Cosmos. L'image du ciel étoilé

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Natalia Lazarevic

COSMOS L’image du Ciel étoilé

Diplômes 2015



Natalia Lazarevic Mémoire de fin d’études sous la direction de David Ferré Strate Ecole de Design, 2014 1


SOMMAIRE

6-13

INTRODUCTION

I

CIEL UNIVERSEL, CIEL INDIVIDUEL. DES CIELS

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Trace de ciels

26

L’imaginaire du ciel étoilé

34

La science détrône le ciel

II

LE CIEL EN VOIE DE DISPARITION

49

Des villes dans le brouillard

56

Les peurs de l’ombre

64

Ciels perdus dans l’infini

2


III

INITIATION AUX VOYAGES COSMIQUES

76

Le Cosmos, un nouveau territoire pour l’imaginaire

81

Puissance des désirs : les tendances cosmiques

90

Les merveilles du Cosmos impliquées dans la réalité

98-101

CONCLUSION

102-103

GLOSSAIRE

105-109

SOURCES

110-115

ANNEXES

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« Il est grand temps de rallumer les étoiles. » de Guillaume Apollinaire Extrait de Les mamelles de Tirésias

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Stratosphère © Chris Hadfield 6


INTRODUCTION

La sortie en septembre 2014 de l’Apple Watch, dernier outil High Tech de la marque Apple est un événement. Cette montre connectée, fournit non seulement des informations sur notre santé et notre alimentation, mais permet également à son propriétaire de naviguer virtuellement dans l’Espace, en se déplaçant de planète en planète. Le sujet de la conquête du Cosmos semblait de nos jours délaissé par le public, il semblerait qu’Apple la remette d’actualité. Elle remet à jour la notion de macrocosme, une vision globale du monde, qui n’est pas sans rappeler la phrase de Neil Amstrong lorsqu’il foule le sol lunaire pour la première fois dans la nuit du 20 au 21 juillet 1969. « C’est un petit pas pour l’homme, un bond de géant pour l’humanité. » Ce nouvel objet innovant nous fait entrer dans l’Univers des montres connectées qui enregistrent et stockent des données relatives à celui qui porte la montre, à savoir ses propres signés vitaux, à savoir température, tension, pouls, respiration, comportement du sommeil, etc. L’objet comprend également des applications permettant de recueillir des données en temps réel sur l’environnement. Ce dernier s’étend de la planète au Cosmos. Cette perception de l’Univers qui n’est plus limité à la planète Terre nous fait entrer dans une nouvelle dimension cosmique qui est le point d’ancrage de notre réflexion pour ce mémoire. La dénomination « Apple watch » donne à réfléchir sur l’usage du terme « watch » qui en anglais est à la fois le substantif watch qui signifie « la montre », et to watch qui est le verbe signifiant « observer, surveiller, voir ». La superposition des significations élabore en elle-même un label, une marque, une fonction voire plusieurs fonctions et mélange les notions d’espace et de temps. Cette innovation technologique est un moyen d’accéder à une image du Ciel.

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Introduction

Selon une enquête IPSOS datée de mai 20131, 48% des parents considèrent qu’ils jouent un rôle essentiel ou important pour apprendre à leurs enfants des connaissances en astronomie. Mais 54% des parents ont le sentiment de ne pas savoir comment susciter l’intérêt de leur enfant pour cette discipline. Et 65% des parents pensent que, au cours des prochaines années, les tablettes et appareils tactiles vont permettre aux enfants d’acquérir plus efficacement qu’aujourd’hui des savoirs en astronomie. Ces données confirment que l’astronomie est un savoir qui fait l’objet d’un partage entre parents et enfants, donc un contexte familial. Les parents sont soucieux de donner une éducation en faveur de la science du Cosmos mais, sans doute, se sentent-ils démunis pour l’enseigner à leurs enfants. De ce fait, ils font confiance à la technologie qui accroît les possibilités d’apprentissage dans un environnement ludique. En astronomie, une galaxie désigne un ensemble de corps célestes, comprenant notamment les étoiles ; notre système est minuscule par rapport à la taille de notre Galaxie, la Voie lactée, elle-même minuscule par rapport aux distances la séparant des milliards d’autres galaxies de l’Univers. En conséquence, l’Univers, ou Cosmos, est principalement composé de vide. Toutes ces données scientifiques nous obligent à repenser notre place dans l’Univers, sachant que, en tant qu’êtres humains, nous ne savons ni comment représenter le vide, ni comment représenter les distances en années lumière. L’astronomie et ses découvertes fulgurantes de ces dernières décennies peuvent nous donner l’impression de vertige, si nous supposons que nous sommes seuls dans ce vide ou, au contraire, si nous supposons qu’il nous sera possible de rencontrer des êtres vivants.

1 http://www.ipsos.fr/sites/default/files/attachments/rapport_leapfrog.pdf (consulté le 02/11/2014)

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Introduction

De ces observations, nous tirons le constat que l’Univers pour l’homme est un objet immense d’investigation dont les limites sont inconnues. Ce qui explique pourquoi les scientifiques s’interrogent, à la fois, sur la nature du Cosmos, sur sa taille et sur sa forme. Aucune donnée, à ce jour, n’apporte ni des réponses précises, ni même des représentations, laissant penser que le monde est fini ou infini. En revanche, ce que nous savons au titre d’une certitude, c’est que la représentation du monde décrite par Aristote établit une distinction entre deux mondes : celui de la Terre et celui du Ciel. De cette certitude en découle une autre, à savoir qu’il n’y a ni haut ni bas dans l’espace, car le haut et le bas n’ont de signification que par rapport à la gravité existante sur une planète. Jacques Monod (1910-1976), biologiste et biochimiste français de l’Institut Pasteur, lauréat du Prix Nobel de Physiologie ou Médecine en 1965, écrit, dans son ouvrage Le hasard et la nécessité (1970), « tout ce qui existe dans l’Univers est le fruit du hasard et de la nécessité ». Autrement dit, l’homme a émergé par inadvertance dans un Univers qui lui est complètement indifférent. Il n’est donc pas familiarisé avec cet environnement, il lui faut du temps pour l’apprivoiser, le comprendre et éventuellement l’explorer. Selon les définitions du CNTRL, l’Univers, le Cosmos, le Ciel et la Terre sont des espaces qui s’imbriquent les uns dans les autres, entrent en relation et sont à la fois distincts et dépendants les uns des autres. La voûte céleste, c’est la lumière dans les ténèbres. Elle fait depuis toujours l’objet de questions, qu’elles soient scientifiques, artistiques, littéraires, mythologiques, graphiques. Elle est l’origine de notre fascination pour le Ciel.

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Introduction

Qui n’a jamais rêvé en regardant un Ciel étoilé, une nuit d’été ? Il semble pertinent, d’un point de vue de designer, de se demander comment nous pourrions donner accès aux merveilles du Cosmos ? La pertinence de cette question s’est d’ailleurs confirmée au cours des travaux préparatoires de ce mémoire, par cette question : pourquoi s’intéresser aux choses du Ciel ? Il y a une relation immatérielle entre l’homme et le Cosmos. La voûte céleste fascine l’être humain. Selon G.Delmotte2, l’astronomie serait la contemplation de l’infini et une poésie accessible par toutes les âmes. Contempler le Ciel repose de la fatigue, des soucis du quotidien, des misères de la vie. L’Univers est grand, calme. Le Cosmos semble partout directement accessible là où l’on se trouve : il suffit de regarder la voûte céleste. Mais pour que le regard aille plus loin, il a besoin de recourir à des lunettes, des télescopes pour découvrir la multiplicité des galaxies. La démarche n’est pas la même lors de la représentation du Ciel et celle de la Terre, il est aisé de voir l’étendue céleste alors que l’on ne voit qu’une infime partie de la Terre. Pour avoir une vision globale de celle-ci, il ne suffit pas de gravir une montagne, il faut également parcourir le globe et accumuler des informations alors que les cieux se déroulent sous nos yeux d’observateur sans qu’il ne soit nécessaire de se déplacer. L’homme se voit alors de haut, prend conscience de sa faiblesse et devient alors infiniment petit. Néanmoins, la contemplation du Ciel n’exclut pas la perception d’un Univers mystérieux et terrifiant, car il existe encore de nombreuses questions scientifiques auxquelles nous ne pouvons pas répondre. Le XXIe siècle est engagé dans la conquête de l’Espace, ce qui signifie que le Cosmos fait encore et toujours rêver.

2 Delmotte, G. Ciel et Terre, Volume 40. Bulletin of the Société Belge d’Astronomie, Brussels, 1924, p.235

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Introduction

Déterminer comment permettre au public de s’intéresser à l’Univers implique un important travail bibliographique et ce mémoire doit beaucoup aux recherches de Pierre Comte dans son essai La fascination Astronautique Toutefois, une telle étude exigeait également l’analyse de sources plus directes, comme les conférences Mythes et constellations du Ciel étoilé et Joyaux célestes présentés par Jean Claude Mathelin au Planetarium du Musée de l’air et de l’Espace au Bourget, et l’événement de la Nuit des Étoiles, au sommet de la tour Montparnasse. L’exploitation de ces sources doit permettre de répondre à une série d’interrogations essentielles de ce sujet. Ce mémoire tend à montrer que l’exploration du Ciel donne lieu à des manifestations, des représentations et des perceptions qui s’associent pour donner en partage, la matérialité de l’Espace. Par ailleurs, nous possédons un outil, qui est notre cerveau capable d’imaginer ce qui n’est pas visible et la faculté de se projeter mentalement dans l’inconnu. Existe-t-il un lien, une réelle connexion entre l’homme et l’Univers ? L’astrophysicien Thrinh Xuan Thuan répond que « l’Univers n’a de sens que s’il y a un observateur qui en prend conscience ». Pendant plusieurs siècles, l’homme s’est cru au centre de l’Univers, mais nous savons désormais que nous ne sommes « qu’un petit point bleu »4. La Terre est une toute petite scène dans une vaste arène cosmique. Et il est important pour l’homme d’en avoir conscience afin qu’il puisse évoluer de manière moins égoïste et matérialiste.

3 Thrinh Xuan Thuan, un astrophysicien : Entretien avec Jacques Vauthier, éditions Beauchêne -Fayard, 1992. 4 Carl Sagan, Pale Blue Dot: A Vision of the Human Future in Space, Ballantine Books 1994

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Introduction

© Théo Gosselin

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Introduction

Ces réflexions nous amènent à poser la question initiale de la façon suivante : Comment en tant que designer puis-je donner accès aux merveilles du Cosmos ? Notre recherche mettant en relief les diverses manifestions de la voûte céleste, il apparaît que notre quête principale se cristallise autour des perceptions du Ciel étoilé qui impliquent matérialité et imaginaires. C’est pourquoi, nous développerons une première partie, intitulée « Ciel Universel, Ciel individuel. Des Ciels », dans laquelle nous établirons un historique des connaissances en astronomie, en rappelant des évolutions majeures jusqu’aux découvertes récentes qui viennent déstabiliser notre perception puisque l’Univers est aujourd’hui perçu en 3 dimensions. Nous recenserons les diverses influences du Ciel étoilé sur les hommes en nous appuyant sur la mythologie et l’anthropologie. Enfin, nous verrons comment les recherches scientifiques des savants et des physiciens matérialisent le Cosmos devenant ainsi un terrain d’exploration scientifique. (I) Dans une deuxième partie, « Le Ciel en voie de disparition », nous partirons des phénomènes rendant le Ciel invisible au-dessus des villes pour évoquer ensuite les peurs liées au Ciel, ou le monde de l’ombre. Nous terminerons par les perceptions des différentes échelles de l’Espace qui mettent en jeu les notions d’infiniment petit ou d’infiniment grand. (II) Enfin, dans une dernière partie, « Initiation aux Voyages Cosmiques », nous évoquerons les fantasmes d’aujourd’hui en lien avec le Cosmos avant d’énoncer les notions de désirs suscités par la société de consommation. Nous terminerons cette partie en évoquant les dispositifs matériels mis à la disposition des publics, permettent de s’approprier le Ciel étoile voire même de s’évader de la Terre. (III)

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CIEL UNIVERSEL, CIEL INDIVIDUEL DES CIELS I

A

Trace de Ciels

B

L’imaginaire du Ciel étoilé

C

La science détrône le Ciel


Jupiter-Earth, Howard Arrington 2011-2013 Ensign software, inc

Disque de Nébra 2000 av. J.-C..

“The planets in the heavens move in exquisite orbital patterns, dancing to the Music of the Cosmos. There is more mathematical and geometric harmony than we realise.” Howard Arrington.

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CIEL UNIVERSEL, CIEL INDIVIDUEL DES CIELS I

Nous établirons un historique de l’évolution dans un ordre chronologique, des représentations du Ciel de nuit par l’homme. Depuis quand l’homme cherche-t-il à représenter le Ciel ? Quels supports a-t-il mis au point ? Quelles sont les finalités de ses représentations ? Sont -elles strictement esthétiques ? Ou au contraire visent-elles à un partage des connaissances ? Mieux encore, sont-elles utilitaristes,

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permettant aux hommes de se déplacer, de communiquer, de voyager et d’établir des relations commerciales ? De quelle manière l’homme établit-il des liens spirituels avec le Ciel ? L’homme est-il dominé par le Ciel ? Et à partir de quelle période de l’humanité, l’homme tente-t-il de partir à la conquête du Cosmos ? L’homme du XXIe siècle n’est-il pas engagé dans une relation matérielle avec le Ciel ?


Extrait du film Lascaux, le ciel des premiers hommes, StĂŠphane BĂŠgoin et Vincent Tardieu, Arte, 2007 18


I/ Ciel Universel, Ciel individuel. Des ciels

A Traces de Ciels

La dernière découverte archéologique majeure concerne le Disque de Nebra, datant de 2000 av. J.-C.. Ce disque pèse environ 2 kilos et mesure une trentaine de centimètres de diamètre, il est composé de 32 étoiles, d’un amas stellaire qui semblerait être la constellation des Pléiades, puis un croissant de Lune et un Soleil. Par ailleurs, une étude récente menée par la paléo-astronome, Chantal Jègues-Wolkiewiez, met en évidence un lien entre les peintures de la grotte de Lascaux et les constellations1. Ces peintures se trouvent être très certainement des représentationss du Ciel datant de plus de 35 000 ans. Les travaux de Chantal Jègues-Wolkiewiez ne restent encore que théoriques et ne font pas l’unanimité auprès des Préhistoriens. Dans les civilisations primitives, l’observation des astres et des étoiles est une action quotidienne permettant d’accéder au savoir d’une façon immédiate, car la compréhension des mécanismes physiques est nulle. L’homme redoute, par-dessus tout, les dangers du changement et donc les imprévus. Rien ne semble prévisible dans la nature, à part le mouvement des astres. Au-delà de la contemplation de la voûte céleste, les relations ainsi que les dépendances, entre les phénomènes astronomiques et notre environnement Terrestre sont très tôt remarquées et favorisent l’unité cosmique (relation entre l’homme et le Ciel), dès les débuts de l’agriculture au néolithique. L’Être humain peut identifier la régularité des phénomènes célestes : l’alternance cyclique des jours et des nuits, en lien avec le coucher et le lever du Soleil, les différentes phases successives de la Lune, l’apparition et la disparition des étoiles dans le Ciel. Il comprend donc que le soleil, la lune et les étoiles sont des instruments qui peuvent l’aider à prévoir l’arrivée des changements saisonniers, donc améliorer son existence. Afin d’illustrer ce propos, nous prenons pour exemple les alignements de mégalithes en Bretagne. Il s’agit de constructions en pierre, érigées principalement entre 3200 av. J.-C. et 1700 av. J.-C. pour s’éteindre après 1200 av. J.-C.. Gerald Hawkins et l’astrophysicien Fred Hoyle confirment que l’homme, en utilisant les alignements de Stonehenge, peut suivre la succession des mois, des années et prédire les éclipses2. Howard Crowhurst révèle la précision et le symbolisme lunaire attachés à chaque mégalithe. En effet, ces pierres sont disposées de façon à être alignées par rapport au soleil, à la lune et aux étoiles devenant ainsi un calculateur astronomique primitif, mais également un théâtre afin de mieux contempler la voûte céleste.

1 Jègues-Wolkiewiez, Chantal, L’ethnoastronomie, nouvelle appréhension de l’art préhistorique - Comment l’art paléolithique révèle l’ordre caché de l’Univers, Antipode - Editions Du Puits De Roulle, 2012. 2 Nazé, Yaël, Un certain regard (1): des pierres levées vers le Ciel, Galactée, Cercles d’Astronomie Montois, fév-2001, p.14. 19


I/ Ciel Universel, Ciel individuel. Des ciels

L’auteur pense que ces constructions de pierres sont l’héritage permettant de rappeler aux hommes que leur avenir est indissociablement lié aux cycles du Cosmos et de la nature3. Dans la culture chinoise, l’homme se sert également de ce qu’il voit pour s’orienter : le soleil, le jour, les étoiles, la nuit. Une pierre sculptée datant du néolithique, figurant les étoiles de la constellation de la Grande Ourse telle qu’elle était, il y a 10.000 ans, est trouvée sur le mont Baimiaozi, près de la ville de Chifeng, au nord-ouest de la Chine, en Mongolie intérieure. Elle fait partie, avec le disque de Nebra, des représentations astronomiques les plus anciennes que nous puissions actuellement connaître. Cependant selon J-P. Auger, plusieurs points caractérisent et distinguent les représentations astronomiques chinoises4. Ils utilisaient, par exemple, les étoiles des constellations comme points de référence dans les cieux pour fixer la date des saisons, contrairement aux Indo-européens5 qui utilisaient la position et le déplacement des corps célestes sur l’écliptique et sur l’horizon. Les archéologues ont découvert en 1978, sur le couvercle d’une boîte laquée extraite du tombeau de Zeng Hou Yin dans le Suixian, la gravure des noms des 28 divisions du zodiaque lunaire, montrant ainsi que la représentation du Ciel était en usage en –433 av. J.-C. Le système astronomique de la Chine ancienne peut être attribué à la période néolithique, mais ce n’est qu’au début de la période dynastique (XXIe siècle av. J.-C) que les calendriers ont été standardisés et formalisés. Ce système est décrit pour la première fois dans le Traité des Gouverneurs du Ciel, daté de la fin du IIe siècle av. J.-C. Il fait référence à des traités antérieurs datant de la dynastie des Tchéous, au IXe siècle av. J.-C., le Ciel est alors divisé en cinq régions appelées « Palais » représentant les quatre points cardinaux (Nord, Sud, Est, Ouest) correspondant aux saisons ainsi qu’un palais central. Leopold Saussure, dans Les origines de l’astronomie chinoise expose également qu’à l’origine le système astronomique chinois était en corrélation avec la révolution lunaire annuelle6. Chaque mois correspond à une région du Ciel où se produit la pleine lune, c’est-à-dire à la région du Ciel diamétralement opposée au soleil.

3 Crowhurst, Howard, Les mégalithes, le soleil et la lune, http://www.baglis.tv, Octobre 2008 (consulté le 20/09/2014). 4 Auger, J-P., L’astronomie dans la chine antique, Quasar 95, Club d’astronomie de Frouville, 2012, p.10 5 Les Indo-Européens seraient un ensemble de peuples d’Eurasie, les Albanais, les Arméniens, les Baltes, les Celtes, les Germains, les Grecs, les Indiens, les Iraniens, les Italiques, les Scythes et les Slaves. 6 Saussure, Leopold, Les origines de l’astronomie, Maisonneuve Frères, Paris, 1930, p.422 à 479. 20


I/ Ciel Universel, Ciel individuel. Des ciels

Les représentations du Ciel bénéficient d’un support matériel, depuis l’Antiquité, par le biais des cartes reproduisant l’image de la voûte céleste et permettant de se repérer dans l’Espace. Parmi les plus anciennes, figure le zodiaque de Dendérah, en Égypte antique7. Ce dernier est un bas-relief représentant le paysage d’un Ciel nocturne et appartenant au plafond d’une chapelle consacrée aux cérémonies de la résurrection d’Osiris, édifiée sur le toit du grand temple d’Hathor. La voûte céleste est représentée sous la forme d’un disque soutenu par quatre femmes, aidées par des génies à tête de faucon. Sur son pourtour, 36 génies ou «décans» symbolisent les 360 jours de l’année égyptienne. À l’intérieur de ce cercle se trouvent des constellations (qui restent proches de la représentation actuelle : Bélier, Taureau, Capricorne, Scorpion.) sur lesquelles figurent les signes du Zodiaque. Deux éclipses ont également été représentées à l’endroit précis où elles se sont produites. Les cartes évoluent avec le temps et principalement leur support : parchemin, papier, dans le but de les diffuser notamment dans le monde arabe. En Perse, Al-Soufi8, dans son manuscrit Sovar al-kavâkeb al-thâbat, présente une grille précise des tailles et des emplacements des étoiles et des constellations. Il crée alors un catalogue des étoiles fixes. Al-Soufi est également le premier à rapporter l’observation de deux galaxies lumineuses (visibles à l’œil nu) : la galaxie d’Andromède et le Grand Nuage de Magellan qu’il baptisa «vache blanche». En Europe, à la Renaissance, la diffusion de l’imprimerie permet de développer les cartographies. L’Harmonia Macrocosmica publié en 1660 par Johannes Janssonius est un atlas réunissant les gravures des systèmes cosmologiques de Claude Ptolémée, Tycho Brahé et la nouvelle vision de Nicolas Copernic. La première démarche de représentation de l’Univers est celle de Thales (625- 547 avant J.-C.), qui émet l’hypothèse que la Terre est plate, sous forme de disque flottant sur un océan unique. Son disciple, Anaximandre (610-547 avant J.-C.) propose une Terre cylindrique, habitée sur sa surface supérieure plane. Copernic bouleverse la représentation du monde et en particulier celle de l’Univers. Nous savons que la Terre est sphérique dès l’Antiquité (Pythagore, 480 avant J.-C.) mais Aristote et Pythagore imaginent un système géocentrique où la Terre est immobile au centre de l’Univers. Le soleil et les planètes tournent autour de celle-ci. Copernic propose un système héliocentrique, c’est-à-dire un modèle mathématique où l’on place le soleil au centre de l’Univers9.

7 Découvert lors de l’expédition de Bonaparte en Egypte et ramenée en France en 1821. Exposée au Louvre depuis 1964 dans la salle des antiquités Egyptiennes. Cette dalle a soulevé de nombreux débats scientifiques pour réussir à la dater. 8 L’astronome Abd Al-Rahman ou Umar Al-Sufi, plus connu sous le nom d’Al-Sufi, né en Perse (Iran actuelle) en 903 après J.-C et meurt en 986. 9 Copernic, Nicolas, De revolutionibus, Nuremberg, 1543. 21


I/ Ciel Universel, Ciel individuel. Des ciels

Robert Brettell Bate, Planétaire, XIXes.

1. Adreas Cellarius, Typus Selenographicus, 1660 2. Nicolas Sanson, « Planisfère du globe céleste », 1658 3. Pieter Schenk et Gerard Valk, Planisphaeterium Copernicanum, 1706 Montréal, Musée Stewart au Fort de l’île Sainte-Hélène

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I/ Ciel Universel, Ciel individuel. Des ciels

Alors que sa conception de l’Univers s’oppose à la représentation cosmologique de la Bible10, Copernic ne subit aucune censure de la part de l’Église (contrairement à Galilée11), en prenant soin de faire rédiger la préface par le théologien Osiander afin de présenter ses recherches sous la forme de recherches, d’hypothèses mathématiques comme un jeu de questionnement un peu abstrait. Il « imagine », mais il n’affirme pas. Des représentations en volume sont également réalisées. Nous pouvons prendre pour exemple les globes de Coronelli. Ces globes, un terrestre et un céleste, sont un hommage à Louis XIV (le Roi-Soleil). Réalisés entre 1681 et 1683, ils mesurent 4 mètres de diamètre et permettent de faire un inventaire des connaissances sous une forme visuelle. Le globe céleste est une représentation du Ciel du 5 septembre 1638, date de naissance de Louis XIV. Il comprend 1880 étoiles et planètes qui sont représentées et nommées (dans les langues de l’astronomie classique : le latin, le grec, l’arabe) selon la classification de Copernic. Ces globes sont des outils scientifiques encyclopédiques conçus sous une forme artistique. Ils illustrent les connaissances les plus poussées en astronomie de cette époque, mais également le savoir-faire d’artistes et d’artisans12. Le partage des connaissances devient alors une nouvelle préoccupation. Il est important de souligner que la curiosité des hommes, des chercheurs, des philosophes et des théoriciens les poussent à se questionner sur la représentation cosmologique, mais ils bouleversent aussi la façon de voir le monde et remettent en question la place de l’homme dans l’Univers par conséquent la progression des connaissances n’est pas régulière. Les Atlas permettent de réunir et diffuser le savoir. Un des premiers est celui de l’astronome polonais Hevellius (28 janvier 1611 - 28 janvier 1687) célèbre pour la précision du positionnement des étoiles grâce au développement de ses instruments d’observation. Ensuite au XVIIIe siècle, l’atlas céleste le plus produit est celui de John Flamstéed (1646-1719) qui propose également une série de cartes. Il est l’atlas de référence des astronomes jusqu’après la Révolution française.

10 Livre de Josué, Psaumes, XIIe-IIe siècle avant J.-C., chapitres 10, 12-14. 11 Dès 1610, Galilée soutien les recherches de Copernic. En 1620, il est condamné, puis assigné à résidence suite à la censure de ses thèses. L’Eglise l’oblige à rétracter ses propos concernant ses enseignements héliocentriques. Minois, Georges, l’Eglise et la science: Histoire d’un malentendu. De Galilée à Jean-Paul II, Fayard, 1991, p.18. 12 Antoine Mariani, Les globes de Coronelli, Imprimerie de la Centrale, Lens, Bibliothèque Nationale de France, 2006, Fiche pédagogique http://classes.bnf.fr/rendezvous/pdf/Coronelli.pdf (consultée le 30/09/2014)

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I/ Ciel Universel, Ciel individuel. Des ciels

Par ailleurs, le projet de l’Observatoire astronomique de Paris est créé en 1667. Il est alors équipé d’instruments afin d’établir des cartes plus précises pour la navigation. C’est à cette époque qu’en France, l’intérêt grandit pour des sciences comme la Cartographie, la Météorologie et la Geodésie qui est la science spécialisée dans le dessin des cartes en mettant en avant les problèmes de dimensions et de formes. De nos jours, les astronomes considèrent les constellations comme une carte de navigation dans les étoiles (appelé astronautique). Cette cartographie du Ciel leur permet de mieux s’y retrouver. Au XIXe siècle apparaît l’astrophotographie : l’application de la photographie à l’astronomie, consistant à photographier les objets célestes. Elles fournissent des catalogues d’étoiles produisant des cartes précises et complètes que l’on peut consulter de manière aisée sur internet (Digitized Sky Survey). En effet, aujourd’hui, les données se présentent sous une forme numérique, facilement stockable. On peut également trouver les tables astronomiques (éphémérides des étoiles et autres corps célestes) au jour le jour sur les sites du JPL (USA) ou celui de l’IMCCE en France. La mise en orbite d’engins spatiaux tels que Hubble, révèle de nouveaux objets jusqu’alors indétectables depuis le sol13. Ainsi, une représentation complète de la Voie lactée fait appel à un ensemble «d’astrophotographies» venant de distances (longueurs d’onde) plus ou moins lointaines dans le spectre électro -magnétique. L’Univers ne se représente plus en deux dimensions. Il est vu en trois dimensions établies par l’infinité des galaxies et des structures qui constituent l’Espace. Par conséquent les outils de représentation évoluent, on peut citer comme exemple le logiciel Stelarium qui est un système en open source gratuit et accessible sur l’ordinateur. Ce logiciel, dans un premier temps, propose de rentrer les coordonnées du lieu où l’on souhaite observer la voûte céleste puis affiche un Ciel en 3D, ultra réaliste, comme s’il était aperçu à l’œil nu, aux jumelles ou avec un télescope. Cependant la représentation de l’Univers ne se restreint pas à cartographier des éléments qui constituent le Cosmos, bien qu’elle soit une présentation du Ciel extrêmement précise. Car, en effet, il y existe de la matière ou de l’énergie qui ne se voient pas au télescope et qui n’apparaissent donc pas sur une carte traditionnelle : la masse cachée, les

13 « L’atmosphère de la Terre est transparente à la lumière visible, mais arrête partiellement d’autres longueurs d’ondes comme les rayonnements infrarouges et les rayons X. Ce phénomène, qui protège la vie sur notre planète, ne permet pas d’observer des objets célestes qui émettent de la lumière dans ces longueurs d’ondes. Les observations spatiales réalisées par des télescopes en orbite apportent donc des observations complémentaires à celles réalisées sur Terre », http://expositions.bnf.fr/globes (consulté le 22/09/2014).

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I/ Ciel Universel, Ciel individuel. Des ciels

ondes gravitationnelles, les divers types de rayonnement électromagnétique, etc. Le serveur de la Nasa fournit les références du monde entier, des nouvelles publications concernant l’astronomie et le Minor Planet Center (« Centre des planètes mineures ») proposent des services en ligne pour les astronomes dans le but de les assister dans leurs recherches. Un catalogue complet des orbites (corps célestes, satellites, astéroïdes, comètes) est fourni en libre téléchargement. Nous pouvons donc conclure que les représentations technologiques du Ciel deviennent de plus en plus justes et précises. Durant les différentes étapes de l’évolution de sa pensée, l’homme cherche à répertorier puis partager ses connaissances. Malgré la progression relativement rapide des idées, chaque découverte apporte de nouvelles questions. La représentation cosmologique a longtemps été basée sur des observations au sol et à partir de la surveillance des phénomènes naturels, mais l’envoi de satellites dans l’Espace bouleverse la relation entre l’homme et le Ciel, car elle nécessite la précision dans la cartographie de tous les corps du système solaire afin de pouvoir naviguer. Néanmoins, notre perception de l’Univers est encore largement influencée par les lois de l’imaginaire. L’irrationnel, avec ses croyances et ses superstitions, peut-il avoir une place dans l’Univers tel qu’il est observé aujourd’hui ?

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Le Songe de Jacob. Nicolas Dipre,XVe s., Musée d’Avignon.

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I/ Ciel Universel, Ciel individuel. Des ciels

B

L’imaginaire du Ciel étoilé

La voûte céleste ne ressemble à rien de connu existant sur Terre. Par définition, le terme céleste renvoie aux cieux, aux astres, et plus généralement à tout ce qui concerne la nature du Ciel. Le terme voûte désigne le Ciel visible ayant une forme de coupole. Il est employé en général dans un contexte poétique. Par conséquent, l’homme regarde le Ciel au-dessus de lui. Le Ciel de nuit, c’est le moment où l’homme dort, se repose, rêve et peut se détendre après le travail accompli durant la journée. Dormir à la belle étoile est une expression du langage qui suggère que l’homme est étendu à l’horizontal avec le Ciel directement au- dessus de lui. C’est d’ailleurs la posture la plus confortable pour observer les étoiles, les constellations et la lune. Le désir de monter au Ciel et de rejoindre Dieu, s’exprime dans la Bible, à travers l’épisode connu du nom de l’Échelle de Jacob. « Jacob quitta Bersabée et partit pour Harân. Il arriva d’aventure en un certain lieu et il y passa la nuit, car le soleil s’était couché. Il prit une des pierres du lieu, la mit sous sa tête et dormit en ce lieu. Il eut un songe : voilà qu’une échelle était dressée sur la Terre et que son sommet atteignait le Ciel, et des anges de Dieu y montaient et descendaient ! (…) ». (Genèse, 28:10- 22)14.

La lune est un astre lumineux qui éclaire la Terre pendant la nuit15. Elle procède selon le cycle lunaire constitué de plusieurs phases : nouvelle lune, premier croissant, premier quartier, lune gibbeuse16, pleine lune, de nouveau lune gibbeuse, dernier quartier, dernier croissant17. Les phases de la Lune correspondent aux différentes portions illuminées par le Soleil qui sont visibles de la Terre. La Lune tourne en orbite autour de la Terre, c’est la raison pour laquelle ces différentes portions ne cessent de changer en fonction de la position de l’astre.

14 Challeat, S., L’imaginaire du Ciel étoilé , Carnets du Collectif RENOIR - Ressources Environnementales Nocturnes, tourisme, territoires (carnet de recherche), 12 novembre 2013. (En ligne), http://renoir.hypotheses. org/283, (consulté le 25/09/2014) 15 http://www.cnrtl.fr/definition/lune (consulté le 30/09/2014). 16 On appelle premier croissant la période située entre la nouvelle lune et le premier quartier. Après celui-ci, la Lune présente jour après jour une surface de plus en plus éclairée. On appelle cela la lune gibbeuse ascendante. Après la pleine lune où la surface entière de la Lune était éclairée, le même phénomène se présente à l’envers jusqu’au dernier quartier. On appelle cela la Lune gibbeuse descendante. La période située entre le dernier quartier et la nouvelle lune est appelée dernier croissant. http://www.futura-sciences.com/magazines/espace/ infos/dico/d/astronomie-lune-gibbeuse-5336/, (consulté le 01/10/2014). 17 http://www.very-utile.com/cycle-lunaire.php, (consulté le 02/10/2014)/

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Un cycle lunaire est aussi nommé une lunaison. Le cycle lunaire a toujours donné lieu à des croyances, des superstitions, des coutumes. De tout temps, l’homme établit des correspondances entre le Ciel et la Terre, entre le haut et le bas. La lune est censée influer sur l’humeur des individus, l’expression « mal luné » en témoigne. Mais dans le langage, il y a également cet adjectif « lunatique » qui signifie qu’on n’est jamais de la même humeur. La pleine lune, par exemple, est censée rendre les individus plus nerveux, plus sensibles, plus excités. Sur le plan physique, le phénomène des marées est en relation avec l’attraction de la lune et de la Terre. Nous n’allons pas recenser toutes les croyances et superstitions qui, à travers les cultures et les civilisations, laissent penser que la lune exerce des pouvoirs de fécondité et d’amour sur les hommes. Mais par exemple, nous avons relevé qu’en Iran et en Égypte, si on aperçoit la nouvelle Lune, il faut vite fermer les yeux et ne les rouvrir que sur un visage aimé, cela porte bonheur. Et au Groenland, les femmes, de peur d’être enlevées par la Lune, s’abstiennent de boire quand elle est pleine18. D’après la conférence de J.C Marthelin au Musée de l’Air et de l’Espace19, des enquêtes montrent qu’il y aurait un lien inexpliqué entre l’augmentation des naissances et les pleines lunes, mais cette croissance se produirait en fait 3 jours après celle-ci et non le jour même. Les aspects magiques sont liés aux différentes phases de la lune, qu’ils soient positifs ou négatifs. Les aspects bénéfiques (attirance, prospérité, vitalité, guérison) de celle-ci se produisent en phase montante jusqu’à la pleine lune. Dans les contes, la pleine lune correspond à des transformations de fées, de sorcières, de jeunes gens, la transformation la plus connue étant celle du loup-garou, c’est l’homme qui, dans la nuit de pleine lune, se transforme en loup. Toutes ces relations mystérieuses entre les hommes et le Ciel étoilé ont donné lieu à la création d’édifices permettant de mieux observer la voûte céleste. Dans ce patrimoine architectural, nous pouvons citer, par exemple le Cadran solaire équatorial de Jaipur construit par le mahârâja Jai Singh II au début du XVIIIe siècle20. Il servait de grand observatoire astronomique et astrologique. Tous les lieux sacrés ont pour vocation de diminuer les distances entre l’homme et le Ciel. En Égypte, les pharaons sont les fils du Soleil. Djoser, roi de la IIIe dynastie21 (Ancien Empire) fait bâtir les premières pyramides

18 http://www.esoterika.org/dotclear/index.php?2012/09/24/322-superstitions-lunaires-et-legendes (consulté le 01/10/2014). 19 Les mystères de la Lune, conférence de J-C. Marthelin, planétarium du musée de l’air et de l’espace, Le Bourget 93350. 20 Pierre, Comte, La fascination Astronautique, editions HD Art/science, 2012, pp. 35-42 21 D’après de récentes recherches d’une équipe internationale de chercheurs, il est possible de dater le début du règne de Djéser, et cela avec une infime marge d’erreur, entre -2691 et -2625. 28


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par l’architecte Imhotep. Elles symbolisent les marches permettant d’accéder au Ciel, une demeure d’éternité permettant de rejoindre l’Espace céleste. On étudie plus particulièrement le Ciel de nuit que le Ciel de jour. À cet effet, les astronomes ont mis au point toutes sortes d’instruments précis pour l’étudier (lunettes, télescopes, lentilles, etc.). La civilisation précolombienne des Maya est justement célèbre pour son astronomie et ses pyramides qui permettaient d’étudier la voûte céleste. Les Maya cherchent à mettre en place une grille spatiale et temporelle dans laquelle ils peuvent se situer. Ils ont ainsi créé trois calendriers avec le Soleil comme étant l’astre le plus important. Pendant l’antiquité gréco-romaine, l’homme établit une relation d’harmonie avec le Ciel et les astres. Platon, dans le Timée, écrit en 350 av. J.C., exprime les questionnements des hommes à propos de la création du monde. Platon souligne la place occupée par l’homme dans l’Univers selon deux concepts : le microcosme (l’Homme) et le macrocosme (le Cosmos) dans le but de fonder la constitution idéale. Toujours selon Platon, l’homme serait une reproduction miniature du Cosmos. Il existerait un rapport de modèle à image. Tout ce qui constitue le macrocosme serait également présent dans le microcosme. Le discours des philosophes de cette époque sur le microcosme et le macrocosme renvoie à une sorte de jeu de miroirs où les images se répondent, se déforment, se modulent mutuellement. Ils cherchent alors à approfondir une unité du Cosmos plutôt qu’une séparation avec l’homme22. Toujours dans ce même dispositif qui consiste à créer une relation avec le Ciel, il faut citer les ruines de Nazca qui demeurent une énigme. Selon le plasticien et l’un des fondateurs du Space Art, Pierre Comte23, ces figures géométriques inscrites au sol pouvant aller jusqu’à 8 km de long et 30 m de largeur, sont un outil de communication visible depuis l’Espace. Pour Maria Reiche, les lignes pourraient être utilisées comme un calendrier. Elles ne seraient pas une simple reproduction de la voûte céleste, mais serait un outil à l’usage quotidien pour les festivités ou les récoltes24. Dans les deux cas, ces figures semblent liées au Ciel par leur abstraction et leur échelle, destinées à être vues depuis le Ciel.

22 Exposition Figures du Ciel, site François-Mitterrand, grande galerie : 9/10/1998 au 10/01/1999, catalogue en ligne http://expositions.bnf.fr/Ciel/arretsur/monde/Ciel/, (consulté le 25/05/2014). 23 Pierre, Comte, op.cit., p. 12 24 Reiche, M., Le Mystère des plaines, 1949. http://www.sciencepresse.qc.ca/hommages/reiche.html (consulté le 12/09/2014).

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Les représentations du Ciel ne se limitent pas au domaine astronomique. Malgré de nombreuses découvertes et les progrès de la science, l’imaginaire garde une place symbolique très présente, car le Ciel est relié au destin. Il représente un ailleurs, il permet d’apprivoiser la réalité. L’homme, de toutes les civilisations, invoque des forces ou des influences venant de l’ailleurs dans le but d’expliquer des faits qu’il ne comprend pas. L’étude du Ciel donne naissance à deux domaines qui semblent s’opposer : l’astrologie et l’astronomie. En Mésopotamie au IIe millénaire avant J.C, les Chaldéens combinent ces deux notions et conçoivent les premières listes d’étoiles, enregistrent les mouvements des planètes et prédisent les éclipses lunaires et solaires. Cependant, l’homme souhaite pouvoir prédire l’avenir. C’est le point de départ de l’astrologie. Les arts divinatoires largement pratiqués durant l’Antiquité font appel à des connaissances astronomiques. La célèbre Pythie de Delphes rend ses oracles ou prédictions une fois par mois, toujours le 7 du mois25. Le pouvoir politique consulte la Pythie lors des grandes décisions à prendre, en matière de guerres, à faire ou ne pas faire. Sur le plan linguistique, le terme oracle, par métonymie, a fini par désigner également la personne consultée pour obtenir une réponse divinatoire. Aujourd’hui, l’oracle désigne le voyant à proprement dit. L’astrologie correspond à la représentation symbolique du Cosmos par l’homme, qui en donne ses propres interprétations. Elle est une image sémantique, liée au microcosme. Il est humain de vouloir connaître l’avenir. Par conséquent, l’homme va interpréter les images qu’il voit ainsi que leur positionnement dans le Ciel pour tenter de prévoir des événements ou de décider de dates favorables pour exécuter des projets. Les comètes par exemple ont toujours fasciné et troublé les hommes ; ces phénomènes ont souvent été interprétés de différentes manières. Prenons par exemple la comète de Halley qui est visible de la Terre, tous les 76 ans. La tapisserie de Bayeux, broderie du XIe siècle, contient la représentation d’une comète, identifiée à la comète de Halley, visible en Angleterre à la fin d’avril 1066 : elle est alors perçue comme un signe néfaste pour les Anglais, car elle présage la menace d’une invasion par les Normands. Cependant du côté des Normands, elle est synonyme de bon présage. Au XVIIIe siècle, le passage de la comète apporte de mauvais présages, guerres, maladies, morts de personnages illustres, vague de peste en Europe. Pendant l’été 1811, le passage de la comète envoie un signe favorable, pour Napoléon qui mène ses troupes faire la guerre en Espagne et au Portugal ; néanmoins, ses armées subissent la

25 Réponses données par un dieu aux hommes. Delcourt, M., ORACLE, Encyclopædia Universalis (en ligne), http://www.Universalis.fr/encyclopedie/oracle/ (consulté le 03/10/2014).

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défaite devant l’armée anglo-espagnole, à Arroyo Molinos, le 26 octobre 181126. Selon une tradition agricole, les « vins de la comète » issus des vendanges faites sous l’influence de la Comète de Halley constituent toujours de bons crus. Le Ciel est le temple des dieux comme il est le royaume de Dieu. La mythologie désigne l’histoire des Divinités. On remarque des associations entre les planètes, les dieux qui leur correspondent et les traits de caractère qui leur sont attribués. Ainsi, dans la mythologie romaine, la couleur rouge de Mars (aujourd’hui expliquée par la présence d’oxydes de fer) évoque le sang, donc la guerre : Mars, la planète comme le dieu, est associée aux guerres. Cette interaction entre l’homme et la Terre introduit de nouvelles dimensions dans l’Univers, celle de la subjectivité, celle de la spiritualité : l’Univers ne se réduit pas à ce qui est observable. Dans la civilisation Maya, l’astronomie est pratiquée par des prêtres. La religion a donc autant de poids que la science. L’étude du Cosmos est souvent liée à la religion, il existe une variété de récits que l’on appelle Cosmogonie, liés à la création de l’Univers et aux transformations du monde observable. Pour justifier la création de la Terre et de l’espèce humaine, l’Homme se tourne vers le Ciel. Par ailleurs, le symbolisme de l’étoile se retrouve sous des formes diverses, dans toutes les religions, sectes, sociétés, etc. dans toutes les civilisations, jusqu’au drapeau de l’Union européenne. À l’origine, la question est religieuse : les dieux, puis le Dieu unique passent des accords avec les hommes. Les divinités grecques protègent les hommes, chacune dans son domaine de compétence. Les hommes se sont ainsi considérés comme des représentants de Dieu chargé d’accomplir des missions d’ordre moral. Dans la tradition judéo-chrétienne, l’esprit de l’homme est conçu à l’image de Dieu, il est le « miroir » de Dieu. Autrement dit, le royaume de Dieu dans l’esprit des croyants s’insère dans un contexte complexe où l’homme n’est plus placé au centre du monde. Dieu ne s’adresse plus directement aux hommes. Finalement, la religion permet de répondre à des questions récurrentes comme « D’où venons-nous ? Qui sommes-nous ? ». Elle tente également de donner des réponses à la question : « Où allons-nous ? ». L’homme cherche des repères, afin d’appréhender les éléments autour de lui. Face au mystère de l’Univers, il tente de déceler des formes significatives dans les nuages, et les constellations. À partir de ce dispositif mental se sont créés les douze signes du zodiaque.

26 La Nuit des étoiles 2014, Conférence « Comètes et origines » de Clément Plantureux.

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Dans ce contexte, apparaît des représentations de l’astronomie religieuse, Julius Schiller (1580-1627) avocat et astronome allemand établit un atlas, intitulé Coelum Stellarum Christianum (1627), inspiré par la Contre-Réforme catholique27, il efface toutes traces du paganisme de l’Antiquité gréco-romaine pour les remplacer par le symbolisme de la tradition chrétienne. C’est une représentation artificielle du Ciel qui s’organise de la façon suivante : un Atlas de 51 cartes, réalisées avec l’aide de nombreux astronomes, comprenant les 12 signes du zodiaque remplacés par les 12 apôtres, les Constellations boréales remplacées par les 12 apôtres du Nouveau Testament et les Constellations australes par les personnages de l’Ancien Testament. Persée = Saint-Paul ; Hercule = 3 Rois Mages ; Grande Ourse = Barque de St-Pierre ; Cassiopée = Marie-Madeleine ; Orion = Saint-Joseph ; Grand Chien = Roi David. Nous pouvons conclure que ces différentes représentations, liées à des cultures différentes, mettent finalement toujours en jeu une suprématie de la puissance du Ciel sur les hommes et leurs prises de décisions. Il se produit donc un ensemble très diversifié d’interprétations produites par les hommes, quel que soit leur positionnement géographique sur la planète. Un astre comme la Lune revêt un pouvoir d’influence particulier et puissant établissant des effets néfastes ou fastes sur la vie de chaque individu. L’ère judéo -chrétienne, forte de l’héritage des civilisations de l’Antiquité, met à profit une association des interprétations pour accéder à la connaissance scientifique.

27 Suite au Concile de Trente (la Réforme), la Contre-Réforme est un mouvement initié par les Catholiques pour contrer l’expansion du protestantisme en Europe. Réforme catholique ou contre-réforme, http://www.larousse. fr (consulté le 01/10/2014). 32


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C

La science détrône le Ciel

C’est en Mésopotamie, puis en Grèce, durant l’Antiquité, que les explications mythiques et irrationnelles des signes lus dans les étoiles commencent à être remplacées par l’étude du système solaire à partir de l’observation des planètes. C’est alors que disparaît la distinction entre monde Terrestre et monde Céleste et qu’apparaît la notion d’Univers. Rien dans la science ne s’oppose à ce que l’Univers soit « auto-existant ». La science n’a pas besoin de « l’hypothèse Dieu » pour s’exercer. La position extrême de ce point de vue est exprimée notamment par le biologiste Jacques Monod (1910-1976) qui écrit notamment que « l’homme a émergé par hasard dans un Univers qui lui est complètement indifférent. »1. L’auteur considère que la présence de l’homme au monde est identique à toute existence, sous quelque forme que ce soit. Depuis les découvertes scientifiques de l’astronome polonais Nicolas Copernic (1473-1543) et du physicien et astronome anglais Newton (1643-1727), le Ciel perd son mystère. Au XIXe siècle, dans le roman d’anticipation de Jules Verne, De la Terre à la Lune, le Cosmos n’est plus perçu comme un « ailleurs » inaccessible, mais comme une terre d’exploration possible. Ce qui est alors considéré comme un imaginaire littéraire devient au XXe siècle une réalité. L’invention du télescope marque une étape importante dans l’histoire de l’humanité. Les observations du Ciel liées à son utilisation bouleversent la représentation de l’Univers qu’avaient jusqu’alors les théoriciens. Son invention, en 1608, est attribuée au Hollandais Hans Lip-Pershey, qui est un fabricant de lunettes. Il assemble deux lentilles : une concave et une convexe et crée ainsi la première longue-vue. Galilée l’utilise pour la première fois en 1609 et étudie alors les montagnes de la lune, les phases de Vénus, et découvre les satellites de Jupiter,… Grâce à ces découvertes et ce nouvel outil d’observation, Galilée valide la théorie de Copernic qui montre que la Terre tourne autour du soleil. Les outils d’observation du Ciel se sont multipliés depuis ces trois derniers siècles donnant droit aux passionnés d’astronomie d’effectuer eux-mêmes leurs observations. En ce début du XXIe siècle, il est même possible d’imprimer un télescope grâce à une imprimante 3D dont le coût d’acquisition pour l’astronome amateur ne dépasse pas les 130 euros2.

1 Monod, Jacques, Le hasard et la nécessité. Essai sur la philosophie naturelle de la biologie moderne, Paris, éditions du Seuil, 1970, citation finale. 2 DIY : Imprimez votre télescope en 3D, http://www.additiverse.com/actualites/2014-09-29/diy-imprimezvotre-telescope-en-3d, 29/09/2014. (consulté le 03/10/2014)

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Dans un contexte nettement plus expérimental, les lancements des satellites artificiels dans l’Espace inaugurent une première étape de la conquête spatiale. L’URSS envoie tout d’abord Spoutnik 1 (4 octobre 1957) puis Spoutnik 2 (3 novembre 1957) avec, à son bord, Laïka, une chienne qui est le premier être vivant à aller dans l’Espace. Cette mission permet de savoir si l’être humain est capable de survivre à l’impesanteur, s’il est mis en orbite autour de la Terre. L’expérience fournit des données scientifiques et prépare le terrain pour le premier vol spatial de l’homme le 12 avril 19613. Les lancements de satellites se multiplient à des fins militaires avec, par exemple, le satellite Corona qui permet d’espionner entre autres, l’URSS et la Chine durant la guerre froide, mais également à des fins météorologiques comme le lancement du satellite TIROS-1 en 1960, à des fins de télécommunications comme GEOS-3 qui est un satellite radar. Ces satellites sont utilisés pour communiquer ; ils transmettent des informations d’un point à un autre de la Terre. Toutes les nouvelles techniques d’information et de communication (NTIC) dépendent strictement de ces programmes de lancement de satellites dans le Ciel, qui ont une orbite géostationnaire4. De nos jours, il en existe de nombreux, comme INTELSAT (Américain), son concurrent européen EUTELSAT (Européen) et autre concurrent du Moyen-Orient, ARABSAT (Arabe). Après avoir exploré la planète Terre, c’est tout naturellement que les hommes partent à la découverte du Cosmos. Ces désirs de dévoiler des mystères du Ciel alimentent toutes sortes de fantasmes qui s’expriment sur le plan scientifique dès le XIXe siècle. Par exemple, en 1890, suite à un travail effectué à l’Observatoire de Paris, les astronomes établissent la carte du Ciel incluant des données sur plus de 2 millions et demi d’étoiles, n’ayant jamais été achevée et dépassée par l’astrophotographie dont nous avons déjà parlé précédemment. En 1905, Albert Einstein introduit la théorie de la relativité restreinte. En 1946 apparaît la détection des premières ondes radio d’origine extragalactique. En 1957 s’opère le lancement de Spoutnik 1, le premier satellite artificiel. En 1969, Neil Armstrong et Edwin Aldrin marchent sur la Lune. En 1990 est effectué le lancement du télescope spatial Hubble. En 2008, la sonde Phoenix passe quatre mois sur Mars. Toutes ces étapes montrent que la recherche scientifique d’ordre planétaire, se déroule sur le mode de l’exploration avec des outils scientifiques, et non plus sur un mode de conquête prête à générer des conflits entre les pays, telle qu’elle peut apparaître pendant la Guerre froide, opposant deux blocs, l’Ouest dominé par les États-Unis et l’Est dominé par l’ex Union Soviétique. 3 Youri Gagarine, né le 9 mars 1934 en Russie et mort le 27 mars 1968. Il est le premier homme à voyager dans l’espace durant la mission Vostok 1 le 12 avril 1961. Biographie de Youri Gagarine, http://www.futura-sciences. com, (consulté le 05/10/2014). 4 Ces satellites tournent à la même vitesse que la Terre tourne sur elle-même, ils sont à 36000 km de la Terre. Une orbite géostationnaire signifie qu’ils semblent immobiles depuis la Terre. http://satellites-artifiCiels.emonsite.com (consulté le 01/10/2014). 36


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Ces découvertes spatiales confirment, si nécessaire, qu’il se produit inévitablement une dissociation entre Ciel matériel et Ciel spirituel. Le Ciel des astronomes, celui que nous voyons au-dessus de nos têtes, devient celui des savants et des physiciens. Le Ciel matériel est désormais traversé par des engins comme les avions, les satellites et les fusées. À partir de ces outils de haute technologie, les scientifiques sont désormais entraînés vers l’exploration universelle de l’Espace, qui ouvre de nouveaux horizons pour l’humanité. L’exploration spatiale tente de répondre à des questions multiples sur la place de l’Homme dans l’Univers : La NASA et la Bibliothèque du Congrès ont réuni des scientifiques, des théologiens, des philosophes et des historiens du monde entier pour un congrès de deux jours afin de discuter de la façon de préparer le monde en vue de contacts extraterrestres, qu’il s’agisse des organismes microbiens ou des êtres intelligents5. Les défis liés à l’exploration spatiale permettent d’améliorer les connaissances scientifiques technologiques, mais également philosophiques et métaphysiques. Ces découvertes spatiales sont partagées par l’ensemble des communautés scientifiques à travers le monde et sont donc partagées par les 7 milliards d’hommes sur la planète. En 2011, le robot Curiosity de la Nasa envoyé sur la planète Mars, est équipé de cameras 3D afin d’explorer la planète rouge et de retranscrire les images en relief qui sont visibles sur différents sites de l’internet accessibles nuit et jour au public, où qu’il soit dans le monde. C’est la première fois que les scientifiques mettent à disposition presque immédiatement, leurs découvertes. Ce qui permet également aux astronomes d’interpréter de manière plus exacte l’histoire géologique du sol de la planète Mars. Par exemple, la sonde japonaise Kaguya a, par exemple, permis d’approcher des régions de la Lune inaccessibles par les astronautes6. Ce puissant désir d’explorer le Ciel est fondé par une disposition naturelle à l’homme, la curiosité d’où le nom du robot lancé vers l’exploration de la planète Mars, Curiosity. Le cœur même de l’exploration spatiale, c’est le désir d’explorer l’inconnu et d’utiliser les connaissances obtenues pour servir l’humanité. L’exploration du Cosmos, telle qu’elle se présente depuis le XXe siècle, multiplie des découvertes qui servent par la suite à améliorer les conditions de vie des hommes, qu’il s’agisse de la santé, de l’alimentation et de multiples nouveaux outils qui interviennent dans nos vies quotidiennes. Par exemple, l’énergie solaire aujourd’hui maîtrisée est adaptée pour améliorer les conditions de l’habitat, avec des répercussions sur l’environnement et sur les dépenses d’énergie. Les isolants pour les vêtements sont directement issus des recherches

5 Speigel, Lee, Will ET Be Here Soon? NASA Brings Scientists, Theologians Together To Prepare, http://www. huffingtonpost.com 22/09/2014, (consulté le 02/10/2014). 6 Doyen, Guy, Pourquoi tout le monde devrait s’intéresser à l’exploration spatiale ?, http://www.podcastscience. fm/ (en ligne), 13/09/2013 (consulté le 4/10/2014).

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L’astronaute Chris Hadfield http://nasa.gov

Satelite en orbite autour de la terre Photographie des archives publiques

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faites pour les cosmonautes ; de même les capteurs CMOS initialement développés pour des missions de robotique spatiale sont aujourd’hui présents dans tous les smartphones et appareils photographiques. En découvrant les mystères du Ciel, l’homme prend davantage conscience de la nécessité de protéger ses milieux naturels, son climat et sa qualité de vie. À travers le monde, diverses initiatives citoyennes se créent pour obliger les dirigeants politiques à prendre en compte les résultats des expériences scientifiques menées dans l’Espace. Actuellement, des pôles paradisiaques en Océanie sont menacés de disparition en raison de l’élévation du niveau de la mer suite au réchauffement climatique. La disparition des îles de Kiribati est déjà en marche, soit 32 trente-deux îlots voués à être engloutis dans un délai assez court. Le président de cet archipel est actuellement en négociation avec les îles Fidji pour leur racheter 2000 hectares de terres afin de reloger sa population. Si ces négociations aboutissent, les Kiribati seront le premier État à déménager dans son intégralité pour des raisons climatiques7. Donc la recherche spatiale influence très directement nos modes de vie en transformant la qualité de nos environnements. Mais elle nous informe également sur la qualité du Ciel et leurs influences sur les changements climatiques. Ainsi, en 2014, vient de se tenir la grande conférence mondiale sur le climat. Les négociations, qui ont été engagées pendant ces séances, ont, pour la première fois, bénéficié de l’attention de tous les dirigeants politiques de la planète, montrant ainsi que les découvertes scientifiques élèvent le niveau des connaissances dans les publics et exercent une pression non négligeable sur les prises de décisions pour une meilleure maîtrise des phénomènes météorologiques. La recherche spatiale met en jeu une économie qui fait vivre des milliers d’entreprises à travers le monde, PME ou grandes sociétés. Par exemple, l’entreprise française Arianespace implantée à Kourou en Guyane8 assure un développement économique non négligeable : en 2012, les activités de la base spatiale génèrent plus de 9 000 emplois (directs et indirects), soit 16 % de la population active employée du département, près de 30 % de la masse salariale du secteur privé et de l’ordre de 40 % des recettes fiscales issues de l’octroi de mer. En outre, Arianespace renforce son engagement en Guyane par son implication et sa contribution au travers d’actions sur le terrain en faveur de la jeunesse de ce département: octroi de quatre

7 Ces lieux menacés de disparition, http://www.cityzeum.com/ar/une-menace-de-disparition-qui-plane-sur-plusieurs-points-de-la-planete, (consulté le 02/10/2014) 8 L’impacte économique et fiscal de l’activité spatiale en Guyane, CNES, http://www.arts-et-metiers.asso. fr/uploads/impact_economique_et_fiscal_du_spatial_en_guyane.pdf (en ligne), 15/06/2009, (consulté le 02/10/2014).

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bourses d’études par an, accueil de quatre jeunes diplômés sur une durée d’un an (permettant l’acquisition d’une première expérience professionnelle), participation au financement de voyages pédagogiques et linguistiques9. Sur le plan des ressources en énergies, l’exploration spatiale donne lieu également à de nouveaux espoirs pour exploiter dans le Cosmos des gisements de matières premières, nécessaires à la vie sur la planète Terre. En effet, des astéroïdes présentent en quantités importantes des ressources minières comme le nickel et le fer, des ressources en eau, etc. Cette perspective engendre diverses réflexions pour mettre en œuvre un projet de capture d’astéroïde qui permettrait de tester des technologies de recherche spatiale. Des appels à projets sont actuellement diffusés10. Les recherches sont centrées à la fois sur la capture des astéroïdes, mais également sur la manière de défendre la planète Terre contre toute collision avec un astéroïde ce qui a déjà lieu il y a des milliards d’années11. Finalement, la recherche spatiale amène les hommes à imaginer des nouveaux modes de vie dans le Ciel. Qu’il s’agisse d’une vie professionnelle dans le Cosmos pour exploiter les ressources énergétiques et minières ou d’un loisir lié au tourisme, le temps d’un séjour, le Ciel convoque soudain de nouveaux rêves pour les hommes, en vue d’étendre leur présence dans l’Univers. Là encore cette dimension de vie dans le Ciel est une nouvelle perspective pour l’humanité. L’entreprise américaine Virgin Galactic fondée par le milliardaire Richard Branson propose à ses passagers de vivre quatre minutes en apesanteur12. Les premiers vols touristiques dans l’Espace pourraient avoir lieu dès 201613.

9 Rapport de développement durable 2012, http://www.arianespace.com/images/about-us/Arianespace-SDreport-2012.pdf, (consulté le 04/10/2014) 10 Fritz, J-P, Capturer un astéroïde et en faire une mini-Lune, le projet fou de la Nasa, Le nouvel obs sciences, http://tempsreel.nouvelobs.com, 20/06/2014, (consulté le 10/09/2014). 11 Astéroïdes: le risque de collision avec la Terre est-il sous-estimé ?, http://www.20minutes.fr, (consulté le 02/10/2014). 12 « Annulation des effets de la force d’attraction de la Terre ou pesanteur. », http://www.cnrtl.fr/definition/ apesanteur, (consulté le 04/10/2014). 13 Sirenko, Laurane, Voyage dans l’espace: en 2016, vous pourrez y aller en... montgolfière, http://www. huffingtonpost.fr, 27/06/2014, (consulté le 04/10/2014).

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Decolage de Gemini 5 Photographie des archives publiques. http://nos.twnsnd.co

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Cosmic Latte, inspirations. http://www.pinterest.com/mariemeister/cosmic-latte/

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L’exploration du Ciel pourra à terme permettre d’envisager des déplacements de populations menacées vers des lieux de vie possible dans des contrées du Cosmos. Le Ciel comme lieu de rêve serait-il menacé ? Les prouesses technologiques prépareraient-elles à terme, un désenchantement du Ciel ? ou au contraire, les Ciels, matériels et imagés, sont-ils inexorablement complémentaires ? Par exemple, nous pourrions nous demander de quelle couleur est la couleur de l’Univers ? Cette nouvelle question est proposée à toutes les imaginations de l’homme qui jusqu’à une date récente, est persuadé que le Ciel de nuit est noir, le Ciel de jour est bleu, gris ou orange. Et soudain, grâce à l’exploration scientifique et technique du Cosmos, ces clichés de représentations du Ciel se voient remis en question. En effet, des astronomes de l’Université Johns Hopkins aux États-Unis ont analysé la lumière émise par un échantillon de 200 000 galaxies.

Le résultat indique que l’Univers a une couleur beige renommée Cosmic latte (couleur d’un café au lait, un latte). Cette vision n’est pas perceptible de notre position de Terrien. Qui peut imaginer l’Univers de couleur beige alors qu’on le perçoit de couleur noire ? Cette découverte suscite une curiosité, notamment dans le milieu de la mode et influe sur les cahiers de tendances, sachant qu’elle est devenue une couleur Pantone répertoriée14, série Blanc15. N’est-ce pas là une illustration de la complémentarité de la science astronomique et de la création ? N’y a-t-il pas, à partir de cet exemple, matière à réflexion, dans la perspective du design ? L’exploration scientifique du Cosmos n’est-elle pas en train de devenir une source d’inspiration ?

14 Pantone’s® color #705 15 Meister, Marie, Cosmic Latte, The Average Color of the Universe, http://www.pinterest. com, (consulté le 03/10/2014)

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LE CIEL EN VOIE DE DISPARITION II

A

Des villes dans le brouillard

B

Les peurs de l’ombre

C

Ciels perdus dans l’infini


Š Nicolas Fagot

Hong Kong http://fr.forwallpaper.com

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LE CIEL EN VOIE DE DISPARITION II

Les grandes villes génèrent des environnements pollués, qui, dans la nuit, obscurcissent la voûte céleste. Nous percevons les étoiles grâce à la lumière qu’elles nous renvoient ; dans le même temps, la part d’ombre dans l’obscurité se renforce. Quels sont les nouveaux phénomènes qui influencent nos perceptions ? Dans la nuit, nous ressentons des peurs liées au monde de l’ombre avec des fantômes, des monstres et des malfaiteurs,

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mais aussi des chutes d’objets non identifiés qui font craindre l’effondrement de l’Univers. Le paysage de nuit, étoilé ou non, nous sensibilise à la perspective de l’infini. Mais comment représenter cette image de l’infini ? L’Univers est appréhendé par les sciences et les mathématiques, mais l’homme a besoin de concret pour comprendre des phénomènes, prouvés ou non concernant la naissance ou l’expansion de l’Univers.


Š Bronson Snelling

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II/ Le Ciel en voie de disparition

A

Des villes dans le brouillard

La tour de Babel correspond à un épisode biblique rapporté dans le livre de La Genèse (11:1-9). La Terre ayant été repeuplée après le Déluge, les hommes s’arrêtent dans la vallée de Sennar pour édifier une tour dont le sommet atteint les cieux. Dieu interrompt leur projet en brouillant leur langage, uni jusque-là, et les disperse autour de la Terre. La construction de la tour est le premier projet architectural de la civilisation judéo-chrétienne, tel qu’il nous est restitué par les textes sacrés. De cette représentation imaginée, l’homme a inventé l’architecture des villes. Vers 364-282 av. J-C., la ville d’Alexandrie prend forme sur l’ancienne île de Pharos, s’étend largement à l’horizontale et se dote d’un phare (le premier dans l’histoire de l’Antiquité) d’une hauteur de 117 mètres1. Cette construction en hauteur fait office de miroir le jour pour refléter les rayons du soleil et, la nuit, il s’éclaire au feu, reflétant sa lumière jusqu’à une distance de 50 kilomètres. Cette architecture ne revêt pas de fonction sacrée, mais a pour mission de protéger les navigateurs et d’exprimer la toute - puissance du port maritime. Cette ville possède d’autres trésors d’architecture singularisés par la hauteur des bâtiments, comme la grande bibliothèque ou le tombeau d’Alexandre. Mais il faut attendre la fin du XIXe siècle pour voir s’ériger de nouvelles architectures de type gratte-ciels, à Chicago aux Etats-Unis. Suite à un incendie qui dévaste la ville en 1881, l’ingénieur et architecte William Le Baron Jenney construit un immeuble de 10 étages avec une ossature en acier. C’est cette nouvelle technique de construction en hauteur qui lance le coup d’envoi à la multiplication de tours, d’abord aux USA, puis en Europe, en Asie et au Moyen-Orient. À ce jour, la plus haute tour du monde, se trouve à Djeddah en Arabie saoudite ; elle atteindra 1000 m de hauteur, sa construction débute en avril 2014. La différence entre tour et gratte-ciel se situe au niveau de la fonction du bâtiment. Selon la base de données Emporis, les tours ne sont pas des immeubles. Ce sont des constructions qui remplissent une seule fonction : elles sont bien souvent des tours techniques de télévision ou de communication, comme, par exemple, la Tour Eiffel (325 mètres, Paris), l’Oriental Pearl Tower (468 mètres, Shanghai), la Fernsehturm (368 mètres, Berlin), ou encore la CN Tower (553 mètres, Toronto). De par leur fonction technique, ces tours deviennent des attractions pour les touristes.

1 Bernard, A., « Sur le marbre » du phare d’Alexandrie, Rudolph Habelt GmbH Allemagne, 1997.

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II/ Le Ciel en voie de disparition

Par ailleurs, les gratte-ciels toujours selon Emporis sont des bâtiments multifonctionnels avec des constructions divisées en étages réguliers. Ils comprennent des bureaux, des hôtels, des commerces et restaurants, voire des logements2. Selon la classification d’Emporis, seuls les immeubles de plus de 100 mètres ou de plus de 39 étages peuvent prétendre au terme de gratte-ciel. De cette volonté d’ériger les villes en hauteur, nait le terme de skyline pour traduire un panorama architectural urbain, qui est utilisé non pas pour identifier un seul bâtiment de hauteur élevé, mais un ensemble de tours, à l’exemple de New York, où les gratte-ciels deviennent le symbole de puissance de la ville3. La construction en hauteur des immeubles d’habitation ou à usage professionnel est une activité récente datée du XXe siècle. L’homme construit des villes de plus en plus hautes, à la fois pour créer un symbole, car c’est à son architecture que l’on reconnaît une ville, mais également pour montrer sa puissance. Il faut construire plus beau et plus haut que son voisin, c’est ainsi que naissent alors les gratte-ciels. Paris fait figure d’exception avec le quartier de la Défense réservé aux affaires qui se compose de plusieurs tours de hauteur variable aux alentours de 200m. L’architecture des grandes capitales européennes préserve les bâtiments anciens et fait le choix d’ériger des tours de préférence en périphérie. En Corée du Sud, un projet surréaliste va prendre forme : il s’agit de la première tour invisible, dénommée Infinity, d’une hauteur de 450 m. se plaçant au rang du 6e gratte-ciel le plus haut du monde. Là, la technologie apporte ses compétences : par un faisceau de capteurs qui enregistrent des images de l’environnement en partant du sol jusqu’au Ciel, la structure sera alors camouflée par ce dispositif d’images4. La construction de gratte-ciels permet de faire des économies en termes de gains de superficie pour loger le plus grand nombre d’habitants. Ce type d’architecture permet d’investir aujourd’hui dans des projets de haute technologie, notamment dans les domaines de l’écologie, qualité de l’environnement, etc. À cela s’ajoutent des qualités esthétiques qui font de ces bâtiments les témoins de l’art contemporain du XXIe siècle. Alors que ces architectures grandioses s’élèvent vers le Ciel, le regard des hommes, par nature, est attiré vers le bas. Quels sont les obstacles qui empêchent de regarder le Ciel ?

2 http://www.emporis.com/ 3 Marteau, V., Le paysage New-Yorkais au tournant du siècle à travers la photographie et les guides, éditions Belin, 1985, p. 442-443. 4 Le gratte-ciel invisible «Tower Infinity» va devenir réalité en Corée du Sud, Le HuffPost, 16/09/2013, http://www.huffingtonpost.fr/2013/09/16/photos-tower-infinity-projet-fou-gratte-ciel-invisible-coree-dusud_n_3933048.html, (consulté le 06/10/2014). 50


II/ Le Ciel en voie de disparition

L’urbanisation et l’industrialisation provoquent de puissants phénomènes de pollution atmosphérique, visibles à travers un épais brouillard qui recouvre les grandes agglomérations. L’exemple vient de Londres dans les années 1950 et de Pékin depuis le début des années 2000, deux capitales dont l’atmosphère se trouve fortement polluée par les fumées. Vivre dans le brouillard, c’est vivre sans voir le Ciel. Ce brouillard est une manifestation de pollution atmosphérique qui a forcément des conséquences sur la qualité de vie des habitants entrainant l’aggravation de pathologies diverses, notamment respiratoires. Le droit à une information environnementale générale fait l’objet d’une directive européenne en juin 1990. C’est le premier texte qui prévoit de prévenir le public des niveaux de pollution. À Paris, l’association Airparif a pour mission de surveiller quotidiennement la qualité de l’air et de publier les résultats des mesures effectuées5. Finalement, notre regard vers le Ciel se modifie. Avant l’industrialisation les Ciels sont sources de rêves (Ciel bleu) ou sources de peurs (foudre, tonnerre). Mais la relation entre l’homme et le Ciel se situe aussi au niveau du regard, selon un axe bas et haut ou inversement. Avec l’amplification des données mesurant les taux de pollution de l’atmosphère, l’alerte est donnée dans le monde entier sur les dangers de la population atmosphérique. Le Ciel est devenu, en termes de représentations, une voûte que l’homme va tenter de dépolluer à l’avenir. Désormais, l’homme va faire lui-même un travail sur la qualité du Ciel. Ce qui n’a jamais été imaginé jusqu’à présent. La pollution visuelle est l’ensemble des dégradations visuelles qui portent atteinte aux paysages et au cadre de vie, à commencer par le sac en plastique accroché dans l’arbre. Les infrastructures telles que des ponts, des lignes électriques hautes tensions, sont souvent déclarées d’utilité publique et leur réalisation prime sur d’autres considérations, comme la préservation des paysages. Les surfaces urbaines sont occupées par des images commerciales, publicitaires ou médiatiques. La ville devient un mur d’images à vocation marchande : le but c’est de faire rêver le consommateur et non pas l’individu. Donc ces images commerciales ne nous donnent plus envie de regarder le Ciel, d’autant qu’il est difficile à percevoir en ville. Ce n’est qu’en sortant de la ville et en rejoignant des paysages naturels que le regard se réapproprie une relation avec le Ciel, enfin visible. Les slogans publicitaires jouent avec le mot Ciel et font rêver le consommateur. Air France propose à ses clients « de faire du Ciel le plus bel endroit de la Terre », EDF crée sa nouvelle marque commerciale Bleu Ciel « pour que chacun ait un coin de Ciel bleu »6. 5 Boutaric, F., Pollution atmosphérique et action publique, éditions rue d’ULM, 2014. 6 Campagnes de publicités de l’agence, BETC Euro RSCG

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II/ Le Ciel en voie de disparition

La lumière représente les sources d’activités humaines. Lorsque l’on regarde les cartes de la Terre vue de nuit, nous pouvons voir les zones éclairées, là où la population est dense. Ces éclairages de nuit peuvent être nécessaires, par exemple, pour les voies de circulation ou l’éclairage sécuritaire. Cependant, malgré son utilité, la visibilité du Ciel peut être altérée par l’éclairage intensif des agglomérations. Actuellement, la ville la plus lumineuse du monde est Hong Kong dont les habitants multiplient les plaintes à ce sujet, car cette pollution lumineuse provoque des souffrances physiques et psychiques. Aujourd’hui, il y a une sorte de compétition entre les capitales éclairées. Mais à Paris, la nuit est encore réservée au sommeil et au rêve, donc les éclairages sont volontairement élaborés pour ne pas être violents. Le noctambulisme de Paris est réputé, et donne lieu à une autre vie, avec ses travailleurs, ses habitués, ses activités. Le noctambulisme est une pratique sociale de loisir qui se déploie uniquement la nuit. Mais dans le même temps le noctambulisme met en jeu des activités particulières qui s’inscrivent uniquement dans un paysage de ville dans la nuit. C’est le monde des ombres qui dominent alors sachant que l’ombre par définition est cette part de manque de lumière. Ce n’est pas forcément une chose négative, comme l’écrit Roberto Casati, qui estime que « toute ombre est belle et bonne à penser »7. Les Occidentaux ont peur des ombres, la nuit, mais au Japon, l’architecte, relié aux traditions de sa culture, célèbre l’ombre à l’intérieur de ses maisons : « Mais ce que l’on appelle le beau n’est d’ordinaire qu’une sublimation des réalités de la vie, et c’est ainsi que nos ancêtres contraints à demeurer bon gré malgré dans des chambres obscures, découvrirent un jour le beau au sein de l’ombre, et bientôt ils en vinrent à se servir de l’ombre en vue d’obtenir des effets esthétiques. »8. L’ombre donne au paysage un nouvel aspect. La frontière entre réalité et imagination est alors abolie, comme l’écrit Platon dans le Mythe de la Caverne. C’est alors que surgit en soi ce sentiment d’inquiétante étrangeté. En revanche, l’excès de lumière perturbe les rythmes biologiques et dérègle les horloges internes. La pollution lumineuse nous fait perdre la beauté du Ciel étoilé. Les observatoires des villes perdent leur fonction première. La pollution lumineuse est une menace sérieuse pour les amateurs et les professionnels de l’astronomie. L’acceptation

7 Roberto Casati, La découverte de l’ombre. De Platon à Galilé, une énigme qui a fasciné tous les grands penseurs de l’humanité, Albin Michel, Paris, 2002 8 Junichiro Tanizaki, Eloge de l’ombre, ALC, 1977 (en français), p. 51

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II/ Le Ciel en voie de disparition

de la terminologie « pollution lumineuse » est aujourd’hui quasiment unanime dans la communauté scientifique. Les astronomes ont ainsi été rejoints, dans leur dénonciation de l’utilisation à outrance et souvent anarchique de l’éclairage artificiel, par des écologues, des chronobiologistes et aujourd’hui certains médecins spécialisés dans les rythmes du sommeil chez l’homme9. La pollution lumineuse perturbe les rythmes des oiseaux et autres espèces animales de nuit. Pour toutes ces raisons, un arrêté du 25 janvier 2013 relatif à l’éclairage nocturne des bâtiments non résidentiels vise à limiter les nuisances lumineuses et les consommations d’énergie10. Mais la pollution peut encore se présenter sous un tout autre aspect qui est directement lié à l’abondance des images dans la société de consommation. Le Ciel urbain et notamment le Ciel de nuit sont en voie de disparition. La nuit noire est à considérer comme un actif environnemental fort. A partir de tous ces constats, voilà que la communauté scientifique se mobilise pour obtenir « un droit à la nuit » afin de préserver la biodiversité11, mais pas seulement, car la vision du Ciel, comme nous l’avons vue précédemment, construit des pans de notre patrimoine culturel, intellectuel, spirituel, scientifique et affectif. « Massacrer le Ciel c’est supprimer toute profondeur à notre horizon »12.

9 Deleuil, J.M, Eclairer la ville autrement - Innovations et expérimentations en éclairage public, Presses Polytechniques Romandes, 2009, chapitre 10. 10 Arrêté du 25 janvier 2013 relatif à l’éclairage nocturne des bâtiments non résidentiels afin de limiter les nuisances lumineuses et les consommations d’énergie, texte n° 28, page 1810, JORF n°0025 du 30 janvier 2013. http://www.legifrance.gouv.fr/ 11 Challeat, S., « Sauver la Nuit »Géographie de la pollution lumineuse, Thema, 2011. 12 Las Vergas, O., Ne plus avoir peur de la nuit, 2008, pdf en ligne, http://www.afanet.fr/Expo_Songe_dune_ nuit_etoilee/pdf/Guide-Nuit.pdf (consulté le 06/09/2014) 53


II/ Le Ciel en voie de disparition

© Thierry Cohen San Francisco, le 9 octobre 2010. 37° 48’ 30’’ N de latitude nord. Temps sidéral : 20h58

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II/ Le Ciel en voie de disparition

© Thierry Cohen Shanghai, le 19 mars 2012. 31° 14’ 39’’ N de latitude nord. Temps sidéral : 14h42

Le photographe français Thierry Cohen parcours le monde et travaille depuis 2010 sur une série destinée à sensibiliser l’opinion publique sur le phénomène de pollution lumineuse, “Villes éteintes“.

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© Jean Philippe Lebée

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II/ Le Ciel en voie de disparition

B

Les peurs de l’ombre

Dans le récit du Petit Prince de Saint-Exupéry, la cinquième planète, la plus petite de toutes, a juste « assez de place pour loger un réverbère et un allumeur de réverbères ». Le Petit Prince ne comprend pas très bien la fonction de cet allumeur de réverbères. « Peut-être bien que cet homme est absurde. Cependant il est moins absurde que le roi, que le vaniteux, que le businessman, et que le buveur. Au moins son travail a-t-il un sens. Quand il allume son réverbère, c’est comme s’il faisait naître une étoile de plus, ou une fleur. Quand il éteint son réverbère, ça endort la fleur ou l’étoile. C’est une occupation très jolie. C’est véritablement utile puisque c’est joli. »13.

L’arrivée de l’électricité au XIXe siècle transforme les paysages urbains mais également, les imaginaires des citadins. Premier changement : l’arrivée de la lumière artificielle dans la ville introduit un nouveau personnage, l’allumeur de réverbères. Celui-ci, en mettant de la lumière dans les quartiers de la ville, génère simultanément la perception de l’ombre. C’est cette ombre qui va diffuser des peurs, des fantasmes, des illusions d’optique, sans lien avec des perceptions rationnelles. Comment mettre en scène la peur de la nuit ? La nuit électrique invente le clair-obscur qui est à l’origine des peurs d’être agressé, des peurs d’être victime, des peurs d’être surpris… Pourtant, des villes comme Paris, ont appris à tirer profit de leur nuit et aujourd’hui les touristes viennent admirer Paris et ses bâtiments éclairés. À ce propos, la manifestation annuelle de la fête des Lumières à Lyon du 5 au 8 décembre, à l’origine d’une fête religieuse pour célébrer la Vierge Marie, réunit des dizaines d’artistes qui maitrisent les jeux de lumière électrique et produisent des spectacles fascinants pour les publics à voir sur les bâtiments de la ville, mais aussi sur le Rhône et sur la Saône. En Asie, une tradition séculaire appelée la Lanterne Kong Ming, ou Lanterne céleste, en vogue aujourd’hui pour célébrer les fêtes et les mariages, consiste à lancer des ballons à air chaud dans le Ciel de nuit. Les lanternes sont conçues pour voler tant que le brûleur reste allumé, puis elles redescendent lentement du Ciel. Ces lanternes sont ignifugées et sont moins dangereuses qu’un feu d’artifice qui est également un spectacle de nuit.

13 Saint-Exupéry, Antoine, Le petit prince, Gallimard, 1999.

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II/ Le Ciel en voie de disparition

Mais dans le même temps, l’enfant a peur de la nuit ; alors il demande une petite lampe allumée pour ne pas avoir de cauchemars ; dès que la nuit s’éclaire avec des moyens techniques et artisanaux, elle se transforme en moment de magie et de spectacles merveilleux. Effacer le Cosmos revient presque à éloigner l’homme de sa condition animale en lui ôtant ses peurs et ses fantasmes. Mais l’existence de l’homme est programmée par le rythme jour- nuit et donc éveil et sommeil. Dans Archéologie du Toucher, Daniel Heller - Roazen, citant Platon expose que chaque sens correspond à un seul et unique couple de qualité opposée14. Pour le goût c’est le doux et l’amer, pour l’ouïe c’est l’aigu et le grave, pour la vue, c’est le clair et l’obscur. Sur un plan anthropologique, la nuit et le déluge correspondent à des significations communes. Selon La Genèse, l’obscurité précède le jour. Dans le folklore, la nuit produit des vampires, des monstres, qui s’emparent des corps et des âmes. Elle serait le propre du Diable15. De la peur du noir de la nuit, l’homme éprouve la peur du vide. Le vide signifie un espace clos dépourvu de matière, donc de lumière. Le vide s’oppose au plein. Mais sauter dans le vide est une expression qui signifie que le sol disparaît du regard. Le vide de l’Univers signifie que la matière y est très peu abondante, contrairement à la Terre où la matière sous forme liquide, solide et gazeuse est partout. «La nature a horreur du vide», écrit Aristote. Dans l’Univers, le jour et la nuit n’existent pas et, faute d’atmosphère dense, l’Univers demeure éternellement noir. De même dans l’Espace, il n’y a pas de sons, par absence de support pour les transmettre. Néanmoins, vide, ne signifie, pas pour autant que l’espace est dénué d’activités. Ainsi, des échanges d’énergie se produisent par rayonnement, sachant que la lumière des étoiles nous parvient. De la même façon les ondes radio, utilisées pour les communications entre les satellites et la Terre, sont effectives dans l’espace. Ce sont les ondes électromagnétiques qui se propagent sans support matériel. Autrement dit, le vide spatial n’est pas absolu : « Plonger son regard sur le noir du Cosmos, donne vraiment l’impression que le regard, comme il porte sur rien, comme dans un vertige, il nous attire vers l’infini ».16 Le vide spatial comprend des atomes, des poussières, des débris solides de toutes sortes. Ces débris, les plus gros d’entre eux peuvent constituer un danger pour la planète Terre. Du coup, le Ciel produit des menaces que les hommes perçoivent. D’ailleurs, sur le plan historique on trouve diverses expressions du Ciel menaçant. Ainsi le théologien allemand Luthers Werke (1483-1546) raconte une vision dont il a été le témoin : 14 Heller-Roazen, D., Une archéologie du toucher, Editions du Seuil, 2007, p. 23 15 Gwiazdsinski, L. La nuit, dernière frontière de la ville, Editions de l’Aube, 2005. p. 8. 16 Jean-Pierre Haigneré, astronaute français dans l’emission de radion Bob vous dit toute la verité, 21/02/2014. 58


II/ Le Ciel en voie de disparition

« J’ai vu, il y a peu de temps, deux merveilles, Et voici la première : j’étais à la fenêtre et je voyais les étoiles dans le Ciel et la belle voûte de Dieu ; mais je ne voyais pas le moindre pilier, sur lequel l’artisan ait pu poser une telle voûte ; et cependant le Ciel ne tombait pas et la voûte tenait vraiment bien. Certes quelques-uns cherchent les piliers et voudraient les saisir de leurs mains, les sentir… et comme ils ne le peuvent pas, ils s’agitent et tremblent de peur que le Ciel ne s’écrase très certainement pour cette seule cause : ils ne tiennent ni ne voient les piliers. »17. La vision ici provient non pas

d’un phénomène réel, mais de ce que l’imagination en fait. Nous voyons, grâce à notre perception oculaire, ce qui est visible mais nous ne voyons pas l’invisible. Pourtant, nous sommes capables de pressentir ce qui pourrait être vu. C’est l’intangible des sens. Le sens même de « vision » sur un plan général désigne le fait de voir les couleurs, les formes sachant que les radiations lumineuses déterminent des perceptions sensorielles. La vision définit un moyen d’accéder au Ciel, peu importe son état et sa couleur. Dans un tout autre contexte, les Gaulois, ardents guerriers que rien n’effraie pas même le Ciel, sont représentés dans la bande dessinée Astérix et Obélix, comme craignant la colère du dieu du Ciel, qu’ils traduisent par l’expression « que le Ciel nous tombe sur la tête ! ». La théorie selon laquelle les Gaulois redoutaient la colère de Tanaris, le Dieu du Ciel est fausse. D’après Olivier Tosseri, dans l’ouvrage 150 idées reçues sur l’Histoire, cette expression ferait référence au courage et à la violence des Gaulois. De 700 à 500 av. J.-C., sur les territoires compris entre l’Atlantique, la mer Baltique et les Balkans, de nombreuses conquêtes sont Gauloises. En 390 av. J.-C., Brennos conquiert Rome, ce qui est vécu comme un traumatisme et une crainte par les Romains. Lors de la rencontre avec Alexandre Le Grand en 335 av. J.-C., pour signer un traité d’amitié, les Gaulois avouent qu’ils ne redoutent qu’une seule chose : la chute du Ciel sur leur tête. Autrement dit, les Gaulois n’ont peur de rien. Mais l’expression familière « le Ciel nous tombe sur la tête ! » popularisée par Astérix et Obélix, évoque néanmoins une peur bien réelle du monde contemporain. Ainsi, le 16 octobre 2013, un fragment géant de météorite chute dans l’Oural en Russie. Une pluie de fragments de météorites, plus d’un millier, tombe, en février 2013, au-dessus de Tcheliabinsk, en Sibérie, faisant plus de 1600 blessés dans la région. Les études de plus en plus précises sur ces mouvements d’astéroïdes dans le Cosmos génèrent des peurs de toutes sortes, non seulement les chutes pourraient occasionner des désastres sur la planète, mais les gens redoutent que des êtres vivants viennent attaquer la Terre pour des différents motifs, notamment celui de voler nos ressources.

17 Cité par Alexis Philonenko, La liberté humaine dans la philosophie de Fichte, Vrin, 1980. p. 333.

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II/ Le Ciel en voie de disparition

Mais l’Univers, issu d’une gigantesque explosion, n’est pas non plus rassurant. Ce fameux Big Bang, terme inventé dans les années 1950 (au cours d’un programme de la BBC) par l’astrophysicien anglais Fred Hoyle, pour désigner le concept «d’explosion originelle», est une théorie cosmologique décrivant l’origine et l’évolution de l’Univers, théorie selon laquelle l’Univers aurait été formé par une explosion gigantesque il y a environ 13,7 milliards d’années. De cette explosion est né l’Univers. Aujourd’hui le cinéma ou la télévision s’emparent de ce sujet pour diffuser des films comme ce documentaire intitulé La magie du Temps, illusion du Cosmos, diffusé sur Arte en 201218. En vulgarisant les connaissances scientifiques, on réduit les peurs irraisonnées liées à celles de l’inconnu. L’homme alors accède librement au Cosmos. L’autre théorie, celle du Big Crunch, dessine d’un des possibles destins de l’Univers. Il décrit son effondrement correspondant à une phase de contraction faisant suite à la phase d’expansion. Ce mouvement crée un « Big Bang à l’envers », ramenant le Cosmos à son point d’origine annulant l’espace et le temps. Vers la fin de cet effondrement, l’Univers aura atteint une densité et une température gigantesques. Cette situation se produit selon les propriétés de son contenu matériel, en particulier les valeurs relatives de sa densité d’énergie et de sa densité critique. De nombreux cosmologistes, depuis la fin des années 1990 suite à la découverte de l’accélération de l’expansion de l’Univers, pensent que l’expansion pourrait se poursuivre indéfiniment, admettant le Big Crunch comme inévitable. Selon Stephen Hawking, si l’Univers continue de s’étendre de manière infinie, des explosions successives vont émettre des particules qui ne seront plus assez proches les unes des autres pour recréer des étoiles19. Toutefois l’accélération de l’expansion ne peut être affirmée faute d’une présentation théorique confirmée. Dans le film Mister Nobody de 2009, le Big Crunch est symbolisé par un véritable retour en arrière, avec des symboles pris dans notre dimension humaine : le temps et les actions se rembobinent. Cette représentation est finalement moins terrifiante qu’un véritable effondrement. La perspective de l’effondrement de notre planète est largement discutée au sein de la communauté scientifique, mais donne lieu à des interprétations différenciées, et finalement peu de cosmologues y croient véritablement. En revanche, les hommes sont sollicités par leurs sensations et leur imaginaire pour craindre l’effondrement du Ciel. On retrouve une telle perception au XVIIe siècle, chez le poète anglais John Donne qui décrit dans un poème intitulé L’Anatomie du monde (1611) l’effondrement du Cosmos en réponse au sentiment de désarroi vécu par les découvertes scientifiques de l’époque. Dans ce long

18 Greene, Brian, La magie du cosmos, 4eme épisode, doccumentaire scientifique Arte, 2012 19 Hawking, Stephen, Une brève histoire du temps : du Big Bang aux troues noirs, Flammarion, 1999. 60


II/ Le Ciel en voie de disparition

poème de plus de 500 vers, le poète anglais explique que l’image harmonieuse du Cosmos est terminée. Désormais, notre monde est usé et stérile et n’est plus capable de produire. C’est une mélancolie sombre qui envahit le poète dominé par un sentiment de perte. On retrouve le même ton chez Hamlet. L’effondrement du Cosmos entraîne l’égarement de l’homme. « Car la beauté du monde est flétrie ou perdue, Beauté née des couleurs et juste proportions. Dans les cieux nous pensons que la sphère étoilée A gardé sa rondeur, embrassant l’Univers ; Pourtant les mouvements complexes et changeants, Observés au cours des âges, ont obligé L’astronome à forger tant d’excentriques cercles, Tant de lignes verticales ou transversales, Que la forme pure est ruinée. »20

Mais cette image de l’effondrement est également liée aux représentations et aux croyances religieuses de la fin du monde. Autre questionnement qui en découle, la fin de l’homme équivaut-elle à la fin du monde ? L’imaginaire s’empare de ces questions et convoque toutes sortes d’images. Le pouvoir religieux monothéiste encourage largement cette perspective avec les thèmes du Jugement dernier et de la résurrection des morts. Finalement l’effondrement du Ciel ou de la Terre donne lieu à des spéculations irrationnelles. Un exemple est donné en 2012, avec la prédiction, par le peuple des Mayas, de la fin du monde, le 21 décembre 2012. Les médias se sont emparés de ce sujet, donnant la parole à des citoyens convaincus de l’arrivée éminente de ce phénomène. Beaucoup d’autres fins du monde sont programmées dans les années à venir. Ce thème donne lieu à une exploitation marketing, prévoyant notamment des systèmes de protection pour les survivants, avec des bunkers et leurs aménagements, des armes, etc.

20 http://www.melancholia.fr/manierisme/spip.php?article37 (consulté le 04/11/2014)

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II/ Le Ciel en voie de disparition

Nous entrons dans l’irrationnel de la peur. Nous pouvons alors nous laisser envahir mentalement par une production d’images. « Les images peuvent nous mettre à l’écart de l’action, mais elles nous placent directement au centre de la peur. Ou tout au moins elles soulignent, dessinent, accentuent la peur » écrit Georges Didi-Hubermann qui place les images au centre de la culture21. Les images sont des « choses visuelles » qui, dans le lexique de Didi-Hubermann, dessinent en elles-mêmes des lieux ou des paysages ; les images « n’apparaissent que comme des paradoxes en acte où les coordonnées spatiales se déchirent, s’ouvrent à nous et finissent par s’ouvrir en nous, pour nous ouvrir et en cela même nous incorporer. »22. Le paysage prend forme parce qu’il est vu par l’œil, sachant que c’est l’œil qui est le centre de production des images ; celles-ci cristallisent en elles- mêmes les couleurs, les formes, les sensations, reproductibles à l’infini dans le corps de celui qui regarde. La peur comme sensation intérieure du corps rentre en relation avec un dispositif dont elle dépend, qui met en synergie la chose vue et celui qui la voit dans un environnement sombre, noir, ténébreux. « J’eus un mouvement de désappointement. Une espèce de trou dans l’obscur, voilà ce que j’avais devant les yeux ; j’étais comme un homme à qui l’on dirait : regardez, et qui verrait l’intérieur d’une bouteille à l’encre. Ma prunelle n’eut d’autres perceptions que quelque chose comme une brusque arrivée de ténèbres. Toute ma sensation fut celle que donne à l’œil dans une nuit profonde la plénitude du noir. »23.

Du 14 février au 7 septembre 2014, au Palais de Tokyo à Paris, l’exposition intitulée L’Etat du Ciel, met en scène un état du monde sous l’angle d’une prise de position politique dans « un temps où voir est déjà une manière d’agir ». Le propos ainsi développé souligne l’état du réel, exprimé par des artistes contemporains, comme Hiroshi Sugimoto ou Angelika Markul ou Thomas Hirschhorn, état du réel composé de craintes, d’alertes, de révoltes et d’utopies. L’art contemporain vient ainsi compléter les résultats des recherches scientifiques qui sont certes vulgarisées mais ne permettent pas pour autant d’en donner des représentations tangibles par l’image. Quels sont les moyens dont nous disposons pour appréhender le réel ?

21 Potte-Boneville,M., Zaoui, P. Vacarme, n°37, 2006, pp. 4-12 22 Didi-Huberman, Georges, Ce que nous voyons, ce qui nous regarde, Paris, Éditions de Minuit, coll. « critique », 2004, p. 194 23 Hugo, Victor, Le promontoire du songe, Gallimard, collection l’Imaginaire, p .6

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Big Crunch http://www.eso.org/public/images/eso0644a

Big Bang Š Florent Grattery

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Neptune Photographie des archives publiques. http://nos.twnsnd.co 64


II/ Le Ciel en voie de disparition

C

Ciels perdus dans l’infini

Qu’est-ce que l’Univers ? Roland Lehoucq, astrophysicien au Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) de Saclay, définit l’Univers comme l’ensemble de toutes les choses possibles, sachant que ce dernier se distingue de l’Univers observable, correspondant à une partie finie de l’Univers, qui serait composé de tous les objets dont on a déjà reçu de la lumière24. Nous ne connaissons pas la taille du Cosmos. Jean-Pierre Luminet observe que l’une des plus grandes recherches de la cosmologie depuis vingt-cinq siècles vise à connaître sa taille et sa forme : « L’Espace a-t-il une texture ? Est-il plat, cabossé, courbé, plié, lisse, rugueux, granuleux ? Est-il fini ou infini ? A-t-il des extrémités, des trous, des poignées ? […] »25. L’Univers est-il fini ou infini ? Mais l’infini existe-t-il ? Les chercheurs reconnaissent que, pour le moment, l’infini n’est pas connu : « De façon unanime, les cosmologistes affirment que notre Univers est infini. On montre ici que l’utilisation de ce concept d’infini pour mesurer l’Univers n’est pas cohérente du point de vue physique et qu’elle présente le danger d’ouvrir la porte à des spéculations irrationnelles » écrit Christian Magnan, astrophysicien et professeur au Collège de France26. En contemplant la voûte céleste, la nuit, le Ciel semble avoir des bords, ou des parois. L’Univers, avec des bords, est paradoxal, car cela suppose qu’il y aurait autre chose de l’autre côté du bord? C’est cette impression qui nous submerge lorsque nous regardons, de jour, la ligne de l’horizon. Joseph Silk, cosmologiste anglais, professeur à l’Université Pierre et Marie Curie, affecté à l’Institut d’astrophysique de Paris, étudie ces questions qui mettent en rapport Univers et infini27. Ses recherches tendent à invoquer le fait que l’Espace serait compact, donc fini. Mais comme l’écrit le chercheur, ces questions, actuellement, n’ont pas de réponses scientifiques : « L’Univers a des limites finies ce qui signifie que la quantité d’informations spécifiée à tout moment est finie et rend le futur peut être moins passionnant en ce sens qu’il pourrait être prévisible »28. 24 Lehoucq, R., Qu’est ce que l’Univers ?, vidéo, février 2014, http://www.thinkovery.com/lehoucq, (consulté le 08/10/2014). 25 Luminet, J-P., L’Univers chiffonné, Fayard, 7 mars 2001, p. 120. 26 Magnan, C., L’infini des cosmologistes : réalité ou imposture, 2012, http://www.lacosmo.com/infini-encore. html, (consulté le 10/10/2014). 27 Silk, J., L’Univers et l’infini, Odile Jacob, 2005, p. 258. 28 Ibid., p. 257

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L’astrophysicien vietnamo-américain Thuan pense que si l’Univers est fini, la lumière émise par certains objets (étoiles, galaxies) dans l’Espace ferait plusieurs fois le tour de l’Univers29 : « En principe, si l’Univers était fini la lumière de certaines étoiles et galaxies auraient fait plusieurs fois le tour de l’Univers avant de parvenir jusqu’à nos télescopes. Nous devrions alors voir des images d’objets célestes qui se répètent. Or les astronomes n’ont jamais vu de telles images doublonnées (à part les mirages cosmiques créés par les lentilles gravitationnelles, phénomène tout à fait différent). Même si nous n’observons pas d’images qui se répètent, nous ne pouvons pour autant en conclure que l’Univers est infini. »30.

Ces notions, fini et infini, impliquent les dimensions d’infiniment petit et infiniment grand appliquée à l’Univers qui mettent en jeu des calculs mathématiques selon des graduations d’échelle. L’échelle en calculs mathématiques est un moyen de mesure de comparaison « selon un tableau servant à mesurer des grandeurs physiques »31. Ce sont des multiplications par 10, correspondant à des puissances de 10. Victor Hugo en fait l’expérience qu’il rapporte ainsi : « - Je ne vois rien, dis-je. Arago répondit : - Vous voyez la lune. J’insistais : - Je ne vois rien. Arago reprit : - Regardez. Un instant après, Arago poursuivit : - Vous venez de faire un voyage. – Quel voyage ? – Tout à l’heure, comme tous les habitants de la Terre, vous étiez à 90 000 lieux de la lune. – Eh bien ! – Vous en êtes maintenant à 225 lieux. – De la lune ? – Oui. C’était là en effet le résultat du grossissement de 400 fois. J’avais, grâce à lunette, fait sans m’en douter cette enjambée, 89 775 mieux en une seconde. »32.

29 Thuan, Trinh Xuan, Désir d’infini: Des chiffres, des Univers et des hommes, Fayard, 2013, p. 310. 30 Ibid., p. 154 31 Définition Echelle, http://www.cnrtl.fr/lexicographie/échelle 32 Hugo, V., op.cit., p. 33

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L’Univers s’observe sous différentes échelles, comme on peut le voir dans la synthèse des priorités du CNES33. Une liste des observations à réaliser y est proposée selon différentes méthodes d’échelles : par exemple, observer l’Univers dans le domaine des rayons X, observer l’Univers lointain dans l’infrarouge proche ou l’Univers proche dans l’ultra-violet. Ce que nous savons aujourd’hui, c’est qu’il faut plusieurs années (des dizaines de milliers d’heures) pour atteindre les premières étoiles, ce qui signifie que compte tenu de leur taille (il faut 5 secondes de lumière pour parcourir un diamètre solaire), les étoiles sont isolées les unes des autres. En proportion, l’étoile Soleil et ses voisines sont comme des oranges situées à 2 000 kilomètres les unes des autres34. Dans le même contexte, un site internet existe aujourd’hui, qui montre l’échelle de l’Univers sous forme de puissances de 10 associées à des images que l’on peut zoomer et dé-zoomer ce qui a pour effet de diminuer ou d’augmenter ces puissances35. À 100 m soit 1m on peut voir une fleur au milieu de l’herbe. À 105m (100 000m) on distingue une forêt puis à 106 m la France, à 108 m la planète Terre apparaît seule dans l’Espace. Lorsque l’on s’éloigne encore à 1015 m (1000 milliards de km) le système solaire se réduit à un point. Le maximum atteint est 1026m, à cette distance on aperçoit la structure en filament des regroupements de galaxies. Dans le sens inverse, en zoomant de plus en plus sur la fleur, nous pouvons voir à 10-5 m (0.00001 m) les cellules végétales de celle-ci, à 10-9 m ses molécules jusqu’à atteindre 10-18 m qui est l’échelle du Quark, composant le proton. Nous ne savons pas encore si le Quark possède, lui-même, une structure. La théorie de l’expansion, que nous avons évoquée précédemment, dit que l’Univers peut s’étendre à l’infini. Les données recueillies depuis 3 ans par le satellite WMAP de la NASA livrent des informations sur le Big Bang au cours duquel, en un millième de milliardième de seconde, l’Univers est passé d’une taille submicroscopique à des dimensions astronomiques. C’était il y a 13,7 milliards d’années. Le satellite de la NASA a capté une image exacte de notre Univers tel qu’il devait être 380 000 ans après son émergence. Les astronomes de la NASA déclarent que «la théorie de l’expansion de l’Univers était un concept étonnant quand des astrophysiciens l’ont proposé pour la première fois et aujourd’hui on est en mesure de l’appuyer avec de vraies données»36. Selon le schéma généralement admis, l’explosion initiale est suivie d’une phase d’expansion extrêmement rapide et très brève (un millième de milliardième de seconde), appelée l’inflation. Dans

33 S. Basa, Groupe A&A, Séminaire de prospective scientifique, La Rochelle, 17- 20 mars 2014. www.cnes.fr (consulté le 02/11/2014) 34 Magnan,C., L’infini : ça n’existe pas !, 2012, http://www.lacosmo.com/infini.html (consulté le 10/10/2014) 35 http://www.jf-noblet.fr/p10/index.htm# 36 http://www.cnes.fr/web/CNES-fr/5089-international-theorie-de-lexpansion-de-lunivers-confirmee.php

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II/ Le Ciel en voie de disparition

la 1ère seconde se forment les particules, neutrons, protons, électrons, qui constituent la matière ordinaire ; l’Univers est alors rempli d’un plasma chaud et opaque de particules chargées. Après 380 000 ans pendant lesquels l’expansion de l’Univers s’est poursuivie tandis qu’il se refroidissait, ces particules s’assemblent pour former des atomes neutres d’hydrogène et d’hélium. L’Univers devient alors transparent. Le rayonnement micro-onde qui remplit l’Univers entier et qu’étudie le satellite WMAP est la relique du flash lumineux qui a traversé l’Univers lorsqu’il est devenu transparent. Outre la question de la taille de l’Univers, une branche mathématique, appelée Topologie, s’intéresse aux propriétés des espaces invariants. En cosmologie, la topologie apporte un intérêt complémentaire à l’étude géométrique en déterminant son contenu, sa masse, sa matière et son énergie37. La topologie, c’est, étymologiquement l’étude des lieux, elle est importante dans la cosmologie, car elle permet d’étudier la structure de l’Espace, de quoi celui-ci est composé. L’Espace a-t-il une forme ? Cette question est surprenante, car il est difficile de se représenter mentalement l’Espace. Dans cette recherche cosmologique, alors que d’innombrables images télescopiques nous parviennent et sont mises d’ailleurs à notre disposition, nous ressentons une impression de désorientation, dans cet Univers impalpable qu’on ne peut ni toucher, ni sentir ni se le projeter mentalement : « La désorientation est la perte de repères, du sens de la direction que l’on se donne en référence à un centre, à des pôles fixes »38. Nous sommes limités par le concept de la dimension et celui de la matérialité. Plus nous apprenons les connaissances scientifiques relatives au Cosmos et plus notre imaginaire collectif et nos croyances religieuses ou métaphysiques s’effondrent. La grande inquiétude qui surgit en l’homme met en avant le fait qu’il serait seul dans l’Univers. Mais dans le même temps, l’engouement pour le Cosmos de la part des publics laisse penser que progressivement l’homme va s’habituer à penser l’Univers sachant que « si bornée soit en vérité la nature humaine, elle porte pourtant en elle – celui lui est innervant – une très grande part d’infini. »39. L’infini n’est pas l’apanage des scientifiques, mais il concerne tout autant les philosophes, les théologiens, etc.. On peut noter également que les arts de l’islam ont tenté d’exprimer le sentiment d’infini par la répétition périodique d’un même motif dans l’Espace, visible dans l’architecture, la céramique, la sculpture. À partir d’une interdiction faite par le Coran (Vie siècle apr. J.-C.) de représenter le monde tel qu’il est avec les hommes, les animaux, les végétaux, etc. les artistes se sont tournés vers les représentations de la géométrie.

37 Luminet,J-P., Illuminations: Cosmos et esthétique, Odile Jacob, 2011, p. 201. 38 Maldiney, H., Penser l’homme et la folie, Editions Jérôme Millon, 2007, p. 151 39 Cantor, G., Gesammelte Abhandlungen Mathematischen und Philosophischen Inhalts, Berlin, J. Springer, 1932, p.176-177. 68


II/ Le Ciel en voie de disparition

L’artiste néerlandais Escher (1898-1972) propose une œuvre graphique singulière représentée notamment par des escaliers en perspective d’infini, par la répétition des motifs géométriques donnant l’illusion de pavages sur la surface du papier. Toujours en utilisant la géométrie, il donne l’illusion d’optique et crée un monde sur-réel qui tente de s’approcher de la dimension cosmique. Quelle éthique adopter dans l’Univers infini ? Dans un Univers infini, tout est répétition, rien n’est original. Les notions de bien et de mal, voire même la sacralisation de la vie, pourraient être remises en cause. Thuan écrit que : « Imaginez vous dans un Univers infini. Le montant total du bien (ou du mal) dans cet Univers serait infini. Ce qui veut dire que rien de ce que nous pouvons faire de bien (comme sauver des vies) ou de mal (comme tuer) ne ferait la différence, car ajouter ou soustraire quelque chose à une quantité infinie donne toujours un résultat infini. Alors, à quoi bon agir si nous ne pouvons aucunement modifier le cours des choses ? »40. L’auteur pose la question des croyances religieuses, prenant comme exemple dans le christianisme, la figure du Christ sauveur et rédempteur. « Dans un Univers infini, il y aurait une infinité de mondes qui aurait aussi besoin d’un Christ sauveur et rédempteur. »41. On pourrait imaginer un espace où le mal serait uniquement sur Terre et le bien tout autour dans le Cosmos ou monde extra-Terrestre.

40 Thuan, op.cit., p. 238 41 Ibid., p. 240

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II/ Le Ciel en voie de disparition

Islande 2012 Š Natalia Lazarevic 70


Ainsi, nous pouvons dire que toutes les civilisations ont projeté leurs croyances dans le Ciel. Ce qui rend ce rapport au Ciel et aux astres intéressant est qu’il est une partie essentielle de notre patrimoine culturel, intellectuel, spirituel, scientifique et affectif. Cependant le développement des villes crée une rupture spirituelle entre l’homme et le Ciel alors que c’est le rapport au Ciel et aux astres qui a construit notre relation au monde. Masquer le Ciel c’est perdre la mémoire et le rapport que l’on a avec le passé. Malgré son aspect terrifiant dû aux éléments scientifiques encore inexplicables et à notre incapacité de se représenter l’Univers mentalement,

l’accès au Ciel nous a permis de conceptualiser et créer. Perdre cette relation signifierait rendre l’Univers totalement virtuel, car l’homme perdrait la connaissance sensible. Il est important de se rappeler le bien- être que procure la contemplation d’un Ciel étoilé. Préserver et respecter le Ciel sont donc des opérations indispensables pour nous permettre de prendre conscience de notre place au milieu des planètes, des étoiles et des galaxies, de l’Univers extraordinaire qui nous entoure. « Regarder (…) c’est une expérience » dit Didi Huberman. Le voyage intersidéral ne serait-il pas cette expérience qui donne accès aux merveilles du Cosmos ?

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INITIATION AUX VOYAGES COSMIQUES III

A

Le Cosmos, un nouveau territoire pour l’imaginaire

B

Puissance des désirs : les tendances cosmiques

C

Les merveilles du Cosmos impliquées dans la réalité


Philae, Jean-Charles De Castelbajac, le 12 novembre 2014.

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INITIATION AUX VOYAGES COSMIQUES III Que signifie le voyage intergalactique ? Le voyage, par définition, c’est un déplacement qui prend effet, dès l’instant où l’on part de chez soi, et qui ouvre sur le dehors. Le voyage est un moyen de saisir le réel et de s’affranchir des désirs et des besoins faciles, rassurants et confortables. Le voyage reflète la vie et, de ce fait, réunit des exigences. Le voyage, c’est un cheminement qui n’est pas forcément lié à un nombre de kilomètres. Il n’est donc pas strictement physique, il peut également être spirituel.1

1 MICHEL, F., Désirs d’ailleurs: essai d’anthropologie des voyage, Paris, Armand Colin, 2000

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Dans la mesure où ce voyage dans l’Espace est imaginaire, comment alors le rendre accessible ? Le fantasme apparaît comme étant la seule voie permettant d’accéder au temps de l’aventure dans le Cosmos. Ainsi, l’art tire profit de l’imagination la plus farfelue pour véhiculer des images à partir desquelles émergent des désirs. Comment dans notre société de consommation, ces désirs peuvent-ils influencer les tendances en design et marketing?


Le voyageur. Š Julien Pacaud. 76


III/ Innitiation aux voyages cosmiques

A

Le Cosmos, un nouveau territoire pour l’imaginaire

Nous proposons de considérer l’Espace Cosmique, non plus sous l’angle scientifique ce qui a été fait jusqu’à présent, mais en relation avec l’imaginaire désignant la capacité d’un groupe ou d’un individu à se représenter le monde à l’aide d’un réseau d’association d’images qui lui donne un sens. Les images produites peuvent être des représentations, des récits ou des mythes plus ou moins détachés de ce qu’il est d’usage de définir comme la réalité. Sur le plan individuel, l’imaginaire témoigne de la libre subjectivité de la personne. Au XIXe siècle, les romans de Jules Vernes ouvrent la voie à un nouveau genre littéraire qui va prendre de l’ampleur tout au long du XXe siècle, la science fiction. Il s’agit pour les auteurs de susciter chez le lecteur des émotions liées uniquement au prospectif. Dans De la Terre à Lune de Jules Vernes2, l’auteur imagine le premier voyage sur la Lune à l’aide d’un gigantesque canon. Il dévoile alors des rêves cachés. Les principaux sujets de la science-fiction sont issus d’un monde technologique, dans un contexte de vulgarisation scientifique. Ce genre littéraire est aujourd’hui parfaitement installé dans le paysage éditorial avec ses auteurs et ses lecteurs. La science-fiction décline différentes sous-catégories avec des thèmes diversifiés, comme les guerres intergalactiques, le planet opéra3, le space opéra4, la fin du monde, les robots, les mutants, la 4e dimension, les mondes parallèles. Les grands auteurs du XXe et XXIe siècle sont Isaac Assimov et Philip K. Dick. Au théâtre, la pièce Urbik Orbik, mise en scène par Joris Mathieu en 2012, tirée de l’œuvre Urbik de Philipp K. Dick, est un bel exemple de l’adaptation d’un texte de science- fiction. Urbi Orbi est la bénédiction du pape qui signifie « À la Ville et à l’Univers. ». Ces termes illustrent et résument l’idée principale de la pièce. Phil, un écrivain de science - fiction avec une imagination débordante, rencontre un inventeur nommé Maury, qui a découvert le moyen d’engendrer des extensions physiques de notre Univers. Les deux hommes créent MicroWorld Inc., une entreprise qui propose aux gens de quitter le macro - monde et de voyager dans des micro-mondes entièrement issus de l’imagination de Phil. La base centrale du dispositif scénographique de cette pièce est la technique du Pepper Ghost. 2 Verne, J., De la Terre à la Lune. Éditeur Pierre-Jules Hetzel, 1865 3 Le planet opera est un genre de science fiction également appelé romance planétaire. Ayant pour sujet une nouvelle planète mystérieuse à découvrir et explorer sous toutes ses formes (faune, flore, ressources). 4 Le space opera est également un genre de science-fiction qui a pour caractéristique des histoires d’aventure épiques ou dramatiques se déroulant dans un cadre géopolitique complexe. Exploration spatiale à grande échelle, guerres intergalactiques et rigueur dans le réalisme scientifique. Apparu formellement au début des années 1940. 77


III/ Innitiation aux voyages cosmiques

Ce système permet la création d’images virtuelles et d’hologrammes avec des projections à grandes échelles et met ainsi en avant les mondes virtuels qui sont le sujet principal de la pièce. La scénographie a pour effet de faire perdre ses repères. Les espaces évoluent, se transforment. Par moment, la perspective se réduit ou s’agrandit jusqu’à s’étendre dans toute la salle5 grâce à l’aide d’illusions d’optique. En revanche les œuvres de science-fiction déferlent dans le monde du cinéma. D’après notre enquête (voir annexe), sur 100 personnes interrogées, 49% admettent que la science-fiction est le moyen le plus divertissant de s’intéresser au Cosmos. Au niveau de la production cinématographique internationale, on retient sur 181 films de science -fiction, 76,4% sont américains, 9.2% sont anglais, 5,6% sont français (chiffres 2012). Les œuvres majeures dans ce domaine sont Le Voyage dans la Lune de Méliès (1902), qui est le premier film ayant pour sujet l’Espace, 2001 l’Odyssée de l’Espace (1968), Star Wars (1977), Star Trek (1960), Gravity (2013), puis le film attendu en 2014, Interstellar. Les films de science -fiction illustrent les thèmes du voyage astronautique, en mettant l’accent sur les prouesses technologiques et l’évolution de l’homme. Ce type de cinéma met en images le pouvoir de l’homme, qui devient un héros de l’Espace, en général pour sauver la planète Terre. Dans le film Another Earth, sorti en 2011 et réalisé par Mike Cahill, une nouvelle planète identique à celle de la Terre apparaît un jour dans le Ciel ; par la suite des groupes d’individus vont pouvoir s’y installer après une sélection fondée sur une lettre de motivation. Ce film met en avant la volonté de l’homme à vouloir voyager dans l’Espace, non plus pour trouver de nouvelles ressources ou sauver la planète, mais pour se sauver lui -même. L’homme souhaite découvrir l’ailleurs afin de pouvoir réparer ses erreurs et de tout recommencer à zéro. Les imaginaires orientés vers la science-fiction dans son sens le plus large touchent tous les domaines d’expression, à commencer par l’art et la littérature. Les artistes se présentent alors comme des interprètes des découvertes scientifiques, voire des médiateurs ou des passeurs. Lucien Rudaux (1874-1947), astronome, scientifique, passionné d’astronomie depuis sa jeunesse, tente en 1930 de représenter d’une manière imaginée la Terre vue de l’Espace. Il essaie de restituer un monde qui ne sera observable qu’à partir de la conquête spatiale. Ses planches de dessins colorés ou non, consacrés aux paysages lunaires,

5 Une lumière est projetée sur l’écran et sur le fond de la scène donnant une impression de 3D un peu à la manière de la Géode à la Cité de La Vilette .

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III/ Innitiation aux voyages cosmiques

se révèleront les plus proches des réalités rapportées par la Mission Appolo en 19616. Le télescope Hubble révèle au monde de nouvelles images du Cosmos comme des nébuleuses ou des galaxies, sous forme de photographies. Ce voyage galactique façonne la sensibilité des artistes du début du romantisme jusqu’à la fin des avant-gardes7. Les artistes comme Brancusi, Delauney, Miro, Klein, par leur peinture abstraite, veulent libérer le monde de la gravité et enfin ignorer les notions de haut et de bas. La rétrospective de Lucio Fontana en 2014 au musée d’art moderne de Paris, remet au goût du jour le mouvement Spatialiste, dont il est l’un des principaux fondateurs et qu’il définit dans de nombreux manifestes notamment : le manifesto blanco et le manifesto spaziale. L’artiste déclare alors que « L’ère spatiale doit trouver son écho dans l’art spatial »8. Fontana, dans son œuvre, élabore des compositions concentriques ou en spirale évoquant le Cosmos. Le space art est un mouvement original situé entre deux événements, après la naissance de l’activité spatiale (Spoutnik 1957) et dix ans après que des hommes aient foulé le sol lunaire (Apollo 11 1969) et se développe à partir des années 1970. Pierre Comte est l’un des pionniers de ce mouvement. Le space art est « une mouvance complexe, exigeant des connaissances extérieures à l’art pour pouvoir faire des propositions crédibles et créant des œuvres exigeant, elles, des moyens souvent pharaoniques. D’où la rareté des plasticiens Space Art et la rareté de leurs créations. »9. Les musiques électroniques s’inspirent du monde de l’Espace. On remarque des liens étroits entre astronomes et musiciens, l’Univers des sons se rapproche de l’Univers spatial. Le compositeur Gérald Grisey, après avoir rencontré l’astronome et cosmologiste Jo Silk, crée cette œuvre intitulée Le Noir de l’étoile, dans les années 1990, qui raconte la rencontre d’une étoile mourante et de 6 musiciens, qu’elle guide. Florent Marchet avec son œuvre Bamby galaxy (2014) crée de la musique Pop cosmique. Et la chanteuse islandaise Björk avec son spectacle Biophilia (2011) présente un spectacle conçu comme une exploration multimédia de la musique, de la nature et de la technologie. Les titres des œuvres musicales sont empruntés à l’Espace : Moon, Crystalline, Cosmogony, Solstice. Comme on le voit, le Cosmos influence dans la démarche de création musicale, à la fois le fond et la forme.

6 Poirier-Haudebert, Sophie, De la Terre aux étoiles : Lucien Rudaux, 1874-1947, illustrateur et photographe donvillais, Archives départementales de la Manche, 2010. 7 Clair, J., Cosmos : du romantisme à l’avant-garde, Gallimard, 1999. 8 Fontana, L., Manifesto del movimento spaziale per la televisione, 1951. 9 Biographie space art Pierre Comte, http://www.pierre-comte.com/. 79


III/ Innitiation aux voyages cosmiques

Les artistes s’approprient les nouvelles connaissances cosmologiques de la science et forgent de nouvelles perceptions, vraies ou erronées, à la recherche des interstices entre ce que l’on voit et ce que l’on croit. Le Cosmos devient un support à de nouvelles interrogations, des revendications, des remises en question par rapport à notre propre mode de vie. Le Ciel ne deviendrait-il pas un nouveau terrain d’expérience pour le développement de l’humanité ? Le champ de la rationalité ouvre de nouvelles perspectives imaginaires qui illustrent une dualité incontournable entre rêve et raison. Chaque nouvelle connaissance scientifique ouvre une nouvelle représentation imaginaire à partir de laquelle l’homme crée de nouveaux besoins et à terme de nouvelles réalisations. Ainsi le voyage intergalactique qui était jusque-là un fait de science-fiction devient actuellement un fait du possible. Plus c’est vrai et plus on rêve, et plus on rêve et plus cela va devenir réel. Le voyage dans l’Espace ne justifie pas d’abandonner la Terre. Au contraire, plus on fantasme vers l’ailleurs, et plus on garde la bonne distance avec la planète Terre. Or c’est d’elle aussi qu’il s’agit quand l’homme part dans l’Espace. « Regardez encore ce petit point. » écrit Carl Sagan, « C’est ici. C’est notre foyer. C’est nous. Sur lui se trouvent tous ceux que vous aimez, tous ceux que vous connaissez, tous ceux dont vous avez entendu parler, tous les êtres humains qui n’aient jamais vécu. Toute la somme de nos joies et de nos souffrances, des milliers de religions aux convictions assurées, d’idéologies et de doctrines économiques, tous les chasseurs et cueilleurs, tous les héros et tous les lâches, tous les créateurs et destructeurs de civilisations, tous les rois et tous les paysans, tous les jeunes couples d’amoureux, tous les pères et mères, tous les enfants pleins d’espoir, les inventeurs et les explorateurs, tous les professeurs de morale, tous les politiciens corrompus, toutes les “superstars”, tous les “guides suprêmes”, tous les saints et pécheurs de l’histoire de notre espèce ont vécu ici, sur ce grain de poussière suspendu dans un rayon de soleil. La Terre est une toute petite scène dans une vaste arène cosmique. »10.

Le milliardaire américain Elon Musk, fondateur de plusieurs entreprises de renommée internationale, comme Paypal, ebay, etc. investit actuellement dans sa société Space X. pour le lancement de satellites, pour la création de vaisseaux spatiaux qui reviennent sur Terre et peuvent rapporter des charges d’orbite ; il fait travailler ses équipes sur le projet de coloniser la planète Mars. Il espère envoyer les premiers hommes sur la planète rouge d’ici une dizaine d’années, espérant ainsi être dans la capacité de créer des cités extra- terrestres d’ici peu. Les fantasmes d’Elon Musk sont en voie de réalisation et montrent bien que l’humanité du XXIe siècle est entrée dans une période où le Ciel lui devient accessible. Cependant le vendredi 31 octobre 2014 le vol d’essai du vaisseau SpaceShipTwo de la société Virgin Galactic du britannique Charles Branson s’est écrasé, suite à la défaillance d’un moteur, entraînant la

10 Sagan, Carl, Pale Blue Dot: A Vision of the Human Future in Space, Random house, 1994, Chapitre « You are here », p. 8-9. 80


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mort de l’un des deux pilotes. Cet accident compromet désormais la recherche des vols spatiaux touristiques. Ce secteur, s’il doit être maintenu et porteur d’espoir, suppose de prendre en compte plusieurs problématiques liées à la réalisation d’un voyage dans l’Espace. Outre les matériels de transport, comme la fusée ou le vaisseau, et les innovations technologiques permettant à quelques 500 astronautes à travers le monde entier, rigoureusement entrainés sur le plan physique et psychique, de se déplacer dans le Ciel, il faut prendre en compte de nouveaux paramètres de sécurité pour que les hommes puissent éventuellement s’adapter à un nouvel environnement. Quels seront les besoins que les hommes vont exprimer pour s’accommoder à de nouvelles normes de temps et de l’espace ? Comment le corps humain va-t-il réagir dans les conditions spatiales ? Comment le nourrir, le vêtir, le soigner ? Quelle sera sa relation avec Dieu ? Les religions existeront-elles encore ? Comment écrira-t-il sa généalogie ? Quelles seront ses relations avec le passé ? Ses ancêtres ? Sa mémoire ? Comment son cerveau va-t-il pouvoir s’adapter à ces nouvelles conditions d’existence sur une autre planète ? D’innombrables questions préalables à la préparation de ces voyages dans l’Espace devront trouver des réponses, touchant à la vie quotidienne, ainsi qu’aux façons de penser et de ressentir. La mise en réalité du voyage intergalactique, ce qui était jusqu’alors un fantasme, convoque forcément des angoisses, des peurs, des inquiétudes, mais aussi des enthousiasmes et des certitudes, chez l’homme.

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Affiche du concert de Sebastien Tellier et The Magician, Paris, 20 novembre 2014

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B

Puissance des désirs: les tendances cosmiques

Nous partons de ce postulat selon lequel le concept du nouveau dans tous les domaines, intellectuel, psychique, physique, spirituel, matériel, implique que les hommes sont happés par le désir du « jamais vu », du « jamais fait », ce qui familiarise avec la pensée du futur. Dans notre enquête, 60% des personnes interrogées aimeraient visiter une autre planète de la galaxie. Du coup, on se projette dans l’avenir beaucoup plus aisément que les générations précédentes. L’exploration du Cosmos, de manière scientifique et technologique, a des répercussions sur nos sensations, sur nos émotions et sur nos désirs. Le désir se situe à la frontière du réel. C’est comme dans un paysage borné par la ligne d’horizon : il suffit de la franchir pour arriver de l’autre côté, passer de l’autre côté du miroir11. L’autre côté, c’est l’inconnu, dans le sens de ce qui n’a jamais été connu, ce qui est inexploré, ce dont on n’a aucune connaissance. En conséquence, de quoi se compose l’inconnu ? Y a-t-il du réel ? Y a-t-il du virtuel ? On ne sait pas. Dans l’œuvre de Franck Michel Désirs d’ailleurs, l’auteur évoque l’ailleurs comme un sentiment, comme un 7e sens que l’on ne pourrait pas contrôler. Selon lui, le voyage est une affaire de sens. « Voyager c’est changer d’histoire de vie avant même de changer de lieu. »12. La toute première frontière que l’on doit franchir pour être un voyageur est celle du sentiment. Le désir de voyager est avant tout déterminé par une envie de réapprendre à douter, à penser, à contester. Le voyage, c’est défier la banalité du quotidien. Il commence là où s’arrêtent nos certitudes. Le désir des voyages intergalactiques est né du fait que tout ce qui est sur Terre est connu ou découvert, mis à part les profondeurs de l’océan. Chaque île, jusqu’alors cachée, est découverte grâce aux satellites. Par conséquent, le voyage dans les étoiles fait rêver et nourrit le désir instinctif de l’être humain. Certaines marques de Haute couture ou de cosmétiques suscitent ces mêmes désirs dans la communication de leurs produits. La maison Guerlain cultive, depuis sa fondation, une relation privilégiée avec l’imaginaire de l’Espace. En 1933, Jacques Guerlain crée le parfum Vol de nuit, suite aux traversées aéronautiques de Mermoz et de Saint-Exupéry. En 1987, Guerlain lance sa première Météorite, intitulé La lumière céleste, un écrin avec des perles de poudre, avec

11 Caroll, Lewis, Les aventures d’Alice aupays des merveilles, 1871, Editions Denoël, 1931 12 Michel, F., Désirs d’ailleurs: essai d’anthropologie des voyages, Presses Université Laval, 2004, p-10.

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ce slogan appliquée au produit « la lumière pure maitrisée par Guerlain »13. Le créateur commente ainsi sa création : « La lumière se décompose en couleurs de l’arc-en-ciel. Ces couleurs isolées, à nouveau réunies sur le visage, redeviennent lumière pure. Le principe des météorites est né ». La communication de la collection qui comprend aujourd’hui neuf produits, exploite le thème de la lumière pure en juxtaposant des métaphores du Ciel, toujours associées à la lumière et à la pureté. Dans cette communication, Guerlain est identifié comme le réinventeur des poudres, celui qui crée un Big Bang : « qui éclipse les autres poudres. Finie la houppette. La poudre ne s’envole plus. Un geste ludique. Corriger, unifier, éclairer… Chaque couleur joue son rôle à la perfection. Et le visage prend parfaitement la lumière, attire l’œil, comme une photogénie au quotidien. » Le lexique des messages emprunte ses termes au monde de l’Espace, pluie de météorites, constellation multicolore, etc. Le pouvoir sémantique traduit cette collection en termes d’innovations technologiques associées à un savoir-faire traditionnel. Le succès de cette collection ne pouvait être que planétaire. L’Odyssée de l’Espace est le thème de la revue AD Décoration du 18 septembre 2014, tendance confirmée par le salon Maison & Objet 2014. En mobilier, les designers sur l’édition de 2014, répercutent les tendances intergalactiques. Le Cabinet Saturne de Nicolas Aubagnac, en bois précieux recouvert d’une laque nuagée bleu nuit, l’intérieur du meuble étant de couleur orange comme Saturne. Posé sur des pieds, le meuble répertorie les différentes lunes en orbite autour de Saturne. Il est décoré à la feuille d’or blanc. Aussi, onze assiettes dites Cosmic Diner, rondes légèrement creuses, issues de la collaboration entre Seletti et Diesel Living, représentent les neuf planètes du système solaire, la lune et le soleil. La particularité, c’est que chaque assiette étant dimensionnée à l’échelle de la planète qu’elle représente, la collection d’assiettes reproduit à une échelle tangible le système solaire. Avant de pénétrer le prêt-à-porter, les Univers cosmiques sont présents dans le monde de la Haute couture, avec notamment Thierry Mugler et ses parfums Angel et Alien. Sous l’impulsion du directeur artistique Formichetti de Thierry Mugler Couture, arrivé en 2010, il redonne à la maison, un air d’avant-garde en matérialisant une image d’androïde futuriste, robot cosmique, guerrière de l’Espace. Depuis 2012, la tendance à l’imaginaire cosmique se répand largement dans les imprimés textiles, intervenant dans la mode vestimentaire. En témoigne notamment la dernière collection Balmain 2014.

13 http://www.guerlain.com/fr/fr-fr/meteorites

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Une enquête de 2012 publiée par Trend Hunter Fashion Pro, indique que sur un échantillon de 2974 personnes, la tendance accessoire sur le thème cosmique séduit davantage les femmes que les hommes, et plutôt des adolescentes et de jeunes adultes14. Il y a de la lumière et de la vie dans le Cosmos mais aussi des couleurs et de la beauté. C’est ce qui justifie le merveilleux. Le monde cosmique est vendeur. C’est pourquoi les tendances marketing s’imposent depuis quelques années autour d’un imaginaire en lien avec les nébuleuses, exprimé dans un langage poétique ou non, qui préside à la conception et la fonction d’un objet technologique ou innovant, encourageant le désir et finalement l’achat du produit. Donc les marchés ont besoin des tendances pour des secteurs de consommation de masse nécessitant des rouages de grande distribution. Les tendances désignent une notion correspondant à l’orientation constatée pour une série de données selon une certaine période. Désormais, les cabinets de tendances décident des styles, des goûts, des couleurs, des formes qui se manifestent autant dans le prêt-à-porter que dans l’agroalimentaire, le marché de l’électronique, l’art culinaire, etc. Le monde cosmique inspire des créations de nouveaux matériaux. Sur le site MateriO, on découvre Un morceau de Cosmos (06.10.2014) obtenu à partir d’une mousse d’aluminium fabriquée par injection de gaz au moment de la fusion du métal15. Elle est habituellement utilisée en isolation ou dans l’industrie automobile, cachée derrière la carrosserie et le capot ; en design, elle est réutilisée dans la collection Métallique Géologie visible dans les galeries Pearl Lam sous forme d’objets artistiques fonctionnels comme une lampe ou une boîte à thé. Autre innovation, Maps to the stars (30.09.2014) est un textile conçu à la demande du MIT, « pour survivre dans le vide de l’Espace » sachant que « les hommes ont besoin de pression, d’oxygène et d’une constance thermique. » Ce textile requiert des qualités spécifiques pour mouler tout le corps, le système de compression étant inclus dans le système lui-même : des fils métalliques à mémoire de forme sont soumis à un courant électrique et se contractent sous l’effet de la chaleur. L’utilisation de cette innovation technique et technologique est envisagée à court terme dans la fabrication des matelas et des coussins à mémoire de formes. Et à long terme, cette technologie servira à vêtir les hommes habitant dans l’Espace.

14 Cosmic Couture, 2012, http://www.trendhunter.com/protrends/cosmic-couture 15 Un morceau du Cosmos, 2014, http://www.materio.com. 85


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Collection Galaxy, Christopher Kane, 2012

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Cosmic Diner, colaboration Seletti et Diesel. Maison & Objet 2014.

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Le directeur artistique, Stefano Pilati de la maison Yves Saint Laurent a créé une combinaison en cristaux pour la tournée Biophilia de l’artiste iconoclaste Björk. Pour ce pèlerinage musical, l’artiste s’est inspiré de l’esthétique de systèmes planétaires fabuleux où les galaxies stellaires vibrent sous les déflagrations solaires et gravitent en un carrousel sidéral harmonieux. Une iconographie surréelle illustre l’un des costumes de scène de la chanteuse : une combinaison entièrement composée de cristaux bruts. Conçue à partir de l’une des silhouettes de la collection printemps-été 2009 de la maison Yves Saint Laurent, la tenue minérale explore les frontières de la matière et de la couture et semble, selon les mots de l’artiste islandaise, « avoir passé des millions d’années à se former dans une cave secrète ». On notera en dernier lieu que la chirurgie esthétique peut amener à des extrêmes, influencés par le désir cosmique. Les frères jumeaux Bogdanov, Igor et Grichka, tous deux passionnés d’astronomie dès leur jeunesse qui ont construit leur notoriété sur la vulgarisation scientifique du Cosmos à la télévision dans les années 200016, ont modifié les formes de leur visage devenu anguleux, avec des traits tirés, les pommettes saillantes, le front bombé et un menton proéminent. Ils sont devenus des « créatures », des aliens. Sur le même plan, on découvre que les jeunes japonais ont recours à des injections de solution saline pour modifier leurs visages afin de paraître étranges et extra-terrestres. « S’inspirer du Cosmos, de son esthétique porteuse de rêve, respecter les rythmes des cycles des planètes pour en tirer des bénéfices naturels de bien-être, de détente ou de qualité et de conservation augmentées des produits. » (Cahiers de tendances Peclers.) constituent autant de critères actifs aujourd’hui pour préparer demain. Dans Le bruit des nuages17, Peter Greenway se questionne sur les attentes du voyage dans les airs. Il en conclut que le voyage, comme désir d’évasion, n’est pas seulement un mouvement à partir du dedans vers le dehors, mais c’est aussi une tension entre intérieur et extérieur. L’appel du Ciel, comme réalité psychique, agissante en chaque individu, est l’élément déclencheur dans la perspective du voyage. Alors, notre esprit peut s’échapper même si nos pieds ne peuvent pas quitter le sol. On rêve d’être nomade alors même que la société de consommation dans laquelle nous sommes nous force à la sédentarisation. Ancrés forcément dans la réalité, nous rêvons de vivre une vie extra-ordinaire. Or les enjeux de la société de consommation se cristallisent autour de nos désirs d’échapper à la banalité de la vie de tous les jours. Dans ce contexte, comment l’imaginaire cosmique peut-il favoriser l’accès à un quotidien intense et exceptionnel ?

16 Emission Rayon X sur France 2, 2002 à 2007. 17 Greenway, Peter, Le bruit des nuages, Réunion des Musées Nationaux, 1993. p. 22 88


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La condition Humaine, Duan Michals, 1969.

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Planetarium de Rennes, octobre 2012. http://www.ensemble-en-regions.fr

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C

Les merveilles du Cosmos impliquées dans la réalité

D’après notre enquête, un peu plus de 90% des personnes interrogées savent reconnaître la Grande Ourse dans le Ciel. Et 54% savent reconnaître au moins quatre objets célestes. L’astronomie des savants est aussi celle des amateurs. On observe ce phénomène dès les premières grandes découvertes scientifiques du XVI-XVIIe siècle. Alors que le roi Louis XIV encourage la magnificence des arts et des sciences, le roi Louis XV met en pratique les connaissances enseignées et se passionne pour l’astronomie ; durant son règne, se développe une curiosité pour le « Très Grand », l’observation du Ciel et des astres et le « Très Petit », l’observation par le microscope de ce que l’œil nu n’atteint pas18. En janvier 1754, une pendule astronomique est installée dans le cabinet des pendules. Inventée par l’ingénieur Claude-Siméon Passemant, elle est réalisée par l’horloger Louis Dauthiau pour le mécanisme, et par les sculpteurs et bronziers Jacques et Philippe II Caffiéri pour la boîte. Elle indique la date, l’heure réelle, l’heure moyenne, les phases de la lune et le mouvement des planètes d’après Copernic. Mesurant plus de 2 m. de haut, cette œuvre en rocaille est couronnée d’une sphère mouvante. La Terre est représentée par un globe de bronze sur lequel tous les pays sont gravés avec les villes principales. Louis XV fait venir à sa Cour les astronomes Cassini II et son fils Cassini de Thury, les frères Lemonnier, l’un astronome et l’autre médecin-botaniste, le chirurgien Lapeyronie, et parmi les courtisans, le duc de Chaulnes qui est un l’inventeur réputé d’instruments de mesure. Louis XV constitue des collections d’instruments scientifiques dont certaines pièces sont uniques en leur genre comme dont la pendule de Passemant. En 1750, dans le parc du Château de La Muette il fait ériger un Cabinet de Curiosités, ayant pour vocation d’être à la fois un laboratoire scientifique et un musée ; il confie la direction de ce lieu scientifique à un homme religieux, bénédictin et érudit ; ce dernier y organise des démonstrations pour les aristocrates qui viennent en foule visiter l’établissement19. La grande vogue des Cabinets de curiosités dans toutes les villes de France se répand également en Europe. Et si ces musées privés sont en général constitués pour présenter des pièces uniques, singulières, mais aussi étranges, les sciences aiguisent bien souvent la curiosité de ces nouveaux publics, et l’astronomie et les appareils d’optique fascinent. Le Ciel semble à portée de mains. Les frères Monfgolfier lancent leur premier ballon à air chaud en 1783.

18 Guillerme, A., De la diffusion des sciences à l’espionnage industriel, XVe-XXe siècle, ENS Editions, 1 janv. 1999, p. 113-115 19 http://www.madamedepompadour.com/_fra_pomp/galleria/design/architt/castelli/lamuette.htm 91


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Le XIXe siècle va poursuivre ces observations. Les hommes ne se lassent plus de regarder les merveilles du Cosmos. Les astronomes découvrent de nouvelles planètes (Uranus en 1781, Neptune en 1846), la nature gazeuse de la surface du soleil ainsi que certaines étoiles, des météorites, des comètes, la Voie lactée (que l’on commençait à appeler la galaxie), les nébuleuses, etc. Ce progrès des connaissances est soutenu par des institutions comme le Bureau des longitudes, créé en 1795, et l’Observatoire de Paris fondé en 1667. Ces observateurs du Ciel s’organisent en une sorte de réseau à travers l’Europe, ce qui va permettre de mettre au point en 1887 la première « Carte du Ciel». Ainsi dès son origine, les savants et les amateurs partagent leurs savoirs et leurs découvertes, comme quoi le Ciel appartient à l’humanité. L’association française d’astronomie (AFA) fédère l’ensemble des activités des groupes d’astronomes amateurs, ainsi que les recherches scientifiques des professionnels. Elle agit en faveur d’une astronomie participative : « Dans le champ de l’astronomie, comme dans la plupart des autres domaines des sciences dites «naturelles», ces pratiques sont loin d’être nouvelles : les «amateurs» ont toujours joué des rôles variés, allant de simples aides pour l’observation de phénomènes répétitifs ou pour des surveillances systématiques en prévision de comètes ou de novæ jusqu’à celui d’érudits bénévoles, voire de mécènes dialoguant d’égal à égal avec les astronomes rémunérés. »20. Dans ce cadre, en 2012, 24 programmes d’observation du Cosmos ont été retenus, ce qui mobilise la participation d’environ 700 personnes, qui totalisent environ 18 000 séances d’observation (nuit ou jour)21. La collaboration entre amateurs et scientifiques s’est accrue ces dix dernières années sachant que les performances de plus en plus pointues des instruments d’observation augmentent de façon considérable les flots de données à exploiter de façon précise. Les amateurs d’étoiles selon le temps dont ils disposent et selon la qualité de leurs matériels peuvent ainsi contribuer aux développements des savoirs en astronomie. En France, des festivités autour du Cosmos se succèdent tout au long de l’année, bien relayée par la presse. La plus importante des manifestations est La Nuit des étoiles, qui a lieu entre la fin juillet et le début du mois d’août. À titre indicatif, le bilan de la manifestation pour l’année 2013, établit que plus de 175 000 personnes soient 10 000 personnes de plus que l’année précédente ont participé à cette fête, chiffre auquel il faut ajouter 281 515 internautes, une progression d’audience de 35% par rapport à 2012. Des voyages astronomiques sont également organisés.

20 Ministère de la recherche, Astronomie collaborative : enquête sur les sciences participatives en astronomie, AFA 2013, p. 5 21 Ibidem, p. 10 92


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Pour chaque événement céleste, l’AFA élabore des voyages de découverte et d’observation dans le monde entier : Chili, Mexique, Afrique du sud, Islande… Voir des phénomènes uniquement visibles dans certains pays (éclipses totales du soleil, aurores boréales, Ciel austral), pouvoir observer sans pollution lumineuse et avec une météo favorable, donner une thématique à un voyage touristique ; sont trois raisons de voyager pour faire des observations astronomiques. Par rapport à notre question initiale, le planétarium se présente comme un dispositif idéal permettant de rentrer en contact avec les étoiles de la voûte céleste, tout en restant assis sur son fauteuil durant le spectacle. Un planétarium désigne un dôme qui reproduit l’organisation du Ciel avec ses constellations et les étoiles. C’est devenu un lieu de culture scientifique qui, grâce aux nouveaux moyens technologiques de projecteurs, propose différents dispositifs de simulation du Ciel. Le plus ancien planétarium se situe en Allemagne, dans le Land de Thuringe à Zeiss. Presque centenaire, il propose aux visiteurs un voyage dans les confins de l’Espace au moyen d’une projection laser numérique unique. Six projecteurs couvrent la totalité de la surface de la coupole de 25 m de diamètre. Outre le Ciel étoilé, des images, des vidéos et des animations 3D apparaissent ainsi sur 900 m². Les programmes de projection sur la coupole s’étendent des présentations classiques des étoiles accompagnées de commentaires en direct à la découverte de l’Espace et de son histoire, en passant par des shows laser et musicaux multimédias22. Le planétarium de Saint-Étienne avec une coupole de 12 m de diamètre est le premier en France à présenter le monde cosmique en trois dimensions. depuis juillet 2003, grâce à un système sophistiqué, mettant en œuvre une projection vidéo immersive et un simulateur temps réel de l’Univers. Répartis tout autour de la salle, six vidéoprojecteurs projettent une mosaïque de six images s’assemblant en une énorme image unique couvrant toute la voûte, à l’intérieur de laquelle se trouve le spectateur. En mode 3D, ce sont douze vidéoprojecteurs qui sont utilisés23. Le planétarium du Palais de la Découverte à Paris se compose d’une coupole de 15 m de diamètre au centre de laquelle un planétaire reproduit un Ciel étoilé de haute qualité. L’observation permet de voir les objets galactiques ou extragalactiques visibles à l’œil nu. L’observation de tous les phénomènes célestes est possible de n’importe quel point de la Terre, à n’importe quelle époque du passé ou du futur. Un des principaux intérêts est l’accélération de tous les mouvements, aussi bien ceux de la Terre que ceux des planètes. L’observation du Ciel de Paris dans 14 000 ans est un spectacle inattendu, mais comme est inattendu la découverte de la prochaine éclipse de Soleil ou l’occultation d’une planète par la Lune.

22 http://www.germany.travel/fr/themes-majeurs/parcs-de-loisirs/planetarium-zeiss-diena.html 23 http://www.planetarium-st-etienne.fr/planet.html

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Enfin, on peut quitter la Terre et visualiser le Système solaire depuis une autre planète24. Les planétariums sont des lieux de loisirs et de connaissances. On en trouve plusieurs dizaines dispersées en France. Mais c’est au Japon qu’ils sont les plus nombreux. C’est d’ailleurs au Japon qu’on trouve le planétarium le plus grand, à Nagoya avec 35 m de diamètre pour la coupole et 20 m de hauteur. Nous sommes convaincus par le fait que les planétariums sont aujourd’hui les seuls lieux qui répondent véritablement à notre question de l’accessibilité du Ciel étoilé. Les spectacles proposés aux publics reposent entièrement sur les images des merveilles du Cosmos. Nous observons que l’une des tendances actuelles est de mettre en relation Art et Sciences. Ce qui signifie que les découvertes scientifiques sont accessibles aujourd’hui, très rapidement, aux publics initiés et non initiés. C’est ainsi que des événements se multiplient pour illustrer cette accessibilité du Cosmos. Le 19 avril 2006 au Planétarium de Bruxelles, organisé par l’Observatoire du CNES, en partenariat avec l’association des Planétariums de langue française, cet événement propose au public une lecture de vingt textes de style épistolaire, inspirés par l’Espace : Ces textes « offrent une vision renouvelée de la littérature inspirée par la science et dévoile la façon dont l’Espace imprègne notre quotidien. »25. Le 21 octobre 2014 a eu lieu la 17e soirée des di/Zaïn à la Gaité Lyrique à Paris, présentée par Gérard Azoulay responsable de l’Observatoire de l’Espace du CNES. Le thème retenu est celui de l’exploration, permettant donc d’associer la dynamique entre Art et Science26. Eingepflantz est une œuvre décalée de Simon Ripoll-Hurier inspirée du programme spatial « Symphonie », et créée dans le cadre de l’exposition Contakt réalisée au siège du CNES dans le cadre de la manifestation annuelle de la Nuit blanche27. Par ailleurs, un intérêt pour le Ciel de nuit se développe également grâce à des applications présentes sur les tablettes numériques et les smartphones qui ont pour thèmes, la découverte et l’initiation à l’astronomie. En effet, ces applications sont ludiques, pointues, mais aussi graphiquement très élaborées. Elles ne sont plus aussi kitsch qu’avant, elles évoluent dans l’air du temps, certaines applications s’appuient même sur le côté poétique. Ces atlas du Ciel virtuels permettent de faire découvrir le Ciel à un public non initié. Ils dévoilent les constellations, leurs noms et les étoiles les plus brillantes. La particularité de ces applications est qu’elles sont interactives et fonctionnent grâce à un GPS qui localise l’individu, permettant ainsi

24 http://www.palais-decouverte.fr/fr/au-programme/expositions-permanentes/toutes-les-salles/sallesdastronomie-et-dastrophysique/planetarium/ 25 http://www.cnes.fr/automne_modules_files/pPressReleases/public/r367_81_r480_cp031-2006_-_spectacle_ litteraire_au_planetarium_de_bruxelles.pdf 26 http://www.cnes-observatoire.net/actualites/actu2/76_soiree-dizain/soiree-dizain-designers-interactifs.html 27 http://www.cnes-observatoire.net/actualites/actu2/77_exposition-eingepflanzt/exposition-eingepflanzt_ theme.html 94


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de dévoiler des objets célestes visibles devant lui. SkyGuide est une application apparue en 2013. Elle est entièrement pensée sur un critère esthétique. Créée par Nick Risinger, photographe et designer américain, qui est célèbre pour ses photographies de la Voie lactée, cette application invite à la contemplation et à l’enchantement. Elle incite à voyager dans le Cosmos en présentant l’essentiel : faire découvrir le Ciel étoilé devant soi, au présent, par des dessins merveilleux, inspirés de l’art grec antique, qui habillent la voûte céleste. Les lignes dessinant les constellations se tracent petit à petit, tout doucement permettant de lier poésie et charme sans pour autant sacrifier la dimension scientifique. De plus, les étoiles les plus brillantes émettent un son qui est directement lié à leur couleur (donc leur température). Dans ce mouvement qui établit un lien étroit entre Art et Science, nous constatons que l’alliance entre poésie et technologie se renforce de plus en plus pour introduire la magie au sein de la banalité de la vie quotidienne. Dans un avenir proche, notre environnement sera caractérisé par des interfaces sensibles et interactives. Ces nouveaux supports virtuels intelligents anticiperont nos besoins et se renouvelleront sans cesse pour créer de nouvelles expériences personnalisées (sons, lumières, images, parfums, ergonomies modulables, etc.). Ces technologies seront directement connectées à notre corps, elles seront le prolongement de nos membres. Cet Univers technologique fantastique, appelé «technomagie» contribuera à développer de nouveaux rituels, un imaginaire positif et rayonnant, centré sur nos désirs et nous permettra de nous déconnecter de la réalité pendant un instant, en nous faisant voyager dans des mondes virtuels. Le virtuel pourrait être un moyen d’accéder à l’invisible. Par conséquent, le virtuel ne serait pas irréel, il serait surréel ou outre réel. Il serait plus vrai que le réel ordinaire, pouvant appartenir au domaine du désir, du rêve ou de l’imagination. Le virtuel prend son origine dans la réalité mais il diffère de ce qui existe dans le matériel. La mise en scène est donc primordiale. Le virtuel est la capacité de créer un autre monde, un Univers parallèle qui pervertit le temps et l’Espace. Il pénètre et bouleverse le quotidien tout en restant au contact du réel pour se faire reconnaître. Il serait, telle une image réfléchie, un parallèle que l’on ressentirait avant de voir et que l’on dirait avant de savoir. L’image virtuelle est l’en face du réel, c’est une image qui n’a pas de dos, elle est l’autre côté du miroir. C’est pourquoi l’idéal du virtuel serait le reflet dans le miroir. En effet, le reflet d’un objet est déjà là, que je sois présent ou non pour le percevoir, il n’est pas en attente d’une quelconque actualisation. Il y a donc une notion de clairvoyance dans l’image virtuelle où la vision n’est pas dans l’ordre des choses mais dans celle de l’image. Selon Aristote, le virtuel consisterait à « faire passer à l’acte ce qui ne faisait que demeurer en puissance. ».

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III/ Innitiation aux voyages cosmiques

Š Google map

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Ainsi, le voyage peut être ressenti grâce à la réalité augmentée. Outil technologique et numérique qui permet de superposer un modèle virtuel en 3D ou 2D à la perception que nous avons de la réalité. C’est une méthode qui permet d’incruster des objets virtuels d’une manière réaliste à une séquence d’images. Ces applications qui appartenaient au domaine du jeu vidéo se multiplient dans l’Univers quotidien via les smartphone et les tablettes numériques. Autrement dit, le voyage cosmique lorsqu’il deviendra possible pour tous ou du moins le plus grand nombre, représentera un

magnifique moyen d’unir le Ciel et la Terre. Dans ce contexte, la conquête spatiale qui débute depuis le XXe siècle est le point de départ d’une incroyable aventure pour l’humanité. En effet, il s’agit de se situer à la fois dans le présent et dans l’Espace. Notre Terre n’est plus le centre de l’Univers ni même le centre de notre système solaire. Nous sommes « des banlieusards » de la Voie lactée27.

27 Antoni, C., L’intangible. Le stade ultime de l’évolution, Editions Charles Antoni Originel, 2002. P. 47

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Galactic plastic Š Jack Hughes 98


CONCLUSION Ce mémoire a mis en relief des notions scientifiques appliquées au Cosmos à la fois sur le plan historique, anthropologique mais également scientifique et technologique. Dans cette réflexion que nous venons de conduire, nous avons régulièrement situé notre objet de pensée dans une dichotomie entre le Ciel et la Terre. Notre sujet de réflexion a pris en considération le fait que le désigner ne peut échapper à l’attraction du Ciel. Les mouvements organisés par les tendances du XXIe siècle visent à familiariser les individus à des influences cosmiques. Il n’y a plus une séparation entre le Ciel et la Terre, mais des mélanges entre des parties de Ciels et des parties de Terre. Désormais, notre Univers quotidien est submergé par les impressions et les réalités venues du monde du Cosmos. Ce dernier est presque à notre portée, les connaissances scientifiques de plus en plus nombreuses qui nous parviennent ; transforment nos façons de penser. On peut même se demander jusqu’à quel point toutes ces informations venues de l’Espace ne vont pas révolutionner des théories philosophiques, religieuses, métaphysiques que nous avons acquises au fil des temps et qui ne coïncident plus avec de nouvelles réalités que nous apprenons. Les tendances cosmiques visibles dans la mode, l’architecture et le design sont de plus en plus appliquées à la vie ordinaire. Dans le quotidien « Le Parisien », du 14 octobre 2014, nous apprenons le projet « Mars One » qui emmènera moins d’une dizaine de candidats sur la planète Mars en 2025, pour un voyage sans retour. Le projet est faisable tant sur le plan économique que logistique. C’est un habitat durable conçu pour recevoir des astronautes tous les deux ans, qui sera installé avant l’arrivée des voyageurs.

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Conclusion

Mars One http://www.huffingtonpost.fr

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Conclusion

« Mars One » sera la première émission de télé réalité extra-terrestre, en partenariat avec la société Darlow Smithson Production, qui est une filiale de la société Endemol. Ce projet, qui échappe complètement à la pensée scientifique, tente de familiariser le monde des galaxies aux publics, par le biais du divertissement. La tendance cosmique n’est donc plus éphémère, comme on le pensait il y a quelques années, mais en marche pour s’installer dans nos modes de vie. On peut imaginer que dans un proche avenir, les tendances cosmiques vont s’emparer du monde des produits, au sens le plus large du terme. Notre question initiale, « Comment donner accès aux merveilles du Cosmos ? », est plus que jamais d’actualité car elle est induite par un mouvement d’attraction qu’inconsciemment même nous désirons. Elle génère des données d’informations que nous venons d’exprimer dans ce mémoire et qui nous ont permis de construire un environnement auquel le designer peut être réceptif. Dans ce contexte, plusieurs notions se dégagent : celle de la connexion ou la mise en réseau des informations, puis celle de l’invisibilité ou la dualité du clair et de l’obscur et enfin celle de l’intangibilité ou la mise en relation entre virtuel et matériel. Ce qui revient à poser les problématiques suivantes : - Comment sauvegarder le patrimoine céleste par l’apprentissage ? - Comment redonner à la ville son paysage nocturne naturel ? - Comment créer un lien matériel entre l’homme et le Ciel ?

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GLOSSAIRE Sources : www.cnrtl.fr/, http://www.cascaeducation.ca/, http://www.larousse.fr/

Astéroïde : Corps céleste rocailleux à la forme irrégulière et dépourvu d’atmosphère. Composé de roche, de métaux et de glace, de forme irrégulière. N’excède pas 700km de diamètre. Astre : Corps céleste naturel visible, à l’oeil nu ou dans un instrument ; ce peut être une planète ou une étoile. Astronautique : Qui est relatif à la navigation interplanétaire. Naviguer dans les étoiles. Astrophographie : ou astrophoto (AP), est une discipline de l’astronomie et de la photographie qui consiste à photographier des objets célestes. Big-Bang : Théorie cosmologique pour décrire l’origine et l’évolution de l’Univers. Théorie selon laquelle l’Univers aurait été formé par une explosion gigantesque il y a environ 15 milliards d’années. Big-crunch : Destin de l’Univers. Étape finale de l’effondrement de l’Univers sur lui-même sous l’effet de sa gravité. Chaos : Propriété qui caractérise un système dynamique dont le comportement dans l’Espace des phases dépend de manière extrêmement sensible des conditions initiales. Comète : Petit corps composé de lace et de poussières, avec un noyau rocailleux, dans le système solaire. Quand la comète s’approche du soleil, la glace se vaporise pour former la tête et la queue de la comète visible depuis la Terre. Constellation : Une des 88 régions sur lesquelles les astronomes ont divisé le Ciel. La région est souvent nommée d’après la configuration des étoiles les plus brillantes qui s’y trouvent et qui peut représenter un objet, un animal, une personne, ou un héros mythique de la Grèce antique. Cosmographie : Partie descriptive de l’astronomie ne faisant appel qu’à des notions élémentaires de mathématique et de physique. Cosmogonie : Science de la formation des objets célestes (planètes, étoiles, galaxies, etc.). Partie des mythologies qui racontent la naissance du monde et des hommes. Cosmologie : Etude de l’Univers dans son ensemble, sa dynamique, son évolution.

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Cosmos : Portion de l’Espace céleste pouvant être observée à un moment donné par un télescope puissant. Espace : Milieu idéal indéfini, dans lequel se situe l’ensemble de nos perceptions et qui contient tous les objets existants ou concevables. Étoile : Astre doué d’un éclat propre, dû aux réactions thermonucléaires dont il est le siège. C’est une boule massive et lumineuse de plasma. Galaxie : Ensemble contenant en moyenne 100 milliards d’étoiles liées ensemble par la gravité. C’est l’unité fondamentale des grandes structures de l’Univers. Gravité : Attraction mutuelle de corps matériels ou de particules. Météorite : Fragment d’un petit astéroïde qui ne s’est pas complètement vaporisé pendant le passage de l’atmosphère Terrestre. Planète : Corps céleste sans lumière propre, décrivant une orbite autour du Soleil ; elle peut être solide (avoir un sol) ou gazeuse. Planet opéra : Genre de science-fiction également appelé romance planétaire. Ayant pour sujet une nouvelle planète mystérieuse à découvrir et explorer sous toutes ses formes (faune, flore, ressources). Space opéra : Genre de science-fiction qui a pour caractéristique des histoires d’aventure épiques ou dramatiques se déroulant dans un cadre géopolitique complexe. Exploration spatiale à grande échelle, guerres intergalactiques et rigueur dans le réalisme scientifique. Apparu formellement au début des années 1940. Univers : Ensemble de tout ce qui existe, la totalité des êtres et des choses. Synonyme de Cosmos, l’ensemble des galaxies, considérées dans leur évolution dans l’espace et dans le temps. Voie lactée : Egalement appelée La Galaxie. Elle est la galaxie dans laquelle se situe le Système solaire (et donc la Terre). Elle est partiellement visible dans de bonnes conditions d’observation (absence de pollution lumineuse), notamment sous les tropiques, sous la forme d’une bande plus claire dans le Ciel nocturne.

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SOURCES

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Magazines, revues scientifiques Astronomie magazine, Plongez dans le Ciel de l’été, n°169, Juillet-Aout 2014 Ciel & Espace, Les 7 grandes enigmes de l’Univers, n°530, Juillet 2014 Destination Science, Conquete spatiale, n°10, Juillet 2014 Science et vie, Univers : les 100 nouvelles images qui racontent toute l’histoire, Hors série n°267, Juin 2014

Expositions/ Evennements Exploration(s), 17ème soirée des di*/zaïn, Gaité lyrique, Paris, 21/10 2014. La nuit des étoiles, evenement, Tour Montparnasse, Paris, du 01/08 au 03/08 2014. Le Ciel dans l’homme, expositions BNF Figures du Ciel, 1998 http://expositions.bnf.fr/Ciel/arretsur/Univers/ figures/index.htm. L’Etat du Ciel, exposition Palais de Tokyo, Paris, du 14/02 au 07/09 2014.

Crédits photographiques BRONSON,S., http://www.bronsonsnelling.com, p. 48 COHEN, T., http://thierrycohen.com, p. 54 et 55 FAGOT, N., http://nicolasfagot.blogspot.fr, p. 46 GOSLIN, T., http://theo-gosselin.blogspot.fr, p. 12 et 33 HADFIELD, C., http://chrishadfield.ca, p. 6 et 38 LEBÉE J-P., http://www.jeanphilippelebee.com, p. 56 PACAUD, J., http://www.julienpacaud.com, p. 76

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ANNEXES

Enquête Nous avons réalisé une enquête intitulée Le Ciel et les étoiles, avec le logiciel Surveymonkey. Nous avons obtenu 100 participations. Les questions portaient sur le lieu de vie des participants, 76% habitent dans une grande ville ou dans sa banlieue ; par leur attirance pour le ciel, 74% disent préférer le ciel de nuit avec ses étoiles plutôt que le ciel orageux ou le ciel de jour ; leurs aspirations spirituelle ou religieuse, 52% des participants font un vœu lorsqu’ils voient une étoile filante puis leurs désirs et leur fantasme concernant le ciel. Malgré le fait que 75% des personnes interrogées pensent que le cosmos est avant tout un lieu où règnent les satellites, les cosmonautes, les fusées et des phénomènes plus ou moins compréhensibles, il semble qu’il y ait une attirance pour l’ailleurs et l’envie de voyager dans le cosmos. Certes à la question « si vous en avez la possibilité où préférez-vous voyager ? » 60% ont répondu qu’ils préfèrent visiter une nouvelle planète contre 18% qui souhaitent se reposer sur une ile paradisiaque sur terre. Quelle est votre profession ? Étudiant : 67,00% Salarié : 15,00% Chômeur : 4,00% Retraité : 2,00% Autre : 12,00% Où vivez-vous ? Dans une grande ville : 54,00% En banlieue : 22,00% Dans une petite ville : 15,00% Dans un village : 7,00% Autre : 2,00%

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Savez-vous retrouver dans le ciel ces constellations ou objets célèstes? (plusieurs réponses sont possibles) Grande Ourse : 90,32% Petite Ourse : 65,59% Étoile du Berger : 78,49% Constellation du Centaure : 12,90% Cassiopée 31,18% Orion : 30,11% Venus : 32,26% Le Grand Nuage de Magellan : 15,05% La voie Lactée : 58,06% 7% n’ont pas repondu à la question Préfèrez-vous ? Le ciel de jour avec ses nuages : 9,00% Le ciel de nuit et sa voute céleste étoilée : 74,00% Le ciel orageux : 17% Complètez par une ou plusieurs réponses. Lorsque je vois une étoile filante... Je prie : 0,00% Je fais un voeux : 52,53% Je rêve : 29,29% Je reste figé et je la regarde : 42,42% je n’en ai jamais vu : 7,07% Autre : 8,08% Pensez-vous que vous dormez moins bien les nuits de pleine lune ? oui : 32,00% Non : 43,00% Je ne sais pas 25,00%

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Que trouvez-vous de plus divertissant ? (plusieurs reponses possibles) Regarder les étoiles dans un champ, loin de la lumière de la ville : 78,00% Discuter de théories diverses sur la conception de l’univers : 45,00% Paticiper à des évenements culturels comme la nuit des étoiles ou la retrospective de Lucio Fontana MAM de Paris : 16,00% Participer à une séance au planetarium : 18,00% Regarder le ciel avec un téléscope : 46,00% Regarder un film de science fiction : 49,00% Lire de la science fiction : 21,00% Regarder une éclipse : 55,00% Pour vous le cosmos c’est avant tout ? Une tendance (mode, design, chats cosmiques ) : 5,00% Star wars ( ou autres films de science fiction ) : 4,00% Le lieu où se trouvent les esprits et Dieu : 2,00% Un lieu de sciences, satélites, cosmonautes, fusées et phénomènes plus ou moins compréhensibles : 74,00% David Bowie- Space Oddity : 4,00% Reponse autre : 11% Si vous en avez la possibilité où préfèrez-vous aller ? Vous reposer sur une île paradisiaque sur Terre : 17,00% Faire une balade en mongolfière : 6,00% Faire un tour en fusée et rencontrer un cosmonaute dans une station spatiale : 10,00% Poser un pied sur la Lune : 7,00% Visiter une autre planète de la galaxie : 60,00%

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Enquête IPSOS/ CGI pout LeapFrog : Les parents, les apprentissages et les jouets

source : http://www.ipsos.fr/sites/default/files/attachments/rapport_leapfrog.pdf

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Merci, merci, David. F, merci, Flore, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci,

merci, merci, merci, , merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, , merci, Gael, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, , merci, merci, merci, merci, merci, merci, Citial, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, , merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, Mathilde, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, Joseph, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, Agnes, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, Guillaume, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, Jean- Philippe, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, Thierry. C, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, ErvĂŠ. D, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, Julien. P, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, Arnaud, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, merci, et surtout Marie-Chantal, merci...

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Diplômes 2015 Natalia LAZAREVIC

COSMOS. L’image du Ciel étoilé.

Ce travail de recherches fonde son origine dans une discipline scientifique, l’astronomie. Dans la création contemporaine, des liens sont manifestes entre formes, couleurs et esthétiques du ciel. Ce sont ces croisements entre imaginaires cosmiques, découvertes scientifiques, outils techniques et produits de consommation, qui resurgissent dans l’actualité. Quels sont les liens invisibles entre l’homme et le ciel à l’heure où le robot européen Philaë fait la une des journaux ? En tant que designer, nous posons cette question: « Comment donner accès aux merveilles du cosmos ? ». Des exemples, dans la mode dès 2012 et L’Odyssée de l’espace, tendances 2014 du salon Maison & Objet, montrent que le cosmos inspire les créateurs. Notre projet vise à mettre en valeur un axe vertical, Terre et Ciel et Ciel et Terre, mais également une relation dualitique entre réalité et imaginaire.

Ecole de Design

Établissement privé d’enseignement supérieur technique www.stratecollege.fr


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