Le Courrier de l'Atlas n°11

Page 1

Le magazine du Maghreb en Europe

Numéro 11

DOSSIER

p. 20

Palestine LES CLEFS POUR COMPRENDRE

MODE Des caftans féériques à Bruxelles p. 78

E D G N I P AP Z D N A LE GR

R U O M U L’H ÉBIN R H G MuAand ils rienst! Q x-même d’eu os,

, Bed Booder uche, Carto halil aK Rachid tres… u et les a vrent s li Ils nour very leu

f” u o t s e “B

COUV_11_3.indd 1

FOOT Spécial CAN 2008 p. 72

ISLAM

Version féministe p. 68

PLAN

BANLIEUE Nos propositions p. 28 N°11 BELGIQUE : 3,40 € MAROC : 20 DH Janvier 2008 L 15364 - 11 - F: 2,50 €

18/12/07 14:05:42


Le magazine du Maghreb en Europe

Un mensuel d’actualité politique, économique, de société et culturel en France et au Maghreb

! S U O -V Z E N N O AaB 0 4 3 3 3 4 3 5 )1 (0 3 3 0 0 u

OFFRE SPÉCIALE 2008

FRANCE

Profi rofitez de l’offre spéciale 2008 en vous abonnant pour un an (11 numéros) au prix de 20 € au lieu de 27,50 € (soit 7,50 € d’économie)

OFFRE SPÉCIALE MAROC Profi rofitez de l’offre spéciale Maroc en vous abonnant pour un an (11 numéros) au prix de 350 DH, (frais de port inclus)

OFFRE SPÉCIALE BELGIQUE Profi rofitez de l’offre spéciale Belgique en vous abonnant pour un an (11 numéros) au prix de 30 €, (frais de port inclus), au lieu de 37,40 €


26, rue de Chambéry, 75015 Paris Tél. : 01 53 43 33 40 Fax : 01 47 42 06 47 Pour joindre votre correspondant, composez le 01 53 43 33 suivi des deux derniers chiffres entre parenthèses. Par mail, taper l’initiale du prénom suivie du nom@dmpresse.com

Sommaire n° 11 Janvier 2008 LUS EN P lans

sp Les Bon rrier du Coutlas de l’A 7 page 7

78

LES CAFTANS DÉFILENT À BRUXELLES

News 4 6 8 10 12 14 16 18

Editos Courrier des lecteurs Chronique Arrêt sur image Têtes d’affiche News Monde News éco News Maghreb

Eco et politique 20 28

Ont collaboré à ce numéro : Allan Barte, Selwa Bergach, Charles Bernard, Myriam Blal, Siham Bounaïm, Naceureddine Elafrite, Thomas Goubin, Malika Guillemin, Léo Huisman, Fatima Khaldi, Sarah Kerjean, Nadia Lamlili, Leïla Mouchajaa, Khaled Olhocine, Najib Refaïf, Mohamed Sghir Janjar, Valérie Siddahchetty, Zouz. Responsable commerciale : Fatima Akkaoui (55) Chargé de publicité : Anthony Kenniche (51) Assistante de la rédaction : Samira Ben Bella (40) Régie publicitaire : MediaObs, 44, rue Notre-Dame-des-Victoires, 75002 Paris. E-mail : la première lettre du prénom + le nom suivi de @mediaobs.com Fax : 01 44 88 97 79 Directeur général : Corinne Rougé. Assistante : Marie-Noëlle Maggi 01 44 88 93 70 Directeur de publicité : Raymond Marcadet – 01 44 88 97 74 Diffusion : MLP 33, avenue de la République, 75011 Paris Service des ventes Promévente : Lauric Monfort contact : Stéphanie Lecornec – 01 55 51 83 65 (réservé aux dépositaires de presse) Service abonnements, Logodata 50, rue Notre-Dame-de-Lorette, 75009 Paris – 01 55 31 03 15 lecourrierdelatlas@logodata.fr Informatique : allom@tique Tél. : 01 40 36 08 58 et www.allomatique.com Photogravure. Quart de pouce : 5, rue Olof-Palme, 92110 Clichy Tél. : 01 41 40 95 60 Imprimerie : FOT, Zac Satolas Green, Pusignan 69881 Meyzieu Cedex

Le Courrier de l’Atlas est édité par DM Sarl, 26, rue de Chambéry, 75015 Paris Société au capital de 1 500 000 €, ayant pour principaux actionnaires Akwa Group et Al Ameen Investment Dépôt légal : janvier 2007 Commission paritaire : 0412K88865 ISSN : 1955–7388 Le Courrier de l’Atlas est une marque enregistrée au nom de DM SARL propriétaire. Toute représentation, reproduction ou traduction, intégrale ou partielle, quels qu’en soient le procédé, le support ou le média, est strictement interdite sans l’autorisation de l’auteur ou de ses ayants droit. Directeur de la publication : Khalid Bazid

20

PALESTINE LES CLEFS POUR COMPRENDRE

DE APPING Z D N A LE GR

R U O M U L’H ÉBIN

38 40

Dossier 42

MAGHR

52 56

Quand ils rient d’euxmêmes !

60 62 64 65 66 68 70

Harragas : Le mal de mer algérien Les marchés arabes Si t’aimes voyager, va au marché Fait divers Qui veut la peau de Tewfik ? Témoignages Les relations avec la belle-famille Pour contre Le terme “islamophobie” L’@tlas du Web Les meilleurs sites Avis d’expert Les dangers du téléphone mobile Religion Le féminisme islamique Religion L’héritage en islam

Sport

52

HARRAGAS : LE MAL DE MER ALGÉRIEN

Quand les Maghrébins rient d’eux-mêmes

Société

42

Le Courrier de l’Atlas est partenaire de NUMÉRO 11 JANVIER 2008

31 32 34

72

Football CAN Ghana 2008

Culture, loisirs

88

RACHID TAHA L’AGITATEUR DE MÉMOIRE

78 82 84 86

88 90 92 94 96 98

Mode La féérie des caftans Testé pour vous J’ai (tenté) d’arrêter de fumer Art de vivre Le design à l’heure du thé Banc d’essai Télécharger légalement de la musique Musique Rachid Taha Musique Slam’aleikoum Ciné Big City et Rendition Livres Les années ventoline Agenda VIP

DR - Meyer/Tendance Floue - Zouz - Marco Di Lauro/AFP - Lorenvu/Sipa. Couverture : DR - AFP - Meyer/Tendance floue

Rédacteur en chef adjoint : Antoine Flandrin (46) Secrétaire générale de la rédaction : Amélie Duhamel-Al Roumi (77) Directeur artistique : Jean-Philippe Baert (72) Chef du service photos : Marie Andrieu (63) Secrétaire de rédaction : Mireille Peña (78) Rubrique Société : Yann Barte (47) Rubrique Economie et politique : Nadia Lamarkbi (73) Rubrique Culture : Yasrine Mouaatarif (75) Religion : Hanane Harrath (65), Mireille Peña (78)

Palestine : Les clefs pour comprendre Plan banlieue Les propositions du Courrier de l’Atlas Portrait : Razzye Hamadi CFCM L’institution fantôme Maroc Zoom sur les grands groupes Il raconte La victoire du FIS en Algérie IMA La renaissance de l’Institut du Monde Arabe

pour l’émission bimensuelle “Elan” le dimanche matin à 9 heures. LE COURRIER DE L’ATLAS 3


Par Antoine Flandrin

L

e Courrier de l’Atlas serait donc devenu le Paris Match des Maghrébins ? Nous serions le magazine qui donnerait à voir la communauté maghrébine de France uniquement à travers ceux qui réussissent. La critique est un peu courte. Mais elle revient assez souvent pour que l’on apporte quelques clarifications. Sans remettre en cause la qualité et le sérieux de l’hebdomadaire auquel nous sommes comparés, il nous appartient de montrer en quoi notre mensuel est original et possède une réelle identité. Rappelons notre ligne éditoriale, tout d’abord. Depuis la parution du premier numéro du Courrier de l’Atlas en février 2007, notre projet est resté le même : faire un news magazine destiné aux Maghrébins de France et aux amis du Maghreb. Un magazine qui donne la priorité aux sujets de proximité, sur le terrain sociétal, politique, économique, culturel, religieux et sportif. A travers des analyses, des enquêtes, des reportages, des portraits, des interviews et

des débats, nous essayons de vous rapporter l’actualité la plus inédite et la plus pertinente. Chaque mois, un dossier est consacré à un thème d’actualité en rapport avec vos préoccupations. Selon son degré d’intensité, le traitement de l’information est grave ou léger. En effet, la liberté de ton ne peut être la même selon que l’on parle des “zimigris en vacances au bled” ou de la montée de l’islamophobie en Europe. Nos valeurs n’en sont pas moins fortes. Moderne, ouvert et tolérant, nous défendons la laïcité, le refus du communautarisme et de toute crispation identitaire. Le but étant d’édifier et de consolider les passerelles entre la France et les pays du Maghreb en prônant une éthique très forte sur le statut de la femme et la modernisation de la société. Dans cette optique, nous nous efforçons de mettre en avant des talents, mais pas seulement. A travers les thèmes tels que l’immigration, l’identité nationale, l’islam, le terrorisme, la banlieue, c’est aussi l’histoire d’hommes et de femmes venus d’horizons divers que nous racontons.

PUBLICITÉ Les bonnes adresses

1428

on

amadan 29 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30

POP’tel publicité 01 46 71 75 15 RCS : 403 211 113

Pour vos annonces, contactez : akenniche@dmpresse.com au 01 53 43 33 51 fakkaoui@dmpresse.com au 01 53 43 33 55 PATISSERIE FINE ALGERIENNE - SERVICE TRAITEUR

Noces d’O r Les

Pâtisserie

CdA

N° 8

Algérienne

CdA

N° 8

CREATION - IMPRESSION :

N

Edito Clarifications

Maison de Qualité IVRY SUR SEINE

PARIS 20°

50, Boulevard Paul Vaillant Couturier tél : 01 46 70 80 23

48, Rue Ménilmontant tél : 01 43 66 55 15

Retrouvez-nous sur :

www.lesnocesdor.fr

IMMOBILIER

Prédateurs

Par Boujemâa Sebti (Casablanca)

Les Etats-Unis ne sont pas seulement la première puissance militaire de la planète. Ils sont la première puissance polluante. Comme on vient de le voir à Bali à l’occasion de la conférence internationale sur le climat, être une puissance polluante vous confère une position de force. Aucune négociation sur le climat ou l’environnement ne peut se conclure sans vous. Vous avez un droit de veto que ne renierait pas un Conseil de sécurité. 194 pays de la planète pourraient s’entendre sur une politique de lutte contre le réchauffement climatique : si le 195e, les Etats-Unis, ne signe pas, c’est comme si rien n’avait été fait. C’est la diplomatie de la capacité de nuisance. Prenons un indicateur : les émissions de dioxyde de carbone. En 2002, les EtatsUnis en ont produit plus de 5,8 milliards de tonnes, c’est-à-dire 37 000 fois plus que les pays du Maghreb réunis. Mais les émissions de dioxyde de carbone ne sont que la partie émergée de l’iceberg, si j’ose dire. Et les EtatsUnis sont un simple exemple. Les ressources naturelles limitées sont un patrimoine commun de l’humanité, dès lors que, par définition, elles ne sont pas inépuisables. Le pétrole, l’uranium, le poisson, les forêts, l’air, le climat ont été surexploités et ont servi de carburant à la croissance des pays industrialisés. Aujourd’hui, le principe du pollueur-payeur est universellement admis. Mais comment chiffrer les dégâts dans le domaine de l’environnement ? Et quid du passé ? Les pays du Nord ont une dette écologique à l’égard des pays du Sud et, faute d’un chiffrage, cela méritait juste d’être dit. Et cela fait du bien de le rappeler.

M. HACHEMAOUI Expert Technique et Immobilier Diagnostics Electricité, Gaz, Amiante, Plomb, DPE, Loi Carrez, Termites, PTZ, Etat des lieux. 40, bd de la République 92100 Boulogne mobile : 06 78 43 41 31 m.hachemaoui@expertisa-diagnostica.com 4 LE COURRIER DE L’ATLAS

VOTRE AVIS

contact@lecourrierdelatlas.com Le Courrier de l’Atlas 26, rue de Chambéry 75015 Paris

NUMÉRO 11 JANVIER 2008


Une sélection du “COURRIER DE L’ATLAS” Le magazine du Maghreb en Europe

Rap “Opération Freestyle Maroc” Cut Killer

Roman “L’allumeur de rêves berbères” Fellag

Le DJ multiplatiné d’origine meknassi Cut Killer jette une oreille sur les sons du bled et propose de faire découvrir le rap “rouge et vert” au public français. Une mixtape 100 % marocaine où l’on retrouve avec bonheur Aminofice, Casa Crew, Fez City Clan, Bigg ou encore Nores.

Un quartier populaire d’Alger, à l’aube des années 1990. La vie de Zakaria, écrivain sans talent, est aussi morne que ses écrits. Jusqu’au jour où il reçoit sa première lettre de menace. Cloîtré, il se met à observer ses voisins... Ed. JC Lattès, 14 €

Contes “Kalila et Dimna” Ibn Al Muqaffa Ce grand classique est à la littérature arabe ce que “Les Fables” de La Fontaine sont à la littérature française. “Le lion et le bœuf”, “Le corbeau et le cobra” et bien d’autres fables célèbres, dans une version richement illustrée. Pour les petits comme pour les grands. Tarik Ed. Coll. Zellige, 17 €

Raï “Best of” Khaled

Avis aux fans : avant l’album inédit tant attendu, le “King” nous sort un best of qui balaye sa longue et talentueuse carrière, de “Oran-Marseille” au plus récent “Benthi” en duo avec Mélissa, en passant par “Ne m’en voulez pas”. Et en bonus, deux inédits : “Premier amour” avec Lady Laistee et “La terre a tremblé”, écrit par Miossec.

1 an

20€

Le magazine du Maghreb en Europe

ABONNEZ-VOUS !

SEULEMENT !

Un mensuel d’actualité politique, économique et de société de France et du Maghreb

Ci-joint mon règlement de 20 € par chèque bancaire ou postal à l’ordre de DM SARL Paiement par carte bancaire.

Bulletin d’abonnement photocopiable, à compléter et à retourner sous enveloppe à Courrier de l’Atlas/Logodata - service abonnements 50, rue Notre-Dame-de-Lorette - 75009 Paris NOM ET PRÉNOM : .............. ADRESSE : . . . . . . .............. .............. CODE POSTAL : . . . VILLE : . . . . . . . . . PAYS : . . . . . . . . . E-MAIL : . . . . . . . . TÉLÉPHONE : . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

CB . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

Date d’expiration :

/

Cryptogramme (les 3 derniers chiffres du numéro figurant au dos de la carte bancaire) : Je préfère m’abonner et payer sur Internet sur le site http://abo.logodata.fr SIGNATURE OBLIGATOIRE :

Offre d’abonnement réservée à la France métropolitaine et valable jusqu’au 30/06/2008. Pour les tarifs étrangers, appelez le 0033 1 555 31 03 15. Conformément à la loi informatique et libertés du 06/01/1978, vous disposez d’un droit d’accès, de suppression et de rectification des données vous concernant en vous adressant au service abonnements du Courrier de l’Atlas. Celles-ci pourront être cédées à des organismes partenaires, sauf si vous cochez cette case


Courrier des lecteurs ECRIVEZ-NOUS, DONNEZ-NOUS VOTRE AVIS contact@lecourrierdelatlas.com

Divorcer C 9A quand on s’est marié au bled d

Revue

La Corse vers le monde

Azul (Courriel)

Réponse : Tout d’abord, le simple envoi d’une réquisition au service d’Etat civil de Nantes ne

s n°2 an ! - ser sr ora ay ine e F ép ac vu s d ér Rer vou us d vo u Po

D

ans Le Courrier de l’Atlas du mois de novembre, dans votre article intitulé “Comment divorcer ici quand on s’est marié au bled”, vous dites que les époux maghrébins mariés au pays peuvent divorcer en France par l’envoi d’une réquisition à Nantes (Affaires étrangères). Faut-il quand même faire une démarche auprès du tribunal de résidence ? Eclairez-moi. Merci.

ine sportif ou en dehors du doma gens tout de musical. Il s’agit par la société ; ” és lis à fait “invisibi ns poser question ce qui n’est pas sa s récemment, ou problème. Et, plu r les jeunes de su re j’ai publié un liv en banlieue, la banlieue, Grandir r des clichés. afin là aussi de sorti

’’

elli, Emmanuelle Sant che au CNRS, er chargée de rech ris. Pa , ed associée à l’In

La Corse vers le monde d

constater que vous et l’enfermement, journalistes font cette mais je tenaisles cepenContreJdifférenciez l’uniformisation Fora ! rapproche la région erreur à la télévision ou dant à vous féliciter de Kabylie l’Algérie. dans la presse écrite pour votre travail et cultures et faitetbriller leurs singularités. La Kabylie est une lorsqu’ils parlent d’une vous souhaiter une très région d’Algérie et personne de cette bonne continuation. Artistes, universitaires, journalistes, sportifs, entrepreneurs... non pas un pays à part région. Mais je ne Fora ! croise les regards et traverse les mers.

2 ns n° sa ! - er ra ys er Fo épa cin ue d éra ev us d R vo us ur vo Po

Danièle Maoudj ● Georges Ravis-Giordani ● Mourad Amdouni Jérôme Ferrari ● Michel Vergé-Franceschi ● Marcu Biancarelli n°2 - Hiver-Printemps 2008 7,50 €

9 771954 350008 Corse et Maghreb, côte à côte Danièle Maoudj ● Georges Ravis-Giordani ● Mourad Amdouni Jérôme Ferrari ● Michel Vergé-Franceschi ● Marcu Biancarelli n°2 - Hiver-Printemps 2008 7,50 €

9

6 LE COURRIER DE L’ATLAS

S

l’article uite à la lecture de de film consacré au projet ssine Ya documentaire de signaler de ets rm Bellatar, je me pe je me suis , ue log cio so e qu’en tant qu ux e à“ce qui s’en également intéressé des quelques stars sortent”, en dehors livre s’intitule on M très médiatisées. , dans l’immigration La mobilité sociale le, cia ion so il traite de l’ascens ent l’expliquer, uv pe i qu es us des ca

entière. Pourtant, ce m’attendais pas à cela La Kabylie La revue Fora ! élance la Corse vers le monde et vous faitduprendre malentendu n’existe de la part Courrier de est une région pas lorsque l’on parle l’Atlas. Je voulais vous C A d’Algérie 9 le large sans vous déraciner. des Berbères du Maroc. faire part de mon

Corse et Maghreb, La Corse vers le monde côte à côte

Revue

‘ ‘ Revue

suffit pas à prononcer un divorce. Les époux mariés au Maghreb et souhaitant divorcer en France doivent obligatoirement, comme tout autre couple, passer par le Tribunal de grande instance du lieu de résidence. Ensuite, une fois le jugement définitif de divorce rendu par celui-ci, il doit être communiqué à Nantes, soit par l’une des personnes divorcées soit – c’est en général le cas – par l’avocat et non directement par le TGI, nous signale Me Benmaad. Ce qui permet la transcription de la décision dans le pays où a été contracté le mariage. Nous espérons que ces éléments de réponse aideront à éclairer ce sujet complexe. A.-A.M.

CdA

N RTENT ° 8 CEUX QUI S’EN SO

771954

350008

e suis déçue de

Un grand nombre de

agacement à ce sujet,

S. B. (Courriel)

Numéro 2 (hiver-printemps) - Corse et Maghreb, côte à côte parution janvier 2008 Dialogue entre les deux rives de la Méditerranée, animé par La Corse versDanièle le monde Georges Ravis-Giordani, Maoudj, Mourad Amdouni, La revue Fora ! élance la Corse vers le monde et vous fait prendre Jérôme Ginette Cals , Salomé Attali-Ahmed, le large Ferrari, sans vous déraciner. Contre l’uniformisation et l’enfermement, Fora ! rapproche les Marcu Biancarelli... cultures et fait briller leurs singularités.

Revue

Artistes, universitaires, journalistes, sportifs, entrepreneurs... Fora ! croise les regards et traverse les mers.

La revue transculturelle corse est en vente chaque semestre et présente en kiosque en2Corse. Numéro (hiver-printemps) - Corse et Maghreb, côte à côte parution janvier 2008 Pour acheter Fora ! par correspondance, retrouver la liste des points de vente sur Dialogue entre les deux rives de la Méditerranée, animé par le continent,Ravis-Giordani, ou vous abonner :Danièle www.revue-fora.org Georges Maoudj, Mourad Amdouni, Jérôme Ferrari, Ginette Cals , Salomé Attali-Ahmed, Marcu Biancarelli...

La revue transculturelle corse est en vente chaque semestre et présente en kiosque en Corse. Pour acheter Fora ! par correspondance, retrouver la liste des points de vente sur le continent, ou vous abonner : www.revue-fora.org

NUMÉRO 11 JANVIER 2008



Chronique par Najib Refaïf

Telle est la réalité

T

Robyn Beck/AFP

out ce qui n’est pas fictif est factice”, où le Loft Story sur M6 a écrivait Paul Valéry. Les scénaristes été commenté en pred’Hollywood, en grève depuis le démière page du journal Le but du mois de novembre et jusqu’à Monde. On a appelé ça l’écriture de ces lignes, pourraient bien “un phénomène de société” brandir cet aphorisme valérien parmi leurs pour justifier les articles différentes bannières et mots d’ordre. dits intelligents. PourIl est vrai que le vocable “fictif”, sous la quoi pas, après tout ? On plume de Valéry, concerne davantage la noparle bien de “concept” pour ce type d’émission, tion de représentation des lois dans l’orgaau même titre qu’un rainisation d’une société d’ordre. Mais les sonnement de Spinoza. scénaristes américains en colère ne sont-ils Les concepteurs ont tôt pas aussi dans une certaine représentation fait de remplacer les de la société ? Sinon, que seraient les télésauteurs de scénarios. pectateurs d’Amérique – mais aussi Des personnes lambda d’ailleurs –, nombreux et accros, sans les deviennent des person- Grève des scénaristes ? Et la téléréalité remplaça la fiction… suites des séries telles que Desperate Hounages à part entière, sisewives et autres 24 heures chrono ? On aurait non des héros en plusieurs parties. Même le des gens désespérés, oisifs, en manque, Conseil de jurisprudence islamique en AraLanderneau intello germanopratin avait les agressifs et sans rêves. bie Saoudite. Faut-il ou non utiliser des yeux de Chimène pour Loana et roucoulait Imaginez une programmation où il n’y versets coraniques comme sonnerie de tédevant les pensées en formes d’onomatopées aurait que de l’info, de la météo, des pubs et léphone portable ? Selon un journal saoude Stevie et autres locataires pétomanes au ces émissions de casseurs de grèves nomdien – mais on ne sait pas si c’est une QI d’huître. Plus tard, on aura une académie mées “téléréalité”. Faut-il rappeler que ce bonne nouvelle –, figurez-vous que les oulépour des chanteurs sans voix, des danseurs concept – si l’on peut appeler ainsi une telle mas (docteurs en théologie) sont divisés sur sans quoi que ce soit, le tout coaché par des vacuité intellectuelle – date de la dernière la question. On rappellera, par ailleurs, que spécialistes en rien. La vacuité grève des scénaristes au début des oulémas bien allumés et furax d’Egypte érigée en star system. La télé des années 90 du XXe siècle. étaient déjà allés de leur condamnation le ‘concept’ de aura vécu là un moment his- contre Il a en fait infesté l’Europe via ces sonneries coraniques qualifiées Endemol, plus par mimétisme téléréalité mis sur le torique et le château abritant de “frivolité portant atteinte au caractère sacré l’académie sera classé monuintéressé que par nécessité. du Coran”. même plan qu’un ment hystérique. Devant l’intransigeance des Dans la foulée et afin de rester en phase Comment dès lors ne pas scénaristes grévistes, les chaîavec l’actu technologique sur le Net, ils ont raisonnement ressortir l’aphorisme de Vanes américaines qui diffuaussi fustigé (le doigt dans le Net) les pubs de Spinoza ! léry (Paul, pas François) lorssaient de la fiction, estimant pour le téléchargement payant sur la toile de qu’il parle de la facticité qui que la réalité dépasse toujours versets coraniques. D’autres oulémas plus la fiction, ont donc lancé des émissions pour avisés estiment, eux, que le téléchargement s’installe lorsque la fiction s’absente ? La réalité n’est pas le contraire de la fiction. Et lorsfaire concourir l’Américain moyen sous l’œil est une bonne pub pour “faire entendre la voix que la première passe par le tube cathodique de Dieu”. On attend avec impatience qu’Al téléguidé des caméras. Tout y passe : flirt, bidouillé par les manipulateurs de tuyaux et fantaisie, paresse, cupidité, épreuve de force, Jazeera ou MBC, la chaîne saoudienne, proautres pondeurs de “concepts” en lieu et de ruse, d’endurance ou de crapulerie. Tout gramment une téléréalité islamique réunisplace des auteurs de fiction, elle n’est que ce qui est mauvais chez l’homme est bon sant, pour en découdre à coups de fatwas, bulles éphémères, mousse évanescente et des oulémas de tout poil dans un loft halal. pour la télé ; tout ce qui est bon chez lui est autant en emporte le vent. mauvais pour l’audience. On voit d’ici le vote de sélection des candiRestons dans les tuyaux des technologies Et c’est ainsi que la réalité dépassera, en dats à sortir du loft et l’audience de tonnerre de l’information et plus précisément dans de Dieu que ça ferait. Et là, excusez-moi, effet, la fiction. Pour un temps seulement : celui de fourguer le schmilblick à certaines la téléphonie pour rapporter ce débat qui a Loana peut aller se rhabiller ! chaînes en Europe et en France, notamment, secoué récemment les théologiens du contact@lecourrierdelatlas.com

‘‘

’’

LE COURRIER DE L’ATLAS

NUMÉRO 11 JANVIER 2008


Une sélection de nos pages culture aghreb en Le magazine du M

Europe

ualité Un mensuel d’act mique politique, éconoté et de socié aghreb de France et du M

Rap “Opération Freestyle Maroc” Cut Killer

Roman “L’allumeur de rêves berbères” Fellag

Le DJ multiplatiné d’origine meknassi Cut Killer jette une oreille sur les sons du bled et propose de faire découvrir le rap “rouge et vert” au public français. Une mixtape 100 % marocaine où l’on retrouve avec bonheur Aminofice, Casa Crew, Fez City Clan, Bigg ou encore Nores.

Un quartier populaire d’Alger, à l’aube des années 1990. La vie de Zakaria, écrivain sans talent, est aussi morne que ses écrits. Jusqu’au jour où il reçoit sa première lettre de menace. Cloîtré, il se met à observer ses voisins...

Contes “Kalila et Dimna” Ibn Al Muqaffa Ce grand classique est à la littérature arabe ce que “Les Fables” de La Fontaine sont à la littérature française. “Le lion et le bœuf”, “Le corbeau et le cobra” et bien d’autres fables célèbres, dans une version richement illustrée. Pour les petits comme pour les grands. Tarik Ed. Coll. Zellige, 17 €

Raï “Best of” Khaled

Avis aux fans : avant l’album inédit tant attendu, le “King” nous sort un best of qui balaye sa longue et talentueuse carrière, de “Oran-Marseille” au plus récent “Benthi” en duo avec Mélissa, en passant par “Ne m’en voulez pas”. Et en bonus, deux inédits : “Premier amour” avec Lady Laistee et “La terre a tremblé”, écrit par Miossec.

1 an

20€

SEULEMENT !

Ed. JC Lattès, 14 €

! S U O -V Z E N N O B A

Ci-joint mon règlement de 20 € par chèque bancaire ou postal à l’ordre de DM SARL Paiement par carte bancaire.

Bulletin d’abonnement photocopiable, à compléter et à retourner sous enveloppe à Courrier de l’Atlas/Logodata - service abonnements 50, rue Notre-Dame-de-Lorette - 75009 Paris NOM ET PRÉNOM : .............. ADRESSE : . . . . . . .............. .............. CODE POSTAL : . . . VILLE : . . . . . . . . . PAYS : . . . . . . . . . E-MAIL : . . . . . . . . TÉLÉPHONE : . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

CB . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

Date d’expiration :

/

Cryptogramme (les 3 derniers chiffres du numéro figurant au dos de la carte bancaire) : Je préfère m’abonner et payer sur Internet sur le site http://abo.logodata.fr SIGNATURE OBLIGATOIRE :

Offre d’abonnement réservée à la France métropolitaine et valable jusqu’au 30/06/2008. Pour les tarifs étrangers, appelez le 0033 1 555 31 03 15. Conformément à la loi informatique et libertés du 06/01/1978, vous disposez d’un droit d’accès, de suppression et de rectification des données vous concernant en vous adressant au service abonnements du Courrier de l’Atlas. Celles-ci pourront être cédées à des organismes partenaires, sauf si vous cochez cette case


Arrêt sur image

Élection présidentielle

Le Liban en apnée

10 LE COURRIER DE L’ATLAS 11

NUMÉRO 11 JANVIER 2008


J. Barrak/AFP

L

e 17 décembre 2007, l’armée libanaise surveille une rue menant au parlement dans le centre de Beyrouth. L’élection présidentielle vient d’être ajournée une neuvième fois.

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

Depuis le 24 novembre, le pays n’a plus de chef d’Etat malgré les multiples efforts déployés par la communauté internationale pour convaincre les parties pro et anti-syriennes de procéder à un vote.

LE COURRIER DE L’ATLAS 11


Les échos de l’Atlas Le cercle de Salambô, l’association de Jamila Guizani, a collecté 70 000 euros pour l’accueil de parents d’enfants malades dans un hôpital de Sfax (Tunisie), à l’occasion de la soirée tunisienne organisée le 29 novembre à Boulogne-Billancourt. L’association souhaite étendre ce projet à l’Algérie et au reste du monde.

PORT TANGER MED

Des architectes français et marocains innovent à Tanger

IMA

Noura monte au 9e Le groupe de restaurants libanais Noura, déjà bien implanté dans la capitale, a repris la gestion du restaurant de l’Institut du Monde Arabe, à Paris. Outre l’établissement gastronomique situé au neuvième étage, le groupe reprend le Café littéraire et la cafétéria de l’IMA. En tout, un investissement d’un million d’euros, dont 75 % pris en charge par la marque.

Cabinet citoyen marocain

Saïd Hammouche

Chasseur de têtes des quartiers M. Fedouach/AFP

Avec Boujema Hadri, Saïd Hammouche est cofondateur d’APC Recrutement. Parce que le CV anonyme ne pouvait être la seule réponse pour donner leur chance aux jeunes des quartiers difficiles, APC “axe son action sur les compétences des candidats et non sur la diversité”. Le résultat est là : les quartiers font moins peur. SNCF, Gaz de France, Monster… tous font appel à ses services.

JEAN-MARIE

CAVADA

67 ANS, GIROUETTE. “Il y en a qui contestent, qui revendiquent et qui protestent, moi je ne fais qu’un seul geste, je retourne ma veste.” Cavada c’est “l’opportuniste” de Dutronc. Si le MoDem devient une vraie “chlada”, dire l’exact contraire de ce qu’on disait quelques mois plus tôt… Paris 12 vaut bien une messe à l’UMP. Justement, le voici tête de liste de l’arrondissement pour les législatives ! Pour émietter un peu plus le MoDem, il crée même une nouvelle structure.

À SUIVRE

HCH UMA !

La future gare maritime d’une grande personnalité”. passagers du port Tanger Des détails sont visibles sur Med sera conçue par un le site : www.tmsa.ma. groupement marocoJUSTICE SUR LE NET français d’architectes : Khalid Molato et Odile Decq ont été retenus par le jury La jurisprudence marocaine en ligne et du Concours national gratuitement ! Il s’agit pour l’initiatrice, maître d’architecture dans lequel Zineb Laraqui, du cabinet d’avocats Bassamat, de siégeait Jean Nouvel, “rapprocher un peu plus la justice du justiciable”. architecte conseil de Tanger Découvrez par thèmes (assurance, banque, foncier, Med. Le projet Molato-Decq droit du travail…) ou par mots clés les décisions de a été considéré par le jury justice au Maroc depuis 1957 ! comme “un geste www.jurisprudence.ma et www.cabinetbassamat.com architectural remarquable,

28 ANS, CHAMPION DE BOXE. Un titre olympique, une ceinture mondiale… Brahim Asloum, le petit protégé de Louis Acariès, est comblé. Sept ans après avoir décroché la médaille d’or des JO de Sydney en mi-mouche, il rafle le titre de champion du monde de boxe dans la même catégorie face à l’Argentin Juan Carlos Reveco. “Il est redevenu le grand technicien et le tueur qu’il avait su être pendant un mois en Australie”, dit de lui Mayhar Monshipour, exchampion du monde des super-coqs.

LIBERTÉ DE LA PRESSE DANS LE MONDE ARABE : DU CHEMIN À PARCOURIR

L

ourd bilan pour 2007. Plus de 100 journalistes ont trouvé la mort dans l’exercice de leur métier, dont près de la moitié en Irak, d’après l’Association mondiale des journalistes. Les journalistes arabes ont payé et continuent de payer un lourd tribut pour la sauvegarde de la liberté d’expression : condamnations abusives, violations des droits civiques, tortu-

12 LE COURRIER DE L’ATLAS

res, persécutions… Le second forum de l’Arab Press, qui s’est tenu en décembre à Beyrouth, a mis l’accent sur la nécessité de réformer le droit de la presse pour garantir aux journalistes leur indépendance. A la tribune, se sont succédé des patrons de presse, des journalistes, des blogueurs, des éditorialistes des 22 pays du Maghreb-Machrek. A l’instar du rédac-

teur en chef de l’organe mauritanien Al Aqsa, M. Abdel Vetah Abeidna, qui risque un an de prison et une amende d’un million d’euros pour diffamation à l’encontre d’un haut dignitaire, leurs expériences montrent que le chemin est encore long avant que les pays arabes ne reconnaissent l’absolue nécessité d’une presse libre et indépendante.

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

S. de Sakutin/AFP - V. Hache/AFP

Une association en or

BRAHIM ASLOUM

SOLIDARITÉ

WA U !



L’ancien musée des Arts d’Afrique et d’Océanie, porte Dorée, à Paris.

Kadhafi et la diplomatie du carnet de chèques

commandait la veille 14 avions Rafale. “J’ai vraiment eu l’impression d’assister à un exercice de prostitution”, jette Nicolas Dupont-Aignan. Des droits de l’Homme, il n’a d’ailleurs pas été question, selon Kadhafi qui dément ainsi les propos de Nicolas Sarkozy. “Quand on veut parler des droits de l’Homme, on en parle en public. En privé, ça n’a pas de sens, lance Jean-Christophe Lagarde, député-maire de Seine-Saint-Denis (Nouveau Centre). Quand Mitterrand va à Moscou, il parle publiquement de Sakharov.” Quant à la journaliste M. Hintermann, grand reporter à France 3, elle déclare que le colonel Kadhafi avait “tenté de la violer” et “menacée de mort” en 1984 à Tripoli. Kadhafi peut désormais maintenir son régime et perpétuer son pouvoir et celui de son fils.

presse

Italie

5 200

exigeant de tout ressortissant étranger la preuve d’un revenu et d’un logement suffisants pour pouvoir s’installer dans sa commune. Cinquante maires le suivent. Giorgio Bettio, conseiller municipal de la Ligue du Nord, propose même d’utiliser avec les immigrés “les mêmes méthodes que les SS. Pour chaque tort infligé à un citoyen de Trévise, il faut punir dix étrangers”. Joli programme !

C’est le nombre admis par le Pentagone de soldats américains ayant déserté depuis le début du conflit en Irak. La plupart franchissent la frontière canadienne pour tenter d’obtenir le statut de réfugié politique.

14 LE COURRIER DE L’ATLAS

G

L’arroseur arrosé

rillé, le “journaliste d’investigation” ? Après la diffusion du documentaire racoleur “J’ai infiltré le milieu asiatique” de Mohamed Sifaoui sur TF1 à Droit de Savoir, la polémique continue d’enfler. Plus de 60 associations ont protesté auprès de TF1 et RMC suite aux propos jugés insultants tenus par l’auteur du film. Sur RMC, Mohamed Sifaoui déclare : “La majorité des Asiatiques n’ont absolument rien à foutre de la communauté nationale. Ils sont là pour gagner de l’argent.” Mais cette communauté qu’il n’a

cessé, comme un leitmotiv, de décrire comme “discrète”, a finalement su faire beaucoup de bruit ! Même la Chine (Phoenix TV, l’agence Xinhua) a relayé l’affaire. On peut lutter contre le communautarisme et éviter de généraliser. Alexandre Lebrun, le protagoniste chinois, délinquant mégalo, s’est même payé sa tête sur son blog en expliquant comment il l’avait mené en bateau durant ce reportage digne d’un mauvais film de série B. Finalement, pour Sifaoui, les Chinois s’avèrent plus redoutables qu’Al-Qaida !

Après la diffusion sur TF1 de “J’ai infiltré le milieu asiatique”, Mohamed Sifaoui se fait de nouveaux amis... P. Pavani/AFP

I

La chasse aux étrangers

nterdiction de mariages aux immigrés sans permis de séjour, suppression des bourses pour les enfants extra communautaires, interdiction d’installation pour les plus pauvres… C’est un véritable concours nauséabond qui se déroule dans le nord de l’Italie entre les maires : qui prendra la mesure anti-immigrés la plus musclée ? Le maire Massimo Bitonci, de Cittadella, en Vénétie, lançait le mouvement avec un arrêté

Après le château de Versailles, le touriste Mouammar Kadhafi ira admirer les spendeurs de Cordoue et Grenade.

P. Kovarik/AFP

Que valent les droits de l’Homme face au carnet de commandes ? La visite en France de Mouammar Kadhafi, une semaine à peine après ses déclarations à Lisbonne justifiant le terrorisme, a fait grincer des dents. Seuls 25 députés et 15 sénateurs UMP se sont finalement rendus à la rencontre du numéro un libyen. “Le colonel Kadhafi doit comprendre que notre pays n’est pas un paillasson, sur lequel un dirigeant, terroriste ou non, peut venir s’essuyer les pieds du sang de ses forfaits”, déclarait Rama Yade, secrétaire d’Etat aux Droits de l’Homme avant de se faire remonter les bretelles par l’Elysée. “Qu’elle s’occupe de ses affaires : Sarkozy fait vendre des produits à l’étranger et c’est très bien”, lui répondait le PDG du groupe Dassault, à qui la Libye

NUMÉRO 11 JANVIER 2008


Verbatim

La presse est globalement de gauche. (...) Réjouissez-vous “ que des industriels investissent dans la presse plutôt qu’elle appartienne à des fonds de pension anglo-saxons ! ” Nicolas Sarkozy au “Nouvel Observateur,” 13 décembre 2007

école

A

Grande-Bretagne

Une charte éthique pour les mosquées

L’immigration cherche son histoire

bordée sous l’angle de l’apprentissage de la tolérance, du respect de l’autre… l’histoire de l’immigration n’est finalement quasiment jamais approchée à l’école sous l’aspect historique stricto sensu. C’est un enseignement diffus où se mêlent les questions contemporaines d’intégration, d’exclusion. C’est en substance ce qui ressort du rapport de l’INRP (1), rédigé sous la direction de Benoît Falaize, remis au CNHI (2). A l’école,

il est d’usage de demander les origines des élèves comme pour valoriser leurs différences, leurs richesses. C’est bien le problème : cette “stigmatisation positive” révèle en fait la difficulté, voire l’incapacité, de l’école à dire “nous”, un “nous collectif construit sur une histoire longue”.

L

es attentats suicides de Londres de juillet 2005 ont amené les principaux représentants des 2 millions de musulmans du Royaume-Uni à s’organiser pour se démarquer de l’islamisme radical. Après deux ans de réflexion, ils viennent d’élaborer un “code de bonne conduite” destiné aux 1 700 mosquées et 2 000 imams du pays. La

Le rapport complet en ligne : ecehg.inrp.fr (1) Institut national de recherche pédagogique (2) Conseil d’orientation de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration

Une charte pour améliorer le traitement médiatique des banlieues L’agence de presse Ressources urbaines et le Centre de formation des journalistes (CFJ) ont présenté le 7 novembre à l’Assemblée nationale une “Charte médias en banlieue”. Objectif : améliorer le traitement médiatique des banlieues afin de changer le regard de la presse sur les quartiers populaires en France. Une initiative soutenue par plusieurs associations et organes de presse (le Bondy blog, radio Générations, l’association La Cathode, le magazine “Fumigène”…). Un site : http ://www.ressourcesurbaines.info

chartre pose les termes de la transparence des financements des mosquées, de la formation des imams, des droits des femmes… Une initiative accueillie avec scepticisme par le Conseil français du culte musulman qui s’est toujours bien gardé par exemple de se positionner sur des questions comme la peine de mort ou l’apostasie. Le minaret de la mosquée de Birmingham.

Parti socialiste

F

aire élire au moins 1 000 candidats issus de la diversité parmi les 916 villes de plus de 10 000 habitants”, c’est l’objectif proposé par Fayçal Douhane, membre du Conseil national du PS, dans une note adressée à la commission électo-

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

rale du parti. Pour le militant, “au PS, les minorités sont encore sur le banc des remplaçants alors que la droite investit des candidats issus de l’immigration à La Courneuve, Aubervilliers ou Rennes”. Malek Boutih fait un constat analogue : “Le parti n’a ni la maturité, ni le fond politique, ni les convictions nécessaires pour placer ses représentants en tête de liste.” Jusqu’à présent, au PS, la “diversité” comme la “parité” ont plutôt servi de prétextes à règle-

ments de comptes internes entre les différents courants du parti (souvent au détriment des fabiusiens). C’est ainsi que Sophia Chikirou avait pu s’estimer “victime de la discrimination positive au PS”. Delanoë avait réussi à remplacer la candidate d’origine kabyle par George Pau Langevin, pourtant sans aucune implantation locale, au nom de la représentation des “Noirs vivants en métropole”. Aurait-elle dû constituer un lobby communautaire kabyle pour peser lors de ces investitures ? Elle s’y est toujours refusée. Alors, diversité ou communautarisme ?

C. Furlong/Getty Images Europe

S. de Sakutin/AFP

La diversité comme instrument

LE COURRIER DE L’ATLAS 15


news éco ‫ﻧﻴﻮز‬

contact@lecourrierdelatlas.com

Trois questions à Charles Riley président de Charles Riley Consultants International

Pourquoi avez-vous installé votre cabinet au Maghreb ? C’était une décision stratégique. Casablanca, Alger et Tunis sont à deux heures de vol de Paris et il s’agit de pays francophones. Ces dernières années, ils ont signé un accord de libre-échange avec l’Union européenne. Pour aborder cette phase, ils n’ont pas d’autre choix que de mettre à niveau leurs économies. Ils ont besoin de consultants pour les aider à conduire le changement.

Comment évolue votre activité ? Nous avons d’abord installé une filiale à Casablanca et à Rabat en 2003. Une entreprise laborieuse parce que nous ne connaissions pas le contexte local. Il nous a fallu deux ans pour mettre en place une structure compétente. Cette expérience nous a servi pour notre installation en Algérie en 2006. Les choses sont allées dix fois plus vite. Grâce au réseau que nous avions bâti en amont, nous avons réussi à instaurer une relation de confiance avec les Algériens. En ce qui concerne la Tunisie, les conditions d’installation ne sont pas encore réunies. Nous nous sommes positionnés sur quelques projets qui n’ont pas abouti. C’est le pays qui nous semble le plus fermé aux consultants et où

Bataille franco-marocaine

On s’arrache le verrier tunisien

L

Sacha Schuermann

es groupes marocains Sevam et français Saint-Gobain se disputent le rachat du bloc de contrôle de la Sotuver, principal verrier tunisien. Face à la décision des actionnaires majoritaires de la société tunisienne de céder 66 % de leur capital au groupe marocain, le géant français de la verrerie a saisi les justices française et tunisienne pour empêcher la cession. Après un vice de forme constaté par le juge français, Saint-Gobain a obtenu du tribunal de Tunis le gel de la transaction, provocant ainsi une importante chute du titre à la Bourse de Tunis.

16 LE COURRIER DE L’ATLAS

les processus de décision sont les plus lents. Quels sont les défis qui attendent les pays du Maghreb ? L’Algérie dispose d’un grand potentiel. Ce pays devrait avoir une croissance à deux chiffres. Mais il y a un vrai problème de ressources humaines, c’est-à-dire d’encadrement, de management et de pilotage. La vision et la volonté sont manifestes, les moyens aussi puisque l’Algérie va investir 90 milliards de dollars en cinq ans en grands projets. Mais le savoir-faire et les méthodes de gestion sont absents. Au Maroc, le roi Mohammed VI a eu la clairvoyance et le courage d’initier d’importantes réformes sociales car un des enjeux incontournables est de réduire le fossé qui existe entre

La Tunisie drague les touristes oranais Avec 950 000 touristes, l’Algérie constitue le troisième marché touristique de la Tunisie après la France et la Libye, pour l’année 2006. Ce chiffre vient d’être annoncé lors des Journées du tourisme tunisien qui se tenaient à Oran les 5 et 6 décembre dernier. Reste que ces vacanciers algériens ne sont que 240 000 à choisir des hôtels durant leur séjour en Tunisie, les autres préférant séjourner dans des pensions familiales ou passer les vacances chez des proches.

une élite flamboyante et le peuple qui peine. Les efforts sont louables au niveau des systèmes d’éducation et de santé. Mais il y a un vrai problème de pilotage et d’exécution pour pouvoir aller plus vite. En revanche, l’objectif des 10 millions de touristes en 2010 semble réaliste. A ce niveau, on constate partout des progrès significatifs. La Tunisie, pays plus petit et moins complexe, a accompli des progrès de modernisation. Mais un nouveau bond en avant s’impose au risque de s’enfermer dans un acquis remarquable, mais insuffisant. N’oublions jamais : une stratégie qui a réussi s’autocondamne. Son succès rend nécessaire un nouveau sursaut. Propos recueillis par Antoine Flandrin

Orly International.

DR

DR

pays du Maghreb ont besoin d’aide “Lespour conduire le changement. ”

Orly

L

Tapis rouge pour les PME marocaines

’association de professionnels français Orly International inaugurait le 6 décembre dernier un centre d’accueil des entreprises étrangères qui souhaitent s’implanter sur le marché européen. Le Maroc a été choisi comme plate-forme de démarrage du projet. Concrètement, les PME ou PMI bien structurées au Maroc et ayant une vision claire de leur activité en France ou en Europe pourront bénéficier d’avantages pendant un à vingt-quatre mois. Plus de 60 entreprises marocaines ont déjà répondu favorablement.

NUMÉRO 11 JANVIER 2008


1 an

20€

SEULEMENT !

Le magazine du Maghreb en Europe

ABONNEZ-VOUS ! 11 NUMÉROS POUR LE PRIX DE 8 NUMÉROS 2008 OFFRE SPÉCIA3LE mé nu ros offerts

Profi rofitez de l’offre spéciale 2008 en vous abonnant pour un an (11 numéros) au prix de 20 € au lieu de 27,50 € (soit 7,50 € d’économie) OFFRE SPÉCIALE MAROC Profi rofitez de l’offre spéciale Maroc en vous abonnant pour un an (11 n°) au prix de 350 DH, (frais de port inclus) OFFRE SPÉCIALE BELGIQUE Profi rofitez de l’offre spéciale Belgique en vous abonnant pour un an (11 n°) au prix de 30 €, (frais de port inclus), au lieu de 37,40 €

ABONNEZ-VOUS !

Ci-joint mon règlement en Euros par chèque bancaire, postal ou mandat international à l’ordre de DM SARL Paiement par carte bancaire.

Bulletin d’abonnement photocopiable, à compléter et à retourner sous enveloppe à Courrier de l’Atlas/Logodata - service abonnements 50, rue Notre-Dame-de-Lorette - 75009 Paris NOM ET PRÉNOM : .............. ADRESSE : . . . . . . .............. .............. CODE POSTAL : . . . VILLE : . . . . . . . . . PAYS : . . . . . . . . . E-MAIL : . . . . . . . . TÉLÉPHONE : . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

CB . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

Date d’expiration :

/

Cryptogramme (les 3 derniers chiffres du numéro figurant au dos de la carte bancaire) : Je préfère m’abonner et payer sur Internet sur le site http://abo.logodata.fr SIGNATURE OBLIGATOIRE :

Offre d’abonnement réservée à la France métropolitaine et valable jusqu’au 30/06/2008. Pour les tarifs étrangers, appelez le 0033 1 555 31 03 15. Conformément à la loi informatique et libertés du 06/01/1978, vous disposez d’un droit d’accès, de suppression et de rectification des données vous concernant en vous adressant au service abonnements du Courrier de l’Atlas. Celles-ci pourront être cédées à des organismes partenaires, sauf si vous cochez cette case


L’ancien musée des Arts d’Afrique et d’Océanie, porte Dorée, à Paris.

Rapatriement

A

Escale sans fin pour un Marocain en Papouasie

près avoir passé neuf ans sur un lit d’hôpital en Papouasie-Nouvelle Guinée, le Marocain Lahcen Ouled El Haj vient d’être rapatrié dans son pays. En 1998, faisant escale à la recherche de la bonne fortune en Australie, il contracte une

maladie rare, l’encéphalite japonaise, qui le rend tétraplégique. Après plus de deux ans de coma, il émerge pour expliquer au personnel soignant qu’il est marocain. L’hôpital tente alors de contacter l’ambassade du Maroc, sans succès. Au final,

c’est par hasard, grâce au passage dans la région d’un médecin marocain, que son rapatriement est organisé par les autorités de son pays, grâce au soutien de l’OMI, office des migrations internationales. Il a été admis dès son arrivée au CHU de Casablanca.

Téléphonie

Diplomatie

25 millions d’abonnés de mobile en Algérie

Sarkozy en Algérie : des contrats, pas d’excuses

Pascal Parrot/AFP

Ni visas ni soupçon d’excuse. La visite d’Etat effectuée par Nicolas Sarkozy en Algérie du 3 au 5 décembre 2007 aura tourné à l’avantage des Français puisque plus de 5 milliards d’euros de contrats y ont été finalisés. En partenariat avec Sonatrach, la société nationale des hydrocarbures algérienne, le groupe Total a décroché un contrat de 2 milliards d’euros

pour la construction d’une usine pétrochimique à Arzew (ouest de l’Algérie) alors qu’Alstom va construire, pour 1,7 milliard d’euros, une centrale thermique dans la région de Terga (Ouest) ainsi que deux tramways à Oran et Constantine pour un montant de 720 millions d’euros. Par ailleurs, Paris et Alger ont signé un accord-cadre pour la coopération dans le domaine du nucléaire civil. Ceci pour le business. Pour le reste, le séjour du président français aura été plutôt empreint de tiédeur, pour ne pas dire de froideur sur le plan politique. Nicolas Sarkozy s’est contenté de dénoncer un “système colonial profondément injuste”.

P

our une population de 34 millions d’habitants, l’Algérie compte près de 25 millions d’abonnés au téléphone mobile, contre 54 000 en 2000. Djezzy, filiale du conglomérat égyptien Orascom, arrive en premier avec 12 millions d’abonnés, suivi de Mobilis, filiale de l’opérateur historique public Algérie-Télécom (9,5 millions), et enfin Nedjma, filiale de la Koweitienne Watanya (4 millions). Si le taux de pénétration était de 0,26 % en 2000 lors de l’abrogation du monopole de l’Etat sur le secteur de la téléphonie mobile et la libéralisa-

tion des télécommunications en Algérie, aujourd’hui il atteint 75 %. Les trois opérateurs se livrent une concurrence féroce à coups de campagnes de marketing qui font le bonheur de différents médias algériens. En 2007, ils ont dépensé pas moins de 32 millions d’euros en spots et autres pubs. L’Internet reste le maillon faible du secteur. Près de 120 000 accès ADSL ont été réalisés à fin septembre 2007, alors que le nombre d’internautes est passé de 10 000 en 2000, à 4 millions à fin septembre 2007, soit près de 12 % de la population.

Exposition internationale

as de Tanger 2012 ! Yeosu (Corée du Sud) a été désignée pour organiser l’exposition internationale 2012. Au niveau du Maroc dans les années 70, la Corée du Sud fait aujourd’hui partie des onze premières puissances économiques du monde. “Les goulots d’étranglement du Maroc se situent au niveau de l’éducation (éradication de l’analphabétisme, perfectionnement de l’enseignement), de la recherche et développement (innovation et

18 LE COURRIER DE L’ATLAS

dépôt de brevets), et de la bonne gouvernance pour améliorer la compétitivité”, déclarait Jawad Kerdoui, président de l’Institut marocain des relations internationales. Reste que Tanger s’est lancée dans de grands projets d’infrastructures et de réhabilitation urbaine. Les Tangérois auront au moins gagné des places du 9-avril, des Nations Unies et une corniche embellies, et la réhabilitation de sites, fontaines et espaces verts. Pourvu que ça dure !

Cortesia/Notimex

P

Tanger, la déçue

NUMÉRO 11 JANVIER 2008


Religion

A

C’est le nombre d’élèves qui ont abandonné l’école entre 9 et 14 ans en 2006 au Maroc. peine de mort

le maroc a la ferme “volonté de faire en sorte que les tribunaux ne prononcent plus ce genre de verdicts qui n’est plus acceptable.

Abdelwahed Radi, ministre de la Justice marocain..

u Maroc, l’événement a fait les gros titres des journaux. Une première Dans le monde arabe. Voici en effet publiée la première enquête nationale (1) sur les valeurs et les pratiques religieuses. Pendant trois ans, trois chercheurs de renom ont enquêté sur tout le territoire, grâce au soutien de la fondation Friedrich Ebert ainsi que de l’association Prologues à l’origine de l’initiative. L’enquête relève deux éléments structurants. En premier lieu, la fin du monopole de l’Etat-nation sur le religieux (aujourd’hui, Internet et les grandes télévisions satellitaires jouent un rôle de premier plan dans la diffu-

A. Senna/AFP

A. Senna/AFP

400 000

8 % des Marocains prient à la mosquée sion de discours religieux de toute sorte). Et la fragmentation du ressort de socialisation religieuse : la famille reste en tête, mais l’école (domaine à explorer) et les médias jouent désormais un rôle décisif. Au-delà de ces deux éléments, la principale conclusion est que l’islam ordinaire, vécu tous les jours, n’a rien à voir avec l’islam idéologique. Le temps religieux n’organise plus le temps social en dehors du ramadan. Il y a un temps entièrement sécularisé où le religieux n’intervient pas. La pratique religieuse est revivifiée, mais elle s’individualise. En dehors du vendredi, peu de Marocains (8 %)

pratiquent la prière collective à la mosquée, et il s’agit le plus souvent de retraités ou de personnes sans travail. Autre conclusion : le culte des saints est en déclin total. La grande masse était auparavant encadrée par les zaouias ( c o n f r é r i e s r e l i g i e u s e s )  ; aujourd’hui, le Marocain est surtout un citadin perdu dans la cité, qui devient de plus en plus pratiquant avec l’âge (comme partout ailleurs), vivant sa vie quotidienne dans une sécularisation silencieuse parce que non portée par un discours. (1) L’islam au quotidien : enquête sur les valeurs et les pratiques religieuses au Maroc. Editions Prologues. Distribué au Maroc. Prologues : 00 212 22 91.

Algérie

D

eux attentats suicides commis sur les hauteurs d’Alger, mardi 11 décembre 2007, ont fait 37 morts et des centaines de blessés. La première attaque visait le siège du Conseil constitutionnel et de la Cour suprême, à Ben Aknoun. La seconde avait pour cible les bureaux du Hautcommissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et du Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud), à Hydra, deux quartiers résidentiels situés sur les hauteurs d’Alger. Les deux attentats ont été aussitôt revendiqués par Al-Qaida pour le Maghreb islamique, l’ex-Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) algérien. Les deux kamikazes étaient d’anciens islamistes activistes ayant bénéficié d’une grâce dans le cadre de la politique de réconciliation nationale prônée par le président Bouteflika. L’auteur

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

de l’attentat contre l’immeuble du Conseil constitutionnel s’appelait Charef Larbi, dit Abderrahmane Abou Abdenacer El Acimi. Agé de 32 ans, il était natif du quartier populaire d’Oued Ouchayeh, dans la proche banlieue Est d’Alger. Celui qui a lancé sa camionnette bourrée d’explosifs contre le siège du Haut-commissariat pour les réfugiés (HCR) des Nations Unies s’appelait Chebli Brahim, dit Abou Othmane. Agé de 64 ans et originaire de Bordj Menaiel (50 km à l’est d’Alger), il résidait avec sa famille à Reghaia, dans la banlieue Est de la capitale, et appartenait au Front islamique de salut (FIS). Chebli Brahim, atteint d’un cancer, était père de deux enfants, des membres du GIA tués par les forces de sécurité dans les maquis de Lakhdaria, dans le département de Bouira (100 km à l’est d’Alger).

F. Nureldine/AFP

Des attentats commis par d’anciens activistes graciés

Mardi 11 décembre dans les rues d’Alger.

LE COURRIER DE L’ATLAS 19


dossier ‫ﻣﻠﻒ‬

Les images présentées dans ce dossier sont signées Meyer, un photographe du collectif Tendance Floue : “En 2001 et 2002 j’ai effectué trois voyages consécutifs dans les territoires, le dernier m’écrasant sous le poids de l’opération Rempart d’avril 2002. Les images sont quelque peu fantomatiques, irréelles, comme en retrait du sentiment de révolte et surtout d’incompréhension devant cette violence partagée.” Meyer

Ramallah après des raids israéliens en novembre 2001.

Palestine

Soixante ans déjà que le Moyen-Orient vit au rythme du conflit israélo-palestinien. Soixante ans que les sommets “pour la paix” se succèdent sans parvenir à mettre fin à une situation intenable qui a déjà fait des milliers de victimes. Soixante ans aussi que l’ONU s’échine à émettre des résolutions qui demeurent, pour la grande majorité, inappliquées. “Le Courrier de l’Atlas” a voulu savoir comment on en est arrivé là. Et surtout pourquoi on n’en sort pas. Dossier réalisé par Antoine Flandrin, Hanane Harrath, Nadia Lamarkbi et Mireille Peña

20 LE COURRIER DE L’ATLAS

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

Meyer/Tendance floue Crédits photo

Les clefs pour comprendre


60 ans de violations du droit international repères Depuis le partage de 1947, le tracé des frontières entre Israël et la Palestine n’a cessé de réduire à peau de chagrin ce qu’on appelle, en l’absence d’Etat reconnu, les “territoires palestiniens”. Par Mireille Peña

1947 : Le partage de l’ONU

Roberto GIMENO et Atelier de cartographie de Sciences Po, juillet 2007

Roberto GIMENO et Atelier de cartographie de Sciences Po, juillet 2007

Le 29 novembre 1947, le partage entre un Etat juif et un Etat arabe est entériné par la résolution 182 de l’Assemblée générale de l’ONU : l’Etat juif occupe 56,5 % de la Palestine avec 500 000 Juifs et 405 000 Arabes ; l’Etat arabe 43,5 % avec 800 000 Arabes et 10 000 Juifs. Une zone internationale comprend Jérusalem et Bethléem. Les pays arabes votent contre et toutes les organisations politiques palestiniennes s’y opposent, excepté le Parti communiste, qui s’aligne sur Moscou.

1949 : Après la 1re guerre israélo-arabe Liban

Mer Méditerranée

Mer Méditerranée SYRIE

Naplouse

Tel-Aviv

Jérusalem Hébron

Gaza

Port Saïd

Roberto GIMENO et Atelier de cartographie de Sciences Po, juillet 2007

Roberto GIMENO et Atelier de cartographie de Sciences Po, juillet 2007

D’après Questions internationales n° 28, Nov.-déc. 2007/La Documentation française

Etat juif en 47 qui deviendra Israël Etat palestinien

État d'Israël

L

SYRIE

Haïfa

Haïfa

Naplouse

Tel-Aviv Port Saïd

Jérusalem

Gaza

Beersheba

Beersheba TRANSJORDANIE

Suez

JORDANIE Suez

Eilat EGYPTE

Eilat

ARABIE SAOUDITE

100 km

1967 : après la guerre des six-jours 5 juin 1967 : guerre des Six-jours. Après des tensions initiées par la Syrie et l’Egypte, Israël lance une attaque d’envergure. Elle conquiert le Sinaï (égyptien), la Cisjordanie (jordanien), Gaza (égyptien), Jérusalem Est (jordanien) et le Golan (syrien). Cette guerre entraîne l’exil de 200 000 nouveaux réfugiés. La résolution 242 de l’ONU, votée le 22 novembre 1967, requiert le “retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés lors du récent conflit”.

Liban

EGYPTE

ARABIE SAOUDITE

100 km

1973-2007 : Après la guerre du KIPPOUR

Liban

Liban

Mer Méditerranée

SYRIE

Jérusalem Hébron

Gaza

SYRIE

Liban-Sud

Golan

Haïfa

Naplouse

Tel-Aviv Port Saïd

Mer Méditerranée

Golan

Haïfa

Naplouse

Tel-Aviv

Port Saïd

Jérusalem Hébron

Gaza

Beersheba

Beersheba JORDANIE Suez

JORDANIE Suez

Sinaï

Sinaï

Eilat

EGYPTE

EGYPTE 100 km

Israël repousse les frontières dessinées par l’ONU et gagne un tiers de territoires en plus. Elle occupe la partie ouest de Jérusalem. La Cisjordanie (dont Jérusalem Est) reste sous tutelle jordanienne. Gaza passe sous tutelle égyptienne. Au total, ce sont entre 700 000 et 730 000 Palestiniens qui fuient ou sont chassés de leurs terres et de leur maison. Cet exode est à la fois intérieur vers la bande de Gaza et la Cisjordanie, et extérieur vers la Syrie, le Liban et la Jordanie.

ARABIE SAOUDITE

Eilat ARABIE SAOUDITE

100 km

Actuellement, les frontières revendiquées par Israël couvrent 78 % du territoire. Le reste est divisé entre la zone occupée par Israël depuis la guerre des Six-Jours et des régions autonomes gérées par l’Autorité palestinienne. La bande de Gaza est sous le contrôle de l’Autorité palestinienne. Entre territoires administrés par Israël ou par l’Autorité palestinienne, entre villes et villages arabes ou juifs, le territoire palestinien est inextricablement réduit et morcelé.

Administration militaire égyptienne à Gaza

Territoire occupé par Israël en 1967, restitué en 74, 82 et 2000

Territoire occupé par Israël

Territoire occupé en 1974 (Golan), 1978 Ligne d’armistice Territoires occupés en octobre 1973 occupés (Liban Sud) et sous le mandatTerritoires de l’ONU depuis.

État d'Israël

Territoires occupés par Israël Territoires occupés par Israël

État d'Israël

Pays arabes

État d'Israël par Israël en 2007 par Israël en 2007

Ligne d'armistice en octobre 1973 Ligne d'armistice en octobre 1973 Territoires occupés en 1967, Territoires occupés en 1967,

Annexion de Jérusalem-Est de Jérusalem-Est a guerre étaitAnnexion sans doute déjà inscrite des annexions israéliennesrestitués supplémentaires. surtout restitués en2000 1974, 1982 et 2000 de ses lieux saints (Voir l’interview en 1974, 1982 et Résultat, entre ce qui était Territoires prévu en 1947 et la d’Henry Laurens p. 22). dans le plan de partage voté le 29 noTerritoires palestiniens palestiniens Pays arabes Pays arabes vembre 1947 (à 33 voix contre 13 et 10 “Trop d’histoire et pas assez de géographie”, dit réalité actuelle, il n’y a pas photo : tandis qu’IsTerritoire occupé en 1978 Territoire occupé en 1978 abstentions) par l’Assemblée générale raël s’estBerlin, largement étendu, colonies aidant, Source : F. W. Putzger, Historischer Weltatlas, Cornelsen, 1992. Source : F. W. Putzger, Historischer Weltatlas, Cornelsen, Berlin, 1992. et restitué en 2000 Simone Veil en parlant du conflit. C’est sans et restitué en 2000 des Nations Unies. Ce plan prévoyait la créadevenant ainsi une puissance majeure dans la doute vrai. Un témoin politique de premier région, l’Etat palestinien, lui, n’a toujours pas plan, Jimmy Carter, revient justement sur son tion d’un Etat juif sur 56,5 % du territoire (pour vu le jour. expérience de ce conflit (p. 26). D’autres osent une population de 500 000 Juifs), d’un Etat La mobilisation des ONG et de la société ciévoquer la partialité avec laquelle est gérée la arabe sur 43,5 % du territoire (pour une popuvile pour alerter l’opinion publique et les décicrise du Moyen-Orient et analysent les raisons lation de 990 000 Palestiniens) et accordait à la ville de Jérusalem un statut international. deurs politiques sur les violations permanentes du soutien américain inconditionnel à Israël (p. du droit international commises par Israël n’y 24). Peut-être que ces révélations, à défaut de Autant dire que ce projet était impraticable : rejeté par les Palestiniens et par l’ensemble des fait rien. Quant aux négociations de paix, elles refaire l’histoire, pourront au moins la réparer Etats arabes qui pendant longtemps refuseront butent toujours sur les points sensibles que en restaurant une géographie plus juste, plus de reconnaître l’Etat d’Israël, il engendre une sont la question de la Cisjordanie, le droit au respectueuse du droit… et plus impartiale. série de crises qui se soldent bien souvent par retour des réfugiés, le statut de Jérusalem et contact@lecourrierdelatlas.com

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

LE COURRIER DE L’ATLAS 21


Palestine

“L’occupation israélienne est totalement illégale : elle est interdite par la Convention de Genève et elle viole l’interdiction de conquête d’un territoire par la force édictée par l’ONU.” (Henry Laurens)

Lors d’une manifestation internationale pro-palestinienne. Au check-point de Kalandia, entre Jérusalem et Ramallah.

Israël Un demi-siècle d’actes illégaux

Le Courrier de l’Atlas : On reproche souvent aux Palestiniens de ne pas avoir accepté le plan de partage de 1947. Mais pouvaient-ils l’accepter ? Henri Laurens : On peut effectivement penser que si les Palestiniens avaient accepté ce plan, ils seraient dans une meilleure situation aujourd’hui. Mais ce plan était de l’ordre de l’inacceptable, et les Palestiniens l’ont refusé pour trois raisons fondamentales. La première est que l’idée même de partage était injuste puisque cette terre, dans son intégralité, était la leur. La deuxième est qu’on les privait de l’essentiel de leur référence nationale : les trois premières villes palestiniennes, Jérusalem, Haïfa et Jaffa leur étaient enlevées. Ce serait comme imaginer aujourd’hui un Etat français sans Paris, Lyon et Marseille. La troisième raison est qu’ils ne faisaient absolument pas confiance aux Israéliens. N’oubliez pas que, dans la partie juive du plan de partage, la population était majoritairement musulmane et possédait 90 % des terres non domaniales. Les Palestiniens ne savaient donc pas si ces terres allaient être confisquées, ni le statut qu’on réserverait à ces musulmans.

22 LE COURRIER DE L’ATLAS

Que se passe-t-il dans les années suivantes et quelles sont les conséquences sur le plan territorial et humain ? Entre 1947 et janvier 1949, les Palestiniens perdent une bonne partie des territoires qui leur sont accordés par le plan de partage, aussi bien au nord qu’au sud. Les populations sont contraintes à un exode massif. L’entité palestinienne est réduite à néant puisque la Cisjordanie est cédée à la Jordanie et la bande de Gaza placée sous administration égyptienne. Il n’y a donc plus de représentation politique palestinienne (hormis une représentation symbolique dans la ligue des Etats arabes). Cette expansion territoriale d’Israël n’est-elle pas contraire au droit international ? L’occupation israélienne est totalement illégale : elle est interdite par la Convention de Genève et elle viole directement ce qu’on appelle la “clause d’inadmissibilité dans la conquête d’un territoire par la force” contenue dans la charte des Nations Unies. Mais on sait bien que le droit international n’est pas un véritable droit, puisqu’il n’y a pas de gendarme pour le faire respecter. Le droit international ne s’applique que si les gens l’acceptent ou y trouvent un intérêt (menaces de sanctions par exemple).

Mais il est déjà arrivé que l’on force un Etat à appliquer le droit international, quand l’Irak a envahi le Koweït, par exemple ! Disons plutôt que certains pays utilisent des références au droit international pour justifier des actions politiques… Qu’est-ce qui empêche donc de sanctionner Israël ? Si Israël continue d’acquérir et d’occuper des territoires par la force, c’est notamment parce qu’il y a une grande contradiction entre les chapitres 6 et 7 de la charte de l’ONU. Le premier concerne la résolution des conflits, le second les sanctions contre ceux qui menacent la paix. Or, la quasi-totalité des résolutions de l’ONU concernant ce conflit relèvent du chapitre 6 : cela veut dire qu’elles disent ce qui est légal ou pas, établissent des solutions pour résoudre le conflit… mais ne se donnent pas les moyens de sanctionner si ce n’est pas respecté (cela relève du chapitre 7). Le mur en construction, le “mur de la honte”, est-il aussi illégal ? Il n’est pas illégal, selon la Cour internationale de justice. C’est son tracé qui est illégal,

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

Meyer/Tendance Floue

Interview Pour Henry Laurens, professeur au Collège de France (1), depuis le début du conflit israélo-palestinien, Israël agit en contradiction avec tous les principes du droit international. Explications. Propos recueillis par Hanane Harrath


“Le mur n’est pas illégal, c’est son tracé qui est illégal : annexion de territoires, nouvelle carte géographique et détérioration des conditions de vie des Palestiniens.” (Henry Laurens)

Après un raid israélien à Gaza. Devant le mur de la colonie de Gush-Katif, à Gaza.

car même si les Israéliens s’en défendent, il implique une annexion de territoires, une carte géographique nouvelle et une détérioration des conditions de vie des Palestiniens. Quelles sont les solutions possibles pour équilibrer les choses ? La solution est que, pour chaque territoire acquis par Israël, un équivalent soit rétrocédé aux Palestiniens. L’accord de Genève de 2003 prévoit que, pour autant de terres perdues en Cisjordanie, on cède des terres à Gaza où les Palestiniens manquent cruellement d’espace. Le vrai problème concerne Jérusalem et les lieux saints, pour lesquels aucune solution n’a été trouvée. Il y a aussi une autre difficulté sur laquelle butent les plans de paix successifs, c’est celle du retour des réfugiés. Il existe pourtant des résolutions de l’ONU sur la question : pourquoi restent-elles lettre morte ? Effectivement, une esquisse de droit au retour des réfugiés est prévue par la résolution 194-3 de décembre 1948, dans laquelle les réfugiés peuvent choisir de revenir chez eux en acceptant de vivre en paix. Mais chez eux où ? Leurs maisons ont été détruites ou d’autres y habitent ! Et quel statut leur accorde-t-on ? Il fallait bien négocier et se mettre d’accord sur ces questions ! Or, il y a dès 1949 ce qu’on appelle le “refus arabe” de reconnaître l’Etat d’Israël et de nouer des relations avec lui. Et cela neutralise tout l’impact positif des résolutions des Nations Unies puisque les négociations sont impossibles. Mais, depuis, les Etats arabes ont normalisé leurs relations avec Israël : les résolutions ne sont pourtant toujours pas appliquées. Sur la question des réfugiés, il y a un blocage majeur : dès le départ, l’Etat israélien a

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

clairement dit qu’un retour des réfugiés serait En quelle solution de paix croyez-vous ? Je ne crois pas en la possibilité d’un Etat binaun suicide pour lui. Pourquoi ? Parce qu’en tional. C’est une solution qui satisfait les besoins 1949, il n’y avait plus que 14 % d’Arabes en symboliques des deux peuples. Mais le terriIsraël contre environ 55 % en 1947. Or, sans immigration arabe massive, ce ratio est resté toire ne peut être géré séparément : les réseaux le même, il a même augmenté. Et cela fait routiers et électriques, ainsi que les réserves en eau, sont communs. Les Palestiniens agonisent peur aux Israéliens ! La résolution de l’ONU à Gaza justement parce que les Israéliens ont prévoit une autre solution : un plan d’indemnisation pour les réfucoupé tous les réseaux. “Sans gendarme pour le L’espace économique giés. On dit depuis les aussi est commun, ce années 50 que si on faire respecter, le droit consultait les populaqui n’est d’ailleurs pas tions palestiniennes en international n’est pas un sans poser problème exil, seule une fraction vu les écarts de revenu véritable droit.” très faible demanderait (qui vont de 500 dolle retour. En fait, elles ont moins besoin du lars par an et par habitant côté pa­lestinien à retour que d’une reconnaissance du fait qu’el20 000 dollars côté israélien). On met ensemble les ont été chassées. une économie dé-développée, c’est-à-dire non Peut-on réellement évaluer le montant des pas en développement mais qui a perdu du développement, et une économie post-industrielle pertes subies par les Palestiniens ? Bien sûr ! Une commission de l’ONU a fait hautement tertiaire et technique. des études très précises dans les années 50 Quel rôle peut jouer l’opinion internationale ? pour évaluer la valeur des biens arabes perdus En Europe, il y a un relatif équilibre entre les en 1948, études terminées au début des années partisans des thèses israéliennes et palestinien60. On sait au nombre de maisons près ce qui nes. Aux Etats-Unis, en revanche, il y a un a été perdu. Aujourd’hui, on n’aurait plus qu’à consensus favorable à Israël. Car dès qu’on toufaire des ajustements financiers car un dollar che à une question existentielle, la question exde 1962 ne vaut plus la même chose térieure devient un enjeu intérieur : il n’y a qu’à aujourd’hui. La communauté internationale voir ce qui se passe entre la France et l’Algérie est prête à injecter les moyens nécessaires pour aujourd’hui. Si on ne parvient pas à toucher le régler ce conflit. Entre l’aide américaine à Ischamp intérieur américain, très passionnel, on raël qui est de plusieurs milliards de dollars ne pourra pas changer l’orientation de la politipar an, l’aide de l’Union Européenne à la Paque étrangère américaine sur ce dossier. lestine et les financements venus du Golfe à Vous y croyez ? Vous ai-je dit que j’étais optimiste ? titre caritatif, le conflit coûte 5 à 6 milliards de hharrath@dmpresse.com dollars par an ! On pourrait indemniser sans problème au lieu de vendre des avions à (1) Henry Laurens a publié La question de Palestine, publié chez Fayard en trois tomes (1999-2007). 50 millions de dollars l’unité !

LE COURRIER DE L’ATLAS 23


Palestine dossier ‫ﻧﻴﻮز‬

Comment le lobby pro-israélien in LeCTURe Deux célèbres politologues dénoncent dans un livre polémique l’influence majeure du lobby pro-israélien sur la politique étrangère des Etats-Unis. Un essai très documenté qui n’épargne aucun gouvernement et pose des questions pertinentes. Par Nadia Lamarkbi de l’aide américaine qui n’ait jamais à justifier la façon dont il la dépense ? Pourquoi Washington a posé son veto à 42 résolutions du conseil de sécurité de l’ONU qui critiquent l’attitude d’Israël ? Les auteurs démontent un à un les arguments qui valident cet engagement indéfectible. Tout d’abord, l’argument économique. Selon eux, Israël n’a pas besoin d’être soutenu financièrement. Le pays fait partie des plus développés. Son économie est en constante croissance malgré la situation complexe qu’il vit. Raisons morales ? Sûrement pas. Israël n’est pas un pays opprimé. L’Etat hébreu s’est doté d’une des armées les plus puissantes du monde et de l’arme nucléaire. S’agit-il donc du soutien d’une démocratie amie partageant des intérêts communs ? Les auteurs sont sceptiques. “Il arrive à Israël de ne pas se comporter en allié loyal”, écrivent-ils. Outre la vente d’armes à l’Iran alors que les Américains soutenaient l’Irak pendant la guerre entre les deux pays, ils rappellent l’épisode du transfert de technologie américaine aux Chinois dès 1983. Pourtant, il n’y eut aucune sanction améri-

caine. Conclusion : l’alliance américano-israélienne s’explique par le travail en sousmain du lobby pro-israélien.

Des groupes de pression organisés et très efficaces Le lobby pro-israélien serait composé de groupes de pression juifs “expressément dévoués au sionisme et aux activités pro-israéliennes”, notamment Aipac (American Israel Public Affairs Committee), la plus importante en nombre avec ses 200 000 adhérents et considérée par les deux universitaires comme la plus puissante. Son succès serait “principalement dû à sa capacité, par le biais du financement des campagnes, à récompenser les élus et les candidats aux postes de sénateurs ou de députés qui soutiennent ses objectifs, et à sanctionner ceux qui s’y refusent”. Son mode opératoire ? La sélection de candidats potentiels et l’organisation de rencontres avec des donateurs et des collecteurs de fonds, fourniture de renseignements aux comités d’action politique pro-israéliens. On y retrouve des groupes de chrétiens sionistes tels que le Cufi (Christians United For Israel) ou la

Meyer/Tendance Floue

a

ux Etats-Unis, leur livre continue de faire couler de l’encre. John J. Mearsheimer et Stephen M. Walt (1), deux politologues américains de renom, ont jeté un pavé dans la mare en décrivant l’action d’un “lobby pro-israélien” : “En plus d’encourager les Etats-Unis à apporter un soutien plus ou moins inconditionnel à Israël, certains groupes et individus ont joué un rôle clef dans la définition de la politique américaine à l’égard du conflit israélo-palestinien, dans la désastreuse invasion de l’Irak et dans la tension actuelle avec la Syrie et l’Iran”, écrivent-ils. Une théorie construite à partir de centaines de rapports émanant de sources militaires des deux pays, de politiciens, de groupes de pression et d’institutions internationales. Point de départ de leur analyse : une série de questions pertinentes. Comment expliquer qu’entre 1948 et 2005, l’assistance directe, économique et militaire fournie par les Américains se soit élevée à 154 milliards de dollars et qu’actuellement, Israël reçoive en moyenne 3 milliards de dollars par an, sans compter les autres avantages ? Comment expliquer que ce pays soit le seul bénéficiaire

Au village de Beit-Rima. Dans une maison du camp d’el-Azha après une incursion de Tsahal.

Crédits photo

Pourquoi les Etats-Unis ne demandent-ils jamais à Israël de justifier la façon dont l’Etat juif dépense ces dollars?

Comment expliquer qu’Israël reçoive des Etats-Unis 3 milliards de dollars par an ? 24 LE COURRIER DE L’ATLAS

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

f


n

fluence les etats-Unis National Christian Leadership Conference for Israel, des évangéliques persuadés que “le retour des Juifs en Palestine précédera la seconde venue du Christ, annoncée dans les prophéties de l’Ancien et du Nouveau Testament”. S’ajoutent à cette longue liste, des thinktanks, comme le Middle East Forum ou le Winep, des cercles d’intellectuels producteurs de recommandations et de rapports à destination des hommes politiques. Leur pouvoir s’étendrait également sur les médias par un contrôle du discours public. Selon Mearsheimer et Walt, l’objectif serait de “réduire le risque que les grands médias diffusent des informations susceptibles de donner une image négative d’Israël et de promouvoir les discours qui soutiennent qu’Israël a une importance stratégique et morale cruciale”. Le rapprochement avec “Le protocole des sages de Sion”, ce faux document russe datant du XIXe siècle, développant la théorie du complot, est tout trouvé pour leurs détracteurs. Ce lobby est accusé également de faire peser une pression systématique sur les organes de presse et sur le travail des universitaires. Les auteurs en ont fait les frais. La sélection de chroniques et de prises de position contre leur ouvrage, publiées dans les plus grands journaux américains avec en tête le très néoconservateur New Republic mais aussi le New York Times, le Washington Post, le Wall Street Journal ou encore le Chicago Sun Tribune donne l’ampleur de la chasse faite contre les deux universitaires. Les édi-

ticulier sur sa capacité à produire des armes de destruction massive. Pour les auteurs, pas de doute, les Américains ont fait le “sale travail” à leur place. En attaquant l’Irak de Sadtorialistes américains se sont déchaînés dam Hussein, ils ont éliminé un dictateur incontrôlable et susceptible de porter atteint contre eux, les taxant d’antisémitisme, mais à l’Etat d’Israël. Idem pour l’Iran. Tsahal inonsurtout remettant en cause leur impartialité derait le Pentagone d’informations erronées et leur bonne foi. L’avant-propos du livre est sur les installations nucléaires iraniennes, consacré à ces déboires. “Nous avons écrit exagérant les avancées du programme de pronotre article dans le but de favoriser une discusduction d’armes. Les récentes révélations sur sion lucide et plus franche sur la question”, se l’état désastreux de l’industrie d’armement justifient-ils. Un plaidoyer qui revient au fil irakien avant le déclenchement de la guerre des pages : non, ils ne sont pas antisémites ; viennent encore conforter leur hypothèse. En non, ils ne remettent pas en cause l’exisdécembre 2007, un autre rapport, qui a soutence de l’Etat ; oui, les Etats-Unis doivent levé la colère des Américains, démontrait que continuer à soutenir Israël, mais pas contre l’Iran aurait arrêté en 2003 un programme leurs propres intérêts… secret de fabrication de l’arme nucléaire et Pousser les etats-Unis serait moins déterminé aujourd’hui à posséà la guerre contre l’iran der la bombe atomique. C’est toute la dialectique de George W. bush justifiant l’engageLes critiques à leur encontre se sont focaliment américain en Irak et les déclarations à sées sur les quatre derniers chapitres du livre l’encontre de l’Iran qui s’effondrent. Comqui traitent de l’influence des lobbies amériment, à l’avenir, Washington pourcano-israéliens dans l’engagement rait-il pousser le Congrès à envoyer des Etats-Unis dans la guerre en ses troupes en Iran ? Irak et dans l’inscription de la Syrie Ce livre, captivant, bien que paret de l’Iran dans “l’axe du mal”. fois ardu, se veut “scientifique” et C’est là que l’argumentaire de nos basé sur les faits. Un travail saludeux spécialistes devient original. taire dans un environnement poliPour eux, les Etats-Unis n’avaient tico-médiatique saturé de préjugés, aucun réel intérêt à s’engager dans où la désinformation joue un rôle un conflit “sanglant et coûteux”, mis John à part la protection d’Israël, à une J. Mearsheimer stratégique crucial. portée de missile de bagdad. Ils et stephen M. (1) John J. Mearsheimer est professeur soupçonnent les lobbies et les serémérite de Sciences politiques à l’université walt. ed. La de Chicago et Stephen M. Walt est directeur vices de renseignements israéliens découverte, des études et professeur émérite de d’avoir sciemment menti sur le ris- septembre 2007, Relations internationales à l’université 20 euros. que que représentait l’Irak, en pard’Harvard.

Dans une rue de Jérusalem est. La famille de Rami Garra, mort en octobre 2001.

Les Arabes d’Israël représentent aujourd’hui environ 20 % de la population du pays.

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

LE COURRIER DE L’ATLAS 25


Palestine POsITION Dans son dernier ouvrage, Jimmy Carter, l’ancien président des Etats-Unis (1977-1981) revient sur trente ans de crises et de guerres au ProcheOrient. Un ouvrage surprenant de la part d’un ancien chef d’Etat américain.

La colonisation constitue aussi une violation de la Convention de Genève.

Par Antoine Flandrin

l

a scène se passe en 1987 dans le bureau du Premier ministre israélien, Menahem begin. Jimmy Carter, qui n’est plus président des Etats-Unis depuis 1981, commence par le féliciter sur la manière dont il a honoré les “termes assez difficiles” du traité de paix israélo-égyptien relatif au retrait des forces israéliennes du Sinaï égyptien et au démantèlement des colonies qui y étaient implantées. begin reste là sans le regarder. Carter tente alors de lui expliquer pourquoi il pense qu’il n’a pourtant pas honoré son engagement, pris pendant ces mêmes négociations, de retirer les forces israéliennes de Cisjordanie, et de mettre un terme à la création de nouvelles colonies. L’ancien président s’attend à ce que begin lui donne une explication ferme de la politique israélienne. Ce dernier lui fait comprendre que la conversation est terminée.

Un ouvrage sans complaisance à l’égard des dirigeants israéliens Pour celui qui dirigea un jour la première puissance mondiale, et qui fut le père des accords de Camp David qui scella une paix séparée entre l’Egypte et Israël, le coup est dur. Mais Carter refuse d’endosser le costume du cocu. “Droit dans ses bottes”, comme il aime à se présenter, rien ne semble l’ébranler. Celui qui se veut le chantre de la paix reste fidèle à lui-même jusqu’au bout. A l’instar des grands démocrates américains, il se présente comme un idéaliste. Son discours déborde d’intentions humanistes, frisant parfois l’innocence. Il veut continuer de croire à une cohabitation pacifique entre “les fils d’Ismaïl et d’Israël”.

26 LE COURRIER DE L’ATLAS

Un commerce palestinien d’Hébron bombé par des colons

Médiateur infatigable, Carter raconte comSon appel à ce que cessent cette “logique ment il a rencontré tous les dirigeants de la d’apartheid” et la peur mutuelle d’attaques région. Anouar el Sadate, son “préféré”, Ytzhak terroristes est sans concession. Son vibrant Rabin, Moshé Dayan et Golda Meir sont deveplaidoyer pour la paix comporte une descripnus au fil du temps des amis proches. Acteur tion des étapes qui peuvent aboutir à une et témoin pendant trente-cinq ans des événecohabitation entre les deux peuples. Selon lui, ments, crises, guerres et négociations succesil n’y aura pas de paix durable tant qu’Israël sifs au Proche-Orient, on doit lui reconnaître ne respectera pas les décisions de l’ONU et cette qualité : il n’a cessé d’œuvrer au dialogue. ne réintégrera pas les frontières de 1967. A la tête du Carter Center, une fondation agisPeu d’hommes d’etat américains sant pour faire progresser les droits de l’Homsont ainsi sortis de leur réserve me et reculer les inégalités, il explique comment il a supervisé personnellement les Le courage de l’ancien président de dédifférentes élections palestiniennes (1996, noncer l’arrogance et le cynisme d’Israël et 2005, 2006). des Etats-Unis est louable. Celui n’hésite Si Carter, qui a reçu le Prix Nobel de la Paix pas à écrire qu’à partir de 2003, Israël a pu en 2002, se décrit volontiers sous les traits d’un se “servir de la Feuille de route pour faire traîpersonnage angélique, on découvre au fil des ner les choses à l’aide d’une interminable série pages une psychologie plus complexe. L’ancien de conditions préalables qu’il est impossible de président, qui a puisé son acharnement dans satisfaire, tout en mettant en œuvre des plans les valeurs chrétiennes – diacre de l’Eglise bapvisant à satisfaire des objectifs unilatéraux ; et tiste, il a continué d’enseigner le catéchisme les Etats-Unis ont pu donner l’impression de tout au long de sa carrière politique–, n’est pas s’engager positivement dans un processus de un simple bigot. bien qu’il truffe son paix qui, selon le président Bush, ne ouvrage de références bibliques, il se sera pas mené à bien pendant qu’il garde de verser dans une certaine est en fonction”. rhétorique moraliste qui présente un Peu d’hommes d’Etat américains monde divisé entre forces du bien et sont sortis de leur réserve. On reaxe du mal. grette que Carter se contente de Son ouvrage est sans complaisance souligner les incohérences de son à l’égard des dirigeants israéliens. administration. Qu’il n’aille pas au S’il rend hommage au courage d’Isbout de sa logique, quitte à insraël qui a su l’emporter en 1948, truire le procès de sa propre admiJimmy Carter, 1967 et 1973, il n’en jette pas moins nistration. Sans doute, sa stature Palestine, la un regard critique sur la situation d’ancien président des Etats-Unis, paix, pas actuelle. Il stigmatise en particulier l’intérêt de la Nation et quelque l’apartheid, l’érection du mur qui, depuis 2002, l’Archipel, 2007. arrière-pensées inavouables l’en enferme la Palestine dans un ghetto. ont empêché. 19,95 euros. NUMÉRO 11 JANVIER 2008

Meyer/Tendance floue

Carter, un président américain qui voulait la paix



politique

‫ﺳﯿﺎﺳﺔ‬

Contribution Fin du suspense. Le 22 janvier sera dévoilé par Fadela Amara le fameux plan “Respect et égalité des chances”, ex-plan “antiglandouille”. Après discussions approfondies avec nos experts, “Le Courrier de l’Atlas” prend les devants et fait ses propositions en 5 volets pour sortir les banlieues de l’impasse. Par Nadia Lamarkbi

Plan banlieue

Les propositions du “Courrier de

l

1 Donner aux entreprises un rôle majeur en banlieue Exonérer de charges les entreprises qui recrutent dans les quartiers sensibles et soutenir celles qui se chargent de former des apprentis, en particulier ceux qui sont en échec scolaire. Développer les emplois aidés. Exonérer de charges sociales et simplifier les procédures administratives pour aider à la création d’entreprises. Instaurer un système de parrainage des jeunes diplômés par des cadres et des dirigeants des grandes entreprises.

28 LE COURRIER DE L’ATLAS

Sanctionner pénalement la discrimination à l’embauche.

L

e taux de chômage dans les quartiers populaires est deux fois supérieur au niveau national. Il s’agit donc de ramener à l’activité une tranche de la population exclue. Les dispositifs d’emplois aidés ont déjà permis le recrutement de jeunes des quartiers dans la fonction publique, semi-publique ou dans le secteur associatif. C’est plus difficile dans les entreprises. Il est donc nécessaire de les y inciter en leur proposant des avantages

fiscaux pour le recrutement des personnes issues de quartiers populaires. Les jeunes diplômés, premières victimes de discrimination à l’emploi, ont du mal à faire accepter leurs

origines. Les réticences des entrepreneurs sont souvent liées à la crainte que ces jeunes ne s’adaptent pas à la culture d’entreprise. Le parrainage est une manière de faire tomber ces barriè-

res, mais surtout de mettre à leur disposition le carnet d’adresses du parrain. Enfin, les créateurs d’entreprise potentiels doivent pouvoir être accompagnés dans leurs démarches.

2 Réconcilier l’Etat avec les populations des quar Revenir à une police de proximité. Revoir la formation des agents et recruter de façon cohérente. Organiser une meilleure représentativité de la diversité des populations dans les instances locales.

L

a réconciliation des institutions, notamment la police, avec les populations passe par une meilleure connaissance réciproque. Une police de proximité permet de tisser des liens de confiance avec les habitants par des relations quotidiennes.

Les policiers affectés aux quartiers sensibles sont souvent jeunes et inexpérimentés. Les récents faits divers montrent qu’ils ne connaissent pas les populations qu’ils côtoient et qu’une formation adaptée les aiderait dans cette mission.

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

t


e

r

INTERVIEW

“La proximité, le partenariat : la population et la police y ont intérêt”

Marwan Mohammed

Myr Maratet/Picturettank

Sociologue, chercheur au Cesdip (Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales)-CNRS (1)

l’Atlas” Exonérer de charges sociales et simplifier les procédures administratives permettrait de faire jaillir un vivier de jeunes entrepreneurs qui ne demandent qu’à se lancer.

tiers sensibles L’Etat, c’est aussi l’administration locale. Les conseils municipaux doivent s’ouvrir pour prendre en compte la diversité de la population. Il est nécessaire que les habitants se sentent représentés par des décideurs politiques à qui ils font confiance.

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

Existe-t-il des zones de non-droit où la police ne s’introduit pas ? Je me demande où sont les zones de non-droit : dans les conseils d’administration des grandes entreprises ou dans les quartiers populaires ? Il n’y a pas de lieux plus contrôlés que ces quartiers-là : Renseignements généraux (RG), îlotiers, Brigade anticriminalité (BAC), Stups… La présence policière y est très forte. On est d’ailleurs en droit de se demander ce qu’elle fait puisque tout le monde sait où se trouvent les trafiquants et les dealers. Le trafic de drogue, c’est l’activité illégale où les trafiquants ont le moins de chances de se faire interpeller. C’est vrai qu’il y a des armes qui circulent. Depuis la fin de la guerre en ex-Yougoslavie, les surplus se sont écoulés facilement en France. Mais, pour le moment, celles qui ont été utilisées sont surtout celles qui ont été vendues légalement : de la chevrotine, des fusils de chasses, etc.

Les populations des quartiers sensibles sont souvent discriminées. Comment lutter contre cet état de fait ? Il y a les discriminations objectives et mesurables comme celles qui concernent l’accès à l’emploi ou au logement. Et il y en a une beaucoup plus subjective, c’est l’autodiscrimination : je sais que je ne vais pas être pris donc je n’y vais pas. Le sentiment de discriminail n’y a pas tion est tel qu’il dépasse la réalité. Ce n’est pas parce de lieux plus qu’il existe des outils contrôlés comme la Halde (Haute autorité de lutte contre les que ces discriminations et pour quartiers-là. l’égalité), dont la création est un acte positif, que l’on a la politique de répression qui va avec. La discrimination est un délit pénal qui n’est pas puni. Le taux de plaintes est faible, la Halde est mal connue et les victimes de discriminations sont souvent les moins bien informées.

‘‘

DR

Le Courrier de l’Atlas : ­ onsidérez-vous que, C dans les quartiers dits sensibles, il existe un réel rejet de l’autorité ? Marwan Mohammed : Je n’ai jamais senti de dynamique anarchiste dans ces quartiers-là. Au contraire, il y a une demande d’ordre et d’Etat qui est forte. Plus précisément une demande de respect vis-à-vis de l’Etat. Il y aura toujours une petite partie de la population qui, par des activités délictuelles, rejette la police. En revanche, il est possible de réduire la défiance d’une partie de la population à l’égard de la police. Pour cela, il faudrait réellement mettre en place une police de proximité, une police qui sache faire un peu plus de discernement. En somme, une police mieux contrôlée, mieux formée et plus expérimentée. Cela ne signifie pas seulement faire du foot avec les jeunes, mais développer un système d’îlotage, prendre le temps de connaître tout le monde, de respecter les citoyens et d’arrêter de contrôler à tout bout de champ. Une police qui développe un partenariat avec tout le monde, c’est dans l’intérêt de la police et de la population. Que signifie une population qui a peur de sa police ? Michèle Alliot-Marie a déclaré qu’il n’est pas normal qu’une personne qui n’a rien à se reprocher ait peur de la police. Sur cette question, elle est plus modérée que le président de la République.

’’

Qu’attendez-vous du plan “Respect et égalité des chances” de Fadela Amara, la secrétaire d’Etat chargée de la Politique de la ville ? D’abord, j’en veux à Fadela Amara d’avoir instrumentalisé certaines causes. Cela ne m’empêche pas d’espérer que son plan prendra en compte les difficultés des quartiers. Je pense qu’elle va mettre le paquet sur l’accompagnement à la scolarité et l’encadrement associatif parce que c’est ce qui est en première ligne. J’espère qu’elle bousculera les habitudes en termes d’action publique. Elle peut le faire parce qu’elle est hors cadre. En novembre, la Cour des comptes a rendu un rapport accablant sur les lourdeurs administratives, les retards de paiements, l’empilement des dispositifs, la technicité des dossiers, la multitude de démarches à faire pour attirer des partenaires, à différents niveaux : locaux, départements, nationaux ou européens. Pour de petites associations, c’est ingérable. Il faudrait également introduire un peu de souplesse dans les institutions, notamment l’école. Pour ces mômes qui veulent aller de l’avant, les institutions doivent prendre en compte des parcours différents, et soutenir ceux qui sont motivés à faire des choses très variées. Propos recueillis par N.L. (1) Auteur avec Laurent Muchielli de l’ouvrage Les bandes de jeunes, des “blousons noirs” à nos jours, novembre 2007.

LE COURRIER DE L’ATLAS 29


politique

‫ﺳﯿﺎﺳﺔ‬

3 Désenclaver les banlieues Développer les ­ réseaux de transports. Organiser une meilleure répartition des logements. Garder et développer les services publics de proximité.

D

évelopper les transports en commun de banlieue à banlieue et vers les grandes villes, et prendre en charge les frais de transport pour les demandeurs d’emploi et les étudiants aiderait au désenclavement. Il faut se demander pourquoi les familles issues de l’immigration se

Plan banlieue Les propositions du “Courrier de l’Atlas”

retrouvent dans les mêmes quartiers, les mêmes immeubles. Malgré les protestations des associations, aucune avancée n’a été faite. Dans les commissions d’attribution des logements sociaux, il serait pertinent de faire siéger des membres associatifs. La réforme de la carte judiciaire propose de supprimer les tribunaux d’instance des petites villes. Certaines unités médicales comme d es maternités d’hôpitaux ont déjà fermé. L’arrêt du démantèlement des services publics de pro­ ximité devient urgent.

4 Faire de l’éducation et de la formation un vrai tremplin pour les jeunes Donner la priorité absolue à l’éducation. Généraliser le soutien scolaire. Développer le partenariat avec les grandes écoles. Ouvrir les jeunes vers le monde extérieur.

C

lef de voûte de la réussite professionnelle, l’éducation doit devenir la priorité absolue dans les communes les plus en difficulté. Cela si­gnifie qu’il est

nécessaire de se donner les moyens, notamment financiers, de cette ambition. Pour cela, la mobilisation de l’ensemble des acteurs de la ville doit être encouragée : les élèves et leurs parents, les élus municipaux, les enseignants, les associations, les éducateurs… La généralisation du soutien scolaire dans les collèges va déjà dans ce sens. Le partenariat entre les grandes écoles et les éta-

blissements des zones sensibles est à développer pour valoriser les parcours d’excellence. L’éducation, c’est aussi l’accès à la culture. Faire venir la culture dans les cités, mais aussi intéresser les jeunes à la lecture, à la musique, les initier au théâtre, à l’écriture et à toute autre forme d’art ouvrirait une fenêtre sur le monde et sur les modes d’expression à des jeunes qui souffrent d’être renfermés sur eux-mêmes.

5 Travailler à faire évoluer les mentalités Soutenir l’action associative et l’inscrire dans un réseau local.

P

our que les jeunes issus de quartiers difficiles puissent reprendre confiance en eux et en les institutions de la République, il faut leur donner des espaces d’écoute et d’échange. Le

tissu associatif local joue ce rôle. Les associations doivent être soutenues et accompagnées dans cette démarche et recevoir les moyens de mettre en place des activités tournées vers les jeunes. Il s’agit aussi de travailler en réseau avec les acteurs de la ville, aussi bien sociaux que politiques.

C

es propositions ne sont pas exhaustives et ce n’est pas notre objectif. L’idée est de mettre en avant l’importance du lien humain et d’investir en ce sens. Il y aurait bien d’autres chantiers à faire avancer : le désenclavement des quartiers périphériques par un réseau de transports plus développé ; l’accession au logement plus équitable, qui s’attache à la mixité ; l’accès à la santé et à la justice, etc. Rien de neuf sous le soleil. Pour sortir les banlieues de l’impasse, il faut avant tout une volonté politique

30 LE COURRIER DE L’ATLAS

forte qu’aucun gouvernement n’a eue jusqu’à présent. Surtout que cette volonté doit s’accompagner d’un effort financier important. Espérons que Fadela Amara, plus que ses prédécesseurs, aura les coudées franches pour mener à bien cette lourde tâche. Même s’il est permis d’espérer, le gouvernement actuel semble plus porté sur la répression que sur la prévention, ce qui laisse penser que les casseurs et autres délinquants en herbe ont encore de beaux jours devant eux. nlamarkbi@dmpresse.com

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

Myr Maratet/Picturettank

Au sujet des propositions du “Courrier de l’Atlas”


‫ﺳﯿﺎﺳﺔ‬

Razzye Hammadi Décollage imminent à Orly ville

Razzye Hammadi est en campagne. Pour tenter de conquérir son premier mandat de maire, il a choisi Orly, dont il est convaincu qu’elle peut être la ville du XXIe siècle. Portrait d’un jeune ambitieux.

C

’est avec deux bonnes heures de retard que Razzye Hammadi se pré­ sente au rendez-vous dans les lo­ caux du Mouvement des Jeunes Socialistes, au sous-sol du siège du PS. L’apparence est joviale : la bise aux hôtesses d’accueil, la poi­ gnée de main avec les vigiles et la petite blague à l’adresse du concierge. Il est “comme à la maison”. Simple, même pas cabot. Après les remous qu’a suscités sa candidature, qualifiée de parachu­ tage par certains militants locaux, le candidat investi par le PS s’af­ firme “soutenu unanimement par le national mais aussi par les militants”. Puisqu’il le dit !

Le bagou d’un militant Il a intérêt d’ailleurs à être bien soutenu, car la bataille sera rude. A Orly, tous les coups sont per­ mis. A 83 ans, le maire, Gaston Viens, ancien communiste de­ venu divers gauche, ne s’en laisse pas conter. Il n’a pas du tout ap­ précié que le PS qui le soutenait jusque-là lui envoie ce “jeunot”. Razzye Hammadi s’y est prépa­

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

Par Nadia Lamarkbi ré : “Depuis vingt ans, les campa- abondante. Impossible de l’arrê­ gnes électorales sont basées sur la ter quand il se met à parler. calomnie et la déstabilisation. Je Ses parents lui ont transmis suis immunisé car ce qui est impor- “le goût du travail et de l’ambition” tant ce n’est pas ce que l’on est dans et tous leurs espoirs. “Leur seul le regard des autres, mais ce que projet était notre réussite.” Arrivés l’on fait.” En tout cas, il ne jouera en France dans les années 1960, pas l’Arabe de service ni la cau­ son père, Algérien, était employé tion “diversité” de son parti et puis grossiste en fruits et légu­ se veut reconnu pour son travail mes, et sa mère, d’origine tuni­ de terrain et ses ­“diplômes de la sienne, travaillait à ses côtés. Le bac en poche, Ré­publique”. Razzye quitte la A la tête du MJS Je ne suis France pour la Tu­ depuis décem­ pas pour nisie : “Je voulais bre 2005, ce Toulon­ savoir si j’étais frannais de 28 ans a déjà l’abolition çais ou autre chose.” un long parcours po­ litique derrière lui. de l’économie Il pousse ce retour aux sources jus­ Militant de base puis de marché. qu’à faire une éco­ secrétaire de la sec­ le de commerce à tion de Toulon, il intègre le bureau national lors­ Sfax. Comme il l’avait fait lors qu’il s’installe à Paris pour y faire des manifestations de lycées à son troisième cycle. Il rédige en Toulon, il bat le pavé de la ville effet actuellement une thèse sur pendant les manifestations étu­ l’harmonisation des systèmes de diantes et se retrouve… au com­ protection sociale en Europe. Sa missariat local. On ne se refait voie est toute tracée vers la prési­ pas : militant un jour, militant dence de son mouvement. Son toujours ! Qui n’a jamais trem­ bagou y est pour beaucoup car blé devant les flics n’est pas un l’homme a la verve facile, voire vrai de vrai.

Mais la “France lui manque” et dès son retour en 1998, il adhère au PS de sa région alors très in­ fluencé par le courant de Julien Dray (Gauche socialiste). Décep­ tion. Il quitte le parti. “Je ne suis pas pour l’abolition de l’économie de marché. La relation qu’avait le courant avec le mouvement social me dérangeait. Leurs explications des combats sociaux et leurs caricatures des quartiers difficiles aussi !”

L’intonation mitterrandienne Puis il croise Benoît Hamon en 1999 à l’université d’été de La Ro­ chelle. Qui le ramène dans les rangs du MJS. L’autre rencon­ tre, celle avec François Hollan­ de, détermine la suite de sa carrière. Il se défend d’être son protégé, mais admet que “leurs rapports sont ­empreints de respect et d’estime ­mutuels malgré des points de divergence comme la question eu­ropéenne”. Et quand le sujet de la représen­ tation des minorités est abordé, celui qui se dit en rupture avec le mitterrandisme cite Mitterrand : “Lorsque la droite trahit, ce n’est pas grave. Mais lorsque la gauche trahit, c’est grave, et c’est encore plus grave parce que la gauche trahit l’espoir.” Avec une intonation quasi mit­ terrandienne, il ajoute : “L’espoir de représentation de la diversité est grand. Le défi de la gauche aussi.” Lui qui à plusieurs reprises n’a pas hésité à fustiger Fadela Ama­ ra, Rachida Dati ou encore Rama Yade, plus médiatiques que repré­ sentatives, veut que “là où la droite a nommé, la gauche soit en capacité de faire élire”. Pour lui, “le PS doit changer de méthode pour faire émerger une diversité, comme on dit, même si je n’aime pas le terme”. Et pour cela, “il faut inscrire ces candidats maires et députés dans des processus longs et ne pas se réveiller juste avant les élections”. Le dis­ cours est déjà mature, les poten­ tialités et les ambitions sont là, reste à savoir si les électeurs se­ ront convaincus. nlamarkbi@dmpresse.com

LE COURRIER DE L’ATLAS 31

Philippe Grangeaud/Solfé Communications

politique


politique

‫ﺳﯿﺎﺳﺔ‬

Conseil français du culte musulman Bilan En quatre ans d’existence, le CFCM s’est montré incapable de produire le moindre projet d’envergure. Rongé par des luttes d’influence et des guerres de chefs, contesté dans sa représentativité même, à la veille de ses élections prévues au printemps, le Conseil est bien mal en point. Par Yann Barte

L’institution fantôme

N

ul” ou “calamiteux” pour les uns, “mitigé” pour les plus cléments, le bilan des quatre an­ nées d’existence du CFCM est comme tout ce qui touche le Conseil : un passionnant objet de polémique. Finalement, c’est en­ jaloux les évangéliques, désor­ core au ministère de l’Intérieur mais et “de loin les plus discrimique l’on est le plus miséricor­ nés”, selon les termes même du dieux. On parvient même à tirer ministère. Quant à l’islam des un bilan “globalement positif”. caves, qui avait déjà disparu en “Si, depuis 2003, un lieu de 2003, c’est assurément de l’his­ culte musulman se crée chaque toire ancienne. semaine, c’est bien grâce à l’exis- La Fondation : une tence du CFCM et des conseils autre coquille vide régionaux du culte musulman qui ont mis en place un rapport de Dernière née à l’actif du confiance”, affirme Didier CFCM et de son “ministère de Leschi, chef du Bureau central tutelle” : la Fondation des Œu­ des cultes au ministère. “La si- vres de l’islam. Inaugurée ce tuation des fidèles s’est améliorée. 10 octobre 2007 par la ministre Après… le monde musulman reste de l’Intérieur, Michèle Alliottraversé de sensibilités, de cou- Marie, cette structure est desti­ rants, de problèmes d’ego, comme née à recueillir des fonds afin les autres cultes. Le discours de de financer lieux de culte, amé­ fraternité n’est pas toujours le plus nagements de lieux existants et largement partagé”, reconnaît le formations de cadres religieux. responsable dans un euphémis­ Une idée louable à laquelle per­ me qui fait sourire sonne ne semble au regard des déchi­ pourtant croire, quelle rements effarants pas même ses ini­ que connaît le Con­ représentativité tiateurs. seil depuis sa créa­ Pourquoi la Fonda­ pour l’islam tion. Et comment tion réussirait-elle là pourrait-il en être africain, turc, o ù l e C F C M a autrement puisque échoué, alors qu’elle asiatique ? l’on a en toute insou­ en copie le fonction­ Fiammetta Venner, nement, ou plus ciance con­traint in­ politologue tégristes et libéraux exactement les dys­ à s’entendre ? fonctionnements ? Pour Mohamed Loueslati, Toujours est-il que l’islam a indéniablement gagné en visibi­ imam indépendant, la raison de lité. Les mosquées poussent l’échec annoncé est évidente : comme des champignons, les “Les fondations ne veulent se désubsides et les baux emphytéo­ posséder ni de l’argent ni de leur tiques (1) se bousculent dans les liberté d’action au profit d’une municipalités au point de rendre structure commune.” L’imam et

32 LE COURRIER DE L’ATLAS

s’est rendu compte de la bou­ lette. Même si, place Beauvau, on nie toute mise sous tutelle des représentants officiels de l’islam de France, les liens en­ tre le CFCM et l’Intérieur res­ tent extrêmement confus, quoi qu’en disent l’un et l’autre.

également aumônier régional, se souvient d’ailleurs de l’éner­ gie déployée par l’Union des Un Conseil plus organisations islamiques de politique que cultuel F ra nc e (U O IF ) po ur fa ir e Le ministère ne cache pas son échouer la création d’une agacement face à la question de la aumônerie nationale dont elle représentativité qui continue n’aurait pas eu la gestion pleine inexorablement à ronger le débat : et entière. Les trois grands “Je ne connais comme musulmans groupes reconnus de l’islam de que ceux qui pratiquent et qui le diFrance (l’UOIF, la sent. Nous avons fait Fédération de la avec ce qu’il y avait”, les imams Grande mosquée coupe court le chef de Paris et une Fé­ doivent rester du Bureau central dération nationale des cultes. Avec ce des Musulmans de à leur place. qu’il y avait ? Moussa Koité, France aujourd’hui Ce n’est pas l’avis représentant de éclatée) disposent de Fiammetta Ven­ l’islam africain déjà de leur propre ner, politologue et système de finan­ auteure de l’essai cement et ne sont pas prêts à OPA sur l’islam de France : “Le mimettre leurs sous dans la même nistère a pris une association moribonde [l’UOIF] qui n’était plus rien cagnotte ! L’UOIF, la plus riche, a sans sur le terrain, mais disposait de gros doute peu à gagner dans une mécènes, et a considéré, au regard telle association. Elle a d’ailleurs des mètres carrés de ses mosquées, réussi à imposer des conditions qu’il représentait un tiers de l’islam restrictives à la Fondation qu’el­ de France. Où est la représentativile n’a jamais souhaité voir naî­ té ? Et où est l’islam africain pourtre, parmi lesquelles des projets tant bien présent dans les mosquées, plafonnés à 150 000 euros. l’islam turc ou asiatique, totalement Alors, lorsque l’UOIF qui, de­ inexistant ?” puis des années, dénonce dans Le débat sur la représentativité le CFCM “un instrument du mi- n’a pas fini d’empoisonner le mi­ nistère de l’Intérieur”, entend nistère. La question reste entière Michèle Alliot-Marie annoncer pour le prochain mandat qui s’an­ que la Fondation sera dotée nonce. Moussa Koité, secrétaire d’un “directeur général issu du général de la Fédération des asso­ ministère de l’Intérieur”, elle fait ciations islamiques d’Afrique, des la grimace. “C’était juste une Comores et des Antilles (Faiacaidée”, se défend le ministère qui Paca), dénonce ces critères archaï­

NUMÉRO 11 JANVIER 2008


P. Pavani/AFP

On prend les mêmes et on recommence ! Au printemps prochain auront lieu les nouvelles élections du CFCM.

ques de représentativité liée aux m2 de mosquées : “Nous, nous sommes totalement démunis en lieux de culte. Nous ne faisons que de la figuration et, pourtant, sur les 200 000 musulmans de Marseille, on compte 70 000 Comoriens !” Ce représentant de l’islam afri­ cain croit peu en l’avenir du CFCM actuel : “Son éclatement serait désolant, mais la question est bien de savoir jusqu’à quand le Conseil peut tenir avec ses divergences.” Pour Moussa Koité, “depuis 2005, il ne s’y passe plus rien, plus aucune action”. Le militant se dé­ sole de ces “bras de fer politiques” entre UOIF et clans des Maro­ cains ou des Algériens : “Les imams doivent rester à leur place. Il faut cesser de politiser l’islam : s’ils veulent faire de la politique, qu’ils aillent dans les partis !” Car la criti­ que autour de la représentativité touche bien plus largement la “confessionnalisation de la politique” comme la “politisation de l’islam” dénoncées par l’anthropologue Dounia Bouzar qui, en 2005, cla­ quait la porte du CFCM.

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

Fiammetta Venner, qui voit chargent très bien eux-mêmes…”, dans ce conseil une structure répond la politologue. bien plus politique que cultuelle, s’insurge : “Le CFCM est loin Faiblesse de la d’être cette réunion d’experts char- formation des cadres Si on reconnaît au ministère gés de donner leur avis sur les affaires strictement religieuses. A la re- une amélioration de la situation présentativité des musulmans, s’est des fidèles musulmans, on constate en même substituée la représentemps “l’extrême faitativité des Arabes, et il nous blesse de la formation c’est cette dérive faudrait des cadres”. Ça ne confessionnalisant le marche pas très débat qui est très préstructurer et droit non plus pour occupante. Qu’a-t-on besoin d’appeler, à ‘republicaniser’ l a F N M F  : “ L e CFCM boîte, mais chaque problème le conseil. ne tombe pas, se dans un quartier difMohamed Loueslati, console Merzak El ficile, un représentant imam et aumônier du CFCM plutôt que Bekkay, vice-prési­ dent de la FNMF les acteurs sociaux ?” “Aujourd’hui, regrette-t-elle, chargé du CFCM. On a fait ce on voit même la Mosquée de Pa- qu’on a pu. C’est quelquefois diffiris, pourtant libérale, agir plus cile de trouver un langage commun. violemment que les intégristes, Il faut sans doute encore du temps.” comme par exemple dans l’affaire Il rappelle, parmi les actes de ce des caricatures. Un phénomène de dernier mandat, “la défense du surenchère que l’on observe dans prophète, l’action en Irak pour la libération des otages” et “la mise en toutes les religions.” A l o r s , f a u t - i l l i q u i d e r l e place d’aumôneries en prison, comConseil ? “Je pense qu’ils s’en me à l’armée”.

C’est un CFCM “paralysé” et “aux mains d’acteurs étrangers, un Conseil qu’il va encore falloir structurer et ‘républicaniser’”, que décrit Moha­ med Loueslati. Il retient pourtant l’initiative intéressante de la créa­ tion du centre de formation des imams de Château-Chinon et nuance : “Un institut qui forme une dizaine de personnes et les voit filer vers le commerce, la librairie ou la viande halal, écœurées par les conflits et peu motivées par les perspectives d’avenir… On est très loin des besoins ! La mosquée de Paris ne fait vraiment pas grand-chose.” Alors quel bilan ? Pour Fouad Alaoui, secrétaire général de l’UOIF et vice-président du CFCM, “le mandat prochain doit être l’occasion pour la future direction du Conseil d’aborder avec sérieux et courage les dossiers qui sont sur la table, sinon il risque de perdre toute légitimité”. Le problème, c’est que ces propos datent de 2005… et que, depuis, rien n’a changé. ybarte@dmpresse.com (1) Baux immobiliers au loyer modique d’une durée généralement de 99 ans.

LE COURRIER DE L’ATLAS 33


E en association avec akwa, Maersk a investi dans un terminal à containers de tanger Med.

ZOOM

n l’espace de sept ans, le Maroc est devenu une destination touristique privilégiée. Le gouvernement s’attend à 7 millions d’arrivées à la fin de 2007. Les élites du royaume, formées dans les universités européennes et américaines, rêvent de faire du pays la Floride de l’Afrique. Leur objectif : se poser comme alternative à un marché européen saturé et conquérir une Afrique en construction. A la tête des grands postes publics et privés, les golden boys de l’économie vendent un Maroc nouveau à l’international. Le pays est un chantier ouvert avec l’affluence des investissements occidentaux et des capitaux du Golfe. Pour la seconde année consécutive, les apports étrangers ont dépassé 2,2 milliards d’euros en 2006, selon la Direction des investissements extérieurs. Encouragés par les devises qui rentrent à flot, les décideurs s’engagent sur d’autres visions de développement. Le plan Emergence, élaboré il y a deux ans, a défini la stratégie industrielle du Royaume avec de nouvelles niches, notamment l’off shoring. En l’espace de deux ans, le nombre des centres d’appels a été multiplié par trois avec à la clé plus de 17 500 emplois, d’après une étude de l’Agence nationale de régulation des télécoms (ANRT). Le Maroc compte tirer profit de ses accords de libre-échange avec l’Europe et les Etats-Unis pour attirer de nouveaux investissements dans une économie qui traîne encore des archaïsmes. En premier lieu, le poids de l’agriculture dans le PIB (15 %). La croissance dépend aussi de la clémence du ciel. En 2007, sécheresse oblige,

caPital Voici le troisième volet de notre enquête sur les groupes économiques du Maghreb. Au Maroc, la machine des investissements tourne à plein régime. Mais ce n’est que la partie visible de l’iceberg. Chômage, pauvreté, analphabétisme continuent de faire des ravages… Questions sur la viabilité du modèle marocain. Par Nadia lamlili 34 LE COURRIER DE L’ATLAS

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

J. Farre/Réa

SUR LES CHAMPIONS DE L’ÉCONOMIE MAROCAINE


le pays s’attend à 3,5 % de taux de croissance alors que, l’année précédente, il avait atteint le chiffre record de 8 %. L’évolution rapide de l’économie semble en effet avoir surpris certains secteurs qui traînent les séquelles de la rente, comme l’immobilier. Le tourisme et les gros chantiers ont dopé la machine de la construction et enclenché la grande spirale de la spéculation. Les promoteurs immobiliers vivent actuellement leur âge d’or parfois au détriment de la population. La hausse des prix a fortement handicapé la classe moyenne. Le gouvernement s’est focalisé sur le relogement des plus pauvres, mais semble avoir oublié cette classe de jeunes cadres qui émerge et qui ne peut pas accéder à la propriété, malgré la baisse des taux de financement. Enfin, près de 14 % des Marocains vivent toujours en deça du seuil de pauvreté (1 dollar par jour). La crise de l’emploi et l’indigence ont donné naissance à des villes hybrides où la misère côtoie l’opulence. Le secteur informel continue de faire vivre des millions de personnes qui ne bénéficient d’aucune protection sociale. Le gouvernement a mis le paquet sur les gros chantiers structurants (TangerMed, Bouregrag…). Il mise sur la croissance économique, estimant qu’à long terme, elle aboutira à l’amélioration du niveau de vie de la population. La lutte contre l’analphabétisme (48 % pour l’ensemble de la population et 62 % chez les femmes) et la généralisation des soins de base restent les principaux défis du pays. Et c’est là que se situe le véritable challenge. contact@lecourrierdelatlas.com

L’ONA Le numéro 1 du royaume

L

e holding le plus puissant du Maroc avait été créé en 1934 et s’était spécialisé dans les métiers de base tels que la production de sucre, d’huile de table, de lait et de yaourt. Au début des années 80, la famille royale en devient actionnaire, à travers sa propre holding Siger. Elle en fait progressivement, et jusqu’à l’époque actuelle, un holding de gestion et de développement qui interviendra dans les secteurs les plus stratégiques pour le Royaume : lancement d’une deuxième chaîne de télévision (2M), tourisme, immobilier, distribution… Avec la prise de contrôle progressive de la BCM (devenue Attijari), puis la fusion avec Wafabank, l’ONA crée un champion national dans le domaine financier. Son entrée tardive (qui date d’une année environ) dans le domaine des télé-

Akwa group

A

vec un sens aiguisé des affaires, Aziz Akhannouch a fait du groupe Afriquia, hérité de son père Ahmed Oulhaj, un acteur majeur du capitalisme marocain. La transformation se fait à partir du début des années 90. Le jeune manager modernise la gestion, organise l’ensemble selon les standards les plus modernes, regroupe les moyens et sépare les métiers, diversifie son entreprise, et se retrouve aujourd’hui à la tête d’un groupe moderne, d’une cinquan-

Acima et Marjana, deux enseignes phares de l’ONA.

coms fait de lui le troisième opérateur dans un secteur très juteux. Aujourd’hui dirigé par un manager respecté et compétent, Saâd Bendidi, le holding se fixe des objectifs de diversification car les métiers traditionnels (alimentaire) sont menacés par la libéralisation. Au début des années 2000, le

groupe s’était retrouvé très endetté et avait raté le coche des métiers d’avenir tels que l’assurance ou encore la téléphonie mobile. A l’heure actuelle, avec des finances assainies, il envisage une diversification et un rôle économique de locomotive qu’il avait abandonné pendant une décennie.

le leader de l’énergie taine de filiales, avec des métiers allant des carburants aux médias en passant par les lubrifiants, le gaz, l’immobilier ou la téléphonie mobile. Après l’absorption de son concurrent Somepi en 2005 et de sa filiale Tissir Primagaz, il devient le numéro un incontesté de l’énergie au Maroc, avec 400 stationsservice, 32 % du marché des carburants et 43 % du marché de distribution du gaz. Puissant, mais discret, Aziz Akhannouch est connu pour être un

chasseur de tête. Il aime s’entourer de compétences pour faciliter la délégation des tâches. Il est aussi reconnu pour ses qualités humaines. Son groupe contrôle une cinquantaine d’entreprises et emploie plus de 3 500 personnes. Aziz Akhannouch vient d’être nommé ministre de l’Agriculture et des Pêches maritimes. Il est en même temps président de la région du Souss-Massa-Draâ dont il est originaire et au sein de laquelle il est très actif.

A. Senna/AFP

La Samir Prête pour l’ouverture du marché du raffinage Le 25 novembre 2002, la Samir se trouve face à un moment fatidique de son histoire. Complètement paralysée suite à l’incendie de la raffinerie de Mohammedia, elle ne peut plus assurer l’approvisionnement du marché en hydrocarbures, dont elle avait jusque-là le monopole d’importation. Sous la pression des distributeurs, mais surtout pour sauver le Maroc de la pénurie, le gouverne-

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

ment libéralise le secteur plus tôt que prévu. La Samir proteste, en vain. L’Etat ne lui a pas pardonné son manque de sérieux quant au respect du cahier des charges conclu au moment de sa privatisation et qui prévoyait notamment d’importants investissements. En 1997, le groupe suédo-saoudien Corral acquiert 60 % du capital de la Samir, puis 6,77 % supplémen-

taires. L’opération est menée par Abderrahmane Saâidi, à l’époque ministre de la Privatisation, qui deviendra par la suite directeur général de la société. Le groupe s’engage sur un business plan, mais les dates butoirs n’ont pas été respectées. S’ensuit une bataille en sourdine entre l’Etat et le raffineur. Entre-temps, la Samir répare ses installations et les remet en mar-

che. Elle se prépare à l’ouverture du marché du raffinage en 2010 avec la construction d’une nouvelle station d’hydrocracking qui lui permettra de produire du carburant à haute définition, c’est-à-dire plus épuré. La concurrence ne semble pas gêner son directeur actuel, Jamal Ba Amer, qui a annoncé en 2006 un chiffre d’affaires de 2,2 milliards d’euros.

LE COURRIER DE L’ATLAS 35


BMCE

L’

histoire du navire amiral du groupe Financecom est intimement liée à son Président, Othmane Benjelloun, financier exemplaire et industriel aguerri. En 1995, ce polytechnicien qui a fait ses armes dans l’automobile, devient l’actionnaire de référence de la BMCE, alors propriété de l’Etat. A l’époque, l’établissement est plutôt mal en point. Ce qui s’annonçait comme une aventure risquée s’est avéré être une belle expérience de redressement. Avec un réseau de 350 agences et une présence dans 22 pays, la BMCE est devenue la seconde banque du pays. Tirant profit de ses amitiés

La BMCE est aujourd’hui la deuxième banque du Maroc.

Groupe Addoha

l y a un an et demi, quand Addoha a annoncé son introduction en Bourse, personne ne s’attendait à l’hystérie collective suscitée. La valeur de l’action est passée de 45,70 euros à 281,7, entraînant un engouement boursier jamais observé, aussi bien chez les petits que chez les gros investisseurs. Certes, le secteur de l’immobilier est au top de sa forme. Mais

Maroc Telecom

D

ans les coins reculés du Maroc, les habitants n’ont peut-être pas l’électricité ou l’eau courante, mais ils ont le GSM. En l’espace de six ans, Maroc Telecom a chamboulé les habitudes de consommation : plus de 14 millions de clients entre le fixe et le mobile, soit pratiquement la moitié de la population. Rien que pour les neuf premiers mois de 2007, Maroc Telecom annonce près de 1,7 milliard d’euros de chiffre d’affaires. La plus grosse opération de privatisation dans l’histoire du pays, conclue en 2001, a rapporté à l’Etat 2 milliards d’euros pour la cession de 35 %, puis plus d’un milliard pour la cession de 16 % supplémentaires au

36 LE COURRIER DE L’ATLAS

dans la finance internationale, l’homme d’affaires rafle la compagnie d’assurances Al Wataniya sous le nez de l’ONA et réussit à entrer dans le capital de Méditel, second opérateur GSM. En 1999, il affronte le holding royal sur le terrain de la SNI, mais se fera cette fois doubler. Ses partenaires allemands de la Commerzbank le lâchent au moment où il a le plus besoin d’eux. Benjelloun réussit quand même à rebondir. Il rachète les 15 % cédés par la banque allemande et négocie l’entrée du Crédit Industriel et Commercial. En quelques années, la valeur de l’action BMCE à la Bourse de Casa a été multipliée par six.

l’aubaine des 200 000 logements sous Hassan II la société immobilière, filiale du groupe Douja Promotion, a connu une bulle spéculative dépassant la réalité de ses actifs. Pour plusieurs économistes, son patrimoine aurait été surévalué. A tel point que Miloud Chaâbi finit par demander l’ouverture d’une enquête parlementaire sur “le côté obscur” des transactions passées entre l’Etat et Addoha.

Depuis son introduction en Bourse, le groupe, dirigé par Anas Sefrioui, entame son élargissement. Il signe une convention de joint-venture avec le groupe émirati Al Qudra et se lance dans la construction de complexes touristiques haut de gamme à Marrakech et à Rabat. En 1995, quand Hassan II lança la politique des 200 000 logements pour

atténuer l’exclusion sociale, Addoha venait à peine d’être créée. Une aubaine qui permettra au groupe d’Anas Sefrioui de se tailler une position de leader sur ce segment. Au même titre que les autres promoteurs, il bénéficie des aides de l’Etat, mais réussit à se démarquer grâce à une politique commerciale agressive et de proximité.

sa clientèle : la moitié de la population même groupe français Vivendi. Son entrée en Bourse a eu l’effet d’un électrochoc. Depuis, la place casablancaise connaît un engouement spectaculaire. Coté à Casablanca et à Paris, l’opérateur se montre parfois d’une arrogance qui dérange son concurrent en téléphonie mobile, Méditel, filiale du groupe espagnol Telefonica. Leurs relations portent fréquemment l’Agence de régulation nationale des télécom (ANRT) à intervenir pour les départager. Mais rien n’arrête son patron, Abdeslam Ahizoune, homme de réseaux, qui a su implanter son groupe en Mauritanie, au BurkinaFaso et au Gabon.

14 millions d’abonnés au téléphone fixe ou mobile.

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

P. Bessard/Réa

I

rebond inespéré


Ynna Holding

Une gestion paternaliste

M

iloud Chaâbi est un ouvrant le feu sur l’ancien viself-made-man parti zir Driss Basri. Mis sur la toude rien pour construire un che, il sera un des premiers empire économique qui pèse hommes d’affaires maro88 millions de chiffre d’affai- cains à aller investir en Afrires. L’histoire de Ynna Hol- que subsaharienne. La gesdings (Ynna veut dire ma tion du groupe Chaâbi reste mère) est entourée de my- paternaliste. Ses hôtels et thes concernant son leader. ses supermarchés Aswak AsL’entrepreneur était simple salam ne vendent pas d’alberger à côté d’Essaouira. La cool. Ses enfants, formés en perte d’une de ses brebis et Europe et aux Etats-Unis, la peur d’être sanctionné par commencent cependant à son père le poussent à s’éva- rajeunir la machine en y inder à Kénitra en 1948. Il y tra- troduisant le management vaille comme maçon avant participatif. Dernière innovade fonder son entreprise. Pe- tion : l’introduction en tit à petit, il se renforce dans Bourse de la Snep, société l’immobilier et jette ses ten- de pétrochimie. tacules dans l’industrie des câbles, la pétrochimie, le tourisme, l’agriculture et la grande distribution, en rachetant des entreprises françaises pendant la marocanisation (Dolbeau) et ensuite au moment de la privatisation (la Snep). Sous Hassan II, l’homme s’est taillé une ré- Miloud Chaâbi. putation de bagarreur en

La Cnia

TOUJOURS SURPRENANTE

A. Senna/AFP - E. Piermont/AFP

U

ne nouvelle vie a commencé pour la Cnia après sa reprise par Moulay Hafid Elalamy, un coup de maître qui a marqué l’histoire des acquisitions. A l’origine propriété du groupe bahreini Arig, la compagnie d’assurance devait atterrir dans l’escarcelle de la Banque Centrale Populaire dont elle exploitait le large réseau national pour distribuer ses produits. My Hafid Elalamy surgit de nulle part et prend la mariée de la main de son prétendant, assénant un coup dur à Noureddine El Omary, patron

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

de la BCP. Un an après, elle prend la quatrième place dans le secteur des assurances. Elalamy dote son entreprise d’une nouvelle identité visuelle et surprend encore une fois le marché en rachetant Essaâda, alors en difficulté financière. Son groupe Saham, créé en 1995, gère le premier centre d’appels du Maroc, Phone Assistance, qui emploie près de 1 800 personnes. Il dirige aussi Mondial Assistance et les chaînes de distribution Bigdil, Best Mountain et Sergent Major, sans compter ses participations dans les télécoms.

My Hafid Elalamy, patron des patrons(1) : “Mondialisation : à consommer avec modération” Le Courrier de l’Atlas : Historiquement, les grands groupes privés marocains évoluaient dans un système de rente. Comment ont-ils amorcé leur virage vers un système productif ? My Hafid Elalamy : Tous n’étaient pas basés exclusivement sur la rente. Il est vrai que le système économique était très protectionniste. Tout passait par des licences d’importation, des agréments de carrières de sable, de transport… A ce titre, il fallait avoir des relations particulières avec les représentants de l’Etat pour y accéder. Mais cette période est aujourd’hui révolue. Même les groupes dits classiques sont confrontés à de nouvelles démarches commerciales qui ne tolèrent plus la complaisance et qui sont basées essentiellement sur les appels d’offres. Les licences d’importation n’existent plus. Ces groupes ont été obligés de se mettre au goût du jour pour subsister dans un contexte de libéralisation et de mondialisation. Ils ont été contraints de trouver de nouvelles niches de développement en faisant appel non plus à des privilèges, mais à leurs propres capacités à se structurer et à innover. Je crois que la métamorphose qui s’est produite au Maroc est générationnelle. Les grands groupes détiennent une grande part de l’économie alors que le tissu productif marocain est dominé par les PME. Comment expliquer cette contradiction ? L’économie marocaine est détenue par les PME à hauteur de 90 %. Et là, je ne parle pas de leur poids numérique, mais bien de leur capacité de commerce et de leurs flux industriels. Les grands groupes constituent moins de 10 % du PIB. Il y a dix ans, il y avait un seul grand groupe, l’ONA. Aujourd’hui, on compte une vingtaine de grands groupes qui sont aussi importants et parfois plus. Et ils seront encore plus nombreux grâce à la recomposition économique.

Dans un contexte de mondialisation, est-il possible de protéger des secteurs pour préserver le pouvoir d’achat des citoyens ? Le monde entier le fait. L’Espagne et la France sont intervenus pour protéger leurs pêcheurs contre la flambée du gasoil. Quand un pays instaure le protectionnisme dans des objectifs de développement et de préservation de l’économie et des emplois, c’est de bonne guerre. Il faut jouer la mondialisation intelligemment. Si vous ouvrez vos frontières d’une façon anarchique, vous risquez de faire disparaître votre économie. La mondialisation est importante, mais il faut la consommer avec modération et s’améliorer constamment pour pouvoir la supporter. C’est comme en médecine. Quand on fait subir à un cœur des électrochocs trop importants, on risque de le tuer. Ce qu’il faut, c’est juste le réveiller pour le maintenir en vie. Beaucoup de groupes Marocains se sont implantés en Afrique subsaharienne. Comment instaurer un partenariat win-win ? Il peut se faire dans l’agroalimentaire en réalisant des projets agricoles communs ou dans les mines où nous avons un vrai savoir-faire. L’ouverture de l’économie ne doit pas être perçue d’une façon unidirectionnelle. Ouvrir la grande porte pour tous ceux qui veulent exploiter nos ressources est un suicide. La mondialisation est un échange bidirectionnel. Normalement, nous devons être en mesure d’aller nous implanter en Europe, où nous avons une population importante de Marocains avec un réel savoir-faire. Ces MRE connaissent parfaitement leur pays et ses habitudes de consommation. Ils peuvent donc sélectionner les entreprises pouvant établir des joint-ventures avec des partenaires marocains. Propos recueillis par N. L. (1) Président de la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM).

LE COURRIER DE L’ATLAS 37


Il raconte… ‫ذﻛر ﻳ ﺎت‬

la victoire du fis en Algérie

DR

Propos recueillis par Khaled Olhocine

Omar Belhouchet, 54 ans Journaliste à “El Moudjahid” dans les années 1970, il crée en 1990 avec 17 autres actionnaires le quotidien “El Watan”, dont il assure la direction de la publication. Au milieu des années 1990, il échappe de justesse à une tentative d’assassinat perpétrée par un jeune terroriste. Il a reçu une dizaine de prix internationaux dont la Plume d’or décernée en 1994 par l’Association mondiale des journaux (AMJ).

38 LE COURRIER DE L’ATLAS

‘‘

A. Senna/AFP

L

e jeudi 26 décem- devient lourd. Grisés par leur vicbre 1991, les Algé- toire, les islamistes invitent les Alriens sont appelés gériens à se préparer à changer à participer aux leurs habitudes vestimentaires et premières élec- alimentaires. Un dirigeant du FIS tions législatives annonce que son parti est prêt à pluralistes de importer 3 millions de cadres de l’histoire de l’Algérie indépendan- l’Iran et du Soudan si les élites alte. Hélas, ce que nous redoutions, gériennes venaient à quitter le ce contre quoi nous n’avions cessé pays. D’autres islamistes menacent de mettre en garde, arrive : les isla- de prendre les armes en cas d’anmistes du Front islamique du Sa- nulation du second tour. Démocralut (FIS) raflent, au premier tour tes, syndicalistes et intellectuels du scrutin, la majorité des sièges à appellent l’armée à prendre ses l’Assemblée nationale et s’apprê- responsabilités face au péril intétent ainsi à prendre le pouvoir par griste qui plane sur l’Algérie. Du sérail, nous parviennent des les urnes. A Alger comme dans tout le informations, des rumeurs faireste du pays, l’abattement et la sant état de graves divergences consternation s’ajoutent à l’an- entre le commandement de l’armée et le présigoisse des lendedent Chadli Bendmains incertains. Le président jedid, au pouvoir Allons-nous laisser notre pays basculer Chadli est prêt depuis la mort de Boumediene en dans les mains des à partager le 1978. intégristes qui nous promettent l’instau- pouvoir avec le Mercredi 8 janvier 1992. J’apration d’un Etat islaprends de sources mique ? Allons-nous FIS, pas l’armée. bien informées que assister impuissants à la confiscation des valeurs répu- l’état-major de l’armée et Chadli blicaines par un parti dont les diri- sont désormais parvenus au point geants ont déclaré que la démocra- de rupture. Si le président persiste à vouloir partager le pouvoir avec tie était une hérésie ? Dans la rédaction d’El Watan, le FIS, les militaires n’hésiteront comme dans d’autres journaux pas à le déposer. Le lendemain, francophones, les journalistes sont mon article, paru à la une du joursous le choc : il faut faire quelque nal, va alimenter les discussions chose. Samedi 28 décembre, une dans les salons d’Alger. Ce deuxiètrentaine de directeurs de publica- me week-end de la nouvelle année tions se réunissent avec le ministre – en Algérie, le repos hebdomade la Communication Abou Bakr daire intervient jeudi et vendredi Belkaïd, qui sera assassiné en sep- – sera l’occasion d’entendre les tembre 1994. Après un débat hou- rumeurs les plus folles, et les plus leux, je quitte la réunion avec la fantaisistes : Chadli aurait pris la conviction que l’armée veut annu- fuite en emportant avec lui des ler la tenue du second tour et em- valises bourrées d’argent ; les mipêcher les islamistes de gouverner. litaires l’auraient arrêté et empriVouloir est une chose… sonné ; il aurait dégradé et mis Au fur et à mesure que l’échéan- aux arrêts une dizaine de généce du deuxième tour approche, la raux qui lui tiendraient tête ; une crise politique s’installe et le climat partie de l’armée aurait passé un

‘‘

’’

NUMÉRO 5 JUIN 2007

Crédits photo

élections Le 26 décembre 1991, pour la première fois depuis l’indépendance, les Algériens sont appelés à élire démocratiquement leurs députés. Les islamistes obtiennent la majorité et promettent l’instauration d’une république islamique. Les démocrates s’y opposent. Pendant quinze jours, le pays va alors vivre une succession d’événements douloureux et déterminants pour son avenir. Omar Belhouchet, directeur du quotidien “El Watan”, se souvient.


deal avec le FIS et le président… Après plusieurs jours de tractaLa décision sera prise ce week- tions, les décideurs sont enfin end. Elle sera lourde de consé- arrivés à dénouer une crise sans quences pour l’avenir du pays. faire couler le sang des Algériens. Samedi 11 janvier. A la Maison La salle de rédaction d’El Watan de la presse où sont regroupés la se transforme en ruche bourdonplupart des journaux privés, les nante. Il faut rédiger l’informajournalistes sont informés qu’une tion, élaborer les commentaires, décision importante sera annon- susciter les réactions des responcée incessamment. La nouvelle sables politiques, trouver les bonme parvient en fin d’après-midi : nes illustrations et réussir à bouc’est fini, le président Chadli rend cler le journal avant minuit. Bien sûr, la démission de Chason tablier et il l’annoncera ce soir dans une déclaration radiotélévi- dli est un soulagement, bien sûr sée. Aussitôt, je décrète la mobi- que l’arrêt du processus électoral lisation générale dans la rédac- est un choix salutaire parce qu’il tion. Il est 20 heures lorsque le aura évité à l’Algérie de devenir un présentateur annonce une inter- khalifa islamique, mais tout cela ouvre une nouvelle vention du chef de ère d’incertitudes et l’Etat. Le pays tout L’armée doit d’appréhensions. entier retient son Qui va remplacer souffle. prendre ses Chadli apparaît Chadli ? Comment sur les écrans de la responsabilités réagiront ces islamistes à qui on a confistélévision nationaface au péril le. Blême, hagard, qué la victoire ? Vontintégriste. ils basculer dans la il annonce sa déguérilla comme ils mission et, dans la foulée, l’arrêt du processus électo- l’avaient annoncé à maintes repriral. Moins de dix minutes après, ses ? L’armée est-elle réellement il tourne les talons et disparaît, homogène et suffisamment prépamettant fin à treize ans de règne. rée à une insurrection armée ?

‘‘

Crédits photo

’’

NUMÉRO 5 JUIN 2007

Un char prend position devant le siège du gouvernement à Alger. L’armée veut interrompre le processus électoral, contrairement au président Chadli, qui présente alors sa démission.

Quelle serait l’attitude des puissances occidentales rétives aux coups de force politique et si chatouilleuses en matière de respect de la souveraineté populaire ? Nous nous sommes posé ces questions lorsque le nom de Mohamed Boudiaf est évoqué une première fois pour assurer la succession du président sortant. Boudiaf. Qui se souvient de cet homme longiligne qui a été à l’origine du déclenchement de guerre contre la France en novembre 1954 ? Qui connaît ce dirigeant du FLN, jeté en prison par Ben Bella dans les années 60, avant de devenir un opposant aussi intransigeant que virulent à l’égard du régime de Boumediene ? Depuis son exil à Kenitra, au Maroc, Mohamed Boudiaf s’est rangé de la politique. Entrepreneur avisé, il gère une briqueterie avec

sa famille et ne s’intéresse guère à la politique algérienne. Nous sommes étonnés que cet homme d’ordinaire cauteleux accepte l’offre des militaires au moment où l’Algérie vit des moments cruciaux. Mais comme en 1954, lorsque le destin du pays appelle les hommes à s’élever au-dessus de leurs intérêts personnels, Mohamed Boudiaf accepte de revenir à Alger pour tenter de sortir le pays de la crise. D’abord foncièrement opposé à l’idée de prendre la tête de l’Etat, il finit par succomber aux arguments d’Ali Haroun, ancien dirigeant du FLN, avocat notoire, et aux assurances du ministre de la Défense Khaled Nezzar. Jeudi 16 janvier. Mohamed Boudiaf débarque à Alger. Le 29 juin, il sera assassiné d’une rafale dans le dos. Mais cela est une autre histoire. contact@lecourrierdelatlas.com

LE COURRIER DE L’ATLAS 39


politique ‫ﺳﯿﺎﺳﺔ‬

‘‘

bilan Luttes d’influence, problèmes de financement, conflits politiques et irrégularités autour des collections d’art… Depuis sa création en 1987, l’Institut du Monde arabe navigue à vue. Nommé fin 2006 à la tête de l’institution, Dominique Baudis assure qu’il voit le bout du tunnel. Explications. Par Nadia Lamarkbi

20 ans La renaissance

de l’Institut du Monde Arabe

S

erait-ce la fin des ennuis pour l’IMA qui avait pour vocation de redorer le blason du monde arabe en France ? Après vingt ans d’existence et de multiples affaires ayant entaché la réputation de l’institution parisienne, l’avenir semble désormais plus serein. Tout n’a pas été rose pour l’un des plus beaux musées de Paris dessiné par le talentueux architecte Jean Nouvel. Dernière affaire en date : la disparition et la réapparition suspectes de 78 œuvres d’art contemporaines et d’art islamique. Brahim Alaoui, l’ancien directeur du musée de l’IMA, a dû non seulement s’expliquer sur ce tour de passe-passe, mais aussi sur la présence d’une centaine d’œuvres non répertoriées lors de l’inventaire des fonds mené par la Cour des comptes. A la création de l’IMA, les

40 LE COURRIER DE L’ATLAS

déchirures entre les pays de la Ligue arabe, membres du haut conseil de l’institution, empêchent le bon fonctionnement de la fondation. Mécontentement face aux choix culturels de la direction, reproches sur le fonctionnement administratif, chaque pays voulant placer ses ressortissants aux postes les plus importants, conflits d’ordre politique, refus de payer la quote-part… L’adage qui énonce que “les pays arabes se sont mis d’accord pour ne jamais être d’accord” se vérifie une fois de plus. Pour Dominique Baudis, président depuis février 2007 de ce paquebot à la dérive, la tâche n’est pas facile. Tout est affaire de communication, et l’homme excelle dans ce domaine. Il ne ménage pas son énergie pour remettre le navire à flot. Et ses efforts semblent porter leurs fruits. Il nous explique sa stratégie.

Le Courrier de l’Atlas : Cette année, l’IMA fête ses 20 ans. Est-ce la fin de sa crise d’adolescence et son entrée dans l’âge adulte ? Dominique Baudis : Vingt ans d’existence, c’est le moment de faire un bilan. Deux constats : l’IMA, depuis son origine, connaît un immense succès avec environ un million de visiteurs par an. C’est, à Paris, le dixième site culturel le plus visité. C’est un succès populaire, mais aussi d’estime parce que chacun s’accorde à reconnaître la qualité des expositions, la richesse du fonds de bibliothèque, l’intérêt de ce qui est proposé en librairie, la qualité de la programmation musicale, l’intérêt des cours de langues et des ateliers éducatifs. En même temps, l’IMA a connu une situation financière en déséquilibre. Depuis le début, tous les ans, on a terminé sur un déficit. Ce qui a fini par produire une dette de 15 millions d’euros. La politique de cotisation [ndlr : chaque pays devait payer une quote-part pour le fonctionnement de l’IMA] a été arrêtée depuis dix ans. Chaque année, de moins en moins d’argent rentrait. Camille Cabana, un de mes prédécesseurs, a demandé aux pays de payer leurs arriérés et s’est engagé à cesser cette politique. Beaucoup ont soldé leurs comptes. Maintenant, nous fonctionnons grâce à un financement par projet. Ces projets peuvent être de communication, entièrement gérés par le pays concerné, ou encore culturels. Dans ce dernier cas, avec le pays,

on cherche des mécénats et un financement approprié. Cette année, pour la première fois, nous aurons un budget en équilibre. A notre âge, il faut s’assumer financièrement ! Justement, pour ce retour à l’équilibre, vous avez dû faire des sacrifices. Sur quels domaines se sont portés vos efforts ? J’ai surtout essayé d’augmenter les recettes plutôt que de limiter les dépenses. Mais il est vrai que nous sommes très attentifs. Nous avons mis en place des procédures plus rigoureuses pour les passations de marchés, les commandes, les achats. Nous avons maintenant une gestion beaucoup plus fine, comme doit le faire une entreprise, parce que, même si l’IMA n’est pas destinée à faire des bénéfices, elle doit équilibrer ses comptes tout en répondant à ses missions. Nous réfléchissons donc à une meilleure gestion des fonds dont nous disposons. Avant ma nomination, l’IMA avait lancé un plan de licenciements économiques. Nous sommes passés de 150 à 140 employés. Il y a eu aussi une augmentation très forte des recettes. Tout d’abord, la subvention du ministère des Affaires étrangères français a été réactualisée [ndlr : elle est passée de 8,5 millions à 11,7 millions d’euros]. Depuis 1990, il nous versait la même somme. Deuxièmement, nous avons augmenté le mécénat. Des entreprises sont aujourd’hui associées à des événements culturels ou à des réalisations à l’in-

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

DR

comment Domi

n


mi

nique Baudis a sauvé l’IMA Interview térieur du bâtiment : Total et Suez pour les expositions ; le groupe Lagardère pour la modernisation du musée ; Veolia pour l’éclairage du bâtiment. Troisièmement : avec les Etats arabes, nous bâtissons des opérations de communication. L’espace de la Médina [ndlr : bâtiment indépendant sur le parvis de l’Institut] sera loué pour qu’un pays puisse se présenter comme s’il louait un pavillon dans une exposition internationale. Nous avons commencé avec le Qatar par une expo en décembre et jusqu’au début du mois de janvier. Ne pensez-vous pas que ce système favorisera les pays riches,

plus à même de financer ce type de projet ? Je peux comprendre qu’un Etat ne bénéficie pas de ressources pour financer ce type de projet. En revanche, il sera en mesure de convaincre des entreprises qui opèrent dans ce pays, notamment françaises, d’y participer. Ce système a fonctionné pour l’exposition “Bonaparte en Egypte” qui débutera en octobre 2008. Cette rencontre entre les deux pays il y a deux siècles a été brutale et sanglante, mais elle a aussi été féconde intellectuellement et scientifiquement. Nous travaillons avec les Egyptiens qui participent activement au montage.

nous “ développons des partenariats, Nous ne faisons pas de mendicité.

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

L’ambassade d’Egypte et l’IMA ont réuni des entreprises pour leur présenter le projet et pour les inviter à s’y associer en termes de mécénat. Aussi bien pour la présentation de l’expo à Paris que pour sa présent a t i o n a u C a i r e o u à Alexandrie. Ce sera un événement important en Egypte. La collaboration avec les Etats arabes semble être votre priorité. Quelle est la part de diplomatie dans votre fonction ? C’est une part importante, mais pas LA plus importante. Il y a trois dimensions dans ma fonction. Une dimension culturelle : choisir des thèmes d’exposition, mettre en route le chantier de rénovation du musée, etc. La “gestion de la maison” : remettre l’IMA en équilibre sur le plan financier. Et enfin la relation avec les pays arabes : quand on préside une fondation où siègent les vingt-deux pays arabes et la France, il y a évidemment un travail de relation avec les Etats qui sont représentés au conseil d’administration par leur ambassadeur. On ne peut faire fonctionner cette maison qu’en ayant une relation très étroite avec eux, avec la Ligue arabe et avec l’Etat français. Le monde arabe est une diversité, pas un bloc monolithique. Ce n’est pas un pays, mais vingtdeux unis par des solidarités, parfois aussi en désaccord sur certaines choses. Le programme des grandes expositions jusqu’en 2010 : “La Méditerranée des

Phéniciens”, “L’architecture contemporaine dans les Emirats”, “Bonaparte et l’Egypte”, une expo sur la Libye et une pour les 100 ans d’Oum ­Kalsoum. Prévoyez-vous une exposition avec les pays du Maghreb ? Nous avons travaillé avec la Tunisie sur “La Méditerranée des Phéniciens : De Tyr à Carthage”. Nous avons également présenté à Alger trois expositions dans le cadre d’Alger, capitale de la culture arabe en 2007. Avez-vous des projets avec le Maroc ? Nous avons aussi travaillé avec le Maroc sur les Phéniciens. J’y suis allé à trois reprises. D’abord pour signer une convention avec Medi 1 Sat et Medi 1 radio qui vient tourner des reportages sur l’activité de l’IMA et plus largement sur les activités culturelles à Paris à partir de nos locaux. J’avais proposé au wali de Tanger d’organiser une expo à Paris pour la candidature de Tanger 2012. Je regrette que cela n’ait pas abouti et que Tanger n’ait pas été choisie. Je suis prêt à organiser au Maroc des événements, par exemple autour de l’art et la photographie contemporaine. Dernièrement, je suis allé à Fès pour une manifestation sur la diversité culturelle et le dialogue interreligieux. Je ne souhaite qu’une chose, c’est que l’on puisse organiser une grande exposition de l’IMA à Rabat, à Tanger, à Marrakech… Ce que je vous dis là, je l’ai dit à l’ensemble des ministres de la Culture des pays ara-

bes lors d’une réunion fin novembre à Alger. J’ai fait remettre à chacun d’eux un dossier épais sur les expositions d’art contemporain que nous pourrions proposer pour les pays qui le souhaitent. Si cette proposition est retenue et intéresse un pays, nous nous mettrons au travail pour trouver les financements nécessaires et monter l’opération dès que possible. Cela fait dix mois que vous êtes à la présidence, de quoi êtes-vous le plus fier aujourd’hui ? Je souhaite garantir que le travail qui se fait depuis longtemps continuera de se faire parce que j’ai réussi à redresser la situation financière. Je voudrais maintenant consolider cette situation. Sur quels points faudrat-il encore travailler pour rester durablement à l’équilibre ? Nous devons développer le mécénat. Nous ne faisons pas de mendicité, nous proposons aux entreprises des partenariats qui sont également dans leur intérêt. En 2007, sur les expositions, nous avons réuni plus d’un million d’euros. Une exposition coûte 3 millions d’euros. Le mécénat en couvre donc un tiers, mais je souhaiterais qu’il en couvre une part plus grande. Je vais travailler dans ce sens. Deuxièmement, je souhaiterais travailler avec les pays arabes sur davantage de projets, notamment pour les expositions commerciales qui se tiendront à la Médina. nlamarkbi@ dmpresse..com

LE COURRIER DE L’ATLAS 41


ONE-HUMAN-SHOWS

Quand les Maghrébins r FOUS RIRES Blédard, caille-ra, pied-noir, zimigri, séfarade ou beurette: la caricature, ça les connaît. Sur scène, ils ont su rire – et nous faire rire – de leurs origines, qu’elles soient géographiques, culturelles ou sociales. Bedos, Booder, Cartouche et les autres nous parlent d’humour. Sans détours. Dossier préparé par Yasrine Mouaatarif avec Selwa Bargach et Thomas Goubin

O

n parle volontiers en France de blagues belges, d’humour juif ou de cynisme british, mais plus rarement d’un humour maghrébin. Et pourtant il en existe bien, au moins un, campé pendant longtemps par le doyen du “rire beur”, Smaïn, ranimé sous certains de ses accents par des Michel Boujenah et des Elie Kakou, puis popularisé il y a une dizaine d’années par des Debbouze et des Gad El Maleh, et finalement répandu depuis peu par une multitude de jeunes comiques dits “de la génération Jamel”. Le point commun entre un Booder, une Rachida Khalil, un Cartouche, un Fellag et une Amal Chahbi ? Non pas les origines (chacun a un parcours différents), mais bien la manière de les mettre en scène et d’en singer les clichés jusqu’à la caricature, avec beaucoup de sincérité, mais sans méchanceté. Accents prononcés, traits grossis et travers savamment épinglés, les comiques maghrébins ont, comme leurs congénères, la vanne facile. Et comme plaisanterie bien ordonnée commence par soi-même, les plus fins n’hésitent pas à verser dans l’autodérision, sans aucune modération. Car si on ne rit pas tout à fait des mêmes réalités d’une rive à l’autre de la Méditerranée, ou d’un côté à l’autre du périphérique, il reste un trait propre à cet humour coloré : c’est cette vanne qui doit taquiner, sans agacer ; elle n’est jamais gratuite : il faut lire derrière chacune des messages bien plus sérieux qu’il n’y paraît. Exemple : lorsque Jamel Debbouze, dans son fameux “français approximatif” raconte son enfance à Trappes, il préfère parler de “ramadan surprise” plutôt que du frigo vide. Et des sujets aussi sensibles que “l’houmousixualiti” passent mieux avec l’accent inimitable du Chouchou de Gad El Maleh.

42 LE COURRIER DE L’ATLAS

Je suis assez méfiant, “ j’ai toujours une longueur de recul. Dixit GAD EL MALEH

YACINE BELLATAR

Artiste multicarte engagé, son rôle d’animateur sur la radio hip-hop Générations lui a valu d’être sollicité par les familles des victimes de Villiers-le-Bel et de se retrouver sur le devant de la scène médiatique. Y a-t-il un humour propre aux Maghrébins ? En tout cas, chez moi, ça rigolait tout le temps. Mes parents sont drôles. Si tu avais laissé traîner un micro, il y avait de quoi monter un spectacle. Mon père, quand on lui a dit que je passais à la télévision, a dit : “Tous les animaux d’Afrique passent à la télé” ! C’est féroce et drôle ! Cet humour-là nous vient de la culture orale, comme le rap vient du blues. Moi, je ne cherche pas à faire rire les Arabes, je ne veux pas faire mon beurre de l’humour rebeu, je veux

faire rire tout le monde. Je me sens plus proche de Desproges ou de Coluche que de certains humoristes rebeus des cités. Aujourd’hui, l’insolence peut remplacer le talent et cela

Mais la vanne peut également jouer sur le pays d’origine. Ainsi lorsque la cultissime madame Serfati, mémé juive tunisienne de feu Elie Kakou, veut s’assurer que son voisin de train est juif, mais elle lui demande, inquiète “vous n’êtes pas marocain au moins ?” Et il en va de même pour les religions, sujet encore plus compliqué pour un Tomer Sisley, né d’un père arabe et d’une mère juive, et qui a préféré en faire un sketch, véritable psychanalyse de groupe, dans lequel il confie : “Vous

peut s’appliquer à tout l’univers du spectacle. Les Maghrébins savent-ils rire d’eux-mêmes ? L’autodérision caractérise l’humour maghrébin. Il est cynique, noir, on prend le parti de rigoler des situations les plus dures. Il est issu d’une culture prolétaire, forgé par des conditions de vie difficiles. Si on s’entend bien avec nos cousins du bled, c’est qu’on rigole des mêmes choses. L’humour est un pont entre ici et là-bas. T. G. TlJ de 6 h à 10 h sur Générations (88.2 FM).

ne pouvez pas vous imaginer le nombre d’ennemis que j’ai sur terre […] Parce que 50 % arabe, pour un Juif, c’est de toute façon déjà trop, et 1 % juif, pour un Arabe, c’est juste impensable !” Un humour gentiment cruel et férocement sincère qui a fait des adeptes, toutes origines confondues. Preuve en est : en 2007, Gad El Maleh était élu “l’homme le plus drôle de l’année” sur TF1. L’année d’avant c’était son camarade Jamel qui recevait la palme de l’humour. “Ça fait plizir” comme dirait l’autre… Y.M.

NUMÉRO 11 JANVIER 2008


s rient d’eux-mêmes

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

LE COURRIER DE L’ATLAS 43


c’est un art “L’humour, martial.” Dixit FELLAG

AMELLE CHAHBI

DR

C’est l’une des plus belles révélations du Jamel Comedy Club. Pro de l’impro, elle anime aussi une chronique dans “Les agités du bocal” sur France 4 où elle interprète Kalthoum Zouzou, une mama maghrébine hilarante. Y a-t-il un humour propre aux Maghrébins ? Je crois que nous avons un humour très imagé. Et puis les Rebeus ont tendance à se vanner entre eux. Ils relativisent beaucoup les problèmes avec des blagues. Je viens du Maroc et, dans ma famille, plus on était dans la merde, plus on en riait. D’ailleurs, on rit même

trop, nous autres Maghrébins ! Il faudrait quand même que l’on pense à bosser de temps en temps ! Dans les bureaux, tu vois que les dents tellement les gens rigolent. Les Maghrébins saventils rire d’eux-mêmes ? Je ne sais pas d’où nous vient cette réputation de “susceptibles”, parce que je n’ai vraiment pas l’im-

pression qu’on le soit. Que ce soit un Maghrébin ou pas qui fait une blague sur nous, si elle est drôle et surtout sans méchanceté, il y a pas de souci. Quant aux blagues de mauvais goût, elles ne passent pas, quand bien même elles viendraient d’un Rebeu. S. B. “Les Agités du bocal”, tous les vendredis à 22 h 30 sur France 4.

Je parle avec les mains. Les mains, c’est le prolongement “ de la pensée et moi j’ai beaucoup de pensées, c’est tout…” Dixit SMAÏN DANS “SUR LA VIE DE MA MÈRE”

44 LE COURRIER DE L’ATLAS

NUMÉRO 11 JANVIER 2008


CARTOUCHE

A la fois danseur classique et comédien comique, ce spécialiste de l’entrechat et autres arabesques humoristiques n’a pas peur des grands écarts. Il cultive ses paradoxes dans “Les hommes sont des femmes comme les autres”, un spectacle dans lequel il nous parle d’amour avec beaucoup d’humour. Les Maghrébins savent-ils rire d’eux-mêmes ? Ah ça oui ! Justement, quand on parle de notre culture, de notre façon d’être, des rapports avec les parents… Quand Jamel parle de sa famille au bled qui le prend pour un puits de pétrole, c’est drôle. Moi-même, je le fais un peu à travers nos rapports avec les femmes : ce mélange de fierté, de machisme et de grande maladresse… Mais c’est souvent une façade car, au fond, on n’est pas si machistes que ça, on est souvent très intimidés par les femmes au contraire. Sur scène, je parle d’ailleurs de la déclaration d’amour et de ce “je t’aime” qui a du mal à sortir. On dira plutôt “je mourrais pour toi” comme dans le clip de Faudel où paradoxalement il chante “Tellement nbrick” tout en se faisant la malle. Y. M. Cartouche joue les prolongations jusqu’en mars au Théâtre de Trévise. 14, rue de Trévise, Paris 9e. Tél. : 01 45 23 35 45

DR

Y a-t-il un humour propre aux Maghrébins ? Personnellement, je connais l’humour juif, l’humour de situation, mais je n’ai pas l’impression qu’on ait en France un “humour rebeu”. En revanche, il y a effectivement des blagues sur les Arabes, mais elles sont en général assez racistes… Et s’il y a aujourd’hui toute une génération de comiques français d’origine marocaine, algérienne ou tunisienne, je ne parlerais pas pour autant d’un humour maghrébin. Ils apportent un mélange agréable, mais ils ne rient pas forcément des mêmes choses. Effectivement, certains viennent de banlieue et en parlent dans leurs spectacles, mais dans l’ensemble, je trouve qu’on est plutôt généralistes, plus ouverts : on va rire sur le prof de français, on peut parler des “darons” et de nos origines, mais on va parler surtout de nous en tant que Français.

l’homme que je respecte “Chezlemoi, plus, c’est ma mère.”

Dixit JAMEL DEBBOUZE

BOODER

Roi de la mimique et de la réplique qui pique, ce comédien au physique atypique n’hésite pas à en jouer sur scène. Dans son spectacle, il raconte un monde où règnent les “gosses beaux”.

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

DR

Crédits photo

Y a-t-il un humour propre aux Maghrébins ? Je ne pense pas qu’ils aient un humour spécial. Je pense que ce qui lie tous ces comiques, c’est leur univers social, pas leurs origines maghrébines. Que ce soit Smaïn, Jamel ou moi-même, on raconte nos histoires, celles des quartiers où on a grandi. Parce qu’au fond, qu’est-ce qu’on connaît du bled ? Je

n’aime pas l’esprit communautariste. Moi, je suis français, d’origine marocaine, je suis arrivé ici quand j’avais 6 mois. Les Maghrébins savent-ils rire d’eux-mêmes ? En tout cas, moi, je sais rire de moi-même, je pratique beaucoup l’autodérision. J’estime qu’on ne peut pas se moquer des autres si on ne sait pas se moquer de soi.

Mais il y a des blagues qui passent sans difficulté quand elles viennent d’un Maghrébin. Alors que la même blague peut être perçue comme raciste si elle vient d’un Français de souche. Et puis je suis de ceux qui disent qu’on ne peut pas rire de tout. S. B. Booder sera sur scène le 18 janvier à Garges-les-Gonesses (95) et du 26 janvier au 3 février au Festival du rire à Tunis.

LE COURRIER DE L’ATLAS 45


GUY BEDOS

RENCONTRE Bedos, 73 ans, a vécu les seize premières années de sa vie à Alger et croisé les chemins de plusieurs générations de comiques maghrébins ou d’origine maghrébine. De retour sur scène avec un nouveau spectacle intitulé “Hier, aujourd’hui, demain” et à l’affiche du film “Survivre avec les loups”, ce spécialiste et fervent pratiquant de l’humour maghrébin est l’interlocuteur idéal pour en parler.

“J’aurais pu devenir le Enrico Macias de la rigolade.” Existe-t-il un humour maghrébin ? Dans ce cas, l’humour fonctionne comme Je dirais qu’il s’agit surtout d’un humour une véritable soupape… méditerranéen, fondé sur une chaleur huOui. Souvent je me dis qu’un spectacle ne maine, une façon de s’amuser très particusert à rien si ce n’est à faire du bien aux gens lière. Je suis abonné à une compagnie de qui sont venus nous voir. Ça console et ça taxi quasiment confisquée par des Maghrévenge parfois. Nous sommes finalement des bins, et notamment par des Kabyles. En facteurs de paix. Un pays sans humoriste me voiture, on s’amuse beaucoup, on a une paraît très mal parti. Aux Etats-Unis, il y a eu façon d’être commune. Je retrouve cela des humoristes magnifiques, mais à ma aussi en Corse, mon Algérie de rechange, connaissance il n’y a pas, en ce moment, d’huou en Espagne, d’où sont originaires mes moristes très satiriques s’en prenant au gouparents. Mais dans cet humour méditerravernement de M. Bush. De même, je n’ai pas néen, je distinguerais tout de même une entendu parler d’un humoriste israélien, très façon de s’amuser de soi propre aux Maincisif et populaire, ni d’humoristes iraniens, ghrébins. Ils se moquent assez volontiers même s’ils doivent exister. Certes, on peut être de leur propre personne. Pour moi, la façon très drôle sans prendre de positions politiques, la plus forte d’exprimer de l’humour est de mais il existe une tradition multiséculaire de commencer par soi. satire des puissants qui me paraît assez saine. Quels sont les ressorts de cette Je pense à Shakespeare et ses bouffons, à Moautodérision ? lière, Beaumarchais, Rabelais, ou même à Je suis obligé de me référer à mon ami Montaigne qui avait de l’humour. Fellag, qui est à la fois un clown, un philoGad et Jamel sont-ils porteurs d’une sophe et un professeur. Il pratique un hutradition de l’art de rire maghrébine ? mour extrêmement humain, Oui. Ils ont une façon typimais qui fait grincer des quement méditerranéenne IL EXISTE dents, et pas seulement les d’aborder l’humour. Ce qui politiques. Fellag se moque me plaît chez eux, c’est leur UNE TRADITION des hommes, singulièrement talent et, pour faire court, qu’il MULTISÉCULAIRE s’agit d’un Arabe et d’un Juif des hommes algériens, du machisme, qui existe jusque et qu’ils s’entendent très bien. DE SATIRE DES dans les institutions du pays. Si tous les Arabes et les Juifs J’ai parcouru la charte de la s’entendaient aussi bien que PUISSANTS. Famille, fondatrice de la polices deux-là, le monde irait tique familiale du gouvernebeaucoup mieux. Dans ce ment algérien, et le moins que l’on puisse même esprit, au moment de la première dire, c’est que les femmes n’y sont pas très guerre du Golfe, j’avais fait un spectacle, bien traitées. J’ai assisté à des spectacles de Coup de soleil, avec Michel Boujenah et Fellag plusieurs fois, et j’ai été touché de Smaïn. A nous trois, on incarnait les trois voir des femmes, vraisemblablement mareligions du Livre. Même si je suis athée, je ghrébines, rire d’un vrai rire de soulagereprésentais les pieds-noirs, les Européens. ment en voyant un homme tenir ces propos. Une certaine propension à se moquer de Je défends les Maghrébins contre tous les nous-mêmes reliait nos humours, à se moracismes, mais j’ai une réserve quant à leurs quer les uns des autres aussi, mais dans rapports à la femme. A ce niveau, il y a du l’affection. Dans nos sketchs, on arrivait à se travail à faire. faire rire l’un l’autre. Je ne pense pas que ce

‘‘

’’

46 LE COURRIER DE L’ATLAS

genre d’humour se pratique tellement dans d’autres régions. Ce spectacle a connu un succès fou car il était très fraternel et finalement très exotique pour les gens d’ici. Le fait que Boujenah vienne de Tunisie et que Smaïn et moi soyons originaires d’Algérie donnait une musique très particulière à Coup de soleil. Peut-on parler d’un humour propre aux pieds-noirs ? Il y a effectivement une musique pied noire qui a un fort potentiel drolatique. Au début de ma carrière, il m’est arrivé de jouer le pied-noir. J’aurais pu devenir le Enrico Macias de la rigolade si je m’étais spécialisé dans ce domaine, parce que je prends bien l’accent. Mais je trouve que cela me réduisait. Cela ne m’a pas empêché de jouer avec Marthe Villalonga dans deux films, dont Un éléphant ça trompe énormément, où on incarnait des Juifs pieds-noirs, même si aucun de nous deux n’est juif. Le couple mère-fils était vraiment drôle. Dans votre nouveau spectacle, “Hier, aujourd’hui, demain”, on retrouve un Guy Bedos toujours aussi engagé… A Paris, je joue ce spectacle au Théâtre du Rond-Point, dans le cadre de la saison “Rire de résistance”, ce qui n’est pas neutre. Mais très franchement, mon engagement que l’on appelle politique se veut avant tout humain, même s’il a parfois croisé les trajectoires de ce qu’on appelait la gauche, celle de la rue de Solférino. Mon engagement se fonde sur la lutte antiraciste, n’en déplaise à certains pour qui l’antiracisme est une posture, comme le philosophe Pierre-André Taguieff. Que serait le racisme alors ? J’ai découvert les droits de l’Homme à 7 ans, à Kouba, au sud d’Alger, grâce à une institutrice qui m’a appris qu’un Européen, comme on s’appelait là-bas, n’était pas supérieur à un Algérien musulman ou à un Juif algérien. Que tous les êtres se valaient, qu’ils lisent la Bible, le Coran ou la Torah.

NUMÉRO 11 JANVIER 2008


Sandrine Roudeix

Ce qui me touche et me navre, c’est que depuis que je lutte avec ma parole, avec le rire, j’ai le sentiment que la situation s’aggrave en France. Quand on voit qu’il y a un ministère de l’Immigration ET de l’Identité nationale, que les préfectures se voient assigner des objectifs chiffrés, je considère que je dois séduire beaucoup de gens qui pensent comme moi, mais que je n’ai pas beaucoup d’influence sur la politique de mon pays. Avez-vous déjà été tenté de baisser les bras ? Je n’arriverai jamais à être totalement désespéré, ni même misanthrope, tant que je rencontrerai des gens formidables. Et il y en a partout. Ceux-là peuvent faire bouger les choses. Souvent on me dit : “Ne

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

mourez pas tout de suite, car qui va faire ce que vous faites ?” Et bien il y en a déjà d’autres. Christophe Alévêque, Stéphane Guillon, l’immense Fellag et le petit Jamel. Jamel n’a pas besoin de parler politique, il est un acte politique à lui tout seul par ce qu’il représente. Par exemple, avec son sketch du jeune garçon qui fuit dès qu’il aperçoit un flic même quand il n’a rien à se reprocher, il annonce déjà Clichy-sousBois. C’est sa façon à lui de faire de la politique : en existant sur scène. Il n’a même pas besoin de prononcer les noms de Sarkozy, Chirac, Hollande ou Royal. J’ai aussi parrainé Rachida Khalil, et j’en suis très heureux. C’est un peu la petite cousine de Fellag. Elle se moque des femmes de sa communauté d’origine, et d’elle-même

aussi. Il y a une réserve de très jeunes gens talentueux, dont certains ne sont pas encore très connus. Pour conclure, quelle serait votre définition de l’humour ? Pour moi, l’humour doit déranger. Il n’y a pas d’humour gentil, de la même manière que l’on ne fait pas de la bonne littérature avec de bons sentiments. Je crois que je suis plutôt un brave type dans la vie, mais si j’étais sur scène comme je suis dans la vie, cela n’intéresserait personne. La définition de l’humour que je préfère, c’est : l’humour est la politesse du désespoir. T. G. Guy Bedos, “Hier, aujourd’hui, demain”, du 2 au 5 janvier à 21 h, Théâtre du Rond-Point (Paris). Réservations au 01 44 95 98 21. A l’affiche de “Survivre avec les loups” de Véra Belmont. Sortie le 16 janvier.

LE COURRIER DE L’ATLAS 47


LE DRAGUEUR ALGÉ-RIEN d’après Gyps

“Algé Rien”, une BD décapante signée Gyps et éditée par l’auteur. 11 €.

GYPS

Il n’a rien d’un surfeur et, pourtant, Gyps est un pro de la planche : celle de la scène où il joue “l’Algé Rien”, cours magistral d’autodérision, comme celles des caricatures et des bandes dessinées dans lesquelles il croque ses congénères (ci-contre). Y a-t-il un humour propre aux Maghrébins ? Je peux parler de mon expérience, de ce que j’ai vécu. Quand je parle de l’Algérie, par exemple, il y a des choses que je raconte que des gens dans le public ont eux-mêmes vécues. C’est cet effet de miroir qui les fait rire. Mais ça n’a rien à voir avec la nationalité, ce ne sont pas des blagues de Français ou d’Algériens, mais d’Algériens ou de Franco-Algériens. C’est une question de vécu. A côté de ça, il y a tout ce qui est foncièrement drôle. Dans ce cas-là, tout le monde rit sans distinction. Quant à savoir s’il y a un humour spécifique, je n’ai pas la réponse. En revanche, il y a effectivement un humour propre aux pays “pauvres”, par lequel on aime se moquer de son quoti-

dien. En cela, on est très proche de l’humour juif, ce doit être le ressort des “peuples qui ont beaucoup souffert”, comme dit la chanson… Les Maghrébins savent-ils rire d’eux-mêmes ? Oui. Moi-même, je ne fais que ça, et le premier dont je me moque, c’est moi. Je suis quand même celui qui en prend plein la gueule dans mes spectacles. Mais c’est pratique en même temps parce que, après, ça permet de se moquer des autres. A

travers ma vie, je raconte celles d’autres Algériens qui ont eu le même parcours que moi. Mais c’est vrai que tout le monde ne nous voit pas comme ça : ceux qui ne côtoient pas de Maghrébins ou qui ne les connaissent qu’à travers Le droit de savoir, TF1 ou le journal de Jean-Pierre Pernaud, eux doivent penser que les Algériens sont tous des barbus intégristes qui battent leurs femmes et les enferment à la maison, les clichés de base quoi… Mais il y a depuis peu

des Jamel et autres figures d’un humour de banlieue qui leur parlent d’autre chose. C’est ce qu’on a en commun d’ailleurs. L’humour, dans ce cas-là, c’est une façon pour nous de ne pas sombrer dans le désespoir. Je ne suis pas un gamin des quartiers, je suis un gamin d’Alger, mais je pense que, pour nous, le rire signifie la même chose. Le seul sujet duquel on ne peut pas encore rire sur scène, c’est le sexe. Un Bigard maghrébin, ce n’est pas pour demain. Y. M.

militant en permanence, mais c’est plus dur d’être “On est drôle. Et pour nous, il faut d’abord être drôle.” Dixit KADER AOUN, PLUME COMIQUE POUR LA TÉLÉ ET LA SCÈNE 48 LE COURRIER DE L’ATLAS

NUMÉRO 11 JANVIER 2008


RACHIDA KHALIL

“La vie de Fatma”, elle l’a rêvée dans un spectacle déjanté dans lequel elle défile en burqa et se grime en “caille-rette”. Un humour tout en finesse et en sous-entendus. Esprits étriqués s’abstenir.

DR

Y a-t-il un humour propre aux Maghrébins ? Il y a forcément pour moi un humour maghrébin comme il y a un humour canadien ou belge. Je l’ai vérifié moi-même. Quand je joue en France, les gens adhèrent parce que c’est un spectacle franco-marocain. Mais quand j’ai joué au Maroc, je me suis rendu compte qu’en fait, le petit truc que j’avais en plus, cet humour, se révélait complètement. Il y avait une totale adhésion parce que les gens connaissent les références et se reconnaissent peut-être. Les blagues marocaines prenaient vraiment toute leur ampleur. Si notre humour plaît, c’est aussi parce qu’il est très expressif, très vivant. On

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

parle beaucoup, avec un côté grande gueule qui fait beaucoup rire. Les Maghrébins saventils rire d’eux-mêmes ? C’est en fait un humour basé sur l’autodérision, mais qui n’est ni méchant ni provocateur. Les gens trouvent donc plus facilement une légitimité à rire. L’humour maghrébin, et arabe en général, est basé d’abord sur sa propre moquerie. Mais ces traits communs qui ressortent dans les blagues, comme l’orgueil par exemple, ne sont pas propres aux Maghrébins. Ils sont aussi dus à une culture méditerranéenne. On retrouve sûrement les mêmes blagues en Sicile ou en Espagne ! Même si ce sont les mêmes thèmes qui reviennent, l’humour maghrébin ne tourne pas en rond. Au contraire, il évolue, c’est un humour qui fait du chemin. Une nouvelle génération a émergé depuis Abderraouf (ndrl : précurseur du one-manshow au Maroc), un de mes modèles. Il y a éga-

lement beaucoup de femmes au Maghreb, à l’image de Hanane Fadili, qui jouent aujourd’hui avec beaucoup d’audace. Mais par rapport à notre histoire, à la colonisation, à un complexe peut-être, il faut qu’il y ait d’abord une légitimité. Un Maghrébin qui se moque d’un autre Maghrébin, ça passe. Sinon, c’est moyen, surtout dans le climat actuel. Ça peut être assimilé à du racisme ou à de l’hostilité. Ça me paraît compréhensible étant donné ce qui se passe. Moi je ne me suis rien interdit sur scène. Je n’ai pas pensé à la susceptibilité des gens, et j’ai vu des femmes voilées applaudir debout alors que j’ai vraiment un parti pris contre le voile. Tout dépend donc de la manière dont c’est traité. Si c’est fait intelligemment et dans le respect des autres, il n’y aura pas de problèmes. S. B. Rachida Khalil sera au Festival des Arts burlesques à SaintEtienne le 23 février.

LE COURRIER DE L’ATLAS 49


LEXIQUE

Valeur montante de l’humour made in cité, D’jal n’a cessé de rempiler au théâtre du Temple en 2007. Il place la famille au cœur de son humour, qu’il veut franco-maghrébin.

Y a-t-il un humour propre aux Maghrébins ? Pour moi, il n’y a pas vraiment d’humour maghrébin, mais plutôt un humour de Franco-Maghrébins et même plus largement, de FrancoAfricains, basé sur le décalage entre ce que l’on vit à l’intérieur du foyer et le monde extérieur. Chez moi, je mangeais avec mes doigts, à Noël ce n’était pas illuminé… Ce décalage par rapport aux autres Français prête à rire. Les Maghrébins savent-ils rire d’eux-mêmes ? Le pilier de l’humour franco-maghrébin, comme de la société maghrébine d’ailleurs, c’est la famille. C’est tellement sacré chez nous que, dehors, on ne cesse de casser le mythe. Les blagues sur les mères, les pères, fusent, style : “Ta mère, elle est grosse, elle marche pas, elle roule...” Cet humour fonctionne comme une sorte de soupape. La famille, c’est ce qu’il y a de plus fort, mais c’est un élément qui peut aussi s’avérer destructeur. On ne se rend pas compte à quel point tout passe par cette cellule. Un grand voyou a plus peur de son père ou de sa mère que d’un gars qui va le menacer avec une arme. Un jour, la directrice du théâtre du Point Virgule m’a interpellé car elle ne comprenait pas que, moi, Boujenah, Gad et d’autres comiques d’origines maghrébines, nous parlions toujours de nos pères et mères. Mais dès que tu fais des vannes, tu commences par les parents, c’est naturel, évident. Parler de ses parents, ce n’est pas copier Gad ou Boujenah, simplement, c’est incontournable. Ce rapport à la famille nous rapproche. L’humour est généré par cette omniprésence de la famille et de la frustration qu’elle peut générer. T. G.

Dans “Blagues made in Algéria”, Lounis Dahmani croque les blagues algériennes les plus hilarantes et les plus délirantes. 10 €. En vente sur www.dahmani. canalblog.com

50 LE COURRIER DE L’ATLAS

Do you speak françaouia ?

Vu le sur le Net: quelques petits malins se sont amusés à retranscrire phonétiquement le “lexique franco-françaoui”, ou comment certains Maghrébins prononcent certains mots. Amsio : monsieur Baliza : valise Banka : banque Batron : patron Bermassioun : permission Bermi : le permis Bisclite : bicyclette Bitaines : les p… Boulice : police Bosta : poste Camyo : camion Cartonna : carton Cawatchou : caoutchouc Chauffage : sauvage Chiflor : chou-fleur Chik : chèque Choval : cheval Chouffage : chauffage Chti di oui : je t’ai dit oui Ci pa bien : c’est pas bien Climatisor : climatiseur C’loui ki commande : c’est lui le chef Combinizou : combinaison Costa : constat Counji : congé Danoone : yaourt Dibiche-toi : dépêche-toi Dicoudour : décodeur Digage : dégage Dissirt : dessert Doctor : docteur Esserbiss : le service, la file d’attente Ezzebour : sport Eéééééééééééééélo : allo Eureugistré : enregistrer Fakance : vacances Fillage : village Firma : ferme Firouge : feu rouge Fourchetta : fourchette Fista : veste Frane amane : le frein à main Gha yzerti : il a déserté Grimat : l’agrément Haba dida : ah ben dis donc I-di-if : EDF Intirnet : Internet Jarda : jardin Jmafou : je m’en fous Ji vili : je vais Kamam : quand même Kin meme : quand même Kssida : accident Labartma : l’appartement Lblane : le plan Lacab : la cave

La fermiere : l’infirmière La ficel : la vaisselle La fizite : la visite La jaunisse : la jeunesse Lala couptire : l’hélicoptère Lalmane : l’Allemagne Lamanioum : l’aluminium La mirie : la mairie Lantrite : la retraite Lassourance : l’assurance La vature : la voiture Lboote : les bottes Lborte béguège : le portebagages Lcoumissariya : le commissariat Les zinkinpé : les handicapés Lfiriti : la vérité Lguèz : le gaz Li flor : les fleurs Li ni : le nez L’poummada : la pommade Lissance : pour l’essence… et la licence Li ziou : les yeux Li zistoire : les histoires Lmagaza : le magasin Lminitire : militaire M’chouar : mouchoir Monada : limonade Nimiro dtilifone : numéro de téléphone Nimirique : numérique Palcon : balcon Pates à l’eau : pantalon Parabul : parabole Poumpya : les pompiers Randivou : rendez-vous Rissibbou : reçu saloubar : s... Serfatica : certificat Shampooing : champagne Skiriti souciale : sécurité sociale Soufitma : sous-vêtement Soulima : cinéma Sourance : assurance Stylou : stylo Tilifoune figuesse : téléphone fixe Tilivisiounne : télévision Titsouite : tout de suite Tobis : autobus Traboblik : travaux publics Tretoir : trottoir Tricinti : électricité Tétorr : traiteur Un zoizou : un oiseau Zalamette : allumette

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

DR

D’JAL


MICRO-TROTTOIR

Les Maghrébins savent-ils rire d’eux-mêmes ? Zineb

Youssef

Oui, je pense que les Maghrébins ont un sens de l’humour qui exploite beaucoup l’autodérision. On sait rire de nousmêmes et, mieux encore, faire rire les autres de nous-mêmes. Pour preuve, tous ces humoristes maghrébins qui se sont fait un nom au-delà de leur pays d’origine. Ils ont su rire avant tout d’euxmêmes et du milieu duquel ils venaient, et ils ont réussi à faire partager ça. En revanche, on reste

Je ne pense pas qu’on soit très portés sur l’autocritique. On sait qu’on a des choses à se reprocher et il nous arrive d’en rire… mais entre nous. Dans les blagues populaires, on accepte volontiers de se tourner en dérision en évoquant la

24 ans, ingénieur

23 ans, étudiante en droit

corruption, les écarts sociaux, le sexe, notre rapport à la religion… Ça va tant que c’est entre nous, mais il faut pas que nos tares soient affichées au grand jour ! Il y a derrière cela une sorte de fierté, peut-être mal placée, un besoin de ne pas perdre la face.

susceptibles sur certains points, comme la religion, sur laquelle on ne se permet pas la moindre pointe d’humour. Mustapha

24 ans, chef de projet

Oui, les Maghrébins savent rire d’euxmêmes, ce ne sont pas les blagues qui manquent. Tout le monde rit de tout le monde, sans qu’on se sente spécialement visés. Mais, parfois, on va trop loin et ça peut blesser. En quelque sorte, on rigole, mais ça ne nous empêche pas d’être susceptibles quand on dépasse les limites. Myriam

29 ans, responsable de magasin

En général, nous savons rire de nous-mêmes. Mais ça dépend de la façon dont les choses sont dites et par qui c’est dit. Si c’est un Maghrébin, il n’y aura pas de susceptibilité. Mais il y a des questions comme les religions, peu importe lesquelles, qui pour moi ne peuvent pas prêter à rigoler. Il n’y a pas d’ironie à mettre làdedans.

Younès

22 ans, étudiant

Bien sûr que les Maghrébins savent rire d’eux-mêmes. La majorité de nos blagues font ressortir nos défauts et ça nous fait bien marrer. Après, il y a des blagues qui peuvent être mal interprétées si ça vient de quelqu’un d’autre, mais c’est dommage. Où est l’humour si chacun ne peut se moquer que de lui-même ?

Siham

26 ans, intermittente du spectacle

Oui, les Maghrébins rient beaucoup d’euxmêmes. A commencer par moi ! Ils ont développé un vrai sens de la dérision qui est devenu une sorte de thérapie… Et puis il n’y a qu’à voir les sketchs des humoristes maghrébins. Ils forcent les traits déjà caricaturaux de nos sociétés, et ça nous fait rire. Ce sont d’ailleurs les mêmes thèmes qui reviennent dans leurs spectacles : la jalousie, la fierté etc. Alors, oui, je crois que nous ne manquons pas d’humour !

Propos recueillis par Selwa Bargach

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

LE COURRIER DE L’ATLAS 51


Le mal de mer algérien enquête Rejoindre clandestinement l’Europe par la mer : le phénomène, répandu au Maroc et en Tunisie, avait jusque-là plutôt épargné l’Algérie. Depuis 2004, plus de 2 000 personnes, les harragas, ont tenté l’impossible. Par Khaled Olhocine

L

eur slogan se résume en une phrase : “Plutôt mourir mangés par des poissons que dévorés par les vers de terre.” Leur but s’énonce d’une manière plutôt claire : gagner les rivages de l’Espagne, de l’Italie ou même de la France. Leurs moyens de l’atteindre sont aussi divers que dérisoires : des embarcations de fortune, des barques, des rafiots, des Zodiacs et des chalutiers. Leur objectif est aussi simple

52 LE COURRIER DE L’ATLAS

qu’irréalisable : travailler et vivre en Europe. Leurs noms s’écrivent en un seul mot : harragas. Les harragas ou ces milliers d’Algériens qui “brûlent” leurs papiers avant de tenter de griller clandestinement les frontières de l’Europe du Sud. Depuis trois ans, le phénomène a pris une telle ampleur que les plus hautes autorités du pays ont été contraintes de regarder de près ce problème. Il ne se passe pas un jour

sans que la presse d’Alger ne rapporte des informations faisant état de l’arraisonnement en pleine mer d’une embarcation remplie de clandestins, de la découverte de cadavres échoués sur la plage ou de l’arrestation d’un réseau spécialisé dans l’immigration clandestine. Les rédactions de quotidiens algériens sont même assaillies d’appels téléphoniques de la part de parents désespérés à l’idée de ne pas retrouver la moindre trace

NUMÉRO 11 JANVIER 2008


‘‘

Carola Giordano/AFP

Un bateau de clandestins intercepté en juin 2005 par la police des frontières à Lampedusa (Italie), une île située entre Malte et la Tunisie.

Témoignage

Tous les mois, des bateaux sont arraisonnés par dizaines dans l’île. Ci-contre, en août 2006, ils étaient 200 sur une barque.

Azzedine, rescapé d’un naufrage

Marco Di Lauro/Gettyimages/AFP

C’était en 2005. Mon cousin m’avait contacté pour m’informer de son souhait de partir en Espagne en compagnie de cinq autres personnes. Sur le bateau, il restait encore une place de libre. Je n’ai même pas réfléchi, j’ai tout de suite accepté de partir en mer. J’ai fait mille métiers pour récolter l’argent nécessaire au voyage. J’ai même emprunté auprès de ma famille et de mes amis, avec la promesse de les rembourser une fois que je serai de l’autre côté de la Méditerranée. J’ai déboursé 50 000 dinars (environ 500 euros) pour obtenir un ticket sur le bateau. La nuit de la traversée, il pleuvait à torrent. Au lieu d’annuler

d’un fils, d’un père, d’un oncle ou d’un cousin perdu en haute mer. Les chiffres officiels sont éloquents. En l’espace de trois ans, de 2004 à 2007, plus de 2 340 candidats à l’immigration ont été interpellés par les différents services de sécurité. Plus de 1 300 ont été interceptés en pleine mer tandis que les autres sont arrêtés sur les côtes avant même d’entreprendre le grand voyage. Mais combien réussissent à gagner les rivages de l’Europe ? Et surtout combien périssent en mer ? Dans une Algérie riche en milliards de dollars, où les dirigeants répètent à l’envi que le taux de chômage ne dépasse pas 12 % de la population active, le phénomène fait évidemment

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

le voyage, le passeur nous a expliqué qu’il lui était impossible de faire marche arrière car, de l’autre côté de la Méditerranée, des gens attendaient notre arrivée. Une fois en pleine mer, le bateau a commencé à chavirer, emporté par d’immenses vagues. Dans le noir, nous grelottions de froid et certains, pris par le mal de mer, vomissaient leurs tripes. Soudain, un des moteurs s’est arrêté net. Quelques minutes plus tard, le deuxième rendait l’âme. Nous n’avancions plus, livrés aux vagues, au froid et à la peur. Le bateau prenait l’eau. Ceux qui ne savaient pas nager coulaient en lançant des cris ef-

froyables. Avec trois autres personnes, je me suis accroché aux jerricans d’essence, notre ultime bouée de sauvetage. Paralysé par le froid, la peur de mourir, le temps me semblait une éternité. J’ai dû notre salut à un chalutier qui passait non loin de là. Alors que je pensais être arrivé enfin en Espagne, j’ai découvert, au lever du jour, que mes sauveurs m’avaient finalement ramené vers la ville d’où j’étais parti quelques heures plus tôt. Mais je ne regrette pas d’avoir tenté l’aventure. J’ai 25 ans, je suis célibataire, sans emploi et sans aucune perspective d’avenir. Pourquoi devrais-je rester en Algérie ?

Trafic risqué mais juteux S

ans eux, il n’y aurait pas de phénomène, pas de traversées, pas de business, pas de harragas. Eux, ce sont les passeurs qui rameutent les candidats à l’immigration, les bateliers qui planifient les départs, organisent les voyages et acheminent les immigrants vers la destination promise. Pour chaque expédition, ils parviennent à gagner des dizaines de millions de dinars. Boualem en fait partie. La trentaine à peine entamée, il a déjà amassé une belle fortune. Installé dans la région d’Annaba, à l’est du pays, ce passeur déniche chaque semaine une dizaine de candidats au voyage. Bien sûr, pour des raisons de sécurité, Boualem se charge lui-même de toute la logistique liée à l’expédition. On n’est jamais à l’abri d’une

dénonciation à la police. Pour espérer monter sur une barque de Boualem, chaque candidat doit débourser à l’avance 80 000 dinars (environ 800 euros). A raison de dix voyageurs, l’expédition rapporte au passeur quelque 800 000 dinars (environ 8 000 euros). La moitié de cette somme est consacrée aux coûts du voyage, c’est-à-dire l’achat ou à la location de l’embarcation, l’acquisition du GPS qui permet de naviguer de nuit en pleine mer, le moteur, ainsi que les jerricans d’essence. L’autre moitié de la somme atterrira dans les poches du passeur. Peu de temps avant le départ, Boualem se charge d’organiser quelques exercices élémentaires censés préparer les harragas au grand voyage. Ainsi, il planifie de nuit des

’’

sorties en mer pour leur apprendre à ramer et à surmonter le mal de mer. Pour donner aux candidats un avant-goût de cet eldorado qui les attend une fois arrivés en Europe, notre passeur met même sur pied des séances de projection vidéo tournées en Sardaigne avec des harragas qui ont réussi la traversée. Plus qu’un attrape-nigaud, ces projections servent surtout à conditionner les harragas pour qu’ils ne renoncent pas à leurs rêves. Bien sûr, tout cela n’offre aucune garantie. En cas d’échec, le passeur ne prévoit aucun remboursement. Lorsque la traversée échoue, le passeur disparaît avec l’argent avant de réapparaître quelque temps plus tard pour appâter de nouveaux candidats.

LE COURRIER DE L’ATLAS 53


Chaque année, plus de 15000 clandestins sont débarqués à Lampedusa puis parqués dans des centres auxquels…

Le mal de mer algérien… …n’ont pas accès les associations humanitaires comme Amnesty International…

Contrairement aux idées reçues, les candidats à l’immigration ne sont pas tous des chômeurs, des désœuvrés. On compte aussi des cadres, des médecins, des enseignants. “Le phénomène ne se justifie pas uniquement par le chômage et la précarité, explique le Dr Kouidri, sociologue à Oran. L’attrait de l’Occident, l’influence des programmes des télévisions françaises captées via les antennes paraboliques, la réussite de certains candidats en Europe constituent un formidable appel d’air pour des milliers de personnes.” Evidemment, ces départs massifs et ces disparitions en mer engendrent des tragédies humaines, des drames familiaux. Impuissants devant le désir de leur progéniture de fuir le pays à tout prix, incapables de les retenir ou de les dissuader, les parents des harragas n’ont que leurs yeux pour pleurer la perte de leurs enfants. Depuis que ses deux fils ont pris la mer pour rejoindre l’Italie, Houria n’a aucune nouvelle d’eux. Sont-ils arrivés à bon port ? Sont-ils morts noyés ? Ont-ils été refoulés, moisissent-ils dans une prison tunisienne ou algérienne ? “Où sont mes deux enfants ? Je n’en peux plus. Depuis qu’ils ont pris la mer, ils ne m’ont donné aucun signe de vie. S’ils avaient rejoint l’Europe, ils m’auraient certainement contactée”, s’inquiète-t-elle. A l’instar de Houria, ils sont des centaines de parents à guetter le moindre signe de la part de leurs enfants partis rejoindre l’eldorado européen. Si certains se résignent devant la fatalité, d’autres refusent de baisser les bras et continuent de remuer ciel et terre pour tenter de retrouver leurs enfants. Les uns adres-

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

Marco DiLauro/Gettyimages/AFP - Carola Giordano/AFP (en bas)

Des tragédies humaines

…alors que les immigrants se plaignent de mauvais traitements.

54 LE COURRIER DE L’ATLAS

s­ candale. Qu’est-ce qui pousse ces hommes et ces femmes à vouloir fuir le pays au péril de leur vie ? “La monotonie et le chômage nous détruisent à petit feu. Pour moi, monter dans une barque pour atteindre les côtes de l’Italie ou de l’Espagne reste la seule solution pour sortir de la misère”, explique Ali, un jeune Algérois qui a tenté l’aventure sans succès. Chômage, lassitude, absence de perspectives, désespoir, la litanie de ces damnés de la mer est aussi longue qu’un jour sans pain. Mourad, un autre harraga originaire d’Annaba explique : “J’ai tapé à toutes les portes pour trouver du travail. On me répond qu’il faut attendre, revenir le lendemain, déposer un nouveau dossier. Comment ferais-je pour trouver un travail, me loger, me marier, avoir des enfants ? A 30 ans, je ne vois pas le bout du tunnel. Alors, au lieu de mourir à petit feu dans cette prison à ciel ouvert qu’est l’Algérie, je préfère tenter l’aventure. Je n’ai pas peur de mourir, je suis déjà mort.”


‘‘

Celui qui prend la mer n’a rien qui le retient.

Quand avez-vous perdu trace de votre fils ? Depuis le 17 avril 2007, je n’ai aucune nouvelle de lui. Il avait 25 ans quand il est parti avec un groupe de dix personnes pour gagner les côtes de l’Italie. A ce jour, je ne sais pas s’il est mort en mer, détenu ou s’il est arrivé quelque part en Europe. Pourquoi votre fils a-t-il pris la mer ? Il est parti sans nous avertir. Nous n’avions rien vu venir et il n’a jamais mentionné son désir de “griller” la mer pour rejoindre l’Europe. Comme des milliers d’autres harragas, mon fils souffre dans son propre pays, au sein de sa propre famille. Le

’’

Ceux qui ont réussi à passer travaillent dans l’économie parallèle...

Entretien avec

Kamel Belabed

Porte-parole d’un collectif de familles d’immigrants clandestins en Algérie (Annaba)

chômage, la mal vie, la pénurie de logements, l’absence de perspectives pour l’avenir constituent autant de raisons qui poussent les jeunes et les moins jeunes à fuir le pays. Celui qui prend la mer clandestinement n’a pas de logement, pas de travail, pas d’avenir… Il n’y a donc rien qui le rattache et qui le retient à l’Algérie. Quand on refuse de délivrer des visas aux jeunes qui désirent voyager, faire des études en Europe, ils tentent de gagner l’eldorado par des moyens illégaux. Quels sont les objectifs de votre collectif ? Nous représentons des centaines de familles de harragas, et nous

voulons d’abord savoir ce que sont devenus nos enfants partis plusieurs mois plus tôt et dont nous sommes sans nouvelles. Nous voulons récupérer les corps de ceux qui sont morts en mer, libérer ceux qui sont dans les prisons et permettre à ceux qui sont arrivés en Italie de rentrer chez eux pour ceux qui le souhaitent. Au-delà, nous voulons sensibiliser les autorités algériennes sur ce phénomène dont le nombre ne cesse de croître. Mais, malheureusement, les responsables sont déconnectés de la réalité. C’est dramatique et tragique parce que l’Algérie est un pays immensément riche.

En Italie du Sud, ils cherchent à se faire embaucher au noir dans les champs de citrons...

Filippo Monteforte/AFP

… pour gagner d’autres rivages sent des courriers désespérés aux journaux, d’autres interpellent les consulats d’Italie ou d’Espagne installés en Algérie dans l’espoir d’obtenir un quelconque renseignement, alors que d’autres encore s’organisent en association, à l’exemple de Kamel Belabed. Ce cadre que le désespoir a fait vieillir en l’espace de quelques mois a vu partir son fils âgé de 25 ans vers l’Italie une nuit d’avril de l’année 2007. Depuis, il est sans nouvelles de lui. Bien sûr, pour retrouver son fils, il a tapé à toutes les portes, écrit des dizaines de lettres et interpellé ministres et hauts cadres de l’Etat, mais toutes ses tentatives se sont heurtées à un mur de silence. Alors, avec d’autres parents, il a créé un collectif de familles d’immigrants. “Nous avons écrit partout, à commencer par le président de la République, M. Bouteflika. Nous avons saisi par écrit tous les ministères concernés : les Affaires étrangères, l’Intérieur, la Justice, la Solidarité. Peine perdue. Les familles se sont ruinées à force de déplacements. Il n’y a pas une seule famille qui n’y soit pas allée au moins une dizaine de fois. Sans résultat”, s’insurge-t-il. contact@dmpresse.com

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

…et habitent dans des maisons désaffectées surpeuplées.

LE COURRIER DE L’ATLAS 55


patrimoine vivant On les appelle les “marchés arabes” : Argenteuil, Nanterre, Sarcelles, Saint-Denis, l’Oued à Nice, la Petite Hollande à Nantes, les Arnavaux à Marseille… Balades historiques. Par Mireille Peña, Myriam Blal et Valérie Siddahchetty

‘‘Si t’aimes voyager,

56 LE COURRIER DE L’ATLAS

tout : second choix, déclassé, invendus des Halles, contrefaçons, saisies de douanes… Mais il serait réducteur de regarder ces marchés sous le seul angle de la survie économique. Avec eux, les quartiers poussés à la va-vite ont transplanté un bout de la vie du pays d’origine et créé les lieux de rencontres qui leur manquaient. Car le marché n’est pas uniquement un espace d’approvisionnement en marchandises, il l’est aussi en échanges et en tractations. Là se font des retrouvailles amicales ou de voisinage, les sorties de mères de famille, les promenades tranquilles des hommes. On y discute politique, religion, problèmes de quartier ou d’immeuble. Tout y est fort, bruit, couleurs, odeurs, profusion, et la beauté n’est jamais loin de l’inconfort. De Marseille à Sarcelles en passant par Nice, Le Courrier de l’Atlas vous invite à découvrir l’histoire de ces “marchés du monde”. M.P. mpena@dmpresse.com

Marseille “Le centre com L

e marché aux puces de Marseille est un pur fruit du hasard. Dans les années 1980, un marché informel se constitue dans la zone industrielle au nord de la ville. Placé hors du contrôle des forces de l’ordre, peu soucieux des normes d’hygiène, déstructuré, ce marché de légumes attire les foules et grappille tous les week-ends des parcelles de terrain. Cela

n’est pas sans poser problème à la municipalité qui assiste, impuissante, à son évolution grandissante. A la même époque, un entrepreneur, André Couderc, rachète à environ un kilomètre un terrain de près de six hectares et des bâtiments appartenant au géant de la construction de centrales électriques Alsthom. “J’avais acheté le site pour en faire

une pépinière d’entreprises, raconte M. Couderc. Or, il se trouve que l’adjoint au maire en charge des marchés, qui était l’un de mes amis, m’a parlé un peu par hasard des difficultés attenantes au marché informel.” La ville trouve un semblant de solution et propose à André Couderc de louer son site afin de l’aménager pour les forains du “faux-marché” d’à côté.

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

Myriam Blal

D

es souks en France ? Pas tout à fait, mais presque ! Dans de nombreuses villes, des marchés offrent des produits des quatre coins du Maghreb, mais aussi d’Italie, du Portugal, de Pologne et d’Afrique noire. Ces “marchés arabes”ont été façonnés au gré des vagues successives de populations immigrées. Certains sont issus d’une histoire commerciale ancestrale. Bâtis sur la route des maraîchers, à l’intersection des grandes voies de circulation ou au cœur des gros bourgs de province, ils étaient d’abord des marchés traditionnels “français”. Tel est le cas de celui de Saint-Denis, un des plus grands d’Ile-de-France. Il a suivi la métamorphose de la ville dès le début du XIXe siècle avec l’arrivée du chemin de fer et la construction de son canal, puis avec une importante implantation d’usines, de fabriques et d’habitations ouvrières. Chaque dimanche matin, la Basilique de SaintDenis regarde maintenant d’un œil bienveillant la foule des Dyonisiens se précipiter devant les stands de ce véritable marché cosmopolite. Et comme dirait le slameur Grand Corps malade : “Faut que tu sois ­siquephy, si t’aimes pas être bousculé.” D’autres ont été créés directement à proximité des lieux d’habitat excentrés des immigrés. Celui de Nanterre, par exemple, est né des bidonvilles “construits” aprèsguerre sur des terrains vagues et essentiellement occupés par de la main-d’œuvre maghrébine. Ce marché répondait à plusieurs besoins : il s’agissait de combler l’absence de commerces de proximité et d’offrir des produits et des services à bas prix. Marché de la débrouille, on y trouve de


Fruits, légumes, viande, poisson, la partie couverte des Arnavaux est ouverte tous les jours de la semaine.

, va au marché’’

Du côté des puces, on trouve des vêtements neufs à des prix défiant toute concurrence.

mercial des pauvres” Le marché aux puces de Marseille naît le 2 juillet 1988. Très vite, près de 300 forains s’y réunissent tous les dimanches. Cependant, André Couderc, peu satisfait de l’accord conclu, estime qu’il n’est pas suffisamment rentable de louer son terrain une fois par semaine. Il décide de transformer le marché traditionnel en “centre commercial

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

des pauvres”, selon son expression. Le marché du week-end laisse la place en semaine au marché couvert ouvert tous les jours (sauf le lundi) et toute la journée à partir de 7 heures. Une aubaine pour des commerçants qui proposent au rabais des fruits et des légumes, mais pas seulement. Aujourd’hui, le marché reste le “mal-aimé” de la préfec-

ture et de la municipalité. “Dans une zone destinée à être absorbée par le projet Euroméditerranée, la situation géographique idéale du marché peut poser problème et donne des idées. C’est vrai qu’un marché aux puces ni très propre, ni très lu­xueux, n’est pas valorisant. Alors oui, la mairie rêverait d’y installer autre chose”, explique André Couderc.

Rameutant près de 30 000 visiteurs le week-end, le marché bloque la circulation et le bus qui y passe est contraint de modifier son trajet. Les riverains ne peuvent plus se garer car les visiteurs stationnent partout. Parallèlement, des vendeurs à la sauvette, souvent des sans-papiers, s’y retrouvent et profitent de l’attractivité du lieu. Conséquences : les comités d’intérêt de quartier se rebiffent et des protestations se font en-

tendre du côté des forces politiques locales, de la droite au PC. Un marché “malaimé” certes, mais vital pour une cité dont près de 25 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. M.B.

Marché des Arnavaux 130, chemin de la Madrague, Marseille (13).

Le marché alimentaire couvert est ouvert tous les jours, les puces le dimanche seulement.

LE COURRIER DE L’ATLAS 57


Les édiles de Nice tentent d’assagir le marché de l’Oued, mais rien n’y fait, tous les dimanches, les étals de fortune réapparaissent.

NICE I

l faut d’abord quitter le centre-ville et son célèbre marché aux fleurs du cours Saleya, et rouler, très longtemps… jusqu’au parking du foyer Adoma (ex-Sonacotra) à la sortie de l’agglomération. Là, entre la poussière de la carrière voisine, les rives du Var (d’où son appellation de marché de l’Oued), les grilles du foyer et la nationale 202, se trouve le marché le plus connu des Maghrébins des Alpes-Maritimes. Le premier regard ne voit pourtant qu’un sage étalage de vêtements et d’articles de quincaillerie. L’animation se trouve juste un peu plus loin… Ce marché a en effet une histoire particulière de désobéissance. D’abord marché sauvage créé par et pour les résidents

du foyer qui n’était alors qu’un parc de baraquements, il a très vite attiré toute une population à la recherche de produits du pays. “La mairie de Nice s’est inquiétée d’une hygiène plus que douteuse et de trafics de toutes sortes”, explique Brigitte Tanauji-Dahan, adjointe au maire. En 1982, une convention est signée entre la ville et la Sonacotra qui prend en charge la gestion du marché. Gestion virtuelle s’il en faut : débordée, la Sonacotra abandonne la partie en 2002. “Les vendeurs à la sauvette officiaient jusque dans les recoins de la résidence”, se souvient le sous-directeur du foyer. Aucun repreneur ne se proposant, la mairie de Nice reprend le flambeau en juillet 2006 : la vente de produits alimentaires

M. Peña

“Le marché de la désobéissance”

est interdite, le nombre de commerçants contingenté et trois placiers veillent au respect du règlement et du paiement des patentes. Réduit à peau de chagrin, le marché n’est pas pour autant mort : il n’a fait que se déplacer de quelques dizaines de mètres, à côté de la “galerie marchande”, une ruelle de parpaings couverte de tôles. Aucun commerce n’existant en effet dans cette zone sinistrée, la Sonacotra a autorisé l’implantation de quelques boutiques ouvertes toute la semaine (boucheries,

primeurs, cafés). Là, depuis juillet 2006, tous les dimanches, des étals de fortune rejoignent les échoppes légales. Quant aux ventes de voitures, elles continuent sur le superbe nouveau parking municipal. Oubliée Nice, qui n’a jamais accepté ce débordement. Ici, on est ailleurs. “Dans les années 80, mes parents venaient y faire le plein de cadeaux pour les vacances au pays, raconte Fatima, 39 ans. Pour nous, les gamins, c’était aussi effrayant que merveilleux. C’était le seul endroit pour les Arabes dans

toute la région.” Les têtes de moutons tournent sur leur broche, les hommes jouent aux dominos, les enfants courent partout et les femmes boivent des limonades. La mairie aura beau vouloir en faire un charmant marché de Provence et changer son nom en “Nice village”, le marché de l’Oued restera le marché du bled, de la Sonacotra, des voleurs, de la route de Grenoble. M.P.

Marché de l’Oued Route de Grenoble,

Nice (06). Ouvert tous les dimanches.

SARCELLES

Des pieds-noirs aux Indiens

N

chères, entre 1955 et 1977. Il fallait alors créer un centreville à ce quartier bâti pour accueillir, après la Seconde Guerre mondiale les immigrés, principalement maghrébins, puis les Français d’Algérie en 1962. Il rassemblait à lui seul 65 % de la population et

V. Siddachetty

é dans les années 1960, le marché de SarcellesLochères a grandi au milieu du grand ensemble, l’une des deux entités qui composent la ville. A côté de Sarcelles village, la ville historique, ont été construites les cités nommées Grand ensemble de Lo-

58 LE COURRIER DE L’ATLAS

Sarcelles comptait alors la plus grande communauté de rapatriés d’Algérie, dont de nombreux juifs séfarades. Entre 1954 et 1962, la ville passe de 8 387 à 35 800 habitants ! “On trouvait dans ce marché du lait, du beurre, de la viande, raconte Nadège, employée à la Maison du patrimoine. Très vite des produits d’Afrique du Nord sont apparus. Je me souviens d’un marchand pied-noir : Benguigui. Il vendait des fèves, des graines, des olives, des raisins pour le couscous. Des produits qui, pour nous, venaient d’ailleurs.” Le marché se trouvait de fait au cœur de deux commu-

nautés qui recréaient ensemble, malgré les dissensions historiques, un petit bout du pays perdu. En 1999, la ville compte 14,6 % de personnes nées en Algérie, 12 % au Maroc, 15,5 % en Tunisie et 12,8 % en Turquie. En 2007, 50 ethnies cohabitent. Des arrivées de population qui ont transformé le marché. “Au fil du temps, il s’est orienté vers le textile. Aujourd’hui, seule la population d’origine étrangère s’alimente encore ici”, explique Nadège. Les primeurs sont principalement d’origine maghrébine. Pour 25 euros, une famille fait le plein pour une semaine. Les vendeurs de textile sont indiens. On trouve aussi des

ceintures du bled, des livres religieux, du raï, de la musique indienne et africaine. Rien ne dépasse 10 euros dans cette partie. “L’ambiance est sympathique, très internationale, renchérit Djamel, un vendeur d’électroménager. Juifs, Français, Indiens, Africains, Maghrébins : on trouve de tout ici.” Cosmopolite et pas cher. Une recette qui marche. Le lieu attire désormais les Parisiens et même les touristes en été. v.S.

Marché de Sarcelles-Lochères Avenue Frédéric JoliotCurie, Sarcelles (95).

Ouvert les mardis, vendredis et dimanches matin.

NUMÉRO 11 JANVIER 2008


Fait DIVERS Pour la troisième année consécutive, la récolte de raisin de Tewfiq Khenouche est détruite par des inconnus. Racisme, concurrence, jalousie ? En tout cas, la réussite du jeune agriculteur dérange. Loin de se décourager, il a décidé de se battre. Par Khaled Olhocine

P. Pyrdal/La Dépêche du midi/Max PPP

D

ans le vocabulaire de Tewfiq dépendance, l’enfant a la révélation le jour où il visite, en compagnie de ses camaraKhenouche, les mots décourades de classe, une ferme de Montauban. gement, abattement ou déses“C’est en mettant les pieds dans cette exploipoir n’ont pas droit de cité. tation agricole où vivaient vaches, cochons et Pourtant, ce que ce jeune agripoules que j’ai su que j’allais devenir agriculculteur français d’origine algérienne insteur. Mes racines y sont peut-être pour quelque tallé à Castelsarrasin (Tarn-et-Garonne) chose. Mes ancêtres étaient des fellahs, des endure depuis trois ans aurait pu démolir bergers, des montagnards, des paysans… Bref, le plus tenace des hommes. “S’ils pensent des gens de la terre.” m’avoir avec leurs menaces, leurs incendies et Cette révélation prend corps quelques leurs sabotages, ils se trompent lourdement. Je années plus tard lorsque Tewfiq Khenousuis beaucoup plus coriace qu’ils ne le pensent”, che achève sa formation dans une école tonne Tewfiq. agricole de Montauban. A 19 ans, un breDepuis trois ans, toutes les récoltes de ce vet de responsable en exploitation agricole viticulteur de 28 ans, sont systématiqueen poche, le jeune homme rêve désormais ment saccagées par des inconnus qui, non de s’installer à son compte. contents de saboter sa production et ses outils, lui envoient des lettres de menaces “Je voulais tout de suite acquérir une parcelle de terre et devenir mon patron, mais j’ai du type : “Bâtard d’Arabe on va t’achever.” En novembre 2005, un incendie ravage le hangar de 600 m2 où est entreposée sa récolte de raisin, un muscat de grande qualité communément appelé “muscat de Hambourg”. dû patienter quelques années.” C’est un viticulteur, Bertrand Gontrand, qui lui donne En décembre 2006, un autre incendie détruit l’ensemble de la production. En donc l’occasion de réaliser son rêve d’enfance. Installé à Vigouse, près de Castelnovembre 2007, c’est encore une fois la totalité de la production qui disparaît à la sarrasin, ce dernier était à la recherche suite d’un acte de sabotage dans les entred’un jeune diplômé qui ne rechigne pas au pôts où le jeune agriculteur stocke ses labeur et qui désire partager avec lui l’exfruits. “Je ne vais pas ploitation d’une ferme leur faire plaisir en abanEn dehors du travail, de 30 hectares. “Viens et donnant cette exploitaregarde. Si l’endroit t’inje consacre mon temps tion. Je continuerai à me téresse, tu t’installes avec battre car j’aime cette moi”, lui dit Gontrand. à ma famille, mes amis, terre et ce métier.” Séduit, Tewfiq KhenouLa passion de la terre, che donne son accord mon groupe de rock. justement, Tewfiq l’acsur le champ. quiert alors qu’il use encore le fond de ses Les premières années sont loin d’être culottes sur les bancs de l’école, à Monune partie de plaisir. Il faut défricher trois tauban. Né en 1976 d’un père originaire hectares de terre, planter de nouvelles vid’Oran et d’une mère kabyle ayant quitté gnes, apprendre à jouer au contremaître l’Algérie pour la France peu de temps avec les travailleurs de la ferme et s’initier avant le déclenchement de la guerre d’inà la gestion et à la comptabilité. “On ne

Qui veut la peau de

‘‘

’’

60 LE COURRIER DE L’ATLAS

s’improvise pas paysan, précise Tewfiq. Il me fallait faire l’apprentissage de tout le circuit pour prétendre devenir un jour mon propre patron.” Après six ans comme assistant, Tewfiq finit par racheter les parts de l’exploitation de Gontrand. Nous sommes en 2005. La première récolte de muscat est prometteuse, mais au lieu de vendre ses raisins aussitôt cueillis, Tewfik décide de les stocker dans des frigos en attendant que les prix grimpent. Pas folle la guêpe. Les ennuis commencent le matin du 20 décembre 2005, quand le jeune paysan découvre un tag inscrit sur le mur de la propriété : “Pas d’Arabe paysan, dehors les Arabes.” Quatre jours plus tard, son hangar de stockage est totalement ravagé par un incendie. “J’ai perdu toute ma récolte estimée à plus de 100 000 euros.” Tewfik Khenouche porte plainte contre X au commissariat de Castelsarrasin, mais l’affaire sera vite classée, faute d’indices et de preuves

NUMÉRO 11 JANVIER 2008


‘‘

je ne vais pas leur faire plaisir en abandonnant : Je continuerai à me battre car j’aime cette terre et ce métier.

’’

menaces de mort contre sa personne ? Des rivaux qui apprécient mal qu’un nouvel exploitant s’installe dans la région pour leur faire de l’ombre ? Des plaisantins du dimanche qui veulent se payer la tête d’un “bougnoule” ? Des racistes déterminés, au mieux, à faire décamper un “sale Arabe” ou, au pire, à l’occire ? Dans l’attente de la conclusion de l’enquête confiée aux gendarmes – le juge d’instruction de Montauban ayant décidé en septembre 2007 de dessaisir les policiers du dossier –, toutes les hypothèses sont possibles. S’il n’a jamais eu d’ennemis dans le milieu, il est vrai que Tewfiq n’a pas non plus noué ou entretenu d’amitiés avec les autres exploitants. Le jeune homme se définit volontiers comme quelqu’un de tranquille et d’un peu casanier : “Je ne fréquente pas la corporation des agriculteurs. Je suis plutôt un solitaire. En dehors du travail, je consacre mon temps libre à ma famille, mes amis et à mon groupe de rock.” Bien qu’il ne cherche pas à privilégier à tout prix la thèse raciste, Tewfiq n’oublie pas moins que la région de Montauban a connu un terrible fait divers qui a coûté la vie en 1983 au jeune Algérien Habib Ghemzi. Repéré par trois légionnaires dans le train Bordeaux-Vintimille, celui-ci a été passé à tabac avant d’être défenestré. Le drame avait d’ailleurs inspiré l’acteur et réalisateur Roger Hanin qui en tira un film, Train d’Enfer. “Je n’exclus aucune piste, souligne Tewfiq. Maintenant que le dossier est entre les mains des gendarmes, j’espère que l’on finira par démasquer les auteurs de ces forfaits et que l’on connaîtra vraiment toute la vérité sur cette affaire. En ce qui me concerne, je refuse d’abdiquer. Cette terre est ma passion, mon travail, ma vie.”

Tewfik Khenouche ? pouvant conclure à une action criminelle. Refusant de se laisser abattre, Tewfik reprend donc du collier. Mais le 20 novembre 2006, nouvel incendie, nouveaux malheurs. Toute sa récolte part à nouveau en fumée et, le 26 décembre, deux lettres de menaces, adressées à Tewfiq Khenouche, atterrissent dans la boîte aux lettres de la propriété qui reste toujours au nom de Bernard Gontrand. Rebelote : “Bâtard d’Arabe on va t’achever” et “Pas de paysan arabe”. Il dépose une nouvelle plainte, mais la police refuse de l’enregistrer sous prétexte que la boîte aux lettres n’appartient pas à M. Khenouche. Loin de se décourager, Tewfiq décide de se battre. Il interpelle les élus locaux, alerte les médias et prend contact avec le Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié des peuples) qui lui apporte son soutien et les conseils d’un avocat. L’affaire

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

du “paysan kabyle” sort de l’anonymat et défraie la chronique. Ceux qui veulent la peau de Tewfiq Khenouche vont-ils s’arrêter là, maintenant que les uns et les autres se mobilisent pour prendre sa défense et lui apportent soutien et solidarité ? C’est sans compter la détermination de ces courageux anonymes qui caressent le rêve de chasser ce “bâtard d’Arabe” de Castelsarrasin. Le 26 novembre 2007, des individus font irruption dans le hangar de la ferme et détruisent la quasi-totalité de la récolte, toute prête à être commercialisée. “Ils ont ravagé mes raisins le jour où les commandes commençaient à tomber, raconte Tewfiq. Ces types ne sont pas des ignares mais des gens qui connaissent très bien le milieu de la vigne.” Des questions taraudent encore les esprits. Qui en veut à Tewfiq Khenouche au point de saboter le fruit de son travail, de le ruiner et de proférer des propos xénophobes et des

contact@courrierdelatlas.com

LE COURRIER DE L’ATLAS 61


Comment supporter le couscous de la belle-mère tous les vendredis ? témoignages “On n’épouse pas un homme, mais une famille”. Dépassé ce dicton ? Pas si sûr, et moins encore sans doute chez les Maghrébins. L’an 2000 n’a pas amené avec lui les voitures volantes, pas plus qu’il n’a changé les relations avec la belle-famille. Le mari est toujours le fils de sa mère et son épouse, la fille de son père. Exemples vivants. Par Selwa Bergach

62 LE COURRIER DE L’ATLAS

U

ne fois les bagues aux doigts, trois familles n’en forment plus qu’une. Les parents de madame, ceux de monsieur et, bien sûr, madame et monsieur eux-mêmes. Le changement est parfois difficile à accepter, pour les uns comme pour les autres. Caroline, mariée depuis sept ans, en sait quelque chose. “A l’époque, les femmes quittaient leur famille pour en intégrer une autre”, expliqueelle. Avant de constater “qu’aujourd’hui, les jeunes sont tellement indépendants qu’il leur est difficile de composer avec une belle-famille”. Il n’est déjà pas simple de recevoir des reproches de ses propres parents, alors imaginez quand les beaux-parents s’y mettent !

Le mari à sa “môman” Caroline vit à Paris, loin de ses beaux-parents. Malgré la distance, les relations ­qu’elle entretient avec eux sont plutôt tendues. La faute à qui ? “A eux bien sûr !”, répond spontanément la jeune femme. Au centre de cette rivalité, Kamal, son mari, qui n’a pas vraiment pris la mesure du problème. Il y a

sept ans, il sacrifiait sa petite vie de célibataire nantais pour se lancer dans une vie de couple à Paris. Mais un plus un ne font pas toujours deux : “Constamment au téléphone avec sa famille, il leur raconte absolument tout ce qui se passe chez nous”, se plaint Caroline, qui ne supporte plus ses indiscrétions. Kamal a grandi au sein d’une famille nombreuse, et sa relation avec ses parents comme avec ses frères et sœurs est totalement fusionnelle. Autant dire que ce besoin d’intimité lui est complètement étranger. Pour Caroline, qui a du mal à trouver sa place, cette relation est malsaine. A 32 ans, son mari ne parvient pas à couper le cordon avec les siens. Il ne prend aucune décision sans consulter ses parents et suit toujours leur conseil plutôt que celui de sa femme. Le complexe d’Œdipe n’a pas d’âge. Incompréhension, frustration… le couple a bien failli craquer plusieurs fois. “Ma mère me le dit souvent, les hommes ça marche à l’électrochoc !”, lance Caroline, bien décidée désormais à passer à la vitesse supérieure. Le jour où elle a réellement commencé à chercher un appartement pour matérialiser leur sépa-

NUMÉRO 11 JANVIER 2008


ration, Kamal s’est enfin remis en question. Depuis… retour à la normale ? Presque, mais le couple ne passe plus toutes ses vacances à Nantes et c’est déjà une “énorme victoire !”, s’exclame Caroline.

Feu sur la belle-mère !

mère, trop soucieuse des bonnes manières pour montrer la moindre hostilité face à ses invités. Ce jour-là, la mariée a gagné une bataille, mais la guerre continue. “Après dix ans, elle ne s’est toujours pas résignée à m’avoir comme belle-fille”, constate Sonia. Exit la diplomatie, elle a aujourd’hui décidé de rompre les négociations, persuadée que les années ne changeront rien à leurs relations. “Ça fait presque un an que l’on ne s’est pas vues, et mon mari est plutôt content d’avoir la paix.”

mille de Camélia n’avait pourtant pas de mauvaises intentions, elle appréciait la jeune fille et pensait agir pour le mieux. Mais les mariés sont vite dépassés par les événements. Encore tous les deux étudiants, ils ont élu domicile chez les beaux-parents de Camélia. “Un petit studio nous aurait mieux convenu, mais c’était impossible de refuser la chambre que mon ex-belle-mère avait préparée pour mon arrivée.” Quant aux parents de Camélia, ils ne l’ont vraiment pas beaucoup aidée : “A chaque fois que je me plaignais du comportement de ma belle-mère, ils me répétaient que c’était à moi d’être exemplaire.” Etouffé par la famille, le couple a divorcé après seulement deux ans de vie commune. En repensant à ce fiasco, Camélia est persuadée que ce mariage n’était pas qu’une erreur de jeunesse. “Beaucoup de jeunes réussissent leur mariage. Simplement, ils n’ont pas constamment une belle-famille sur le dos !” Pour vivre chez ses beaux-parents, il faut donc s’armer de patience, si gentils soient-ils.

Si belles-mères et brus parviennent souvent à conserver une façade de courtoisie, d’autres en sont arrivées à un point de non-retour. Sonia et Majida, respectivement belle-fille et belle-mère depuis dix ans, n’ont pas attendu les noces pour se déclarer la La belle-maman guerre. “J’ai rencontré ma belleJe n’ai pas “djeune” mère un an avant mon mariage et eu le cran de Il n’y a pas qu’un seul modèle elle m’a immédiatement détestée.” de belle-famille omniprésente… Sonia est persuadée que cela résister à ma Dans la catégorie “le mariage de n’aurait pas été différent avec belle-famille ; ma fille est une cure de jouvenune autre. Pas touche à son fils, ce”, la maman de Marie et bellepoint final. je cédais mère de Sylvain arrive largeUne sorte de complexe d’Œdiment en tête. “Tout le monde pe inversé, Majida étant trop atsur tout. m’envie ma belle-mère, sauf moi”, tachée à son fils pour le voir avec dit Sylvain. Vu de l’extérieur, Sylvain a en une femme. Elle a d’ailleurs essayé à plusieurs effet tiré le gros lot. Elle est jeune, moderne, reprises de séparer le couple, en vain. “Elle a indépendante, de tous… sauf de sa fille et de tout tenté, comme au cinéma ! En plus des menaLa mère “je sais tout” ces et des mensonges, elle essaye encore de monter son gendre : “Elle nous considère comme son groupe d’amis, du coup, elle est de toutes les Mariée depuis quatre ans à Karim, Mymon mari et mes enfants contre moi.” riam a affaire à une belle-mère coriace. Pour Pendant ses premières années de mariage, ­sorties.” Comme des ados, Sylvain et madame, maelle, tout est prétexte à donner son avis, Sonia a laissé de côté la diplomatie et a rériés depuis un an, sont presque obligés de parce que tout paraît la concerner. “Même pondu coup pour coup aux offensives de la s’échapper en douce pour un simple dîner le thé que je préfère est matière à discussion”, belle-mère. Et si elle en est arrivée là, c’est raconte Myriam, presque amusée. C’est que Majida ne fait pas dans la dentelle. “Une entre copains : “Les premières fois, c’était marrant, mais là on ne rigole plus du l’arrivée de Yanis, 3 ans semaine après notre rencontre, elle demandait à tout.” La situation est tellement aujourd’hui, qui a changé la son fils qu’il arrête de me voir. Pour elle, je On est pesante que le couple songe donne. Pendant neuf mois, la n’étais intéressée que par sa situation financière, contents sérieusement à déménager grossesse de Myriam était la explique Sonia. Mais n’allez pas imaginer qu’il dans une autre ville, prétextant seule préoccupation de beauest milliardaire !” Salim a, malqu’ils soient une opportunité professionpapa et belle-maman, qui s’apgré la pression, épousé là pour nelle. “Il faut s’éloigner avant le prêtaient à accueillir leur preSonia le 10 juin 1997, clash, sinon tout le monde risque mier petit-fils et – cerise sur le en présence de sa garder les de le regretter.” Et à ceux qui le gâteau – le bébé de leur fils enfants. prennent pour chanceux de unique. Depuis, l’attention n’a n’avoir ni belles-sœurs ni pas baissé et la tension non plus. “Ma belle-mère a peut-être plus d’expébeaux-frères, Sylvain répond : “Si j’en avais, rience que moi pour élever des enfants, mais ça ma belle-mère ­sortirait avec eux plutôt qu’avec ne justifie pas qu’elle veuille élever le mien à ma nous !” place”, proteste Myriam. La belle-famille trop serviable Conscient lui aussi que ses parents occuRésister à la pression d’une belle-famille pent une place trop importante dans leur vie est plus difficile encore lorsque les mariés de famille, Karim est un allié de taille pour sont très jeunes. “J’avais 21 ans et lui 22. sa femme. “A chaque fois, il trouve une maAujourd’hui, j’en ai quatre de plus et je crois nière de parler à ses parents. Il faut reconnaître que j’aurais mieux fait d’attendre pour me qu’on est contents qu’ils soient là quand il s’agit marier”, admet Camélia. Et si elle regrette de leur laisser les enfants pour partir en weeksa précipitation, c’est parce que son couple end, mais pas lorsqu’ils donnent leur avis sur n’a pas tenu. “Comme j’étais jeune, je n’ai pas comment les éduquer.” Peut-être le prix à payer finalement… eu le cran de réagir face à ma belle-famille ; je cédais à tout”, explique-elle. L’ex-belle-facontact@dmpresse.com

Illustrations : Allan Barte

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

LE COURRIER DE L’ATLAS 63


‫اﻟﺨﺒﻴﺮ‬

Les portables et la Wifi sont-ils dangereux pour la santé ?

prévention Les conséquences des ondes électromagnétiques sur la santé alarment certains scientifiques. Alors que se confirment leurs méfaits sur notre organisme, voici quelques conseils d’utilisation.

L

64 LE COURRIER DE L’ATLAS

1

Pas de téléphone mobile pour les moins de 15 ans (des associations demandent leur interdiction pour ce public). Utiliser toujours le kit piéton ou mains libres afin d’éloigner l’appareil de l’oreille et du cerveau. Ne jamais approcher un appareil en recherche de l’oreille : attendre la première sonnerie et le tenir toujours verticalement. Ne pas téléphoner en se déplaçant, même à pied. Ni même dans un train ou dans une voiture à l’arrêt ou dans toute autre infrastructure métallique répercutant les ondes (effet dit de “cage de Faraday”). Ne jamais conserver la nuit un téléphone mobile allumé ou en recharge à moins de 50 cm de sa tête. Ne pas porter son téléphone à hauteur ou contre son cœur, l’aisselle, la hanche, ou près des parties génitales. Ne jamais approcher un téléphone mobile en fonctionnement du ventre d’une femme enceinte ou à moins de 20 cm de tout implant métallique, cardiaque ou autre. Choisir et utiliser un téléphone portable dont la valeur DAS est la plus basse possible, c’est-à-dire inférieure à 0,7 W/kg. Ne téléphoner que dans des conditions de réception maximum (avec les 4 barrettes de réseau), jamais moins. Ne pas oublier : en public, vos voisins subissent le rayonnement émis par votre téléphone. S’éloigner permet d’éviter leur exposition passive. Limiter le nombre et la durée des appels à deux ou trois minutes maxi.

2

Par Charles Bernard

3

4

5

Jupiterimages

eucémie, maladie d’Alzheimer, cancer… les ondes électromagnétiques peuvent produire des effets dévastateurs. Avec 53 millions d’abonnés en téléphonie mobile et des systèmes de connection Wifi de plus en plus présents dans les foyers, nous sommes considérablement exposés. De récentes enquêtes scientifiques viennent de confirmer ce qui a longtemps été considéré comme une simple rumeur : les méfaits des ondes sur notre organisme. Piloté par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ/OMS), le volet français de l’étude Interphone menée sur dix ans montre une possible augmentation du risque d’une tumeur du cerveau chez les “forts utilisateurs” de téléphonie mobile. Ces biologistes, physiciens et cancérologues jugent que les normes d’exposition américaines et européennes “ne suffisent pas à protéger la santé publique”. “Avoir un système de connection Wifi chez soi revient à habiter dans un micro-onde !”, ironise Catherine Gouhier, directrice scientifique en charge des mesures au Centre de recherche et d’information indépendante sur les rayonnements électromagnétiques (Criirem). La puissance est moindre pour la Wifi, mais l’exposition y est continue, en particulier dans les grandes administrations. La chercheuse déplore “l’absence de prévention mise en place par l’Etat, malgré l’accumulation de preuves scientifiques”. On sait aujourd’hui que les études officielles antérieures n’étaient pas impartiales : nombre d’experts chargés d’évaluer les risques sanitaires du portable étaient rémunérés par les industriels du secteur. C’est que les opérateurs de téléphonie mobile font un lobbying très efficace. La raison est simple : “Baisser les fréquences des portables impliquerait de renforcer les structures d’antennesrelais et donc… de grosses dépenses !”

10 réflexes indispensables pour limiter son exposition

6

Choisir son portable en fonction de son DAS Le DAS ? Exprimé en watt par kilogramme (W/kg), le Débit d’Absorption Spécifique est l’unité retenue et reconnue par les opérateurs de téléphonie mobile et les autorités sanitaires. Il traduit la “quantité maximale de puissance qui peut être absorbée par les tissus” et correspond à ce que l’on appelle l’effet thermique (un effet de chaud provoqué par l’énergie que dégage le terminal et dont les réglementations française et européenne ont fixé la valeur plafond à 2 W/kg). A l’occasion du lancement de son site (www.criirem.org), le

Criirem met en ligne un service inédit, le Top DAS, premier hitparade des téléphones mobiles classés par niveau de rayonnement électromagnétique. Ce comparatif simple et pratique, réalisé à partir des données fournies par les constructeurs, permettra à chacun de choisir son téléphone en toute connaissance du niveau d’exposition annoncé pour celui-ci. La norme DAS est indiquée dans le livret mode d’emploi du téléphone. Le plus souvent dans le chapitre “Information relative à la santé et à la sécurité”.

7

8

9

10

NUMÉRO 11 JANVIER 2008


v

L’@tlas du Web

Sélection des sites Par Léo Huisman

La bonne résolution 2008 “Cette année, c’est sûr, j’arrête de fumer !” Législation oblige. Vous allez enfin pouvoir trouver un soutien de poids dans le hit-parade des bonnes résolutions. Le site institutionnel www.tabac. gouv.fr détaille pour vous le contenu de la loi interdisant

de fumer dans les lieux publics. Mais si arrêter de fumer n’est pas dans vos projets et que vous n’avez aucune idée de LA bonne résolution à prendre cette année, deux sites peuvent vous aider : lucianoz.free.fr , un blog dans lequel on trouve

Laurence, Carla, Mouammar et moi

Il ne nous prendrait pas pour des Mickeys ? Comme pour nous faire oublier sa lune de miel avec Kadhafi (5jours, c’est long!), Nicolas Sarkozy s’affiche désormais en compagnie de la top model-chanteuse Carla Bruni à Dysneyland Paris. S LES HUÉE

un générateur de bonnes résolutions. Ou plus simplement, www.nosbonnesresolutions.com, un site très simple et romantique où l’on peut déposer sa résolution ou s’inspirer des nombreuses autres déjà postées par les internautes en cliquant sur des flocons de neige. Parmi les résolutions déposées par les internautes : “Perdre du poids”, “Me remettre avec Sandrine”, “La paix dans le monde, “Faire l’amour tous les jours”…

L’info était sur le Net avant même de faire la une des journaux tandis qu’à Marrakech courait toujours la rumeur sur la préparation du mariage de Nicolas Sarkozy et de Laurence Ferrari. Ça va trop vite ! Mais rien de tel pour faire diversion.

DACTION

DE LA RÉ

Le Web citoyen nécessite encore quelques réglages ! C’est le moins que l’on puisse dire après l’affaire qui a agité la presse marocaine le mois dernier. La diffusion de vidéos amateurs sur les sites Youtube et Dailymotion d’un pseudo-mariage homosexuel dans la ville de Ksar El Kebir a allumé la mèche. Des milliers de personnes sont sorties dans les rues pour manifester, tentant de lyncher les protagonistes de la vidéo et saccageant le commerce d’une des personnes supposées présentes à la fête. Le ministre de l’Intérieur marocain lui-même, Chakib Benmoussa, est intervenu, diligentant une enquête. Il s’agissait selon lui

NUMÉRO NUMÉRO 811OCTOBRE DÉCEMBRE 2007 2007

d’une cérémonie rituelle. Ce qui n’a pas empêché l’interpellation pour “perversion sexuelle” de 8 personnes, dont 6 condamnées à des peines de prison (4 à 6 mois)… pour une fête ! L’homosexualité est au Maroc toujours passible de prison. Mais que dire de la délation à l’origine de cette vraiefausse affaire et de ces fous furieux qui, pour la plupart, n’ont d’ailleurs jamais vu cette gentille vidéo ? Malgré des demandes réitérées d’internautes à Dailymotion, qui n’a pas souhaité répondre, la vidéo n’avait toujours pas été retirée. Alors, site de partage vidéo ou nouvelle plateforme de délation ?

Se faire du blé en vendant ses cadeaux de Noël

Le coup du portable Zaooozaaaaaaa ! Sur son site, www.magiczaoza.com, ce magicien du net vous présente ses meilleurs tours à tester sur vos proches. Bien sûr, il demande votre participation. Il vous faudra lui fournir l’adresse e-mail de votre ami(e) ainsi que son numéro de portable. Ensuite ? Laissez la magie opérer…

Vous rêviez du dernier Ipod nano et vous avez hérité d’une… cafetière. Pas de panique, les sites Internet de revente en ligne tels que PriceMinister ou E-bay peuvent vous sauver. La tendance ne cesse d’augmenter chaque année : les mécontents de Noël n’hésitent plus à revendre leur cadeau sur Internet. Chez PriceMinister, on les encourage même : “Nous avons inventé, il y a déjà cinq ans, la fameuse opération ‘déçus par vos cadeaux, revendezles sur PriceMinister’, dit-on à la direction du site. Une campagne qui lance les soldes avant les soldes, puisque ce sont les particuliers qui soldent leurs produits dès le 25, voire, pour certains, dès le 24 au soir !” Alors, ça ne vous donne pas des idées pour bazarder quelques horreurs ? Oui, avec les cadeaux de mariage, ça marche aussi !

LE 65COURRIER LE COURRIER DE L’ATLAS DE L’ATLAS 65

DR

Crédits photo

Beaufitude on line et en live Le vrai faux mariage gay de Ksar El Kebir


Pour ou contre l’utilisation du terme

islamophobie ? Making-of De retour du Nicaragua,

notre collaborateur Yann Barte découvrait le numéro de novembre du “Courrier de l’Atlas”, avec son dossier consacré à l’islamophobie. Estimant ce choix non pertinent, il a souhaité expliquer pourquoi. Son collègue Naceureddine Elafrite lui répond. Débat.

contre

“Islamophobie est un mot piège.” Par Yann Barte

D

ans les années 80, on riait au nez des cathos intégristes de l’Agrif qui se ridiculisaient dans des procès pour “racisme antichrétien”. Et on avait raison. Aujourd’hui, on considère avec le plus grand sérieux la démarche identique des islamistes et de leurs nouveaux alliés paradoxaux d’extrême gauche (au nom de la lutte contre l’Occident libéral). Le terme “islamophobie”, véritable arme de guerre idéologique, a été inventé par les mollahs au lende­ main de la révolution iranienne, nous rappelle Chahdortt Dja­ vann : “Il résume l’idéal totalitaire d’un régime islamiste pour qui toute opposition est considérée comme une atteinte à l’islam.” Le mot a fait le titre de notre dos­ sier. Il a aussi fait débat au sein de la rédaction. Peut-on en effet l’uti­ liser sans détourner l’antiracisme au profit de la lutte contre le blas­ phème ? Ayant attaqué pour isla­ mophobie, le Mrap s’est vu dé­ bouté face à d’authentiques racistes comme Oriana Fallaci.

66 LE COURRIER DE L’ATLAS

Non seulement le mot piège le débat, mais il s’avère d’une ineffi­ cacité crasse contre le racisme que l’on ne sait plus appeler par son nom. Il existe un racisme qui se tapit derrière la critique de l’is­ lam. Il suffit d’écouter les propos villiéristes pour s’en convaincre. De même que l’antisémitisme va parfois de pair avec la stigmatisa­ tion de la religion des juifs. Pour autant, “judéophobie” n’a pas fait son entrée dans le Petit Robert, pas plus que “christianophobie”, et c’est heureux de ne pas confon­ dre critique des religions et racis­ me, critique des personnes pour ce qu’elles sont (xénophobie, ho­ mophobie…) et pour leurs idées (religions, idéologies…). “Isla­mophobie”a été anobli par le Robert, comme pour dis­qua­ lifier un peu plus ceux qui osent ré­sister aux islamistes (musul­ mans libéraux, laïques, féminis­ tes) en refusant de céder au chan­ tage à l’islamophobie. Il me paraît urgent de bannir le mot et d’ap­ peler le racisme par son nom.

Pour

est une réalité, “il L’islamophobie faut l’appeler par son nom. ” Par Naceureddine Elafrite

T

out comme la judéophobie (si, si, le terme existe) et l’antisé­ mitisme, l’islamophobie est une abomination qui doit être dési­ gnée en tant que telle ; désignée, mais aussi décortiquée, analysée, dénoncée. Car elle a ses spécifici­ tés, que le terme “racisme” ne suffit pas à restituer. Il y a aujourd’hui, en Europe, une montée de l’islamophobie. Des organisations internationales neutres ont tiré la sonnette d’alar­ me, et notre rôle en tant que ma­ gazine d’actualité et de société, était d’en rendre compte. L’islamophobie, c’est le dénigre­ ment systématique de l’islam et de ceux qui sont de culture ou de foi musulmane. De la même ma­ nière que l’on peut utiliser un cou­ teau pour faire la cuisine, on peut l’utiliser pour commettre un cri­ me. Des esprits retors auront tou­ jours la tentation de dégainer une accusation d’islamophobie pour interdire toute critique de l’islam et des musulmans ou toute dé­ marche laïque. Il en va ainsi de l’antisémitisme. Ceux qui criti­ quent l’islam ne sont pas forcé­ ment islamophobes ; ceux qui cri­ tiquent Israël ou le judaïsme ne sont pas forcément antisémites. L’islamophobie est au cœur d’un mécanisme très pervers. A l’origine, elle a été alimentée,

pour ne pas dire générée, par le comportement de certains mu­ sulmans eux-mêmes. Ou par des gens qui se revendiquent de l’is­ lam. Ce n’est pas un hasard si elle s’est développée après le 11 septembre. Voyez ce qui est arrivé à cette enseignante anglai­ se au Soudan (1), et vous verrez que la lutte contre l’islamopho­ bie doit commencer par notre autocritique, nous musulmans. A son tour, l’islamophobie nour­ rit le repli identitaire, alimente le communautarisme. Ce qui gé­ nère des excès indéniables de lan­ gage ou de comportement. Les manifestations islamophobes (il suffit de faire un petit tour sur le Net) légitiment les positions d’in­ tolérance, de repli, de refus de l’Autre, voire de sa déshumanisa­ tion. C’est connu, les extrémistes de tout bord se nourrissent les uns les autres. C’est un cercle vi­ cieux, et pour le briser, il n’y a aucune raison de dénoncer les ex­ trémistes musulmans (et il y en a) tout en épargnant les extrémistes antimusulmans en se contentant de les accuser de racisme. (1) En décembre 2007, au Soudan, une institutrice britannique a été condamnée pour insulte à l’islam : elle avait laissé ses élèves de 6 ans appeler leur ours en peluche du prénom du Prophète. Elle a finalement été graciée.

NUMÉRO 11 JANVIER 2008



religions ‫أد�ﺎ ن‬

“” L L’islam version féministe

INTERPRÉTATION On connaissait les féministes laïques qui voulaient “libérer les femmes du Coran”. On connaît moins les féministes islamiques qui veulent aussi les libérer, cette fois grâce au Coran. Une démarche pas toujours acceptée. Surtout par les oulémas qui trouvent là de quoi se faire des barbes blanches. Par Hanane Harrath

Turquie, en Malaisie ou même en Arabie Saoudite où l’universitaire Mai Yamani l’emploie en 1996 dans son livre Féminisme et islam.

Au nom de la foi Féministe et islamique : le terme ne manque pas de surprendre, et peut même paraître conflictuel, tant le féminisme s’est traditionnellement construit d’abord contre le pouvoir religieux. Les féministes musulmanes rejettent précisément cette opposition : c’est au nom de la foi et de l’intérieur même du référent musulman qu’elles entreprennent leur

démarche de libération. Asma avant d’être féministe. C’est au nom Barlas, professeure de sciences de l’islam et des valeurs qu’il défend politiques à l’université d’Ithaca que je me bats pour le droit des femde New York, reconmes à être reconnues naît certes sa dette nous Voulons comme des êtres humains.” envers les textes féinVenter un ministes qui lui ont Elles contestent fourni des pistes de Féminisme AVec donc l’ordre social traditionnel, sans réflexion et des monos ProPres pour autant tomber des d’action, mais, dans le mimétisme dit-elle, “c’est bien VAleurs. du modèle occidendans le Coran que j’ai Asmae Lambaret tal qu’Asmae Lamdécouvert l’égalité des hommes et des femmes, ainsi que la rabet qualifie d’“ethnocentriste et nécessité de justice et d’équité”. Ami- islamophobe”. Selon elle, le fémina Wadud partage aussi ce point nisme occidental “ne veut pas lide vue, affirmant : “Je suis croyante bérer la femme musulmane pour la libérer, mais plutôt pour faire valoir la libération occidentale et maintenir ce rapport de force qui permet de toujours mieux dominer l’autre”.

‘‘

’’

Trois questions à Asmae Lamrabet

Auteure du “Coran et les femmes, une lecture de libération”, éditions Tawhid, 2007.

Qu’est-ce que le féminisme islamique ? C’est un féminisme dont le principe est de revendiquer une égalité des droits, mais à partir du référentiel musulman. Nous voulons inventer un féminisme avec nos propres valeurs, à partir de notre patrimoine religieux et pas contre lui. Diriez-vous que vous faites un travail de réinterprétation des sources ou de critique des sources ? Pendant des siècles, on a utilisé notre ignorance pour imposer, grâce aux

68 LE COURRIER DE L’ATLAS

sources, des discriminations envers les femmes. Nous revendiquons notre indépendance et notre liberté en nous réappropriant ces sources à notre manière et en retrouvant dans les fondements de l’islam des principes émancipateurs. Quelles réactions suscitez-vous chez les oulémas traditionalistes ? Aujourd’hui, ils ont bien du mal à débattre avec nous, car nous nous basons aussi sur la même tradition ! Leur silence en dit d’ailleurs long…

Asma Barlas, professeure.

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

Imperio Resendiz/Notimex - L. Gene/AFP

e 18 mars 2005, New York : Amina Wadud, professeur d’islamologie à la Virginia Commonwealth University, crée l’événement en devenant la première femme à diriger une prière musulmane mixte. Cette fille de pasteur méthodiste américain, convertie à l’islam en 1972, n’a pas trouvé mieux pour concrétiser sa réflexion sur la place que devaient prendre les femmes musulmanes dans le discours religieux contemporain. Une réflexion et un engagement qu’elle partage avec de nombreuses femmes réunies déjà deux fois à Barcelone, en octobre 2005 et en novembre 2006, autour du “féminisme islamique”. Ce concept est apparu dans les années 90 en divers endroits du monde, notamment en Iran où les journalistes du magazine féminin Zanan l’utilisent pour la première fois en 1992, avant qu’il ne soit repris en


Amina Wadud, prof. d’études islamiques.

New York, 2005 : une prière musulmane mixte dirigée par une femme. Du jamais vu.

Alors, avec d’autres, elle invente un modèle d’émancipation qui ouvre une troisième voie entre une vision occidentale selon elle “moralisatrice” sur la situation des femmes musulmanes, et la vision islamique orthodoxe qui, au nom du religieux, cautionne le traitement inégalitaire entre les hommes et les femmes.

D. Emmert/AFP - L. Gene/AFP

Une lecture libératrice des textes Ces femmes, majoritairement “de milieu urbain et avec un niveau de formation élevé”, selon Valentine Moghadam, musulmane d’origine iranienne et directrice des études sur les femmes à l’université de l’Illinois, appellent à un effort d’interprétation des textes pour donner aux musulmanes une place nouvelle tant dans les pays musulmans que dans les pays où l’islam est minoritaire. En étudiant le Coran et la tradition, elles vont prouver que ce n’est pas l’islam qui opprime les femmes, mais la lecture machiste qui

en est faite. “Est-ce bien le religieux qui opprime ou bien une réalité sociale collective qui se réapproprie le religieux et le reformule selon une représentation idéologique qui lui convient pour affirmer ses pouvoirs ?”, écrit ainsi Asmae Lamrabet, médecin hématologiste à l’hôpital d’enfants de Rabat et intellectuelle engagée dans la réflexion sur la place de la femme en islam. Pour elle, la réponse est claire : l’islam authentique contient des éléments importants de libération, mais il y a eu avec le temps une dégradation de la tradition islamique originelle. La loi islamique n’est pas, selon elle, “la loi de Dieu”, mais une création humaine codifiée il y a des siècles, dans des sociétés où la femme était considérée comme la propriété de l’homme et où le discours religieux était l’apanage exclusif des hommes. Une fausse interprétation du message coranique s’est donc imposée et a été sacralisée, devenant intouchable et incontestable. “Ce sont les différentes institutions religieuses qui, en s’autoproclamant gardiennes du sacré, ont perverti le sens et la finalité du message spirituel originel en érigeant tout un système d’exclusion des femmes”, ajoute Asmae Lamrabet. Pour les féministes islamiques, il est donc grand temps de se réapproprier les textes musulmans, afin de restaurer le cadre émancipateur que les gardiens de l’orthodoxie ont usurpé. Elles considèrent en effet que ces textes présentent

des marges d’interprétation importantes pour que chaque réalité sociale puisse s’y adapter.

discussions, bien qu’elles concernent des milliers de femmes dans le monde musulman. Ensuite, les féministes doivent Les limites du veiller à ne pas être récupérées par mouvement des discours ou des projets qui, La démarche est salutaire et bé- sous couvert d’encourager la libénéfique : en interprétant les tex- ration des femmes, cherchent tes, les femmes se donnent le avant tout à imposer un nouveau droit d’interroger des interpréta- modèle musulman occidental. tions archaïques et de mettre fin Tariq Ramadan, qui consacre au à des pratiques discriminatoires féminisme islamique un chapitre qui les privent encore, dans de de son ouvrage les Musulmans d’Occident et l’avenir trop nombreux pays, les institutions de l’islam (éditions de leurs droits les 2002), écrit plus fondamentaux. religieuses ont Sindbad, ainsi que l’objectif Il est néanmoins néest bien de “proposer cessaire de s’interroérigé un un autre modèle de ger sur les limites système femme occidentale, du mouvement. En moderne, libre… et puisant leurs argud’exclusion. toujours profondément ments dans les texAsmae Lambaret musulmane. Et il fautes de la tradition considérés comme sacrés, com- dra bien que l’Occident accepte cette ment ces femmes peuvent-elles féminité islamique, cette façon d’être faire prévaloir leur interprétation et de se sentir femme devant Dieu sur celle des oulémas “machis- (…), libre, autonome et engagée tes” qu’elles contestent et qui comme l’exigent les Textes”. Il n’est pas la seule fréquentautilisent des arguments de même tion discutable des féministes nature et de même valeur ? Par ailleurs, cette nouvelle lecture musulmanes : rappelons que Naest certes plus égalitaire, mais elle dia Yassine, fille du leader islan’en est pas pour autant plus mo- miste marocain, était invitée au derne puisqu’elle ne repose pas colloque sur le féminisme musur une critique historique des sulman tenu à l’Unesco en sepsources musulmanes traditionnel- tembre 2006… Echapper aux les. Autre problème : si les féminis- machistes pour tomber dans les tes musulmanes se prononcent mains des islamistes : ce n’est pour le droit de renoncer à sa reli- pas le chemin que l’on souhaite gion ou se mobilisent activement aux féministes musulmanes ! hharrath@dmpresse.com contre l’homophobie (à l’instar du Groupe islamique catalan ou des Muslim Wake up aux Etats-Unis), Deux congrès à Barcelone d’autres questions sensibles comen 2005 et 2006 : les me l’avortement ou la contracepféministes musulmanes tion sont pour l’heure écartées des

‘‘

’’

font entendre leur voix dans le monde.

Valentine Moghadam, directrice des études sur les femmes à l’université de l’Illinois.

La Mexicaine Amina Telisma Al-Yerrahi et la Malaisienne Zainar Anwar. NUMÉRO 11 JANVIER 2008

LE COURRIER DE L’ATLAS 69


religions ‫أد ﺎ ن‬ L’héritage en islam

L’inégalité homme-femme, un sujet de moins en moins tabou analyse Contrairement à ce que prétendent les tenants d’une interprétation du Coran en faveur de la supériorité des hommes, une révision du droit successoral établissant l’égalité entre les deux sexes est parfaitement compatible avec l’esprit du texte. Explications.

D

ans les sociétés arabo-musulmanes, la question de l’égalité entre les sexes en matière de droit successoral reste un sujet sensible, voire tabou, pour des raisons liées à l’interprétation dominante du texte coranique, mais aussi à des facteurs culturels et socio-économiques. On constate, en effet, que les importantes réformes des codes du statut personnel qui ont vu le jour au cours des cinquante dernières années (la Majalla tunisienne et le Code de la famille marocain ou Moudawana) se sont limitées, en matière de régime successoral, à des détails qui ne changent rien à la discrimination à l’égard des femmes dans ce domaine. D’aucuns diront que les principes fondant le droit successoral en islam participent de préceptes coraniques clairs et que, par

70 LE COURRIER DE L’ATLAS

conséquent, on ne peut les modifier sans s’opposer à la volonté divine et heurter la conscience des musulmans. Quel est le bienfondé de cette opinion dominante, et en quoi l’égalité entre les sexes en matière d’héritage

est-il tout à fait compatible avec l’esprit, l’éthique et les finalités du message coranique ? Il ressort des différentes sources anciennes qui nous sont parvenues que le régime successoral qui était en vigueur en Arabie au

moment de l’avènement de l’islam était un régime pluriel et en pleine mutation. Plusieurs traitements furent ainsi réservés aux femmes selon les milieux sociaux. Les sources évoquent ainsi la règle selon laquelle on accordait en héritage au garçon “l’équivalent de la part de deux femmes” (Ibn Habib, al-Muhabar).

Des régimes clanique On sait également, d’après ces mêmes sources, que dans certains milieux, les femmes disposaient de biens propres acquis “Femme orientale jouant avec son enfant”, de Franz Vinck. Le Coran cherchait à apporter des réponses à tous les cas possibles. Elles variaient donc selon les différentes organisations sociales.

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

University Library, Istanbul/Bridgeman ARt Library - AKG ImagesAKG-images

Par Mohamed-Sghir Janjar, directeur de la revue “Prologues”


Adam et Eve et leurs 13 jumeaux (1583). A l’avènement de l’islam, dans des tribus, les biens d’un défunt revenaient à celui qui portait les armes, c’est-à-dire l’homme.

par leur travail et/ou par la succession de leur père ou de leur époux. Khadija Bent Khouwailid, première épouse du Prophète, en est l’exemple le plus connu historiquement. Dans certaines tribus arabes, comme le relate Tabari (Jumu’ al-bayan fi ta’wil al-qur’an), les biens d’un défunt reviennent à ceux parmi ses descendants qui pouvaient porter les armes et participer aux combats. Ce régime de nature clanique excluait automatiquement les femmes. Par ailleurs, les livres de biographies (Sira) et ceux des mariages (Nikah) mentionnent une sorte de mariage par héritage en vertu duquel le fils du défunt (né d’une autre épouse) hérite de la femme de son père. Les Arabes l’appelaient le mariage de torture (nikah al-maqt). La femme, objet de ce mariage, est autorisée à racheter sa liberté moyennant une indemnité compensatoire au profit de l’héritier (Al-Wahidi, Asbab al nuzul).

Un message coranique progressif et graduel

Costa/Leemage

Le Coran, comme l’avaient montré de nombreux penseurs musulmans modernes, n’avait pas pour objectif d’élaborer un code juridique apportant des réponses à tous les cas possibles. Il s’est contenté de donner des solutions à des problèmes partiels et concrets qu’affrontèrent les membres de la nouvelle communauté musulmane. Il cherchait avant tout à faire avancer les principes d’équité et de justice dans une société où le régime de transmission des biens et les conditions sociales des femmes étaient loin de répondre à de tels principes.

L’islam a cherché à introduire un équilibre dans le régime de répartition des biens. Dans ce domaine, comme dans d’autres, le message coranique fut progressif et graduel. Ainsi, et suite aux revendications des femmes nouvellement converties, le Coran commence d’abord par interdire aux musulmans de se transmettre les femmes en héritage : “Vous qui croyez, il n’est pas pour vous licite d’hériter des femmes contre leur gré ou de leur soulever des difficultés pour leur ravir ce que vous leur avez donné.” (Sourate IV, 19).

Une interprétation justificatrice Il va ensuite opérer une réelle rupture avec les coutumes anciennes en posant, de manière forte et précise, le droit de toutes les personnes (hommes, femmes adultes, jeunes…) à l’héritage. C’est le sens du verset suivant : “Aux hommes une quotité de ce qu’auront laissé leurs père, mère et proches. Aux femmes une quotité de ce qu’auront laissé leurs père, mère et proches. Peu ou beaucoup, c’est quotité d’obligation” (Sourate IV, 7). L’islam, contrairement à la pensée juridique dominante, et comme l’a écrit Tahar Haddad (1), “n’a pas fait de la part moindre des femmes un fondement de l’ordre de ses principes intangibles”, comme en témoignent les nombreux cas d’égalité successorale entre les hommes et les femmes. C’est le cas, par exemple, des parents (le père et la mère) après le décès du fils, même en présence des enfants ou celui des frères en “kafala”. Quant au fameux verset : “Dieu vous recommande, en ce qui concerne vos enfants ; aux garçons l’équivalent de la part de

deux femmes” (Sourate IV, 11) que les exégètes traditionnels avaient pris l’habitude d’isoler de son contexte, il change de sens dès qu’on le relie à une série de versets relatifs aux droits et à l’autonomie financière des femmes. Le Coran (sourate IV, 34) fait de la prise en charge des besoins de l’épouse et de la famille (nafaqa) un devoir qui incombe à l’époux. Ainsi, en garantissant à la femme une part de l’héritage et en la déchargeant de la nafaqa, l’islam introduit un équilibre dans le régime de répartition et de transmission des biens dans une société tribale où l’économie était basée surtout sur la conquête et la distribution du butin. Mais les jurisconsultes (fuqaha) ont interprété le verset précité (dit celui de la qiwama) dans le sens de la justification de la supériorité des hommes sur les femmes et de l’élargissement de leur tutelle hors du cercle familial pour englober l’espace et les fonctions publics.

S’adapter en fonction des conditions de vie Au-delà des cercles des féministes, de nombreuses voix s’élèvent aujourd’hui dans le monde arabo-musulman, dans le sillage du pionnier que fut Taher Haddad, pour demander une révision du droit successoral dans le sens de l’égalité entre les hommes et les femmes. C’est là l’exigence éthique d’une vraie fidélité au message coranique dans les sociétés contemporaines où les femmes travaillent de plus en plus à la fois au foyer et à l’extérieur, contribuent aux revenus de la famille

La création du monde (Perse, XVIIe siècle). La révision du droit successoral, une exigence de fidélité au message coranique. Car la règle doit changer selon l’évolution des conditions de vie pour garantir leurs biens à tous.

et assurent au même titre que les hommes la nafaqa. Ne diton pas, dans la science des fondements du droit islamique (‘ilm usul al-fiqh), que la règle doit changer en fonction de l’évolution des conditions des gens pour garantir leur bien (maslaha) ! contact@lecourrierdelatlas.com (1) Tahar Haddad : Imra’atuna fi alshari’a wa al-mujtama’ (Notre femme dans la shari’a et la société), ouvrage dont la première édition est sortie en Tunisie en 1930.

de nombreuses voix s’élèvent aujourd’hui pour demander une révision du droit successoral.

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

LE COURRIER DE L’ATLAS 71


sport ‫ر ﺎﺿﺔ‬

sport ‫ر ﺎﺿﺔ‬

CAN GHANA Coupe d’Afrique des Nations

2008 Didier Drogba au Caire lors de la CAN 2006.

Par Thomas Goubin

Une CAN de choc

’était un autre temps. Depuis, le football africain, ou plutôt ses footballeurs, a opéré sa mue. Le 26 janvier 1992, la Côte d’Ivoire remporte sa première CAN aux dépens du Ghana. Sur la feuille de match, seul un nom transcende les frontières, celui d’Abedi Pelé, alors génial numéro 10 de l’Olympique de Marseille et triple ballon d’or africain (1991, 1992, 1993). Le championnat français accueille bien quelques représentants des Eléphants, comme Joël Tiehi (Le Havre) ou Didier Otokoré (souvent cantonné au rôle de remplaçant à Auxerre), mais il ne s’agit que de joueurs honnêtes, sans envergure internationale. Seize ans plus tard, le Ghana, en tant que pays hôte, et la Côte d’Ivoire, au regard de ses récents résultats et de son effectif all-star, pourraient à nouveau se retrouver en finale, mais présentent, cette fois, des profils autrement plus attrayants. Avec Michael Essien, le poumon de Chelsea, Stephen Appiah (exJuventus, aujourd’hui à Fenerbahçe), ou John Mensah, le pilier de la défense rennaise, comme têtes de gondole de l’imposante légion étrangère ghanéenne, les Black

72 LE COURRIER DE L’ATLAS

Stars n’ont jamais aussi bien porté leur nom. Côté Eléphants, la quasi-totalité des sélectionnés fait le bonheur des clubs européens, et près de la moitié du onze de départ est constituée de pions essentiels aux meilleures écuries du globe : Didier Drogba et Salomon Kalou à Chelsea, les défenseurs d’Arsenal Abib Kolo-Touré et Emmanuel Eboué, Yaya Touré, déjà indispensable à Barcelone, sans parler de Zokora, brillant chez un Tottenham à la peine, ou d’Aruna Dindane (RC Lens), l’attaquant le plus technique du championnat de France.

2 places pour 3 ogres Pour certains, cette européanisation des sélections, qui a pour corollaire des temps de préparation réduits, complique la tâche des sélectionneurs dans la mise en place d’une identité de jeu. Mais il serait difficile de soutenir que le niveau moyen des sélections africaines ne s’est pas élevé. Et si la CAN ne tient parfois pas ses promesses en terme de spectacle, c’est avant tout que l’enjeu paralyse trop souvent le jeu dans une compétition où il est

question d’honneur continental et où toute défaite prématurée prend des allures de tragédie nationale. Gageons qu’au Ghana, les individualités prendront le pas sur les systèmes hermétiques et les frilosités. La France a pu le vérifier à ses dépens lors du tirage de l’Euro 2008, chaque compétition internationale abrite son groupe de la mort. Au Ghana, le sort a placé les ogres ivoiriens, maliens et nigérians dans la même poule. Les Ecureuils du Bénin faisant, eux, office de petit Poucet. Six fois finaliste de la CAN, et deux fois vainqueur, le Nigeria jouit d’un statut de grande puissance continentale. Et à Lagos ou Abuja, il apparaît inenvisageable que les Super Eagles ne passent pas le premier tour. Absent de la dernière Coupe du monde, les Nigérians, dirigés par Berti Vogts, ont perdu de leur superbe des années 90, mais avec John Utaka, Nwankwo Kanu et la pile Obafemi Martins, ils disposent d’une puissance de feu offensive avec laquelle seule la Côte d’Ivoire peut rivaliser. Le salut du Mali passera, lui, par l’empire du milieu. Avec Seydou Keita (FC Séville), Mamadou Diarra (Real Madrid) et Momo Sis-

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

Rabih Moghrabi/AFP

C

FOOT Une CAN a-t-elle déjà offert un plateau aussi relevé? A scruter les équipes, la Coupe 2008 qui se déroulera du 20 janvier au 10 février s’annonce comme un grand cru. Outre la Côte d’Ivoire, favorite avec le Ghana, pays hôte, le Maroc et la Tunisie peuvent également postuler à la victoire finale.


CAN 2006 : des supporters du Togo.

gloire du football algérien, se montre, lui, encore plus formel : “Le Cameroun est le plus solide à tous les niveaux.” Reste à souhaiter, pour les Lions, que Samuel Eto’o ne subisse pas une rechute de sa blessure au genou qui l’a tenu écarté des terrains plus de trois mois. “Sans lui, cela sera compliqué. Nous ne disposons pas de la force de frappe de la Côte d’Ivoire”, reconnaît Mboma.

Le Maroc peut y croire

soko (Liverpool), les Aigles disposent de l’un des meilleurs entrejeux au monde. Du moins, sur le papier. Car les promesses nées de cette association de talents et de la présence de Frédéric Kanouté ne se sont pas encore concrétisées. Absente de la dernière CAN, incapable de se qualifier pour la Coupe du monde 2006 et à la peine pour arracher son billet pour Accra, la sélection malienne ne peut se permettre de décevoir à nouveau. Sortir de ce groupe de géants ne sera pourtant pas la moindre des gageures. D’autant plus que la première place semble promise à la surpuissante Côte d’Ivoire. Sur le papier, là aussi.

Abdelhak Senna/AFP

Le Cameroun, avec les moyens du bord Le Cameroun de Samuel Eto’o symbolise tous les soucis logistiques et financiers rencontrés par nombre de sélections africaines. Jusqu’à fin octobre, les Lions indomptables étaient tout simplement dépourvus de sélectionneur. “Vu qu’on était déjà qualifié, la Fédération a attendu neuf mois avant de nommer Pfister, afin d’économiser de l’argent. Sa campagne pour choisir le nouveau sélectionneur n’était qu’une mascarade, affirme Patrick Mboma, vainqueur de la CAN 2000, et tou-

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

Dans cette CAN disputée en Afrique subsaharienne, quelles chances pour les équipes maghrébines ? Lors de son séjour français en novembre, le Maroc a impressionné en tenant en échec la France et en infligeant au Sénégal sa plus sévère défaite depuis 1995. Surtout, son jeu a séduit. “C’est une équipe très cohérente. Contre le France et le Sénégal, ils ont joué avec deux onze distincts, tout en conservant un très haut niveau de jeu. Je les vois aller très loin”, prédit Mboma. Comme le Maroc, la force de la Tunisie viendra de la cohésion de son groupe. “Le niveau de l’équipe a baissé, mais elle se reprend petit à petit, juge Taoufik Belghith, grand ancien du football tunisien. Il faut beaucoup de préparation, du sérieux, et on peut gagner.” Mais loin de Tunis ou de Radès, DeS POUleS De QUAliFicATiOn releVÉeS peu d’observateurs parieraient sur les hommes de Roger Lemerre. D’autant que son Groupe A Ghana Guinée Namibie Maroc Groupe B Nigeria Mali Côte d’Ivoire Bénin groupe, abordable à première Groupe C Égypte Cameroun Zambie Soudan vue, se révèle très homogène. Groupe D Tunisie Angola Afrique du Sud Sénégal En 2006, l’Afrique du Sud se trouvait déjà dans la poule de jours proche de la sélection. Pfister, contre qui la Tunisie, et les Aigles avaient facilement je n’ai rien, a sûrement été choisi car il ne dedisposé des Bafana Bafana. Mais à deux ans mandait pas trop d’argent”, ajoute l’ancien de la Coupe du monde organisée sur son sol, joueur du PSG et de Parme. l’Afrique du Sud, sans son attaquant vedette Au Mali, à moins de deux mois de la CAN, Benny Mc Carthy, écarté de la sélection, se le gouvernement a lancé une commission de doit de rassurer ses supporters. recherche de financement pour la participaA l’inverse des Bafana Bafana, l’Angola, tion des Aigles. C’est que les fonds manvainqueur de la Côte d’Ivoire en amical le quent pour offrir des conditions optimales 17 novembre, a pris du galon, notamment aux hommes de Jean-François Jodar. Le pays depuis sa participation à la dernière Coupe organisateur doit lui aussi faire face à des du monde, où elle avait tenu en échec le insuffisances en termes organisationnels. Mexique et inquiété le Portugal. Quant au La CAF (Confédération africaine de football) Sénégal, en net retrait – “il ne faut pas craina notamment exprimé ses inquiétudes quant dre le Sénégal, l’équipe n’a rien à voir avec celle à l’état des terrains d’entraînement qui doide 2002”, juge Mboma –, il dispose toujours vent être mis à disposition des sélections. A de joueurs de talent capables de faire la difAccra, où le Maroc jouera ses matches de férence à tout moment (El Hadji Diouf, poule, ou à Tamale, où la Tunisie élira domiHenri Camara, Mamadou Niang). cile, des hôtels viennent tout juste de sortir de Et quid de l’Egypte, tenante du titre ? Trop terre pour accueillir tout le monde. Comme de complaisances arbitrales ont entaché son souvent, l’état des pelouses pourrait perturber succès à domicile pour l’imaginer à nouveau le bon déroulement du jeu. brandir le trophée. Au Ghana, il est d’ailleurs Mais au Ghana comme au Cameroun, on à souhaiter que les hommes en noir se fassait s’adapter. “Si tout le monde tire dans le sent plus discrets. Pour que l’Afrique s’offre, même sens, le Cameroun peut l’emporter”, ascette fois, un champion incontestable. sure Mboma. Mustapha Dahleb ancienne contact@lecourrierdelatlas.com

LE COURRIER DE L’ATLAS 73


sport ‫ر ﺎﺿﺔ‬

CAN

A

Match amical Maroc-France le 16 novembre 2007 au Stade de France : Marouane Chamakh dispute la balle à William Gallas.

74 LE COURRIER DE L’ATLAS

maroc Les Lions de l’Atlas semblent enfin renaître de leurs cendres après la déroute égyptienne de 2006. Leurs excellentes prestations face à la France (2-2) et au Sénégal (3-0) ont surpris, mais surtout rassuré peu avant la Coupe d’Afrique ghanéenne. Par Siham Bounaïm

L’arrivée de Michel : un appel d’air Depuis la prise de fonction en septembre dernier d’Henri Michel, un vent nouveau semble souffler sur l’équipe du Maroc. En quatre matches, son parcours est satisfaisant avec deux victoires, un nul et une défaite. La récente métamorphose tient en grande partie au retour du connaisseur de la maison. A 59 ans, la réputation du technicien français n’est plus à faire sur le continent africain. Un retour qui ne manque pas de ravir l’ensemble des joueurs, à commencer par Abdeslam Ouaddou (Valenciennes) : “Ça fait dix ans que je le pratique, il m’a connu alors que je n’avais que 20 ans. Je sais ce qu’il peut nous apporter, il a l’expérience du continent et du football africain. De plus il aime beaucoup le Maroc. On a un groupe qui arrive à maturité, et il peut apporter beaucoup de rigueur à la sélection. De plus, au

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

Bertrand Garay/AFP

Les Lions ont les crocs

près les très bons résultats obtenus face à leurs homologues français et sénégalais, les Lions de l’Atlas ont à cœur de confirmer leur bonne forme. Désireux de se racheter aux yeux de leurs supporters exigeants, ils veulent faire oublier les débâcles de la dernière Coupe d’Afrique et des éliminatoires de la Coupe du monde 2006. Attendus au tournant, les hommes d’Henri Michel veulent rendre ses titres de noblesse au football marocain après trente-deux années de disette (ils n’ont remporté qu’une seule fois la CAN en 1976). Une pression dont ils ont conscience, mais qu’ils souhaitent relativiser. “Il faut toujours se mettre la pression afin de nous pousser à nous surpasser, mais il ne faut pas qu’elle soit négative et qu’elle nous tétanise. On sera d’autant plus attendus après notre match contre l’équipe de France. Depuis l’arrivée d’Henri Michel, on a réalisé un super travail ; donc, à nous de continuer sur notre lancée. On a un groupe pour faire de grandes choses, maintenant à nous de ne pas décevoir et tout gâcher”, explique Youssouf Hadji, sociétaire de l’équipe de l’AS Nancy.


Henri Michel niveau de la communication et de ­l’emprise sur le groupe c’est totalement différent.” La transition entre M’hamed Fakhir et Henri Michel s’est faite sans esclandre. Il a su trouver sa place au sein du groupe où règne une bonne ambiance. Il faut dire que l’ami Michel n’est pas un novice et que s’il a été recruté à quatre mois de la CAN, c’est selon la Fédération royale du football marocain parce qu’il est “le sélectionneur qui connaît le mieux le Maroc et la mentalité marocaine”. Rappelons qu’il a déjà été à la tête de la sélection entre 1995 et 2000. Cette solide expérience semble avoir redonné confiance à des joueurs qui ont longtemps porté le deuil de l’élimination du Mondial de 2006 face à la Tunisie lors de la dernière journée des qualifications.

Patrick Kovarich/AFP

Une équipe arrivée à maturité Henri Michel a en plus la chance de disposer d’un grand nombre de joueurs performants évoluant dans les meilleurs championnats européens. Youssouf Hadji réalise un excellent début de saison avec son club, dauphin de l’Olympique lyonnais, champion d’automne. Marouane Chamakh a retrouvé sa place de titulaire à la pointe de l’attaque des Girondins de Bordeaux. A noter les retours gagnants de Youssef Mokhtari (MSV Duisbourg) et Tarik Sektioui (FC Porto), boudés par l’ancien sélectionneur M’Hammed Fakhir. Le groupe, qui évolue ensemble depuis 2004, est aujourd’hui arrivé à maturité. “Nous avons un groupe très expérimenté capable de faire de grandes choses. Si on reste rigoureux et qu’on ne s’enflamme pas, je pense qu’on peut aller loin dans la compétition. La qualité est là, à nous de ne pas tomber dans l’excès de confiance et de la facilité. Il faut prendre chaque adversaire avec sérieux, on en a eu l’exemple avec le Ghana contre qui on a perdu en septembre alors qu’on dominait le match. La compétition sera relevée, il y aura beaucoup de rivalité. Il va falloir être présent physiquement”, conclut Yacine Abdessadki (RC Strasbourg). contact@lecourrierdelatlas.com

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

Après le Raja de Casa, les Lions de l’Atlas. Henri Michel aime décidément bien le Maroc. Il s’explique.

Le Courrier de l’Atlas : Deux ans après le fiasco égyptien, êtes-vous conscient que les Lions de l’Atlas sont attendus au tournant ? Henri Michel : Je trouve qu’on est très dur et très sévère avec l’équipe marocaine. En Egypte, ils étaient dans un groupe difficile où il y avait l’Egypte, pays organisateur, et la Côte d’Ivoire qui était l’équipe montante du moment. Ils n’ont simplement pas eu de chance. Toutes les équipes sont là pour gagner la CAN et donc le facteur chance fait partie de la compétition. Ressentez-vous la pression qui pèse sur les épaules des joueurs ? Bien sûr. On connaît la ferveur et la passion des peuples africains pour la CAN, et tous veulent la gagner. Maintenant il y a seize équipes au départ et potentiellement il y en a douze qui peuvent la remporter. Il faut garder les pieds sur terre et surtout ne pas se prendre pour ce qu’on n’est pas. Il faut d’abord se concentrer sur le premier match contre la Namibie. On doit absolument le réussir. Ensuite, on s’attaquera à la Guinée, puis au Ghana. Pour le moment, le seul objectif que l’on a, c’est de sortir de ce groupe A. Votre rôle en ce moment doit être de temporiser le groupe et leur faire oublier cette pression… Totalement. J’essaye de les aider à faire l’impasse sur cette pression-là. Je sais que, quelquefois, mon discours ne plaît pas trop aux gens, car ils ont l’impression que je me fous de la CAN alors qu’au contraire, je prends cette compétition très au sérieux. J’ai envie comme tout le monde de réussir. La Coupe d’Afrique est un passage obligé pour aller vers la Coupe du monde. Il est certain que mieux cela se passera au Ghana, et plus le groupe en ressortira grandi. Pour certains observateurs, le Maroc est tombé dans le groupe le plus facile. Etes-vous d’accord ? Non, car d’abord je ne pense pas qu’il existe de groupe facile quand on connaît les conditions de l’Afrique, surtout climatiques. Rien n’est jamais gagné d’avance. De plus, nos adversaires ne sont pas des vaches. La preuve, ils se sont qualifiés. Le Ghana a participé à la dernière Coupe du monde, la Guinée est toujours présente à la CAN et la Namibie, que nous avons rencontrée récemment, est difficile à manier. Nous avons autant de chances que les autres, mais dire que c’est un groupe simple, c’est trop facile !

“Pour le moment, notre objectif est de passer le premier tour.”

Prendre les rênes de la sélection à quelques mois de la CAN, ça n’a pas dû être évident ? C’est sûr qu’on préfère grandir avec le groupe. Là, j’ai pris l’équipe en cours de route. J’espère que la mayonnaise va prendre très tôt. Le match contre la France est déjà encourageant, pas seulement par le résultat, mais parce qu’on a montré qu’on avait un potentiel. A présent, il faut confirmer. Pour préparer au mieux cette coupe, j’ai souhaité un deuxième match contre le Sénégal afin que le groupe puisse vivre dix jours ensemble. Et surtout pour pouvoir faire tourner l’effectif. On parle d’Aimé Jacquet et de Noureddine Naybet dans le staff technique. Que vous apportent-ils concrètement ? C’est plus médiatique qu’autre chose. Aimé Jacquet a rencontré les dirigeants à titre amical et ils sont convenus qu’il pourrait leur apporter son expérience. Cela se situe au niveau de la direction technique nationale, il ne s’occupe en rien de l’équipe. En ce qui concerne Naybet, c’est moi qui en ai parlé quand je suis arrivé à la fédé. Je trouve dommage d’avoir un joueur de cette expérience et de le laisser dans son coin alors qu’il pourrait nous être utile. Encore faut-il que ça l’intéresse et que je puisse le rencontrer. Personne n’a oublié votre passage à la tête de l’équipe du Maroc durant la Coupe du monde 98. Les Marocains vous aiment beaucoup et ça a l’air d’être réciproque. Parleznous de votre relation avec le Maroc ? La première fois, je suis resté cinq ans à la tête de la sélection nationale. J’étais vraiment parti de zéro avec cette équipe et nous sommes allés jusqu’où nous avons pu. J’ai toujours eu des rapports exceptionnels avec le staff et les dirigeants de la fédération marocaine. C’est vrai que nous avons vécu une expérience extraordinaire. Je suis ensuite revenu un an à la tête du Raja de Casablanca. Ça s’est également très bien passé. Je peux dire que les Marocains me conviennent et peut-être que moi aussi je leur conviens, enfin je le souhaite. J’aime beaucoup ce pays et cela vaudrait même s’il n’y avait pas le foot. Propos recueillis par S. B. contact@lecourrierdelatlas.com

LE COURRIER DE L’ATLAS 75


sport ‫ر ﺎﺿﺔ‬

CAN

Où va la Tunisie ? Depuis le fiasco de la Coupe du monde 2006, les Aigles de Carthage peinent à retrouver un second souffle. Première cible des critiques, Roger Lemerre, sélectionneur aux choix très discutés. Dans le dernier virage, osera-t-il changer de cap ? Par Thomas Goubin

Roger Lemerre à l’entraînement avec les joueurs tunisiens à Stuttgart, en 2006.

R

oger Lemerre, c’est un palmarès éloquent. Champion du monde militaire avec la France en 1995, champion d’Europe 2000 et champion d’Afrique avec la Tunisie. C’est aussi un personnage énigmatique, à la communication illisible et dont les rares coups de sang tranchent avec le visage impassible qu’il expose au quotidien.

Une défiance envers la presse Le 14 février 2004, les 60 000 spectateurs du Stade du 7-novembre de Radès exultent. La Tunisie vient de remporter sa première Coupe d’Afrique. Dans les tribunes, Roger Lemerre embrasse tendrement sa femme. Un cameraman s’approche alors pour filmer ce doux moment. Le sang du sélectionneur des Aigles ne fait qu’un tour et Lemerre prend au col l’inopportun, lui reprochant de violer son intimité… devant 60 000 témoins ! “Comme Aimé Jacquet, qu’il a secondé en 1998, Lemerre

76 LE COURRIER DE L’ATLAS

Pierre-Philippe Marcou/AFP

Mystère Lemerre est un homme du terroir, un moine-soldat du football”, décrypte le journaliste Christian Vella, qui lui a consacré une biographie sans parvenir à percer totalement l’énigme Lemerre et le coffre-fort de ses émotions. L’ex-sélectionneur des Bleus est un homme qui a la pudeur comme ligne de conduite, et qui exige la même retenue de la part de ses interlocuteurs. Avec les journalistes, les relations se révèlent donc tendues. En Tunisie, Lemerre se contente du strict minimum et s’en prend nommément de façon chronique à certains re­présentants de la presse. Pour le Normand, seuls les gens du milieu disposent des clés pour le juger. Cette défiance envers les médias s’est accrue après plusieurs déclarations byzantines ou maladroites (dont le fameux “si mon chapeau savait pour qui je vote, je le brûlerais immédiatement”), et le fiasco de la Coupe du monde 2002 avec l’équipe de France, qui a vu une partie de la presse se déchaîner contre sa personne.

Un palmarès sujet à polémique Depuis toujours, Lemerre s’est épanoui à l’abri des micros. Lors de sa carrière de joueur, il a brillé chez les durs au mal sedanais, mais n’a pas fait l’unanimité, une fois sous les feux de la rampe, à Nantes. Comme entraîneur, c’est à la tête du bataillon de Joinville, où il verra défiler nombre de futurs champions du monde (Thuram, Zidane, Djorkaeff…), qu’il goûtera au bonheur au quotidien. Lemerre aime les relations simples, pas les grands discours. “Un taiseux est soit quelqu’un de pudique soit quelqu’un de creux, je crois que Lemerre est entre les deux”, tranche Vella. Le sélectionneur tunisien avait menacé le journaliste de procès au moment où il avait entamé sa biographie. Pour ses détracteurs, Lemerre doit avant tout son palmarès à un concours de circonstances. Il aurait gagné l’Euro en ayant surtout eu le mérite de ne rien toucher à l’édifice construit par Jacquet. Et la CAN, en profitant d’une organisation à domicile. Ce serait oublier à quel point son coaching fut décisif lors du championnat d’Europe, notamment en finale, où les trois

entrants (Wiltord, Pirès et Trézéguet) firent basculer le match, au grand désarroi des Italiens. Quant à la CAN, il s’agissait d’un authentique exploit, puisque la Tunisie courait après ce trophée depuis sa création. En arrivant en 2002 en Tunisie, Lemerre a installé une nouvelle dynamique de travail. “Il a beaucoup apporté aux Aigles, notamment en terme d’application tactique”, estime Jallel Mestiri, journaliste à La Presse. Mais depuis la piteuse participation à la Coupe du monde 2006, entachée notamment d’un nul face à l’Arabie Saoudite, l’état de grâce s’est définitivement achevé. Aujourd’hui, beaucoup lui reprochent de ne pas recourir aux joueurs du championnat national, qui ont pourtant le vent en poupe. L’Etoile du Sahel vient de remporter la Ligue des champions d’Afrique, et le Club sfaxien, la coupe de la CAF. Des compétitions majeures qui devraient valoir, selon de nombreux supporters, une place assurée dans le onze tunisien à des Saber Ben Fredj, Saif Ghezel ou Armine Chermiti, alors que le rendement de certains “Européens”, comme Santos (Toulouse) ou Hocine Ragued (Mons), laisse à désirer.

Lemerre va devoir trancher En 2002, en Corée, Lemerre était mort avec ses idées, en jouant la continuité malgré le vieillissement de certains cadres de l’équipe de France. Lors de la dernière série de matches amicaux en novembre, les médias tunisiens ont vu un signe de changement dans la convocation de cinq joueurs de l’Etoile, tout juste auréolés de leur titre de champion d’Afrique. Dans la liste, figurait le jeune prodige Chermiti, 20 ans, déjà convoité par de grands clubs européens. Lemerre avait surpris en l’appelant. Suspendu pour deux matches suite à une fin de match houleuse au Soudan, l’attaquant ne pourrait disputer que l’ultime rencontre de poule au Ghana, si le Normand le retient pour la CAN. A 66 ans et alors que son contrat avec la fédération tunisienne arrive à échéance en 2008, Roger Lemerre serait-il prêt à se refaire ? Comme toujours, il laisse planer le mystère. contact@lecourrierdelatlas.com

NUMÉRO 11 JANVIER 2008


v

mode ‫ﻣوﺿﺔ‬

LA NUIT DU CAFTAN En brocard vert, parme, bleu ou magenta, les modèles de la dernière collection La nuit du caftan vont chercher leurs

RAPHAEL DORIAN Bordures sfifa et dentelle perlée pour ce caftan signé Raphaël

78 LE COURRIER DE L’ATLAS

NUMÉRO 11 JANVIER 2008


Le caftan marocain était à l’honneur cet automne au pres­ tigieux Palais des Beaux-Arts de Bruxelles. L’association culturelle Tendance orientale y a organisé un grand défilé mêlant haute cou­ture et artisanat à travers les créations du styliste belge Ra­phaël Dorian, du Français Jamal Daoudi et de la dernière col­lection de La nuit du caftan. Images hautes en couleurs. Par Yasrine Mouaatarif

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

Les caftans défilent à Bruxelles

LE COURRIER DE L’ATLAS 79

DR

Tendance Orientale


‫ﻣ‬ ‫ﻧﻴﻮز‬ mode ‫وﺿﺔ‬ culture

M

ariages audacieux de caftans et kimonos, de dfinas à motifs chinois et autres rencontres entre Maghreb et Extrême-Orient : après l’Inde en 2006, c’est la Chine et le Japon qui étaient les invités d’honneur du dernier défilé Tendance orientale, organisé le 18 novembre dernier au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles. A l’origine de ce rendez-vous biannuel, l’association culturelle créée par Mohamed Kharbouch, un enfant du Maroc, qui a pour but de promouvoir le caftan marocain, de la pièce artisanale au modèle de créateur, et de le faire connaître en Belgique et ailleurs.

Entre deux interludes de danse orientale, les stylistes et les styles se sont succédé avec, pour mots d’ordre : dépaysement et raffinement. Un style élégant et gentiment audacieux pour le Belge Raphaël Dorian et ses caftans revisités, une touche glamour et furieusement contemporaine pour le Parisien Jamal Daoudi et un air traditionnel et faussement austère pour la collection La nuit du caftan, imaginée par Mohamed Kharbouch et créée par des artisans maâlems de Fès. Et pour ceux qui auraient raté l’événement, le prochain rendezvous est déjà prévu pour le printemps prochain. Avis aux fashionistas. Le défilé en images : www.tendance-orientale.com

JAMAL DAOUDI

80 LE COURRIER DE L’ATLAS

Crédits photo

Toute l’audace créatrice du styliste parisien, invité du défilé. Le premier modèle réinvente la silhouette du caftan et en redessine le drapé, le second revisite la traditionnelle cape dite “selham” dans un ensemble à mi-chemin entre la robe du soir et la tenue traditionnelle.

NUMÉRO 11 JANVIER 2008


RAPHAËL DORIAN Caftan stylisé, ceinture destructurée et épaules savamment dénudées. Quant à la mariée selon Raphaël Dorian, elle est en voilette et

‫ﻧﻴﻮز‬

culture

JAMAL DAOUDI

Crédits photo

Entre Marrakech et Pékin, modèles aériens aux interminables manches fendues, tout en légèreté.

Les caftans au Palais des BeauxArts de Bruxelles NUMÉRO 11 JANVIER 2008

LE COURRIER DE L’ATLAS 81


J’ai (tenté) d’arrêter de fumer Entre hausse des prix et interdiction de fumer dans les lieux publics, pour Leïla, 2008 sera une année sans tabac. Elle a testé pour vous les méthodes de sevrage. Résultat : l’affaire n’est pas gagnée, mais elle ne baissera pas les bras ! Par Leïla Mouchajaâ

C

ette rentrée, c’est la bonne ! Après un premier essai il y a de cela trois ans avec du Zyban, vite arrêté pour cause d’insomnie, j’arrête de fumer pour de vrai. En septembre 2007, donc, armée de bonne volonté, je me décide à prendre rendez-vous chez un tabacologue. Premier contact

LE MÉDECIN JOUE LA PROXIMITÉ ET ME FAIT PARLER DE MOI, MA VIE, MON ŒUVRE Il me propose de remplir un formulaire sur ma consommation de cigarettes : combien dans la journée ? Plutôt le matin ou l’après-midi ? Est-ce que je bois ? Suis-je dépressive ? Quel plaisir me procure la cigarette ? A quel moment ai-je envie de

fumer : est-ce pour me détendre lorsque je suis stressée, pour le plaisir, ou lorsque je m’ennuie ? Le questionnaire de quinze minutes est censé donner une idée de mon degré de dépendance et des motivations qui me poussent à fumer. Chaque question est notée et j’obtiens 7 sur 10. En somme, je suis dépendante, mais pas trop ! L’idée est d’expliquer mes habitudes. Vient ensuite le fatidique test respiratoire. Je souffle dans un appareil qui mesure le taux de pollution de mes poumons au monoxyde de carbone, méchant gaz cancérigène. Et là, l’angoisse me gagne ! Et si j’avais un cancer ? Car, pour tout vous dire, c’est la peur qui me motive. Je me vois déjà avec un tuyau dans la gorge et une voix de robot à 50 ans ! Un non-fu-

Besoin d’un coach à domicile ? Un DVD : “Oubliez le tabac ! ” Adapté du best-seller du Dr Jean-Marc Benhaiem, qui expose sa méthode et propose des exercices personnalisés pour en finir avec la cigarette. Prix : 17 euros.

82

meur a un taux de pollution autour de 5 ppm (partie par million). Après avoir expiré tout l’air contenu dans mes poumons, l’appareil marque distinctement 15 ppm. Résultat : je suis une bonne fumeuse, entre 15 et 20 cigarettes par jour. J’avoue, c’est bien ma consommation moyenne hors soirées ou sorties entre amis où, là, ma consommation augmente encore. Après avoir constaté les dégâts, vient l’heure de parler des solutions pour arrêter de me polluer les poumons. Deux possibilités me sont proposées : les patchs ou le Champix, cette fameuse pilule miracle. J’hésite. D’un côté, je suis tentée par la solution chimique qui, d’après le médecin, donne de très bons résultats. Mais je crains que la science n’ait pas assez de recul et que, dans quelques années, on apprenne que le Champix est dangereux. D’un autre côté, je me demande si les patchs suffiront à lutter contre l’irrésistible envie de m’en griller une. Je choisis les patchs pour des raisons économiques : Champix : 4,50 euros par jour ; patchs : 1,50 euro par jour. Ma décision prise, le médecin me fait goûter une série de gommes à mâcher. Le goût est mauvais, mais si c’est pour la bonne cause… A chaque fois que l’en-

Le réel désir de respirer avec des poumons neufs est le premier pas de la bataille contre la dépendance.

vie me prendra de fumer, il me suffira d’en sucer une. Il faut la mâchouiller une première fois puis la laisser collée à l’intérieur de la joue quelques secondes. J’opte pour celles qui me semblent avoir le moins mauvais goût, des Nicorette 2 mg au goût de menthe. L’ordonnance est faite, je n’ai plus qu’à fixer un jour pour arrêter toute activité de fumeur. Derniers conseils du médecin : pas de sorties pendant trois mois, jeter les cendriers et les briquets, faire de sa maison un lieu non-fumeur. A bon entendeur ! Journée 1

MON PATCH À 15 MG DE NICOTINE COLLÉ SUR L’ÉPAULE, JE COMMENCE MA JOURNÉE DE TRAVAIL, LE SOURIRE AUX LÈVRES, MOTIVÉE COMME POUR GAGNER UN MARATHON Après avoir fièrement prévenu tous mes collègues de ma nouvelle vie, je me lance dans des

NUMÉRO 11 JANVIER 2008


Différentes méthodes pour arrêter de fumer Les patchs Prix : entre 45 et 88 € pour 28 patchs de 30 cm2. Nicopatch 7, 14 mg ou 21 mg/24 heures, laboratoires Pierre Fabre. Niquitin 7, 14 ou 21 mg/24 heures, Laboratoires GlaxoSmithKline. Nicorette, dispositif transdermique 5, 10 ou 15 mg/16 heures, laboratoires Pfizer.

Les gommes Prix : 10 à 15 € la boîte de 36 ; 20 à 25 € la boîte de 96. Nicogum 2 mg, Laboratoires Pierre Fabre Santé. Nicorette sans sucre 2 mg,

Semaine 2

DÉBUT DES ENNUIS

explications détaillées sur les dangers de la cigarette à qui veut l’entendre, et même aux autres ! Le patch diffuse en continu la même dose de nicotine dans le corps, supprimant ainsi l’effet de manque, m’a expliqué mon médecin. Et, de plus, tout est question de volonté. Ça, j’en ai à revendre. Journée 2

ENCORE SUPER MOTIVÉE. VIVE LE PATCH ! Journée 3

Brian Hagiwara - Garo/Phanie - DR

PREMIÈRE SORTIE AU RESTAURANT AVEC DES AMIS FUMEURS, MALGRÉ L’AVIS DU MÉDECIN Je suis fière de leur annoncer que je viens d’arrêter et que je n’ai aucune envie de refumer. D’ailleurs, tiens, ce soir même, s’ils me proposaient une cigarette, je refuserais parce que fumer nuit gravement à la santé. Bilan semaine 1

TOUT VA BIEN

J’ai résisté et j’en tire une satisfaction certaine. Plus d’odeur de cigarette froide sur mes vêtements, plus d’haleine approximative et déjà l’impression que mon teint est plus clair !

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

Après deux réunions plutôt tendues, il m’a fallu batailler pour ne pas replonger. Ajoutez à cela une soirée entre amis chez moi où tous se sont ligués pour dégainer leur paquet de clopes dès le pas de la porte. Les choses se compliquent. Ma volonté est mise à rude épreuve. Je continue à épater mes collègues. Toutefois, mon discours est moins assuré. Je me sens de moins en moins forte face aux assauts répétés des petites tiges blanches. Semaines 3 et 4

LA BATAILLE EST RUDE Re-réunions. Cette fois-ci, un dragon a pris possession de mon corps. Je suis irritable, de mauvais poil et colérique. J’en parle au tabacologue qui ne s’explique pas très bien mon comportement. D’après leurs statistiques, je devrais au contraire me sentir pleinement satisfaite au bout de quatre semaines. Même si l’effet de manque physique n’est pas ressenti, mon cerveau se souvient encore des gestes et habitudes prises durant les onze années précédentes. C’est contre cela qu’il faut lutter, contre cette “dépendance comportementale”, comme il dit. Comme le tabacologue me sent fléchir, il me propose d’augmenter la dose. Je passe à 21 mg.

Semaine 5

LA TENTATION Je pense encore à fumer à chaque moment de stress. Une équation m’obsède : un coup de stress = une clope. Cette formule basique a conditionné ma vie de fumeuse. Première rechute : une copine m’invite au restaurant et abandonne son paquet sur la table quelques minutes. La tentation est trop grande. Je craque. Semaine 6

LA CHUTE

Une mauvaise nouvelle et me voilà courant au tabac le plus proche m’acheter un paquet, question de ne pas quémander une fois de plus à quelqu’un. Je n’ai aucun remord. Je suis juste contente de cacher ma peine derrière un nuage de fumée. J’en veux à mon tabacologue de ne pas avoir eu de place pour me prendre en rendez-vous quand j’allais craquer. Lui, au moins, aurait su me raisonner comme il l’a fait auparavant. Il m’avait prévenue : ne pas se re-

Nicorette sans sucre 4 mg. Nicorette 2 mg et 4 mg menthe sans sucre. Nicorette orange sans sucre 2 mg… Laboratoires Pfizer.

Les comprimés Zyban® : laboratoires GlaxoSmithKline Prix : 84,90 € la boîte de 60 comprimés. Champix® : laboratoire Pfizer. D’après les études, le Champix® est plus efficace que le Zyban® à court terme. Prix : 300/400 € pour 12 semaines de traitement. A noter : La sécurité sociale ne rembourse les produits de sevrage au tabac qu’à hauteur de 50 euros par an.

J’ai apprécié : Le bilan respiratoire. L’écoute et l’étude personnalisée. La batterie de propositions techniques d’aide.

Je n’ai pas apprécié : Le manque de compréhension et de soutien des amis fumeurs. Le prix élevé d’un sevrage et le faible taux de remboursement par la sécurité sociale.

poser sur ses lauriers et être vigilant, une rechute est toujours possible. Mais tous les jours passés sans tabac sont des jours de gagnés. Et si j’ai perdu une bataille, ma guerre contre la cigarette continue : c’est promis, cette année, à partir du 1er janvier, je respire ! A consulter également : www.tabacinfo-service.fr ou 0825 309 310. contact@courrierdelatlas.com

LE COURRIER DE L’ATLAS 83


2 1

3

4

5

9

6 8

84 LE COURRIER DE L’ATLAS

Crédits photo

7

NUMÉRO 11 JANVIER 2008


‫ﻟﳌﻤﻧﺰل‬ 10

art de vivre

TEA TIME

Le design à l’heure du thé Pour tous les goûts et toutes les bourses, voici un shopping original, mêlant créations de designers et œuvres d’artisanat. A la vôtre ! Par Yasrine Mouaatarif

Tadé

Evrard

Cette gamme éthique propose, entre autres produits importés de Syrie, un service à thé oriental (1), du verre ottoman (15,15 € la pièce ; 29,90 € la paire) au grand plateau de cuivre ancien (299 €). www.tade.fr

(8) Ambiance “Maroc baroque” pour ces verres Bruno Evrard baptisés “Amal” (27,50 € les 6). www. brunoevrardcreation.com

11

Maison d’Alep Deux styles de verres artisanaux syriens sablés et décorés main : (9) petits et stylisés (8 €), ou (10) plus grands et évasés (9 €). La Maison d’Alep, 25, rue Ernestine, Paris 18e 01 42 00 40 28

Dar en Art

13

B. Touillon, G. Gardette - Propriété : Tadé Pays du Levant ® G. Lethu - Dar en Art - La Maison d’Alep - Decoclico

12

Akkal La plus marrakchie des designers belges a créé des produits faits de terre, de rondeurs et de couleurs, à l’image du sucrier (2) ou de la théière orientale (3), de la théière Dune (4) et du service à thé Nobu (5) pour disposer sucre, menthe fraîche et grains de thé. Infos (France et Belgique) sur www.akkal.net

Geneviève Lethu Pour sa collection 2008, la marque propose des verres à thé “Yasmine” (6) d’inspiration traditionnelle en 3 coloris (4,80 €). Dans un style plus baroque, ces verres gravés “Isadora” (7) prune ou verts (39 € les 6). Info (France et Maroc) au 05 46 68 40 00

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

Nouveau, le portail “Dar en Art”, entièrement dédié aux designers marocains, vient d’être lancé en France par Karim Hamdi. Il y propose un large éventail de créations marocaines, pièces uniques ou en série limitée, telles que (11) le service thé-café “Dar” signé Hicham Lahlou ou (12) la fameuse théière “Koubba” du même créateur, ainsi que (13) “Bildi”, ce fantastique “berrad virtuel”, œuvre du designer Younes Duret. www.darenart.com

14

Kenzo (14) Une petite note fleurie d’extrêmeOrient avec ces verres “Lotus” griffés Kenzo, proposés en rouge ou en ambre (89,50 € les 6). www.decoclico.fr

LE COURRIER DE L’ATLAS 85


banc d’essai ‫ﺟرﺑﻧﺎ‬

Télécharger

(légalement) de la musique sur le Net

Un foyer français sur trois posséderait désormais un baladeur MP3 ! Et qui dit baladeur dit playlist téléchargée. Les sites dédiés ne manquent pas, mais profusion rime parfois avec confusion : petit décryptage de l’offre.

P

Le monde en un clic ! Spécialiste des musiques du monde, www.mondomix.com, prix Web de l’Unesco en 1999, est le coup de cœur de la rédaction. Mondomix, c’est 3,6 millions de pages vues chaque mois et 30 000 titres et albums disponibles. L’interface est agréable et colorée, et vous naviguerez facilement à travers news, portraits, interviews, bios, et musique en vente en ligne, de A comme Anouar Brahem à Z comme Karim Ziad. Et pour vous aider à faire votre choix dans ce riche catalogue, vous bénéficiez d’environ une minute d’écoute par piste.

Par Sarah Kerjean

Pour les amoureux de musique arabe, l’offre semble importante, mais elle est souvent confuse, et la plupart des sites spécialisés sont moyen-orientaux, donc en anglais et/ou en arabe. La majorité sont des portails musicaux sur lesquels on peut écouter les titres, mais non les télécharger : www. maqam.com, par exemple, propose une liste fournie d’artistes moyen-orientaux et maghrébins, dont certains titres sont téléchargeables. Tous les albums sont en vente par correspondance (VPC) et des biographies sont disponibles en anglais. Côté Maghreb, découvrez www. moroccanmp3.com, riche catalogue qui propose à l’écoute des centaines de titres (morceaux entiers), des biographies d’artistes,

des vidéos et des clips. Tous les styles de la musique marocaine y sont représentés. Possibilité d’acheter un abonnement, sous forme de don, qui vous procure le titre de “Gold member” et certains privilèges (téléchargements de films offerts, etc.). Gratuit et légal De nombreux auteurs, en réaction aux procès d’internautes poursuivis pour téléchargement illégal, ont décidé d’adopter les licences libres, arguant que “copier n’est pas pirater” et que la gratuité n’a rien d’illégal en soi. De plus en plus de sites proposent donc de télécharger, copier et diffuser gratuitement et en toute légalité une multitude d’artistes indépendants, dont

les droits d’auteur sont protégés par les licences Creative Commons. L’annuaire http ://musique-legale.info répertorie des dizaines de sites de téléchargement “libre”, tous styles confondus. Parmi eux, www.jamendo.com propose 4 650 heures de musique, 72 246 titres, une interface facile à utiliser, des liens, etc. Innovation : la possibilité de rémunérer les artistes sur une base volontaire, dont le montant est reversé aux auteurs. Vous trouverez sur Jamendo vos styles préférés et en découvrirez d’autres, du reggae ivoirien à l’ambiante polonaise en passant par l’électro afghane ou le hiphop tunisien. A vos souris ! contact@lecourrierdelatlas.com

Site

Genre musical

Catalogue

Les plus

www.mondomix.com

World

Très riche

Interface, menus (interviews etc.)

Tarif 0,99 €/titre. 7,99 €/10 titres. 14,90 €/20 titres

www.starzik.com

Tous

Très riche

Vidéos, sonneries mobiles…

0,99 €/titre. 10 €/11 titres. 30 €/33 titres

www.jamendo.com

Tous

Riche

Navigation facile, communauté

Téléchargements gratuits

www.moroccanmp3.com

Maroc, vidéo

Riche

Ecoute des titres en entier

Pas de téléchargement, mais bonus offerts aux goldmembers (films…)

www.maqam.com

Arabe

Très riche

Interface

VPC et quelques téléchargements gratuits

www.virginmega.fr

Tous

Très riche

Vidéos, clips, sonneries mobiles

0,99 €/titre. Albums à 6,99 €, 11,99 €

www.fnacmusic.fr

Tous

Très riche

Clips, musique et contes enfants

0,99 €/titre. 18,99 €/20 titres. 27,99 €/30 titres

86 LE COURRIER DE L’ATLAS

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

DR

our dissuader les internautes de céder à la tentation du piratage, passible de trois ans de prison et 300 000 euros d’amende, le gouvernement a incité en 2006 les maisons de disques à mettre en place une offre “compétitive dans le domaine de la musique payante” sur Internet ; et le pari est plutôt réussi. On retrouve sur la toile les grands classiques du domaine marchand de la musique tels que www.virginmega.fr ou www.fnacmusic.com, valeurs sûres pour trouver les dernières sorties et les classiques que l’on adore. Mais Internet est aussi l’espace idéal pour découvrir de nouveaux artistes, et les sites du genre sont légion.


1 an

20€

SEULEMENT !

Le magazine du Maghreb en Europe

ABONNEZ-VOUS ! 11 NUMÉROS POUR LE PRIX DE 8 NUMÉROS 2008 OFFRE SPÉCIA3LE numéros offerts

Profi rofitez de l’offre spéciale 2008 en vous abonnant pour un an (11 numéros) au prix de 20 € au lieu de 27,50 € (soit 7,50 € d’économie) OFFRE SPÉCIALE MAROC Profi rofitez de l’offre spéciale Maroc en vous abonnant pour un an (11 n°) au prix de 350 DH, (frais de port inclus) OFFRE SPÉCIALE BELGIQUE Profi rofitez de l’offre spéciale Belgique en vous abonnant pour un an (11 n°) au prix de 30 €, (frais de port inclus), au lieu de 37,40 €

OFFRE SPÉCIALE ALGÉRIE ET TUNISIE Appelez au 00 33 (0) 1 53 43 33 40

ABONNEZ-VOUS !

Ci-joint mon règlement en Euros par chèque bancaire, postal ou mandat international à l’ordre de DM SARL Paiement par carte bancaire.

Bulletin d’abonnement photocopiable, à compléter et à retourner sous enveloppe à Courrier de l’Atlas/Logodata - service abonnements 50, rue Notre-Dame-de-Lorette - 75009 Paris NOM ET PRÉNOM : .............. ADRESSE : . . . . . . .............. .............. CODE POSTAL : . . . VILLE : . . . . . . . . . PAYS : . . . . . . . . . E-MAIL : . . . . . . . . TÉLÉPHONE : . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

CB . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

. . . . . . . . . .

Date d’expiration :

/

Cryptogramme (les 3 derniers chiffres du numéro figurant au dos de la carte bancaire) : Je préfère m’abonner et payer sur Internet sur le site http://abo.logodata.fr SIGNATURE OBLIGATOIRE :

Offre d’abonnement réservée à la France métropolitaine et valable jusqu’au 30/06/2008. Pour les tarifs étrangers, appelez le 0033 1 555 31 03 15. Conformément à la loi informatique et libertés du 06/01/1978, vous disposez d’un droit d’accès, de suppression et de rectification des données vous concernant en vous adressant au service abonnements du Courrier de l’Atlas. Celles-ci pourront être cédées à des organismes partenaires, sauf si vous cochez cette case


INTERVIEW

RACHID TAHA L’agitateur de mémoire

Rock star et griot moderne, adulé ou décrié pour sa provoc et son anticonformisme, Rachid Taha fait incontestablement partie de ces artistes qui en imposent. Il sort son autobiographie. Rencontre déjantée entre deux tournées.

Rachid Taha (fait inattendu, c’est lui qui Tu es toujours aussi provocateur et décalé, démarre l’interview) : Tu es marocaine, toi ? même dans l’écriture d’une autobiographie Le Courrier de l’Atlas (Fatima Khaldi) : Non, qui reste une démarche assez intime. algérienne, mais c’est pareil pourquoi ? Comment as-tu finalement réussi à te Rachid Taha : Je suis en train de bosser sur mettre à nu dans ce livre ? un dictionnaire de dialectes maghrébins, et Je n’ai pas eu envie de tomber dans le clij’ai besoin de mots typiquement marocains. ché d’écrire une bio pour une bio. Je préfère C’est une excellente idée, tu mènes plusieurs l’idée de roman, de fiction. Ce bouquin parprojets de front ces derniers temps… le de ma vie de plusieurs manières : des nouOui, j’adore écrire. Des nouvelles, des velles, des poèmes, il y a différents personslams, des courts-métrages, de la musique. nages et beaucoup de métaphores… On Il y a quelques années, Grasset voulait que je parle de la drogue, et Flammarion m’ont demandes femmes. Je ne vois pas l’intédé d’écrire mon autobiograrêt de dire : “Hier, après le concert, phie, je trouvais ça trop tôt. j’étais avec une groupie.” C’est Mais aujourd’hui, je vais avoir quoi, l’intérêt ? On voulait même 50 ans. J’ai un peu plus de choque je casse du sucre sur le dos ses à raconter. J’ai donc dit oui de certaines vedettes. Je n’ai à la proposition de Flammaaucun intérêt à régler mes comprion. tes avec des gens déjà très méNous allons enfin en savoir diatisés. J’ai commencé mon liun peu plus sur toi. Avec vre avec une citation du poète plus de vingt-cinq ans de américain Walt Whitman et j’ai carrière, tu ne devais pas continué par quelques rimes : “Rock la manquer de matière… “Comment écrire son autobiograCasbah” Dans ce livre, je ne voulais phie sans un nègre”, “Comment dire avec Dominique Lacout, surtout pas employer la phraoui à un grand nom d’éditeur sans Flammarion, 21 euros. se : “Je suis fier” car c’est le déréfléchir”, “ne pas choper la grosse ● Rachid Taha sera en but de l’arrogance. Tout le tournée : le 12 janvier à tête”… Biographie, je ne sais monde s’attend à ce que l’on même pas ce que ça veut dire. RaConflans-SainteHonorine (78), le 15 à dise : “Je suis fier d’être arabe, je conter sa vie ? Donc, être un griot : Ajaccio (20), le 19 à suis fier du couscous de ma biographie, livret de famille, bio Brétigny-sur-Orge (91), mère.” Pour le coup, je préfère comme les fruits et les légumes, le 24 à Bagnolet (93), dire : “J’ai trouvé meilleur cousavec des pages biodégradables le 25 à Saint-Pierrecous que celui de ma mère.” donc consommables par tout le des-Corps (37), le 26 à C’est comme ça que je voulais monde, par les musulmans, donc Boulogne-sur-Mer (62) appeler mon livre ou encore et le 2 février à Garges- halal, par les juifs donc casher. Qui m’aime me juive ou Tel Un livre bio sans pesticides, sans les-Gonesse (95). ● http://rachidtaha. Aviv les Arabes. J’avais pensé insecticides. Une histoire naturelaussi à des titres comme La artistes.universalmusic.fr le. Mais comment l’être ? Etaler sa France aux Français, Yabon Bavie. Pour qui ? Pourquoi ? De quoi nania, ou Bijour misieur, Salopard des grands vais-je parler ? De mon enfance, du pays dans bazars ou encore Couscous royal, mais il y a lequel je vis, de mes parents, de ma sœur, de déjà Ségolène. Sinon Je connais bien Zizou et mes amis, de mon fils, de sa mère, des femDebbouze, ça fait vendre non ? Merguez et mes que je n’ai pas eues, des femmes que j’ai cassoulet, c’était pas mal aussi (rire), mais voulu avoir, des femmes qui ont voulu j’ai préféré l’intituler Rock la Casbah… m’avoir, de mes douleurs, de mes malheurs.

88 LE COURRIER DE L’ATLAS

Bio, bioleur, de ce que j’aurais voulu faire, de l’Alsace, de mon certificat d’études, d’Oran, la ville où je suis né. D’ailleurs, je suis le seul à être né à l’hôpital. Faut dire que je suis aussi le premier prématuré. De ma naissance, des films spaghettis, de Derrida, de Godard, de Berroyer, de Houari Boumediene, de ma sœur morte à 2 ans et demi, de ma cousine, des films indiens, de Khaled et Faudel, de mon frère que je n’ai pas connu, j’aurais préféré faire une lithographie mais je n’en suis pas capable et ainsi de suite. C’est une sorte de sommaire. Tu donnes l’impression d’être très heureux d’avoir écrit ce livre, est-ce que cela te touche plus que la musique ? Oui, mais c’est crevant. Je n’en dormais plus la nuit. J’ai même eu une manifestation de psoriasis, c’est la première fois de ma vie qu’un truc pareil m’arrive. Le stress, visiblement… C’est peut-être aussi dû au fait de réveiller des souvenirs ? Oui, ce sont les souvenirs qui donnent des douleurs, tu peux carrément devenir anorexique ou autiste. Quand je suis venu en France avec mes parents, j’ai compris que j’allais rester. Mais le truc incroyable, c’est de dire que c’est la France qui a réuni ma famille. En Algérie, mon père n’était jamais là, il travaillait dans un hôpital. En Algérie, les hommes ne sont pas présents dans la maison. Quand on est arrivés en Alsace, il y avait mon père, ma mère, ma sœur et moi. Presque pour la première fois, je pouvais les entendre coucher ensemble. Au pays, tu n’imagines même pas tes parents faire l’amour. A la maison, il y avait toujours les tantes, les cousins, les cousines. Tout le monde se mêle de tout, tout le temps et en même temps. Je ne sais même pas combien de seins j’ai dû téter, ça devenait presque de l’inceste ! (rire). Donc, il y avait toujours cette espèce de frustration. En Alsace, je voyais enfin mes parents ensemble… Le regroupement familial avait du bon. Il y avait une véritable histoire. Je me souviens aussi des cigognes. Au pays, nous leur jetions des

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

Lorenvu/Sipa

Propos recueillis par Fatima Khaldi


pierres, et en Alsace, c’est le symbole de la région. Quand j’ai entendu les Alsaciens parler la première fois, je me suis demandé : “c’est quoi ce pays d’étrangers ?” C’était une impression de gamin, par la suite j’ai compris aussi que beaucoup de pieds-noirs étaient alsaciens, donc c’était un peu le juste retour des choses que d’aller vivre là-bas. As-tu souffert d’un certain racisme à cette époque ? Je n’ai pas vraiment senti de différence entre moi et les autres gamins. J’ai eu droit à quelques insultes du genre “sale arabe”, mais je n’y répondais pas. Je me disais juste que la personne en face manquait de culture. Je préférais changer de discussion ou répondre par autre chose. Parlons de ton dernier album “Diwan 2”. Après le premier volume, sorti en 1998, tu remets le couvert avec sept grands classiques arabes joliment orchestrés à ta sauce. L’as-tu abordé différemment ? Diwan 2 est un peu plus brut, mais sinon, aucune différence. Tu sais, en Occident, on a besoin de tout analyser, de tout cataloguer, mais ma musique n’a jamais changé. J’ai toujours su que j’allais bosser avec Robert Plant et Brian Eno, par exemple. Quand ces gars ont écouté mon album Médina, ils m’ont dit que c’est ce que Led Zeppelin aurait voulu faire. Je n’ai pas besoin d’autres comparaisons. Grâce à toi, des milliers de personnes ont pu découvrir des classiques de la musique arabe et des légendes telles que Dahmane El Harrachi, Farid El Atrache, Nass el Ghiwane, Mazouni, Abdel Halim Hafez ou encore Oum Kalsoum, est-ce important ? Oui, c’est une espèce de mémoire et c’est aussi mon côté historien, ethnologue. Mon rôle est de transmettre, tout comme certains amis m’ont fait connaître l’œuvre de Kurosawa ou d’Antonin Artaud… Ton autre actualité, c’est ta tournée qui se terminera en février 2008. Ton public est-il majoritairement maghrébin ? Mon public, c’est la quarantaine. Mais les Maghrébins ne viennent pas à mes concerts. Est-ce que tu sais comment ils organisent les concerts raï à Marseille et à Lyon ? Ils vont les chercher en car comme Giscard ou Chirac allaient chercher les vieilles pour aller voter. Moi je ne fais pas ça. Beaucoup de gens te connaissent comme un artiste provocateur et ne gardent de toi que cette image rock and roll avec un verre d’alcool à la main ? Ça ne t’exaspère pas quelque part ? Je les laisse dire ! Quand j’ai joué à Helsinki dernièrement, par exemple, à la fin du concert, j’ai fini allongé sur scène. Le lende-

main, un journaliste a écrit une sale critique sur mon spectacle. Quand je l’ai revu, je lui ai fait remarquer que quand Iggy Pop se met torse nu, qu’il crache sur son public et que, bourré, il montre sa quéquette, on dit que c’est un artiste. Quand David Bowie met un saroual, on dit que c’est de l’art. Mais quand c’est un Arabe, on dit : “C’est quoi cet indigène ?” Ça les emmerde. Si j’étais un artiste franco-français qui avait travaillé avec Damon Albarn, Patti Smith, Robert Plant, j’aurais fait un tas de couvertures de magazines. Mais voilà, c’est moi, et j’ai juste quelques encarts… On vit dans cette espèce de xénophobie intellectuelle. Je ne les rassure pas, surtout quand je reprends “Douce France”, quand je dis que Charles Trenet est un fils de pute, quand je dis que Jacques Brel était avec Paul Touvier, quand je dis que Bob Dylan était homophobe et anti-Arabe, quand je rapporte des paroles de François Berléand telles que : “Ils n’ont qu’à changer de nom, pourquoi ils s’appellent Mamadou et Rachid”. Tu sais, parfois j’ai peur de devenir cynique, c’est pour ça que je préfère me dire : “Les pauvres, ils n’ont pas de culture, ils n’ont pas la chance que j’ai, je parle l’arabe, le Français, je voyage…” Sur la question de l’immigration, depuis “Carte de Séjour”, tu es toujours l’artiste le plus éloquent et malheureusement, les choses n’ont pas changé… Les choses ne changeront jamais dans le hit-parade de la bêtise humaine, même si on sait très bien qu’on a besoin d’immigrés. Au Portugal, en Espagne et en Allemagne, on dit que, grâce aux immigrés, l’économie est florissante. En France, on nous raconte des sottises alors que c’est le pays le plus endetté en ce moment. Ce sera toujours comme ça, une espèce de prétexte où l’on accuse l’autre.

Mon rôle est de transmettre. C’est mon côté historien, ethnologue

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

LE COURRIER DE L’ATLAS 89


culture ‫ﻧﻴﻮز‬

SLAM’ALEI K Julie, Félix J., Ami Karim… les nouveaux poètes de la rue

… ET SI UN JOUR J’AI DES ENFANTS (…)/ JE LEUR DIRAI SÛREMENT QUE C’ÉTAIT DUR DE ME METTRE À NU, D’ÊTRE SUR SCÈNE/ MAIS QUE J’AI EFFACÉ MES RATURES AUPRÈS DE GENS EXCEPTIONNELS/ ALORS MERCI D’OUVRIR UNE PORTE QUI N’EST ÉTROITE POUR PERSONNE/ MERCI AUX BOUCHES ET AUX OREILLES, ET QUE LA POÉSIE RÉSONNE…

Julie, slameuse

Longtemps considéré comme marginal, le slam s’est médiatisé en France à travers des Grand Corps Malade et autre Souleymane Diamanka. Aujourd’hui, les scènes de slam se multiplient un peu partout dans l’Hexagone. Panorama.

J

ulie termine son texte sous les applaudissements de la Tribu, petite salle enfumée de Stains. Elle y décrit sa rencontre avec le slam et l’instant où, finalement, elle a “pianoté [sa] propre mélodie de mots”. “Le slam a changé ma vie”, ditelle simplement. La jeune femme vient de créer une association avec son ami Sancho pour pratiquer sa passion “partout où il y a de l’humain” : hospices, prisons, hôpitaux… Tous deux animent la scène slam à l’Instains avec Ami Karim (voir page 91), loin des scènes plus médiatiques. “En quelques années, explique Sancho, le slam est devenu un spectacle, l’occasion d’un partage. Ici, on est à la maison !” Sylvie, la patronne chaleureuse du petit resto familial, accueille en personne habi-

90 LE COURRIER DE L’ATLAS

tués et curieux et place au mieux tout ce petit monde. Recréer du lien social C’est un hôtel étoilé de la rive gauche parisienne qu’ont choisi les Editions Spoke et Florent Massot pour présenter Blah !, une anthologie du slam et quelques-uns des auteurs “les plus déjantés” de la capitale. Félix J, Nada, D’ de Kabal, Abd El Haq ou Yo, pour ne citer qu’eux, sont la partie immergée de l’iceberg médiatique qu’est le slam, mais ils n’en sont pas moins des piliers. C’est “dans un petit bar exigu de la rue André Antoine, écrit Nada dans la préface du recueil de textes, que tout a commencé” : chaque mardi, une poignée de personnes s’y retrouve pour déclamer ses textes. Ancien toxicomane “violemment introverti”,

Nada ne “manquerait sous aucun prétexte” le rendez-vous où il “bénéficie d’une véritable écoute”. Nous sommes au milieu des années 90 et il n’est “pas encore question de slam”. “Le slam est né socialement avant de naître artistiquement”, explique Yo entre deux gorgées de vin. Les patrons du Club-Club ont pris le pari d’accueillir des gueules cassées et de leur offrir un point de chute. Je fréquentais les Narcotiques anonymes lorsqu’on m’a proposé d’assister à ces rendez-vous : on dit des textes, on boit quelques verres, t’arrêteras de te défoncer.” Et très vite, c’est devenu “une nécessité”. Les amoureux du verbe bénéficiaient d’une occasion de “se partager la parole et de recréer un lien social disparu, sans attente d’un résultat artistique”, véritable “outil thérapeutique” pour certains. A chacun son slam Entre deux passages sur scène, Ruddy écoute un match de foot sur une radio achetée dans la journée. “Les Bleus mènent”, annonce-t-il au public de la Tribu lorsqu’à son tour il prend le micro pour déclamer un de ses tex-

tes. Ce soir, il fera l’éloge de sa ville, Saint-Denis, et de l’atelier d’écriture auquel il participe chaque semaine, où “les têtes blanches partagent leurs vers avec les jeunes”. Pour ce travailleur handicapé, “si le slam est un mode d’expression, de rencontre et de partage, c’est aussi un moyen de revendication”. “Grâce à lui, dit-il, je veux faire entendre la voix de tous les handicapés”. Quelles que soient les raisons qui poussent à monter sur scène, “se rassembler et s’écouter constitue une première victoire, peu importe les textes ou les sujets abordés”. Pour John Pucc’Chocolat, qui anime Slam’Aleikoum au Café culturel de Saint-Denis, le slam est un véritable terrain de mixité sociale : “Multiculturel et multigénérationnel, il fait renaître l’humain”. “Le slam est quelque chose de simple, d’universel, explique Julie. C’est le langage du corps et du cœur.” Ce soir, chacun défilera devant un auditoire attentif, dans une salle comble. “Un texte dit, un verre offert”, rappelle Sancho, comme pour faire céder les dernières hésitations. Sarah Kerjean contact@lecourrierdelatlas.com

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

Sarah Kerjean

Ami Karim en scène à la Tribu lors de “Slam à l’Instains”.


KOUM

SHEIN B

Le slam au féminin

PORTRAIT

LE SLAM, C’EST UNE “ŒUVRE QU’AUCUNE MONNAIE NE POURRAIT ACHETER. NE COMPTEZ PAS SUR LES SOLDES, ON NE SOLDE PAS LES ŒUVRES D’ART !

KARIM

Un ami qui vous veut du bien

A 30 ans, le slameur dionysien s’apprête à sortir son premier album, mais garde la tête froide. S’il a parcouru du chemin depuis qu’il a commencé à écrire, à l’âge de 10 ans, il se défend d’être un artiste.

S

ur scène, le flow calme et posé d’Ami Karim est trompeur. Cet hyperactif accro au travail dort peu, tourne au café noisette et a “besoin de beaucoup [s]’occuper des autres” pour déjouer ses idées noires. “Je vis en vitesse pour oublier qu’un jour, je serai obligé de ralentir” : de tous ses textes, dit-il, “c’est la phrase qui [le] définit le mieux”. Né à Saint-Denis d’une mère française et d’un père algérien, Karim a dit son premier texte en 2003 au Café culturel, QG dionysien du slam. Depuis, il multiplie les apparitions. Fin septembre, il a participé au premier festival slam de Fès, au Maroc, où il a notamment partagé l’affiche avec les Américains de The Last Poets, qualifiés de pères fondateurs du slam : “Un honneur !” Eclipse totale, son premier album, sortira en février chez Virgin. “Faire un disque n’a jamais été un rêve de gosse, dit-il, mais si celui-ci ne marche pas, je le vivrai comme un échec personnel.” Mis en musique, entre autres compositeurs, par S Petit Nico, ses textes abordent l’absence, l’exil, les relations humaines. “Mes sujets sont rarement légers”, dit-il, mais jamais Karim ne

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

cède au pathos : “Je déteste les gens qui pleurent sur leur vie.” Sur le titre “Eclipse totale”, il raconte l’arrivée de son père en France dans les années 50, “terre promise à reconstruire”, alors qu’il était enfant, et “l’existence discrète” qu’il y a menée. “Alors comme ça tu racontes ma vie ?”, a plaisanté son père, la gorge serrée, après avoir entendu ce texte pour la première fois. “Chez nous on ne parle pas, explique Karim, alors je suis content de pouvoir lui dire les choses à travers mes textes. Mon père fait partie de ces écorchés vifs qui n’ont pas eu le choix. Mon grand-père est venu ici pour une vie meilleure et il est mort dans une cité de transit, à Stains. A côté, nos banlieues sont des palaces, alors arrêtons de nous plaindre !” Sarah Kerjean

En concert

les 15 et 29 janvier 2008 Studio de l’Ermitage, 8, rue de l’Ermitage, Paris 20e Tél. : 01 44 62 02 86 L’album “Eclipse Totale” Sortie le 4 février 2008

Jessica Barre

LE COURRIER DE L’ATLAS 91

DR

DR

A

ncienne gymnaste originaire de Valenciennes (59), Shein B découvre ou redécouvre les mots à la suite d’une hospitalisation causée par un grave accident. Impossible alors pour la jeune femme de reprendre la gymnastique rythmique, sport qu’elle affectionnait tant. Durant sa convalescence, pour rebondir, Shein B décide d’écrire ses maux à travers ses mots, et c’est le coup de foudre. Elle n’arrêtera plus, dès lors, d’écrire et d’interpréter ses textes, mélange de souffrances, de joies et de peines tirées de son expérience personnelle. Dans les slams de Shein B, on perçoit un “trésor sans valeur” “d’où une pierre trop lourde à la place du cœur”. Larmes 200 Le slam, Shein B refuse d’en faire de Shein B, Ed. Les Cahiers une simple “tendance”, et c’est Egarés, 25 avec une grande amertume qu’elle observe d’un œil critique les médias qui se sont emparés du phénomène. De ses propres mots, l’actuelle scène du slam la rend malade : “Si je raconte des salades, demande à Grand Corps Malade !” Il faut dire que la jeune femme slame depuis plus de huit ans. C’est une interprète pour qui cet art est devenu, au fil du temps, une autodiscipline. Shein B donne tout à son public une fois sur scène, sans retenue. Et lorsqu’on lui parle de la place des femmes dans le monde merveilleux du slam, elle répond que le talent n’est pas une question de sexe. Mais elle se désole que les femmes couvent et que les hommes désapprouvent. Son avis sur la question : il suffit juste d’être au niveau et d’assurer devant son public ! Le talent, c’est juste une étincelle qu’il faut entretenir pour raviver la flamme !


cinéma ‫ﺳﯿﻨﻤﺎ‬ A L’AFFICHE CE MOIS-CI

“Big City”

Il était une fois dans l’Ouest

n voyant l’affiche du film, on s’attend à une bonne comédie, à un film chouette pour occuper nos bambins un mercredi après-midi hivernal, une bonne occasion de passer un week-end en famille. C’est en effet le cas, mais pas seulement. Big City est un ovni dans le paysage cinématographique français. D’abord pour le genre, le western, qui n’est pas tout à fait une spécialité nationale. Ensuite pour sa lecture à double sens. En plus d’être un film d’aventure comique, c’est en effet une satire sociale, un portrait engagé de la société contemporaine. Des Indiens et des cowboys L’histoire se passe en 1880, aux Etats-Unis, peu après la guerre de Sécession. Le petit village tranquille de Big City attend l’arrivée de nouveaux immigrants, mais la caravane est attaquée par des Indiens. Les adultes de la ville se portent à son secours en confiant la garde des plus jeunes à deux individus : un simple d’esprit (interprété par Atmen Kelif) et un poivrot (Eddy Mitchell). Au petit matin, c’est le chaos. Le groupe tente alors de s’organiser. Sous la férule de l’ivrogne qui s’érige en juge et du benêt qui se pare de

92 LE COURRIER DE L’ATLAS

raillent le monde d’aujourd’hui, nous entraînent à réfléchir sur ce monde qu’on leur lèguera et aussi sur les enfants qu’on laissera au monde de demain. Car ce sont eux qui le rendront meilleur ou non.” Pas de sujets tabou

C’est aussi un film qui ne prend pas les enfants pour des idiots: “Il affronte des sujets dont l’étoile du shérif, les enfants re- on a peur de parler ouvertement prennent chacun l’activité de aux jeunes sous prétexte qu’ils ne leurs parents : le fils White revêt seraient pas prêts. Mais ils sont les habits de son père, édile cra- beaucoup plus éclairés que nous ne puleux du village, Wayne reprend l’étions à l’époque. Je ne pouvais la bèche de son père, fermier, pas faire de western si le politiqueGershwin junior porte l’habit de ment correct m’interdisait de faire son paternel le banquier, Nicole, jouer le rôle d’entraîneuse à une la Française qui n’a pas froid aux petite fille. Sans entraîneuse, il n’y yeux, se transforme en entraîneu- a pas de western. C’est elle qui dése, Jefferson, le gamin tient la clef du film. black, fait le ménage, Elle est française, car et Tong, l’épicier la France est un pays chinois, ravitaille le vilde liberté. C’est elle qui lage. Jusque-là, tout va mène le combat contre bien. Mais voilà qu’un les méchants, c’est elle affreux jeune homme qui a la grande gueule. assoiffé de pouvoir va Ce n’est pas une femtenter de mettre la pame soumise pleine de gaille dans ce petit pognon. C’est la bad Big City monde et que Big City girl qui nous fait triva s’enfoncer dans Un film de Djamel per. L’entraîneuse raune atmosphère de ra- Bensalah avec Eddy conte aussi la place de cisme, de méfiance et la femme dans un miMitchell, Atmen de totalitarisme. Heulieu machiste. Quand Kelif, Lorànt reusement, comme un enfant demande à Deutsch, Olivier dans tout western qui sa maman pourquoi Baroux, Charlie se respecte, le fermier Quatrefages, Claire elle se fait payer, on héroïque remettra tou- Bouanich, Paolina comprend que c’est le te cette petite société plus vieux métier du Biguine… dans le bon chemin. monde. Et si on pense Mais qu’en dit Djamel Bensa- que c’est dégueulasse, on réfléchit : lah ? “Pour les enfants, c’est un film c’est quoi le pire ? Que le môme d’aventure où alternent drôlerie et noir se fasse fouetter ou qu’il n’aille émotion. Pour leurs parents, c’est pas à l’école ? Il faut sortir du une réflexion critique sur la société. monde merveilleux des poupées Les enfants qui, à travers leur rôle, dans lequel on est en train d’abru-

Un western qui s’adresse aux enfants de 7 à 77 ans.

tir les enfants pour les faire consommer n’importe quoi plus tard. Le but est d’éveiller l’intelligence des enfants, de les divertir tout en provoquant une stimulation intellectuelle.” Nous, enfants du western Le film de Djamel est éducatif et engagé, mais il est aussi divertissant et courageux. Ceux qui attendaient de lui un film sur la banlieue avec des jeunes zonant dans leur cité (ce qu’il a déjà réalisé avec Il était une fois dans l’oued) en seront pour leurs frais. Le réalisateur a choisi de nous offrir là un film multifacettes qui est aussi un hommage à la génération élevée au western, représentée par Eddy Mitchell. “C’est lui qui m’a donné l’amour du western avec la Dernière séance, sa mythique émission de cinéma des années 80. Ce sont mes premiers souvenirs de cinéma en famille. C’était le seul genre de film que je pouvais regarder avec mes parents sans risquer d’être obligé de zapper par peur d’un truc chaud qui allait se passer. C’est un hommage à notre enfance”. Fatima Khaldi

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

F. Bats - Sive - DR

E

Avec son nouveau film, le réalisateur Djamel Bensalah, nous ramène en enfance. Car “Big City” est d’abord un western dans lequel, en plus, les héros sont des gosses ! Rencontre avec le cinéaste.


PORTRAIT

ZINEB OUKACH

Elle a tout d’une grande Dans “Rendition” (Détention secrète), en salle ce mois-ci, Zineb Oukach, jeune actrice marocaine, tient le second rôle féminin aux côtés de Meryl Streep. Il paraît même qu’elle pourrait obtenir un Oscar à Hollywood en février. En pleine promo du film, elle a accepté de se confier. Sans jouer la comédie.

C

’est une première : une Au Maroc, on se souvient de jeune actrice marocaine Zineb à ses débuts. Elle avait tourné joue un rôle majeur dans dans Parfum de mer, d’Abdelhai Laune superproduction amé- raki. Et posait également pour des ricaine aux côtés de Meryl Streep et magazines féminins. Mais pour celle Reese Witherspoon. Dans Rendition qui rêvait de devenir actrice dès son (Détention secrète), un thriller sur plus jeune âge et qui, à défaut, fond de terrorisme réalisé par Gavin aurait voulu être une journaliste enHood, Zineb Oukach interprète une gagée, il fallait partir. “Au Maroc, jeune fille qui tente de s’émanciper, l’art n’est pas encore quelque chose “ce dont toute femme arabe rêve de noble”, déplore Zineb. A 22 ans, dans une société moderne”, observe elle quitte donc sa province… la comédienne. Aujourd’hui, pourtant, le Maroc Le casting a vu défiler mille jeu- bouge, le Maroc tourne. Il prête ses nes femmes pour jouer Fatima somptueux paysages aux superproFawal. A 25 ans, cette Casablan- ductions du monde entier et accaise d’origine, paricueille depuis 2001 le sienne d’a doption, a ICI, JE JOUERAI (désormais) célèbre Fesdonc de quoi être fière. tival international du TOUJOURS Pourtant, avant ce film de Marrakech. “gros coup”, ça n’a pas Pour Zineb, les métiers UNE ARABE, toujours été facile : “J’ai d’acteur et de réalisapassé beaucoup de AUX ETATS-UNIS, teur sont en train de se castings à Paris, sans ON NE MET PAS professionnaliser. Elle succès. Au bout d’un pense même que c’est moment, je me suis dé- LES GENS DANS le pays de l’avenir : “Les couragée, j’ai perdu Américains ont déjà DES CASES. confiance. Le métier tout raconté sur eux. d’acteur est un parcours de longue Aujourd’hui, les peuples arabes ont haleine, il n’y a pas de recette magi- besoin de retracer à leur tour leur que pour percer (…) Mais je pensais histoire, de faire connaître leur vibien au fond de moi qu’un jour je fi- sion de la guerre, des événenirais par y arriver.” ments du Liban, de la PalesAu cours Florent, son professeur tine… Dommage qu’il de théâtre l’encourage à tenter le manque encore des casting de Rendition. “J’avais des m o y e n s e t q u e préjugés sur la façon dont les Amé- beaucoup d’acricains font des films sur les Arabes. teurs marocains Mais à la lecture du scénario, j’ai a i e n t q u i t t é l e trouvé que ça sonnait vrai”, recon- pays.” naît-elle. La suite, on la connaît : de Depuis Rendilongs mois de tournage en Califor- tion, Zineb sanie, à Washington et au Maroc et, voure, elle obactuellement, la promotion interna- serve, elle attend. tionale du film dont l’avant-première Elle évoque une opportumondiale a eu lieu au Festival de To- nité avec Ridley Scott (le réalisaronto en octobre dernier. Et le trac ? teur tourne actuellement Body of “Je l’avais plus pendant le casting Lies dans les rues de Rabat) qui ne que sur le tournage”, glisse-t-elle. s’est pas concrétisée : “Je fais trop “Nous aussi on a le trac”, lui avouera jeune. Il me fallait jouer une femme l’acteur Jake Gyllenhaal, 27 ans. de 36 ans.” Une opportunité aussi

‘‘

sur le prochain James Bond,“à suivre”. Lorsqu’on lui parle du cinéma français, elle est moins enthousiaste. “Ici, je suis certaine que je jouerai toujours le rôle d’une Arabe. Aux Etats-Unis, on peut me proposer de jouer une Latine, une Arabe… On ne met pas les gens dans des cases.” Quant à rejouer, comme à ses débuts, pour le cinéma marocain, l’actrice ne l’exclut pas. Elle avoue même son admiration pour des réalisatrices comme Leïla Marrakchi ou encore Narjiss Nejjar. Malika Guillemin “Rendition”, un film de Gavin Hood avec Jake Gyllenhaal et Reese Witherspoon. Sortie en France le 8 janvier 2008.

’’

NUMÉRO 11 JANVIER 2008

Une Marocaine à Hollywood

DR

Zineb Oukach apparaît d’abord dans des publicités avant de jouer dans la série télé “Famille respectable” de Kamal Kamal, puis dans le film “Parfum de mer”, d’Abdelhai Laraki.

LE COURRIER DE L’ATLAS 93


BD

D

Les (més) aventures du petit Mahmoud Slimani

essinateur et auteur de nombreuses BD à succès, Farid Boudjellal est notamment l’heureux “papa” de La famille Slimani, qui lui inspira les scénarios de La famille Ramdam, série diffusée au début des années 1990 sur M6. Sans compter les albums Juif-Arabe, Petit Polio, Mémé d’Arménie et le petit dernier, Les années Ventoline, dans lequel l’auteur croque son personnage fétiche, le chétif Mahmoud Slimani, un petit garçon asthmatique atteint de poliomyélite. Les hôpitaux, les médecins, les moqueries, les traitements, les galères… jusqu’à la “révolution” Ventoline

Vient de paraître “Un jardin à Marrakech : Jacques Majorelle” Alain Leygonie

apparue dans les années 1970. De dures épreuves qui ont émaillé le quotidien du petit Boudjellal tout au long de son enfance. De là à y voir une œuvre autobiographique… “J’estime que l’autobiographie ou le journal intime sont des leurres, des effets de style, rétorque l’intéressé. Il me semble qu’exprimer son imaginaire, c’est livrer quelque chose de plus intime encore que sa propre vie. En ce sens, j’admets volontiers que Petit Polio est ma propre histoire.” Touchante et amusante à la fois. Y. M. “Les années Ventoline” de Farid Boudjellal, Ed. Futuropolis, 15 euros

PHOTOGRAPHIES

Un très joli livre dans lequel Alain Leygonie dévoile l’histoire du somptueux jardin Majorelle, à Marrakech. Illustré de photos du jardin, mais également de reproductions d’œuvres du peintre jardinier Jacques Majorelle, amoureux du Maroc et de sa ville d’ocre. On y découvre la genèse de cet éden aux mille essences venues des quatre coins du monde. Ed. Michalon, 23 euros

“L’Algérie” Georges Morin Un éclairage distancié et approfondi sur ce que l’on sait ou croit savoir sur l’Algérie. De celle d’hier (des harkis, des Juifs algériens, des pieds-noirs, de la colonisation, de la guerre…) à celle d’aujourd’hui (des Berbères, des Arabes, de la francophonie, de l’immigration, de l’exil…). Editions cavalier bleu, collection idées reçues, 9 euros

“Dictionnaire de la France coloniale” dirigé par J.-P. Rioux De 1815 à 1998, de l’effondrement du premier empire colonial à l’accord de Nouméa, ce livre a pour ambition de décrire les diverses facettes de la France coloniale, au Maghreb et au Levant, en Afrique et en Asie, dans l’Océan indien et le Pacifique, mais aussi dans les Amériques. Avec plus de 120 entrées et une iconographie abondante. Editions Flammarion, 69 euros

ttention les yeux ! Ce magnifique ouvrage réunit quelques-uns des plus beaux chefs-d’œuvre éphémères du duo de choc : le photographe Guillaume Plisson à l’objectif et le graffeur Rézine à la lumière. Des faisceaux de graffitis immortalisés le temps d’une centaine de photos d’art, auxquels les tagueurs Deter et Marko93, et les calligraphes Julien Breton et Hassan Massoudy ont rajouté leurs touches. Carrément bluffant ! Y. M. “LightGraff”, Ed. Graff It Productions, 33,90 euros

94 LE COURRIER DE L’ATLAS

Oiseau étrange aux courtes ailes, un homme handicapé pose son regard comme il poserait un microscope sur ce qui l’entoure. Derrière le soliloque troublant d’un être solitaire qui voit la vie se faire sans lui, s’esquisse la destinée d’un Liban aux prises avec la reconstruction et la spéculation immobilière. Un livre dont on garde une trace tenace. Ed. Actes Sud Sindbad, 19 euros

DR

Des graffs de lumière A

“Le chant du pingouin” Hassan Daoud

NUMÉRO 11 JANVIER 2008



agenda ‫ﻣﻔﻜﺮة‬

Nos coups de cœur Jusqu’au 3 mars

EXPO Modernité plurielle

L’art arabe contemporain se dévoile à l’Institut du Monde Arabe le temps d’une grande exposition présentant près de 120 œuvres, créées par quelque 90 artistes originaires d’une quinzaine de pays arabes. L’occasion de contempler un large panorama de la créativité contemporaine du monde arabe. Institut du Monde Arabe 1, rue des Fossés-Saint-Bernard, Place Mohammed V, Paris 5e Tél. : 01 40 51 38 38 Jusqu’au 30 mars

EXPO

Femmes du monde

En photos, dessins, croquis ou esquisses, des dizaines et des dizaines de visages, de sourires, de prénoms, de femmes et tout autant de pays parcourus par l’artiste globe-trotter ­Titouan Lamazou, qui a choisi ce prénom en référence à la ville de Tétouan où il a grandi. Un délicieux voyage pour lequel nous vous invitons à vous embarquer sans plus tarder. Musée de l’Homme, Palais de Chaillot 17, place du Trocadéro, Paris 16e, entrée libre. Renseignements : 01 44 05 72 72

Jusqu’au 1er mars

EXPO Le hammam dévoilé

C’est l’association Caravane-Kafila qui a eu l’idée de cette expo-voyage dans les hammams de la Méditerranée, de Damas au Caire et d’Istanbul à Marseille. Des photographies d’ombres et de lumières dans les volutes des bains maures, signées Anna Puig Rosado et Pascal Meunier. Le Centre Iris 238, rue Saint-Martin, Paris 3e, entrée libre. Tél. : 01 48 87 06 09 Jusqu’au 20 avril

EXPO La Méditerranée des Phéniciens

Vous avez encore le temps de découvrir l’imposante exposition de l’IMA consacrée à l’héritage phénicien sur tout le bassin méditerranéen, de Tyr à Carthage. Quelque cinq cents objets réunis ici avec la collaboration du musée du Louvre, à découvrir absolument. Institut du Monde Arabe 1, rue des Fossés-Saint-Bernard, place Mohammed-V, Paris 5e Tél. : 01 40 51 38 38 Jusqu’au 20 janvier

THéâTRE Une étoile pour Noël ou l’ignominie de la bonté

Le 6 janvier

des mélodies d’Orient et d’ailleurs, faisant défiler une dizaine de tableaux chorégraphiés hauts en couleurs. Pix Bar 49, rue Pixéricourt, Paris 20e Tél. : 01 44 62 22 80 Du 10 au 20 janvier

FESTIVAL Meeting Points à Bruxelles

Après Tunis, Damas, Rabat, Beyrouth, Ramallah et Berlin, le très contemporain festival Meeting Points pose ses bagages à Bruxelles en ce début d’année 2008. Au menu : musique, vidéo, danse, théâtre, avec notamment la participation d’artistes tels que H-Kayne, Yto Berrada, Bouchra Ouizguen, Selma et Sofiane Ouissi, Mahmoud Refat et bien d’autres. www.meetingpoints.org Du 18 au 25 janvier

FESTIVAL Courts-métrages

Du grand cinéma, mais format court pour cette 8e édition du festival du Film court francophone à Vaulx-enVelin. En compétition, cette année encore, de nombreux films venus des quatre coins de la planète francophone, parmi lesquels Moi, ma sœur et l’autre de Kaouther Ben H’nia pour la Tunisie, ou encore Ahmed de

­Formos Gosmise pour la France. Tout le programme sur www.vaulxfilmcourt.com Le 18 janvier

CONCERT Idir

Notre “Dylan kabyle” préféré n’a pas fini de dépeindre “la France des couleurs” aux quatre coins de l’Hexagone. Sa tournée l’amène ce mois-ci à Pont-Sainte-Maxence pour un concert en Technicolor. Réservez vos places ! La Manekine 4, allée des Loisirs, Pont-Sainte-Maxence (60) Tél. : 03 44 28 93 45 Les 18 et 19 janvier

CONCERT Hommage à

Nasser Djemaï, alias Nabil, seul sur scène, nous fait vivre les différents éléments conditionnant la réussite. Son père ne voulant pas qu’il finisse mineur comme lui, il deviendra ministre, et pas n’importe lequel : le premier ! Un spectacle mis en scène par Natacha Diet et Nasser Djemaï. Théâtre Lucernaire 53, rue Notre-Dame-des-Champs, Paris 6e. Tél. : 01 45 44 57 34 Pour les dates de tournée dans toute la France : www.nasserdjemai.fr Le 4 janvier

DANSE Ambre et Lumière

Du détroit du Nil aux rives du Gange, ce spectacle d’une heure vous invite à l’émerveillement au fil

96 LE COURRIER DE L’ATLAS

NUMÉRO NUMÉRO 10 11 DÉCemBRE janvier 2008 2007


CONCERT

Kabylie 100 % A l’occasion de Yennayer, le nouvel an kabyle, grande fiesta au Zénith de Paris avec une programmation de choix : Saïd Youcef, Malika Yami, Iguercha, Mourad Guerbas, Lahlou, Rabah Asma, Karima, le Groupe Idurar, Fahem et Idebalen A. Cherfaoui. Afous afous ! Zénith de Paris 211, avenue Jean Jaurès, Paris 19e Infoline : 01 43 46 82 88

conteur originaire de Guelmim, au Maroc, sera en tournée tout ce mois de janvier avec différents spectacles. Il présentera Les Folies Berbères le 19 au Musée du quai Branly à Paris ; Le Caftan d’amour, le 20 au Musée des Arts asiatiques à Nice et les 22 et 25 à la bibliothèque Aragon à Argenteuil, et De Tanger à Tombouctou, le 28 à Paris au Théâtre du Pré Perché avec un stage de contes pour les plus studieux le 27 janvier.

Le 5 janvier

CONCERT

Maroc 100 % Histoire de commencer l’année en beauté, Meganet Productions organise son traditionnel concert Maroc 100 %, avec cette fois-ci encore une multitude de stars du chaâbi et de la chanson marocaine, parmi lesquelles : Latifa Raafat, Daoudi et Daoudia, Ahouzar, Mouss Maher, Kamel Abdi, Hamid El Mardi et la troupe Abidat R’ma, le tout animé par le comique Fahid. ­Ambiance assurée ! Zénith de Paris, 211, avenue Jean Jaurès, Paris 19e. Infoline : 01 43 46 82 88

Le 25 janvier

Mohamed Abdelwahab

On le surnomme le “Abdelwahab de Syrie”, et ce n’est pas pour lui déplaire… Le chanteur Safwan Bahlawâne rendra hommage durant ces deux concerts uniques à son modèle et maître à chanter, feu l’Egyptien Mohamed Abdelwahab, dans un récital au luth entre poésie et nostalgie. Institut du Monde Arabe 1, rue des Fossés-Saint-Bernard, place Mohammed-V, Paris 5e Tél. : 01 40 51 38 38 Du 19 du 28 janvier

CONTES Hamed Bouzzine

Le magicien du verbe et funambule du rêve Hamed Bouzine,

CONCERT Le Trio Joubran

Si vous ne les connaissez pas encore, courez découvrir ces trois frères originaires de Palestine qui jouent non pas d’un ni de deux, mais de trois ouds de concert : une prouesse en musique arabe. Vous n’en croirez pas vos oreilles. Espace culturel François Mitterrand Parc Georges Pierre, Canteleu (76) Réservation : 02 35 36 95 80 à partir de 16 heures Les 25 au 26 janvier

FESTIVAL Autour du monde

Avis aux globe-trotters : l’association Autour du monde prépare la 27e édition de son festival de films documentaires qui présente carnets

Les 2 et 3 février

SPECTACLE

…ou quand la danse orientale donne corps aux plus grands classiques de la musique arabe. La troupe Belly Art from Egypt, accompagnée par l’orchestre Hassan Abdelkhalek, a voulu rendre hommage aux trois “pyramides” de la chanson égyptienne, en chorégraphiant les airs les plus célèbres d’Oum Kalsoum, Mohamed Abdelwahab et Abdelhalim Hafez. Du grand spectacle. Maison des Cultures du monde 101, boulevard Raspail, Paris 6e Réservation : 01 45 44 41 42

Les 25 et 26 janvier

CONCERT Chants de la Renaissance arabe

La diva à la voix d’or Aïcha Redouane et l’ensemble Al-Adwâr interprèteront pour vous et vous seuls les plus beaux chefs-d’œuvre de la Nahda, la fameuse renaissance culturelle arabe du XIXe siècle. Un grand moment de musique en perspective. Institut du Monde Arabe 1, rue des Fossés-Saint-Bernard, place Mohammed-V, Paris 5e Tél. : 01 40 51 38 38

Du 25 janvier au 3 février

CIRQUE Halfaouine

Dans le cadre du festival Janvier sous les étoiles, le théâtre de l’Europe invite de nombreuses troupes de cirque contemporain français et ouvre ses portes cette année à un nouvel invité, le Cirque de Tunis, qui présentera son spectacle intitulé Halfaouine. Un pur enchantement des sens. Espace Chapiteaux des Sablettes Avenue Jean-Baptiste Matteï, La Seyne-sur-Mer (83) Tél. : 04 94 06 84 05 Le 31 janvier

CONCERT Sefsaf

L’ex-chanteur du groupe Dézoriental nous livre son style qu’il a baptisé “désoxydant”, dans un concert roadmovie où il nous emmène à la découverte musicale de sa Kabylie chérie. L’Onyx 1, place Océane, Zone Atlantis, Saint-Herblain (44) Tél. : 02 28 25 25 00 DR

Crédits photo

One Night in Cairo…

de voyage, road-movies et autres docus du bout du monde… Parmi les films qui seront projetés cette année : Une route de la soie en vélo, tournée par Paul et Arthur David entre la Tunisie, la Libye, l’Egypte et la Jordanie et Le marathon de dromadaires, tourné par François Brey dans le désert tunisien. Dépaysement garanti. Espace Quinière Boulevard du Maréchal Juin, Blois (41) http://autour.du.monde.free.fr/

NUMÉRO 10 11 janvier DÉCemBRE 2008 2007

LE COURRIER DE L’ATLAS 97


VIP ‫أﻣﺴﻴﺎت‬

A la soirée Chorba pour tous, de gauche à droite : Alilou, Amina, Fadela, Assia, Mélissa.

Ci-contre à droite : Hamid Bouchnak, Idir et Alilou, fiers d’exhiber l’affiche de la Chorba pour tous, et Cheb Tarik parmi ses fans.

People au grand cœur

Q

uant au traditionnel Téléthon du mois de décembre, il a cette année traversé la Méditerranée pour une tombola franco-marocaine à l’East West, derrière les Champs-Elysées, avec une super marraine, Anne Roumanoff, qui a des origines chérifiennes puisque sa grand-mère est marocaine ! L’ambassade du Maroc à Paris, le maire du 8e François Lebel, le maire du 9e Jacques Bravo, Anne Roumanoff et Philippe Vaillant se

98 LE COURRIER DE L’ATLAS

sont réunis pour la bonne cause et au service du handicap. Lors de cette soirée orchestrée par des chants marocains et des danseuses orientales, une tombola réunissant des lots prestigieux (billets d’avion à Marrakech, dîners dans des palaces parisiens, bijoux et robes haute couture) a permis de récolter des dons pour soutenir la myopathie au Maroc et à Paris.

T

oujours solidaire et dans la bonne humeur, le grand gala donné par Une chorba pour tous. L’association a soufflé ses quinze bougies le 18 décembre au Zénith de Paris et a réuni une brochette d’artistes de premier choix : Idir, Baâziz, Mélissa, Rim’k’, 113, Faudel, Haninou, Hamid Bouchnak, Julie Zenatti, Senane Lakhdar, Amina, Billal, Kamel Ouali et son ballet, Fadila, Cheb Tarik, Axiom, Assia, Cheb Amar, Laure Milan, Click, Youss, Intik, Laam, Ouled Jouini, Dj Kim, DJ Goldfingers, Massa Bouchafa, Alilou, Khaled junior, Massa Bouchafa, Cheb Hassen, Maya Shane, Faudel, Sinik, Kenza Farah. L’intégralité de la recette du concert est destinée à financer la campagne d’hiver de distribution alimentaire au profit des publics défavorisés.

Anne Roumanoff, la marraine du Téléthon, s’extasie devant les bijoux réalisés par Ben Azri, le premier créateur berbère à avoir exposé au Louvre. Sur la scène : Philippe Vaillant avec les maires du 8e et du 9e, François Lebel et Jacques Bravo.

Crédits photo

L’

année 2007 se sera terminée sur une note de solidarité. Fin novembre, un gala a été offert par Dubai Consultancy et Dubai Properties qui ont donné 600 000 dollars au profit des enfants blessés par la guerre en Irak, au pavillon Gabriel, où le tout-Paris et de nombreuses personnalités du monde arabe ont été conviés pour un dîner de charité royal. La tombola donnait accès à des lots prestigieux (Lancel, Caron, Jumeirah, Caran d’Ache, Vulcain, Emirates Airlines), et les fonds réunis serviront à la construction de deux hôpitaux de chirurgie gérés par Médecins sans frontières. Stéphane Bern, en bon maître de cérémonie, a joyeusement animé la soirée, ponctuée de magie et de danse contemporaine de la “femme bulle” et du oud ensorcelant du célèbre luthiste irakien, Naseer Shamma.

Stéphane Bern avec Massimo Garcia (col bleu).

Rahma Rachdi

NUMÉRO 11 JANVIER 2008


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.