Lumières sur la Norvège.
Fragments d’une histoire culturelle norvégienne
FRANÇAIS
Le présent repose sur le passé. L’exposition Lumières sur la Norvège (« Opplyst ») propose une plongée dans les archives de la Bibliothèque Nationale de Norvège et présente au public des objets uniques et hautement signifiants de l’histoire culturelle norvégienne. Chacun de ces objets peut représenter un moment de l’histoire des Norvégiens, présenter une grande innovation du pays, mettre en lumière un chef-d’œuvre de créativité, rappeler un événement décisif qui a formé la conscience commune de la nation norvégienne.
La collection de la Bibliothèque Nationale de Norvège rassemble une part essentielle des documents historiques norvégiens du XIIème siècle à nos jours. Cette collection représente ainsi la mémoire commune du pays. C’est en allant puiser dans cette collection que les chercheurs rassemblent les éléments permettant de formuler des récits montrant qui les Norvégiens sont et d’où ils viennent. Lumières sur la Norvège est un de ces récits.
17 12 24 3 27 6 4 23 2 15 9 25 7 28 16 1 11 5 29 22 13 26 30 14 18 8 19 21 20 10
Plan des livres et objets exposés 1 Le psautier de Kvikne (1150–1200) 7 2 La Loi de Magnus VI de Norvège (Codex Hardenbergianus) 9 3 Biblia (Bible « réformée ») 10 4 Lettre du ciel 12 5 Norske Intelligenz-Seddeler, numéro 1 (pages 1 et 4), journal, 1763 14 6 Dorothe Engelbretsdatter: Les Chants divins de l’âme 16 7 Constitution de la Norvège 18 8 « Chant de rêve » 20 9 Georg Ossian Sars : dessins scientifiques 24 10 Henrik Ibsen : Peer Gynt 28 Une Maison de poupée 30 Hedda Gabler 32 Les objets de la collection Ibsen sont fragiles et ne sont donc pas présentés simultanément mais successivement. 11 Peter Christen Asbjørnsen et Jørgen Moe : Contes pour enfants 32 12 Ivar Aasen : Dictionnaire norvégien avec des explications en danois 36
13 Edvard Grieg : concerto en la mineur 38 14 Gina Krog (red.): Nylænde 40 15 Edvard Munch : Autoportrait au bras de squelette 42 16 Snorri Sturlason: Sagas des Rois de Norvège 43 17 Hulda Garborg : La Maison bien tenue 44 18 Bulletin de vote – oui ou non – du referendum sur la monarchie 46 19 Le Démon (Dæmonen), Extraits censurés du film 48 20 « Lettre du pôle Sud », lettre de Roald Amundsen au roi Haakon VII 50 21 Dictionnaire des travailleurs 52 22 Journal d’information du 9 avril 1940 et bulletin d’information de Londres du 7 mai 1945, NRK 54 23 Georg W. Fossum : déportation des Juifs de Norvège, négatif de film 56 24 Ouverture officielle du gisement pétrolifère Ekofisk, NRK, Journal télévisé 57 25 Arvid Sveen: « Protection durable de la rivière Alta-Kautokeino » 58 26 Darkthrone: A Blaze in the Northern Sky, LP 60 27 www.oslonett.no 62 28 SKAM, manuscrit 64
29 Karpe Diem: Salut Montebello 68 30 Mouvements populaires politiques et religieux, (magazine à faible tirage) 70
Le psautier de Kvikne
Environ 1150–1200
Un psautier est un ouvrage contenant le livre des Psaumes de la Bible. Ce livre était appelé du temps de Jésus le livre des « Psaumes de David ». Situés au cœur de la liturgie des Heures, ces 150 psaumes étaient lus tout au long des 8 temps de prières quotidiennes et répartis sur les 7 jours de la semaine selon un calendrier fixe. La semaine était ainsi structurée par la temporalité chrétienne et constituait une unité de temps ancrée dans la foi et la prière. Le psautier est un des genres les plus répandus au Moyen Âge.
Ce psautier date de la deuxième moitié du XIIème siècle. Il s’agit du plus ancien livre fabriqué en Norvège se trouvant dans un parfait état de conservation. Il comportait dès l’origine l’ensemble des psaumes. Quelques pages ont été retirées et remplacées par des pages équivalentes au XVème siècle.
Le psautier de Kvikne est un ouvrage tout à fait représentatif de l’époque et du lieu où il a été fabriqué. Il est écrit sur parchemin, en latin, et l’écriture manuscrite est d’une qualité proche de celle que l’on pouvait trouver à la même époque dans des psautiers anglais produits par des professionnels. Les copistes norvégiens de cette époque avaient très peu d’expérience et leur calligraphie n’avait généralement pas encore le même niveau que la calligraphie des copistes anglais. Les enluminures sont rares et simples.
Le contenu fragmenté est maintenu en état grâce à une solide couverture en bois datant sans doute de la première moitié du XIIIème siècle. Gravé sur la quatrième de couverture dans un mélange de lettres latines et de runes, on peut lire l’expression : « J’appartiens à l’église de Kvikne ».
7
1
La Loi de Magnus VI de Norvège
(Codex Hardenbergianus)
Milieu du XIVème siècle
Datant de 1274, la Loi de Magnus VI de Norvège est un texte important dans l’histoire du droit européen. Il s’agit du troisième texte de loi en Europe s’appliquant à l’échelle de tout un pays. Ce texte de loi est resté valide jusqu’en 1687, date à laquelle il fut remplacé par la loi norvégienne de Christian V. La Loi de Magnus VI de Norvège a joué un rôle déterminant dans l’évolution de la société norvégienne en établissant la loi comme moyen de gouvernance et en garantissant certains droits aux personnes les plus vulnérables. La loi de Magnus VI marque ainsi la naissance de la puissance étatique norvégienne.
La Loi de Magnus VI de Norvège a été conservée dans 39 manuscrits complets et plus de 50 manuscrits fragmentaires. Le Codex Hardenbergianus est le plus beau de tous ces manuscrits. Il fut rédigé à Bergen en vieux norrois au milieu du XIVème siècle et comporte 10 enluminures représentant les idées essentielles du texte.
Le Codex Hardenbergianus est un volume rassemblant plusieurs textes de loi. La Loi de Magnus VI de Norvège constitue la partie la plus grande et la plus importante du Codex, mais ce volume contient également des corrections de lois, des lois plus tardives qui complètent ou remplacent certaines règles de la Loi de Magnus VI, ainsi que la loi chrétienne introduite par l’archevêque Jon Raude.
La Loi de 1274 a affirmé le principe fondamental qui place la loi au-dessus du rapport de force. La Loi de Magnus VI a ainsi posé les fondements de la culture juridique qui est encore la nôtre aujourd’hui. Dans le mot « loi » (« lov ») résonnent les idées de liberté et de droits fondamentaux et en aucun cas les idées d’abus de pouvoir ou d’oppression.
9 2
Manuscrit prêté par la Bibliothèque Royale du Danemark.
Voici toute la sainte Ecriture, traduite en danois 1550
En 1517, Martin Luther initia d’immenses bouleversements qui transformèrent le christianisme européen et la culture européenne en général. En Norvège, comme dans tous les pays qui devinrent protestants, la Réforme renforça le caractère individuel de la croyance, tout en réduisant le rôle de l’Église comme intermédiaire entre Dieu et les hommes, et comme interprète du texte sacré. Au cœur de la vie religieuse se trouvait désormais la lecture et la relation individuelle avec la parole de Dieu telle qu’elle apparaît dans la Bible. Il devint alors nécessaire de traduire la Bible du latin vers les langues que les gens pouvaient comprendre : les langues vernaculaires. Grâce à l’imprimerie, qui s’était développée en Europe depuis le milieu du XVème siècle, il fut possible de produire des livres plus rapidement, en plus grand tirage et à un moindre coût.
La Bible exposée ici est appelée la « Bible réformée » Il s’agit de la première Bible complète en danois. Elle fut imprimée en 1550 et se base essentiellement sur la traduction allemande de la Bible par Luther dans son édition de 1545. On retrouve dans cette édition danoise les caractères d’imprimerie et les illustrations utilisées dans l’édition de la Bible en bas-allemand publiée en 1534. Cette « Bible réformée » comporte 85 illustrations produites par gravure sur bois.
10 3 Biblia.
Pour la Norvège, la Réforme eut aussi pour conséquence la fin de l’indépendance politique. Le royaume fut assimilé au royaume du Danemark et l’Eglise reconnut alors le roi comme autorité suprême. On comprend ainsi que le portrait du roi Christian III apparaisse dès les premières pages dans cette édition danoise de la Bible. Le regard du roi est tourné vers le ciel. Dans sa main, qui ne porte pas de gant, il tient un rouleau comportant la parole de Dieu. Sur la page suivante apparaît le blason qui renvoie au pouvoir terrestre du roi.
11
Imprimeur : Ludowich Dietz, Copenhague.
Datée de 1604
Les « lettres du ciel » font partie des premières chaînes de lettres connues. Une lettre-chaîne incite son destinataire à recopier le message et à l’envoyer à de nouveaux destinataires. La lettre présentée ici est une copie manuscrite. D’après le texte, la lettre originale est censée avoir été écrite par « le Seigneur Dieu lui-même » et avoir été envoyée par un ange à Mikkelborg, l’actuelle Istanbul, où elle est supposée avoir été écrite en lévitation avec des lettres d’or. Toute personne qui recopierait cette lettre et la montrerait à d’autres personnes serait pardonnée de ses péchés. En revanche, toute personne qui, ne croyant pas à l’origine divine de cette lettre, ne la recopierait pas, serait punie de mort et verrait ses enfants « souffrir une mort atroce ». Au jour du Jugement Dernier, toute personne possédant cette lettre chez elle se verrait épargnée de toute souffrance. Le texte exhorte le lecteur à vivre selon la loi divine, selon la Parole du Christ et à se rendre chaque dimanche à la messe. La lettre est signée : « Moi, le véritable Jésus Christ. »
Bien que peu de lettres de ce type ait été conservées, on sait que les lettres du ciel sont un genre très populaire dans l’Europe réformée, là où l’Eglise ne pouvait plus apporter la confession et l’absolution. Le texte des « lettres du ciel » est resté remarquablement stable tout au long des XVIIIème et XIXème siècle. Les lettres furent recopiées à la main, mais circulaient également sous forme imprimée, alors souvent décorées et colorées. Les lettres du ciel ne comportant qu’une seule page étaient faciles à transporter et à vendre. Les imprimeurs gagnaient beaucoup d’argent en copiant ces lettres à grand tirage. Beaucoup de personnes étaient prêtes à payer un ou deux shillings pour obtenir la salvation et la félicité.
12
Lettre
4
du ciel, première page
Datée de 1604
La lettre du ciel est datée de 1604, mais le papier sur lequel elle est écrite laisse apparaître en filigrane les armoiries de la ville d’Amsterdam. Ce filigrane montre que cette lettre n’a pas pu être écrite avant 1675. La raison d’une telle antidatation est inconnue.
En observant la lettre, on peut voir qu’elle a été pliée cinq fois, sans doute pour permettre à son propriétaire de la porter sur soi comme une amulette. L’usure des bords et des lignes de pliure peut faire penser que cela s’est produit plusieurs fois. Les faces de la lettre qui se sont trouvées à l’extérieur après que la lettre a été pliée, sont plus sombres que les autres. Cela indique que cette lettre du ciel a été utilisée, portée dans une poche ou contre la peau, lue et montrée d’innombrables fois.
13
4 Lettre du ciel, deuxième page
Norske Intelligenz-Seddeler est considéré comme le premier journal norvégien. Le premier numéro est paru à Christiania en mai 1763. Son éditeur et rédacteur était Samuel Conrad Schwach, un imprimeur de livres né en Prusse et ayant étudié à Copenhague.
Conrad Schwach avait fait paraître de nombreux autres périodiques avant de se lancer dans un journal d’actualités. Il était à l’époque très difficile de produire ce type de journaux. La censure était forte et les autorités n’autorisaient en principe pas leur publication en dehors de Copenhague, afin de pouvoir exercer une surveillance permanente. Installé à Christiania, Schwach contournait cette difficulté de deux façons : d’abord, en limitant le contenu de son journal à des annonces, des informations économiques ou des commentaires religieux ; mais aussi en témoignant d’une loyauté indéfectible envers l’Etat et envers le précédent magistrat-président de Christiania, Nicolai Feddersen. Feddersen avait tout intérêt à maintenir ce lien avec Schwach : il avait investi dans la célèbre usine à papier nommée « Les moulins à papier de Jérusalem ». Cette usine livrait du papier à bas prix au journal.
Avec le temps, le journal Norske Intelligenz-Seddeler put élargir son contenu. Mais c’est seulement à partir de 1814 que le journal put réellement publier du contenu politique. En effet, c’est à cette date que la Norvège devint indépendante du Danemark et eut sa propre constitution. Le paragraphe 100 de cette nouvelle constitution affirmait que « la liberté d’imprimer devait être garantie ». Le journal est paru sans interruption jusqu’en 1920, date à laquelle il changea de nom et devint Verdens Gang (La Voie du Monde).
14 5 Norske Intelligenz-Seddeler,
numéro 1 (pages 1 et 4), journal 1763
Publié par Samuel Conrad Schwach. La retranscription du texte est disponible dans la niche à gauche du panneau.
(pages 2 et 3), journal 1763
Le tout premier numéro du journal Norske IntelligenzSeddeler contient des articles qui ne correspondent que rarement à ce que nous identifierions aujourd’hui comme des textes journalistiques. Les deux premiers vers saluent les lecteurs du journal et soulignent qu’il s’agit d’une publication norvégienne : « Et voici un journal qui donnera des nouvelles de Norvège / Il parlera de choses et d’autres, de toutes matières pouvant être utiles. » C’est avec ces mots que le journal annonce qu’il portera un regard proprement norvégien sur le monde. Le patriotisme qui s’exprime implicitement ici est extrêmement prudent. Le journal ne comporte d’ailleurs que des informations de peu d’intérêt. Il est question de départs et d’arrivées de bateaux, d’objets mis en vente, de naissances, de décès, de mariages, de confiscations de biens volés. On trouve aussi un article expliquant dans quelles conditions un citron peut être conservé tout l’hiver. Le texte qui est sans doute le plus intéressant pour nous aujourd’hui observe sur le ton vif des moralistes comment des personnes intelligentes et perspicaces peuvent avoir tendance à critiquer les erreurs des autres plutôt que de corriger les leurs. La cible visée en 1763 par cette attaque n’est pas claire. Ce texte se veut sans doute intemporel.
Le journal d’origine utilise la typographie gothique traditionnelle difficilement lisible pour des lecteurs contemporains qui n’y sont pas habitués. Cette typographie gothique « Fraktur » dérive de l’écriture gothique manuscrite. On trouvera une transcription dans le tiroir à droite.
15 5 Norske Intelligenz-Seddeler, numéro 1
Dorothe Engelbretsdatter: Les Chants divins de l’âme, livre d’hymnes chrétiens
1685
La poétesse religieuse Dorothe Engelbretsdatter, auteure d’hymnes chrétiens, fut le premier auteur norvégien professionnel du royaume de DanemarkNorvège. Son premier livre, Sjælens Sang-Offer (Les Chants divins de l’âme), fut publié à Christiania en 1678. La première édition n’a pas été conservée, mais le livre a connu sept éditions successives au cours de la vie d’Engelbretsdatter. Sa langue, simple et mélodieuse, fit d’elle l’un des auteurs les plus populaires du XVIIème siècle.
Plusieurs livres de Dorothe Engelbretsdatter faisaient apparaître un portrait de l’auteure en frontispice, c’est-à-dire comme illustration occupant toute la page précédant la page de titre. Dans cette édition de 1685 de Sjælens Sang-Offer, le portrait montre une femme d’âge mûr, écrivant. Un crâne et un sablier sont posés sur sa table. Typiques de l’imaginaire baroque, ces objets symbolisent la mort et le temps qui passe. Ils visent à rappeler à l’observateur la vanité de l’existence. Dans ce portrait, ces emblèmes renvoient également à l’expérience personnelle de Dorothe Engelbretsdatter. Sept de ses neuf enfants sont morts alors qu’ils étaient encore très jeunes. L’inéluctabilité de la mort se rappela ainsi tragiquement à la conscience de Dorothe Engelbretsdatter tout au long de sa vie. Ce thème revient souvent dans de nombreux poèmes de son livre. L’hymne intitulé « Hymne du soir », paru sous le titre « Le jour se retire et s’éteint » dans l’édition de 2013 du livre des hymnes de l’Église de Norvège, fait référence au sablier qui se vide.
16 6
Publié par Christian Geersøn, Copenhague.
La Constitution de la Norvège de 1814 établit les lois fondamentales du pays en donnant le pouvoir législatif à un parlement, le « Stortinget » , et en limitant le pouvoir du roi. Les députés devaient être choisis parmi une masse d’électeurs comprenant tous les hommes de citoyenneté norvégienne de plus de 25 ans possédant une propriété. Ce mode de suffrage censitaire concernait entre 40 et 45% des hommes. Le droit de vote des femmes n’était même pas encore en débat. Nous sommes encore loin du suffrage universel, mais comparée à d’autres systèmes politiques européens de la même époque, la Constitution norvégienne marquait un progrès démocratique radical. La constitution apporta non seulement des lois fondamentales libérales, mais elle garantit aussi une indépendance importante de la Norvège par rapport à la Suède, pays avec lequel elle se trouvait à présent en union. Après plusieurs siècles sous l’autorité danoise, la constitution rendit la Norvège enfin indépendante, et c’est pourquoi elle est un symbole majeur de la nation.
Dans les années 1820, on commença à imprimer la Constitution sous forme d’affiche. Cette reproduction fit de la Constitution une image iconique et populaire. Encore aujourd’hui, on la retrouve souvent encadrée et accrochée au mur dans les foyers norvégiens. Cette version datant de 1836 est particulièrement belle. L’illustration montre la villa d’Eidsvol, le lieu de la rédaction et de la ratification de la Constitution. On reconnaît également les portraits de quelquesuns des hommes qui s’étaient particulièrement distingués à Eidsvoll au cours des six semaines du printemps 1814, ou bien lors de la première séance extraordinaire du Parlement à l’automne de la même année, lorsque l’union avec la Suède fut scellée. La constitution date du 4 novembre, mais elle ne compte que quelques modifications mineures par rapport à la version du 17 mai. En bas, on peut voir les signatures des 79 députés du Parlement.
Lithographie: J.C. Walter. Editeur : Prahl.
18 7 Constitution de la Norvège, affiche 1836
La constitution de 1814 laissa une grande partie de la population en dehors de la communauté politique norvégienne. Le journal de l’Union des Travailleurs fut le premier journal ouvrier radical de Norvège. Il fut fondé par l’activiste Marcus Thrane en 1849. Thrane combattit énergiquement en faveur d’un élargissement du droit de vote ainsi que pour des réformes sociales. Il fut le chef de file du premier mouvement politique de masse de Norvège, baptisé a posteriori «le mouvement de Thrane » . En 1850, il s’adressa au roi et exigea entres autres choses le droit de vote universel. Mais bien que la Constitution norvégienne fût très libérale pour son temps, la liberté d’expression était encore très limitée, entre autres lorsqu’elle était utilisée pour mobiliser les masses ouvrières : Thrane fut condamné à sept ans de prison.
La une du Journal de l’Union des Travailleurs du 4 juin 1853 propose de changer 5 paragraphes de la constitution. C’est l’historien et homme politique Ludvig Kristensen Daa qui fut l’instigateur ces propositions. Toutes concernaient l’élargissement du droit de vote.
19 7 Journal de l’Union des Travailleurs
1853
Environ 1840–1850
Le milieu du XIXème siècle est une période importante dans l’histoire du collectage de contes, de chants populaires, de mélodies, de dialectes et d’objets du quotidien. Cette pratique de collectage se fonde sur l’idée que toutes ces œuvres sont l’expression d’une culture populaire profondément enracinée, une culture nationale ancienne douée d’une force d’inertie quasi organique. Pour un pays en pleine phase de modernisation politique, le geste de collecter correspondait ainsi à la quête d’une identité culturelle.
Cette manière de penser la culture comme l’expression profonde d’un peuple était très courante en Norvège, et se retrouve chez des collecteurs célèbres comme Asbjørnsen et Moe, Ivar Aasen, Ludvid Mathias Lindeman – ainsi que chez le prêtre et collecteur d’hymnes chrétiens traditionnels Magnus Brostrup Landstad. Au cours des années 1840, ce dernier nota le « Chant de rêve » pendant qu’une servante originaire du Telemark du nom de Maren Ramskeid chantait ce poème pour lui. La version de Ramskeid et Landstad est considérée comme la plus complète, et au moment où elle a été collectée, elle servit de base à des tentatives de reconstitution d’un original.
Le « Chant de rêve » peint une vision puissante qui peut rappeler la Divine Comédie de Dante. La date de composition du poème est impossible à déterminer. Rien aujourd’hui ne permet d’attester que les différentes parties du poème constituent des fragments d’une seule et même ballade.
Le manuscrit de Landstad a été rédigé d’une main rapide. Il est surchargé de corrections, de ratures et d’ajouts. Il contraste avec la magnifique édition de Gerhard Munthes qui se trouve dans le tiroir ci-dessous.
20 8
«
Chant de rêve », d’après Maren Ramskeid, manuscrit
1. Agnes Buen Garnås: « Chant de rêve », 1984. Publié par Kirkelig Kulturverksted
2:24 (extrait)
2. Arne Nordheim: « Chant de rêve », l’orchestre de la radio nationale, Ingar Bergy (chef d’orchestre), Grex Vocalis, 2006. Publié par Simax Classics.
4:27 (extrait)
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Moltke Moe (rédacteur) et Gerhard Munthe (illustrateur) : « Chant de rêve ». Un poème du Moyen Âge
1904
Cette édition exceptionnelle du Chant de rêve a été décorée et illustrée par Gerhard Munthe. Il a aussi dessiné la typographie à la main. L’édition comporte uniquement la ballade elle-même, sans paratexte ou appareil critique complémentaire. Il est seulement discrètement indiqué que le texte a été édité par Moltke Moe. Moe était professeur d’université. L’intitulé complet de sa chaire de professeur était : « langue populaire norvégienne, avec le devoir d’enseigner la tradition populaire ». Le titre de cette chaire correspond à ce qu’on appellera plus tard en Norvège « les études du folklore ». Il s’agit de la première chaire de ce type dans les pays nordiques et correspond à la transformation du regard porté sur la poésie populaire : on s’éloigne du regard romantique pour adopter une approche scientifique et académique. Moe n’avait pas seulement pour fonction d’éditer le texte. Il avait également pour mission d’utiliser une méthode scientifique afin de mettre au point un appareil critique. Cette tâche était ardue, et Moe n’en est jamais venu à bout, ce qui fut source de déception pour Munthe et pour la maison d’édition, qui souhaitait faire de ce livre sa première publication. Ils finirent par se résoudre à publier le poème sans appareil critique en espérant pouvoir publier plus tard une seconde édition avec un commentaire en supplément, mais ce commentaire ne vit jamais le jour. C’est ainsi que le livre de Munthe devint un objet unique en son genre dans l’histoire de l’édition, très moderne dans sa réalisation, mais sans la dimension scientifique prévue au départ.
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Publié par Forening for Norsk Bogkunst, Kristiania.
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Georg Ossian Sars : dessins scientifiques d’étoiles de mer, de morue, de crustacées et de baleine bleue
Environ 1860–1890
Georg Ossian Sars était le zoologue norvégien le plus important dans la deuxième moitié du XIXème siècle. Il fait encore partie aujourd’hui des scientifiques norvégiens les plus cités. Il a passé beaucoup de temps en mer pendant sa jeunesse, payé par l’Etat pour élargir les connaissances nécessaires à l’essor de l’industrie de la pêche, et plus tard de la chasse à la baleine. Il découvrit entre autres choses que les œufs de morue ne coulent pas, mais flottent à la surface de l’océan. En 1865, il parvint à reproduire expérimentalement l’insémination des œufs de morue. Sars devint professeur de zoologie en 1874 et publia beaucoup, particulièrement sur les crustacées. Les documents exposés ici montrent son don unique comme illustrateur scientifique.
Sars faisait partie d’un petit groupe de personnes qui dominaient à la fois le monde scientifique et le monde artistique en Norvège. Son frère, Ernst, devint le grand historien norvégien de cette époque. Une de ses sœurs, Mally, se maria avec le compositeur et chef d’orchestre Thorvald Lammers. Une autre des sœurs de Sars, Eva, étudia avec Lammers et était une célèbre interprète de chansons d’amour lorsqu’elle épousa Fridtjof Nansen, qui commençait lui aussi à cette époque sa carrière de zoologue et de dessinateur. En plus d’être un zoologue et un dessinateur de premier plan, Georg Ossian Sars était également connu en tant que violoniste de talent. Homme aux multiples talents, Sars est un exemple de la façon dont l’art et la science s’influençaient mutuellement à cette époque.
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Le collecteur de contes populaires Peter Christian
Asbjørnsen n’était pas un scientifique ou un chercheur aussi renommé et important que Georg Ossian Sars, mais il était lui aussi zoologue, et il a surtout été le premier à exposer la théorie de l’évolution de Darwin auprès du public norvégien. En 1853, il trouva une espèce inconnue d’étoile de mer dans le fjord Hardangerfjord, à une profondeur de 380 mètres. On ignorait avant sa découverte que la vie pouvait exister à une telle profondeur. Il nomma cette espèce la Brisinga endecacnemos, d’après le nom du collier que porte la déesse de la mythologie nordique Freyja : Brisingamen. Seize années après Asbjørnsen, Sars découvrit à son tour une nouvelle espèce d’étoile de mer, la Brisinga coronata, à 600 mètres de profondeur, non loin des îles Lofoten. Sars publia en 1875 un article en anglais dans lequel il rendait compte de sa découverte. Il envoya cet article à Charles Darwin, ainsi que des explications sur le nouveau procédé d’impression autographique que Sars avait utilisé dans plusieurs de ses illustrations. Darwin répondit à Sars en avril 1877 par une lettre amicale dans laquelle il témoigne de son admiration pour l’homme de sciences norvégien :
26 9 Lettre
de Charles Darwin à Georg Ossian Sars 1877
Dear Sir,
Allow me to thank you much for your kindness in having sent me your beautiful memoir on Brisinga. It contains discussions on several subjects about which I feel much interest. I congratulate you on your discovery of the new process of Autography which promises to be of much service to those who like yourself are good draughtsmen. With the most sincere admiration for your varied works in Science, I remain, dear Sir
Yours very faithfully Charles Darwin
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Henrik Ibsen : Peer Gynt. Poème dramatique, première édition et deuxième édition avec des corrections manuscrites de l’auteur.
1867
Peer Gynt d’Henrik Ibsen est considéré comme un chef d’œuvre de la littérature norvégienne. Pour les commentateurs, cette pièce a de grandes qualités de style tout en donnant accès à des aspects profonds de l’identité norvégienne. La rédaction de cette œuvre a débuté à Rome en 1867 et fut pour l’essentiel écrite sur l’île d’Ischia, dans la baie de Naples. Il fallut attendre presque dix ans pour que la première mise en scène fût montée. Elle eut lieu en 1876 au théâtre Christiania, avec une musique originale d’Edvard Grieg.
Ibsen trouva l’inspiration pour le personnage de Peer Gynt dans le recueil Contes norvégiens de Huldra et récits populaires (1845) de P.C. Asbjørnson. Peer Gynt y apparaît comme « un chasseur de la région de Kvam dans les temps anciens ». Il est entre autres connu pour avoir vaincu un troll et « le Grand Courbe d´Etnedal » (un serpent géant et gluant). Il était aussi considéré comme « un homme aux mille tours ».
Le Peer Gynt d’Ibsen est également un personnage qui sait prendre la fuite et raconter des histoires pour échapper au réel. Dans la scène d’ouverture de la pièce, la mère Aase s’écrie : « Peer, tu mens ! ». Peer est un petit plaisantin insouciant, et où qu’il voyage, il retrouve le Grand Courbe qui le trompe et lui joue des tours.
La première édition a été publiée par la maison d’édition Den Gyldendalske Boghandel (F. Hegel) à Copenhague.
La seconde édition (1867) et la troisième édition (1874) sont corrigées par Henrik Ibsen et d’autres collaborateurs (essentiellement une modernisation de la langue).
10
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La chaîne de télévision nationale NRK commença dès les années 1960 à diffuser des programmes réguliers accessibles à tous les Norvégiens. La toute nouvelle Compagnie du Théâtre Télévisuel joua alors un rôle clé de transmission des grandes œuvres de la culture commune pour les Norvégiens. Pour la première fois grâce à cette compagnie, les pièces du répertoire classique ou moderne purent toucher un large public. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne le théâtre d’Ibsen et ses drames contemporains, qui furent une révélation pour de nombreux Norvégiens qui avaient uniquement connu Ibsen à travers la lecture de ses livres, voire ne le connaissaient que de nom. La Compagnie du Théâtre Télévisuel, qui disposait d’une troupe d’actrices et d’acteurs sociétaires, fut dissoute en 1990. Le nouveau département de programmation du spectacle vivant de NRK décida à cette date de supprimer cette compagnie et n’a depuis lors produit du théâtre filmé que de façon exceptionnelle.
La production de Peer Gynt en 1993, avec PaulOttar Haga dans le rôle-titre, fut l’une de ces exceptions. Cette nouvelle adaptation correspondait parfaitement à l’esprit initial de la Compagnie du Théâtre Télévisuel, tout en utilisant les nouvelles possibilités que les progrès techniques de la télévision avaient rendu possibles. Cela se remarquait notamment dans les scènes mythiques de l’antre du roi de la montagne.
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Peer Gynt, NRK 1993
L’extrait vidéo provient des archives de NRK.
10 Henrik Ibsen : Une Maison de poupée.
Pièce de théâtre en trois actes, manuscrit et première édition
1879
« Je dois découvrir par moi-même qui a raison, la société ou moi ». Nora fait retentir ces mots à la fin d’Une Maison de poupée, le deuxième des douze drames contemporains d’Henrik Ibsen. Le soir du lendemain de Noël, elle quitte son mari et ses trois enfants. Ibsen utilise dans ce drame la technique rétrospective qui fait sa marque de fabrique. Ainsi, l’action de la pièce fait peu à peu ressurgir le passé enfoui de Nora et de Helmer, jusqu’au dénouement controversé qui révèle au spectateur la vérité de ce mariage qui s’était construit dans le mensonge et l’illusion.
Une Maison de poupée (1879) fut le premier grand succès international d’Ibsen. Traduite dans plus de soixante-dix langues, cette pièce est aujourd’hui encore la pièce d’Ibsen la plus jouée à travers le monde.
La place de la femme dans la société était un sujet très débattu dans le monde intellectuel et politique norvégien de la deuxième moitié du XIXème siècle. On peut penser par exemple au roman d’apprentissage Les Filles du préfet (1854–1855) de Camilla Collet, qui suscita un vif débat au moment de sa parution. Pendant la genèse de la rédaction d’Une Maison de poupée, Ibsen écrit dans ses notes préparatoires :
« Il existe deux sortes de loi spirituelles, deux sortes de consciences, l’une, masculine, l’autre, féminine. » Dans sa pièce de théâtre, il cherche à comprendre comment cette différence peut avoir des conséquences sur la vie concrète des femmes.
La première édition est parue chez la maison d’édition Gyldendalske Boghandels Forlag (F. Hegel & Søn) à Copenhague.
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La chaîne de télévision nationale NRK commença dès les années 1960 à diffuser des programmes réguliers accessibles à tous les Norvégiens. La toute nouvelle Compagnie du Théâtre Télévisuel joua alors un rôle clé de transmission des grandes œuvres de la culture commune pour les Norvégiens. Pour la première fois grâce à cette compagnie, les pièces du répertoire classique ou moderne purent toucher un large public. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne le théâtre d’Ibsen et ses drames contemporains, qui furent une révélation pour de nombreux Norvégiens qui n’avaient connu Ibsen uniquement à travers la lecture de ses livres, voire ne le connaissaient que de nom.
La production d’Une Maison de poupée de 1973, avec Lise Fjeldstad dans le rôle de Nora, fut la première pièce de théâtre filmée en couleur. La mise en scène était pensée pour la télévision mais s’appuyait sur la longue tradition théâtrale des mises en scènes norvégiennes d’Ibsen. Cette mise en scène utilisa cependant quelques éléments de l’art cinématographique, comme le gros plan, l’alternance des cadrages, une diction plus simple et naturelle des répliques et un style de jeu plus rythmé. Le gros plan permit par exemple de donner à la célèbre scène de la tarentelle une intensité que la mise en scène théâtrale peut difficilement atteindre.
L’extrait vidéo provient des archives de NRK.
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Une maison de poupée, Compagnie de théâtre télévisuel, NRK 1973
Henrik Ibsen : Hedda Gabler. Pièce de théâtre en quatre actes, manuscrit et première édition.
1890
Lors du travail préparatoire en vue de la rédaction d’Hedda Gabler, Ibsen formula une des idées de la pièce en ces termes : « L’hérésie commune qui affirme qu’un homme peut correspondre à une femme ». Concernant un certain type féminin qu’il dit avoir observé, il écrit dans un autre passage de ses notes préparatoires : « Idées principales : 1) Elles ne sont pas toutes faites pour être mère. 2) La pulsion sensuelle les habite, mais elles craignent le scandale. 3) Elles savent que la vie implique l’accomplissement de certains devoirs, mais elles ne savent pas comment s’y prendre. »
Cette histoire d’une fille de général qui se suicide à la fin de la pièce suscita un énorme débat dans l’opinion norvégienne. Les critiques furent sans pitié. Pour beaucoup, la pièce aurait dû avoir une morale plus explicite et n’exprimait aucune idée claire.
Comme son nom le dit déjà, Hedda Gabler est davantage la fille de son père qu’elle n’est l’épouse de son mari. Elle s’ennuie avec Jørgen Tesman, qu’elle a seulement épousé pour son argent. Pour seul héritage, elle reçut de son père un portrait et deux pistolets. Ne trouvant aucune voie vers la liberté, elle choisit de « mourir avec éclat » .
Hedda Gabler a été incarnée sur scène par d’innombrables actrices, dont Ingrid Bergman, Isabelle Huppert et Cate Blanchett.
La première édition est parue chez la maison d’édition Gyldendalske Boghandels Forlag (F. Hegel & Søn) à Copenhague.
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La chaîne de télévision nationale NRK commença dès les années 1960 à diffuser des programmes réguliers accessibles à tous les Norvégiens. La toute nouvelle Compagnie du Théâtre Télévisuel joua alors un rôle clé de transmission des grandes œuvres de la culture commune pour les Norvégiens. Pour la première fois grâce à cette compagnie, les pièces du répertoire classique ou moderne purent toucher un large public. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne le théâtre d’Ibsen et ses drames contemporains, qui furent une révélation pour de nombreux Norvégiens qui n’avaient connu Ibsen uniquement à travers la lecture de ses livres, voire ne le connaissaient que de nom.
La version d’Hedda Gabler crée par la Compagnie du théâtre télévisuel donna le rôle-titre à Monna Tandberg et fut diffusée pour la première fois en 1975. Cette version se basait sur la mise en scène du Théâtre National de 1971. Elle évita soigneusement le calque maladroit de la scène à l’écran et adapta sa production en studio au média télévisuel. La langue fut notamment retravaillée et la direction de caméra permit au téléspectateur de venir au plus près des acteurs, ce qui donna par exemple à la scène finale une remarquable intimité. La mise en scène respecte le texte original de la pièce et se situe clairement dans la tradition des mises en scène des pièces d’Ibsen du XXème siècle.
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10 Hedda Gabler, Compagnie du théâtre télévisuel, NRK 1975
L’extrait vidéo provient des archives de NRK.
Peter Christen Asbjørnsen et Jørgen Moe : Contes pour enfants. Contes populaires norvégiens, volumes I-III
1883–1887
À la fin des années 1830 Peter Christen Asbjørnsen et Jørgen Moe débutèrent une collaboration qui déboucha sur une vaste collection de contes populaires norvégiens. La première édition parut à l’automne 1841. Les deux hommes de lettres parcoururent les quatre coins du pays, collectèrent et retranscrivirent des histoires qui n’avaient appartenu jusque-là qu’à la tradition orale. Beaucoup d’auteurs, comme Henrik Ibsen et Bjørnstjerne Bjørnson, s’inspirèrent de ces contes.
En 1883 parut le premier de trois volumes de contes pour enfants avec des illustrations de Theodor Kittelsen, Erik Werenskiold et Otto Sinding. On peut se demander dans quelle mesure ces histoires, dont certaines peuvent être particulièrement angoissantes, sont réellement appropriées pour des enfants. Quoi qu’il en soit, cette collection de contes destinés au jeune public témoigne du regard que portait la société de l’époque sur les enfants et l’enfance.
Un glossaire se trouve à la fin du troisième volume. Le lecteur savait bien qui était le personnage de conte Espen Askeladden, mais savait-t-il ce que signifiait « Askeladd »? « Dérivé du mot « aske » (« cendre »), le terme « Askeladd » désigne le plus jeune d’une fratrie, c’est-à-dire celui qui reste à la maison et remue la cendre pendant que les autres sont partis travailler »
En lisant ces contes, les enfants et les adultes pouvaient, grâce au glossaire, enrichir leur vocabulaire.
Edité par Gyldendal, Copenhague.
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Ivar Aasen
Dictionnaire norvégien avec des explications en danois 1873
:
A une époque où les Norvégiens écrivaient encore en danois, le linguiste et poète Ivar Aasen posa les bases du néonorvégien comme langue écrite norvégienne. En 1850, il publia le Dictionnaire de la langue populaire norvégienne. Le livre contenait plus de 25000 entrées, et était le résultat d’un travail de plusieurs années de collecte et d’étude systématique des dialectes. Le Dictionnaire norvégien avec des explications en danois (1873) est une version étendue et révisée qui montre le remarquable don d’Aasen comme linguiste.
Ivar Aasen est un pionnier des sciences du langage et il développa son travail sur la langue tandis qu’en parallèle l’Etat-nation norvégien prenait peu à peu forme. Il existe aujourd’hui deux langues officielles écrites en Norvège : d´une part le norvégien, avec ses deux variantes au statut identique, le bokmål (langue des livres, plus proche du danois) et le nynorsk (néo-norvégien, systématisée par Aasen à partir de l’étude des dialectes), et d´autre part le sami, utilisé dans toutes les administrations samis. Le terme « sami » désigne en réalité plusieurs langues proches, qui sont les plus anciennes langues minoritaires du pays.
Ivar Aasen avait 58 ans lorsque le photographe
Carl Christian Wischmann prit la première des trois photographies qui existent de lui. Réaliser un portrait de lui-même fut pour Ivar Aasen une expérience ambivalente. Le 11 septembre 1871, il note à ce sujet dans son journal : « Chez un photographe » . Le 13 septembre, il en dit à peine plus : « Chez un photographe […] mauvaise humeur. »
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Publié par la librairie Malling, Christiania (Oslo).
Carl Christian Wischmann
La photographie fut inventée en 1839 par le français Louis Daguerre, qui fabriqua les premiers daguerréotypes. Au début, seule une minorité avait les moyens et l’occasion de se faire photographier. Mais à la fin du XIXème siècle, cela devint de plus en plus courant.
Carl Christian Wischmann était un photographe portraitiste danonorvégien qui possédait un atelier photographique à Christiania durant les quarante dernières années de sa vie. La collection de Wischmann est un catalogue de toutes les photographies qu’il a réalisées sur commande entre 1870 et 1874. Cette collection montre un échantillon de la population de Christiania, et nous offre ainsi une représentation unique de cette époque. Les images sont collées sur un ensemble de vieilles factures ayant un jour appartenu à un cordonnier. Derrière les images et entre les images, on peut lire des inscriptions correspondant aux demandes adressées à un cordonnier, comme par exemple une nouvelle série de bottes : « 20 bottes des marches, neuves. » Les photographies de Wischmann sont datées et classées par ordre chronologique. Il avait en moyenne trois clients par jour. Les personnes photographiées appartiennent à toutes les classes d’âges et à toutes les classes sociales. Certaines d’entre elles regardent l’objectif, d’autres regardent vers le bas ou sur le côté. La plupart des visages sont anonymes. Rares sont les personnes que l’on peut aujourd’hui identifier. Le 11 septembre 1871, Wischmann prit la première des trois photographies existantes d’Ivar Aasen. L’image exposée ici est le portrait le plus célèbre du linguiste.
37 12 La collection
1870–1874
Entre l’été 1868 et l’hiver 1869, Edvard Grieg écrivit son seul concerto pour piano, en La mineur. Ce concerto fut joué pour la première fois dans la salle de concert du Tivoli à Copenhague le 3 avril 1869. Grieg était lui-même un excellent pianiste, mais il avait d’autres engagements ce jour-là et il n’était donc pas présent lorsque son ami Edmund Neupert interpréta la partie pour soliste de ce concerto. Le journal Morgenbladet rapporta plus tard qu’il avait s’agit d’ « un travail extrêmement intéressant », en particulier en ce qui concerne les deux derniers mouvements, qui suscitèrent une grande admiration. « [N]os critiques musicaux ont reconnu l’immense qualité de cette composition et ont été particulièrement sensibles à l’originalité et au caractère proprement nordique qui s’exprime à travers elle. » Plusieurs critiques ont souligné cette coloration nordique qui se faisait entendre de façon unique dans ce concerto en La mineur. C’est durant cette même période que les paysages sauvages et grandioses de Norvège étaient sur le point de devenir l’un des symboles les plus forts de la jeune nation. Ce concerto entra aussitôt dans la tradition musicale européenne et prit place dans le répertoire international. Grieg lui apporta des modifications tout au long de sa vie. Il chercha notamment à perfectionner l’orchestration de l’accord qui ouvre la pièce. Aujourd’hui encore, beaucoup d’auditeurs reconnaissent immédiatement le concerto à la seule écoute de cet accord. Cette œuvre musicale apparaît toujours au XXIème siècle comme une icône de l’histoire de la musique norvégienne.
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Edvard Grieg : Concerto pour piano en La mineur, op. 16, manuscrit 1868
1. Allegro molto moderato | 13:22
2. Adagio | 6:45
3. Allegro moderato molte e marcato | 10:06
L’extrait musical est tiré de la collection Edvard Grieg (1843-1907), elle-même issue de la série des classiques du Conseil Culturel Norvégien.
Jens Harald Bratlie, piano. Oslo – Philharmonie, dirigé par Mariss Janson. PolyGram Records SA, Oslo, 1988.
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« Concerto pour piano et orchestre en la mineure, opus 16 » , 1988
L’Association Norvégienne de Lutte pour les Droits des Femmes a été lancée en 1884 par la militante radicale pour les droits des femmes Gina Krog et par l’homme politique de gauche plus modéré Hagbard Berner. Il s’agissait de la première organisation norvégienne de défense des intérêts des femmes. Dans la description de ses objectifs, il est écrit que l’association « œuvre pour donner à la femme les droits et la place qu’elle mérite dans la société » . En février 1887 parut le premier numéro de la revue de l’association intitulée « Nylænde » , avec Krog comme rédactrice en chef. A partir de 1894, Krog devint même éditrice de la revue.
L’accession à un droit de vote égal pour les hommes et les femmes fut longtemps considérée comme un objectif trop radical par l’Association Norvégienne de Lutte pour les Droits des Femmes elle-même. Gina Krog a de son côté toujours revendiqué le fait qu’il s’agissait d’un sujet majeur de lutte. Pour le numéro du mois de mai 1888, la rédactrice écrit dans son éditorial intitulé « Le Droit de vote », qu’elle considère « vains et ridicules » les arguments qui défendent le suffrage universel masculin au nom de la justice et de la dignité humaine, tout en continuant d’en exclure les femmes. La revue Nylænde fut un acteur majeur, pas seulement pour ce qui concerne la campagne du droit de vote en Norvège, mais plus généralement parce qu’il permit aux femmes de prendre la parole dans le débat public.
En 1913, la Norvège fut le quatrième pays du monde à introduire un suffrage véritablement universel, donnant le droit de vote aux hommes et aux femmes.
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Gina Krog (red.): Nylænde, numéro 9, revue 1888
Publié par l’Association Norvégienne de Lutte pour les Droits des Femmes, Kristiania (Oslo).
14 Camilla Collett et Emilie Diriks: Soupe à la fausse
tortue, numéro 1-5 et 7, revue manuscrite
1837
L’écrivaine Camilla Collett est surtout connue pour son roman Les Filles du préfet (1854–1855). Elle était féministe et fut le premier membre d’honneur de l’Association Norvégienne de Lutte pour les Droits des Femmes. Elle devint également l’une des contributrices les plus remarquables de la revue Nylænde.
A l’été 1837, elle n’avait pas encore été publiée comme écrivaine. Avec son amie Emilie Diriks elle eut l’idée de fonder une revue. Il devait s’agir d’un hebdomadaire imprimé « sur du beau papier » , et était supposé circuler de main en main au sein « d’un petit groupe de femmes » . La revue fut ironiquement baptisée Forloren Skildpadde (« Fausse soupe à la tortue »), d’après un plat dont toutes les femmes de l’époque étaient censé maîtriser la recette. Mais Emilie Diriks et Camilla Wergeland (le nom de jeune de fille de Camilla Collett) avaient d’autres ambitions : elles voulaient inventer une recette littéraire comportant « le meilleur de l’esprit et de l’audace des femmes ».
Six numéros de la revue sont parus. Les deux rédactrices se firent passer pour des hommes en se cachant derrière des initiales précédées du titre Monsieur : Mr CW (pour Camilla Wergeland) et Mr ED (pour Emilie Diriks). Ce sont elles qui écrivirent tous les textes. La revue comportait aussi bien des essais que des nouvelles, des récits de voyage ou des avis de décès. Cette revue peut se comprendre comme la tentative pour ces deux féministes de faire entendre leur voix à une époque où les femmes ne pouvaient qu’exceptionnellement s’exprimer dans le débat public.
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Edvard Munch est un graveur et peintre norvégien mondialement connu. Il fut l’un des artistes les plus importants des mouvements de l’art moderne. Pendant plus de soixante ans, il a expérimenté dans de nombreux styles avec des techniques variées, comme la gravure, le dessin, la peinture, la sculpture. Autoportrait au bras de squelette est une lithographie – gravure sur pierre – datant de 1895. Cet autoportrait, aujourd’hui très connu, fait partie de ses premières lithographies. L’image est composée à partir de contrastes forts. Le visage est d’un blanc presque cadavérique, tandis que l’arrière-plan est noir comme jais. En bas de l’image, les os du bras évoquent la mort.
L’image a été imprimée à Berlin, là où Munch avait séjourné depuis le début des années 1890, en même temps que Sigbjørn Obstfelder, Gustav Vigeland et August Strindberg. C’est également à Berlin, au sein de l’Association des Artistes, que se déroula l’événement que l’on appela bientôt « l’exposition du scandale » de Munch. Cette exposition ouvrit le 5 novembre 1892. Après cinq jours, l’exposition fut interrompue, suite aux plaintes des critiques d’arts et de la majorité des membres de la direction de l’Association des Artistes, qui jugeaient les œuvres bâclées ou inachevées. L’exposition ne fit cependant pas perdre à Munch sa place dans le milieu artistique. Bien au contraire, ce scandale marqua son entrée triomphante sur la scène artistique internationale. L’année suivante, en 1893, il peint son tableau le plus célèbre. Le Cri, comme d’autres de ses œuvres plus tardives, devint une œuvre iconique de la modernité et conféra à Munch une position unique dans l’histoire de l’art.
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Edvard Munch : Autoportrait au bras de squelette 1895
1899
Le scalde – poète chanteur de la tradition médiévale scandinave – et chef de clan Snorri Sturluson a probablement écrit Heimskringla durant la première moitié des années 1230. Cette œuvre magistrale raconte l’histoire des rois de Norvège. Le texte couvre une longue période, depuis les origines mythiques jusqu’à la bataille de Re, dans la région du Vestfold, qui eut lieu en 1177. Cette édition illustrée – La Saga des rois de Norvège – parut en 1899 chez la maison d’édition J.M. Stenersens Forlag et rendit les histoires de Snorri accessibles au grand public. Les sagas ont non seulement été très lues, mais elles sont aussi devenues une source d’inspiration majeure pour la littérature norvégienne et notamment pour l’essor du roman historique.
Les éditeurs eurent l’idée de cette publication et contactèrent les illustrateurs Halfdan Egedius, Christian Krohg, Gerhard Munthe, Erik Werenskiold, Eilif Peterssen et Wilhelm Wetlesen. L’historien et philologue spécialiste de l’ancien norrois Gustav Storm fut engagé comme traducteur. On confia les illustrations à Werenskiold et le graphisme à Munthe. Ensemble, ils donnèrent à l’histoire médiévale norvégienne une forme visuelle nouvelle et reconnaissable, en tissant des liens forts avec l’imaginaire contemporain. Werenskiold se servit par exemple du célèbre explorateur Fridtjof Nansen comme modèle pour représenter le roi héroïque Olav Tryggvasson. Pour les décorations, Munthe, de son côté, utilisa de nombreux éléments graphiques typiques de l’art-nouveau, qui était très populaire dans le design et l’architecture d’intérieur de l’époque. La toute première phrase de l’œuvre de Snorri affirmait pourtant que « toute réutilisation des topoï de l’œuvre est interdite. »
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16 Snorri Sturluson: Sagas des rois de Norvège
Publié par la maison d’édition J.M. Stenersens Forlag, Kristiania (Oslo).
Hulda Garborg : La Maison bien tenue. Recettes et conseils pour un petit foyer (à la campagne), livre de cuisine
1899
La cuisine est entrée dans le monde de l’édition norvégien en 1845 lorsque Hanna Winsen publia son livre de cuisine Manuel pour les différents domaines de la vie domestique. Dans un essai célèbre, l’auteur Arne Garbor ironisa sur l’aisance matérielle que présuppose sans arrêt le livre de Winsen : « On prend... prend...prend...sans se soucier de savoir d’où peuvent venir tous ces biens. Et la maison est bien rangée. »
Hulda Garborg était davantage consciente que son mari de l’importance de cette approche pratique du travail domestique que l’on trouve chez Winsnes. Le livre de cuisine d’Hulda Garborg, La Maison bien tenue (1899), est le premier livre de ce genre écrit en néonorvégien. Dans son chapitre « La bêtise des hommes », Huldra Garborg s’inspire des livres de Hanna Winsnes. Mais Garborg tirait surtout son inspiration des idées issues de mouvements internationaux, notamment le végétarisme allemand. Elle se montre aussi innovante lorsqu’elle conseille de cueillir et de consommer les champignons, un aliment goûteux, sain et gratuit.
Hulda Garborg s’engagea en faveur de la défense de la culture populaire et œuvra pour créer des formes d’expression culturelle nationale communes. Elle fonda l’institution qui devint plus tard Det Norske Teatret (Le Théâtre Norvégien), un centre national de théâtre en néo-norvégien (le néo-norvégien étant la langue écrite basée sur l’observation des dialectes et systématisée par le linguiste Ivar Aasen). Elle participa à la diffusion des connaissances sur les costumes
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et les danses traditionnelles. La carte postale exposée dans le tiroir montre une Hulda Garborg comme icône nationale, en costume national traditionnel – le bunad – debout au milieu des bouleaux.
Publié dans le journal Le 17 mai, Kristiania (Oslo). Photographie de la carte postale : Eivind Enger.
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Une écrasante majorité des Norvégiens vota en faveur de la dissolution de l’union avec la Suède lors du référendum du 13 août 1905. 99,95% de la population souhaitait la séparation d’avec la Suède et seul 184 voix s’exprimèrent en faveur d’un maintien de l’union. Ce référendum démontra à la Suède que l’opinion du peuple norvégien était en parfaite adéquation avec la demande de dissolution de l’union exprimée par les députés norvégiens au Parlement le 7 juin. Cette demande avait été perçue par la Suède comme un véritable tremblement de terre politique. Les femmes norvégiennes, qui n’avaient alors pas encore le droit de vote, mirent en place une pétition nationale. Pour la première fois depuis 1380, la Norvège redevint un Etat totalement indépendant.
Trois mois plus tard, la Norvège vota de nouveau, cette fois pour décider du régime politique du nouvel Etat : la Norvège allait-elle devenir une monarchie ou une république ? Le résultat n’était pas aussi prévisible que lors du référendum du mois d’août, et le Parlement ne souhaitait pas organiser un second référendum qui risquait de conduire le pays vers le chaos politique. Mais les Républicains exigeaient d’être entendus, et le prince danois Carl, à qui on avait proposé de devenir roi de Norvège, souhaitait un vote de confiance. Le nouveau scrutin des 12 et 13 novembre posa l’alternative en des termes simples : « oui » ou « non » au prince Carl.
Il est impossible de ne pas remarquer la différence entre les deux bulletins de vote. « Oui » est écrit avec des lettres de grande taille, dans une typographie ronde et douce. Le bulletin « non » fait apparaître le mot en caractères plus petits et utilise une typographie anguleuse. 79% approuvèrent le fait de proposer la couronne de Norvège au prince Carl, et 21% étaient contre.
46 18 Bulletin de vote – oui ou non – du referendum sur la monarchie
1905
18 Le roi Haakon, la reine Maud et le prince héritier Olav arrivent en Norvège, enregistrement filmé
1905
Le 25 novembre 1905, deux semaines seulement après le vote, le prince Carl, désormais Haakon VII, arriva en Norvège avec la reine Maud et le prince héritier Olav. Ce fut non seulement un événement pour la Norvège nouvellement indépendante, mais aussi pour l’industrie cinématographique naissante.
De nombreux caméramans scandinaves suivirent la famille royale tout au long de son voyage depuis Copenhague à bord du navire royal « Dannebrog », puis, pour l’arrivée à Christiania, à bord du bateau à voile norvégien « Heimdal ». Il en résulta de plusieurs petits films d’actualité qui furent montrés dans les cinémas de la capitale quelques jours plus tard. L’extrait de film montré ici est l’une des nombreuses séquences enregistrées. Les images montrent combien les conditions d’enregistrement furent difficiles pour les cadreurs, gênés par la foule compacte et la neige. Il n’est pas toujours facile d’apercevoir le nouveau roi qui s’efforce d’apparaître fier et digne.
Les films de cette époque étaient courts et ne duraient généralement pas plus de quelques minutes. Les films d’actualité étaient donc un genre essentiel du répertoire cinématographique. Les films documentant cette journée font partie des enregistrements les plus anciens pour la Norvège, et l’arrivée du roi au pays est le premier événement politique officiel norvégien pour lequel on dispose d’un document filmé.
Film de Peter Elfelt. Plusieurs noms restent inconnus, mais il est possible que d’autres cadreurs aient participé à l’enregistrement.
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La loi norvégienne sur les images cinématographiques fut adoptée en 1913 et entra en vigueur un an plus tard. Cette loi rendait possible la censure les films et prévoyait la création d’une institution en charge de cette censure. Cette loi décida aussi d’un contrôle communal de l’exploitation des salles de cinéma. Avant 1913, c’était la police qui disposait du droit de censurer le théâtre, le cinéma et les spectacles de variété. Un agent de police était chargé de voir un spectacle le jour de sa première représentation et pouvait alors éventuellement décider de le censurer.
Les quatre fragments conservés du film muet Le Démon (1911), sont les extraits qui ont été censurés.
Le film fut produit par Jens Chr. Gundersen, propriétaire à l’époque de plusieurs salles de cinéma à Oslo. Le film fut réalisé au Danemark, ce qui donnait accès à de meilleurs studios d’enregistrement ou à des costumes plus couteux. Aux yeux de certains, le tournage au Danemark pouvait aussi laisser présager du caractère immoral du film. Le Danemark était connu pour ses productions aux mœurs légères. Les scènes censurées montrent des groupes de personnes qui s’amusent et font la fête, des moments érotiques et une danse de salon très suggestive. Dans le rôle d’un danseur, on peut reconnaître le célèbre peintre norvégien Per Krohg.
Le Démon fait partie des premiers films de fiction norvégiens produits entre 1911 et la loi de contrôle des images cinématographiques de 1913.
48 19 Le
Démon, extraits censurés du film 1911
Produit par la compagnie SA Norsk Films Kompani. Réalisation : Alfred Lind.
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1911
Le 14 décembre 1911, Roald Amundsen atteint le pôle Sud avec ses compagnons d’expédition Olav Bjaaland, Helmer Hanssen, Sverre Hassel et Oscar Wisting. Ils érigèrent une petite tente pour maquer et matérialiser le point du pôle, et Bjaaland prit toute l’équipe en photo devant la tente. Après seulement quatre jours sur place, ils firent demi-tour en direction du bateau « Fram » afin de s’assurer d’être les premiers à pouvoir rendre publique cette nouvelle. L’expédition avait été planifiée dans les moindres détails et fut également un événement médiatique mondial minutieusement mis en scène.
L’expédition britannique concurrente, menée par Robert F. Scott, atteint le pôle plus d’un mois plus tard, au moment où Amundsen et ses hommes n’étaient plus qu’à une semaine de marche de « Fram ». L’expédition de Scott trouva la tente et une lettre qu’Amundsen avait écrite au roi de Norvège, au cas où ils ne parviendraient pas à rentrer sains et saufs. Amundsen laissa également un message adressé à Scott dans lequel il lui demandait de poster cette lettre qui se trouvait dans une petite enveloppe de tissu cousu dans la même étoffe que la tente.
Tous les membres de l’expédition de Scott moururent pendant le voyage de retour. La lettre, qui se trouvait dans l’enveloppe de tissu, fut trouvée sur Scott, et fut ainsi la preuve qu’ils avaient aussi atteint le pôle.
50 20
Lettre
«
du pôle Sud » , lettre de Roald Amundsen au roi Haakon VII
20 Photographies de l’expédition antarctique
britannique 1912
Ces deux photographies montrent l’équipe de Robert F. Scott se tenant au point du pôle le 18 janvier 1912. Sur la première de ces images, on voit quatre hommes se tenant debout près de la tente norvégienne qui indiquait que le pôle Sud avait déjà été atteint ; sur l’autre photographie on voit l’ensemble des membres de l’expédition posant à côté des drapeaux britannique et anglais. On peut lire l’effort et la déception sur leurs visages. En voyant ces photographies un siècle plus tard, nous ne pouvons pas nous empêcher de penser qu’aucun de ces hommes ne survivra au voyage de retour.
Les négatifs ont été trouvés sur le corps sans vie de Scott et furent développés dès leur arrivée sur la base scientifique antarctique. La qualité des photographies est exceptionnelle. On peut voir jusqu’à la couture du tissu de la tente et le cordon de la caméra sur la main d’Edgar Evans. Les commentaires au dos des photographies sont écrits par le célèbre photographe Herbert Ponting, qui avait attendu le retour de Scott et de ses compagnons à la base. Plus tard, Ponting Scott commenta ces images comme étant « certainement les photographies les plus étrangement tragiques du monde ».
Au-dessus : Discovery of Amundsen’s tent at the South Pole by Captain Scott’s party. January 18th. 1912. This print was made from a negative in the roll film which lay for 8 months beside Scott’s body before it was found by the Search Party, & later developed.
En-dessous : Captain Scott, Dr Wilson, Captain Oates, Lieut Bowers and Petty Officer Evans at the South Pole. January 18th 1912. – This print was made from a negative in the roll ffilm which lay for 8 months beside Scott’s body before it was found by the Search Party, and later developed.
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C’est en 1931, pendant la turbulente période de l’entre-deux guerres, qu’est né le projet de dictionnaire encyclopédique destiné aux travailleurs. Il fut édité entre 1932 et 1936 par Jacob Friis et Tron Hegna et publié par la maison d’édition du Magazine des Travailleurs. Les articles furent rédigés par des membres du groupe Mot Dag (L’Aube), une organisation d’abord associée au Parti des Travailleurs puis au Parti Communiste, avant de devenir une organisation révolutionnaire indépendante en 1929.
Le Dictionnaire des travailleurs avait la volonté d’être un contre-dictionnaire, une alternative aux dictionnaires encyclopédiques ordinaires qui reflétaient davantage la culture bourgeoise dominante. L’idée derrière ce dictionnaire est que la constitution et la formulation des savoirs n’est jamais politiquement neutre. Le projet norvégien suivait en cela le modèle de la Grande Encyclopédie soviétique. L’objectif était d’éclairer la classe ouvrière à partir « du regard critique propre » au mouvement ouvrier en ce qui « concerne l’état de la société et son évolution ».
Le logo au dos du livre suggère un point de vue singulier sur la connaissance : la lecture ouvre la voie vers une compréhension de la société et vers l’autoémancipation.
52 21 Dictionnaire
I-VI
des travailleurs, volumes
1932–1936
Publié par la maison d’édition du Magazine des Travailleurs, Oslo.
21
Entrées du dictionnaire : « avortement » et « abortus provocatus »
Avec sa reliure demicuir et son classement de mots par ordre alphabétique, le Dictionnaire des travailleurs ressemble à un dictionnaire conventionnel. Mais on comprend vite la différence lorsqu’on observe le choix des mots référencés et le contenu des articles.
Publié par Aschehoug en 1907 et connu pour être le premier dictionnaire national de Norvège, le Dictionnaire norvégien illustré de conversation (à droite), donne du mot « avortement » une définition physiologique et médicale. Le Dictionnaire des travailleurs propose de son côté deux entrées différentes pour la même notion. On retrouve le mot « avortement » défini dans une perspective médicale, et on trouve également l’expression « abortus provocatus », l’avortement provoqué, décrit selon une perspective sociale autant que médicale. Cette définition prend en compte les dimensions politique, historique et juridique.
« C’est donc toujours et d’abord les femmes pauvres de la classe ouvrière qui sont contraintes de sacrifier leur vie et leur santé sur l’autel du code pénal bourgeois ». C’est avec ces mots que l’auteur de l’article et futur directeur de l’Agence nationale de santé publique Karl Evang formule une critique frontale des lois de l’époque interdisant la contraception et prévoyant une peine pouvant aller jusqu’à trois ans de prison en cas d’avortement. Dans le même article, Evang critique aussi l’Église et accuse la société réactionnaire et bourgeoise d’empêcher la limitation des naissances, ce qui entraîne le maintien d’un taux de natalité élevée au sein de la classe ouvrière. Pour Evang, le modèle à suivre est l’Union Soviétique, où la contraception et l’avortement étaient légaux.
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d’information du 9 avril
1940 et bulletin d’information de Londres du 7 mai 1945, NRK (chaîne de radio nationale norvégienne)
1940 et 1945
La chaîne de radio publique norvégienne NRK a été fondée en 1933, cinq ans après le lancement des premières émissions de radios en Norvège. En très peu de temps, ce nouveau média étendit son influence et remplit un rôle d’unification sociale.
La radio a joué un rôle décisif lorsque la Seconde Guerre mondiale éclata en Norvège. Le 9 avril 1940, NRK annonça que les Allemands avaient commencé à envahir le pays et avaient pris possession de plusieurs villes. C’est notamment le journaliste Toralv Øksnevad, bientôt connu comme « la voix de Londres » , qui fit cette annonce. L’envoyé allemand aurait encouragé la Norvège à n’opposer aucune résistance. Le gouvernement répondit à cette proposition par un « non » unanime.
Pendant la guerre, NRK a continué de diffuser ses programmes depuis Londres, où le gouvernement et la famille royale étaient exilés. En Norvège, la puissance allemande d’occupation confisqua les récepteur radio à l’automne 1941.
Cinq ans plus tard, le 7 mai 1945, le poète et homme de radio Hartvig Kiran annonça la capitulation allemande sur les ondes de NRK. A la fin de cette diffusion, on entendit seize mystérieux messages tels que « Tobent rev » (Renard à deux pattes), « Kalvedans til frokost » (Danse de veau pour le petit-déjeuner) et « Kjærlighet uten strømper » (Amour sans chaussettes). Il s’agissait de messages codés adressés à Milorg et aux agents secrets britanniques présents en Norvège. On put aussi entendre au cours de cette émission un signal en morse annonçant victory.
54 22 Journal
radiophonique
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1. Journal radiophonique d’information du 9 avril 1940 | 41:30.
2. Informations de Londres du 7 mai 1945 | 3:11.
Georg W. Fossum : Déportation des Juifs de Norvège, négatif de film, 35 mm
1942
529 Juifs norvégiens furent déportés le 26 novembre 1942 depuis le port d’Oslo. Le bateau de marchandise allemand « Donau » quitta Oslo l’après-midi et arriva quelques jours plus tard à Stettin. Le voyage se terminait à Auschwitz, où la plupart des déportés étaient aussitôt assassinés dans les chambres à gaz. Il y eu 9 survivants parmi les 529 déportés. La déportation fut organisée par la police norvégienne en collaboration avec la force d’occupation allemande.
Georg W. Fossum s’approchait de la trentaine en 1942. Il photographia Oslo pendant la guerre à la demande du groupe de résistance intérieure. Un membre de la police l’avait informé qu’un événement important était sur le point d’avoir lieu sur le port. Il s’y rendit ce jour de novembre. L’image montre un groupe de personnes qui se tiennent debout, dos à la caméra, regardant le Donau en train d’effectuer une manœuvre pour quitter le quai de Vippetangen. L’île Hovedøya est à l’arrière-plan.
L’image ne fut pas rendue publique avant le 26 janvier 1994. Elle parut à cette date dans le journal quotidien Aftenposten, après que la journaliste Liv Hegna avait mené une enquête pour retrouver des photographies témoignant de la déportation. Pendant la guerre, le mouvement de résistance intérieure dépêcha un messager pour envoyer les pellicules photographiques à Stockholm. Le messager fut démasqué et les pellicules restées en Norvège ne furent probablement pas développées avant la fin de la guerre.
Cette photographie rappelle aujourd’hui à la société norvégienne sa participation à l’extermination des Juifs d’Europe.
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23
1971
Après trois années de prospection sur le plateau continental, la compagnie pétrolière Phillips Petroleum Company trouva à l’automne 1969 le plus grand gisement pétrolifère du monde. Ce gisement fut baptisé Ekofisk. Au départ, les géologues ne savaient pas ce qu’Ekofisk pouvait rapporter, mais les essais de production montrèrent que l’extraction pouvait s’avérer extrêmement rentable. Le 9 juin 1971, le premier ministre Trygve Bratteli visita la foreuse mobile Gulftide accompagné de plusieurs députés et membres du gouvernement ainsi que d’invités de marque norvégiens et étrangers. Cette visite marqua le lancement officiel de l’exploitation de ce gisement.
« Ce jour deviendra peut-être un jour mémorable dans l’histoire de notre économie » , déclare Bratteli dans ces images tirées du journal télévisé. « J’espère que les espoirs que nous mettons dans la production pétrolière seront comblés. » Après un discours assez court, il tire un petit rideau et dévoile une plaque accrochée sur un côté de la foreuse. Cette cérémonie, très sobre, marque le point de départ d’une aventure économique destinée à changer profondément la société norvégienne.
L’industrie pétrolière ne transforma pas seulement l’économie du pays, mais également le rôle et la place de la Norvège dans le monde.
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24 Ouverture officielle du gisement pétrolifère Ekofisk, NRK, Journal télévisé
N.B. : les vingt premières secondes de cet extrait télévisé n’ont que le son et pas d’image.
Arvid Sveen: « Protection durable de la rivière Alta-Kautokeino », affiche
1979
En 1968, l’Agence Norvégienne pour le Réseau Hydrographique et pour l’Energie Hydraulique rendit public un projet d’aménagement du réseau hydrographique d’une zone située au nord de la Norvège et s’étendant entre Alta et Kautokeino. Ce projet se heurta vite à une résistance massive et organisée. L’aménagement initialement prévu aurait eu de lourdes conséquences sur l’environnement, les habitations et les intérêts locaux, notamment sur l’élevage de renne. Une pétition contre ce projet d’aménagement fut lancée en 1978 et rassembla 15000 signatures. Le Parlement ignora cette opposition populaire et ratifia le projet qui devait entre autres comporter un barrage de 110 mètres de hauteur sur le fleuve Sautso, connu pour sa faune exceptionnelle.
Le conflit s’intensifia. En 1979, un groupe de Samis s’opposant au projet commença une grève de la faim devant le Parlement, et des activistes parvinrent à bloquer le démarrage des travaux. Dans le même temps, ce conflit qui était perçu au départ comme une affaire locale et nationale, commença à éveiller l’attention du jeune mouvement international de défense des droits des peuples autochtones. L’affiche d’Arvid Sveen fait apparaître le fleuve Alta telle une frontière entre deux mondes, un monde de destruction d’un côté et un monde de protection de l’autre, d’un côté l’industrie et les élites d’État, de l’autre le secteur primaire de l’économie et la population locale.
La politique norvégienne à l’égard des Samis avait pendant longtemps prôné un objectif d’assimilation. L’affaire Alta-Kontokeino marqua un tournant majeur dans l’histoire des relations entre les Samis et le
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pouvoir central norvégien. En effet, suite à cette affaire, un nouveau cadre législatif fut voté, la constitution fut amendée et le Parlement Sami fut inauguré en 1989, deux ans après la mise en service de l’installation hydraulique.
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© Arvid Sveen / BONO 2021.
Darkthrone: A Blaze in the Northern Sky, LP 1992
Le deuxième album du groupe Darkthrone – A Blaze in the Northern Sky – est sorti pendant l’hiver 1992. Avec d’autres groupes comme Mayhem, Darkthrone a défini le genre musical qui sera connu plus tard comme « le black metal norvégien » .
Cet album mêle un ton sérieux, grave, et une grande théâtralité. La couverture de l’album A Blaze in the Northern Sky est une photographie à gros grain montrant un membre du groupe maquillé en cadavre au milieu d’un cimetière. Les sonorités sont agressives et répétitives, l’enregistrement est grésillant, les voix gutturales et éraillées. Les textes parlent de la mort, de grands guerriers, de sépultures et de paganisme. La chanson « The Pagan Winter » s’ouvre sur une adresse au diable : « Horned master of endless time / Summon thy unholy disciples ».
Le black metal norvégien est longtemps resté une culture musicale réservée à un cercle restreint d’initiés. Au cours des années 1990, un public plus large a peu à peu commencé à s’intéresser à des variantes de ce genre, à la suite notamment de meurtres et d’incendies d’églises qui firent la une des journaux. Un peu plus tard, certains groupes de black metal ont cherché des formes d’expressions plus commerciales pour atteindre la reconnaissance d’un public encore plus large. Mais le groupe Darkthrone est resté en marge de ce mouvement. A Blaze in the Northern Sky sortit juste avant les scandales et les événements tragiques qui attirèrent l’attention sur ce genre musical. Le groupe a toujours tourné le dos à la tendance commerciale et à la scène musicale grand public. Il n’a pas donné de concert depuis les années 1990.
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Paru chez Peaceville Records.
1. «Kathaarian Life Code» | 10:35
2. «In The Shadow Of The Horns» | 6:58
3. «Paragon Belial» | 5:22
4. «Where Cold Winds Blow» | 7:21
5. «A Blaze in the Northern Sky» | 4:53
6. «The Pagan Winter» | 6:34
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L’entreprise Oslonett fut fondée en 1991 et fut d’abord utilisée dans le milieu informatique de l’Université d’Oslo, là où internet était utilisé comme plateforme de recherche. L’entreprise distribuait internet à des personnes privées et à des petites entreprises, et donnait également des cours pratique d’utilisation des nouvelles technologies. En 1993 fut lancée le premier site internet commercial norvégien, www.oslonett.no.
Lors des Jeux Olympiques d’hiver de Lillehammer de 1994, le site Oslonett afficha les résultats des compétitions en temps réel. Ce fut un immense succès : au cours de la première journée, en plein milieu du mois de février, le site Oslonett fut visité 130000 fois, ce qui est un chiffre remarquablement élevé pour cette époque, même à l’échelle internationale. À l’automne de la même année, le site couvrit également le référendum européen. Ces deux événements sont révélateurs de la précocité avec laquelle un nombre assez important de foyers Norvégiens se connectaient quotidiennement à internet, déjà à cette époque.
En 1995, Oslonett lança le moteur de recherche Kvasir, sur le modèle du géant américain Yahoo!. Kvasir était un portail typique de cette époque : en plus du bandeau habituel de recherche par motsclés, il disposait d’un menu déroulant présentant des liens hypertextes. La même année, Oslonett fut racheté par Schibsted, ce qui marqua le premier pas de cette entreprise de média.
62 27 www.oslonett.no 1994
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2016
Ecrite et réalisée par Julie Andem et produite par la chaîne publique nationale NRK P3, la série SKAM, diffusée sur internet, fut lancée à l’automne 2015. Cette série devint rapidement un phénomène social, particulièrement parmi les jeunes. Elle attira un peu plus tard des spectateurs de toutes classes d’âge avant de devenir finalement un phénomène international.
La série SKAM – « HONTE » – nous plonge dans le quotidien d’un groupe d’amis fréquentant le lycée Hartvig Nissen situé à Frogner, un quartier huppé de l’ouest d’Oslo. La série comporte quatre saisons et s’est rendue célèbre en s’intéressant à la culture adolescente et en abordant des thèmes difficiles comme l’homosexualité, le viol, les maladies psychiatriques ou la religion. SKAM était diffusée directement sur le site de la série. Les spectateurs pouvaient suivre quotidiennement, heure après heure, les instants de vie publiés en temps réel sous forme de vidéos, mais aussi de messages échangés sur des réseaux sociaux entre les personnages. Chaque semaine, les extraits vidéo étaient rassemblés en un épisode diffusé à la télévision. Les personnages fictifs de la série disposaient tous de profils réels sur des réseaux sociaux comme Facebook et Instagram – une manière inédite d’inscrire la série dans la sphère publique. Pendant la diffusion de la saison 2, qui montrait l’histoire d’amour entre Noora et William, des centaines de milliers de spectateurs suivirent et s’engagèrent sur le mot-dièse #WILLIAMMÅSVARE (« William doit répondre »).
64 28 SKAM, manuscrit du scénario
de la saison 3
La troisième saison suivait le parcours d’Isak qui, après une période de déni, comprend peu à peu qu’il est tombé amoureux de son camarade Even. Les commentaires d’Andem sur les manuscrits montrent qu’une partie des scènes était improvisée.
La Bibliothèque Nationale reçut en 2018 les manuscrits des épisodes 3 et 8 de la saison 3. Les documents présentés étant sensibles à la lumière, ils ne seront pas montrés en même temps, mais successivement, pour garantir une meilleure conservation.
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2016
L’adolescence est une période très intense au cours de laquelle on se questionne sur son identité. On se demande qui l’on est, à quel(s) groupe(s) on appartient, qui on veut devenir, et bien sûr qui on peut devenir. Et la personne dont on tombe amoureux peut jouer un rôle décisif.
Isak, interprété par Tarjei Sandvik Moe, est le personnage principal de la saison 3 de SKAM. Cette saison est centrée sur une histoire d’amour entre deux garçons. La relation entre Isak et Even, interprété par Henrik Holm, est semée d’embûches, mais ce n’est pas nécessairement l’homosexualité qui rend les choses compliquées pour eux. Le plus important, c’est surtout la relation qu’Even entretient déjà avec une autre personne, et le fait qu’il est traversé par des périodes maniaques. Isak, de son côté, a une relation compliquée avec ses parents, et notamment sa mère, qui ne cesse de lui envoyer des messages de propagande chrétienne. Et en même temps, cette troisième saison étudie comment, en 2016, le fait de s’éloigner de la norme hétérosexuelle impose des défis supplémentaires et ne va pas sans des questionnements sur son identité.
66 28 SKAM,
extrait de l’épisode 3 de la saison 8, NRK.
Extrait vidéo tiré des archives de NRK.
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Karpe Diem : Salut Montebello
2015–2017
Le duo de hip-hop Karpe Diem (devenu simplement Karpe à partir de 2017) rassemble Chirag Rashmikant Patel, qui a grandi à Oslo et dont les parents sont indiens, et Magdi Omar Ytreeide Abdelmaguid, qui a également grandi à Oslo et dont la mère est norvégienne et le père égyptien. Déjà sur leur premier album (Glasskår (Eclats de verre), 2004), ils parlaient dans leurs chansons de leur vie en tant que jeunes norvégiens d’origine étrangère.
Salut Montebello (Heisann Montebello) est considéré comme le projet le plus politique du duo : trois singles sont sortis en novembre 2015. Dans l’un de ces morceaux, le ministre de la Justice de l’époque, Anders Anundsen, est traité de « lâche ». Entre février et juin 2016, trois nouveaux morceaux sont sortis. « Gunerius » sortit en août et referma provisoirement l’album. Tous les singles furent lancés avec un clip vidéo, et rassemblés par la suite dans un coffret collector. En décembre 2017, après quatre projections exclusives au cinéma du film musical expérimental Adieu Montebello (Adjø Montebello), le duo sortit deux chansons encore plus provocantes : « Dup-i-dup » et « Rett i foret ».
Dans la vidéo de « Gunerius », on peut voir un montage de films familiaux datant de l’enfance des deux garçons, mêlés à des images de la Norvège dans laquelle ils ont grandi par la suite : un débat politique entre Gro Harlem Brundtland (figure du Parti Travailliste trois fois Première ministre entre 1981 et 1996) et Kåre Willoch (figure du Parti conservateur et Premier ministre entre 1981 et 1986), des manifestations de soutien ou d’opposition à l’Union Européenne, des plateformes pétrolières, l’ordination épiscopale de Rosemarie Köhn (première femme évêque de l’Eglise
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29
de Norvège en 1993), le meurtre raciste d’Arve Beheim Karlsen. Magdi dit : « Je danse sur la corde raide, tendue entre mon ambition et ma soif de consommer. »
1. «Au Pair» (« Jeune fille au pair ») Réalisation: Kristian Berg | 5:45
2. «Hvite menn som pusher 50» (« Mâles blancs au bord de la cinquantaine »). Réalisation : Marie Kristiansen | 4:01
3. «Lett å være rebell i kjellerleiligheten din» (« Facile de faire le rebelle dans sa cave »).
Réalisation: Kavar Singh | 5:12
4. «Hus/hotell/slott brenner» (« La maison/ L’hôtel/Le château brûle »). Réalisation: Stian Andersen 4:39
5. «Attitudeproblem» (« Problème d’attitude »).
Réalisation: Torgeir Busch, Thea Hvistendahl et Kristoffer Klunk | 5:01
6. «Den islamske elefanten» (« L’éléphant musulman »). Réalisation: Thea Hvistendahl | 7:32
7. «Gunerius» . Réalisation: Erik Treimann | 6:18
8. «Dup-i-dup». Son seulement / Audio only. | 2:36
9. «Rett i foret » (« Argent sale »). Son seulement / Audio only. | 4:18
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Publié par Karpe Diem DA.
1871–1994
Tous les ouvrages traitant de l’histoire du débat public norvégien rassemblent les récits d’événements passés, et ouvrent souvent aussi tout un spectre de futurs possibles. La Bibliothèque Nationale, en conservant des documents ayant une importance historique, se trouve aussi être un lieu qui conserve les différentes visions du futur qui ont existé dans la société à différentes époques. La Bibliothèque conserve en effet des idées du futur qui ont donné lieu à des publications. Ces magazines à faible tirage témoignent d’une grande variété de mouvements populaires norvégiens ayant combattu pour un futur différent.
Plusieurs des thèmes de combats abordés dans ces ouvrages ont effectivement conduit à des transformations sociales. On peut penser par exemple à la lutte pour reconnaître aux femmes le droit de devenir députées à l’Assemblée ou bien le combat pour maintenir la Norvège en-dehors de l’Union Européenne. D’autres combats, comme celui qui demandaient au Roi de quitter le palais royal en vue de la réappropriation de ce lieu par la population, sont demeurés lettre morte et apparaissent aujourd’hui comme de simples curiosités historiques. D’autres combats ont joué un rôle plus important dans la société civile et apparaissent aujourd’hui en retrait des débats majeurs. C’est le cas notamment des mouvements populaires chrétiens norvégiens ayant œuvré en faveur des missions d’évangélisation et pour l’affirmation de la Norvège comme communauté chrétienne de croyants.
70 30 Mouvements populaires politiques et religieux, (magazine à faible tirage)
Les mouvements populaires politiques, religieux et idéologiques sont devenus des vecteurs d’influence politique majeurs au cours du XIXème siècle. Ces mouvements ont transformé en profondeur la Norvège en rassemblant de grands groupes d’individus autour de causes communes. Les débats et les échanges d’arguments qui ont eu lieu tout au long de l’histoire de ces mouvements associatifs donnent beaucoup à réfléchir. On peut se souvenir par exemple du débat initié par Riksmålsforbundet, l’Association pour « la langue du royame » (bokmål) qui s’est battu dans les années 1960 pour que « le peuple s’exprimant en langue du pays » obtienne « un statut et des droits comme groupe linguistique » – une pensée des droits qui devait par la suite influencer d’autres mouvement de défense de minorités.
EXPOSITION
Design : Nissen Richards Studio
Lumière: Studio ZNA
L’exposition est réalisée avec le soutien économique de Eckbos Legat et Sparebankstiftelsen DNB.
CATALOGUE
Design : Superultraplus Designstudio AS
Impression : Erik Tanche Nilssen AS
Traduction : Nicolas Pottier Casado