; ils s’accaparent le bien public plus facilement que leurs compatriotes moins riches. Ah l’appât du gain… Heureusement, ce ne sont que des généralités et des statistiques. (Piff et al. PNAS, 2012).

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ou canulars ? À vous de voir… 6

La chasse aux trésors martiens

© AFP

Pas loin de 7 kg de fragments d’une météorite martienne sont tombés le 18 juillet 2011 dans le Sud du Sahara marocain. Quelle aubaine ! Un délai d’à peine trois mois s’est écoulé entre la chute de la météorite et sa découverte par des nomades près du village de Tissint. De quoi attiser la fébrilité des chercheurs qui peuvent ainsi travailler sur un matériel « frais », exempt de contamination terrestre. Hélas, ils doivent partager leur enthousiasme avec les collectionneurs et dealers qui négocient très cher cette achondrite de type shergottite. Imaginez : 500 à 1 000 € le gramme, c’est un prix extravagant pour la plupart des organismes publics de recherche. Heureusement, quelques laboratoires se sont procuré suffisamment de ce précieux matériel pour espérer percer les secrets de la géologie, de l’histoire et, sait-on jamais, de la vie sur la planète rouge. (The meteoritical society http://www.lpi.usra.edu/meteor/metbull.php?code=54823).

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Les virus, c’est bien connu, ne sont pas des cellules. Mais peut-être plus pour longtemps…

(JM Claverie & C. Abergel, Biofutur, 2011).

Du fil d’araignée dans le lait de chèvre

Le fil de soie de la toile d’araignée constitue un matériau biodégradable aux propriétés extraordinaires, plus résistant que l’acier et plus élastique que le nylon. Pourquoi ne pas l’utiliser pour faire des gilets pare balles, des filets de pêche ou du fil chirurgical ? Mais voilà l’araignée en fabrique peu. On peut bien sûr avoir recours aux bactéries pour produire la protéine de la soie, comme on le fait en routine pour de nombreuses molécules-médicaments. Le hic c’est qu’une fois qu’elles ont synthétisé la soie, les bactéries n’ont plus assez de matériel pour fabriquer leurs propres protéines et meurent. Une société canadienne, en partenariat avec l’armée américaine, a alors pensé à créer des chèvres transgéniques dont le lait contient la fameuse protéine. A condition de prendre une douche et de porter des sur-chausses, on peut rendre visite aux chèvres. Mais n’espérez pas, même si vous avez apporté votre rouet, fabriquer votre gilet au pis de la chèvre : le précieux fil de soie n’apparaît qu’une fois le lait centrifugé et filtré, et encore, en quantité infinitésimale. (http://genetics-dna.factoidz.com/ nexias-spider-silk-goats-a-genetic-marvel/). © S. Picot

© F. Aurat/Tara expéditions

Il y a 10 ans la découverte du premier virus géant, au doux nom de Mimivirus, était passée presque inaperçue. Mais maintenant que la goélette Tara en rapporte plein dans ses filets, il faut bien se rendre à l’évidence : ils existent. Mais quelle est leur origine ? Parti en 1992 à la recherche dans une tour de refroidissement de l’agent responsable de la légionellose, T. Rowbotham isola une bactérie qui s’avéra 10 ans plus tard être… un virus. La méprise tenait au fait que ce virus était géant. Du jamais vu : un virus dont la taille, de l’ordre du micromètre, avoisinait celle d’une bactérie ! En 2010, Megavirus chilensis fut identifié dans les eaux chiliennes, confirmant l’existence des virus géants ou Girus. En scrutant leurs gènes à la lorgnette, on a eu un nouveau choc : certains gènes codent des protéines qui n’avaient été décrites jusqu’à présent que dans des organismes cellulaires (bactéries, cellules animales ou végétales). Le doute s’installe : est-il possible que l’ancêtre très lointain des girus soit une cellule ? Le retour de l’expédition Tara Oceans, partie depuis plus de 2 ans récolter le plancton (bactéries, algues, virus, méduses…) de toutes les mers du monde, est attendu avec impatience.

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2012 il r v a 1 E H C N N° 4 - DIMA 9

Mimi, Amélie ou Capucine ?

© Alamy

Des anglais se sont penchés sur une question fondamentale : comment augmenter les rendements en lait d’un troupeau de vaches  ? Ce n’est pas bien compliqué, nul besoin de compléments alimentaires, de farines animales ou d’hormones, mais seulement d’amour… L’enquête a porté sur 516 fermes. 90 % des fermiers interrogés pensent que les vaches ont des sentiments et 78 % que les vaches sont intelligentes. Les fermes dans lesquelles chaque vache a un prénom produisent plus de lait que celles dans lesquelles chaque vache est connue mais non prénommée et encore beaucoup plus que celles dans lesquelles les vaches sont anonymes. A vos calendriers messieurs et mesdames les éleveur(e) s… (Bertenshaw and Rowlinson, Antrhozoos, 2009).

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Quand l’amour remplace l’alcool

Qui pourrait croire que des comportements aussi complexes que le plaisir sexuel ou le penchant pour la dive bouteille puissent être étudiés avec succès chez la petite mouche du vinaigre ? Et pourtant, des chercheurs américains ont comparé la consommation d’alcool chez des drosophiles mâles qu’ils avaient empêché de copuler pendant 4 jours à celle de mâles qu’ils avaient laissé s’accoupler à loisir. Aucun doute, les pauvres frustrés exhibaient une nette préférence pour l’alcool, par rapport aux mâles comblés. Ce que montrent ces expériences c’est que l’alcool et le sexe stimulent tous deux le système de « récompense », un centre localisé dans le cerveau de très nombreux animaux. Son dysfonctionnement pourrait expliquer des comportements de dépendance à l’alcool, aux drogues, au sexe ou aux jeux, une hypothèse que la drosophile aidera à tester. (Shohat-Ophir et al. Science, 2012).

Info hors concours et véridique « La science est une activité trop importante pour être laissée aux seuls scientifiques » (F. Grey, 16 février 2012, Londres).

Crédits : Laure Cadars / Camera Lucida

Il est possible depuis le 29  février et pendant 12 semaines de participer à la « Mission Printemps », une grande enquête participative organisée par le CNRS en partenariat avec Arte pour observer comment le changement climatique affecte les espèces animales et végétales.

Les fleurs de lilas éclosent-elles précocément, les algues brunes et les bigorneaux disparaissent-ils de notre littoral et les salamandres, crapauds et écureuils roux de nos forêts ? Et si l’on cherchait les lucarnes cerf-volant et comptait les hirondelles de fenêtres ? À vos mètres, calepins, loupes et appareils photos. (http://missionsprintemps.arte.tv/l-actu).

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Conception : Dominique Morello - Mise en page : Studio Pastre

Et si on était tous des chercheurs ?


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N° 5

um e au Musé

Rio +20, la conférence sur le développement durable 17 juin 2012

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L’ a c t u a l i t é

um e au Musé

Conférence Mondiale sur le Développement Durable

20-22 JUIN 2012

Une conférence qui n’est pas née d’hier Conférence de Stockholm sur l’environnement humain

NAIROBI

1972

1982

Protocole de MONTRÉAL1

Sommet de la Terre Rio

Rapport Brundtland2

1987

1991

Sommet mondial sur le développement durable Johannesburg

KYOTO

1992

Rio + 20

2002

1997

2012

Création du FEM

(Fonds pour l’Environnement mondial)

Création du PNUE

Échec

Programme des Nations Unies pour l’Environnement

1. Suppression des substances appauvrissant la couche d’ozone (CFC) 2. Notion de développement durable

Traité international : réduction des émissions de gaz à effet de serre

Mesures pour réduire la pauvreté et protéger l’environnement

d su esen ste vo nt lvi áv m el en

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À Rio en 1992

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Sommet de la terre : RIO 1992 178 pays, 110 chefs d’État, 2400 représentants d’ONG

Su

Développement Durable

Trois grandes conventions sur : – la diversité biologique (CBD) – les changements climatiques (CCNUCC) – la lutte contre la désertification (CLD)

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Nac

« Un développement qui répond Desarrollo sostenible aux besoins du présent sans compromettre la capacité Sviluppo Sostenibile Интересах des générations futures устойчивого à répondre aux leurs » развития

Une déclaration sur l’environnement et le développement durable;

Mme Brundtland, 1987

Un programme d’action « Action 21 » pour le développement durable au XXIe siècle qui inclut : – une dimension sociale et économique : lutter contre la pauvreté, promouvoir la santé – une dimension écologique : protection de l’environnement.

Ce qui a changé depuis 1992 Augmentation de la population mondiale et de la consommation

Ressources Évolution de la production d’énergie (en milliards de tonnes d’équivalents pétrole)

En 2011, 7 milliards de terriens

Évolution de l’extraction de matières premières (en milliards de tonnes)

Source : PNUE 2011

Crise écologique mondialisée De plus en plus chaud (moyenne annuelle mondiale en °C)

Source : PNUE 2011

Source : PNUE 2011

CO2 Concentration en dioxyde de carbone

dans l’atmosphère (en partie par million)

À l’échelle mondiale, les pourcentages moyens de CO2, de méthane (CH4) et d’oxyde nitreux (N2O) ont atteint de nouveaux sommets en 2009. Ces valeurs sont supérieures à celles de l’époque préindustrielle (avant 1750) de 38% (CO2), 158% (CH4) et 19% (N2O). Source : PNUE 2011, Met Office (RU); Centre Hadley pour la recherche et la prévision climatique

Source : PNUE 2011

Plus d’habitants, moins de ressources, les indicateurs sont au rouge !

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Kiosque n° 5 - juin 2012

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RIO + 20, un sommet officiel organisé par l’ONU

Conférence des Nations Unies sur le Développement Durable

Que va-t-il se passer à RIO en 2012? Économie verte :

Sommet de la terre : RIO +20

« Une économie qui entraîne une amélioration du bien-être humain et de l’équité sociale tout en réduisant de manière significative les risques environnementaux et la pénurie de ressources » Programme des Nations (PNUE)*

– Un sommet pour réitérer l’engagement politique en faveur du développement durable, évaluer les progrès réalisés depuis 1992 et prendre de nouvelles mesures;

Unies pour l’Environnement

– De très nombreuses réunions et forums préparatoires; – Un document de travail, le « draft zero » ou « document martyr » ; - 100-120 chefs d’Etats, des représentants de la société civile, du secteur privé et des ONG;

Niveau global

Niveau national

Niveau régional

Social

Économique

Environnemental

Deux thèmes principaux : – Mise en place d’une économie verte dans le contexte du développement durable et de l’éradication de la pauvreté, – Mise en place d’un cadre institutionnel pour le développement durable, une gouvernance internationale.

Pour l’économie verte, 3 niveaux : global, national et régional, et 3 piliers : social, économique, environnemental

Les deux thèmes principaux regroupent de nombreuses thématiques N

NTATIO

PAUVRETÉ

EAUX,

© Phovoir

Promotion d’une agriculture durable. 15% des habitants de la planète ont constamment faim.

Réduction des inégalités et du chômage; création d’emplois verts; inclusion sociale. Dans le monde, une personne sur cinq vit avec 1 € par jour ou moins.

S

OCÉAN

© Sandrine Bélier/WordPress

ALIME

Lutte contre la pollution des océans et la surpêche. 30% des réserves halieutiques ont déjà disparu. La pêche risque de ne plus être rentable d’ici 2050.

PHES

VILLE

CATASTRO

© WordPress

© Wallpaper.net

CES, FINAN NS, INNOVATIO NCES COMPÉTE

Lutte contre l’urbanisation accélérée, construction d’ établissements humains durables.

Amélioration de la résilience*, plan de lutte contre les catastrophes naturelles. * Capacité de récupération d’un fonctionnement normal après perturbation.

Encouragement aux innovations scientifiques; appel aux compétences individuelles et collectives; implication des entreprises et des marchés économiques pour financer les investissements.

IES

© CNRS

© Luli Nasciniento

ÉNERG

Accès pour tous aux ressources énergétiques et à l’eau; en 2010, plus d’un milliard de personnes n’avait pas accès à l’eau potable et une personne sur 5 n’avait pas accès à l’électricité.

Kiosque n° 5 - juin 2012

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Kiosque L’ a c t u a l i t é

scientifiqu

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En marge de Rio + 20 et après?

« Nous avons gagné de nombreuses batailles, mais nous sommes en train de perdre la planète. Il est temps de se demander pourquoi » (Gustave Speth)

UN CONSTAT

© PNUE

En dépit d’améliorations notables dans de nombreux domaines du développement et de l’environnement*, de multiples objectifs de la conférence de Rio 1992 et des sommets ultérieurs en matière de développement durable n’ont pas été atteints. Les inégalités persistent, le fossé entre les riches et les pauvres se creuse, la détérioration de l’environnement s’accélère, les crises économiques, financières, énergétiques et alimentaires sont récurrentes. Les ressources énergétiques fossiles se raréfient. La déforestation continue, le nombre d’espèces en danger augmente chaque jour et la biodiversité ne cesse de décroitre. Le changement climatique est bien là.

* Le développement économique a permis d’améliorer les conditions de vie de millions de personnes. Mais la planète atteint la limite de ses capacités à fournir les ressources nécessaires et absorber ensuite les déchets produits. En 2009, des programmes de politiques énergétiques existaient dans plus de 73 pays, au moins 64 avaient développé des politiques de promotion des énergies renouvelables dont le potentiel continue de croître à des taux conséquents : énergie solaire photovoltaïque (53%), énergie éolienne (32%), eau chaude/chauffage solaire (21%), géothermie (4%), et hydroélectricité (3%) (PNUE).

En marge des rencontres officielles, le sommet des peuples Pour une justice sociale et environnementale

Le Sommet des Peuples 30 000 personnes de la société civile y sont attendues. Face à la crise planétaire et aux déceptions des stratégies officielles, à l’influence croissante des grandes sociétés et groupes de pression des entreprises au sein de l’ONU, le sommet des peuples entend débattre : – de biens communs de l’humanité, de non marchandisation de la vie, de justice sociale et environnementale; – de développement durable en tant que démarche visant l’amélioration continue de la qualité de vie des citoyens. Ses dimensions environnementale, sociale, économique et culturelle devraient être traitées de manière indissociable dans une optique d’équité intra et intergénérationnelle ; – de la gouvernance constituant un cadre universel d’échanges et de dialogue réunissant les États, les collectivités locales et la société civile pour « aboutir à des décisions acceptables par la majorité, dans la mesure du possible, et qui vont dans le sens du bien commun ».

Les 3 aspects de l’économie verte interagissent : la protection de l’environnement en est le socle, l’économie est un moyen pour y parvenir et le bien-être social est l’objectif. S’y ajoutent deux notions transversales capitales, l’équité et la culture.

Une aventure qui commence Comme l’a rappelé le coordinateur exécutif du sommet Rio + 20, Brice Lalonde, l’intitulé « Rio+20 » se réfère à l’après-Rio, à partir de 2012 et vise à ouvrir la voie pour les vingt prochaines années. Il n’est donc pas trop tard pour s’impliquer pour construire le futur que nous voulons.

Pour s’informer :

20 juin 2012

Soirée débat au Muséum avec visio-conférence en direct de Rio

• Une sélection de sites et de lectures Sommet officiel des Nations Unies www.uncsd2012.org/

9-11 juillet 2012

Sommet des Peuples rio20.net/fr

Un colloque à Toulouse (Météo France), Les changements globaux : enjeux et défis

Organisation Internationale de la Francophonie www.francophonie.org/ Organisation de la Société Civile www.smart-csos.org

Kiosque n° 5 - juin 2012

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Un peuple, une planète

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20 juin 2012 à 18 h 30 LE MUSÉUM EN DIRECT DE LA CONFÉRENCE des nations unies

RIO+20

Studio Pastre - Photos Muséum : Géraldine Millo - Rio : Ramon /CC

Auditorium du Muséum de Toulouse. Entrée libre et gratuite.

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Les péripéties de l’eau sur Terre 2 septembre 2012

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N° 6


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m au Muséu

Les péripéties de l’eau sur Terre Le cycle de l’eau sur Terre L’énergie solaire est le moteur du cycle de l’eau : elle provoque l’évaporation de l’eau des océans et des surfaces humides terrestres. L’atmosphère transporte cette vapeur vers des zones fraîches où elle se condense en pluie, neige ou grêle. Ces précipitations s’accumulent sur les glaciers, ruissellent sur le sol et nourrissent les nappes phréatiques, qui participent, comme les fleuves et les rivières, au transport de l’eau vers les lacs ou les océans. Les échanges sont permanents entre les différents réservoirs d’eau de la planète.

Réservoirs d’eau de la planète L’eau douce liquide représente à peine 1% de l’eau sur Terre et pourtant elle alimente la quasi-totalité de la demande mondiale ! Le recyclage des eaux usées et la désalinisation de l’eau de mer sont encore peu pratiqués mais constituent un fort potentiel d’avenir.

0,001% vapeur d’eau atmosphère 0,02% lacs et cours d’eau 0,6% eaux souterraines 2,3% glaciers, calottes polaires 97% mers et océans

Le cycle de l’eau en ville

3

L’eau qui nous sert quotidiennement parcourt un cycle. Elle est pompée dans les rivières ou dans les nappes phréatiques 1 , filtrée et désinfectée dans les stations de traitement d’eau potable 2 avant d’être stockée 3 puis distribuée au robinet 4 . Une fois utilisée, l’eau est collectée dans des stations d’épuration où elle est traitée 5 , puis rejetée dans les rivières 6 .

4 5 2

1

6

En France, il y a 40 000 captages, 900 000 kilomètres de canalisation, près de 16 000 usines de production d’eau potable et 12 000 usines de dépollution. Quel luxe !

Production

2

Dans une station de traitement d’eau potable, l’eau passe d’abord dans un bassin de décantation au fond duquel se déposent les matières les plus lourdes (les boues). Elle est ensuite filtrée à travers des couches de sable qui la débarrassent de ses impuretés. Elle est enfin désinfectée, c’est-à-dire débarrassée des microbes. C’est cette eau qui arrive au robinet.

1

Dépollution

La filtration sur membrane : une mini-révolution

5

En ville Dans une station d’épuration, l’eau polluée traverse des grilles qui retiennent les matières les plus grosses, puis s’écoule dans un décanteur. Elle passe ensuite dans un bassin d’aération où des bactéries « mangent » la pollution, et enfin dans un dernier décanteur au fond duquel se déposent les bactéries. L’eau surnageante n’est pas potable mais suffisamment propre pour être rejetée à la rivière. Si l’eau est réutilisée, on effectue un traitement supplémentaire, filtration et désinfection (chlore, UV, ozone). Dans le bassin d’aération, les microorganismes naturellement présents dégradent les matières organiques. De l’air est insufflé pour activer le travail des bactéries.

La micro, l’ultra et la nano-filtration permettent d’éliminer physiquement les polluants de très faible taille ou micropolluants sans avoir recours à des traitements chimiques. Les membranes qui permettent ces filtrations sont constituées de milliers de fibres très fines. Leurs parois sont percées d’une multitude de pores microscopiques. L’élimination des particules en suspension (cellules, virus et molécules organiques), dépend de la taille des pores (de l’ordre ou inférieure au micromètre, µm).

Particules en suspension Emulsion Cellules Bactéries

Microfiltration 10-0,1µm

Virus Macromolécules Protéines

Ultrafiltration 0,1-0,01µm

Peptides Nanofiltration 0,01-0,001µm Ions

Chaque utilisateur doit traiter l’eau qu’il rejette par des systèmes d’assainissement autonomes. L’eau peut être épurée par le sol et les plantes.

Pré-traitement dans une fosse : décantation

Collecte des eaux usées

Traitement et dispersion : infiltration dans le sol ; élimination de la pollution par les microorganismes.

Lit filtrant à couverture végétale

À Mayotte, on utilise les capacités épuratrices de la Mangrove pour le traitement des eaux usées. Les eaux usées sont pré-traitées et stockées dans le décanteur-digesteur, puis déversées à marée basse dans la Mangrove.

Luc Lambs (EcoLab, Toulouse)

Hors de la ville

N° 6 - DIMANCHE 2 septembre 2012

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L’eau douce est un bien rare ! Évitons de la gaspiller et de la polluer À quoi nous sert l’eau douce ? Chaque jour, nous utilisons l’eau pour nos usages domestiques, agricoles, industriels et nos loisirs. Il est essentiel qu’elle soit de bonne qualité. Sa pollution, superficielle ou souterraine, perturbe les écosystèmes aquatiques. L’eau polluée est dangereuse pour la santé et compromet de nombreux usages : consommation, pêche, baignade … Bain 80 à 200 litres

Chasse d’eau 10 à 20 litres

Douche 15 à 18 litres par minute

Lavage de voiture 200 à 400 litres

En milieu agricole, l’eau est utilisée pour l’alimentation du bétail, l’arrosage des cultures, le lavage des étables. En milieu industriel, l’eau est utilisée pour la fabrication de tous les produits manufacturés (sucre, laine, voitures, aluminium…), pour refroidir et nettoyer les machines et pour produire l’électricité.

La consommation d’eau douce à usage domestique varie énormément d’un point à l’autre du globe. Un Américain consomme en moyenne 600 litres par jour, un Européen 150 litres, un Africain entre 5 et 10 litres. En France, chaque personne utilise en moyenne 165 litres d’eau par jour. Mais cette quantité varie en fonction de l’habitat, de la région ou des habitudes.

L’agriculture consomme 73 % de l’eau douce utilisée dans le monde, l’industrie et la production d’énergie 21% et la consommation domestique seulement 6 %.

Consommer moins d’eau, c’est simple : stopper l’eau pendant le brossage de dents (économie de 2 à 10m3/personne/an), utiliser une chasse d’eau à 2 vitesse (5 à 7 m3/an), récupérer l’eau de pluie pour arroser le jardin et laver la voiture, traquer les fuites…

Le bulletin de santé des cours d’eau est alarmant Les fleuves et les rivières, qui sont les ressources principales pour la production d’eau potable, contiennent des millions de tonnes de polluants provenant des rejets chimiques de nos industries, de notre agriculture et de nos activités quotidiennes. On y trouve de tout : des solvants, des nitrates, des phosphates, des détergents, des métaux, des pesticides, des produits cosmétiques, des substances pharmaceutiques…tous susceptibles d’avoir des effets toxiques même à l’état de trace. Micropolluant : substance susceptible d’être toxique à des concentrations très faibles (microgramme par litre ou moins, une concentration proche de ce que donnerait un morceau de sucre dans une piscine olympique).

Perturbateurs endocriniens Certaines substances chimiques utilisées dans l’industrie ou l’agriculture ont une structure moléculaire proche de celles des hormones sexuelles, mâles ou femelles, et peuvent ainsi modifier le sexe de certains poissons. Conjuguée au réchauffement planétaire, la pollution des eaux par ce type de polluants et par des hormones synthétiques (contraceptifs) finira par bouleverser l’équilibre reproductif de nombreuses espèces.

Plus de 150 molécules thérapeutiques, par exemple des antalgiques, des hormones, des antibiotiques et des anticancéreux, ont été détectées dans l’eau de nos rivières. Pour la plupart, elles ne sont pas biodégradables et ne sont pas éliminées dans les stations d’épuration.

La féminisation de certains poissons (truites arc-en-ciel ou gardons), d’escargots ou de grenouilles s’observe fréquemment dans les rivières françaises.

Étude des conséquences des micropolluants sur l’environnement et la santé La présence de polluants détruit les écosystèmes et conduit à la réduction de la bio-diversité. Dans les eaux de surface, la pollution se manifeste principalement par : • une modification de la température et du pH; • une diminution de la teneur en oxygène dissous, indispensable à toute forme de vie animale aquatique; • la présence de produits toxiques; • la présence de bactéries ou de virus dangereux ; • la prolifération d’algues due à la présence d’azote et de phosphore. Cette “eutrophisation” conduit à une forte réduction de la survie des espèces.

Si certains polluants peuvent être quantifiés très précisément, leur mesure, même à faible dose, ne renseigne pas sur leur impact environnemental. Cet impact peut être étudié grâce à des indicateurs biologiques. L’observation des écosystèmes naturels permet d’estimer le degré de toxicité de polluants éventuels. La présence dans un cours d’eau de cette larve d’invertébrés (Ephoron virgo, ci-contre), indique, par exemple, la bonne qualité de l’eau. On peut également, en laboratoire, évaluer l’impact d’une pollution en utilisant des espèces modèles, comme des larves d’invertébrés (chironome), ou encore des larves d’un crapaud (ci-contre Xénope adulte) ou d’une salamandre (pleurodèle). Ces tests « éco-toxicologiques » permettent de mieux comprendre les mécanismes de la toxicité des contaminants du milieu aquatique. Ils contribuent à la mise au point d’outils de prévision et de lutte contre les pollutions. N° 6 - DIMANCHE 2 septembre 2012

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Réchauffement climatique et fonte des glaces

© Mallory © Breashears

2009

Le glacier Kyetrak au Tibet hier et aujourd’hui.

Les glaciers des principales chaînes de montagne de notre planète fondent, perdant en moyenne 40 à 50 cm d’épaisseur chaque année. Cependant, une étude publiée récemment par un laboratoire toulousain révèle une exception dans la chaîne himalayenne, le Karakorum. Le massif des glaciers Karakorum, situé à l’Ouest de l’Himalaya, à la frontière de l’Inde, du Pakistan et de la Chine, se porte bien. En comparant des images stéréos prises par le satellite Spot-5 en 2008 à celles prises en 2000, les chercheurs du LEGOS ont montré que l’épaisseur de la glace augmentait chaque année d’environ 11 cm. Cette étude révèle que l’évolution des glaciers n’est pas homogène au sein de la chaîne himalayenne et que les mesures obtenues pour une région donnée ne sont pas nécessairement extrapolables à une autre.

Localisation des 9 sites himalayens pour lesquels des couples stéréos d’images SPOT-5 sont disponibles afin de cartographier les changements de volume des glaciers. (© CNES 2008/Distribution Spot Image)

Presque tous les glaciers fondent

1921

Vue satellite de la région du glacier Panmah au Karakorum illustrant la poussée glaciaire entre 1999 et 2008. © LEGOS, Étienne Berthier (copyright Landsat imagery courtesy of NASA)

La banquise fond en Arctique mais pas en Antarctique L’eau de mer gèle à une température de -1,8°C, formant tout d’abord des morceaux épars de glaces ressemblant à des crêpes. Ces morceaux s’agglomèrent et finissent par former une surface compacte. En Arctique, l’étendue des glaces varie de 6 à 16 millions de km², en fonction de la saison. En Antarctique, elle varie de 2 à 19 millions Une étape de formation de la banquise, crêpes ou pancakes. de km². Lorsqu’un des pôles atteint sa superficie maximale de glaces, l’autre est à sa superficie minimale, et inversement, puisque l’été de l’un correspond à l’hiver de l’autre.

Grâce au capteur satellite SSM/I, on peut mesurer l’évolution de l’étendue des glaces de mer aux pôles depuis 1992. Les variations saisonnières sont bien marquées avec un minimum (mars en Antarctique) et un maximum (septembre en Antarctique) chaque année. Les droites rouges représentent la tendance linéaire : -850 000 km²/décennie pour l’Arctique et + 600 000 km2/décennie pour l’Antarctique.

Ces dernières années, on observe que la surface occupée par les glaces diminue en Arctique alors qu’elle augmente en Antarctique d’une superficie égale à celle de la France chaque décennie. Le bilan entre les deux pôles est malgré tout

négatif. Durant l’été 2012, la fonte de l’Arctique a battu des records. Les modèles numériques des climatologues prédisent que l’Arctique pourrait être libre de glace au mois de septembre d’ici quelques décennies.

Arctique (Nord)

Antarctique (Sud)

Le pergélisol fond lui aussi ! On en mesure encore mal l’impact sur le réchauffement climatique

Route et immeuble détruits (Alaska) © Romanovsky

Gazoduc déterré; route dégelée en hiver (Sibérie) © Kouraev

Le pergélisol constitue une immense réserve de carbone organique qui provient des restes de plantes et d’animaux qui s’y sont accumulés pendant des millénaires. Ce stock de carbone est normalement neutralisé par le gel, mais avec la fonte du pergélisol les bactéries se réveillent, le décomposent et en libèrent une partie dans l’atmosphère sous forme de dioxyde de carbone (CO2) et de méthane (CH4). Le méthane est un gaz à effet de serre bien plus redoutable que le CO2.

Bulles de méthane emprisonnées dans de la glace en formation (Sibérie).

© Chanton

Rouge : limite du pergélisol; blanc : limite de la neige stable.

Le pergélisol (ou permafrost) est la partie du sol situé sous la surface qui ne dégèle pas pendant au moins 2 années consécutives. Il couvre environ 25 millions de km2, soit 25% des terres émergées de l’hémisphère nord. Son épaisseur varie d’environ 20 mètres de profondeur dans son extension méridionale jusqu’à plus de 1 000 mètres à l’Est de la Sibérie. Le réchauffement climatique et la déforestation entraînent la fonte d’une partie du pergélisol (thermokarst), provoquant d’importants problèmes socio-économiques. Les transports routiers et fluviaux sont affectés, les constructions s’effondrent.

N° 6 - DIMANCHE 2 septembre 2012

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El Niño et La Niña, les deux enfants terribles du Pacifique El Niño et son opposé la Niña sont la phase chaude et la phase froide d’un cycle naturel qui a un impact considérable sur le climat du Pacifique équatorial et souvent bien au-delà. En temps normal : la phase neutre

Dans le Pacifique équatorial, de grandes quantités d’eaux chaudes s’accumulent à l’Ouest, poussées en surface par les vents alizés soufflant d’Est en Ouest. La profondeur de cette couche d’eau peut atteindre 200 mètres et sa température moyenne est de 28°C. L’évaporation des eaux chaudes provoque de fortes précipitations au voisinage de l’Indonésie.

Courant moyen

Sous les Tropiques, l’eau de surface est chauffée par un soleil intense. L’eau est froide en profondeur. La thermocline marque la zone de transition thermique verticale brutale entre ces deux eaux chaudes et froides. Flèche jaune : remontée d’eaux froides.

La Niña : la phase froide

Durant un épisode La Niña, les alizés sont renforcés, provoquant une accumulation encore plus importante d’eaux chaudes à l’Ouest. Des précipitations intenses s’abattent sur l’Indonésie et les Philippines. En revanche, froid et sécheresse s’installent à l’Est sur le littoral sud-américain.

A l’Est, les eaux froides remontent des profondeurs pour remplacer la couche d’eau chaude. Elles sont riches en nutriments : la pêche est abondante sur le littoral sud-américain.

El Niño : la phase chaude

Des zones normalement désertiques, telles que le Désert d’Atacama au Nord du Chili, sont recouvertes de fleurs (© Blogdei).

Durant un épisode El Niño, tout est chamboulé : les alizés faiblissent et se renversent, les eaux chaudes s’étendent à l’Est. Leur évaporation provoque des pluies torrentielles sur le continent sudaméricain. Les eaux froides ne remontent plus des profondeurs, les pêches sont catastrophiques. Le bouleversement du Pacifique est tel qu’il se ressent sur tous les continents.

El Niño et la Niña

Indice d’oscillation australe

Les phénomènes El Niño et La Niña ont toujours existé. Les relevés de stations météorologiques ont permis d’établir leur fréquence depuis plus d’un siècle. Les épisodes El Niño ne sont pas réguliers (entre 2 à 7 ans) et durent environ 18 mois. Ils ont été violents en 1982-83 et en 199798, causant des milliards de dollars de dégâts (et parfois d’euros) et déplaçant des millions de personnes. Depuis 2000, ils sont moins forts, plus fréquents et restent localisés sur l’Océan Pacifique central. Les épisodes La Niña ne suivent pas toujours El Niño. Le Pacifique équatorial oscille de manière irrégulière entre épisodes La Niña et El Niño, ce qui constitue le cycle ENSO. L’indice d’oscillation australe (SOI) reflète la différence de pression atmosphérique au niveau de la mer entre Tahiti (Est) et Darwin en Australie (Ouest) et permet une mesure de l’intensité d’ENSO. En temps normal, la pression moyenne est plus élevée à Tahiti qu’à Darwin. Pendant les épisodes El Niño, la pression augmente davantage à Darwin qu’à Tahiti : le SOI devient négatif. Pendant les épisodes La Niña c’est l’inverse.

Prévisions et réchauffement climatique En 1923, Sir Gilbert Walker établit pour la première fois une corrélation entre le phénomène El Niño et les oscillations de pression atmosphérique entre l’Est et l’Ouest du Pacifique Sud (d’où le nom d’ENSO pour El Niño Southern Oscillation). Grâce aux satellites, les scientifiques observent maintenant différents paramètres de l’océan et de l’atmosphère (vents, courants, températures, niveau des mers, couleur, salinité, faune et flore). Ces données leur permettent d’étudier El Niño et d’établir des modèles de son évolution. On peut prévoir El Niño plus de 6 mois à l’avance. Son retour en 2012 est d’ailleurs annoncé. Les scientifiques veulent aussi comprendre pourquoi, d’une décennie à l’autre, les épisodes El Niño peuvent être plus intenses ou fréquents et si le réchauffement climatique affectera El Niño durant les prochaines décennies.

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Le déplacement d’énormes masses d’eau chaude vers l’Est le long de l’équateur peut entraîner une élévation du niveau de la mer de plus de 20 cm (en rouge) sur une surface plus grande que l’Europe. Ici pendant El Niño en 1997. (© CNES) El Niño a aussi un impact sur les cyclones tropicaux dans les Caraïbes, mais, cette fois-ci, moins dévastateur. Lors des années El Niño, il y a beaucoup moins de cyclones que durant les années La Niña.

N° 6 - DIMANCHE 2 septembre 2012

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m au Muséu

! s i o m u d z z Le qui 1. Le Xénope est

6. Un test écotoxicologique permet

n Un gaz rare n Une planète du système solaire n Une grenouille

n D’évaluer l’impact d’une pollution sur un ou des organismes n De mesurer le niveau de salinité des eaux continentales n De se protéger des maladies transmises par l’eau

2. Une eau usée est une eau n Puisée dans une réserve très ancienne n Souillée par les activités humaines n Troublée par la présence de particules fines

7. Actuellement la banquise fond n en Arctique (Pôle Nord) n en Antarctique (Pôle Sud) n ni l’un ni l’autre

3. Dans quel océan un événement El Niño se déclenche-t-il? 8. Quel pourcentage de l’eau sur Terre représente l’eau douce liquide ?

n L’océan Indien n L’océan Pacifique n L’océan Atlantique

n 1%

4. Lequel de ces moyens d’observation n’utilise-t-on pas pour prévoir le phénomène ENSO ? n Des satellites n Des navires de recherche n Des sismographes

n 3%

n 10%

9. Les micropolluants (hormones, antibiotiques, solvants, pesticides…) n sont filtrés dans les stations d’épuration n ne sont pas filtrés et sont déversés dans les rivières n sont récupérés et recyclés par les industriels

5. Le sol gelé qui ne dégèle pas pendant au moins deux années de suite s’appelle

10. Les glaciers des principales chaînes de montagnes fondent en moyenne

n Le pergélisol n La banquise n La Mergélisol

n de 4 à 5 cm par an n de 40 à 50 cm n de 1 à 2 m

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N° 7

um e au Musé

Le patrimoine culturel immatériel de l’humanité

Carnaval Colomiers, joueurs d’aboès © COMDT

2 décembre 2012

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m au Muséu

Le patrimoine culturel immatériel de l’humanité Tout le monde a entendu parler des journées du patrimoine qui mettent à l’honneur des sites et des monuments. Mais le patrimoine culturel inclut aussi toutes sortes de traditions bien vivantes, des expressions orales, des savoir-faire, des savoirs populaires, des rites, des jeux, des fêtes, des arts traditionnels ... C’est ce patrimoine vivant, en recréation constante, transmis de génération en génération qu’on appelle patrimoine culturel immatériel ou intangible (PCI). Il reflète notre diversité culturelle, procure un sentiment d’identité aux communautés qui en sont détentrices et encourage nos efforts de compréhension des autres cultures.

© Damien Reinier

Le repas gastronomique des français honore la convivialité. Inscrit en 2010.

© Bohumil Straka, Czech Falconry Club

Ces tours humaines, ou castells, sont érigées en Catalogne. Avant, pendant et après la formation de la tour, des musiciens jouent diverses mélodies traditionnelles sur un instrument à vent appelé gralla, qui marque le rythme d’édification de la tour. Inscription sur les listes du PCI en 2010.

Le compagnonnage est un moyen unique de transmettre des savoirs et savoir-faire liés à différents métiers. Inscrit en 2010. L’Andalousie est le berceau du Flamenco, une expression artistique qui résulte de la fusion du chant, de la danse et de l’accompagnement musical. Inscrit en 2010.

Utilisée à l’origine pour se procurer de la nourriture, la fauconnerie est associée à l’esprit de camaraderie et de partage, plus qu’à la subsistance. Porté par 11 pays, cet élément a été inscrit sur la liste représentative du PCI en 2010. Mariza © 2012 euronews

© Biennale de Flamenco de Séville

UNESCO, 2003 Artº 2, alínea 1  : On entend par «  patrimoine culturel immatériel  » les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoirfaire -- ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés -- que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel. Ce patrimoine culturel immatériel, transmis de génération en génération, est recréé en permanence par les communautés et groupes en fonction de leur milieu, de leur interaction avec la nature et de leur histoire, et leur procure un sentiment d’identité et de continuité, contribuant ainsi à promouvoir le respect de la diversité culturelle et la créativité humaine. Aux fins de la présente Convention, seul sera pris en considération le patrimoine culturel immatériel conforme aux instruments internationaux existants relatifs aux droits de l’homme, ainsi qu’à l’exigence du respect mutuel entre communautés, groupes et individus, et d’un développement durable.

© Caries Castro

L’UNESCO a adopté en 2003 une Convention pour la sauvegarde de ce patrimoine à laquelle se sont ralliés 140 Etats, dont la France. Depuis 2006, son comité se réunit chaque année pour inscrire les éléments proposés par les Etats sur une liste dite représentative. Certains éléments en voie de disparition (langues, danses) sont placés sur une liste de sauvegarde urgente. Outre la diversité des cultures, le critère de sélection essentiel est celui de l’importance que revêt l’élément inscrit pour la communauté qui le propose, par conséquent sa vitalité.

Quelques exemples des 250 éléments inscrits sur les listes du patrimoine culturel immatériel.

© Les compagnons du tour de France

Comment le sauvegarder?

Le fado, chant populaire urbain du Portugal, associe musique et poésie. Inscrit en 2011.

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En France, de très nombreuses associations s’emploient aussi à mettre en valeur et à pérenniser le patrimoine culturel immatériel, souvent avec le soutien des collectivités territoriales et du Ministère de la Culture. Mais chacun aussi le transmet, que ce soit délibérément ou presque inconsciemment dans ses actes quotidiens. Depuis plus de 2 siècles, les chercheurs, ethnologues et anthropologues, se sont intéressés aux pratiques du patrimoine. Leur démarche est fondamentale en ce qu’elle évite de les figer dans un état achevé et permet d’en comprendre les ressorts et les évolutions.

KIOSQUE L’ a c t u a l i t é s c i e n t i f i q u e a u M u s é u m

Ce qui est proposé au Muséum La 7e session du comité intergouvernemental de sauvegarde du Patrimoine culturel immatériel se tient au siège de l’UNESCO du 3 au 7 décembre. A cette occasion, le Kiosque Actus présente au travers d’échanges avec des scientifiques, d’ateliers et de jeux, quelques aspects de ce patrimoine.

La transmission des savoir-faire • chez les scientifiques

Le geste expert du compagnon est le résultat tout à la fois de savoir-faire transmis de génération en génération, de son expérience personnelle et d’innovations techniques.

Les témoignages d’une vie, d’une carrière scientifique révèlent la diversité du métier de chercheur. Ils illustrent également les moments clés de l’évolution d’une discipline. Ils contribuent à la sauvegarde du patrimoine scientifique et technique .

© Jean Dieuzaide

© Les Compagnons du Tour de France

• chez les compagnons

Patrimoine gastronomique, cuisine en partage Chaque région, chaque nation peut s’enorgueillir de ses produits et recettes, ses rites et traditions culinaires.

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Préparation d’un repas en Mongolie © DR

© Catherine Lantenois

De gauche à droite :

Les salaisons pendues dans le Tuyé

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La mémoire et ses sources : les archives

Les pratiques orales et festives Musiques, danses, contes, etc nous accompagnent toute notre vie. Apprises, transmises, recréées, ces pratiques font preuve d’une vitalité et d’une adaptabilité au monde contemporain

© Mallory

© Mallory

Les films, les enregistrements, les photographies permettent de rendre audible ou visible le patrimoine culturel immatériel, de le valoriser et le conserver.

© Patricia Heiniger-Casteret-UPPA/ITEM

Vue satellite de la région du glacier Panmah au Karakorum illustrant la poussée glaciaire entre 1999 et 2008. © LEGOS, Étienne Berthier (copyright Landsat imagery courtesy of NASA)

© L. Joyeux/ INA

Duo de chanteurs

Gainsbourg chez lui (01/04/1967)

Carnaval Colomiers, joueurs d’aboès

© Mathieu Allard-UPPA/ITEM

© Patricia Heiniger-Casteret -UPPA-ITEM

Depuis la préhistoire, les hommes ont composé avec les milieux naturels. L’élevage en libre parcours place les agro-pasteurs face à des questions juridiques, territoriales et d’équilibre des milieux.

© COMDT

Les relations Homme, animal, environnement

Bortüsohoka 2012

Géronce 2012

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Patrimoine spirituel

© Tom Bean/Cortis

© S. Guiraud/Jabiru Prod

Quels en sont les enjeux et les modalités ? Des éléments de réponse avec des manifestations de « l’invisible » chez les indiens Hopi (Arizona) et Karajà (Brésil Central).

Statuette en céramique Poupées Hopi

Jeux Trouver 3 expressions populaires ou proverbes contenant le mot œil. Par exemple « Œil pour œil, dent pour dent »

Trois des expressions suivantes ont des sens voisins. Trouver l’intrus n Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse

1. ………………………………………………………………………………

n Pierre qui roule n’amasse pas mousse

2. ………………………………………………………………………………

n La fortune sourit aux audacieux

3. ………………………………………………………………………………

n Qui va lentement va sûrement (Chi va piano va sano)

D’où vient l’expression « œil pour œil, dent pour dent » ? n De la Bible n De la chirurgie faciale n Du film : la loi du talion Trouver 3 expressions populaires ou proverbes contenant le mot œuf ; Par exemple « mettre tous ses œufs dans le même panier » 1. ……………………………………………………………………………… 2. ……………………………………………………………………………… 3. ………………………………………………………………………………

« It’s raining cats and dogs » signifie littéralement : Il pleut des chiens et des chats ». Quelle sont les expressions françaises équivalentes? n Etre comme chien et chat n Il pleut des cordes n Les chiens ne font pas des chats n Il pleut comme vache qui pisse n Il fait un temps de chien n Il pleut des hallebardes* * Mais qu’est-ce une hallebarde ?

KIOSQUE L’ a c t u a l i t é s c i e n t i f i q u e a u M u s é u m

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Premier semestre 2013 Février : L’eau dans l’Univers Mars : Ce qu’apportent les modèles biologiques à l’étude du cerveau Juin : Alimentation, santé et bien-être

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© Frédéric Lancelot


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N° 8

um e au Musé

L’eau et la vie, ici et ailleurs

Kiosque

3 février 2013

que au Muséum L’ a c t u a l i t é s c i e n t i f i

LES chErchEurS À LA rENcONTrE Du pubLic Dimanche 3 février 2013 de 10h à 18h, entrée gratuite.

« L’eau et la vie, ici et ailleurs » L’eau, source de vie, objet de recherches. Son omniprésence dans l’univers suggère l’existence de vie… ailleurs. Dans d’autres systèmes solaires. Sur d’autres Terres...

Comètes

Évolution Transport Cycle de l’eau Exploration

Origine

Univers

Eau lourde

ANIMATIONS 10h-18h Champs Libres

n Studio Pastre

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CONFÉRENCE 16h 30 « Après six mois d’exploration martienne, qu’a découvert le rover Curiosity ? » Olivier Gasnault, IRAP

© Nasa

EXPOSITION 10h-18h Champs Libres « Le climat des planètes »

Muséum de Toulouse 35 allées Jules Guesde. Ouvert de 10h à 18h.

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m au Muséu

L’eau et la vie, ici et ailleurs

L’eau sur Terre La quantité d’eau sur Terre ne représente qu’une goutte que des satellites surveillent en permanence. L’eau est un élément indispensable à l’apparition et au maintien de la vie sur Terre. On l’y trouve essentiellement (97%) sous forme liquide et salée dans les océans. Le reste est sous forme d’eau douce liquide, principalement souterraine, ou solide dans les glaciers et les calottes polaires.

De nombreux satellites, en orbite autour de notre planète, mesurent en permanence l’abondance et la qualité de l’eau sur terre et dans les océans. Par exemple Jason, une famille de satellites dits « altimétriques » (mission dirigée par la NASA et le CNES), permet de cartographier la surface des océans sur tout le globe terrestre en étudiant les courants et leur évolution, la hauteur des vagues et la vitesse du vent. Grâce à leurs données, on peut observer la montée du niveau des mers –  en 20 ans 3 mm par an en moyenne, soit 6 cm au total ! –, déceler les signes précurseurs d’anomalies climatiques comme le phénomène El Niñó, et prévoir, voire même suivre l’évolution de cyclones.

© CNES

La vie sur Terre est possible non seulement parce que l’eau y est présente à l’état liquide mais également parce que notre atmosphère nous protège des rayonnements néfastes en provenance du Soleil et de l’Univers. Qu’en est-il des autres planètes de notre système solaire et des exoplanètes? Les scientifiques développent des instruments de plus en plus performants, embarqués sur des satellites, pour analyser, mesurer et surveiller la quantité et la qualité de l’eau dans les moindres recoins de notre globe terrestre et la rechercher dans les zones lointaines, froides et chargées de poussière de l’Univers. Ils traquent la présence d’eau sur d’autres planètes de notre système solaire et dans l’espace interstellaire. Ils affinent leurs hypothèses sur l’origine de l’eau terrestre. Ce Kiosque est l’occasion de faire un tour d’horizon des découvertes scientifiques les plus récentes sur ce sujet.

Le radar embarqué sur un satellite « altimétrique » émet verticalement des ondes radio dont l’écho, réfléchi sur la surface marine, est détecté et analysé à bord du satellite. La distance altimétrique (flèche pointillée en jaune) est ainsi connue avec une très grande précision, de l’ordre du cm.

D’autres engins spatiaux, tel le satellite SMOS (Soil Moisture and Ocean Salinity), mesurent l’humidité superficielle des sols. Lancé en 2009, SMOS évalue le taux d’humidité des sols et la salinité des océans, deux paramètres cruciaux pour étudier le cycle de l’eau à l’échelle planétaire et prévoir les évolutions météorologiques et climatiques à long terme.

Près de 70% de la surface de la terre est recouverte d’eau. Mais en masse, 99% de notre Terre est sèche… Sur ce globe, la plus grosse des gouttes bleues représente toute l’eau présente sur terre. Dans la goutte moyenne, c’est toute l’eau douce liquide et dans la plus minuscule, c’est l’eau douce de surface directement exploitable par l’Homme. Crédit : H. Perlman, USGS ; illustration du globe J. Cook, Woods Hole Oceanographic Institution. (©) A. Nieman)

Le satellite SMOS de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) est équipé d’un radiomètre micro-ondes.

Comparaison réalisée avec l’aide de SMOS de l’humidité superficielle des sols en Europe de l’Ouest entre mars 2010 (à gauche) et avril 2011 (à droite). On note une nette diminution de l’humidité, confirmée par les données de 2012. (© CESBIO/CATDS)

La mission spatiale GRACE (Gravity Recovery and Climat Experiment) (de la NASA et de l’Agence Spatiale Allemande), repose sur des mesures du champ de gravité terrestre. Elle fournit des données sur la circulation de l’eau dans les océans et sur les variations du stock d’eau total du sol (eaux de surface et souterraines) dans les grands bassins fluviaux. N° 8 - DIMANCHE 3 février 2013

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L’eau dans l’Univers L’Univers visible, accessible aux télescopes les plus puissants, est constitué de masses compactes (astéroïdes, étoiles, planètes, galaxies, etc…) et diffuses (nuages interstellaires). Les premières résultent de l’effondrement par gravitation des secondes. Notre système solaire ne déroge pas à la règle : l’ensemble de ses constituants (Soleil, planètes, lunes, astéroïdes, comètes) résulte de l’effondrement d’un nuage de gaz, il y a 4,6 milliards d’années.

Herschel : des yeux pour voir les étoiles se former au milieu d’un nuage de gaz et de poussières L’observatoire spatial Herschel est un programme de l’ESA. C’est un télescope avec un miroir de très gros diamètre (3,5m) qui permet d’étudier la formation des étoiles et des galaxies. Lancé par Ariane 5 en mai 2009, il devrait finir sa mission dans quelques semaines. Herschel a permis d’observer la teneur en eau et sa distribution dans l’Univers tout entier. Grâce à lui, nous savons maintenant que l’eau est omniprésente dans l’Univers. C’est l’une des molécules les plus abondantes dans le milieu interstellaire et les régions de formation des étoiles. Herschel possède trois instruments dont le spectromètre HIFI construit par l’IRAP, avec lesquels il observe l’Univers dans une gamme de fréquences particulière : infrarouge et submillimétrique. Les signaux que son miroir reçoit sont traités par les spectromètres. Les spectres qui en résultent permettent de déterminer la composition chimique des nuages de gaz interstellaires, les atmosphères des comètes et des planètes.

Représentation de notre système solaire avec ses planètes rocheuses proches du Soleil (Mercure, Venus, Terre, Mars) et gazeuses, plus éloignées (Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune). Une comète est également visible. ©NASA/JPL Un spectre obtenu dans la Nébuleuse d’Orion qui révèle une richesse chimique insoupçonnée (© CNES)

Quand l’analyse de l’eau dans l’Univers renseigne sur l’origine de l’eau sur Terre L’analyse des spectres obtenus à partir des observations d’Herschel a révélé la complexité moléculaire de l’eau. Outre la molécule d’eau que nous buvons, H20, il existe des formes d’eau dans lesquelles l’un ou les deux atomes d’hydrogène sont remplacés par un ou deux atomes de deutérium (D).

L’eau deutérée semi-lourde (HDO) ou lourde (D2O) ressemble comme « deux gouttes d’eau » à H20 sauf que le noyau du deuterium contient en plus du proton présent dans chaque atome d’hydrogène (p, en bleu) un neutron (n en jaune). Il est ainsi deux fois plus lourd que l’atome d’hydrogène.

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Le deutérium a été formé peu après le Big Bang, lors de la phase de nucléosynthèse primordiale, au cours de laquelle ont été créés les éléments de base de la matière. Il n’existe aucun autre processus de formation du deutérium. Son abondance ne peut que diminuer au fil du temps, puisqu’il est détruit lors des réactions nucléaires qui se produisent au coeur des étoiles. Le deutérium Signature isotopique : l’analyse des données rapportées par Herschel, constitue donc un indicateur en particulier la proportion de l’eau semi-lourde par rapport à celle clef des origines et de l’évo- de l’eau « normale » suggère que des comètes, telles qu’Hartley 2, pourraient avoir apporté de l’eau sur Terre, lors de la phase de lution de la matière de notre bombardements météroritiques qui a suivi la formation de notre Univers. Grâce à Herschel, on système solaire. peut calculer le rapport HDO/ H2O dans le milieu interstellaire et le comparer à celui des océans terrestres (0,015). On a très récemment découvert que ce rapport est proche de celui des comètes de notre système solaire. Les comètes constituent donc une source potentielle d’eau sur Terre.

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Etudier les comètes c’est lire les archives de la Terre

Le noyau des comètes est un mélange de glace et de poussières qui peut atteindre quelques km de diamètre. Lorsque la comète se rapproche du Soleil, ses glaces passent de l’état solide à l’état gazeux. Le noyau éjecte alors une atmosphère de gaz et de poussières : la chevelure dont le diamètre peut alors dépasser 100 000km ce qui rend parfois la comète visible à l’œil nu. Au delà de la chevelure, 2 queues apparaissent, l’une large et incurvée, est constituée de poussières poussées par la pression du vent solaire, l’autre, fine et rectiligne, est composée de gaz ionisés. Elle apparaît bleutée dans l’image de la Comète Hale Bopp qui nous a rendu visite en 19961997 visite (© Physicsquest)

Les comètes passent le plus clair de leur temps à très grande distance du Soleil, dans le nuage d’Oort situé au delà de l’orbite d’Uranus, à plus de 3 000 milliards de kilomètres de la Terre. Leur passage à proximité du Soleil permet d’en étudier la composition. Elle témoigne des conditions physiques et chimiques de la « nébuleuse primitive » dans laquelle se sont formés les éléments de notre système solaire. Les sondes Giotto et Véga nous ont rapporté de très belles images de la comète de Halley, du nom de l’astronome qui a le premier prédit en 1705 le retour périodique d’une comète. Mais observer les comètes à distance ne suffit plus aux scientifiques : ils veulent maintenant en percer le cœur. C’est l’objectif de la mission Rosetta de l’ESA qui doit intercepter la comète Churyumov-Gerasimenko dans sa course vers le Soleil. Après un voyage de 10 ans, la sonde devrait, en août 2014, se mettre en orbite autour du noyau de la comète pour en étudier la surface et déterminer la composition de sa chevelure en glaces d’eau ou glaces de gaz carbonique. Puis Rosetta larguera son atterrisseur Philae qui sondera l’intérieur de la comète pour identifier les éléments de son noyau.

2013, l’année des comètes ?

Découverte au télescope par des astronomes russes il y a quelques mois, nous attendons avec impatience la visite de la Comète ISON (International Scientific Optical Network) qui se dirige actuellement vers le Soleil et devrait briller de « toutes ses glaces », à tel point qu’on devrait la voir à l’œil nu même en plein jour durant quelques mois à partir d’Octobre 2013. Pourvu qu’elle ne se désintègre pas en route ! D’ici là, peut-être pourrons-nous aussi observer une autre comète au doux nom de code L4 2014 ?

L’eau lourde et l’énergie nucléaire Dans la très controversée course à la bombe atomique, l’eau lourde a joué un rôle déterminant. En effet, l’eau lourde permet de ralentir les neutrons issus de réactions de fission nucléaire. Ce rôle de « modérateur » est indispensable pour entretenir les réactions de fission au sein d’un réacteur à l’uranium. Le Canada est actuellement le seul pays au monde qui continue à utiliser des réacteurs à eau lourde. C’est en Norvège qu’a été construite la première usine de production d’eau lourde en 1934. Durant la seconde guerre mondiale, les allemands se sont emparés de ce site pour tenter de produire l’arme nucléaire. Les alliés ont essayé à plusieurs reprises de détruire l’usine pour éviter la fabrication d’une bombe nucléaire. Ces évènements ont inspiré plusieurs films dont « La Bataille de l’eau lourde » de Jean Dréville (1948).

Centrale hydroélectrique de Norsk Hydro à Vemork (sud de la Norvège) où était produite l’eau lourde en 1935

Mars : de l’eau liquide, il y a longtemps, mais la vie ?

©ESA/DLR/FU Berlin (G. Neukum)

Depuis 1964, plusieurs engins spatiaux ont été envoyés pour étudier Mars. Grace à eux, on a appris que ses calottes polaires sont formées de glace d’eau. La nouvelle mission Mars Science Laboratory (MSL) dont le véhicule motorisé, le fameux rover Curiosity, a atterri il y a tout juste 6 mois, a pour but d’étudier l’habitabilité passée de la planète.

Photo prise par le satellite Mars express, une mission de l’ESA.

Les instruments de Curiosity partent à la recherche de substances organiques (longues chaînes carbonées et acides aminés, les briques des protéines essentielles à la vie) témoignant de la présence d’une forme de vie dans le passé. Sur Terre, la pression atmosphérique moyenne d’1 bar permet de trouver, suivant la température, l’eau dans les 3 états, solide, liquide et gazeux. Aujourd’hui, sur Mars, la pression, de l’ordre de 0,006 bar, est incompatible avec la présence d’eau liquide à sa surface. Et pourtant, on y observe de grands réseaux de vallées qui ont très probablement été façonnées par de l’eau liquide, quand la pression atmosphérique était plus élevée.

Curiosity, un gros « insecte » à 6 roues, chargés de 10 instruments (caméras, lasers, spectromètres, tête foreuse..) ne fonctionne pas avec des panneaux solaires, trop fragiles pour les tempêtes martiennes, mais est alimenté par une petite centrale nucléaire produisant 110 watts en permanence.

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Quizz : « L’eau, ici et ailleurs » Comment s’appelle le satellite qui a montré l’omniprésence de l’eau dans l’Univers ?

Pourquoi l’eau deutérée est-elle appelée l’eau lourde ?

n Herschel

n Parce qu’elle a un noyau d’hydrogène supplémentaire

n ISON

n Jason

Les satellites de la famille Jason ont permis de mesurer l’augmentation du niveau des mers. En 20 ans, de combien le niveau a-t-il augmenté ? n 1 cm

n 6 cm

n 60 cm

Le satellite SMOS montre que l’humidité superficielle des sols en Europe de l’Ouest a tendance à : n Augmenter

n Diminuer

n Rester constante

D’où viennent les comètes ?

n Parce que chacun de ses noyaux d’hydrogène contient un neutron en plus du proton n Parce qu’on la trouve au fond des océans

Où se trouve actuellement le seul réacteur nucléaire utilisant de l’eau lourde ? n Au Japon

n Au Canada

n En France

Sur Terre à la pression de 1 bar, on peut trouver de l’eau sous forme solide, liquide ou gazeuse. En dessous de quelle pression, on ne trouve plus d’eau sous forme liquide mais seulement solide ou gazeuse ?

n De la région située entre Mars et Jupiter ? n Des confins de notre système solaire ? n Du centre de la Voie Lactée ?

n 0,6 bar

Une comète est composée essentiellement de :

n Il y a plus de 3 milliards d’années
 n Il y a 1 milliard d’années
 n Il y a 500 millions d’années

n Roches

n Eau

n Gaz carbonique

n 0,06 bar

n 0,006 bar

A quelle époque pense-t-on qu’il existait des fleuves sur Mars ?

Comment suppose-t-on que l’eau est arrivée sur Terre ? 
 (Plusieurs bonnes réponses)

Sur Mars, le rover Curiosity fonctionne grâce à :

n Elle était présente lors de sa formation
 n Grâce aux comètes/météorites
 n Depuis la Lune

n L’énergie solaire n L’énergie nucléaire n Un moteur thermique

KIOSQUE L’ a c t u a l i t é s c i e n t i f i q u e a u M u s é u m

Le “Kiosque Actualités Scientifiques au Muséum” propose une sélection de découvertes et d’événements qui font la une des journaux scientifiques. Retrouvez des compléments d’information sur le site du Muséum. N’hésitez pas à nous faire part de vos remarques pour améliorer ce journal. http://blog.museum.toulouse.fr

THÉMATIQUES DES PROCHAINS KIOSQUES Dimanche 3 mars 2013

Dimanche 2 juin 2013

Modèles biologiques pour étudier le cerveau

Alimentation et santé

En prélude à la semaine du cerveau, des scientifiques vous montreront comment quelques modèles biologiques, comme l’abeille ou la souris, contribuent à l’étude de différents aspects du cerveau, tels que l’odorat ou la mémoire.

Selon l’INSEE, en 2010 nous consacrions en moyenne chaque jour 2h22 minutes de notre temps à notre alimentation. Comment mange-t-on ? Que mange-t-on et quel impact notre alimentation a-t-elle sur notre santé ? De grandes questions que vous pourrez partager avec des chercheurs de différents horizons.

Conception : Dominique Morello; remerciements : Karine Gadré, Charlotte Vastel, Jean Pierre Ulmet, Jean Matricon Réalisation : Studio Pastre

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N° 8 - DIMANCHE 3 février 2013

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Š Christian Niatrd


e u q s Kio scientifiqu L’ a c t u a l i t é

N° 9

um e au Musé

Cerveau et modèles animaux : des souris, des abeilles et des hommes 3 mars 2013

Des souris, des abeilles et des Hommes

© Inserm - C.J. Caussidier-Dechesne

Actualités de la recherche scientifique sur le cerveau

Muséum de Toulouse Dans le cadre de la semaine du cerveau

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m au Muséu

Des souris, des abeilles et des hommes

Dimanche 3 mars

2013

Dans le cadre de cerveau » « La semaine du

Quand on apprend quelque chose et que l’on s’en souvient, notre cerveau garde une trace de l’expérience que nous avons vécue, il change : des nouvelles connexions se font et se défont entre certaines de nos cellules nerveuses, les neurones. Mais comment, et où ? Difficile de répondre en étudiant un cerveau aussi compliqué que le nôtre qui contient environ 100 milliards de neurones, autant qu’il y a d’étoiles dans notre galaxie !, chacun connecté en moyenne à un millier d’autres… Pour s’y retrouver, les chercheurs utilisent des cerveaux plus petits, tels que celui de l’abeille ou de la souris auxquels ce Kiosque est consacré.

Le cerveau et ses cellules spécialisées, les neurones, championnes des réseaux de communication Le cerveau est une structure très complexe qui renferme des cellules spécialisées, les neurones et leurs assistantes, les cellules gliales, qui les nourrissent et les aident à fonctionner. Le neurone propage l’information nerveuse (l’influx nerveux) sous forme de signal électrique. C’est un champion de communication : par l’intermédiaire de leurs dendrites (petits prolongements arborescents) et de leurs axones (longs prolongements fibreux), les neurones communiquent entre eux et avec leurs cellules cibles (cellules musculaires par exemple). Les axones peuvent parcourir de très longues

Neurone caractérisé par son axone et ses dendrites © Inserm, E. Eugène

distances : chez la girafe, certains neurones ont des axones de plus de 10 mètres de long ! Les techniques d’imagerie récentes nous permettent de visualiser les grandes autoroutes cérébrales reflétant les connexions des neurones non seulement avec les neurones voisins mais dans des aires cérébrales éloignées. Le nombre de neurones varie d’une espèce à l’autre. Par exemple, le cerveau de l’abeille contient environ un million de neurones, celui de la souris 75 millions et celui de l’Homme est de 100 milliards. De plus, le nombre de connexions que chacun établit avec d’autres neurones et les cellules gliales varie au cours de la vie d’un individu. Dans le système nerveux central, ce qu’on appelle la matière grise correspond aux corps cellulaires des neurones avec leur dense réseau de dendrites. Elle constitue la mince écorce de nos hémisphères cérébraux qu’on appelle cortex. La matière blanche correspond aux axones entourés d’une gaine de myéline qui les recouvre pour en accélérer la conduction. Les axones myélinisés s’assemblent en faisceaux pour établir des connexions avec d’autres groupes de neurones. La matière blanche est organisée en faisceaux de fibres qui relient les différentes régions du cerveau © CNRS Photothèque/ CI-NAPS/GIP CYCERON LAMBERTON Franck

Les oligodendrocytes (en vert) et les astrocytes (en rouge). Ces cellules dites « gliales », supportent, nourrissent, protègent et isolent les neurones. On sait depuis peu qu’elles modulent l’activité neuronale. (P. Cochard)

Le relais qui assure la transmission de l’influx nerveux entre les cellules est la synapse, lieu de synthèse et d’accumulation de neurotransmetteurs. Ce sont des composés chimiques qui selon leur type vont favoriser ou empêcher la propagation du signal. Par exemple, les endorphines sont secrétées en cas d’excitation ou de douleur ; leur libération provoque une sensation de bien être. Les synapses se modifient constamment -on parle de « plasticité »- permettant ainsi au cerveau de s’adapter à une nouvelle situation, d’apprendre et de mémoriser.

Les synapses s’établissent entre les neurones et leurs cellules cibles. Les neurotransmetteurs sont synthétisés et s’accumulent dans le neurone. Ils sont libérés puis capturés par les récepteurs qui se trouvent à la surface des cellules cibles (post-synaptiques). N° 9 - DIMANCHE 3 MARS 2013

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La taille, la forme et la structure du cerveau varient d’une espèce à l’autre La plupart des animaux multicellulaires ont un système nerveux. Même les insectes ont un système nerveux central, un cerveau dans leur tête. Les cerveaux des animaux présentent une large variété de structures, de tailles et de formes, qui reflète leur adaptation au milieu dans lequel ils vivent. Par exemple, le bulbe olfactif qui contrôle l‘odorat est proportionnellement plus développé chez le lapin que chez le pigeon et les lobes optiques sont très développés chez la grenouille.

En apprendre sur la mémoire en observant des souris nager Devant la complexité du cerveau humain, les scientifiques ont recours à des animaux aux structures moins complexes pour enrichir leurs connaissances. C’est le cas de la souris qui constitue un très bon modèle pour de très nombreuses études, en particulier celles sur la mémoire. Grace à la plasticité neuronale, le cerveau analyse les informations qu’il reçoit constamment, les enregistre et les mémorise. La mémoire est essentielle à tout apprentissage puisqu’elle permet le stockage et le rappel des informations apprises. Il existe différentes mémoires, par exemple la mémoire sensorielle, la mémoire à court terme, la mémoire à long terme, qui mettent en jeu différentes parties du cerveau.

Pourquoi la souris est-elle un très bon modèle d’études ?

Chez les primates (singes, homme), le cortex, constitué de matière grise, représente une part importante du cerveau. On le divise en différents lobes ou régions qui effectuent des tâches distinctes.

La souris est un mammifère dont le matériel génétique (le génome ou ADN) est très proche de celui de l’Homme (90% d’homologie). La souris vit en moyenne 2 ans et son développement est très rapide : 3 semaines de gestation, puis à peine 2 mois pour atteindre l’âge adulte. Les souris ont une dizaine de bébés par portée. La souris s’élève très facilement en laboratoire, à condition de respecter les législations nationale et européenne en vigueur. Grâce à des « mariages » consanguins, on peut obtenir des souris qui sont génétiquement identiques, des sortes de clones qui facilitent les expériences et leurs interprétations. Il est possible de manipuler le génome de la souris et de fabriquer des souris dites « transgéniques » qui portent une mutation particulière. On peut ainsi établir des modèles de maladie, comme la maladie d’Alzheimer, étudier son évolution et les moyens de l’enrayer. Les souris ont une très bonne mémoire (spatiale notamment) et il y a une très grande homologie entre les structures cérébrales de la souris et de l’Homme.

Mais où est le substrat de la mémoire ?

Lobes du néocortex humain (vue latérale) ©Brains-fr.svg Bourrichon

Pour répondre à cette question complexe, les chercheurs analysent comment se comportent des souris dans différents tests, comme le labyrinthe radial ou la piscine de Morris. Dans ce dernier cas, ils comptent combien de temps met une souris placée dans la piscine pour trouver une plate-forme immergée. La souris utilise sa mémoire spatiale pour repérer l’emplacement de cette plateforme en prenant comme repère les indices lointains se trouvant dans la pièce où la piscine est située. Après plusieurs essais, des souris normales parviennent très vite à retrouver la plateforme en utilisant une trajectoire directe. Au contraire, certaines souris transgéniques ont une trajectoire moins directe et mettent beaucoup plus de temps pour retrouver la plate-forme. Elles ont donc un défaut majeur dans le processus de mémorisation. Ce type d’expériences a montré chez la souris l’implication d’une structure essentielle l’hippocampe (en rouge sur la photo) dans cette forme de mémoire. Chez l’Homme, cette structure a également un rôle essentiel puisque sans elle, il est impossible de mémoriser un seul souvenir à long terme et c’est cette structure qui est la première endommagée dans la maladie d’Alzheimer.

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Le séquençage du génome d’Apis mellifera s’est terminé en 2006. L’ADN de l’abeille héberge 10 157 gènes, soit près de la moitié du nombre de gènes de la souris ou de l’homme (environ 25 000 gènes). Un nombre important (163) est impliqué dans l’odorat. Les insectes ont un cerveau – mais il est beaucoup plus petit que celui des mammifères : le cerveau de l’abeille contient un peu moins d’un million de neurones, soit 100 000 fois moins que celui de l’homme ! Le cerveau des insectes n’est pas organisé comme le nôtre, mais il fonctionne de la même

© Benoit Hourcade, CRCA/CNRS

Malgré leur petit cerveau (1 mm3), les abeilles ont d’excellentes capacités d’apprentissage et de mémorisation. L’étude de leur cerveau miniature permet de visualiser et de comprendre les mécanismes biologiques de l’apprentissage et de la mémoire. L’abeille est un insecte hyménoptère végétarien et butineur, ne se nourrissant que de pollen et de nectar produits par les fleurs. En transportant les pollens d’une fleur à l’autre, les abeilles jouent un rôle essentiel : elles permettent aux plantes à fleurs de se reproduire. Il existe 20  000 espèces d’abeilles. La plus connue parmi les 1  000 espèces vivant en France est l’abeille à miel Apis mellifera. L’abeille a un squelette externe, un corps en trois parties (têtes, thorax et abdomen), une paire d’antennes, deux paires d’ailes et trois paires de pattes, insérées sur le thorax. La reine se distingue par un abdomen deux fois plus long que celui de l’ouvrière, rempli d’ovaires gorgés d’œufs. Une reine pond en moyenne 2000 œufs par jour ! Une colonie peut comporter 60 000 individus. Selon la saison durant laquelle elles sont nées, les ouvrières vivent de quelques semaines à quelques mois. Les mâles vivent quelques semaines et la reine peut atteindre 5 ans…

Au laboratoire, on peut facilement entraîner une abeille à associer une odeur à une récompense : au moment où on lui fait sentir une odeur, on lui touche les antennes avec de l’eau sucrée : elle sort son proboscis (sa langue) pour lécher. Un peu plus tard, on lui fait à nouveau sentir l’odeur, sans lui donner à manger : si elle sort quand même son proboscis, c’est qu’elle se souvient que cette odeur indiquait la récompense.

manière : les informations sur le monde lui sont transmises par les organes des sens (les yeux, les antennes …) et il les analyse dans des régions spécialisées puis les intègre. Dans la colonie, les abeilles échangent en permanence des messages de toutes natures : gustatifs, olfactifs, auditifs, tactiles ou visuels. Il est indispensable que l’information circule pour que des dizaines de milliers d’abeilles de la ruche coordonnent leur travail et réagissent rapidement au situations les plus diverses.

Les abeilles ont des centres olfactifs très développés dans leur cerveau. On les appelle les lobes antennaires car ils reçoivent les informations en provenance des antennes, qui jouent le même rôle que le nez pour nous. Ces lobes ressemblent beaucoup aux centres de traitement des odeurs que possèdent les mammifères, les bulbes olfactifs – même si pour nous les odeurs n’ont pas la même importance, car nous utilisons beaucoup plus la vue et le son pour communiquer et nous repérer dans le monde qui nous entoure. Les odeurs ont un autre rôle dans la vie de l’abeille : elles sont très utiles pour trouver de la nourriture : le pollen et le nectar des fleurs. En butinant, les abeilles voient la forme et la couleur des différentes fleurs qu’elles visitent, et sentent leur odeur et … s’en souviennent Pour comprendre comment le cerveau « sent », les chercheurs observent au microscope quelles parties des lobes antennaires sont activées lorsque l’on fait sentir une odeur particulière à l’abeille.

Pour savoir si une abeille reconnaît une odeur, les chercheurs lui font tirer la langue !

© Cyrille Frésillon, CRCA, CNRS

© J.-M. Bonmatin/CNRS

Quand on apprend aux abeilles à tirer la langue

Lobe antennaire : par une technique d’imagerie sous microscope, on peut voir quelles sont les régions du lobe antennaire activées lorsque l’abeille sent une odeur particulière. L’abeille peut mémoriser une odeur toute sa vie.

Anectode : Depuis 1758, et sur proposition du fameux zoologiste et botaniste Suédois Carl Von Linné, le nom scientifique de l’abeille à miel est « Apis mellifera ». Malheureusement il est erroné car il signifie « qui transporte du miel ». Trois ans plus tard, Linné découvre son erreur et la renomme « Apis mellifeca » c’est à dire « qui fabrique du miel ». Mais pour diverses bonnes raisons, les règles de dénomination spécifient que le nom le plus ancien est celui qui doit toujours être utilisé. Voila pourquoi l’abeille, qui ne transporte pas de miel mais du nectar, continue de s’appeler « mellifera ».

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Le sommeil : une forme évoluée de repos Tous les animaux dorment. Nous passons un tiers de notre vie à dormir ! Le sommeil nous permet de récupérer des énergies, de mémoriser et organiser les informations que nous apprenons lors de la veille. Quand nous éteignons la lumière, notre cerveau commence des activités propres au sommeil qui permettent au reste de l’organisme de se reposer. Notamment, il existe deux phases de sommeil, le sommeil paradoxal, phase durant laquelle la majorité des rêves se produit, et le sommeil non paradoxal. Les deux phases s’alternent au cours de la nuit en plusieurs cycles d’une durée d’environ une heure et demi chacun. Des neurotransmetteurs, tels la sérotonine et la mélatonine, sont impliqués dans le déclenchement et la qualité du sommeil.

Troubles du sommeil : insomnies, ronflements, somnambulisme… Les insomnies : Quand nous dormons peu ou mal, nous avons des difficultés à être performants le lendemain au travail ou dans les interactions interpersonnelles. À côté de l’insomnie, il y a d’autres problèmes qui peuvent perturber le sommeil. Par exemple, les personnes qui ont des difficultés respiratoires liées au sommeil, comme des ronflements ou des apnées du sommeil (pauses de la respiration pendant le sommeil) ont une fragmentation du sommeil qui fait qu’elles n’arrivent pas à «  récupérer  ». Les problèmes respiratoires liés au sommeil mettent aussi en danger le cœur et le cerveau. Il y a aussi, chez certaines personnes, des mouvements liés au sommeil ou « parasomnies ». La forme la plus connue est le somnambulisme. La période des rêves peut également être affectée : normalement, le cerveau nous empêche de parler, crier ou bouger pendant que nous rêvons. Chez les personnes affectées d’un trouble du comportement en sommeil paradoxal, certains rêves s’échappent du contrôle du cerveau, ce qui se manifeste par des rêves agités. Il existe des centres spécialisés pour étudier et traiter les troubles du sommeil. Leur évaluation et prise en charge se basent sur un examen clinique et sur des enregistrements de l’activité du cerveau et d’autres paramètres avec la « polysomnographie ».

Figure 1: Modification de l’activité électrique du cerveau pendant la veille et le sommeil, détectée par l’électroencéphalogramme. Modification de l’activité électrique du cerveau pendant la veille et le sommeil, détectée par l’électroencéphalogramme. Pendant le sommeil paradoxal, l’activité du cerveau ressemble beaucoup à celle de veille. C’est pour cela que les chercheurs qui l’ont décrite en premier l’ont appelée «sommeil paradoxal»: le sujet est bien endormi, mais son cerveau se comporte «paradoxalement» comme s’il était éveillé.

Figure 2: Exemple d’un tracé de sommeil normal et perturbé. En abscisse, le temps (les heures de la nuit), en ordonnée les phases de veille (pourpre), de sommeil non paradoxal (bleu clair, vert, bleu foncé) et de sommeil paradoxal (rouge). A. Pendant une nuit de sommeil normal, les phases de sommeil non paradoxal et paradoxal s’alternent en différents cycles. Le sommeil paradoxal se concentre surtout vers la fin de la période du sommeil (au matin tôt) B. Exemple d’un tracé perturbé (pendant la deuxième partie de la période du sommeil) chez un patient avec un syndrome d’apnées en sommeil. A noter que la proportion de sommeil paradoxal (rouge) est nettement réduite par rapport à la normalité.

KIOSQUE L’ a c t u a l i t é s c i e n t i f i q u e a u M u s é u m

Le “Kiosque Actualités Scientifiques au Muséum” propose une sélection de découvertes et d’événements qui font la une des journaux scientifiques. Retrouvez des compléments d’information sur le site du Muséum. N’hésitez pas à nous faire part de vos remarques pour améliorer ce journal. http://blog.museum.toulouse.fr

PROCHAIN KIOSQUE

Dimanche 2 juin 2013 Alimentation et santé Selon l’INSEE, en 2010 nous consacrions en moyenne chaque jour 2h22 minutes de notre temps à notre alimentation. Comment mange-t-on ? Que mange-t-on et quel impact notre alimentation a-t-elle sur notre santé ? De grandes questions que vous pourrez partager avec des chercheurs de différents horizons.

Conception : Dominique Morello - Remerciements : Jean Marc Devaud, Philippe Cochard, Pascal Roullet, Dina Arvanitis, Julien Laussu - Réalisation : Studio Pastre

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e u q s o i K scientifiqu L’ a c t u a l i t é

um e au Musé

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Des souris, des abeilles et des hommes

2013

Dans le cadrecede rveau » « La semaine du

6. Le nombre de neurones d’un cerveau de souris est de n A. 75 000 n B. 75 000 000 n C. 75 000 000 000

1. Où se trouve le nez de l’abeille ? n A. sur ses antennes n B. sur sa langue n C. sur son thorax ?

7. Une souris transgénique est n A. une souris nourrie aux organismes

génétiquement modifiés (OGM) n B. une souris dont on a manipulé le patrimoine génétique n C. une souris qui vit plus longtemps que 2 ans ?

2. Comment s’apelle la langue de l’abeille ? n A. Le proboscis n C. Le cronoscis

Dimanche 3 mars

n B. Le propolis

8. Après la naissance, il y a toujours des nouveaux neurones qui naissent dans le cerveau

3. Le cerveau humain contient n A. 1 000 neurones n B. 10 000 neurones n C. 100 000 fois plus de neurones que

celui de l’abeille, c’est à dire 100 milliards ?

n B. Faux

n C. Vrai, mais uniquement dans des

structures très spécialisées

9. Le sommeil

4. La principale structure cérébrale impliquée dans la mémoire est n A. L’hippocampe n B. L’hippopotame n C. L’hypothalamus

n A. Vrai

n A. Est une activité passive ; n B. Est une activité peu utile dont nous

pourrions nous passer ; n C. Est une forme évoluée de repos.

10. Le sommeil paradoxal 5. Pour tester la mémoire chez la souris, on utilise

n A. A lieu une seule fois pendant la nuit ;

n A. Le labyrinthe spatial n B. La piscine de Monique n C. Le labyrinthe radial

certaines personnes ; n C. Est la phase du sommeil où se produit la majorité des rêves

n B. Se produit uniquement chez

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e u q s Kio scientifiqu L’ a c t u a l i t é

N° 10

um e au Musé

Alimentation, santé et bien-être 2 juin 2013

Les chercheurs se mettent à table !

Mieux mange r

iel - Co Renco sensor Buffet - Aper’eau s Atelier

ntres

On ne mange pas seulement pour vivre mais aussi par plaisir et pour partager. Mais que mange-t-on, comment et quelles en sont les incidences sur notre corps ? Des chercheurs vous proposent tout au long de la journée des échanges et des animations autour de l’alimentation et de la santé.

Surpoids et obésité :

l’hérédité n’explique pas tout ; excès alimentaires et sédentarité sont aussi en cause

Bien manger

n er di 1 jui Du same 13 juin 2013 di au jeu ces nféren

Dans le cadre de la quinzaine du gout

Le temps du doute et de la défiance alimentaire : un consommateur éclairé en vaut au moins dix… – Les produits « pestiférés » – Les alicaments et compléments alimentaires

L’alimentation de demain Crus, frits, sautés au beurre, avec de l’ail ou de la citronnelle : et si on mangeait des insectes?

Villes durables et agriculture urbaine ou comment résoudre le dilemme : produire plus et de manière écologique sur peu d’espace?

Au programme

Cet été, exposition événement

• Des jeux pour mieux comprendre comment sont réparties nos graisses ou comment le bisphénol A perturbe notre organisme. • Les gènes ne régissent pas tout et l’alimentation peut remodeler notre programme génétique. • Vers de nouvelles pistes pour nourrir les 9 milliards d’humains qui peupleront la planète en 2050 : l’entomophagie – manger des insectes – et l’agriculture en ville.

E L’ÉTÉ

illet Du 13 ju 13 ût 20 au 18 ao

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Conception visuel - Photo : Guillaume Czerw

www.museum.toulouse.fr http://blog.museum.toulouse.fr

csuper.fr

Et aussi

L’exposition est conçue et produite par

En coproduction avec

NS TOUS

TATION DA

L’ALIMEN

Kiosque réalisé avec les partenaires suivants :

Chaussez vos baskets pour découvrir la Gymnastique Suédoise et d’autres sports dans le cadre de la journée Sport et Santé organisée par la Mairie de Toulouse au Jardin des Plantes, 11h à 18h.

!

BON PPÉTIT A L’EXPO D

LES SENS


e u q s o Ki e scientifiqu L’ a c t u a l i t é

m au Muséu

Les progrès réalisés au cours de la seconde moitié du XXe siècle dans les domaines de la sécurité alimentaire et de la qualité des denrées ont fortement contribué à accroitre notre espérance de vie. La malnutrition, la sous-alimentation et les intoxications alimentaires ont nettement diminué. Évolution de l’espérance de vie dans le monde entre 1950 et 2006

Espérance de vie à la naissance (en années) 70 65 60 55 50 45 40

1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005

Source : Nations unies, 2007. Fiche pédagogique INED, www.ined.fr

Les doutes et les peurs alimentaires s’amplifient et la malbouffe se généralise. Comment le consommateur peut-il s’y retrouver dans les flots d’informations plus ou moins contradictoires que déversent les médias sur la toxicité des résidus de pesticides dans les aliments, celle des perturbateurs endocriniens (ex : bisphénol A) contenus dans les boites de conserve, ou sur la dangerosité des OGM ?

Dans le cadre de

Mieux mange r

er juin edi 1 Du sam 13 juin 2013 di au jeu ces nféren

el - Co encontres R sensori Buffet - Aper’eau Ateliers

Bien manger

Alimentation, santé et bien-être

13 Dimanche 2 juin 20

Face à ces doutes, de plus en plus de citoyens s’investissent dans le développement de nouvelles cultures alimentaires et culinaires. Ils prônent l’équilibre et la variété des aliments et une culture de proximité respectueuse de la qualité environnementale et de la biodiversité. Ils optent pour une consommation responsable dont les ingrédients de base sont l’équilibre, la variété, le plaisir culinaire et la convivialité.

P

ourtant, au cours de la même période, le nombre de personnes atteintes de certaines pathologies chroniques, comme l’obésité et le diabète, a beaucoup augmenté. Les modifications récentes et très rapides de nos habitudes alimentaires, la sédentarité et notre exposition à des contaminants de l’environnement et de l’alimentation jouent indéniablement un rôle dans le développement de ces pathologies.

Avec les chercheurs, découvrons au travers de ce Kiosque-Actus comment concilier alimentation, santé, plaisir et partage. N° 10 - DIMANCHE 2 juin 2013

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Surpoids et obésité :

l’hérédité n’explique pas tout ; excès alimentaires et sédentarité sont aussi en cause

L

’obésité est une maladie complexe qui fait intervenir des aspects physiologiques, comportementaux et socioculturels. L’obésité prédispose à certaines maladies chroniques (hypertension, maladies cardio-vasculaires, diabète, cancers…). C’est un facteur de discrimination et d’exclusion. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estimait qu’en 2005 plus d’un milliard et demi de personnes étaient en surpoids (≈ 1 personne sur 6) et que plus de 400 millions de personnes étaient obèses. En France, en 2012, 1/3 des Français adultes de 18 ans et plus étaient en surpoids et près de 7 millions étaient obèses. C’est environ 3,3 millions de plus qu’en 1997 (étude ObEpiRoche). Quelles sont les causes de cette « épidémie »? Pour le comprendre et lutter contre l’obésité, plusieurs pistes transdisciplinaires sont suivies : – L’obésité est caractérisée par un excès de masse grasse essentiellement localisée dans le tissu adipeux. Dans ce tissu, les adipocytes sont les cellules qui stockent l’excès d’énergie (acide gras) sous forme de triglycérides. Les chercheurs s’intéressent aux facteurs produits par les adipocytes qui sont à l’origine des complications associées à l’obésité; – quand la quantité d’énergie apportée par les aliments dépasse son utilisation par l’organisme (la dépense énergétique), les calories excédentaires sont stockées dans la graisse corporelle  ; comment stimuler le métabolisme énergétique ?

En France, seuls 63 % des adultes de 18 à 74 ans pratiquent un niveau d’activité physique équivalent à au moins 30 minutes d’activité physique modérée par jour, au moins 5 fois par semaine (INVS 2006).

P. Geluck Photos P. Menzel « Hungry planet »

L’IMC n’est pas une donnée absolue. C’est un indicateur qui permet d’évaluer la corpulence d’un individu. Le calcul de l’IMC s’applique chez l’adulte IMC = Masse (kg) de 18 à 65 ans, mais pas chez la femme Taille (m) enceinte et l’enfant. < 18  maigreur ≥ 25  surpoids Le corps médical y associe d’autres pa≥ 30  obésité ramètres : l’âge, le sexe, l’origine ethnique, la masse grasse, les plis cutanés, la masse musculaire et la masse osseuse. L’impact d’un IMC de 30 n’est pas la même chez un sportif à masse musculaire conséquente et un sédentaire! 2

La mesure du tour de taille est un autre indicateur On estime qu’il y a obésité abdominale quand le tour de taille est supérieur à 80 cm chez la femme et à 94 cm chez l‘homme. L’obésité abdominale est associée à un risque accru de diabète, d’hypertension et de maladies cardio-vasculaires.

– Étude de l’influence de l’aimentation sur la flore intestinale ; – Intervention chirurgicale (by-pass de l’estomac) ; – Étude des contaminants de l’environnement et des aliments qui pourraient influencer la lecture de nos gènes et nos équilibres hormonaux ;

– Dépistage précoce, prévention du surpoids : contrôle de la prise alimentaire, incitations à la pratique d’une activité physique régulière ;

FRANCE 419,95 $/semaine

L’Indice de Masse Corporelle (IMC) : calcul et limites

JAPON 330 $/semaine

Les produits phyto-sanitaires sont partout …

…et le bisphenol A, presque partout!

– Étude des normes sociales et culturelles qui déterminent les comportements alimentaires. Les inégalités de richesse et les différences culturelles déterminent nos rythmes et habitudes alimentaires.

Koweit 221 $/semaine

Équateur 31,6 $/semaine

TCHAD 1,6 $/semaine

Quantité de nourriture mangée pendant une semaine par différentes familles dans différents pays et son prix

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N° 10 - DIMANCHE 2 juin 2013

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Le temps du doute et de la défiance alimentaire : un consommateur éclairé en vaut au moins dix…

Après les crises de la vache folle (1986-1996), du poulet à la dioxine (1999), du lait chinois à la mélamine (2008), des steaks hachés contaminés (2012) et le scandale de la viande de cheval (2013), il ne faut pas s’étonner que le scepticisme gagne le consommateur qui ne sait plus quoi mettre dans son panier. Comment regagner sa confiance? Comment mieux choisir son alimentation?

Les produits « pestiférés » Les perturbateurs endocriniens : des substances extrèmement préoccupantes Dans l’attente d’une définition consensuelle, il s’agit de toute substance qui perturbe l’équilibre de nos systèmes hormonaux et qui a des effets néfastes sur la santé d’un individu et/ou de sa descendance ou d’une sous-population. Au total, plusieurs centaines de molécules de synthèse en circulation sont considérées comme des perturbateurs endocriniens potentiels ou avérés. L’exposition à de fortes concentrations n’est pas seule responsable des effets délétères sur la santé : une exposition à de faibles concentrations et sur le long terme est aussi néfaste. Les différents organes sécrétant des hormones

Deux exemples bien connus : • les pesticides : beaucoup de substances utilisées pour lutter contre des parasites indésirables des végétaux peuvent avoir des propriétés de perturbateurs endocriniens. Selon le rapport du 12 Mars 2013 de l’Autorité européenne de sécurité des aliments, le taux de contamination des aliments consommés en Europe est important : en moyenne, 65% des fruits et 39% des légumes analysés contenaient des résidus de pesticides. Cependant, l’EFSA se veut rassurante : plus de 97% des aliments analysés en 2010 présentent des taux de résidus conformes aux limites légales. • le bisphénol A (BPA) : c’est un œstrogène de synthèse utilisé dans l’industrie de l’emballage alimentaire depuis la fin des années 60. Il est interdit en France depuis 2012 dans la fabrication des biberons, mais on en trouve dans des bonbonnes d’eau réutilisables, dans les résines époxy revêtant l’intérieur des boîtes de conserve et des canettes de boisson et dans les couvercles de petits pots d’aliment infantile … Même à faibles doses, le BPA présente des risques potentiels pour la santé (ANSES, 9 Mars 2013).

D’autres molécules potentiellement néfastes pour la santé se retrouvent dans nos aliments, par exemple : • les additifs qui sont ajoutés dans notre alimentation pour en améliorer le goût, la texture, la couleur ou faciliter la fabrica-

tion…Ils sont classifiés de E1xx à E9xx et sont, pour la plupart, inoffensifs. Attention toutefois aux E150d (Caramel au sulfite d’ammonium) et E171 (dioxyde de titane) qui sont potentiellement cancérigènes.

Il existe plusieurs sites pour vérifier l’innocuité des additifs, dont Openfood facts.com. Ainsi, chacun peut faire ses emplettes en toute connaissance de cause.

- les mycotoxines : ce sont des toxines produites naturellement par des champignons. On peut les trouver dans de nombreuses denrées telles que les céréales, fruits, fromages… Selon la FAO, elles contaminent chaque année 25% des récoltes destinées à l’homme ou à l’animal entrainant baisses de rendements, effets néfastes sur la santé et pertes économiques importantes. Eviter la contamination, identifier les toxines et comprendre leurs modes de fonctionnement sont trois axes de recherche prioritaires. Pomme contaminée par le champignon Penicillium expansum.

Les alicaments et compléments alimentaires Une alimentation saine, variée et équilibrée est suffisante

pour apporter à notre organisme les glucides (sucres), lipides (graisses), protéines, vitamines et minéraux nécessaires au fonctionnement de nos cellules. Cependant en cas de maladies, de carences avérées ou de pratiques sportives intenses, il peut être nécessaire de consommer des aliments enrichis ou des compléments alimentaires. Un des axes principaux du bien-être est l’amélioration du transit intestinal et le maintien de l’équilibre entre les différentes populations de bactéries qui tapissent notre intestin : la flore intestinale. Notre intestin, parfois appelé « le deuxième cerveau », héberge 100 000 milliards de micro-organismes. Près de 2 000 espèces différentes de bactéries ont été identifiées. Elles sont indispensables à l’assimilation des aliments. Ce « micro-

biote » (ou flore) intestinal est hérité à la naissance ; sa composition est dynamique tout au long de la vie et dépend de ce que l’on mange. La colonisation de l’intestin du bébé par la flore microbienne est influencée par de nombreux paramètres (types d’accouchement, d’allaitement, utilisation d’antibiotiques). Une composition inadéquate peut avoir des répercussions plus tard sur le développement de maladies métaboliques. Des expériences réalisées chez l’homme et la souris montrent que comparés à des individus contrôles, les individus obèses n’ont pas le même microbiote. De plus, des souris contrôles dont l’intestin est colonisé par la flore intestinale provenant de souris obèses deviennent obèses. L’alimentation façonne le microbiote. Si l’alimentation est inappropriée au microbiote, cela se répercute sur notre équilibre nutritionnel et sur notre santé et peut contribuer à l’obésité et au diabète.

N° 10 - DIMANCHE 2 juin 2013

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L’alimentation de demain Comment faire face au nombre trop important de personnes sous-alimentées – près d’1 milliard actuellement – et nourrir décemment les 9 milliards d’individus qui peupleront la planète en 2050 ? Produire plus d’aliments tout en respectant l’environnement, réviser les modes de production et de consommation (circuits courts) et éviter le gaspillage alimentaire constituent quelques pistes innovantes.

La consommation d’insectes ou entomophagie : une solution pour nourrir la planète? Produire plus de protéines nécessite d’élever plus d’animaux comestibles. Or l’élevage du bétail coûte cher, favorise l’émission de grandes quantités de gaz à effet de serre (dioxyde de carbone, méthane et ammoniac) et requiert de l’eau en abondance. Les insectes sont riches en protéines, vitamines et sels minéraux, pauvres en graisse, et représentent donc une alternative à la consommation de viandes et de poissons. Plus de 1400 espèces d’insectes seraient comestibles. Des orthoptères (criquets, sauterelles, grillons..), blattoptères (blattes et termites), coléoptères (scarabées, ténébrion), hémiptères (cigales, pucerons, cochenilles…), hyménoptères (abeilles, guêpes, fourmis), diptères (mouches, moustiques), lépidop-

tères (papillons) … sont déjà mangés régulièrement par plus de 2,5 milliards de personnes dans le monde (essentiellement en Afrique, Asie et Amérique du Sud).

Macrotermes bellicosus, (Reine de termite africain > 10 cm de long)

Schistocerca gregaria (criquet pèlerin)

Depuis peu, des industriels des pays occidentaux ont mis au point des conditions d’élevage, à grande échelle, d’insectes propres à la consommation humaine, tels que vers de farine, grillons et criquets migrateurs. Chez soi, on peut construire son vivarium ou terrarium et régaler ses amis en leur servant à l’apéritif un cocktail de grillons, en plat principal un sauté de criquets et en dessert un brownie aux vers de farine…bon appétit !

Musca domestica (mouche domestique et sa larve)

Encourager l’élevage d’insectes pourrait également permettre l’auto-suffisance alimentaire et le maintien de quelques espèces d’insectes menacées par la déforestation ou le réchauffement climatique.

Villes durables et agriculture urbaine

ou comment résoudre le dilemme : produire plus et de manière écologique sur peu d’espace? L’agriculture urbaine est un moyen d’affronter à la fois la pauvreté urbaine et la dépendance à l’égard des aliments importés, mais aussi un moyen d’insérer les populations les plus démunies dans la société. Marchés bios, jardins partagés, espaces verts, potagers en libre-service, dépollution des sols, récupération des déchets. La ville durable est l’affaire de tous ! Elle se doit de préserver l’environnement tout en étant source de bien-être pour ses habitants. Des projets lointains plus ou moins utopiques…

… à la réalité locale À Toulouse et en Midi Pyrénées, il y a de nombreuses initiatives pour concevoir, construire et cultiver collectivement des jardins écocitoyens, au sol, sur les murs ou sur les toits.

Et aussi de beaux projets réalisés avec de jeunes handicapés. Leur activité de bio-maraîchage sera à l’honneur dans l’expo itinérante internationale Carrot City qui rassemble de grandes expériences internationales d’agricultures urbaines.

Ferme verticale à New York (Dragonfly)

Villes flottantes botaniques au Japon (Green float)

Chacun peut également contribuer à l’alimentation de demain en évitant le gaspillage alimentaire Dans la Métropole de Toulouse, en 2011, c’est 7 kg d’aliments qui sont jetés chaque année par habitant sans être déballés et 65 kg d’épluchures qui pourraient être compostées. Des gestes simples pourraient faire économiser en moyenne 400€ / an par foyer !

KIOSQUE L’ a c t u a l i t é s c i e n t i f i q u e a u M u s é u m

PROCHAIN KIOSQUE

Le “Kiosque Actualités Scientifiques au Muséum” propose une sélection de découvertes et d’événements qui font la une des journaux scientifiques. Retrouvez des compléments d’information sur le site du Muséum. N’hésitez pas à nous faire part de vos remarques pour améliorer ce journal. http://blog.museum.toulouse.fr

Dimanche 1er septembre 2013 Abeilles, fourmis et compagnie

Insectes des villes, insectes sociaux et chouchous des chercheurs. Que savons-nous d’eux ? Que nous apprennent-ils ? Rencontres et ateliers insolites toute la journée pour ce kiosque exceptionnel aux Jardins du Muséum (Borderouge).

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N° 10 - DIMANCHE 2 juin 2013

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Conception : Dominique Morello - Remerciements : Catherine Viguié, Nathalie Viguerie, Max Lafontan, Isabelle Oswald, Heike Trentzsch, Emilie Matricon - Réalisation : Studio Pastre

Crus, frits, sautés au beurre, avec de l’ail ou de la citronnelle : et si on mangeait des insectes?


e u q s o i K scientifiqu L’ a c t u a l i t é

um e au Musé

! s i o m u d z z z Le quiz

Alimentation, santé et bien-être

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Dimanche 2 juin 20 la Dans le cadre de ut » go du e « Quinzain

6. Les perturbateurs endocriniens sont : n A. des vitamines ? n B. des substances naturelles ou artificielles

agissant sur les systèmes hormonaux ?

n C. des molécules qui ont des effets positifs

sur nos fonctions biologiques ?

1. Après un exercice physique, le poids perdu correspond à : n A. de la graisse ? n B. de l’eau ? n C. du muscle ?

2. Combien de personnes sont obèses en France ? n A. 2 millions n B. 7 millions n C. 15 millions

7. L’épigénétique est : n A. le processus de formation de l’épi de céréales ? n B. le renouvellement de l’épiderme ? n C. une modification de l’activité des gènes provoquée par l’environnement ? 8. Lorsque qu’un produit alimentaire mentionne « A consommer de préférence avant le –date- » (par exemple 2 juin 2013), pour vous, cela signifie : n A. que le produit est périmé à cette date n B. qu’il est toujours consommable après cette date n C. qu’il est toujours consommable après cette date mais qu’il peut avoir perdu certaines de ses propriétés

3. Parmi ces maladies, laquelle est liée à l’obésité ? n A. le diabète n B. le sida n C. la grippe

4. Comment s’appellent les cellules qui stockent la graisse ? n A. des neurones n B. des hépatocytes n C. des adipocytes

5. Les mycotoxines sont des molécules potentiellement toxiques pour l’homme et l’animal. Quels types d’organismes les produisent dans les aliments ? n A. des plantes n B. des champignons n C. des bactéries

9. Sur les 65 kg d’épluchures et autres restes de repas que l’on retrouve dans la poubelle moyenne annuelle d’un habitant de Toulouse Métropole, quelle proportion correspond à du gaspillage alimentaire ? n A. ¼ n B. ½ n C. ¾

10. Le fait de consommer des insectes est appelé: n A. entomologie n B. entomoculture n C. entomophagie

N° 10 - DIMANCHE 2 juin 2013

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e u q s Kio scientifiqu L’ a c t u a l i t é

N° 11

um e au Musé

Les insectes, c’est fou ! 1er septembre 2013

© Antrey/Fotolia

© Prudek/Fotolia

JARDINS DU MUSÉUM à Borderouge*

! u fo t s ’e c , s e t c e s in s e L Une journée d’observations, d’animations, de jeux et de eurs rencontres avec les cherch www.museum.toulouse.fr

Jardins du Muséum

24-26 avenue Bourgès-Maunoury Métro ligne B, station Borderouge * En cas d’intempéries, le kiosque se déroulera au Muséum centre-ville, 35 allées Jules-Guesde

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n Studio Pastre

Fourmis, termites, abeilles et compagnie…


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m au Muséu

LES INSECTES, C’EST FOU(!) rmis, abeilles, termites et compagnie… Rentrer dans le monde des insectes, c’est plonger dans un monde colossal et découvrir son extraordinaire diversité. Ce Kiosque Actus n’a pas pour ambition d’en faire le tour, mais plutôt d’observer à la loupe certaines espèces triées sur le volet par les chercheurs pour mieux en comprendre le fonctionnement et décrypter les interactions qu’elles entretiennent avec leurs écosystèmes. Si les insectes sociaux sont à l’honneur avec les abeilles, fourmis et termites, c’est aussi l’occasion de présenter la drosophile, un modèle d’étude mis « à toutes les sauces », et de contempler des œuvres d’art dans lesquelles l’insecte est roi ou presque.

Sous le terme générique d’insecte se cache plus d’un million et demi d’espèces Un insecte c’est en théorie une tête, un thorax, un abdomen, 6 pattes, des ailes chez l’adulte et parfois 2 antennes. Mais que de variétés et de richesses autour de ce plan général !

Coléoptères, Hyménoptères, Ailes en étuis : hannetons, ailes membraneuses : coccinelles abeilles, guêpes, fourmis, bourdons

Hémiptères, ailes en toit : cigales, ou à plat, punaises

Diptères, deux ailes : mouches, moustiques, drosophiles

Orthoptères, ailes droites : criquets

Différents caractères, en particulier la morphologie des ailes, nous permettent de classer les insectes en différentes espèces. Les insectes représentent les 2/3 des espèces animales connues, et on en découvre chaque jour de nouvelles !

Diminution de la biodiversité Si certaines espèces de papillons comme la pyrale du maïs (voir encart à droite) sont invasives, la plupart disparaît, en partie du fait de la diminution de la biodiversité florale (monoculture), de l’usage de pesticides et du dérèglement climatique. Malheureusement, en France métropolitaine, seule une quinzaine d’espèces sont protégées. Si les papillons sont de bons indicateurs de la biodiversité, ils ne sont hélas pas les seuls insectes à disparaître, à l’instar des abeilles et autres très nombreux insectes pollinisateurs ! Notre alimentation s’en trouve menacée. Selon l’Agence Européenne de l’Environnement (Juillet 2013), en 20 ans, le nombre de papillons de prairie a diminué de moitié en Europe.

Lepidoptères, ailes recouvertes d’écailles : papillons

Lutte biologique ou comment lutter contre des insectes nuisibles… avec des insectes

Des records dans tous les sens Certains insectes sont herbivores, d’autres coprophages, nécrophages, carnivores ou suceurs de sang. Certains vivent l’espace d’un soupir, d’autres jusqu’à 15 ans. Certains, sont microscopiques d’autres sont énormes. C’est probablement la libellule préhistorique Meganeura monyi qui vivait il y a 300 millions d’années qui détient le record : on a retrouvé en France, à Commentry, un fossile dont les ailes attestaient une envergure de... 75 cm ! Quant à la dangerosité, l’insecte le plus dangereux est incontestablement le moustique. Non pas en lui-même, mais parce qu’il est vecteur d’agents pathogènes (parasites ou virus), responsables du paludisme, de la dengue, du chikungunya ou de la fièvre jaune.

Couple de pyrale Ostrinia nubilalis, un papillon ravageur du maïs. La femelle adulte pond ses œufs sur les feuilles de maïs. Les chenilles forent la tige, affaiblissent et fragilisent la plante. La récolte est compromise.

L a m i n u s c u le g u ê p e Macrocentrus cingulum est étudiée en laboratoire pour envisager une lutte biologique (non chimique) contre la pyrale du maïs. La femelle pond ses œufs dans la chenille du papillon. Les larves de la guêpe s’en nourrissent. La chenille est mangée de l’intérieur…Le papillon ne se développera pas.

N° 11 - DIMANCHE 1er SEPTEMBRE 2013 itolosa

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Les abeilles, de sacrés pollinisateurs… en danger ! Domestiques ou solitaires : même combat L’abeille est un insecte végétarien et butineur qui ne se nourrit que de pollen et de nectar. En déposant les pollens d’une fleur à l’autre, les abeilles jouent un rôle essentiel : elles permettent aux plantes à fleurs de se reproduire et participent ainsi au maintien de la biodiversité. Aujourd’hui, un tiers de notre nourriture dépend des abeilles.

Les abeilles peuvent compter jusqu’à 4 et distinguer « dessus/dessous, droite/gauche, différent de »…

© E. Dupouy

Des expériences en laboratoire ont montré que les abeilles ont d’excellentes capacités d’apprentissage et de mémorisation. Au-delà de simples associations élémentaires, elles peuvent produire des comportements sophistiqués. Par exemple, elles peuvent apprendre des concepts tels que classer des objets par catégories (forme, couleur, nombre). Mieux encore, elles peuvent manipuler simultanément plusieurs concepts relationnels, par exemple « au-dessus / au-dessous », « à côté », et « différent de ».

© E. Dupouy

Les abeilles solitaires construisent leur nid pour y pondre quelques œufs. La plupart creuse leur nid dans une galerie souterraine; d’autres utilisent le creux d’un roseau ou d’une brindille, des trous dans le bois mort ou même des coquilles d’escargot vides !

20 000 espèces d’abeilles ont été recensées, dont 1 000 en France. La plus connue est l’abeille à miel Apis mellifera. Toutes les autres sont des abeilles solitaires. Les bouleversements de leur biotope et l’utilisation de pesticides les rendent vulnérables et concourent à la disparition de bon nombre d’entre elles.

La maîtrise de règles « abstraites » est loin d’être le propre de l’homme et du primate…

Avec des techniques d’imagerie cérébrale, les chercheurs observent le fonctionnement du cerveau de l’abeille. Ils peuvent visualiser quelles sont les régions du cerveau qui sont activées par une odeur particulière. L’image représente l’aire de l’olfaction ou lobe antennaire.

© CRCA

© Fotolia

Les abeilles apprennent les odeurs, les formes et les couleurs des fleurs. Elles mémorisent ces informations et s’en servent pour revenir sur les fleurs riches en pollen ou nectar.

A l’aide d’un système de récompense (eau sucrée) ou de punition (eau amère), l’abeille apprend un concept : par exemple, choisir la forme ronde parmi d’autres formes. Mieux encore, elle peut distinguer sa position. Ici, l’abeille est récompensée car elle a effectué la tache assignée : choisir, parmi d’autres configurations, celle où le rond se trouvait au dessus du triangle.

Les termites, des insectes (pas) comme les autres !

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La navigation virtuelle en 3D est un outil précieux pour comprendre comment les termites vivent dans leurs nids.

© C. Jost, CRCA

Ces insectes d’à peine quelques millimètres peuvent construire des citadelles de plusieurs mètres de haut. Leurs nids sont parmi les structures les plus élaborées et les plus complexes du monde animal. Aujourd’hui les outils d’imagerie médicale permettent d’analyser et de voyager au cœur de ces édifices sans les détruire.

© C. Jost, CRCA

Pour étudier l’architecture des nids on utilise la tomographie à rayons X. Les rayons « découpent » la termitière en tranches d’environ ½ mm, permettant ainsi de visualiser les structures internes et d’en reconstituer une image en 3D.

© C. Jost, CRCA

Les termites sont des insectes sociaux qui vivent dans des colonies de quelques à plusieurs millions d’individus. On les trouve sous toutes les latitudes du sud du Canada jusqu’au sud de l’Australie. Les termites sont les « ingénieurs » des écosystèmes car ils modifient leur propre habitat mais aussi les conditions de vie de beaucoup d’autres espèces. Par leur très grand nombre, ils impactent l’écosystème (reminéralisation des déchets organiques, remaniement des sols et modifications de leurs propriétés hydrauliques).

Ci-dessus, de gauche à droite : extérieur de la termitière; coupe virtuelle montrant les chambres et les galeries à l’intérieur ; réseaux en 3D avec nœuds et routes (nid de Cubiterme fungifaber).

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Dix millions de milliards de fourmis...

Les fourmis se « sentent » avec leurs antennes pour savoir si elles sont du même nid. Ici un « soldat », une ouvrière à grosses mandibules.

La régulation du trafic chez les fourmis Les fourmis peuvent construire des « autoroutes » mesurant parfois 350 m, allant des plantes qu’elles exploitent à leurs nids. Pour prévenir et limiter la formation d’embouteillages sur ces pistes balisées chimiquement, les fourmis adoptent des règles comportementales très simples qui ont inspiré des algorithmes utilisés dans de nombreux domaines, par exemple télécommunications ou trafics routiers.

Les fourmis champignonnistes (Atta et Acromyrmex) ont inventé l’agriculture bien avant l’homme : elles découpent et récoltent des végétaux pour cultiver un champignon dont elles se nourrissent.

Ici, les fourmis empruntent un pont en double losange pour atteindre une source de nourriture. Au début, chacune des branches est utilisée, mais, les petites différences de concentration de phéromone apparaissant initialement entre les deux branches sont rapidement amplifiées, les fourmis choisissant la piste la plus concentrée et la renforçant à leur tour. Ceci aboutit à la sélection d’une branche et donc à un trafic asymétrique.

© Mohamed Babu / Solent News

L’abdomen des fourmis est semi-transparent. Lorsqu’on leur propose une solution sucrée additionnée de colorants alimentaires de différentes couleurs, on voit, comme l’a observé le Dr. M. Babu (Inde), qu’elles apprécient beaucoup le jaune et le vert.

Les fourmis contribuent à aérer et homogénéiser le sol, à protéger les arbres de certains parasites. Elles transportent des graines, nettoient les cadavres. La destruction de leurs habitats et l’invasion par importation accidentelle de fourmis de pays lointains, comme la fourmi d’Argentine, constituent les deux plus grandes menaces qui pèsent sur elles.

© CRCA

Il existe environ 15 000 espèces de fourmis, 200 en France. Elles colonisent presque tous les milieux terrestres. Toutes vivent en société dans des colonies pouvant atteindre plusieurs millions d’individus (nids de 60 m3 !). En début d’été, les fourmis ailées, mâles et femelles sexués, s’accouplent. Le mâle meurt; la reine fonde la colonie. Elle peut vivre plus de 20 ans, entourée d’ouvrières stériles, sans ailes, qui aménagent le nid, récoltent la nourriture et s’occupent des œufs et des larves. Les fourmis sont pour la plupart carnivores, certaines mangent des graines; toutes sont avides de jus sucrés. Les fourmis communiquent entre elles grâce à des messages chimiques, les phéromones, qu’elles perçoivent au moyen de récepteurs situés sur leurs antennes. Chaque odeur a une signification : odeur du nid, odeur de piste, odeur d’alarme.

La drosophile,

un modèle d’étude très « généreux » De nombreux gènes qui contrôlent le fonctionnement d’un être vivant, la mise en La drosophile est un diptère (deux ailes bien place de différents visibles). Il y a 150 000 tissus, la réponse à espèces de diptères ! des agents infectieux ou le vieillissement ont été conservés au cours de l’évolution : ils sont semblables chez l’homme et la drosophile. C’est pourquoi les chercheurs utilisent la drosophile pour comprendre ces processus. Premier exemple : la formation de l’œil En1909, T.H. Morgan observe des drosophiles qui n’ont pas les yeux rouges Œil rouge Œil muté mais blancs. C’est la normal “white” première mutation identifiée (« white » : œil blanc). Depuis, on a trouvé 2 500 gènes impliqués dans la formation de l’œil chez la drosophile (près de 20 % de ses gènes !). L’un d’eux est le gène maître, celui qui contrôle tous

les autres. Pour le démontrer, W.Gehring a fabriqué des drosophiles qui expriment ce gène (eyeless, sans yeux) ailleurs que dans l’œil : il a obtenu des mouches avec des yeux au bout des pattes et des Drosophile exprimant le gène antennes ! maitre Eyeless (ou Pax6) dans les cellules de ses pattes.

Les mammifères ont un gène maître équivalent (PAX6). Et si on fabrique des drosophiles qui expriment ce gène, on observe des yeux sur leurs pattes… Ces expériences et d’autres permettent d’étudier la formation des yeux chez les insectes et chez les mammifères ainsi que des pathologies associées, comme l’aniridia (absence d’iris) chez les mammifères. Deuxième exemple : la formation et la fonction des cellules immunitaires L’hématopoïèse est le processus au cours duquel se fabriquent les cellules

sanguines, en particulier les cellules immunitaires. Ces cellules (appelées hémocytes chez la drosophile) permettent de lutter contre les microbes ou les parasites. Pour comprendre leur fonctionnement, on utilise la larve de drosophile qui est transparente, permettant de voir circuler ces cellules et d’observer ce qui se passe quand la larve est attaquée, par exemple piquée par une guêpe. La larve utilise trois types de cellules pour emprisonner l’envahisseur, l’éliminer ou cicatriser : les cellules à cristaux apparentées à nos plaquettes sanguines (A), les plasmatocytes, équivalents de nos macrophages qui phagocytent (mangent) les microbes, et les lamellocytes (B) qui neutralisent (encapsulent) un pathogène trop gros pour être détruit par phagocytose (par exemple un œuf de guêpe parasite).

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Insectes et arts Des scientifiques qui savaient écrire! Deux femmes scientifiques entomologistes méritent d’être honorées : Maria Sibylla Merian (1647–1717), une naturaliste et artiste qui vécut en Allemagne et aux Pays-Bas ; elle traversa les mers en 1699 pour aller peindre les insectes du Surinam. Son ouvrage le plus important, Metamorphosis Insectorum Surinamensium (1705) témoigne d’observations très précises, sur la métamorphose des insectes (exemple ci-dessous : chenilles et chrysalides du papillon).

British library, Londres

Pratiquement inconnu des entomologistes, un manuscrit italien daté du début du XIVe siècle présente des insectes d’un étonnant naturalisme pour cette époque. En effet, l’essor des Sciences Naturelles n’aura lieu que 3 à 4 siècles plus tard. Certains insectes qui l’illustrent n’ont pas à rougir devant le naturalisme du célèbre Lucane qu’Albrecht Dürer (1471– 1528) a peint 2 siècles plus tard. Dürer (1505)

Maria Sibylla Merian

Eleanor Anne Ormerod (18281901), une britannique autodidacte qui travailla sur les insectes nuisibles et utiles à l’agriculture. Elle contribua beaucoup à la vulgarisation des sciences.

Métamorphose du papillon

Les insectes ont inspiré de nombreux écrivains, tels Alfred de Musset, Alphonse de Lamartine, Gérard de Nerval, pour ne citer que ceux qui ont honoré le papillon. Alphonse de Lamartine (1790-1869) Le papillon Naitre avec le printemps, mourir avec les roses, Sur l’aile du zéphyr nager dans un ciel pur, Balancé sur le sein des fleurs à peine écloses, S’enivrer de parfums, de lumière et d’azur, Secouant, jeune encor, la poudre de ses ailes, S’envoler comme un souffle aux voûtes éternelles Voilà du papillon le destin enchanté! Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose, Et sans se satisfaire, effleurant toute chose, Retourne enfin au ciel chercher la volupté !

KIOSQUE L’ a c t u a l i t é s c i e n t i f i q u e a u M u s é u m

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Combat de mantes ailées et J.-H. Fabre en observation.Extraits de J.-H. Fabre en Avignon.

Vladimir Nabokov (1899-1977), romancier de renom, était aussi un entomologiste bien connu. Il chassa les papillons toute sa vie. Pour lui rendre hommage, des « lépidoptéristes » se plurent à désigner des espèces nouvelles sous son nom.

Eleanor Anne Ormerod Le karner blue, symbole d’une des espèces de papillons menacées aux Etats Unis, sur lequel Nabokov travailla avec acharnement.

Collection Oppenheimer, Londres

Insectes, littérature et poésie

Jean-Henri Fabre (1823-1915) a passé une grande partie de sa vie à observer la nature. Avec ses « Souvenirs entomologiques », il a légué une œuvre scientifique et littéraire magistrale.

Insectes dans la peinture victorienne Les insectes ont aussi inspiré les peintres. La peinture victorienne (XIXe) met à l’honneur les fées dans des représentations jouant sur le Take the fair face of woman, Sophie réalisme et proposant Anderson, 1869 de véritables leçons d’Histoire Naturelle. On y trouve pêle-mêle des papillons communs et exotiques; des ailes de papillons et de libellules sont greffées sur des fées qui se confondent avec les insectes. Ces créatures hybrides entraînent le spectateur dans un monde étrange et inconnu qui se révèle comme sous la lentille d’un microscope.

Art contemporain : esclavagisme ou hommage aux abeilles ? En 2010, le slovaque Tomáš Gabzdil Libertíny (1979-) a mis 60 000 abeilles à contribution pour confectionner ce vase en cire.

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Conception : Dominique Morello - Avec la participation de Colette Bitsch, Laurence Talairach-Vielmas, Philippe Annoyer - Réalisation : Studio Pastre

Les insectes sont présents dans de nombreux mythes, croyances et religions. Ils ont inspiré toutes sortes d’artistes en tout genre, peintres, plasticiens, enlumineurs, écrivains, poètes. En voici quelques exemples, tirés en grande partie d’Explora@2010. Entre histoire des sciences et histoire de l’art, les miniatures de Cocharelli


e u q s o i K scientifiqu L’ a c t u a l i t é

um e au Musé

! s i o m u d z z z Le quiz

er septembre 2013 1 e h c n Dima

, s i m r ) ! ( FOU EST ’ C , SECTES N I e… LES i n g a p m o c t e s e t abeilles, termi 1. Pour combattre les insectes ravageurs de culture, la lutte biologique utilise : n A. des insecticides chimiques n B. des plantes génétiquement modifiées (OGM) n C. des insectes

2. Comment appelle-t-on le stade de développement du papillon qui se situe entre la chenille et l’adulte? n A. Le cocon n B. La chrysalide n C. La pupe 3. Pourquoi est-il important de préserver les abeilles solitaires ? n A. Elles produisent du miel n B. Elles mangent des pucerons n C. Elles sont les championnes de la pollinisation

4. Que mangent les abeilles ? n A. De tout n B. du pollen et du nectar n C. d’autres insectes 5. Que mangent les fourmis ? n A. Des feuilles n B. Des écorces n C. Du sucre

6. Les phéromones par lesquelles abeilles et fourmis communiquent sont ? n A. Des substances chimiques n B. Des récepteurs sensoriels localisés sur les antennes n C. Des cellules de l’immunité

7. Quelle technique est utilisée pour étudier l’architecture des nids de termites ? n A. L’imagerie médicale n B. La photographie n C. La destruction externe 8. La drosophile est ? n A. Une mouche à deux ailes n B. Un papillon de nuit n C. Une sauterelle 9. Comment appelle-t-on les cellules de l’immunité chez les insectes ? n A. Les hépatocytes n B. Les hémocytes n C. Les hématies 10. Les insectes représentés dans le manuscrit Cocharelli sont : n A. fantaisistes et imaginaires n B. des ornements attrayants mais anodins n C. l’illustration d’un traité d’entomologie

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N° 12

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Faune sauvage sous haute surveillance 1er décembre 2013

Faune sauvage

sous surveillance

© Argos

©MCC/CNP - N. Aujoulat

De Cro-Magnon à nos jours

Partagez avec des scientifiques

35 allées Jules-Guesde 31000 Toulouse Ouvert de 10 h à 18 h www.museum.toulouse.fr

n Studio Pastre

leurs dernières découvertes et leur questionnement sur la représentation, l’identification, la conservation et le suivi de la faune sauvage.

OURS Mythes et réalités

Exposition

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sc L’ a c t u a l i t é

m au Muséu ientifique

n Studio Pastre

e u q s o Ki

OURS Mythes et réalités

Exposition

Faune sauvage

sous surveillance De Cro-Magnon à nos jours

La faune sauvage d’hier et d’aujourd’hui fait l’objet d’intenses recherches pluridisciplinaires. Les scientifiques étudient les relations que l’Homme a entretenues avec l’Animal durant la Préhistoire et au Moyen-âge et qu’il entretient actuellement avec la faune sauvage. Ce Kiosque-Actus est l’occasion de partager avec des scientifiques leurs dernières découvertes et leur questionnement sur la représentation, l’identification, la conservation et le suivi de la faune sauvage.

Dents et os : quand l’archéozoologue mène l’enquête Depuis l’apparition du genre Homo, il y a environ 2,5 millions d’années jusqu’aux périodes historiques, l’Homme a entretenu des relations avec l’Animal, qu’elles aient une vocation alimentaire, technique et/ou symbolique. Pour comprendre ces relations, l’archéozoologue analyse les dents et les ossements issus de gisements archéologiques. L’identification des espèces animales présentes permet de s’interroger sur les proies que pouvaient chasser ou pêcher nos ancêtres du Paléolithique et donc sur la façon dont ils exploitaient et respectaient leur environnement. A partir du Néolithique (-9 000/-3 300 ans avant notre ère), c’est la question de la domestication de l’animal et son impact sur les modes de vie humains qui constitue le cœur des problématiques archéozoologiques.

L’analyse des surfaces osseuses et des traces qu’elles portent renseigne sur le type de ressources prélevées sur une carcasse. En effet, pour découper la peau, prélever la viande, extraire les tendons, il faut des outils tranchants (éclats de silex, couteaux métalliques selon les périodes) qui laissent des traces : par exemple, des stries longitudinales sur le bas des pattes indiquent un prélèvement de la peau. D’autres traces (percussion) documentent sur la récupération de la moelle.

Ces stries observées à la loupe sur un fragment de tibia montrent que l’Homme a récupéré la viande sur l’ossement alors qu’elle était crue (© S. Costamagno). L’ours semble n’avoir été que rarement consommé. En effet, des traces de découpe sur os d’ours ne sont décrites qu’en de rares sites préhistoriques.

Ensemble osseux archéologique (© S. Costamagno, UMR 5608, CNRS, TRACES). Les ossements sont pour la plupart des os longs qui sont très fragmentés du fait du prélèvement de la moelle qui avait un rôle vital pour les chasseurs-cueilleurs paléolithiques, en particulier lors des périodes glaciaires.

L’art de faire parler les dents : les restes dentaires et leur degré de maturation ou d’usure permettent de déterminer l’âge des animaux trouvés sur un site. On en déduit les techniques de chasse utilisées (rabattage, affût, embuscade) ou les ressources recherchées (lait, viande, laine…) lorsque les animaux présents étaient domestiqués.

Les gisements archéologiques livrent leurs secrets, mais attention rien ne ressemble plus à un tas d’os qu’un tas d’os. Des ensembles osseux peuvent être le fait de l’homme mais aussi d’autres carnivores. La taphonomie (du grec taphos : enfouissement et nomos, loi) a pour but de rechercher tous les agents humains ou non qui sont à l’origine d’accumulations osseuses. Des analyses ont montré que la plupart des ensembles osseux, pour les périodes très anciennes de la Préhistoire, était des accumulations liées aux activités d’animaux carnivores. Quelques sites attestent néanmoins d’une consommation de viande et de moelle par Homo habilis, il y a environ 2,5 millions d’années.

L’Homme des cavernes a-t-il vraiment existé ?

L’homme à l’époque du grand ours et du mammouth, 1870 (E.Bayard)

Les premiers spécialistes de la Préhistoire, au XVIIIe siècle, voyaient l’Ours et l’Homme comme des animaux « des cavernes ». Et cette vision de l’homme paléolithique, à moitié nu, exposé aux intempéries et aux ours féroces a la vie dure. Pourtant, on ne possède actuellement que très peu de témoignages de chasse et de traces d’intervention humaine sur des os d’ours. En revanche, on sait que l’homme séjournait sous les porches ou à l’entrée des cavités et n’entrait dans les grottes que pour y peindre, sauf exception. Ceci remet en cause le terme « d’Homme des cavernes ». De plus, l’ours des cavernes était essentiellement herbivore, ce qui met à mal notre vision d’animal féroce. Ours et Hommes semblent donc avoir partagé de façon plutôt pacifique pendant des milliers d’années les mêmes territoires et les mêmes ressources, sans toutefois cohabiter.

Reconstitution d’ambiance préhistorique, Zdenek Burian, paléo-artiste (1905-1981) N° 12 - DIMANCHE 1er DÉCEMBRE 2013

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Espèces d’ours ! Quand le paléogénéticien s’en mêle L’ours est un mammifère de l’ordre des carnivores et de la famille des Ursidés qui compte 7 espèces. Mais d’où vient l’ours et comment distinguer, au delà de leur apparence, les différentes espèces d’ours? Pendant longtemps, seules des analyses quantitatives des os et des dents permettaient de déterminer les relations de parenté (phylogénie) entre différentes espèces d’ours. Depuis peu, l’ADN extrait de spéciments vivants ou d’ossements archéologiques apporte des informations inestimables. C’est ainsi que le génome de l’ours des cavernes a été récemment décrypté et comparé à celui des espèces contemporaines. Les résultats montrent que l’ours des cavernes appartient à une lignée distincte mais proche de l’ours brun. Aujourd’hui, le paléogénéticien peut très facilement à partir de très peu d’ADN identifier à quelle espèce appartient un spécimen disparu. Le généticien peut également déterminer aisément à qui appartient un échantillon (poils, laine, fèces…) trouvé dans l’environnement (Barcode ou barcoding moléculaire).

6,3 millions d’années

3 millions d’années

1,6 million d’années

1 million d’années 0,6 million d’années

Ours des cavernes

Ours polaire Ours brun

Ours baribal Ours malais

Ours lippu Ours à collier

Ours à lunettes D’après Bon et al., PNAS 2008

L’ancêtre commun à toutes les espèces d’ours aurait vécu il y a 6,3 millions d’années (Ma) ; puis les espèces auraient divergé. L’ours brun serait apparu il y a environ 1 Ma, tandis que l’ours des cavernes aurait été présent depuis 300 000 ans et aurait disparu entre -24 000 et -10 000 ans avant notre ère. Les deux lignées auraient divergé il y a approximativement 1,6 Ma. Elles auraient pour ancêtre commun Ursus etruscus dont les derniers specimens connus ont 1,2 Ma. D’autres espèces d’ours présentes durant la Préhistoire et disparues comme Ursus thibetanus et Ursus deningeri auraient également dérivé d’Ursus etruscus. Des analyses génétiques très récentes montrent que l’ours brun et l’ours polaire auraient quant à eux divergé il y a 600 000 ans. Les pandas, formant une famille distincte (Ailuridés), ne figurent pas dans cet arbre phylogénétique.

Les « tagueurs » du Paléolithique : de fabuleux artistes ! L’art rupestre des chasseurs-collecteurs européens (-33 000/-8 000) fait la part belle aux animaux, essentiellement aux herbivores, comme le bison et le cheval. Au delà de l’émotion qu’elles suscitent, leurs œuvres interrogent les spécialistes de la Préhistoire sur les relations qu’entretenaient les Hommes avec les animaux représentés. On sait maintenant qu’ils ne sont ni le reflet fidèle de l’environnement ni des tableaux de chasse. Pour preuve, l’ours est rare dans le bestiaire de l’art paléolithique alors qu’il était bien présent dans l’environnement. Quelle est la part du réel et du fantastique dans l’imagerie animale de ces sociétés ?

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Deuxième cheval chinois (N. Aujoulat ©MCC/CNP)

Ours de la grotte Chauvet ; galerie du Cactus (© Ministère de la Culture et de la Communication, Direction Régionale des Affaires Culturelles de Rhône-Alpes, Service Régional de l’Archéologie)

Lascaux, la « chapelle Sixtine » de la Préhistoire. Découverte en 1940, cette grotte a été occupée par l’Homme entre environ 18 000 et 15 000 ans avant notre ère. Le nombre (1900) et les qualités techniques et esthétiques des représentations qu’elle renferme en font un chef d’œuvre de l’humanité. Portrait d’une espèce éteinte. La grotte Chauvet (Ardèche), découverte en 1994, est une des rares grottes où l’ours figure. Parmi les 420 images animalières dessinées par Homo sapiens, 15 concernent un ours disparu durant la dernière période glaciaire, l’ours des cavernes (Ursus spelaeus). Des ossements vieux de 32 000 ans ont fourni de l’ADN qui a été séquencé. La comparaison de son génome à celui d’espèces actuelles a montré qu’Ursus spelaeus appartient à une lignée distincte de l’ours brun. N° 12 - DIMANCHE 1er DÉCEMBRE 2013

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Les artistes du Moyen Âge : une imagination débordante ! Les manuscrits médiévaux sont peuplés d’animaux en tous genres, réels ou imaginaires. Les bestiaires et les encyclopédies, mais aussi les chartes, calendriers et textes liturgiques offrent ainsi différentes visions de la faune sauvage. Ils nous renseignent aussi bien sur l’évolution de la science que sur la morale ou les croyances médiévales. Bestiaires : des animaux au service de la morale

Encyclopédies : un pas vers la zoologie « moderne »?

Les bestiaires, ou livres des bêtes, richement enluminés ont fleuri en Europe à partir du XIIe siècle. La ressemblance des animaux avec le monde naturel n’est pas la préoccupation des artistes qui interprètent chacun de leurs traits physiques dans un sens moral ou religieux. Les bestiaires comportent sans distinction des animaux réels et imaginaires (licorne, dragon, sirène). Ils resteront très populaires jusqu’au XIVe où la représentation des animaux - et des paysages - deviendra de plus en plus réaliste.

Il faut attendre les encyclopédies des XIIe et XIIIe siècles pour voir émerger un intérêt « zoologique » pour les animaux. Sous l’influence de la redécouverte des écrits d’Aristote et de la science arabe, les encyclopédistes commencent à étudier les animaux pour eux-mêmes et se détachent de l’interprétation morale sur laquelle reposent les Bestiaires. Les encyclopédies témoignent d’un vrai travail de description et de classification des animaux et leurs notices se veulent à la fois fonctionnelles et divertissantes : ainsi l’exposé des « natures » de l’animal s’enrichit-il non seulement d’anecdotes amusantes mais aussi d’une véritable réflexion sur le concept même de faune sauvage.

La panthère dégage une haleine si douce que tous les autres animaux sont attirés par elle, y compris le dragon, sensé être son ennemi ! Bestiaire latin (vers 1450) Hague, Museum Meermanno, MMW, 10 B 25, fol. 3r (© Museum Meermanno).

Reflet de la société médiévale, les encyclopédies, même très sérieuses ne sont pas exemptes de superstitions et de croyances. On y trouve des loups-garous, basilics et licornes, autant de créatures imaginaires décrites dans des encyclopédies plus anciennes qui faisaient toujours autorité.

Souvent affublés de vêtements humains, les animaux des manuscrits médiévaux dénoncent avec humour les travers de la société. Dans les marges d’un livre liturgique, un loup déguisé en prêtre s’empare d’un fidèle-mouton trop naïf (Pontifical de Narbonne, Cathédrale de Narbonne1350). ©E.Nadal

La « High tech » veille sur notre faune sauvage Le système satellitaire ARGOS prend le pouls de la Terre et de sa faune Le système ARGOS, né il y a 35 ans à l’initiative de la NASA (National Aeronautics and Space Administration), du CNES (Centre National d’Etudes Spatiales) et de la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration), est consacré à l’étude et à la protection de l’environnement de notre planète. Il est constitué d’un ensemble de balises, de satellites, d’antennes de réception terrestres et de centres de traitement de données qui permettent de localiser les balises et de collecter les données qu’elles contiennent, n’importe où à la surface de la Terre, en mer, sur terre ou dans les airs. A Toulouse, le centre de traitement CLS reçoit plus de 2 millions de messages chaque jour. Cette filiale du CNES exploite le système ARGOS depuis 1986. Aujourd’hui, 8 000 balises Argos équipent les animaux du monde entier : des albatros aux manchots, du thon rouge au caribou, en passant par les méduses géantes, les cigognes, les lynx, l’ours polaire ou le tigre du Bengale. Grâce aux données collectées, on en apprend chaque jour un peu plus sur leurs modes de vie, leurs parcours et l’impact de l’homme et du réchauffement climatique sur leur survie.

Alimentées par piles ou par énergie solaire, les balises, installées sur des bouées dérivantes, des bateaux, ou des animaux, envoient à intervalles réguliers un message qui est capté par des instruments embarqués à bord de 6 satellites qui tournent à 850 km d’altitude en orbite polaire. Le signal est renvoyé vers un réseau de 60 antennes terrestres et est ensuite transmis à des centres de traitement, opérationnels 24h/24 et 7j/7, qui le décodent. Ainsi les chercheurs peuvent suivre les animaux…depuis leur bureau ! N° 12 - DIMANCHE 1er DÉCEMBRE 2013

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ArgoNimaux/Argonimours

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1 - Ours polaire équipé d’une balise ARGOS © Andrew Derocher, Université d’Alberta, Canada. 2 - Collier d’ours ARGOS © CLS. 3 - Tortue caouanne équipée d’une balise ARGOS © CNES .

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Le Muséum de Toulouse : dernière « étape » de la faune sauvage

Le préparateur en ostéologie Sur une dépouille récente, ce spécialiste des os retire et écharne mécaniquement les ossements qu’il traite et sèche avant assemblage pour monter la totalité du squelette ou pour conservation à des fins scientifiques (ostéologie comparative). Le préparateur peut aussi travailler sur des ossements fossiles et ainsi permettre la présentation d’espèces éteintes depuis plusieurs milliers ou millions d’années.

Le préparateur en paléontologie Ce scientifique enrichit les collections à partir d’éléments extraits sur le terrain. Partiellement dégagés, les ossements fossiles sont consolidés et «englobés» dans un plâtre afin d’être extraits du sol en toute sécurité. De retour au Muséum, la coque en plâtre est retirée pour dégager l’objet fossile. Parmi ses missions, le paléontologue décrit également les espèces auxquelles les ossements fossiles appartiennent et évalue leur intérêt scientifique.

©Christian Nitard

Entre 1865 et 1947, Victor Bonhenry et Philippe Lacomme pratiquaient d i f f é re n t s a s p e c t s du métier de préparateurs : taxidermie, ostéologie, moulage. Ils constituèrent l’essentiel des objets naturalisés actuellement exposés au Muséum. Ici la vitrine des carnivores.

Démoulage de la reproduction d’une mandibule de l’ours Papillon. L’original (à gauche) est régulièrement consulté pour la mise en teinte.

Le préparateur taxidermiste Le taxidermiste dépouille et traite les peaux pour les rendre imputrescibles. Il réalise un mannequin sur lequel il place la peau, coud les zones d’incisions et fait les finitions (comblements de micro fissures, re-pigmentation).

©Christian Nitard

©Christian Nitard

Depuis que le Muséum a ouvert ses portes en 1865, ses collections ne cessent de s'enrichir. Si la vocation première de la préparation des spécimens est la pédagogie (expositions, animations), il ne faut pas sous-estimer l’intérêt scientifique potentiel de l'objet naturalisé. Actuellement, quatre préparateurs conjuguent leurs talents pour répondre à cet objectif, même lointain.

Les agrégats de sédiments se trouvant sur cette mandibule sont retirés avec un micro burin pneumatique.

L’ostéologue réalise le montage d’un ours des cavernes à partir des ossements fossiles de plusieurs individus de taille semblable

KIOSQUE L’ a c t u a l i t é s c i e n t i f i q u e a u M u s é u m

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Plasticienne de formation, elle dirige les chantiers liés aux réalisations de « copies conformes ». Elles sont obtenues par le biais du moulage qui comporte de nombreuses étapes (prise d’empreintes, confection de coque, mise en teinte…).

©Christian Nitard

©Christian Nitard

La préparatrice en moulage

Montage de vautour percnoptère. Placement des plumes avant séchage.

Le “Kiosque Actualités Scientifiques au Muséum” propose une sélection de découvertes et d’événements qui font la une des journaux scientifiques. Retrouvez des compléments d’information sur le site du Muséum. N’hésitez pas à nous faire part de vos remarques pour améliorer ce journal. http://blog.museum.toulouse.fr

N° 12 - DIMANCHE 1er DÉCEMBRE 2013

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Conception : Dominique Morello - Avec la participation de N. Cavanhié, S. Costamagno, C. Bourdier, B. Aiello, L. Gonzalès, E. Nadal, D. Destaercke, A. Proust - Réalisation : Studio Pastre

Le projet ArgoNimaux lancé par le CNES est un projet éducatif qui permet de suivre des animaux équipés de balises Argos. Cette année, en coopération avec le Muséum, c’est l’ours polaire qui est à l’honneur et qui va passionner les jeunes de CM2 et de 6e. Les ours polaires parcourent de grandes distances. La banquise est leur survie. Mais elle fond à vive allure. Argos permet de les suivre et mieux comprendre les conséquences du changement climatique sur leurs modes de vie.

En 1986, une balise placée sur une tortue pesait 5kg. Actuellement, elle pèse 100g. Une balise ne doit pas dépasser 3% du poids de l’animal pour ne pas affecter son comportement et le mettre en danger.


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© Frédéric Lancelot


e u q s Kio scientifiqu L’ a c t u a l i t é

N° 13

um e au Musé

Un siècle de cristallographie MARCHE

2014, année internationale de la cristallographie

EN S C IEN C E 2 février 2014

Trois RENCONTREs au Muséum

Kiosque-Actus Dimanche 2 février de 10h à 18h - Entrée gratuite (Espace Champs Libres, 1er étage)

Avec des scientifiques, un parcours ludique des origines de la cristallographie aux applications actuelles. Ateliers, quizz et jeux.

Conférences Auditorium, 18 h 30 - Accès libre et gratuit

n Studio Pastre

20 février « Les cristaux de Louis Pasteur » par J.-C. Daran (LCC) 27 février « Des cristaux au secours de la médecine » par L. Mourey (IPBS) Et du 4 au 28 février « Voyage dans le cristal » une présentation réalisée à l’occasion de l’année internationale de la cristallographie Grand Carré - Accès libre et gratuit

35 allées Jules-Guesde

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e u q s Kio scientifiqu L’ a c t u a l i t é

um e au Musé

2014, année internationale de la cristallographie

Un siècle de cristallographie :

des fondements aux applications Flocons de neige, grains de sel, minéraux… les cristaux sont présents partout dans la nature, y compris dans notre corps. La cristallographie étudie la structure intime de la matière, c’est à dire l’arrangement des atomes dont elle est formée. Cette connaissance approfondie permet d’expliquer les propriétés macroscopiques des matériaux qui nous entourent – minéraux, métaux, polymères ou encore matière biologique – et d’en imaginer de nouveaux. Dans le cadre de l’Année Internationale de la Cristallographie organisée conjointement par l’Union Internationale de la Cristallographie (UICr) et l’UNESCO, ce Kiosque-Actus est l’occasion de découvrir avec des scientifiques la richesse de cette discipline vitale pour la chimie, la biologie, la médecine, la minéralogie, la physique, la science des matériaux, etc.

Naissance de la cristallographie moderne La recherche de la régularité et de l’harmonie constitue une quête très ancienne. Dès l’antiquité, Platon puis Euclide ont construit des figures géométriques répondant à des critères de symétrie. Au XIXe siècle, on prend conscience que le cristal est fait d’un arrangement périodique d’unités de la matière (atomes, molécules ou macromolécules) et donc que les cristaux présentent des formes géométriques aux symétries précises. Au XXe siècle, l’utilisation des rayons X renseigne sur la structure interne des cristaux. Depuis un siècle, 45 scientifiques de nombreuses nationalités ont été récompensés par le prix Nobel pour leurs travaux directement ou indirectement liés à la cristallographie. Un parcours au galop à travers les siècles.

XVIII - XIXe siècles

XX - XXIe siècles

Maurice Antoine Capeller (1685-1769) introduit le terme « cristallographie ».

1743-1822

1736-1790

L'abbé René-Just Haüy découvre les lois géométriques des cristaux. Il définit en 1781 « l’espèce minéralogique comme une collection de corps dont les molécules intégrantes sont semblables par leurs formes et composées des mêmes principes unis entre eux dans le même rapport ». Jean-Baptiste Romé de L’Isle énonce la Loi de constance des angles (1783) : « Il est une chose qui ne varie point, et qui reste constamment la même dans chaque espèce ; c’est l’angle d’incidence ou l’inclinaison respective des faces entre elles». Auguste Bravais formalise l’intuition de Haüy : « un cristal est constitué par la répétition, par translation, dans trois directions de base, d’un motif élémentaire ». Bravais est célèbre pour ses réseaux cristallins dont il établit la liste en 1849.

1879-1960

1862-1942

En 1912, Max von Laue, physicien allemand, découvre que les rayons X sont diffractés par les cristaux. Il reçoit le prix Nobel de physique pour cette découverte dont on fête le centenaire.

1890-1971

 Crick 1916-2004

1920-1958

1917-2011

1845-1923

Watson 1928-

En 1953, l’anglaise Rosalind Franklin obtient la première image de l’ADN (acide désoxyribonucléique) par diffraction aux rayons X, ce qui permettra à son compatriote Francis Crick et à l’américain James Watson de publier la structure en double hélice de l’ADN. En 1962, Crick, Watson et Maurice Wilkins (d’origine néo-zélandaise, 1916-2004) reçoivent le prix Nobel de physiologie ou médecine.

1811-1863

En 1895, Wilhelm Conrad Röntgen, physicien allemand, découvre un rayonnement encore inconnu qu’il appellera « rayons X ». Il reçoit le premier prix Nobel de physique en 1901. Première radio : la main d’Anna Bertha Ludwig, la femme de Röntgen, prise le 22 décembre 1895.

Le physicien et chimiste anglais William Henry Bragg et son fils William Lawrence Bragg découvrent que les rayons X peuvent être utilisés pour déterminer avec précision la position des atomes à l’intérieur d’un cristal. En 1915, ils reçoivent le prix Nobel de physique.

1918-2013

Les américains Herbert Aaron Hauptman, mathématicien, et Jerome Karle, chimiste, obtiennent le prix Nobel de chimie en 1985 pour « leurs réalisations remarquables dans la mise au point de méthodes directes de détermination des structures cristallines ».

En 1982, Aaron Klug, physicien et chimiste anglais d’origine lithuanienne, reçoit le prix Nobel de chimie pour le développement de la cristallographie par microscopie électronique et pour l’élucidation de la structure de complexes protéine-acide nucléique d’importance biologique.

1926-

En 2011, le scientifique israélien Dan Shechtman reçoit le prix Nobel de chimie “pour la découverte des quasi-cristaux”, dont les atomes suivent un modèle qui ne peut être strictement répété en 3 dimensions. 1941-

N° 13 - DIMANCHE 2 FÉVRIER 2014 Institut de Pharmacologie et de Biologie Structurale

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Qu’est-ce qu’un cristal? Les sept systèmes cristallins

© IUCr

Un cristal est un solide dont la structure correspond à la juxtaposition d’un même motif d’atomes répété à l’identique selon une répartition spatiale régulière. Structure cristalline en 3D

Malgré leur diversité apparente, les cristaux peuvent être « classés » et seulement 7 systèmes sont suffisants pour rendent compte de leur diversité. Ci-dessous, les 7 systèmes cristallins et des exemples de pierres précieuses et de minéraux correspondants. Cubique

Quadratique

Diamant

Zircon

Pyrite

Scapolite

Orthorhombique

Monoclinique

Rhomboédrique

Triclinique

Hexagonal

Topaze

Lazulite

Améthyste, rubis, saphir

Turquoise

Émeraude, aigue-marine

Aragonite

Staurolite

Calcite

Microcline

Beryl

La cristallogenèse ou l’art de faire des cristaux La cristallogenèse concerne tous les processus qui amènent à la formation d’un cristal soit en milieu naturel soit de manière synthétique. La cristallisation est le passage d’un état désordonné (liquide, gazeux ou solide) à un état ordonné. Différents facteurs – température, pression, concentration, temps – régissent la formation d’un cristal. Si les conditions sont favorables, une phase cristalline apparaît (la germination) et se propage dans le milieu. Les atomes ou les molécules se positionnent alors de proche en proche (croissance cristalline) suivant un arrangement géométrique qui dépend de la substance pour former un solide cristallin.

Recette pour fabriquer un cristal tout bleu Matériel : un pot à confiture, une cuillère, une casserole, de l’eau, une substance à cristalliser : 200-300 g de sulfate de cuivre pur en poudre ; une cuisinière ou un camping gaz ; une pince à épiler.

Protocole : dans la casserole faire chauffer environ 1/4 de litre d’eau à 50 - 60°C ; y

dissoudre le sulfate de cuivre en remuant jusqu’à saturation, c’est-à-dire jusqu’à ce que le sulfate ne se dissolve plus. La solubilité augmente fortement quand on chauffe; verser doucement dans le bocal; laisser refroidir. Un « hérisson » de petits cristaux millimétriques va se former au fond du bocal ; tirer ce hérisson ; avec la pince à épiler, casser un des plus gros cristaux ; attacher un fil à coudre autour d’un crayon et coller l’autre extrémité avec une minuscule goutte de colle forte sur le petit cristal ; poser le crayon en travers du pot, le fil et le petit cristal trempant dans le liquide. Le petit cristal va grossir jusqu’à devenir un beau monocristal d’un bleu intense de plusieurs centimètres au bout de quelques jours. Il faudra veiller à ce que la solution reste saturée : de temps en temps retirer le cristal et faire redissoudre du sulfate de cuivre en chauffant le liquide (microondes) et en remuant avant de replonger le cristal.

ATTENTION ! Le sulfate de cuivre est toxique par ingestion : bien rincer à l’eau chaude le matériel utilisé.

La plupart des substances minérales – cas des minéraux composants des roches terrestres – et des composés organiques de petites tailles cristallisent facilement, contrairement aux macromolécules telles que les protéines.

Attention, tous les cristaux ne sont pas égaux ! il y a cristal et …quasi-cristal Le quasi-cristal est un solide possédant un arrangement ordonné d’atomes mais qui ne possède pas de répétition périodique d’un motif dans l’espace à trois dimensions. Constitués principalement

Après 5 jours

d’éléments métalliques, souvent l’aluminium, les quasi-cristaux sont en général légers et très résistants à l’usure et aux frottements. Très cassants à température ambiante, ils peuvent se déformer aisément à haute température. Ce sont de très bons isolants thermiques. Ils sont utilisés par exemple dans certaines poêles anti-adhésives.

A gauche, cliché de diffraction d’un quasi-cristal (Al-Pd-Mn) montrant une symétrie d’ordre 5 qu’on retrouve dans le pavage de Penrose de droite. © F. Mompiou, CEMES/CNRS)

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Institut de Pharmacologie et de Biologie Structurale

N° 13 - DIMANCHE 2 FÉVRIER 2014

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Voir l’intérieur d’un cristal : une plongée dans le monde des atomes Il n’est évidemment pas possible d’observer l’organisation interne d’un cristal à l’oeil nu. On utilise généralement les rayons X qui permettent d’étudier la structure de la matière, à l’échelle du nanomètre (10-9 m), sans la perturber. Les rayons X sont, tout comme la lumière visible, une forme de rayonnement, mais leur longueur d’onde est mille fois plus courte que celle de la lumière visible

 

Transformée de Fourier Position des atomes dans l’espace (espace direct)

Tâches de diffraction (espace réciproque)

Lorsqu’un cristal est irradié par un faisceau de rayons X, chacun de ses atomes diffuse une onde qui se propage dans toutes les directions. Les ondes issues des différents atomes interfèrent. Du fait de l’organisation régulière du cristal, dans certains endroits de l’espace, elles s’annulent (interférences destructives), et dans d’autres, elles s’additionnent (interférences constructives). Dans ce dernier cas, on observe grâce à un détecteur (un film photographique, une caméra CCD, etc.) des tâches de diffraction caractéristiques de la structure du cristal.

Echelle des longueurs d’onde (λ) et des fréquences (ν) des rayonnements électromagnétiques. © CC by-sa Benjamin Abel.

Synchrotron Soleil © David Monniaux

La radiocristallographie aux rayons X est la méthode de référence pour l’étude de la structure atomique des cristaux. Des rayons X plus performants générés par des synchrotrons sont utilisés actuellement, de même que d’autres types de rayonnements, tels les faisceaux de neutrons ou d’électrons. Ces derniers permettent de réaliser à la fois de la diffraction et de l’imagerie grâce aux microscopes électroniques.

Recherche fondamentale et recherches appliquées La cristallographie joue un rôle clef dans de très nombreuses disciplines scientifiques, comme la biologie et la médecine, la minéralogie, la chimie… Ses applications sont innombrables. La cristallographie est à la base du développement de presque tous les nouveaux matériaux, y compris les produits de consommation courante, tels que les cartes mémoire des ordinateurs, les écrans plats (cristaux liquides), les composants des véhicules, des avions…Les industries agro-alimentaires, cosmétiques, informatiques, électro-mécaniques, pharmaceutiques, minières, géothermiques… sont les bénéficiaires directs des applications de la cristallographie. Voici quelques exemples de recherches et d’applications toulousaines.

Une révolution dans le domaine de la biologie et de la médecine Structure des molécules biologiques

La biominéralisation : les minéraux du corps humain

Après la découverte de la structure de l’ADN en 1953, la cristallographie aux rayons X a permis à John Kendrew et Max Perutz de décrypter pour la première fois, en 1962, la structure d’une protéine, l’hémoglobine. Depuis, la structure tridimensionnelle de près de 100 000 protéines, acides nucléiques et autres molécules biologiques a été caractérisée. Lorsqu’on connaît précisément la forme des molécules biologiques, on peut envisager leur optimisation (cas des enzymes), la conception de nouveaux médicaments ou d’autres substances actives.

Plusieurs familles de cristaux se forment naturellement dans le corps humain. Les phosphates de calcium, notamment l’apatite, forment ainsi 70% du poids d’un os sec, et les carbonates de calcium sont les composés de base des otolithes de l’oreille interne, les cristaux qui participent à l’équilibre. L’accumulation anormale des cristaux peut cependant être néfaste. Ainsi les cristaux d’apatite peuvent être responsables de calcification des artères, muscles, tendons… D’autres familles de cristaux sont pathologiques, tels que les pyrophosphates de calcium associés à l’arthrose, les cristaux d’urate de sodium Accumulation anormale de pyrophosphate de calcium responsables des crises de goutte ou les ou d’urate de sodium oxalates de calcium forment la partie (en rouge) (en bleu) au niveau minérale des calculs rénaux. des articulations. L’étude de ces cristaux permet de mieux comprendre leur formation et les effets qu’ils provoquent au sein de l’organisme. Des traitements peuvent ainsi être envisagés pour favoriser leur croissance, dans le cas de l’ostéoporose notamment, ou l’inhiber.

La plupart des protéines ne forme pas naturellement de cristaux. Il faut d’abord fabriquer des cristaux pour pouvoir étudier l’agencement des atomes dont elles sont constituées. Ici un cristal d’une enzyme essentielle à la viabilité de la bactérie responsable de la tuberculose : Mycobacterium tuberculosis. L’étude du cristal permet d’établir la structure en 3D de l’enzyme, ce qui permet de décrire son mode d’action. On peut alors concevoir des molécules inhibitrices. Elles constituent potentiellement de nouveaux médicaments antituberculeux qui manquent cruellement.

Exemple de cristaux de pyrophosphate de calcium (t-CPPD) synthétisés en laboratoire.

© J-D. Pedelacq, L. Mourey, IPBS/CNRS.

© P. Gras, Cirimat

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La minéralogie Aller au cœur des roches : observation de sections fines au microscope polarisant

Dans la nature, de nombreuses roches sont constituées de petits minéraux qui concentrent des éléments radioactifs, tels que l’uranium et le thorium. Leur présence est utilisée pour dater les roches et différents évènements de l’histoire de la Terre. Cependant, leur désintégration sur le long terme peut induire des perturbations des minéraux dans lesquels ils sont incorporés. Ainsi, de nombreux minéraux deviennent amorphes (par exemple le zircon), c’est-à-dire que leur structure cristalline devient désordonnée. Ces perturbations doivent être prises en compte pour interpréter correctement les âges géologiques estimés. Les minéraux radioactifs sont aussi étudiés pour mieux comprendre la formation des gisements d’uranium ou pour proposer de nouvelles alternatives au stockage des déchets nucléaires.

Dans le domaine de la pétrologie, qui s’intéresse aux mécanismes de formation et de transformation des roches, il est indispensable de pouvoir identifier rapidement les minéraux. La technique d’identification la plus rapide est l’observation de sections fines (30 µm) de roches au microscope polarisant, un microscope optique grossissant de 10 à 600 fois, équipé de deux filtres polarisants. Comme chaque minéral possède un arrangement géométrique des atomes qui lui est propre, la lumière réagit différemment pour chaque minéral traversé. Les propriétés cristallographiques des minéraux permettent donc d’identifier chaque minéral via des propriétés optiques simples, par exemple le relief, la couleur, la forme, les clivages, mais aussi des données plus complexes basées sur l’anisotropie du réseau cristallin (biréfringence).

Photographies au microscope polarisant (x 20) de la même roche en lumière naturelle (en haut) et en lumière polarisée (en bas).

La métallurgie

Les pièces métalliques sont formées, pour la plupart, d’une multitude de petits cristaux (grains) collés les uns aux autres dont la taille varie du centimètre au nanomètre. Ce sont des polycristaux. Cependant certaines applications, par exemple les aubes de turbine utilisées pour l’aéronautique qui travaillent à près de 1 000°C ou encore les composants de la microélectronique (téléphone, ordinateurs), requièrent que la pièce soit constituée d’un seul grain, c’est à dire que tous ses atomes (environ 1 023) soient arrangés selon un réseau unique. La microscopie électronique permet de visualiser les colonnes d’atomes au sein d’un alliage d’aluminium. Sur cette image, on voit que le précipité présente une structure cristalline différente de celle de la matrice.

La cristallographie c’est aussi l’étude de la composition chimique du fard des égyptiens retrouvé dans les objets funéraires, l’analyse des roches sur Mars grâce à l’instrument CheMin (Chemistry & Mineralogy) transporté par le rover Curiosity, l’observation des différentes phases du chocolat et des milliers d’autres applications.

KIOSQUE L’ a c t u a l i t é s c i e n t i f i q u e a u M u s é u m

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© Musée de Grenoble

Cette pale (haute d’environ 5 cm) équipant un turboréacteur aéronautique est composée d’un alliage métallique (essentiellement du nickel) résistant mécaniquement à très haute température et stable dans le temps. La pale entière correspond à un seul grain : c’est un monocristal.

© F. Mompiou, CEMES

© B. Viguier, CIRIMAT

Tous les métaux que nous utilisons dans notre vie quotidienne, dans nos vélos, voitures, bâtiments, sont des cristaux. Leurs propriétés, telles que la conductivité électrique ou la résistance mécanique associée à un caractère malléable, sont liées à leur structure cristalline et aux nombreux défauts qu’elle peut contenir. Les métallurgistes étudient à l’échelle atomique ces défauts pour les contrôler.

© NASA/JPL

Le “Kiosque Actualités Scientifiques” propose une sélection de découvertes et d’événements qui font la une des journaux scientifiques. Retrouvez des compléments d’information sur le site du Muséum. N’hésitez pas à nous faire part de vos remarques pour améliorer ce journal. http://blog.museum.toulouse.fr Prochain Kiosque : 2 mars - cerveau et mouvements : quel remue-méninges !

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Conception : Dominique Morello - Avec la participation de G. Fleury, N. Vujkovic, JP. Ulmet, JC Daran - Réalisation : Studio Pastre

Image en MET de monazite irradiée artificiellement (gauche) et clichés de diffraction électronique associés; zone cristallisée (B) et amorphe. (C).

© A. Laurent, GET

Prendre en compte les effets de la radioactivité sur la structure des minéraux

© A. Laurent, GET

© AM Seydoux-Guillaume, GET

Dès 1920, la cristallographie aux rayons X a permis de déterminer la structure atomique des minéraux et des métaux. Nos connaissances sur les roches, les formations géologiques, l’histoire de la Terre et les météorites viennent de la cristallographie.


e u q s o i K scientifiqu L’ a c t u a l i t é

2014, année internationale de la cristallographie

um e au Musé

! s i o m u d z z i u q Le r 2014

Dimanche 2 févrie

Un

e i ph a r g o ll a t siècle de cris

1. À quelle époque les rayons X ont-ils été découverts ? n A. XIXe siècle n B. XXe siècle n C. XXIe siècle 2. Combien de systèmes cristallins existent-ils ? n A. 3 n B. 5 n C. 7 3. Quelle nouvelle forme de cristal a-t-elle été récompensée par un prix Nobel en 2011 ? n A. Presque-cristal n B. Quasi-cristal n C. Moindre-cristal 4. Avec quelle unité mesure-t-on la distance entre les atomes dans un cristal ? De l’ordre du : n A. Millimètre (10-3 mètre) n B. Micromètre (10-6 mètre) n C. Nanomètre (10-9 mètre)

7. Quelle est la composition d’un os long, tel que le fémur ? n A. Uniquement des cristaux de phosphate de calcium, qui lui confère sa solidité. n B. Dérivant du cartilage, il est principalement constitué de collagène. n C. C’est un matériau composite fait de cristaux d’apatite et de fibres de collagène. 8. Laquelle de ces maladies n’est pas couramment associée à la formation de cristaux ? n A. La lithiase rénale : formation de calculs rénaux n B. La cataracte : opacification partielle ou totale du cristallin n C. L’arthrose : dégradation du cartilage dans les articulations

5. Qu’observe-t-on sur une image de diffraction ? n A. Des taches n B. Des courbes n C. Des atomes

9. Des rayons X sont émis par : n A. Les matériaux radioactifs n B. Les accélérateurs synchrotrons n C. Les tubes fluorescents

6. Quelle technique d’observation directe est utilisée pour rapidement identifier les minéraux ? n A. La diffraction par rayons X n B. Le microscope polarisant n C. Les jumelles

10. Des trois objets suivants, lequel est un cristal  ? n A. Un grain de farine n A. Un flocon de neige n A. Une molécule d’ADN

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um e au Musé

Cerveau et mouvement : quel remue-méninges 2 mars 2014

Cerveau et mouvement : quel remue-méninges ! n Studio Pastre

Mais comment parvenons-nous à bouger ? Venez découvrir avec des scientifiques comment le cerveau contrôle les mouvements.

35 allées Jules-Guesde

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ANIMATIONS Jeux quizz

N° 14


e u q s Kio e scientifiqu é t i l a u t c a L’

m au Muséu

Cerveau et mouvement :

quel remue-méninges!

Petite histoire de l’étude du mouvement chez l’animal et l’humain

P

endant longtemps, il ne nous a pas été facile de représenter les mouvements biologiques du fait de l’impossibilité de « figer » toutes les positions atteintes par les différents segments corporels au cours de leurs déplacements, de la complexité des trajectoires et de la difficulté à les percevoir.

Eadweard Muybridge est l’inventeur de la « chronophotographie », une technique qui permet de prendre une succession de photographies à intervalles réguliers et de décomposer ainsi un mouvement. Cheval au galop (1888).

Etienne-Jules Marey, médecin et physiologiste, met au point en 1882 le fusil photographique, produisant une série de clichés instantanés distincts, pour décomposer le mouvement des oiseaux en vol.

Sur ce tableau, Le Derby d’Epsom, peint en 1821 par Géricault et conservé au Musée du Louvre, on observe des chevaux dans une attitude qui n’est jamais adoptée par l’animal au galop.

Il a fallu attendre l’avènement de la photographie, l’ingéniosité du photographe américain Muybridge (1830-1904) et les développements techniques des français Marey (1830-1904) et Demenÿ (18501917) pour pouvoir fixer une succession d’images statiques rendant compte de la série de positions prises par un corps en mouvement.

En 1891, Georges Demenÿ, élève de Marey, fait breveter son phonoscope, un appareil capable d’enregistrer à la fois les images et le son. Voir http://otremolet.free.fr/otvideo/demeny.html où l’homme ci-contre prononce la phrase « Je vous aime ».

Aujourd’hui on utilise des systèmes opto-électroniques de capture du mouvement : des caméras numériques captent la lumière infrarouge réémise par des marqueurs placés sur le corps de l’acteur, et un système informatique complexe permet d’enregistrer en temps réel la trajectoire des marqueurs et de reconstituer l’ensemble du mouvement en 3 dimensions.

© 1canuck2

Rien de plus naturel que de se gratter le nez ou d’attraper son téléphone portable. Mais réaliser un mouvement volontaire, en apparence très simple, est en réalité d’une complexité redoutable. Comprendre comment le cerveau commande les muscles concerne plusieurs disciplines : les sciences physiques (mécanique, cinétique), biologiques (physiologie, neurosciences) et psychologiques. Les retombées sociales de ces études touchent de nombreux domaines : éducation physique, amélioration des performances sportives, mise au point de méthodes d’apprentissage, réadaptation suite à des traumatismes ou des troubles liés à des maladies du système moteur. Ce kiosque-Actus est l’occasion de faire un tour d’horizon de ces différents aspects avec des scientifiques.

C’est au XIXe siècle qu’on prend en compte la composante psychologique du mouvement. Les chercheurs élaborent alors des méthodes expérimentales pour explorer les « fonctions mentales » qui permettent de traiter l’information sensorielle, rechercher les informations en mémoire, prendre une décision, préparer à l’action et la réponse motrice. Ainsi, la « chronométrie mentale », dont Donders est un père fondateur, a pour but de mettre en évidence les opérations qui prennent place entre un signal et une réponse motrice en mesurant leurs durées dans différentes situations contrôlées. Cette méthodologie est encore à la base de plu- Franciscus sieurs travaux de psy- Cornelis Donders, chologie expérimentale. ophtalmologiste neerlandais, 1818-1889

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Bouger : quelle complexité ! Derrière des mouvements volontaires simples comme attraper son téléphone portable ou appuyer sur la télécommande se cache une incroyable complexité. A partir de l’intention d’agir qui se traduit par un but à atteindre, notre cerveau envoie une commande motrice aux groupes musculaires sollicités. Mais pour réaliser un mouvement extrêmement précis et adapté à l’environnement, le système moteur a besoin de contrôler en temps réel la bonne exécution de ce mouvement. Pour cela il utilise les informations recueillies par différents sens.

Que se passe-t-il dans la tête d’un sportif ?

Grâce à des récepteurs visuels, auditifs et tactiles, plusieurs systèmes sensoriels nous renseignent en permanence sur l’état de notre corps et sur le mouvement qui est en cours. Ce retour d’information est appelé feedbacks. En fonction des informations recueillies, le système moteur modifie la commande motrice afin d’ajuster le mouvement pendant qu’il se déroule. Ces ajustements se font la plupart du temps de façon non consciente grâce aux feedbacks.

➋ R ecueil

➊ R ecueil

d’informations auditives

d’informations visuelles

➌ R ecueil

➍ R ecueil

d’informations kinesthésiques

➎ A ctivation

d’informations mémorisées

© Beat

d’informations tactiles

Anticipation

L’exécution d’un mouvement provoque l’activation de très nombreux récepteurs sensoriels

Prise de décision

Récepteurs vestibulaires Récepteurs visuels

Planification des actions Contrôle de leur exécution Mémorisation des actions et de leurs conséquences :

Canaux semi-circulaires

APPRENTISSAGE

Otolithes

Récepteurs musculaires

Cochlée

Récepteurs cutanés

Toutes ces opérations demandent du temps. Il faut donc anticiper. Beaucoup de sportifs utilisent l’imagerie mentale pour préparer leur mouvements. La répétition mentale du mouvement permet aussi de l’apprendre. Le cerveau commande les mouvements et permet de réaliser des activités physiques. Les activités physiques améliorent le fonctionnement du cerveau en perfectionnant les stratégies d’apprentissage, en développant l’attention, l’anticipation, la mémoire…

Récepteurs musculo-articulaires

Schéma d’après A. Berthoz (1997) Le sens du Mouvement, Ed. O. Jacob.

La vision nous permet de nous situer dans l’espace Le système vestibulaire, situé dans l’oreille interne, réagit aux déplacements de la tête dans le champ de la pesanteur. Le système tactile avec les récepteurs cutanés. La proprioception ou kinesthésie désigne l’ensemble des sensations qui nous renseignent sur les mouvements et positions des segments du corps les uns par rapport aux autres. Cette perception se fait grâce à différents capteurs sensoriels situés dans les muscles, les tendons, les articulations, ainsi que sur la peau.

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Différentes parties du cerveau contrôlent le mouvement De loin

Cerveau

Le système nerveux central (SNC) contient le cerveau, le cervelet, le tronc cérébral et la moelle épinière. Les nerfs contiennent des fibres nerveuses motrices qui sortent du SNC et des fibres nerveuses sensorielles qui entrent dans le SNC. Ainsi le cerveau peut savoir ce qui se passe dans et à l’extérieur du corps et commander aux muscles de se contracter.

Moëlle épinière

(Cortex moteur primaire et cortex prémoteur)

(interneurones/ neurones moteurs et sensoriels)

Nerfs moteurs (connection avec les muscles)

Le cervelet règle avec précision l’enchainement, la force et la durée des mouvements élémentaires pour être au bon endroit au bon moment. Un sujet atteint de lésion au cervelet est toujours capable de générer un mouvement mais il est imprécis. Carte motrice : chaque partie du corps est associée à une région précise du cortex moteur primaire qui en contrôle le mouvement. Certaines parties du corps y occupent beaucoup plus de place que d’autres. Elles ont le plus de finesse dans le mouvement et sont représentées en plus gros sur le dessin. Cette représentation topographique de notre corps est appelée homonculus moteur ou homonculus de Wilder Penfield. Il existe également un homonculus sensitif qui représente la sensibilité de différentes zones corporelles.

De plus près Le cortex moteur désigne l’ensemble des aires du cortex cérébral qui participent à la planification, au contrôle et à l’exécution des mouvements volontaires des muscles du corps. Il est en communication permanente avec d’autres régions du cortex et avec le cervelet. Les deux aires principales du cortex moteur dans lesquelles s’élaborent les stratégies du mouvement sont le cortex prémoteur (région bleue) et le cortex moteur primaire (région rouge). Une fois que la réponse adaptée est sélectionnée, l’information d’exécution est transmise au muscle ou groupe de muscles adéquats par l’intermédiaire des neurones de la moelle épinière. Le cortex moteur envoie ses ordres sous forme de signaux électriques et chimiques vers les neurones moteurs (motoneurones) situés dans la moelle épinière. Chaque motoneurone possède un axone qui part du système nerveux central pour innerver les fibres musculaires d’un muscle. L’ensemble constitué par un motoneurone et les fibres musculaires qu’il innerve constitue une unité motrice.

Pour plus d’informations, voir site http://lecerveau. mcgill.ca/

Deux hémisphères, chacun son rôle Nous utilisons préférentiellement une main, la main droite pour la majorité d’entre nous, dans les tâches quotidiennes comme écrire ou pour pointer du doigt. Ce comportement latéralisé reflète l’existence d’asymétries gauche/droite dans l’anatomie de notre cerveau. Notre cerveau est formé de deux hémisphères, le gauche et le droit, chacun recevant les perceptions sensorielles et contrôlant le mouvement de la moitié opposée (controlatérale) de notre corps. Malgré leur degré de symétrie élevé, nos deux hémisphères sont asymétriques dans le traitement de différentes fonctions cognitives. Par exemple, l’hémisphère gauche est dominant pour la génération et la compréhension du langage chez plus de 95% des individus; l’hémisphère droit est lui spécialisé dans le traitement des informations visuelles et spatiales et la reconnaissance des visages.

Hémisphère gauche Langage Calcul Habilités logique

Hémisphère droit Habilités spatiales Reconnaissance des visages Musique

Divers comportements asymétriques sont également retrouvés chez d’autres animaux, comme les oiseaux ou les poissons, qui utilisent préférentiellement leur œil gauche ou droit selon qu’ils regardent une objet familier, une proie ou un prédateur.

Cette conservation des comportements latéralisés dans l’évolution nous permet d’étudier dans différents organismes modèles, tel que le poisson zèbre, comment les asymétries se mettent en place au cours du développement du cerveau.

Ci-contre : Le même texte que celui juste au-dessus mais rédigé en boustrophédon, un système d’écriture qui ne favorise ni les droitiers ni les gauchers.

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biofeedback externe. En la comparant avec une référence, le système moteur peut alors utiliser cette information pour ajuster le mouvement. La sonification du mouvement, une voie prometteuse Comment informer le cerveau des données recueillies par les capteurs? Le laboratoire a choisi … la musique : la mélodie sonore devrait renseigner le marcheur équipé de winshoe de l’intensité des contraintes sous différentes zones anatomiques et de la chronologie correcte de ses appuis.

© Winshoe

Il existe plusieurs situations dans lesquelles il est nécessaire d’améliorer le mouvement, par exemple optimiser les performances d’un sportif, faciliter une rééducation ou encore prévenir les chutes ou des pathologies. Plusieurs pistes sont suivies dans différents laboratoires. Le laboratoire Prisshm concentre ses efforts sur l’utilisation de semelles munies de capteurs de pression. Elles permettent de renvoyer au marcheur en temps réel des informations précises sur la pression exercée par les différentes parties de son pied sur le sol (ou l’inverse). On ajoute ainsi un feedback artificiel à ceux qui sont naturellement disponibles : on parle de

La chaussure exploratrice de Marey

Médicapteur Winshoe. Un système de capteurs embarqués pour analyser les pressions plantaires au cours de la marche ou à l’arrêt.

Plasticité cérébrale et réparation Longtemps considéré comme figé à l’âge adulte, nous savons maintenant que le cerveau garde la capacité de se modifier en fonction de son environnement et des expériences vécues. Cette propriété exceptionnelle, appelée plasticité cérébrale, a été analysée grâce à des patients atteints d’une lésion cérébrale. Après un accident cérébral, plusieurs phénomènes (moléculaires, cellulaires et génétiques) entrent en jeu pour permettre à notre cerveau de retrouver le plus de fonctions possible. Parmi eux, il y a la synaptogenèse (la création de nouvelles connections entre les cellules nerveuses), la neurogenèse (création de nouveaux neurones) ou encore la modification des réseaux neuronaux. Le défi majeur du traitement d’un patient atteint d’une lésion cérébrale est ainsi d’agir sur sa plasticité cérébrale afin d’optimiser la récupération. Plusieurs voies sont privilégiées depuis longtemps, médicaments et rééducation (kinésithérapie, ergothérapie, …). Des stratégies innovantes sont utilisées depuis peu : thérapie cellulaire (greffe de cellules souches), stimulations cérébrales non-invasives, réalité virtuelle, imagerie motrice, utilisation de nanoparticules, etc...

KIOSQUE L’ a c t u a l i t é s c i e n t i f i q u e a u M u s é u m

A l’âge de 3 ans, l’hémisphère gauche, responsable du langage, a été retiré du cerveau d’une fillette atteinte du syndrome de Rasmussen. Grâce à la plasticité cérébrale, cet enfant était à 7 ans complètement bilingue en turque et hollandais. (IRM, © The Lancet, J. Borgstein, C. Grootendorst).

Synaptogenèse : neurone de l’hippocampe étendant ses synapses vers d’autres neurones - © Inserm, P. Dournaud.

Cellules souches, cultivées en laboratoire, capables d’établir un réseau de neurones (© Inserm U825) Imagerie biomédicale permettant de visualiser les réseaux de fibres reliant différentes régions du cerveau (imagerie par résonance magnétique de diffusion, © CNRS Photothèque/Université de Strasbourg, A. Grigis).

Vision de l’artiste Nicolas d’Olce sur les AVC que les chercheurs tentent de localiser et de traiter avec des particules nanométriques, Plexiglas gravé et acrylique, 300 x 150 cm

Techniques de stimulation cérébrale non-invasive (SCNI). a) Bobine de stimulation magnétique transcrânienne (TMS) b) Electrodes de stimulation transcrânienne à courant continu (tDCS) placées sur le crâne afin de stimuler le cortex préfrontal.

Le “Kiosque Actualités Scientifiques” propose une sélection de découvertes et d’événements qui font la une des journaux scientifiques. Retrouvez des compléments d’information sur le site du Muséum. N’hésitez pas à nous faire part de vos remarques pour améliorer ce journal. http://blog.museum.toulouse.fr

Prochains Kiosques : 6 juillet « Bestiaires » (sous réserve) – 7 septembre «Jardins secrets et plantes médicinales ».

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Conception : Dominique Morello - Avec la participation de H. Cochet, J. Tallet, B. Thon, J. Laussu, A. Lille, M. Roussigné, P. Moretto, P.G. Zanone, B. Demain et M. Tarri - Réalisation : Studio Pastre

Comment améliorer le mouvement?


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um e au Musé

! s i o m u d z z i u Le q

Dimanche 2 mars 2014

Cerveau et mouvement :

quel remue-méninges ! 1. Qu’est-ce que la chronophotographie ? n A. Une technique photographique qui permet de prendre une succession de photographies à intervalles réguliers n B. Une technique qui permet de prendre des photos en couleur n C. Une technique qui permet de mesurer le temps 2. La chronométrie mentale est : n A. L’aptitude de notre cerveau à mesurer le temps n B. La mesure du temps qui s’écoule entre une question posée et l’arrivée de la réponse n C. L’étude de l’enchaînement d’événements entre un signal et la réponse motrice correspondante 3. La force, la durée et la précision d’un mouvement sont en partie contrôlées par : n A. Le cortex moteur n B. Le cervelet n C. Les deux structures contribuent

4. Qu’est-ce que la proprioception ? n A. La perception de l’espace n B. Le sens de l’équilibre n C. Le sens du mouvement de nos segments corporels

5. Qu’est ce qu’une unité motrice ? n A. Une alimentation reliée à un moteur n B. Un neurone moteur et l’ensemble des fibres musculaires qu’il innerve n C. La mesure du nombre de pas effectués en 1 minute 6. Lorsque la main droite écrit, elle est guidée principalement par : n A. L’hémisphère droit du cerveau n B. L’hémisphère gauche n C. Les deux hémisphères 7. Un comportement latéralisé concerne le fait de : n A. Conduire à droite n B. Utiliser préférentiellement la main droite ou gauche n C. Avoir une préférence de couleur 8. Après une lésion cérébrale, la plasticité : n A. N’a pas besoin d’être stimulée pour récupérer au mieux les fonctions cérébrales n B. N’existe pas après un certain âge n C. Se traduit par une réorganisation structurelle et fonctionnelle des neurones proches de la lésion. 9. Après une lésion cérébrale le meilleur moment pour agir sur la plasticité de notre cerveau est : n A. Jamais, on ne sait pas agir n B. Les 12 premiers mois n C. 6 ans après la lésion 10. Qu’est-ce que le boustrophédon ? n A. Un animal préhistorique n B. Une forme d’écriture ancienne n C. Un personnage légendaire

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N° 15

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Bestiaires, gargouilles et autres chimères

© ing images

© Chateau Fiches © BNF

© Ville de Toulouse

© Chateau Fiches

6 juillet 2014

Partez dès à présent à la (re) découverte du bestiaire toulousain jeu de piste animalier à PARCOURir !

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e u q s Kio e scientifiqu é t i l a u t c a L’

m au Muséu

« L’art ne cesse pas d’être hanté par l’animal » Gilles Deleuze et Felix Guattari

© Chateau de Fiches

Bestiaires, GARGOUILLEs et autres CHIMÈres

Depuis la nuit des temps, l’homme a représenté des animaux : les bestiaires ornent les grottes préhistoriques, des animaux réels ou imaginaires, basilics, dragons, sirènes ou centaures, remplissent les manuscrits enluminés et des chimères extravagantes peuplent certaines de nos BD. Entre précision incroyable et imagination débordante, le régal des yeux est garanti. Des scientifiques vous accompagnent dans ce Kiosque-Actus pour aller plus loin dans vos observations et vous faire aussi découvrir que notre corps, les cellules qui le constituent et notre ADN sont de « véritables » chimères.

Bestiaires préhistoriques : de Chauvet à Niaux

S

i les preuves d’une manifestation artistique des hommes préhistoriques remontent à plus de 100 000 ans, l’explosion d’images élaborées par nos ancêtres a lieu en Europe il y a plus de 35 000 ans quand Homo sapiens s’y installe. La grotte Chauvet en Ardèche représente l’une des plus anciennes grottes ornées connues du paléolithique supérieur (-36 000/10 000). Le bestiaire réalisé probablement aux alentours de - 36 000 ans par les Aurignaciens y est abondant : plus de 400 animaux, rhinocéros laineux, lions et chevaux s’y côtoient dans une dynamique époustouflante. Malheureusement, la grotte, qui a été inscrite le 22 juin sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco, ne se visite pas. Un premier fac-similé de ses panneaux rassemblant 200 animaux sur 100 m2 de paroi a été récemment réalisé à Toulouse. Restitués dans leur contexte souterrain, ces panneaux permettront prochainement au public d’admirer ces chefs d’œuvre.

Plus proche de nous et encore ouverte au public, la grotte de Niaux dans l’Ariège renferme également un très riche art pariétal peint par les Magdaléniens il y a environ 13 000 ans. On y découvre chevaux, bisons, bouquetins et même poissons. D’une Chevaux et cerf, caverne de Niaux © SESTA. manière plus générale, la faune change d‘une grotte à l’autre, au gré de la succession des périodes glaciaires et inter Si, en majorité, les espèces animales représentées se trouvent dans l’environnement naturel des artistes, il n’est pas rare de découvrir des animaux aux formes indéfinissables, comme ce groupe d’animaux de la grotte Chauvet, ou fantastiques, telle la licorne qu’on peut deviner dans la salle des taureaux à Lascaux.

Préparation de la réplique de la Grotte Chauvet avec Gilles Tosello et Déco Diffusion. Des images 3D ont permis de restituer les supports rocheux. Mais, pour en révéler la richesse et le dynamisme, les dessins sont réalisés à la main avec des matériaux et des couleurs semblables à ceux que les artistes préhistoriques utilisaient. © G. Tosello.

Château

de Fiches

N° 15 - DIMANCHE 6 juillet 2014

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Une excursion dans le bestiaire du Moyen Âge La représentation des animaux et la symbolique qui leur est associée ont fortement évolué au cours du Moyen Âge (du Ve au XVe siècle). Avec ses animaux fabuleux, le Livre de Kells (vers 800), est un exemple remarquable de l’inventivité des moines irlandais de l’époque. Ils seront par la suite très souvent imités. Les enlumineurs dessinent toutes sortes de formes animales, plus ou moins vraies, souvent exotiques et parfois hybrides, qui ornent les majuscules, débordent dans les marges des livres, voire même en occupent une pleine page, pour le plus grand plaisir du lecteur.

Sacramentaire de Gellone. Lettrine M. VIIIe siècle. BnF de Paris. Latin 12048, folio 111v.

Seconde bible de St Martial de Limoges. Lettrine V. XIe siècle, BnF de Paris. Latin 8 (1), folio 183.

Acrobaties et duels animaliers dans les lettres Très tôt, les moines ont cultivé l’art de la lettrine, une majuscule agrandie et ornée mettant en valeur le début d’un texte. Des formes animalières évoquant poissons et oiseaux, parfois fortement stylisées et réalisées au compas, ornent les initiales dont elles constituent les jambages et les courbes. Le répertoire de cette faune est en fait plus diversifié. Il inclut également des quadrupèdes et d’étranges animaux hybrides. Toutes ces bêtes se parent d’attributs, tels que plumages, aigrettes, ocelles, crinières, et un foisonnement de lianes et volutes végétales entrelacées accueille leurs contorsions. C’est alors que les enlumineurs donnent libre cours à leur imagination. Dragons et autres chimères fantastiques se multiplient, s’empoignent sauvagement, mordent et luttent sans merci entre les feuillages des plantes volubiles. Parfois, ce sont même les mots introduisant un texte qui sont agrandis jusqu’à remplir une page entière. Les lettrines s’imbriquent dans une luxuriance zoologique et végétale pour composer un monogramme rendant le texte difficilement lisible.

Bible de Winchester. Initiale A du Livre de Daniel. Seconde moitié du XIIe siècle. Folio 264v, Bodleian Library d’Oxford.

Début du Te igitur du Sacramentaire de Limoges. XIe siècle. BnF de Paris. Latin 9438, folio 59v.

Drôleries et chimères dans les marges Cette animation zoologique connaîtra un grand succès et finira, vers 1250, à l’époque gothique, par s’étendre dans les grands espaces libres que sont les marges des pages pour y jouer farces et facéties. Sur des prolongements d’apparence végétale, de petites scènes prennent place, généralement indépendantes du contenu du livre. Ce sont les marginalia ou drôleries car leurs personnages sont souvent source d’amusement et de distraction. Si l’on y retrouve des chimères classiques (centaure, sirène…), de nouvelles hybridations témoignent de l’inventivité des artistes. Les énormes créatures hybrides qui peuplent le Psautier de Luttrell, manuscrit anglais du XIVe siècle, sont sans doute les plus spectaculaires. Plus proches de nous, les manuscrits produits à Toulouse à partir de la fin du XIIIe siècle, présentent un type d’hybride particulier, mi-végétal mi-humain ou animal, reconnaissable à son long cou sinueux, sur lequel les artistes posent souvent une tête humaine réjouie.

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Des créatures hybrides peuplent le Psautier de Luttrell, un manuscrit anglais du XIVe siècle.

Missel de Jean Tissendier 1320-1330 (Toulouse, BM, ms. 90)

Château

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Bible de Jean de Cardaillac, Stuttgart Bibl. f.310v © Ch. Sauer

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Le bestiaire étrange et fabuleux du Livre de Kells

Détail d’une Table des canons montrant le lion ailé de St Marc; folio 4r. © Trinity College, Dublin. Détail du loup embelli par Gerald Plunket au XVIe siècle; folio 76v.

Entre le VIIe et le IXe siècle, les moines irlandais ont élaboré quelques uns des plus beaux manuscrits du Moyen Âge, dont le très célèbre Livre de Kells (Dublin, Trinity College, MS 58), conçu au début du IXe siècle sur l’île d’Iona. Aussi appelé « Evangéliaire de saint Colomba » car il contient le texte latin des quatre Evangiles, ce manuscrit était déjà considéré comme « l’objet le plus précieux du monde occidental » au XIe siècle. Il fascine toujours autant les chercheurs du monde entier en raison de sa très riche iconographie. En effet, c’est un manuscrit très vivant, dont les couleurs et la décoration, faite d’entrelacs étourdissants, de lettres ornées et d’enluminures pleine page, confèrent au texte biblique une allure très festive. Il est peuplé d’un bestiaire grouillant, au cœur duquel des animaux, réels ou fabuleux, se faufilent entre les lignes voire entre les lettres. Mais la faune occupe aussi la première place des enluminures pleine page (ou pages-tapis ), souvent constituées d’ornements « zoomorphes » dans lesquels les corps déstructurés des dragons, oiseaux et quadrupèdes s’étirent à l’infini. Ils inspireront, des siècles plus tard, les gargouilles des cathédrales.

Folio 250, Détail d’une page de l’Evangile selon St Luc.

Aigle de St Jean tenant un livre dans sa main; folio 5c

Un merveilleux bestiaire au plafond

© Chateau de Fiches

Sur le plafond du salon de réception du château de Fiches en Ariège, on découvre une œuvre unique surgie d’un passé vieux de 400 ans : une quarantaine d’animaux et d’êtres fantastiques y sont représentés. Tout comme les peintures qui ornent les livres médiévaux, on y trouve pêle-mêle des espèces sauvages régulièrement chassées (cerf, ours, faisan), des animaux exotiques (dromadaire, éléphant, singe) ou imaginaires (centaure, sirène, licorne). Tout cela agrémenté de cartouches de scènes de chasse, rinceaux et corbeilles de fruits. L’auteur ou plus certainement les auteurs de ces peintures aux couleurs très douces sont, à ce jour, inconnus.

L’imagination des peintres et enlumineurs d’autrefois est une source d’inspiration dans laquelle les auteurs contemporains puisent allègrement. Observons par exemple la représentation et la description des dragons, loups-garous, sirènes, basilics « et autres chimères » de la saga Harry Potter. Château

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Nous sommes tous des chimères

Corps chimériques : l’exemple de la chimère caille-poulet

Cellules chimériques : mitochondries et chloroplastes, vestiges bactériens

En 1969, Nicole Le Douarin, une très grande biologiste française, récemment honorée par le prix Georges Pompidou, fut la première à créer une chimère caille-poulet : « J’ai prélevé sur un embryon de poulet un grand morceau de sa moelle épinière à l’endroit où se forment les ailes. À la place, j’ai greffé un fragment correspondant d’un embryon de caille. L’expérience a réussi. Non seulement la greffe a pris, mais les cellules de caille, que je pouvais reconnaître grâce à un marqueur qu’elles possèdent, se sont propagées à partir du greffon dans les tissus du poulet. Grâce à ma chimère caille-poulet, j’ai pu étudier le rôle mal connu jusque-là d’une petite zone située au contact de la moelle épinière et du cerveau, que l’on appelle la «crête neurale». C’est la fabrique de certaines cellules souches de l’embryon qui vont ensuite se transformer en cellules nerveuses et pigmentaires, par exemple, et se localiser dans divers organes comme la peau ou l’intestin. Cette crête neurale, dont sont dotés tous les vertébrés, leur aurait permis de développer, il y a environ 500 millions d’années, une tête avec un plus gros cerveau et de tirer ainsi leur épingle du jeu dans l’évolution ». Interview Le Point, mars 2012.

Toutes les cellules des animaux, des végétaux et des champignons hébergent de petits organites de quelques microns, les mitochondries, qui produisent à partir des sucres et des graisses l’énergie qui leur est indispensable. Chaque mitochondrie est entourée d’une membrane et contient son propre matériel génétique (ADN). Ces caractéristiques ont suggéré aux scientifiques le scénario suivant : il y a 2 milliards d’années, une cellule primitive aurait « gobé » un microbe très semblable à certaines bactéries actuelles. La bactérie a survécu à cette épreuve en se rendant indispensable à son hôte. Depuis la bactérie est devenue mitochondrie, une machinerie cellulaire à part entière. En plus des mitochondries, les cellules végétales qui fabriquent de la chlorophylle contiennent d’autres petites usines, les chloroplastes. Comme les mitochondries, chaque chloroplaste est entouré d’une membrane et doté d’ADN. Les chercheurs pensent qu’il y a environ 1,5 milliard d’années, une cellule ayant déjà des mitochondries aurait fusionné avec une cyanobactérie, à l’origine des chloroplastes. Ces organites absorbent l’énergie solaire et la restituent sous forme de sucres et autres aliments indispensables à la plante. C’est la photosynthèse. Sans elle, la vie serait bien différente : il n’y aurait pas d’oxygène dans l’atmosphère, pas d’arbres ni de plantes à fleurs, pas de poissons, d’oiseaux, d’humains….

En vert, réseau de mitochondries dans une cellule animale, vu au microscope optique (© CBD).

Après la greffe, les cellules de la crête neurale du greffon (caille) migrent et colonisent les territoires des futures ailes du poulet. A sa naissance, le poussin est une chimère caille-poulet © CNRS Photothèque/Institut d’Embryologie.

Mitochondrie isolée grossie 20 000 fois (microscope électronique en transmission).

Chloroplastes dans une cellule de mousse, vus au microscope optique © Christian Peters.

ADN chimérique

L’éminent virologiste Luis Villarreal pense que 43% de notre matériel génétique est constitué de séquences virales (LTR et rétrovirus endogènes) ou apparentées (LINE, SINE) alors que seulement 1,5% de notre ADN code pour des protéines… (voir le livre de Frank Ryan, Virolution, Ed Collins, 2009).

Lorsque le génome humain a été séquencé il y a un peu plus de dix ans, la surprise a été immense de constater qu’il recelait une forte proportion d’ADN d’origine virale, témoignant du rôle extraordinaire que les virus ont joué dans l’évolution de la vie sur Terre. Outre de très nombreux éléments viraux, l’ADN nucléaire (du noyau de la cellule) contient également des séquences d’ADN bactérien (issu de l’ancêtre des mitochondries) et d’autres séquences d’origine encore inconnue.

KIOSQUE L’ a c t u a l i t é s c i e n t i f i q u e a u M u s é u m

Scénario d’une « endo-symbiose » : une cellule végétale primitive (en rose), qui aurait déjà gobé une protéobactérie, à l’origine des mitochondries (en bleu), aurait absorber une bactérie photosynthétique (en vert), qui serait devenue, au fur et à mesure de l’évolution, un chloroplaste.

Le “Kiosque Actualités Scientifiques” propose une sélection de découvertes et d’événements qui font la une des journaux scientifiques. Retrouvez des compléments d’information sur le site du Muséum. N’hésitez pas à nous faire part de vos remarques pour améliorer ce journal. http://blog.museum.toulouse.fr

Prochains Kiosques : 7 septembre «Plantes et jardins médicinaux»; 7 décembre « Handicaps et recherche ».

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Château

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Conception : Dominique Morello - Avec la participation de C. Bitsch, L. Gonzalèz, E. Nadal, S. Bel-Vialar, V. Mils, C. Faucher, P. Cochard, G. Tosello, P. Chaps - Réalisation : Studio Pastre

En génétique, le terme chimère désigne un organisme composé de cellules provenant de plus d’un individu. A ce titre, notre corps est chimérique puisque qu’il héberge des milliers de milliards de bactéries! Lorsqu’un individu reçoit une greffe avec des cellules d’un donneur, il devient également une chimère. Au laboratoire, les biologistes fabriquent régulièrement des chimères pour comprendre le fonctionnement des organismes et la mise en place des tissus/organes. Un des exemples les plus spectaculaires est celui de la fabrication de chimères caille/poulet. On peut aussi dire que toutes les cellules sont des chimères puisqu’elles hébergent de petites structures qui leur sont vitales (mitochondries chez toutes les cellules et chloroplastes chez les plantes) et dont l’origine est bactérienne. Enfin à l’échelle de notre matériel génétique, notre ADN est un patchwork composé en très grande partie d’éléments d’origine virale.


Au-dessus d’un âne vert Qui habille les enfants, Deux chimères aux ailes de pierre, Poussent leur rugissement. Qui sommes-nous ? Où sommes-nous ?

5

Pour les réponses, rendez-vous sur la page www.museum.toulouse.fr/bestiaire du site du Muséum, vous serez aussi invités à proposer vos photos/réponses personnelles.

Sous les effluves des simples, Déracinées mais intactes La gueule grande ouverte, Elles attendent en vain Les trombes célestes. Qui sommes-nous ? Où sommes-nous ?

4

De la musique plein les oreilles, Figés malgré nos ailes, Nous rafraichissons les badauds Sous le regard de Dame Tholose. Qui sommes-nous ? Combien sommes-nous ?

3

« Le collier dont je suis attaché, de ce que vous voyez est peut-être la cause. Attaché ?… » Ici, les deux protagonistes de cette illustre fable sont représentés dans un cruel face à face. Combien la chienne a-t-elle de dodus bébés ? Et combien en cache, sous sa patte, l’animal féroce qui lui fait face ?

2

Cet été, je sors des collections pour faire l’admiration du public. On me nomme indifféremment défense, corne ou dent. Quel est le nom scientifique du mâle dont j’orne la tête ? Quelle est ma taille, ici, à l’ombre d’un autre cétacé ?

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À la (re) découverte du bestiaire toulousain

Jeu de piste animalier

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1

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L’ a c t u a l i t é s c i e n t i f i q u e a u M u s é u m

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Retrouvez le KIOSQUE-ACTUS le 6 juillet aux Jardins du Muséum à Borderouge pour tout savoir sur ces Bestiaires, chimères et autres gargouilles !

2

Laquelle de ces 3 fontaines, où les animaux tiennent une place importante, n’est pas toulousaine ?

Kiosque

Vêtus d’un bonnet phrygien, d’une tunique et d’une unique sandale, Nous portons un tympan sculpté représentant l’Ascension du Christ. Combien sommes-nous ? Où sommes-nous ?

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Muséum de Toulouse

départ

Un satyre, des faunes et des génies décorent le porche d’un bel hôtel construit en 1889 dont la devise est « souffre et abstiens toi ». Quel est le nom de cet hôtel particulier ?

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Polie durant des siècles par les mains des visiteurs, Je monte la garde d’un hôtel particulier qui abrite le musée d’une fondation. Qui suis-je ?

8

Planté à l’extrémité d’une des branches de la croix occitane, Le soleil quitte ma maison au solstice d’hiver. Qui suis-je ? Où suis-je ?

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Des poèmes, des indices pour trouver de quel animal il s’agit et sa localisation précise sur le parcours indiqué.


e u q s Kio scientifiqu L’ a c t u a l i t é

N° 16

um e au Musé

Plantes et jardins médicinaux

s le a in ic d é m s e t Plan entre les plantes et l’homme Un dialogue depuis la nuit des temps

Une journée d’observations, es d’animations et de rencontr avec les chercheurs

sées par l’homme Les plantes ont toujours été utili liorer son bien être. amé et ner pour se nourrir, se soig milliers de plantes Aujourd’hui, plusieurs dizaines de moins possède au ie part une t don sont répertoriées atiques. des vertus thérapeutiques ou arom iplines disc ses breu nom de s dan rès Des prog leurs mécanismes permettent de mieux comprendre d’action. que-Actus De la plante au médicament, ce Kios scientifiques des avec t poin le faire de n asio est l’occ tion erva prés la ure, cult la n, sur l’observatio médicinales. et les principes actifs des plantes

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n Studio Pastre

© DR

6 septembre 2014


e u q s Kio e scientifiqu é t i l a u t c a L’

m au Muséu

PLANTES ET JARDINS MÉDICINAUX Les plantes ont toujours été utilisées par l’Homme pour se nourrir, se soigner et améliorer son bien-être. Plusieurs milliers de plantes dont une partie au moins (racine, feuille, tige…) possède des vertus thérapeutiques, diététiques ou aromatiques sont à ce jour répertoriés. Chaque année, de nouvelles substances naturelles végétales sont découvertes. Tout autour du globe, les plantes sont utilisées traditionnellement en médecine et, d’après l’OMS, plus de 80% de la population mondiale se soigne avec des plantes. Les progrès réalisés dans de nombreuses disciplines scientifiques permettent de mieux comprendre les mécanismes impliqués dans les vertus thérapeutiques des plantes médicinales. De la plante au médicament, ce Kiosque-Actus est l’occasion de faire le point avec des chercheurs spécialistes sur l’observation, la culture, la préservation et les modes d’action des « simples ».

L’Antiquité aux soins de la modernité

L

’usage de plantes alimentaires aux vertus thérapeutiques et diététiques a déjà une longue histoire quand un édit de Charlemagne, le Capitulaire de Villis, ordonne la culture d’une centaine de plantes dans les monastères et les jardins du domaine impérial. Ainsi, à partir du IXe siècle, sera précisément défini le contenu du jardin des « simples » ou plantes médicinales (l’herbularius), du potager (l’hortus) et du verger (viridarium). En faisant cultiver des végétaux, pour la plupart sauvages, Charlemagne cherchait ainsi à anticiper les risques de famine. De nos jours, certaines de ces plantes ne sont plus dans nos jardins, chassées par de nouvelles espèces privilégiées des jardiniers. Ces oubliées du Moyen Âge ont pour noms : maceron, égopode, cresson alénois, bette, arroche, panais… Nous retrouvons depuis une trentaine d’années un intérêt botanique et culinaire pour ces « plantes sauvages comestibles ». La reconstitution d’un jardin médiéval offre aujourd’hui une réflexion sur le passé, le présent et l’avenir des plantes alimentaires et médicinales. Leurs vertus, connues depuis longtemps, peuvent apporter des éléments de réponse aux questions agronomiques et nutritionnelles de notre époque. Par exemple : les variétés anciennes de céréales se révèlent plus digestes que les modernes quant à l’assimilation du gluten.

Certaines variétés de céréales sont plus riches en gluten que d’autres.

Les précurseurs de la phytothérapie (du grec phuton, plante et therapeuein, soigner). Le capitulaire de Villis est un acte législatif de l’époque carolingienne. Il est divisé en petits chapitres ou capitula. La liste des plantes qu’il contient s’inspire d’écrits d’Hippocrate (-460/-370), de Théophraste (-372/-288) ou encore de Pline l’Ancien (23-79), de Dioscoride (40-90), de Columelle (Ier s.) et de Galien (129-200).

Egopode ou herbe aux goutteux (Aegopodium podagraria)

Cresson alénois (Lepidium sativum)

Arroche ou faux épinard (Atriplex hortensis)

Jardin médicinal de Dignac (Charentes)

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Phytothérapie et plantes médicinales : savoirs empiriques et savoirs savants L’usage de plantes pour se soigner remonte à la nuit des temps, bien avant même que l’homme ne soit devenu sapiens…et il n’est pas le seul : les animaux (singes, oiseaux, papillons,…) se soignent aussi avec les plantes ! Les plantes nous ont donc toujours accompagnés. Ce savoir empirique établi sur des milliers d’années constitue une source irremplaçable d’informations pour identifier des plantes qui ont un effet thérapeutique réel. La capacité des végétaux à synthétiser des composés actifs intéresse au plus haut point les scientifiques qui y voient une source potentielle de nouveaux médicaments.

Naturel et innocuité ne sont pas synonymes En France, la vente des simples à visée thérapeutique (phytothérapie) est réservée aux pharmaciens. Il en existe plus de 500 inscrites à la Pharmacopée. Cependant, depuis 2008, 148 parmi celles-ci peuvent être vendues au public hors du circuit pharmaceutique. Mais les plantes médicinales sont beaucoup plus nombreuses et certaines sont à l’origine de molécules ayant donné des médicaments essentiels dans le traitement de la douleur (aspirine et morphine), du cancer (paclitaxel), de l’insuffisance cardiaque (digoxine), du paludisme (quinine et artemisinine) et bien d’autres maladies. L’activité de ces molécules, puissante et toxique au-delà de certaines doses, rend les plantes dont elles sont issues inutilisables en phytothérapie courante.

Pavot

Quelques unes des 148 plantes médicinales en vente libre depuis 2008 : ail, aubépine, avoine, bouillon blanc, basilic, bourrache, chiendent, coquelicot, eucalyptus, églantier, figuier, frêne, gingembre, gentiane jaune, kolatier, lavande, lierre terrestre, lin, marjolaine, mauve, menthe, olivier, ortie, papayer, pissenlit, prunier, radis noir, romarin, ronce, rose trémière, safran, sarriette, sauge, seigle, serpolet, thym, tilleul, violette…

Romarin

Pissenlit

Sauge

En 1817, Friedrich Sertürner isola du pavot, Papaver somniferum, le morphium ou morphine pour traiter les douleurs. Il y a plus de 2400 ans, Hippocrate recommandait une tisane de feuilles de saule pour soulager fièvres et douleurs. Il faudra attendre 1825 pour isoler à partir de l’écorce de l’arbre la molécule active, la salicine. Les chimistes la transforment en acide salicylique, qui est aussi présent dans la spirée (Filipendula ulmaria, ci-contre). Une réaction chimique de plus (l’ajout d’un groupement acétyl) et le fameux acide acétylsalicylique, plus connu sous le nom d’aspirine, naît.

Spirée

De la plante au médicament : un parcours lent et coûteux L’industrie pharmaceutique utilise aujourd’hui les plantes pour en tirer des extraits ou des molécules pures. Le monde végétal représente un réservoir encore inexploré de nouveaux médicaments. Outre les plantes dont les vertus thérapeutiques sont connues depuis longtemps (données ethnobotaniques), les phytochimistes utilisent plusieurs stratégies pour identifier et isoler des molécules ayant potentiellement un intérêt thérapeutique. Ils peuvent en particulier étudier des collections d’extraits de plantes (échantillothèques) ou des collections de molécules issues de plantes.

Exemples de plantes utilisées contre le cancer Deux principes actifs, la vinblastine et la vincristine, ont été extraits de la pervenche de Madagascar (Catharanthus roseus). Ils donneront naissance à deux antileucémiques de synthèse commercialisés depuis 1960.

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Recherche de plantes de la médecine traditionnelle khmère.

Robot de criblage très performant, localisé à Toulouse dans l’Unité mixte de l’Institut de Recherche Pierre Fabre-CNRS.

Catharanthus roseus, la pervenche de Madagascar à partir de laquelle ont été développées la vinorelbine et la vinflunine.

Après avoir évalué plus de 114 000 extraits sur des lignées cellulaires tumorales entre 1961 et 1982, les chercheurs isolent le placlitaxel de l’écorce de l’if du Pacifique (Taxus brevifolia).

Avec le criblage à haut débit qui repose sur des automates et des essais miniaturisés, plusieurs dizaines de milliers de composés peuvent être testées chaque jour. Les molécules repérées « actives » sont étudiées plus en détail au niveau pharmacologique et améliorées par des modifications chimiques et les meilleures deviennent alors des candidats médicaments qui feront l’objet d’études approfondies au cours du lent cheminement du processus pharmaceutique. Ainsi, entre les investigations initiales et l’application à l’Homme, c’est une quinzaine d’années de recherche qui est nécessaire pour trouver et élaborer un médicament. Le rendement, très faible, d’extraction du placlitaxel a poussé les chimistes à tenter de préparer cette molécule en laboratoire. Au cours du processus, ils produisent un composé encore plus actif que le placlitaxel, le docétaxel, utilisé également en chimiothérapie.

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De la connaissance des plantes à la science des drogues : le point de vue du pharmacien La pharmacognosie (du grec pharmakon, drogue, poison et gnosis, connaissance) autrefois appelée matière médicale, est une science très ancienne qui étudie toutes les matières premières à usage médical. Depuis 1777, le pharmacien remplace l’apothicaire et détient l’exclusivité de la préparation des remèdes. En ce qui concerne la plante médicinale, elle est considérée par le pharmacien comme un médicament et à ce titre elle doit répondre aux trois critères communs à tous les médicaments : qualité, sécurité et efficacité. La qualité est assurée par la conformité aux normes prescrites dans la Pharmacopée : rigueur de l’identification, valeurs limites en constituants indésirables, teneur minimale en constituants privilégiés (marqueurs ou molécules actives). La différence entre aliment, remède et poison n’est qu’une question de concentration !

La Pharmacopée est le recueil obligatoire du pharmacien. Il définit la qualité des matières premières entrant dans un médicament. La Pharmacopée est régulièrement mise à jour. En France, il existe également une pharmacopée française qui couvre aussi bien les plantes et les préparations à base de plantes que les principes actifs de synthèse.

La sécurité d’emploi est assurée par la recherche de substances à risque toxiques (métaux lourds, mycotoxines…) ou introduites de manière frauduleuse (adultérants). Leurs modalités de recherche sont également inscrites à la Pharmacopée. Les plantes médicinales destinées à une utilisation en tisanes répondent à ces deux critères.

L’efficacité est évaluée par des essais chimiques et pharmacologiques. Il existe différents statuts réglementaires selon que la plante médicinale considérée contient ou non un ou des principes actifs connus. Dans le premier cas, la plante est un médicament à part entière et n’est délivrée qu’avec une Autorisation de mise sur le marché (A.M.M), comme tout autre médicament (substances chimiques de synthèse, vaccins…). C’est le cas par exemple des spécialités à base d’extrait de Séné. Dans le second cas, par exemple les spécialités à base d’aubépine, l’efficacité n’est pas prouvée, mais la tradition véhicule un savoir à prendre en compte. Dans ce cas, la plante médicinale est délivrée avec une A.M.M. aménagée. Sur son conditionnement, la spécialité pharmaceutique porte la mention : « Médicament à base de plantes, traditionnellement utilisé dans telle ou telle indication ».

  Contrôle par chromatographie en couche mince de l’huile essentielle de cannelle Tisane d’aubépine

Folioles de Séné (Cassia senna)

Partage des ressources, préservation de la biodiversité De plus en plus de plantes médicinales sont utilisées, que ce soit dans l’alimentation, les cosmétiques, en médecine naturelle, dans les alcools et par les industries pharmaceutique. Il s’ensuit parfois des excès qui mettent en danger la survie même de certaines espèces. Leur raréfaction n’est pas seulement due à la cueillette, mais également à l’intensification de l’agriculture, de l’urbanisation, la pollution, la déforestation... Certaines plantes pourraient être cultivées favorisant ainsi non seulement la préservation, mais également la traçabilité et la qualité de la ressource. Cependant, en changeant de biotope, leur culture peut entraîner la perte de leur efficacité. À ce jour, une infime partie des plantes médicinales consommées est effectivement cultivée. Les écosystèmes terrestres et marins se dégradent inexorablement, les ressources se raréfient, voire même disparaissent à jamais. La protection des richesses végétales et animales nous concerne tous. La convention de Rio sur la Biodiversité en fixe les lignes directrices. La Convention sur la Diversité Biologique (CDB) a été signée par la communauté internationale lors du « Sommet de la Terre », qui s’est tenu à Rio de Janeiro (Brésil) en juin 1992. Elle a 3 buts : la conservation de la biodiversité; l’utilisation durable de ses éléments ; le partage juste et équitable des avantages découlant de l’exploitation des ressources génétiques.

Arnica des montagnes (Arnica montana) en danger de disparition et qui se cultive très difficilement

La plante à curry (Helichrysum italicum) réputée pour ses vertus anti-âge, est un exemple de plantes dont la culture est aisée.

La lutte contre la « biopiraterie », c’est à dire l’appropriation illégitime et l’utilisation non autorisée des ressources de la biodiversité et des savoirs traditionnels autochtones qui peuvent y être associés, a été traitée au cours de la conférence mondiale sur la biodiversité de Nagoya (2010). Cette conférence a eu pour but l’application effective de la CDB, avec la mise en œuvre d’une législation Accès et Partage des Avantages (APA). Le protocole de Nagoya rentrera en vigueur, au niveau international, le 12 octobre 2014.

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La plante dans son environnement : l’exemple d’un mariage réussi entre plantes et champignons

Une relation vitale entre plantes et champignons microscopiques : les mycorhizes Les mycorhizes sont des associations symbiotiques, c’est à dire à bénéfices réciproques, entre les racines des plantes et les champignons. Il en existe plusieurs types, mais le plus répandu concerne 80 % des plantes et un groupe restreint de champignons : les Gloméromycètes. Cette symbiose concerne tous les végétaux terrestres, des mousses aux arbres, en passant par les plantes à fleurs. Dans ce type d’interactions, le champignon obtient de la plante le sucre dont il a besoin, que la plante a synthétisé par photosynthèse à partir de l’air et avec l’énergie solaire. En échange de quoi, le champignon fournit à la plante de l’eau et des sels minéraux (phosphate, azote et oligoéléments tels que zinc, cuivre…). Dans les cellules végétales qui fabriquent de la chlorophylle, il existe de petites usines, les chloroplastes qui absorbent l’énergie solaire et la restituent sous forme de sucres et autres aliments indispensables à la plante. C’est la photosynthèse. Sans elle, la vie serait bien différente : il n’y aurait pas d’oxygène dans l’atmosphère, pas d’arbres ni de plantes à fleurs, pas de poissons, pas d’oiseaux, pas d’humains….

Chloroplastes dans une cellule de mousse, vus au microscope optique (© Christian Peters).

Une plante mycorhizée, mieux nourrie, pousse mieux et est plus résistante au stress, que cette agression soit dûe à des attaques de pathogènes du sol (nématodes, certaines bactéries ou champignons) ou à la sécheresse : le réseau de filaments mycéliens étend la capacité des racines à puiser l’eau du sol plus loin et plus profond. C’est donc une symbiose d’intérêt agronomique, en particulier dans le cadre d’une agriculture durable, sans apport d’engrais phosphatés. Plusieurs travaux ont montré que certaines plantes aromatiques et/ou médicinales sont plus concentrées en principe actif lorsqu’elles sont mycorhizées que lorsque leurs racines ne se mêlent pas aux champignons. Ce constat entraine le recours croissant aux champignons mycorhiziens pour la culture de nombreuses plantes médicinales : ils permettraient ainsi aux jardiniers d’éviter les pesticides, dont les résidus sont interdits pour ce type de plantes, et favoriseraient leur culture sans intrant (produits phytosanitaires, engrais...), évitant ainsi une source importante de pollution.

Colonies d’Actinomycètes, des bactéries filamenteuses du sol qui donnent son odeur à la terre.

Spores diverses de champignons mycorhiziens appartenant au groupe des Gloméromycètes.

Les nématodes sont des vers microscopiques qui vivent dans le sol et se nourrissent de plantes. Ils se reproduisent dans les racines.

Culture de champignons in vitro (à droite), associés aux racines (à gauche)

Intérêt potentiel pour la dépollution des sols Par ailleurs, les champignons mycorhiziens peuvent dans certains cas détoxifier les sols, par exemple les sols pollués par des résidus d’hydrocarbures ou des métaux lourds, ce qui est souvent le cas des jardins familiaux ou partagés qui occupent des terrains en bordure de route ou des sites industriels abandonnés. Un projet national en cours vise à mettre en évidence le rôle des champignons mycorhiziens dans la protection de la plante contre la pollution du sol par le plomb et l’antimoine, un polluant émergent. Ce projet pourrait permettre de préconiser l’emploi de partenaires fongiques pour protéger les légumes à feuilles des polluants du sol et ainsi favoriser leur consommation sans danger pour la santé.

Potagers à proximité d’une rocade

Monlong, un des premiers jardins partagés de Toulouse construits sur des friches urbaines

Pollution routière

KIOSQUE L’ a c t u a l i t é s c i e n t i f i q u e a u M u s é u m

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Le “Kiosque Actualités Scientifiques” propose une sélection de découvertes et d’événements qui font la une des journaux scientifiques. Retrouvez des compléments d’information sur le site du Muséum. N’hésitez pas à nous faire part de vos remarques pour améliorer ce journal. http://blog.museum.toulouse.fr Prochain Kiosque dimanche 7 décembre 2014 : Handicaps et recherche.

N° 16 - DIMANCHE 7 septembre 2014

http://museum.toulouse.fr

Conception : Dominique Morello - Avec la participation de L. Civeyrel, I. Fouraste, P. Oudet, H. Bernard, B. Presseq,C. Arnoux, J. Forest, N. Sejalon, B. David, JM Augereau - Réalisation : Studio Pastre

Si on a l’habitude d’observer une plante dans un herbier ou dans la main, il ne faut pas oublier qu’elle ne pousse pas isolée. Elle est intégrée et s’épanouit dans un environnement adapté. Le sol sain dans lequel elle pousse contient un microcosme invisible mais odorant, regorgeant de petits vers (nématodes), d’insectes, de bactéries, de protozoaires (une microfaune d’organismes unicellulaires) et de champignons microscopiques dont nous percevons l’importance mais que nous connaissons à peine.


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um e au Musé

! s i o m u d z z i u Le q

5. Combien d’années sont nécessaires, en moyenne, pour élaborer un médicament ? n A. Moins de 2 ans n B. 5 ans n C. Plus de 10 ans

Dimanche 7 septembre 2014

PLANTES ET JARDINS MÉDICINAUX 1. De quand date l’édit rendant obligatoire la culture d’une centaine de plantes dans les jardins impériaux et les monastères : n A. du IXe siècle n B. du XIIe siècle n C. de Napoléon 1er 2. En France, combien existe-t-il de plantes médicinales en vente libre ? n A. Moins de 150 n B. 1000 n C. Plus de 4000 3. La science qui traite des matières premières à usage médical s’appelle : n A. La pharmacognosie n B. La pharmacologie n C. La pharmacopée 4. L’ethnobotanique traite : n A. Des jardins de l’antiquité et du Moyen Age n B. De la conservation des plantes n C. Des relations entre l’Homme et les plantes

6. Qui étudie les propriétés chimiques des constituants actifs contenus dans une plante? Le/La n A. Phytochimiste n B. Phytothérapeute n C. Biochimiste 7. Le diplôme d’herboriste a été : n A. Supprimé le 11 septembre 1941 n B. Supprimé le 20 mai 1968 n C. Existe toujours 8. Quelle est parmi ces plantes celle qu’on peut utiliser en cuisine ? n A. le Laurier noble n B. le Laurier cerise n C. le Laurier rose 9. Les mycorhizes sont : n A. D es associations bénéfiques réciproques (symbiose) entre plantes et champignons n B. D es champignons qui poussent entre les orteils n C. D es champignons spécifiques des rizières 10. Qu’est-ce que la biopiraterie ? n A. L ’attaque des bateaux de pêche pour voler des ressources vivantes n B. L ’appropriation illégitime des ressources de la biodiversité n C. La pollution de la planète

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N° 17

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Sciences et handicaps :

des recherches fondamentales aux défis technologiques IRIT

7 décembre 2014 Sciences et handicaps : des recherches fondamentales aux défis technologiques

Favoriser leur intégration et leur autonomie est une urgence. Dix ans après la loi handicap, ce Kiosque-Actus est l’occasion de mieux comprendre les mécanismes biologiques à l’origine de certaines déficiences et de découvrir de nouvelles démarches et technologies destinées à surmonter ou réduire les difficultés de la vie quotidienne.

Rencontres avec des chercheurs toulousains : tout au long de la journée des discussions, des démonstrations, des animations et un quizz.

Systèmes

de rééducation Langue des signes, et de suppléance système d’automatisation Droits réservés

Qu’il soit lié à un traumatisme, à une anomalie génétique ou au vieillissement, en France plus de 10 millions de personnes sont en situation de handicap.

Troubles du langage et de la mémoire ; enseignements adaptés, handisciences

Avec la participation de :

Muséum de Toulouse 35 allées Jules-Guesde

Ouvert du mardi au dimanche de 10 h à 18 h

www.museum.toulouse.fr 2015

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ANNÉE DES 150 ANS DU MUSÉUM

IRIT

Défis technologiques : modélisation, simulation, interactions hommemachines, traitements de signaux, réalités virtuelle et augmentée…


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m au Muséu

Sciences et handicapS :

des recherches fondamentales aux défis technologiques Qu’il soit lié à un traumatisme, à une anomalie génétique ou au vieillissement, en France plus de 10 millions de personnes sont en situation de handicap. Favoriser leur intégration et leur autonomie est une urgence. Dix ans après la loi handicap, ce Kiosque-Actus est l’occasion de mieux comprendre les mécanismes biologiques à l’origine de certaines déficiences et de découvrir de nouvelles démarches et technologies destinées à surmonter ou réduire les difficultés de la vie quotidienne.

Une définition du handicap

I

l n’existe pas une définition universelle du handicap, mais cette notion a beaucoup évolué depuis son apparition en 1827 (de l’anglais hand in cap : main dans le chapeau). Aujourd’hui, elle revêt une dimension médicale : caractérisation de la déficience, établissement des incapacités, prescription de soins et d’une assistance adaptée. Mais, avec la loi handicap (11 février 2005) « Pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », la définition intègre aussi une approche sociale. Elle prend en compte l’environnement de la personne, qui peut être plus ou moins handicapant, et change ainsi en profondeur la manière de considérer le handicap : compréhension, inclusion et aménagement de la société pour une accessibilité à tous.

Quelques chiffres

Selon le rapport mondial de l’OMS, 1 milliard d’humains seraient atteints de déficiences sensorielles, motrices ou cognitives. En France, la loi de 2005 (Art L.114) reconnaît sept types de handicap et plus de 10 millions de personnes souffrent de déficiences. En 2013, on dénombrait 5 millions de personnes souffrant d’une déficience auditive (6 % profonde ou totale), 2,3 millions d’une déficience motrice, 1,7 million d’une déficience visuelle (12% malvoyants profonds ou aveugles), 700 000 personnes souffrant de déficiences mentales ou cognitives. Les handicaps, pour la plupart (85 %), sont invisibles. Seuls 4% des travailleurs handicapés sont en fauteuil roulant ! La recherche scientifique est essentielle dans l’évolution de notre regard sur le handicap. Elle permet d’en trouver les causes (génétiques ou autres) et ainsi de reconnaître la personne comme handicapée. Des prises en charge adaptées, de nouveaux traitements thérapeutiques et des avancées technologiques considérables permettent aux handicapés de mieux vivre et s’intégrer dans la société.

MUSÉUM

DE TOULOUSE

KIOSQUE-ACTUS Dimanche 7 décembre 2014

SCIENCES & HANDICAP Les différents types de handicap Le handicap mental ou déficience intellectuelle : altération des capacités intellectuelles (causes multiples identifiables, dont génétiques : trisomie 21, syndrome de l’X fragile). Déficiences psychiques : perturbations de la relation sociale et du comportement, sans nécessaire atteinte des capacités intellectuelles ; causes encore inconnues chez l’enfant (autisme) ou, chez l’adulte, consécutives à certaines maladies : psychoses (schizophrénie), troubles bipolaire ou névrotiques (TOC). Le handicap cognitif ou troubles « dys » : altération des capacités à recevoir et traiter une information : troubles de l’acquisition du langage écrit (dyslexie, dysorthographie), du langage oral (dysphasie), des activités numériques (dyscalculie), de la mémoire, du développement moteur et/ou des fonctions visuo-spatiales (dyspraxie). Le handicap sensoriel : perte partielle ou totale d’un des 5 sens : surdité, cécité, mais aussi perte de l’odorat (anosmie), du goût (agueusie) ou du toucher (anesthésie). Le handicap moteur : altération de la capacité du corps ou d’une partie du corps à se mouvoir (lésions de la moelle épinière ; infirmité motrice cérébrale). Les troubles de santé invalidants : déficiences causées par une maladie qui occasionne des restrictions d’activité. Le polyhandicap associe plusieurs déficiences (motrices/sensorielles/ intellectuelles), entraînant une restriction extrême de l’autonomie et des possibilités d’expression.

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Un autre regard :

braille, logiciels, synthèse vocale et implants

Une personne atteinte d’une déficience visuelle peut utiliser un ordinateur équipé de logiciels adaptés, véritables lecteurs d’écran, qui retranscrivent le contenu affiché à l’écran soit à l’aide d’un afficheur braille soit par synthèse vocale. Celle-ci est privilégiée car bien plus rapide que la lecture du braille qui n’est lu en France que par 20% des déficients visuels. Le projet Actor développé à l’IRIT (Toulouse) a pour but d’améliorer l’accès à des informations (par exemple sur la mise en forme d’un document) en utilisant des stimulations vibro-tactiles. Une nouvelle technologie est apparue depuis peu : les neuroprothèses visuelles. Elles s’adressent aux personnes ayant perdu la vue récemment, mais ne sont pas destinées aux aveugles de naissance, car nous ne savons pas ce que donnerait la stimulation de la rétine chez une personne qui ne l’a jamais utilisée ! Cependant, les implants actuels possèdent une résolution d’affichage très faible. De nombreux groupes de recherche utilisent des traitements d’image performants et s’appuient sur des expériences de simulation chez des personnes voyantes afin d’améliorer le fonctionnement de ces implants rétiniens.

signaux électriques par les photorécepteurs (cônes et bâtonnets). Ces signaux sont traités et transmis au cerveau (cortex visuel) via le nerf optique. Avec les implants rétiniens, les photorécepteurs dégénérés sont remplacés par une matrice d’ électrodes implantée dans la rétine. Elles envoient des signaux électriques vers le cerveau qui apprend à « voir » l’image. Plusieurs types d’implants sont développés par la start-up française Pixium Vision. L’Argus II de la société Second Sight (US) est en phase de commercialisation.

© IRIT

... aux technologies d’assistance

Un exemple d’interface cerveau machine : les neuroprothèses visuelles. Dans l’œil, la lumière reçue par la rétine est transformée en

Simulation d’un implant rétinien permettant de restaurer une forme de

vision très appauvrie mais fonctionnelle : les implants permettent de voir des taches blanches ou phosphènes (à gauche) qu’une rééducation appropriée permet d’interpréter. © IRIT

L’élaboration de nouvelles technologies de suppléance efficaces et adaptées aux déficiences motrices et sensorielles n’est possible que si l’on comprend l’origine de la déficience et qu’on peut décrire les mécanismes physiologiques sousjacents. Pour ce faire, la recherche fondamentale est primordiale et les sciences cognitives y jouent un rôle majeur. Ce domaine pluridisciplinaire, regroupant, entre autre, la psychologie, les neurosciences ou l’informatique, cherche à comprendre les grandes fonctions cérébrales, telles que la perception ou la conscience. Un exemple toulousain de ce type de recherche porte sur la représentation de notre environnement et la façon dont elle évolue en fonction de la taille de notre champ visuel. Cette recherche concerne les personnes atteintes de DMLA (dégénérescence maculaire liée à l’âge) et de rétinites pigmentaires. Les avancées de la recherche fondamentale dans le domaine des sciences cognitives ont permis le développement de nouvelles interfaces cerveau machine.

© Pixium Vision

De la déficience visuelle…

Difficultés liées au vieillissement : nécessité de technologies accessibles L’utilisation d’écrans tactiles, de téléphones portables ou de tablettes peut paraître insurmontable à des personnes qui n’ont pas vécu la transition numérique. Afin de prévenir cette exclusion et développer l’interaction tactile des personnes âgées, des chercheurs de l’IRIT proposent des activités ludiques qui favorisent, au travers de l’interaction sociale, la découverte des nouvelles technologies. Par exemple, des puzzles reconstituant des images du vieux Toulouse aident à apprendre à manipuler les dispositifs et à maîtriser les techniques d’interaction.

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SURDITÉ :

langues des signes et révolutions technologiques Les mains pour le dire : langue(s) des signes La langue des signes (LS) est une véritables langue qui se parle avec les mains mais pour laquelle l’expression du visage et les mouvements du corps sont essentiels. C’est une langue visuo-gestuelle, en 3D, utilisée par les personnes malentendantes et sourdes. En France, chaque année, 1 enfant sur 1 000 nait sourd. Mais c’est aussi une langue enseignée au bac en option pour tout public ! En France, entre 150 000 et 300 000 personnes « signent » (dont la moitié est sourde). Ce n’est pas une langue universelle, mais toutes les LS du monde (LS française, LSF, américaine, ASL, anglaise, BSL, …) ont une base linguistique commune liée à l’expression gestuelle et à la pensée visuelle que développent les sourds : c’est l’iconicité. C’est pourquoi les sourds étrangers arrivent si bien à se comprendre lors de leurs rencontres internationales. Des outils pédagogiques sont développés pour communiquer et travailler en LS, pour analyser cette langue, illustrer son fonctionnement et pour l’enseigner.

Un long chemin avant la reconnaissance : L’abbé de l’Epée (1712-1789) est à l’origine du premier système d’enseignement collectif pour les sourds avec la LSF. Mais à partir de 1880 et pendant près d’un siècle, l’usage de la LS sera proscrit et la LS remplacée par la méthode « orale » (apprentissage de la parole vocale et enseignement par la voix). Dans les années 197090, la LS revient sur le devant de la scène (« Réveil Sourd »). En 1991, la loi Fabius donne aux jeunes sourds la liberté de choix entre une communication bilingue (LSF et français) et une communication orale. Il faudra attendre la loi handicap de 2005 pour reconnaître la LSF comme une langue à part entière, une langue de la République. Le drapeau international sourd : il manquait un drapeau à cette langue sans pays. Le voici, réalisé en 2013 par le plasticien sourd Arnaud Balard.

Les avancées technologiques Nouveaux supports numériques : une grande majorité des sourds maîtrisant mal l’écrit, la vidéo s’est imposée comme support naturel de productions en LS, via des outils de visioconférence (Skype, Facetime) et des outils de traitement automatique de la LS. Une équipe de l’IRIT (Toulouse) a développé le logiciel Hypersigne qui, comme l’hypertexte pour les documents écrits, procure aux documents en LS des moyens d’édition et de navigation performants. Des sociétés privées, telle MotionSavvy (San Francisco), utilisent la détection des mouvements pour transcrire la LS en texte. Avec la reconnaissance vocale automatique, des personnes sourdes ou malentendantes peuvent communiquer en temps réel avec les entendants. L’application RogerVoice permet aux sourds de téléphoner : ils lisent sur un écran (téléphone portable, ordinateur…) ce que l’interlocuteur dit par téléphone. L’application Transcense permet aux sourds de capter les conversations en face-à-face ou lors des réunions. Appareillages : Les personnes malentendantes ou devenues sourdes -qui ont déjà entendu, appris la parole- peuvent être appareillées (audioprothèse) ou bénéficier, pour certaines, d’un implant cochléaire. Après une rééducation et un apprentissage spécifique, cet appareil électronique leur permet d’entendre. Il envoie grâce à un microprocesseur les informations sonores reçues par un appareil installé derrière le pavillon (oreille externe) vers la cochlée (oreille interne) dans laquelle sont implantées des électrodes. Elles transmettent les signaux jusqu’au nerf auditif qui les relaie au cerveau.

Oreille externe Oreille interne Nerf auditif

La cochlée (en forme d’escargot violet) est l’organe de l’audition.

Cochlée

Surdités acquises chez l’adulte © DR

Les cellules ciliées captent les vibrations sonores et les transforment en signaux électriques qui sont transmis au cerveau par le nerf auditif.

© M. Lenoir et Jing Wang

Surdité liée à l’âge ou presbyacousie : les cellules ciliées qui tapissent la cochlée sont indispensables à la transmission du son jusqu’au cerveau. Elles sont en petit nombre et disparaissent inéluctablement avec l’âge. 70% des plus de 65 ans ont des problèmes auditifs ! « L’oreille cassée » : on peut avoir à 40 ou 50 ans des oreilles de 90 ans ! Les sur-stimulations sonores occupent aujourd’hui le premier rang des facteurs de surdité car l’exposition prolongée à des bruits trop intenses mène à une destruction progressive et irréversible des cellules ciliées !

En haut, cellules ciliées normales, en bas cellules irrémédiablement abimées (microscopie électronique à balayage).

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Troubles cognitifs : dépister, aider, sensibiliser

Enfants maladroits et distraits : les « dys »

Dfd = Dyspraxie France Dys, une association nationale qui vient en aide aux dyspraxiques

Des enfants qui ont une intelligence et un comportement social normaux et ne présentent pas de problèmes sensoriels particuliers (ouïe, vue) peuvent rencontrer des difficultés pour lire (dyslexie), calculer (dyscalculie), s’exprimer (dysphasie), écrire (dysgraphie) ou coordonner et planifier des gestes complexes (dyspraxie). Selon le haut comité de santé publique, la dyspraxie concernerait 5 à 7% des enfants de 5 à 11 ans. L’association de plusieurs troubles est fréquente (40 %) chez un même enfant, ce qui amène les chercheurs à penser qu’un mécanisme commun, altéré au cours du développement embryonnaire, pourrait être à l’origine de ces dysfonctionnements. Ces troubles sont durables, mais leur repérage précoce et leur prise en charge permettent d’améliorer et/ou de compenser les fonctions déficientes. Faciliter l’insertion scolaire d’élèves d’école primaire en situation de handicap, et plus particulièrement d’enfants dyspraxiques permet d’éviter les échecs scolaires.

Dysfonctionnement du langage : l’apport du lexique Qu’il s’agisse de personnes ayant ou non des pertubations langagières (troubles spécifiques du langage, spectre autistique, maladie d’Alzheimer), il existe de nombreuses situations dans lesquelles les usages du vocabulaire sont parfois approximatifs. Ils donnent lieu à des énoncés d’allure métaphorique, souvent considérés comme des erreurs : « la dent grelotte », « le livre est cassé », « ils peignent le jardin ». Et pourtant, ni poétiques, ni produits par hasard, ces énoncés révèlent la présence ou le maintien d’une compétence cruciale dans le développement du langage. Cette compétence peut être mise à profit pour rééduquer le langage en cas de troubles. C’est ce que fait une équipe toulousaine (CLLE-ERSS) en développant une aide lexicale adaptée à la variété des locuteurs, jeunes ou adultes, en situation normale ou pathologique.

Illustration d’un usage de vocabulaire approximatif (© DR)

Enregistrement de l’activité cérébrale par TEP (tomographie par émission de positons) dans un groupe de sujets témoins (à gauche) et de dyslexiques (à droite) pendant la lecture d’une suite de mots. Une région du lobe temporal gauche est moins active que celle d’un sujet normal (© Inserm, JF Demonet)http://www.inserm.fr/thematiques/neurosciences-sciences-cognitives-neurologie-psychiatrie/dossiers)

Handi’sciences Pratiquer des activités scientifiques c’est s’interroger sur le monde pour le comprendre, en construire une représentation provisoire et révisable. C’est aussi aborder l’universel. Les faits scientifiques existent et peuvent être observés indépendamment des conditions de vie des habitants de la Terre. Les règles, lois, propriétés servant à décrire notre environnement se construisent en dehors de la vie sociale et affective de chacun, que l’on soit en bonne santé ou en situation de handicap. Le projet « Handi’sciences » s’adresse aux enseignants ayant en charge des élèves atteints de déficience sensorielle, motrice, cognitive ou en grande difficulté scolaire. Il peut aussi apporter des réponses aux questions que se posent les enseignants des classes ordinaires accueillant des élèves handicapés. Une classe d’handisciences, mêlant des jeunes atteints de différents handicaps contribuant tous à la mise en œuvre d’expériences appropriées.

La démarche scientifique consiste en une série d’étapes successives visant à définir le plus précisément possible une question et les expériences pour y répondre.

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Le “Kiosque Actualités Scientifiques” propose une sélection de découvertes et d’événements qui font la une des journaux scientifiques. Retrouvez des compléments d’information sur le site du Muséum. N’hésitez pas à nous faire part de vos remarques pour améliorer ce journal. http://blog.museum.toulouse.fr Prochains Kiosques  Vieillissement ou éternelle jeunesse, dimanche 1 février 2015 ; Cerveau et apprentissage, dimanche 1 mars 2015

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Conception : Dominique Morello. Remerciements : B. Oriola, C. Jouffrais, L. Genaro-Motti, J. Dalle, E. Leroy, K. Duvignau, D. Camors, P. Bonnefond, DFD31. Réalisation : Studio Pastre

(BD : © Emmanuel Seguier)


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um e au Musé

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Dimanche 7 décembre 2014

Sciences et handicapS :

des recherches fondamentales aux défis technologiques 1. Quelle loi a fait évoluer les mentalités de manière significative sur le problème du handicap? n A. 1957 n B. 1975 n C. 2005 2. Quelle est la proportion de travailleurs handicapés en fauteuil roulant? n A. 4% n B. 17% n C. 22% 3. Que sont les sciences cognitives ? n A. Des cousines de la scientologie n B. U n domaine pluridisciplinaire qui cherche à comprendre les grandes fonctions cérébrales n C. L ’ensemble des sciences dites positives pour la planète 4. Les personnes âgées de 60 ans et plus utilisent leurs téléphones portables ou tablettes majoritairement pour ? n A. Envoyer et recevoir des emails n B. L ire des journaux ou magazines en version électronique n C. J ouer ou télécharger des jeux, images, musiques ou vidéos 5. Combien pèse la version braille du premier tome de Harry Potter ? n A. 900 grammes n B. 1.5 kilos n C. 3.5 kilos

6. Comment les personnes aveugles arrivent-elles à utiliser un ordinateur ? n A. En installant un logiciel adapté n B. Ce n’est pas possible, elles doivent demander l’aide d’une personne voyante n C. En se limitant à certaines fonctions utilisables sans aide extérieure 7. Qu’est-ce qu’une neuroprothèse visuelle ? n A. Un appareil tout droit sorti de Star Treck n B. Un implant permettant à un non-voyant de percevoir des points lumineux C. Un dispositif pour afficher en surimpression des images virtuelles

8. Depuis la mise en œuvre de la loi « handicap » de 2005, le signalement d’élèves en situation de handicap dans les écoles en France a augmenté de : n A. 55 % n B. 76 % n C. 105 % 9. En France, la surdité touche chaque année à la naissance près d’ 1 enfant sur ? n A. 200 n B. 1000 n C. 2000

10. La dyspraxie est : n A. Un trouble neurologique invisible dont on souffre toute sa vie n B. Une maladie causée par un microbe et qui se traite avec des médicaments n C. Une dégénérescence de l’organisme due à la vieillesse

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e u q Kios Muséum u a e u q i f scienti L’ a c t u a l i t é

Premier semestre 2015 : trois rendez-vous au Muséum Accès libre et gratuit.

Dimanche 1er février de 10 h à 18 h Vieillissement naturel ou éternelle jeunesse : quels choix pour demain ? Les progrès de la médecine et l’amélioration de l’hygiène de vie ont permis d’augmenter considérablement l’espérance de vie au cours du XXe siècle. Le début du XXIe siècle est marqué par l’avènement des cellules souches. Vont-elles nous permettre de vivre mieux plus longtemps ?

Accès libre et gratuit.

Dimanche 1er mars de 10 h à 18 h Cerveau et apprentissages : de l’apprenti cerveau aux cerveaux performants En prélude à la Semaine du cerveau et dans le cadre de la programmation « Naître et Grandir » du Muséum, ce Kiosque-actus sera l’occasion de découvrir avec des chercheurs les mécanismes de l’apprentissage aussi bien chez les insectes que chez les humains. On apprend durant toute la vie, mais comment ? Quelles sont les zones du cerveau impliquées  ? Quel est l’impact de l’environnement sur l’apprentissage ?

Accès libre et gratuit.

Dimanche 7 juin de 10 h à 18 h Mimétisme et biomimétisme Se camoufler ou adopter l’apparence d’une autre espèce. Les exemples ne manquent pas dans les règnes animal et végétal. Quels avantages ? Quelles stratégies  ? Quels mécanismes co-évolutifs sont en jeu ? L’observation de la nature est aussi source d’inspiration pour mettre au point des produits ou procédés : le scratch, la combinaison de plongée, les ailes d’avion…


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