3 minute read

DÉLITTÉRATURE D'ÉTÉ

Next Article
FILMS DU MOIS

FILMS DU MOIS

PAR MATT DEROCHE

Petite sélection, forcément arbitraire, de livres à emporter en vacances.

Une Belle Gr Ve De Femmes

(Libertalia) par Anne CRIGNON

Les Penn sardin, ce sont les sardinières de Douarnenez qui, à l’hiver 1924, déclenchèrent une « grève de la misère » historique soutenue par les marinspêcheurs (souvent leurs maris à l’état-civil). Six semaines de lutte avec au bout la victoire, inespérée face à la violence de la réaction patronale. Comme en écho au mouvement des gilets jaunes qu’elle a suivi pour le compte de l’hebdomadaire L’Obs, Anne Crignon nous restitue cette révolte populaire qui ébranlera jusqu’à la 3ème République alors dirigée par Gaston Doumergue. Mais plus que le récit du combat du petit peuple breton pour le respect de ses droits et la fin du mépris de classe, l’autrice se livre à une belle série de portraits, généreux et documentés : Lucie Colliard, pacifiste et féministe qui « expliquera qu’il faut demander d’être payé comme les hommes » ; Daniel Le Flanchec, le maire communiste de ce petit port breton qui finira ses jours au camp de Buchenwald ; Charles Tillon, fondateur en 1942 des Francs-tireurs et partisans (FTP), venu aider les grévistes dans ses jeunes années. Et bien sûr ces femmes, dignes et rebelles, Joséphine Pencalet, Joséphine Deudé, et toutes ces anonymes qui irradient de leur courage cet ouvrage nécessaire. Bretonne d’origine, la journaliste Anne Crignon s’inscrit dans leur prestigieuse lignée.

ELOGE DE LA PLAGE (Rivages) par Grégory LE FLOCH

Laisser la plage aux seuls romantiques ? Grégory Le Floch a d’autres ambitions. Cet espace, paradis estival et symbole des vacances par excellence, est également celui de l’imaginaire. Eloge érudit proposé par la bien nommée maison d’édition Rivages, ce journal intime déguisé tient lieu d’illustre carnet d’adresses. On y croise ainsi Paul Morand qui se prétend précurseur balnéaire en littérature ; Eugène Boudin qui affirme qu’il sera toujours « le peintre des plages » ; Eric Rohmer menant Pauline à la plage, film où « on ne se baigne pas, on ne s’allonge pas sur sa serviette mais on se tient debout… » Etrange paradoxe car si on faisait salon sur les plages au 19ème siècle, spectacle vertical, on s’y allonge aujourd’hui, comme en chambre pour une contemplation horizontale. L’auteur catalogue ces paysages mouvants, désormais menacés par la crise climatique : la plage-mirage, les plages sentimentales, la plage aux fous… Et cette question : pourquoi choisir les plages de sable ? Grégory Le Floch leur préfère les éboulis et les pieds de falaise. Mais toutes ont pour point commun d’offrir une sorte d’horizon infini, la mer. Enfin, un excipit poétique : « Quand on quitte la plage, on ne se souvient de rien. Les souvenirs sont brouillés, les pensées confuses. Mais on sourit, car la vie tout à coup est devenue plus éclatante. »

L’INVITÉE

(La Table Ronde) par Emma CLINE « L’océan semblait calme, d’un noir plus sombre que le ciel. » L’été touche à sa fin à Long Island et Alex n’est plus la bienvenue auprès de Simon. Elle est chassée après un faux-pas lors d’un dîner, sous la double emprise de l’alcool et des antalgiques. Elle inscrira alors la toute prochaine fête du Labor Day, une semaine plus tard, comme (hypothétique) date de son retour en grâce et errera de corps en lieux d’ici-là. Ne surtout pas se fier à l’air angélique d’Emma Cline, jeune écrivaine californienne dont le 1er roman paru en 2016, The Girls, connut un succès retentissant. Son invitée, ancienne escort girl, est du genre à mettre le pied dans la porte. Et dans cet univers d’ultra-privilégiés où elle souhaite s’incruster durablement, les relations d’emprise constituent son quotidien. « Impossible de savoir si elle était à sa place ou pas. » Mais même pour une spécialiste de la transaction, ce jeu peut s’avérer un marché de dupes.

DANS L’ŒIL DE L’ARCHANGE

(Calmann-Lévy) par Olivier WEBER

Il était temps que justice soit rendue ! On a longtemps passé sous silence le rôle des femmes dans la photographie. Et enfin découvert que Lee Miller n’était pas que l’égérie de Man Ray, qu’elle avait été une valeureuse photographe durant la 2nde Guerre Mondiale. C’est à Gerda Taro que rend ici hommage Olivier Weber, écrivain et grand reporter fidèle au Rendez-Vous International du Carnet de Voyage de Clermont. La postérité de Robert Capa, son compagnon, aura trop longtemps maintenu cette juive allemande dans l’ombre. Pourtant, « il sait qu’il lui doit beaucoup, voire tout, à commencer par son nom. » Son destin fut aussi fulgurant que tragique ; elle meurt à 26 ans, écrasée par un char russe lors de la guerre civile d’Espagne, « la main accrochée à la sangle de son Leica. » Accident, vraiment ? Ce cadre historique, qui nous renvoie au drame ukrainien, est certainement l’autre personnage principal de ce gros roman passionnant. Car c’est bien connu, l’Histoire est un éternel recommencement.

HOMMAGE

D’elle, je n’ai plus que le souvenir d’un sourire indestructible. Comme le sont ces vallées cévenoles, son refuge et désormais son mausolée. Ysabelle Lacamp s’en est allée.

Elle m’écrivait « Cher papa tout neuf. »

Signait « La vieille Maure. »

Ces Cévennes, notre langage commun, elle les nommait « montagnes bleues. »

Précisait : « A très vite, je l’espère. »

Il ne faut jamais laisser au temps le loisir d’imposer le silence…

This article is from: