NATHAN FRANÇOIS
A
var Aalto
’ARCHITECTURE DES SENS
Quand l’esprit rencontre l’architecture.
Rapport d’étude de Master
par Nathan François étudiant de Master 2ème année
Année 2020-2021
UE S97
Séminaire « Architecture - Patrimoines, théories et dispositifs : Heritage in Progress »
Encadré par R. Papillault, S. Jalais, N. Mansion, A. Costa, A. Hollé.
Professeurs référents : J.F. Marti M. Bekkoucha
École Nationale Supérieure d’Architecture de Toulouse
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Photographie de première de couverture : Université de Jyväskylä - Photogrpahie personnelle - Prise de vue le 03 Mars 2019, 10h17
AVANT-PROPOS
Avant-propos 14h00, mardi 15 Août 2018, aéroport Charles de Gaulle, Paris : départ en direction de Helsinki, Finlande. Seul, chargé de deux importantes valises, stressé de louper l’avion, appréhendant d’atterrir dans un pays inconnu mais pas moins excité de découvrir une nouvelle culture, un mode de vie différent, je ne pouvais qu’être joyeux d’avoir décroché l’opportunité d’étudier une année à l’étranger ; ça y est, j’y suis enfin, c’est aujourd’hui le grand jour. Je pars pour une toute nouvelle aventure, celle d’une année d’Erasmus en Finlande, à l’Université Technologique de Tampere.
À peine atterri sur le sol finlandais que je me pose déjà tout un tas de questions. Qu’est ce qui m’a pris ? Pourquoi te lances-tu un tel défi ? Pourquoi la Finlande ? Vais-je me faire des amis ? Vais-je m’adapter à la culture ? Au froid ? A l’alimentation ? Au mode de vie ?
Autant de questions qui aujourd’hui encore me font toujours autant sourire. Je m’attendais à vivre une année hors du commun, mais jamais je n’aurais pensé que cette expérience allait être si forte. Forte d’abord humainement, avec la rencontre de personnes formidables, un partage de savoirs et un mélange de cultures, mais également forte pédagogiquement, d’une expérience scolaire totalement nouvelle, plus autonome, plus libre, basée sur l’entraide, le partage, et surtout forte émotionnellement, de voyages, d’activités, de découverte de paysages inoubliables et d’une architecture vernaculaire très riche d’enseignements.
Vous me voyez alors surement venir, un architecte a largement participé à rendre cette expérience à l’étranger d’autant plus intense et unique : il s’agit de Alvar Aalto, architecte finlandais (1898-1976). Jusque-là, je ne connaissais le travail d’Alvar Aalto qu’au travers des cours dispensés en licence par Madame Françoise Blanc, professeure à l’Ensa de Toulouse, ou de la lecture de quelques ouvrages. Le choix de ma destination Erasmus a d’ailleurs surement été influencé par cette volonté d’en découvrir un peu plus sur cet architecte et son travail qui attisaient, déjà à l’époque, ma curiosité et mon admiration.
Dès mon arrivée sur le sol finlandais, pas plus tard que le lendemain, je me mettais déjà sur les traces d’Alvar Aalto. Dépourvu de repères spatiaux, culturels et sociétaux, l’idée de partir visiter la ville m’a permis de m’imprégner des lieux, de cette culture inconnue, de ces modes de vie nouveaux, tout en essayant de m’accrocher à des repères, entre autres au travers des bâtiments de Alvar Aalto. Ce dernier m’a ensuite accompagné tout au long de cette année à l’étranger, à travers des temps libres où nous organisions, entre étudiants, des virées architecturales nous permettant de partir à la découverte des villes, des cultures, des architectures vernaculaires ou locales, et bien sûr, des œuvres aalténiennes.
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Dès lors, au fil des visites, j’ai commencé à développer toute une série de questions qui venaient stimuler petit à petit mon esprit. Il y a d’abord tout un tas d’interrogations à des moments précis, lors de visites guidées ou bien lorsque je parcourais, seul, son architecture. Plus tard, d’autres questions encore venaient s’y greffer, ces dernières se développant à partir de recherches, de lectures, etc.
Depuis mon retour en France, il y a presque 2 ans, j’ai pris du recul en développant des axes de recherche, en lisant des ouvrages et en réunissant, organisant, triant, classant un certain nombre d’informations et de documents que j’ai ensuite pu étudier, comprendre et comparer.
Retranscris à travers l’écrit de ce mémoire, ces axes auront pour objectif principal, en plus de garder une trace écrite de cette année mémorable, de tenter de trouver les réponses à plusieurs de ces questions :
• • • • • • • • • • •
Pourquoi suis-je sensible au travail de cet architecte ? Et pourquoi d’autres personnes, architectes ou non, le sont également ? Pourquoi ai-je développé un intérêt pour cette architecture ? En quoi cette architecture est-elle si différente des autres ? Pourquoi Alvar Aalto est-il considéré comme l’un des grands maitres de l’architecture ? Comment cet architecte est-il devenu si populaire ? Quelle est la pensée architecturale de cet architecte ? Dans quel contexte s’inscrit-elle ? Quelles sont ses influences ? Quel est son parcours ? Finalement, qui est Alvar Aalto ?
Vous embarquez avec moi ?
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Carte de Finlande - Tampere, ville d’accueil de l’année de mobilité
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SOMMAIRE
AVANT-PROPOS SOMMAIRE REMERCIEMENTS INTRODUCTION
INTRODUCTION AU DÉVELOPPEMENT
DÉVELOPPEMENT
CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE ANNEXES
Page 04 Page 08 Page 10 Page 11
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Construction du sujet Définitions Limites du sujet État de l’art Problématique Souces et outils Annonce du plan Page 31
• •
Alvar Aalto en quelques dates Ma rencontre avec Alvar Aalto Page 37
Etudes de cas : entre souvenir de sensations et analyse de dispositifs architecturaux • • •
«Rautatalo» (1951-1955) «Studio Alvar Aalto» (1954-63) «Église de Lakeudenrist» (1951-1960)
Catégorisation personnelle des dispositifs architecturaux mis en place chez Alvar Aalto • •
Dispositifs d’ordre architectural Dispositifs d’ordre psychique
Entre voyages, inspirations, influences, contexte architectural et historique : 4 temps du développement de la pensée architecturale d’Alvar Aalto • • • •
De 1918 à 1927 : sa période classique De 1928 à 1933 : sa période rationnelle De 1934 à 1950 : sa période autonome De 1950 à 1976 : sa période de développement architectural
Entre remises en question des idéologies modernes et solutions apportées par l’expérimentation : 4 grands travaux de sa carrière • • • •
Éviter la frigidité et la brutalité de l’espace architectural moderne Éviter la standardisation de l’architecture : servons-nous en pour démultiplier les possibilités Réconcilier l’homme et ses traditions architecturales vernaculaires : humaniser l’architecture Entre implantation, transitions et cadrages : accentuer le lien entre l’espace intérieur et extérieur Page 175 Page 181 Page 187
Remerciements
Je souhaite profiter de ces quelques lignes pour adresser mes remerciements à tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à la réalisation de ce mémoire. Je tiens tout d’abord à témoigner ma reconnaissance à mes tuteurs, Monsieur Rémi Papillault et Monsieur Jean François Marti, pour avoir accepté de diriger ce mémoire de fin d’étude, pour leur disponibilité, leur soutien et leurs conseils avisés. Je remercie également l’ensemble des professeurs du séminaire, Madame Savitri Jalais, Madame Nina Mansion Prud’homme, Madame Adrienne Costa, Monsieur Raphaël Van Der Beken ou encore Madame Meriem Bekkoucha pour l’attention qu’ils voudront bien porter à la lecture de ce travail. Plus largement, je tiens à remercier tous les professeurs –d’ici ou d’ailleurs– qui, par leurs paroles, leurs écrits et leurs critiques, ont pu nourrir mes réflexions et éclaircir mes doutes. Je remercie l’ensemble de mes amis, mes proches, qui par leur implication, leur aide, leur soutien et les nombreuses relectures, ont participé à l’élaboration de ce travail. Il va sans dire que mes remerciements vont également à tous les membres de ma famille, dont ma mère Karine, mon père Olivier, mon frère Mathis, ma soeur Edène, ma tante Chantal, pour leur affection, leur écoute et leur éternelle confiance. Plus particulièrement, un grand merci à Elise pour ses précieux conseils, son soutien moral et son aide.
INTRODUCTION
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Construction du sujet
Cette partie a pour objectif d’étayer les motivations ainsi que les démarches m’ayant menées à étudier ce sujet en décrivant succinctement, dans l’ordre chronologique, les différentes étapes qui m’ont amené à élaborer cette problématique.
Avant tout autre propos, je souhaite justifier la forme que prend ce mémoire, et ce avant le fond. En effet, ces écrits, qui sont le reflet d’une expérience avérée et personnelle, ont pour rôle de tenter de trouver les réponses à une multitude de questions qu’un étudiant en architecture, au travers de sa propre expérience, est en droit et capacité de se poser. Je me permets alors d’utiliser le pronom « je » pour souligner le rapport personnel développé au sein de cette étude. J’espère cependant que ce choix de formulation peu commune à un mémoire n’entachera pas la dimension universelle qu’il doit prendre en tentant de mettre le lecteur dans une position active plutôt que passive, soit par une reconnaissance des faits, soit, au contraire, par une opinion différente amenant de nouvelles interrogations.
Convaincu que ce travail mémorial de master est, avant toutes choses, un apport personnel de connaissances et de réponses à un sujet qui m’intéresse et m’intrigue, j’ai commencé mes recherches et développé une problématique selon une observation m’ayant immédiatement sauté aux yeux lors de mes premières visites : pourquoi Alvar Aalto utilise-t-il un panel divers mais récurrent de matériaux dans son architecture ? C’était je crois la question qui, à cette période, m’interrogeait le plus.
Pour celles et ceux qui connaissent l’étendue de l’œuvre bâtie d’Alvar Aalto, nous pouvons, je crois, nous accorder à dire que si son architecture est si remarquable et remarquée, c’est en partie grâce à l’utilisation d’une liste de matériaux, teintes et textures, qui permettent facilement d’associer son travail à son image. Nous y retrouvons, de façon récurrente, une utilisation du bois d’essence claire ou foncée, de la brique brute ou peinte, de la céramique, du cuivre, du bronze, de la pierre, du béton, ou encore de la faïence.
Je me suis très vite rendu compte que je m’attaquais là à un ogre de sujet. Il m’a paru rapidement impossible de pouvoir tout traiter, tout comparer, tout étudier. Ainsi, la recherche s’est affinée une première fois sur l’étude d’un corpus restreint de trois bâtiments, m’ayant particulièrement marqués de par la richesse de leurs matériaux et assemblages, la cohérence de leur architecture et la singularité de l’atmosphère qui s’en dégage. Il s’agit de l’Université de Jyväskylä (1951-71), de la Maison Aalto à Helsinki (1935-36) et du chef d’œuvre de la Villa Mairea à Noormarkku (1937-39). Au cours de mes recherches, je me suis ‘efforcé à développer des axes afin de comprendre l’utilisation de ces matériaux sur la base de données esthétiques, techniques, fonctionnelles et symboliques, ceci de l’échelle urbaine à l’échelle du détail tel que la poignée de porte.
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Le sujet a évolué une deuxième fois, en ne traitant seulement de l’utilisation du bois, et plus particulièrement des détails constructifs dans l’architecture de Aalto. En conséquence, d’autres questions d’ordre plus général sont également apparues progressivement telles que :
«Pourquoi Aalto préconisait-il le bois alors même que le mouvement moderne le rejetait au profit du métal, du béton et du préfabriqué ? «. De même que la quête de réponses d’ordre plus techniques, en m’interrogeant sur les réels apports du bois en terme de propriétés physiques, de son essence, de sa capacité constructive, de sa durabilité dans le temps, etc.
Au fur et à mesure de ces premières études, par les étapes d’observation et d’investigation initiées en Finlande, le manque de méthodologie et le peu de suivi pédagogique liés à la distance m’ont amené à m’enfermer dans un sujet de plus en plus théorique. Trop souvent dans un rapport hypothétique fondé sur l’étude de quelques détails constructifs et d’écrits que j’avais sous la main, je me suis senti bien éloigné du mon initiative première.
De retour en France, au fil de discussions , de rencontres et de lectures, j’ai pris du recul par rapport à mon sujet en me demandant ce que je souhaitais réellement faire de ce mémoire. En parallèle de mon Projet de Fin d’Étude à l’ENSA Toulouse, questionnant le rôle que peut avoir l’architecture sur les personnes en situation de handicap psychique et notamment l’influence des outils propres à l’architecte tels que la lumière, les matériaux, le souci du détail, l’éveil des sens, sur la qualité spatiale des espaces, j’ai commencé à m’intéresser à une toute autre approche.
Finalement, et ce depuis le début, la question ne se trouve pas dans l’analyse hypothétique et théorique d’un aspect précis de l’architecture d’Aalto, sur un corpus restreint, mais bel et bien dans une analyse plus concrète, au travers de mon expérience personnelle, réelle, permettant de comprendre les causes d’une sensibilité développée au regard de son travail.
Pourquoi, et par quels moyens mis en place, cette architecture d’Alvar Aalto me touche-t-elle ? ou encore tout simplement, pourquoi je m’y sens bien ?
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Conscient d’un nombre certain d’ouvrages traitant de cet architecte, tant admiré que décrié, dans une réflexion majoritairement théorique et historique, j’ai souhaité apporter un regard nouveau sur son œuvre. Et quoi de plus accessible que de l’étudier au travers de mon propre regard, celui d’un étudiant architecte de master, qui découvre, analyse et décortique pour la première fois sur place, grand yeux ouverts, les mystères de l’architecture Aalténienne.
Dans un premier temps, j’ai commencé à analyser et décrire différentes sensations, émotions vécues dans les espaces conçus par Alvar Aalto, en essayant de retracer le parcours architectural de mes visites. Cela m’a permis de faire un parallèle avec mes recherches théoriques sur les matériaux, les détails constructifs et le contexte architectural qui se sont révélés alors beaucoup plus sensés. En y associant ensuite une partie plus personnelle, décrite à travers différentes sensations vécues lors de mes visites, renforcée par une analyse d’abord hypothétique sur les raisons de ces sensations, je termine sur une dimension plus théorique et générale de son œuvre, nourrie par d’autres approfondissements et recherches impersonnelles fondées. Là se trouve finalement la clé de ce travail ; partir de « faits » avérés, précis, décrits à l’aide des outils et vocabulaire architectural, pour arriver sur un sujet plus vaste et plus ouvert, qui tente d’en trouver les « causes » à l’échelle de la pensée architecturale et historique.
Voici donc le résultat de toute une série de réflexions qui au fil du temps ont évoluées, trouvées sens par des comparaisons, corrélations et rapprochements.
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Définitions
Cette partie a pour objectif de clarifier par la définition les principaux termes utilisés dans ce mémoire. Je souhiate ici aborder une approche double du vocabulaire : d’abord par une définition concrète du mot par son étymologie, puis une définition plus théorique par une ou plusieurs citations en rapport avec le sujet. Nous distinguerons ici le vocabulaire «psychique» du vocabulaire «architectural». VOCABULAIRE PSYCHIQUE •
Psychique :
Qui concerne la vie mentale, dans ses aspects conscients et/ ou inconscients. 1 •
Esprit :
Partie incorporelle de l’être humain, par opposition au corps à la matière. C’est le siège de la pensée et des idées.2 •
Le souvenir :
C’est la survivance dans la mémoire, d’une sensation, d’une impression, d’une idée, d’un événement passés. C’est la faculté de s’en rappeler. 3 •
Sensation :
Phénomène qui traduit, de façon interne chez un individu, une stimulation d’un ou plusieurs de ses organes récepteurs sensoriels (vue, toucher, auditif, goût, odorat). Etat psychologique découlant des impressions reçues et à prédominance affective/physiologique. 4 •
La phénoménologie :
C’est l’étude descriptive de la succession des phénomènes ou d’un ensemble de phénomènes considérés indépendamment de tout jugement de valeur. 5 « C’est l’essai d’une description directe de notre expérience telle qu’elle est, et sans aucun égard à sa genèse psychologique et aux explications causales que le savant, psychologique ou le sociologue peuvent en fournir ». 6 « C’est l’ambition d’une philosophie qui soit une « science exacte », mais c’est aussi un compte rendu de l’espace, du temps, du monde « vécus ». 7 « Il s’agit de décrire, et non pas d’expliquer ou analyser » 8 1
Définition du dictionnaire LAROUSSE
2
Définition du dictionnaire LAROUSSE
3
Définition du dictionnaire LAROUSSE
4
Définition du dictionnaire LAROUSSE
5
Définition du dictionnaire LAROUSSE
6
Merleau-Ponty Maurice, « Phénoménologie de la perception », 1976, Editions Gallimard, France, Avant-propos
7
Merleau-Ponty Maurice, « Phénoménologie de la perception », 1976, Editions Gallimard, France, Avant-propos
8
Husserl Edmund (1859-1938), philosophe autrichien, a désigné la notion de « phénoménologie » en tant que doctrine philosophique à part entière
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VOCABULAIRE ARCHITECTURAL
•
Architecture :
C’est l’art de concevoir et de construire des édifices. 1 Trilogie Vitruvienne : 2 Solidité : fait référence à l’intégrité structurale et à la durabilité. Utilité : fait référence à la fonctionnalité spatiale, ou en d’autres termes, au fait, pour le bâtiment, d’atteindre le but recherché et de remplir la fonction pour laquelle il a été construit. Beauté : signifie que le bâtiment n’est pas seulement plaisant sur le plan esthétique et visuel, mais qu’il élève les esprits et stimule les sens.
•
L’espace (architectural) :
«[…] l’espace c’est ce qui arrête le regard, ce sur quoi la vue bute : l’obstacle : des briques, un angle, un point de fuite : l’espace, c’est quand ça fait un angle, quand ça s’arrête, quand il faut tourner pour que ça reparte. Ça n’a rien d’étoplasmique, l’espace; ça a des bords, ça ne part pas dans tous les sens, ça fait tout ce qu’il peut faire pour que les rails de chemins de fer se rencontrent avant l’infini ». 3 « L’espace n’est pas le milieu dans lequel se disposent les choses, mais le moyen par lequel la disposition des choses devient possible ». 4 •
Dispositifs :
Ensemble de moyens mis en œuvre pour une intervention précise. 5
•
Le parcours architectural :
C’est l’enchaînement des séquences par l’action de se déplacer. Le parcours lie des espaces et des durées. Il lie des histoires, le parcours est un récit. 6
1
Définition du dictionnaire LEROBERT
2
Vitruve, , Traité « De Architectura » rédigé dans les années 30 avant JC, définit en 10 point l’architecture dont 3 fondamentaux
3
Pérec Georges, « Espèces d’Espace », 1974, Ed Galilée, réédition de 2000
4
Merleau Ponty, M., 2009, « Phénoménologie de la perception », Paris, Gallimard, page 281
5
Définition du dictionnaire LAROUSSE
6
Rapport d’étude : Preamechai Sarawut, « Dispositifs architecturaux et mouvements qualifiés : recherche exploratoire sur les conduites sensori-motrices des passants
dans les espaces publics intermédiaires », 2006, étudiant doctorant de l’université Pierre Mendès France, France, page 13
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Limites du sujet
Étudier l’œuvre architecturale d’Aalto c’est s’attaquer à plus de 400 projets, dont plus de 200 construits. Chaque bâtiment construit étant aussi riche architecturalement que l’ensemble de ses expérimentations et de ses écrits, il est clairement impossible de tout traiter dans un seul travail et son temps imparti. Le sujet étant très vaste, il est nécessaire de le cadrer un minimum.
Par conséquent, j’ai décidé de limiter le sujet à l’étude d’un corpus de bâtiments restreint. Le choix s’est fait tout naturellement et personnellement. D’abord, la condition essentielle à ce choix était d’avoir visité le bâtiment. Ensuite, le choix a été influencé par ma connaissance de ceux-ci, par une documentation plutôt complète, par curiosité je crois, par intérêt, par cohérence vis-à-vis du sujet, mais aussi par leurs différences et diversités, et par-dessus tout, par le souvenir inoubliable de la diversité des sensations et émotions expérimentées dans ces bâtiments, tant positives que négatives. Les trois bâtiments que nous étudierons sont : « Rautatalo », autrement traduit par « la maison de l’acier » à Helsinki (1951-55), le « studio » personnel de Alvar Aalto à Helsinki (1954-63) et « l’église de Lakeudenrist » à Seinäjoki (1951-60).
Ce mémoire vise donc à analyser, par le récit architectural de ces visites, une ou plusieurs sensations personnelles vécues et liées à « l’espace », à des moments précis, et d’en comprendre les raisons. Cependant, ce qui peut être la force de ce sujet dans son approche peu commune peut également en être sa faiblesse. Il est important de garder à l’esprit que cette personnalisation du sujet, par un récit intime de sensations, par des analyses hypothétiques qui me sont propres, par un choix de corpus qui pourrait être facilement remis en question, peut rendre la lecture plus confuse pour celui ou celle dont le sujet est complètement étranger. Ainsi, la finalité de ce travail n’a pas pour vocation d’être une simple retranscription de souvenirs architecturaux, mais elle doit répondre à des questions universelles à tout architecte.
Comment l’espace architectural interagit-il avec le corps humain et son esprit ? Comment faire pour que les usagers du bâtiment développent une sensation de bien-être ? Par quels moyens ? Par quels dispositifs ? Comment rendre un espace architectural qualitatif ?
Selon moi, l’objectif de toutes architectures est avant tout de proposer une réponse architecturale à des besoins, des usages et une fonction. Elle est pensée par et pour l’homme. Il y fait bon vivre. L’idée est donc de se détacher petit à petit de cette posture personnelle pour enfin adopter un récit plus théorique et ouvert, qui, je l’espère, complètera de façon intelligente le vaste chantier de la recherche.
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Enfin, les notions de sensations, phénoménologies de l’espace et émotions architecturales peuvent paraître floues et abstraites pour certains d’entre vous, voire inconnues pour d’autres. L’idée de vous démontrer que ces notions ne sont pas si abstraites que vous le pensez fait partie de ce rapport d’étude. En effet, que vous soyez architecte ou non, je suis persuadé qu’un espace, qu’il soit bâti ou non, vous a certainement déjà affecté et touché de façon plus ou moins importante, à un moment T et à un endroit X. Ce souvenir peut être un moment de bien-être, de joie, ou au contraire il peut être un lieu qui vous a semblé inconfortable, malaisant, sans intérêt. Tout cela dépend en fait d’une multitude de facteurs, comme par exemple celui temporel, l’humeur d’une personne, son ouverture d’esprit, les conditions de la visite, le parcours spatial abordé, etc. Par combinaisons, le tout devient infini. Tout est donc une question d’être là, dans de bonnes conditions, au bon moment. Cela peut alors vous être étranger, trop décalé de la réalité, car d’ordre philosophique. C’est exactement ce que je souhaite ici faire : vous dissuader de cette pensée, surtout au travers du travail d’Alvar Aalto. Ce mémoire a pour vocation de transmettre, au-delà de mon expérience personnelle, la partie concrète mais immergée de l’iceberg : les sensations que l’on pense de l’ordre de l’inconscient, phénomène non contrôlé, sont finalement le résultat de plusieurs moyens mis en œuvre par l’architecte. Par de nombreux dispositifs étudiés, il ne permet bien évidement pas l’apparition instantanée de ce phénomène de l’espace sur le corps et l’esprit, mais, du moins, il le provoque. Pour étudier la diversité des sensations spatiales chez plusieurs personnes, j’ai élaboré une série de questions traitant du corpus de bâtiments, que j’ai distribué à une vingtaine d’amis et de proches, certains diplômés d’architecture, d’autres étudiants architectes, ou encore des personnes non concernées par le domaine. Je me suis cependant assuré en amont qu’ils avaient déjà eu l’occasion de visiter au moins ces 3 édifices. Par ce biais, j’ai compris que cette « phénoménologie de l’espace » était bien présente chez Alvar Aalto, et confirme le caractère multiple de ce phénomène. Au travers de différents questions, l’objectif était de travailler sur les faits (ce qu’ils ont vécu, quelle est leur expérience personnelle) sans forcément avoir connaissance des causes (dispositifs architecturaux mis en place). Par des questions ouvertes sur leurs récits personnels des visites, il en ressort plusieurs résultats que je souhaite intégrer à ce travail comme transition d’une partie personnelle à celle plus générale. Néanmoins, certains de ces propos peuvent se trouver en décalage par rapport au sujet, par un manque d’informations vis-à-vis de ce mémoire, par des souvenirs parfois trop vagues et lointains ou encore hors de contexte. Je ne souhaite donc pas faire de ces retours personnels une partie majeure de ce travail mais plutôt comme appui de cette idéologie.
En somme, en partant d’une analyse certes plus spirituelle, l’objectif final de ce mémoire est de démontrer son apparition par des éléments architecturaux qui, cette fois, sont concrets et existants.
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État de l’art
Cette partie a pour but de relever différents ouvrages en lien avec le sujet et qui m’ont poussé à orienter ma recherche de cette manière. Il ne convient pas ici de faire une bibliographie exhaustive de Alvar Aalto mais plutôt d’exposer quelques lectures principales ayant certainement influencé mon approche, ma démarche et la finalité de la problématique.
Lors de mes recherches sur la « phénoménologie de l’espace architectural », je me suis orienté vers la relecture d’un ouvrage très apprécié des architectes : « Atmosphères »1 (2008) de l’architecte suisse Peter Zumthor (né en 1943). Il y décrit, de façon personnelle, au travers de propos tenus en conférence, la catégorisation des dispositifs qu’il met en place dans son architecture, en utilisant comme témoins ses propres travaux. Intimement convaincu que l’espace architectural est capable, au travers d’une « atmosphère », d’interagir avec l’usager, il énonce des éléments tels que la lumière, la température, le parcours architectural, la matière, l’échelle des volumes, etc. Cet ouvrage m’a permis de croiser certaines de ses notions avec d’autres mises en place chez Alvar Aalto. Il est d’autant plus intéressant d’étudier la pensée architecturale contemporaine de Peter Zumthor en sachant que ce dernier partage également des valeurs communes à l’architecture d’Alvar Aalto. En utilisant avec les catégories de Peter Zumthor pour organiser les dispositifs de Alvar Aalto, tous les éléments ne s’adaptaient pas au schéma. A partir de ce moment, et nous le verrons par la suite, une organisation et un vocabulaire qui me sont propres se sont développés, toujours guidés par cette volonté d’une approche personnelle. Par la suite, un deuxième ouvrage m’a tout particulièrement marqué ; celui de l’architecte français Dominique Beaux et son livre « Alvar Aalto et Reima Pietila »2 (2015). C’est ouvrage est une ressource majeure sur les dispositifs architecturaux et le développement de la pensée architecturale d’Aalto. En s’appuyant sur des écrits, des citations et des recherches sur l’architecte, Dominique Beaux, qui a d’ailleurs beaucoup écrit sur le travail de l’architecte finlandais, nous expose sous forme de catégories, en s’appuyant sur des exemples concrets, différents constats relevés dans l’architecture d’Avlar Aalto, de même que dans sa carrière et ses expérimentations. Les différentes notions qu’il y expose sont venues enrichir grandement mon travail, par croisement et en comparaison avec d’autres lectures. En somme, très riche d’enseignements, ce livre m’a permis d’apprendre beaucoup de choses encore inconnues sur la pensée et la démarche architecturale presque infinie de ce maitre de l’architecture.
Enfin, plus éloignées du sujet, mais tout aussi nécessaires, je retiens également les lectures de « l’œil et l’esprit »3, ouvrage scientifique de Maurice Merleau Ponty (1985), philosophe français (19081961) et « Silence et lumière »4 (1996) de Louis Kahn, architecte américain (1901-74), où il fait état de son travail. Ces deux ouvrages m’ont apporté une vision plus générale et plus théorique sur l’espace, le corps, l’esprit, et l’interaction entre toutes ces entités.
1
Zumthor Peter, « Atmosphères », 2008, Editions Birkhauser, Allemagne/Suisse, 75 pages
2
Beaux Dominique, “Alvar Aalto et Reima Pietila, Finlande, architecture et génie du lieu », Editions recherches, France, 2015, 252 pages
3
Merleau-Ponty Maurice, « L’œil et l’Esprit », 1985, Editions Gallimard, France, 92 pages
4
Kahn Louis, « Silence et Lumière », 1996, Editions du Linteau, France, 300 pages
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Nous pourrions également citer « Le regard des sens » 1, 2010, de Juhani Pallasmaa, architecte finlandais (1936-) qui exprime toute la diversité des sens humains intimement liée à l’architecture. Il parle entre autres de « espace oral/ espace visuel », d’« intimité accoustique », du « goût de la pierre », ou encore d’« espaces de mémoire et d’imagination ».
Par ailleurs, je me suis rendu compte du nombre très important d’ouvrages qui traitent de la « phénoménologie de l’espace » selon des approches philosophiques et hypothétiques répondant souvent à l’avis personnel de l’auteur. L’idée de ce mémoire n’est donc pas de s’étaler sur le sujet vaste qu’est la « phénoménologie », mais de la limiter à sa dimension architecturale en utilisant les outils concrets et le vocabulaire de l’architecte.
1
Pallasma Juhani, « Le regard des sens », 2010, Editions du Linteau, France, 110 pages
21
De gauche à droite : - Aalto Alvar, « Alvar Aatlo », 2002, Editions Dinalivro, Portugal, 80 pages - Beaux Dominique, “Alvar Aalto et Reima Pietila, Finlande, architecture et génie du lieu », Editions recherches, France, 2015, 252 pages - Aalto Alvar, «Villa Mairea, Noormarkku», Alvar Aalto Museum, English, 48 pages - Lathi Louna, « Aalto », 2015, Editions Taschen GmbH, traduction anglaise, 96 p - Aalto Alvar, “La table blanche et autres textes », 2012, Editions Parenthèses, traduits du finnois par Anne Colin du Terrail, 288 p - Revue « Le carré Bleu : Alvar Aalto », 1973, Editions Le Carré Bleu, France, 15 pages
De gauche à droite : - Pallasma Juhani, « Le regard des sens », 2010, Editions du Linteau, France, 110 pages - Pérec Georges, « Espèces d’Espace », 1974, Ed Galilée, réédition de 2000, 200 pages - Merleau-Ponty Maurice, « L’œil et l’Esprit », 1985, Editions Gallimard, France, 92 pages - Zumthor Peter, « Atmosphères », 2008, Editions Birkhauser, Allemagne/Suisse, 75 pages - Merleau-Ponty Maurice, « Phénoménologie de la perception », 1976, Editions Gallimard, France, 530 pages - Kahn Louis, « Silence et Lumière », 1996, Editions du Linteau, France, 300 pages
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Problématique
Dès les prémices du questionnement, influencée par l’expérience finlandaise, la naissance de ce sujet s’est nourrie d’une multitude de questions posées sur place, lors des visites mais aussi suite à des discussions, des réflexions, des recherches et des lectures. L’approche a ensuite évoluée, la démarche également, et le sujet s’est peu à peu orienté vers la quête des raisons de l’apparition de ses sensations architecturales et spatiales. Ainsi, la problématique sera le reflet de la rencontre entre ces deux parties : une première partie personnelle qui trouvera sa réponse dans une partie plus théorique et concrète.
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De l’intuition à la compréhension, de la pratique à la théorie : quels dispositifs architecturaux Alvar Aalto met-il en place dans son architecture pour stimuler la sensibilité architecturale des usagers ?
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Sources
De façon plus synthétique et claire, je vous propose ici de lister les différents outils utilisés qui sont à l’origine de ce travail et qui illustreront par ailleurs mes dires tout au long de ce mémoire. Je souhaite ici ne m’attarder que sur les principaux outils dont dispose un architecte pour travailler. J’ai décidé d’organiser cette liste sous deux parties distinctes : l’une concerne les sources et outils qui appuyeront les différentes descriptions de sensations, l’autre concernant la partie analytique des dispositifs architecturaux mis en place dans les bâtiments de Alvar Aalto.
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DESCRIPTION DES SENSATIONS PAR LE SOUVENIR
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L’écrit : c’est un récit personnel relatant de divers souvenirs de sensations spatiales La schématisation mentale : permet d’illustrer les diverses situations Le plan de situation : permet de localiser le lieu en question et son approche architecturale La photographie : aide à la mémoire, capte le moment présent, illustre les propos Etude du parcours par le séquençage : tel un storyboard, le parcours sera séquencé dans le bâtiment (mon arrivée aux abords, mon entrée, mon parcours à l’intérieur, ma sortie…) Les archives (plans, coupes, élévations, photographies anciennes...) : permettent de remonter dans le temps et d’illustrer les propos Comparaison entre le souvenir spatial et la réalité métrique du bâtiment Développement d’un vocabulaire personnel Etude des similitudes et différences au sein d’un corpus de bâtiment restreint
ANALYSE DES DISPOSITIFS
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Les archives (plans, coupes, élévations, photographies anciennes...) : permettent de remonter dans le temps, d’analyser les éléments et d’illustrer les propos Etude du détail technique Organiser, Catégoriser, Hierarchiser Comparaisons et rapprochements des savoirs théoriques, techniques et historiques Lectures : permettent de développer des approches théoriques, scientifiques, philosophiques pour appuyer les différents propos Citations : permettent de remonter dans le temps et d’appuyer de façon concrète un propos Développement d’un vocabulaire impersonnel Etude des similitudes et différences au sein d’un corpus de bâtiment plus élargi
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Annonce du plan
Afin de répondre à la problématique, je souhaite développer un plan en forme d’entonnoir inversé. L’idée est de partir de l’étude de sensations personnelles, dans un corpus de bâtiment restreint, une approche donc plus ciblée, plus intime, plus hypothétique, caractérisée par des questionnements, des intuitions, pour ensuite chercher des réponses plus concrètes dans une partie plus générale, plus universelle, consacrée au développement de la pensée architecturale de l’architecte tout au long de sa carrière.
Nous pourrions schématiser cette approche et le déroulement de ce développement par la figure ci-contre :
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RÉCIT DE VOYAGE (Rencontre avec Alvar Aalto)
DES FAITS (Analyse personnelle de la phénoménologie de l’espace par l’étude de cas de 3 bâtiments)
DES DISPOSITIFS ARCHITECTURAUX (Analyse personnelle des dispositifs architecturaux mis en place)
DES DISPOSITIFS DÉVELOPPÉS SELON UNE PENSÉE ARCHITECTURALE (Analyse théorique entre contexte, histoire, inspirations, voyages, formations, influences…) DES CAUSES (Analyse concrète des dispositifs architecturaux mis en place dans son architecture)
CONCLUSION (Des dispositifs architecturaux au service de la phénoménologie de l’espace)
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INTRODUCTION AU DÉVELOPPEMENT
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Alvar Aalto en quelques dates
Afin d’aborder ce sujet de manière universelle, il me semble nécessaire de commencer par retracer la vie personnelle et professionnelle d’Alvar Aalto, au travers d’une succincte biographie. Cette partie a pour objectif de contextualiser le principal intéressé de ces écrits.
Alvar Aalto, de son vrai nom Hugo Alvar Henrik Aalto, est né en 1898 à Kuortane, une petite ville au centre du pays. Il est architecte, dessinateur, urbaniste et designer finlandais. C’est au travers de plus de 400 projets internationaux, dont 200 réalisations présentes majoritairement dans son pays natal, qu’Alvar Aalto est aujourd’hui considéré comme l’un des pionniers et révolutionnaires de l’architecture moderne.
Il obtient son diplôme d’architecte à l’école technique supérieure de Helsinki en 1921. Il n’a alors que 25 ans lorsqu’il s’installe dans la ville de Jyväskylä, ville de son enfance. Il y restera 5 ans. En 1928, il s’installe dans la ville de Turku, pour les affaires, avec sa femme Aino Marsio, elle aussi architecte et designer finlandaise, qu’il épouse en 1924. Enfin, ils s’installent définitivement dans la capitale du pays, Helsinki, dès 1933. Grâce à l’acquisition d’un terrain à Mukkiniemi en 1934, ils y construisent leur maison deux ans plus tard, leur servant également d’agence. Fort de son succès en architecture, Aalto se lance un nouveau challenge, celui de la fabrication pour tout public de mobiliers et objets de design. Il fonde, en 1935, la société Artek avec sa femme et en partenariat avec la famille Ahlström-Gullinschen, clients de la fameuse villa Mairea (1937-39). Malheureusement, en 1949, à l’âge de 55ans, sa femme Aino décède. Il rencontrera par la suite Elsa Kaisa Mäkiniemi, une jeune architecte venue travailler dans l’agence dès l’obtention de son diplôme en 1949 et qui deviendra officiellement sa seconde femme en 1952.
Si Alvar Aalto marque autant les esprits, c’est parce qu’il est également fortement impliqué dans les organisations nationales et internationales. En effet, il intègre la communauté des CIAM1 en 1929, et devient président de l’Union centrale des architectes finlandais (SAFA) de 1943 à 1959. Il a également été professeur au Massachusetts Institute of Technology à Boston, de 1940 à 1950.
En 1976, à l’âge de 78 ans, Alvar Aalto décède dans sa ville d’adoption, Helsinki. Il laisse derrière lui quelques projets inachevés, mais surtout le souvenir d’un architecte humain, innovant, sensible et impliqué. Sa seconde femme Elsa Aalto, aura pour mission de terminer ses nombreux projets commandés, de la conception à la construction, après avoir travaillé plus de 27 ans à ses côtés. Elle décède en 1994, à 71 ans.
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Congrés International d’Architecture Moderne
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Hugo Alvar Henrik Aalto dans son atelier, Helsinki, 1957. Photo de Heikki Havas Source : Alvar Aalto Museum
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Ma rencontre avec Alvar Aalto
Avant de m’envoler à destination de la Finlande, j’étais forcé de constater que l’Europe occidentale n’est que très peu sensibilisée à ce pays nordique. Certains le connaissent au travers de son importante industrie du bois, d’autres pour son industrie téléphonique et technologique avec l’entreprise « Nokia », pour ses paysages, son climat, la culture du sauna, ou encore comme étant le pays du Père Noël. Mis à part cela, le rayonnement international du pays est très faible. Mais une figure emblématique du domaine architectural de l’époque moderne va, par son travail, ses écrits, ses conférences à l’international, participer à donner à ce territoire enclavé, une toute nouvelle dimension : je veux bien évidement parler de Alvar Aalto.
En effet, une fois sur place en Finlande, je me suis rendu compte du rayonnement important de l’architecte dans les bibliothèques des villes, les universités, dans la culture locale, dans le cœur des gens. Il existe une réelle connaissance et reconnaissance du personnage et de son travail, pas seulement chez ses paires ou des professionnels du bâtiment, mais également dans chaque foyer. C’est une fierté nationale et une personnalité reconnue en Finlande. Aujourd’hui, son architecture est devenue une importante attraction touristique et culturelle, son image étant associée à celle du pays.
Peu de pays aujourd’hui peuvent s’assoir à la table finlandaise en exprimant leur fierté d’avoir un architecte iconique, pionner d’une pensée architecturale forte, au rayonnement international si important. Nous pourrions citer, entre autres, les grands noms de Oscar Niemeyer (1907-2012) au Brésil, Mies Van der Rohe (1886-1969) en Allemagne, Charles Edouard Jeanneret (1887-1965) en Suisse, Luis Barragan (1902-1988) au Mexique, Franck Lloyd Wright (1867-1959) et Louis Kahn (1901-1974) aux Etats Unis d’Amérique.
Pour ma part, je ne connaissais l’architecte seulement au travers de quelques ouvrages. L’idée n’était pas de partir en Finlande pour confirmer, pour juger, pour comparer mes connaissances qui auraient pu être plus poussées, avec la réalité de ses travaux sur place. Elle était au contraire plus accès sur la découverte, la réflexion, la surprise, le questionnement, qui plus tard, par des recherches, des lectures plus approfondies, amèneront la compréhension plus aboutie de son œuvre. Le but d’une visite n’est donc pas la finalité d’une étude mais au contraire son commencement.
C’est aussi ce dont je souhaite vous faire part dans ces écrits. Je suis intimement convaincu que si j’avais visité les espaces aalténiens en connaissance plus approfondie des choses, mes émotions, mes sensations, mon étonnement n’auraient surement pas été aussi expressifs.
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J’ai d’ailleurs développé une stratégie originale d’approche des travaux de cet architecte. Lorsque je prenais le bus, la voiture, seul ou en groupe, à destination d’autres villes finlandaises, l’idée première n’était pas de partir à l’assaut des bâtiments d’Alvar Aalto, mais plutôt de visiter ces villes, de s’ouvrir plus largement à la culture architecturale finlandaise. Les villes comme Porvoo, à l’Est de Helsinki, ou encore Turku, sont représentatives de l’architecture vernaculaire finlandaise, et donc très riche d’enseignements. Néanmoins, une fois sur place, au fil des rues, des quartiers, l’objectif était d’aborder les bâtiments d’Alvar Aalto de façon aléatoire, en évitant la facilité des logiciels de localisation, au contraire par la recherche et reconnaissance d’éléments et dispositifs architecturaux significatifs de son œuvre. Cette approche fonctionne parfaitement dans les villes comme Helsinki, Turku, Jyväskylä, où Alvar Aalto, par ses très nombreuses constructions, est massivement présent. Mon plus grand plaisir se trouvait là, entre le parcours exploratif hasardeux de la ville et la satisfaction, la surprise, de reconnaitre, au coin d’une rue, un des bâtiments d’Alvar Aalto. Cette démarche m’amenait d’ailleurs à appréhender la ville différemment, en associant l’exploration aléatoire de la ville et le fait d’être attentif aux moindres détails, des matériaux aux teintes, de la poignée de porte aux luminaires, le fait de devoir lever la tête également, de s’intéresser simplement à l’architecture au travers du regard. Elle répondait aux multiples questions que je me posais à cette période : « pourquoi l’architecture aalténienne est-elle si reconnaissable ? Pourquoi cette récurrence d’utilisation des matériaux ? des formes ? Pourquoi l’architecture d’Aalto est-elle devenue si emblématique ? »…. Cependant, cette approche ne peut fonctionner pour toutes ses œuvres: certains bâtiments, plus à l’écart des villes, plus modestes par leurs tailles, moins reconnaissables demandent alors de s’intéresser en amont à leurs localisations. Par exemple, il m’est arrivé de passer plusieurs fois devant certains bâtiments sans savoir qu’il s’agissait d’Alvar Aalto : je pourrais citer entre autres les bureaux d’Enzo Gutzeit sur le port de Helsinki (1959-1962), ou encore la villa Karpio de Jyväskylä (1923). Ma période Erasmus s’est déroulée de Août 2018 à Mai 2019. J’ai eu l’opportunité de visiter au total une vingtaine de bâtiments d’Aalto, aux quatre coins de la Finlande, de Seinäjoki à Helsinki, de Turku à Jyväskylä. Divers par leurs tailles, leurs périodes de construction, leurs fonctions, leurs localisations, j’ai pu enrichir au fil des mois un corpus de bâtiments qui reflètent l’ensemble de sa pensée architecturale. C’est par les visites de ces architectures diverses et variées que je peux aujourd’hui mettre en relation plusieurs de mes sensations spatiales pour en déterminer les causes.
Intéressons-nous plus en détail à l’étude de cas de ses sensations perçues lors de la visite de 3 bâtiments d’Alvar Aalto : « Rautatalo » et « Studio Aalto » à Helsinki, et « l’église de Lakeudenrist » à Seinäjoki.
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DÉVELOPPEMENT
RAUTATALO
1951-1955
Helsinki, Finlande
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Le bâtiment en quelques lignes...
« Rautatalo » (1951-55), signifie « maison de l’acier » en finnois. Il porte effectivement bien son nom puisqu’ il est le siège social d’une association de quincailleries finlandaises. Alvar Aalto remporta le premier prix du concours en 1951 et sera chargé de la mise en œuvre du bâtiment jusqu’en 1955. La proposition du concours était simple : une grande cour centrale autour de laquelle les espaces intérieurs, les bureaux et les circulations s’articulent. Dans celle-ci, la cour couverte éclairée par des ouvertures zénithales s’étendait sur les 7 étages du bâtiment. A la demande du client, afin de réduire l’enveloppe financière, cette proposition sera modifiée à une hauteur de deux étages. La cour centrale, située un niveau au-dessus de la rue, était à l’époque composée d’espaces de vente dont un qui abritait « Artek », distributeur des meubles d’Alvar Aalto. Aujourd’hui, l’espace central est occupé par des expositions et un café ouvert au public. Les bureaux des autres étages sont toujours en activité.
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Choix du bâtiment
Comme déjà évoqué précédemment, le choix de ce bâtiment a très certainement été influencé par le souvenir de ma première rencontre avec l’architecte. Il n’est en aucun cas le bâtiment le plus connu d’Alvar Aalto et loin d’être le plus représentatif de son œuvre architecturale. Cependant, au-delà d’un lien symbolique développé pour cette architecture, l’étude de ce bâtiment semble pertinente, non pas parce qu’il permet une explosion de sensations « positives et extraordinaires » chez les usagers, mais au contraire, car c’est le bâtiment le plus représentatif de ce que je souhaite démontrer au travers de ce mémoire. Je pense que nous nous accordons, pour ceux qui ont eu l’occasion de se mouvoir dans un ou plusieurs espaces aalténiens, à dire que son architecture est peu commune, réfléchie et bien pensée, ce qui fait de lui l’un des grands maitres de l’architecture. De plus, une sensation de bien-être imprègne souvent ces lieux, bien que ce ressenti reste propre à chacun. A contrario, après plusieurs visites de ce bâtiment, j’ai développé des sensations qui ont évoluées avec le temps. D’abord, une sensation plutôt positive, de bien-être, puis, plus tard, une série d’autres émotions, moins positives cette fois. La diversité des ressentis des personnes sondées par le questionnaire a permis de confirmer cette multiplicité de sensations ; certaines s’y sont senties bien, d’autres n’ont pas apprécié la visite, d’autres encore n’ont pas reconnu le travail « habituel » d’Alvar Aalto.
Il me semblait alors nécessaire de traiter l’étude de ce bâtiment, c’est d’ailleurs tout naturellement et sans hésitation que je l’ai très rapidement intégré au corpus tant il était cohérent avec le sujet.
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Rautatalo, Helsinki, 1951-1955 - Espace intérieur central Photo personnelle Prise de vue le 25 Août 2018, 12h20
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Contexte de la visite
Situé dans une artère principale de la ville, non loin de la gare centrale de Helsinki, la « maison de l’acier » est sans doute le bâtiment le plus accessible de son panel d’œuvres finlandaises. Cependant, il est loin d’être le plus visité et pour cause, il est très peu publié et donc très peu connu. D’autre part, il n’est accessible que pendant les horaires d’ouverture des bureaux, et fermé le week-end. En effet, n’étant pas caractéristique de l’œuvre de l’architecte, il est pourtant facilement reconnaissable de l’extérieur grâce à l’utilisation de matériaux tels que le bois, la brique, le cuivre et le bronze. La façade vient se greffer harmonieusement et proportionnellement à celle du bâtiment voisin dessinée par l’architecte Eliel Saarinen en 1920. Le bâtiment devient presque invisible aux yeux des passants, occupés à profiter des devantures des magasins de l’artère principale de la ville. Plusieurs amis se sont notamment rendus compte, en fin d’année seulement, qu’ils étaient passés régulièrement devant ce bâtiment sans savoir qu’il s’agissait d’une œuvre de l’architecte. Enfin, sa modeste entrée, en retrait de la façade, ombrée sous un couvert, n’invite pas à pénétrer à l’intérieur de celui-ci. Peut-être était-ce un objectif pour l’architecte de minimiser l’importance de l’entrée de ce bâtiment qui se voulait avant tout accueillir des bureaux privés. C’est seul, en parcourant les rues de la ville, que j’ai découvert pour la première fois ce bâtiment qui m’était inconnu. Je suis bien resté une quinzaine de minutes à l’observer en me demandant si oui ou non il s’agissait d’Alvar Aalto. Ce n’est qu’en m’approchant de l’entrée, que les poignées de bronze, datant de 1956, et les luminaires extérieurs, d’ailleurs conçus pour ce bâtiment, se sont révélés pour mettre fin à mes doutes.
Première visite : « Samedi 25/06/18, à 16h de l’après-midi, ciel nuageux, température agréable printanière, luminosité importante, seul ». Nous sommes alors une semaine après mon arrivée en Finlande, je décide de partir visiter la fameuse capitale. Ayant pris possession de mon appartement à Tampere et fait connaissance avec ma future université, quoi de mieux que de s’imprégner de la culture locale en visitant Helsinki pour marquer le commencement de cette nouvelle aventure.
Deuxième visite : « Lundi 04/03/19 à 10 h du matin, ciel gris, froid glacial, neige sur la chaussée, lumière sombre ». Ce jour-là, je viens chercher à la gare un ami étudiant architecte de l’ENSA de Grenoble, venu me rendre visite. A peine il avait posé le pied sur le quai de la gare que je lui proposais déjà de visiter son tout premier bâtiment d’Alvar Aalto.
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Photographie extérieure - luminaire - prise de vue le 04 Mars 2019, 14h48
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Photographie intérieure - sas d’entrée - prise de vue le 04 Mars 2019, 15h00
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Photographie intérieure - verdure sur coursives - prise de vue le 25 Août 2018, 12h03
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Photographie intérieure - diversité des matériaux - prise de vue le 04 Mars 2019, 15h06
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Description des souvenirs par séquençage
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Plan schématique de la parcelle - Localisation de la situation
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Élévation schématique depuis la rue qui représente la situation
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Lors de ma première visite, plusieurs sentiments m’ont envahi. D’abord, des sentiments de fierté et de surprise se sont révélés par la reconnaissance, au coin d’une rue et ce de façon totalement aléatoire, d’éléments emblématiques aalténiens, d’une architecture pourtant peu connue du grand public. Ensuite s’en sont mêlés des sentiments d’émerveillement et de fascination envers cette œuvre architecturale. J’ai le souvenir d’être resté quelques temps à décrypter, figé en plein milieu de la grande avenue, cette grande façade et les éléments la composant. L’utilisation du cuivre, peu commune au bâti environnant, m’avait déjà interloqué. Poussant ensuite la porte qui, je me rappelle, était très lourde, je me suis engagé de façon hasardeuse dans le bâtiment...
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Poussant ensuite la porte qui, je me rappelle, était très lourde, je me suis engagé de façon hasardeuse dans le bâtiment. Une fois à l’intérieur, face à ma droite, se trouvait un escalier menant vers cette fameuse cour centrale et très éclairée. À ma gauche, il y avait un sas d’entrée, plus sombre, menant à 3 portes d’ascenseur privées. Une première remarque se dessine alors ; dès l’entrée, il y a séparation des usages. Une distinction est directement faite entre l’usage privé des bureaux, et l’usage publique du vide central.
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Plan schématique de la parcelle - Localisation de la situation
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Perspective schématique qui représente la situation
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Attiré par la lumière, mon regard était pris dans la perspective de l’escalier, je me suis dirigé doucement, vers ce vide...
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Et c’est à ce moment précis, en haut de l’escalier, que j’ai poussé un grand « waouh ». Je me trouve alors sous une hauteur de plafond de trois niveaux, baigné de lumière à la fois naturelle et artificielle. Je découvre avec étonnement cet espace intérieur si monumental, où se tiennent diverses fonctions comme un café, une exposition, des assises, un espace de renseignements, etc.
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Plan schématique de la parcelle - Localisation de la situation
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Coupe longitudinale schématique qui représente la situation
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Cet espace devient alors un privilège pour une poignée de connaisseurs qui peuvent tranquillement prendre leur café, boire une bière ou manger un croissant loin de l’agitation de la ville, dans une intériorité presque cachée, les mettant ainsi à l’abri de la pluie, du vent et du froid. Paradoxalement, j’avais cette forte impression d’être à l’extérieur, sur une place publique couverte, immaculée de lumière, épurée et vivante. Dominée par la hauteur imposante des bâtiments l’entourant, j’avais cette sensation d’être au cœur d’un îlot bâti. Je me sentais protégé, dans cet espace qui paraissait en quelque sorte coupé du monde extérieur, refuge à la ville. En résumé, ma première rencontre avec Alvar Aalto rime avec bien être, découverte et surprise.
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Huit mois plus tard, en Mars 2019, au crépuscule de la période hivernale, le manteau doublé sur le dos, je décidais d’emmener un ami boire un café au chaud chez Alvar Aalto. L’occasion pour nous d’associer ce moment de plaisir avec visite architecturale. Malheureusement, alors que je m’attendais à retrouver une situation de « bien-être » similaire à la première visite, ce ne fut pas le cas. L’espace central était cette fois, plus sombre, éclairé majoritairement par la lumière artificielle, notamment dû à la saison qui rendait la luminosité naturelle peu élevée. La cour intérieure se trouvait, quant à elle, vidée de ses usagers et me semblait alors beaucoup plus froide, beaucoup moins vivante. Il est intéressant de soulever que dans la culture finlandaise, plus particulièrement en hiver, les habitants sont casaniers et restent au chaud, chez eux.
Sans aucun bruit alentour, résonnait l’écho de nos pas, de nos discussions, tous amplifiés, nous avions comme l’impression de déranger le silence qui y régnait. L’espace de cette place extérieure se transformait alors en intérieur qui, tout d’un coup, me semblait plus petit, plus privé et beaucoup moins accueillant. Il y avait un sentiment de malaise dans cet espace où nous ne trouvions pas notre place. Le café, qui se doit être un moment de partage, d’observation, où les discussions se mêlent dans un « brouhaha » général, devenait ici un moment moins populaire et moins agréable. Nous ne nous sommes donc pas attardés.
Un second constat est alors apparu ; même si le bâtiment reste identique, même si les dispositifs architecturaux sont les mêmes, il y a de nombreuses autres données à prendre en compte qui, une fois rassemblées, interagissent ensemble. Contrairement à la première visite, placée sous le signe de la découverte et m’ayant laissé un sentiment d’un espace vivant, agréable et plus chaleureux, l’appréciation spatiale de la deuxième visite s’est avérée complètement différente. Je fus très étonné de me retrouver cette fois face à un espace clos et plus petit, froid , vidé de vie qui la prive de sa fonction principale, où un sentiment d’enfermement et de malaise nous donnaient l’impression de déranger l’espace.
Ainsi, je constate que la « perception spatiale » ne dépend pas uniquement de l’espace en lui-même, mais également de toutes autres circonstances, comme le contexte de la visite par exemple. Ces différents facteurs, non contrôlés, permettent finalement d’accentuer, ou au contraire de diminuer, la force des éléments architecturaux, et donc la notion de « phénoménologie de l’espace ».
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Souvenirs chez les autres
Relevons ci-dessous une sélection de remarques et de ressentis mis en avant par les différents participants au questionnaire distribué. Cela nous renseigne que les avis divergent, qui plus est dans cette étude de cas, et que les sensibilités spatiales sont propres à chacun.
« La lumière blanche omniprésente dans cet espace intérieur est semblable à celle de la lumière extérieure, bien qu’il n’y ait aucune vue sur l’extérieur ». 1
« Je crois que c’est l’espace architectural de Alvar Aalto que j’ai le moins aimé, d’ailleurs c’est celui dont j’ai le moins de photos et de souvenirs. Je pense que c’est dû à la lumière, il n’y avait pas assez de lumière naturelle et pas de vue extérieure pour s’y sentir à l’aise […] ». 2
« Cet espace ne m’est pas très chaleureux, une sensation de froideur, contrairement à ses autres projets que j’ai eu l’occasion de visiter ». 3
« […] je crois qu’il est important de regarder la coupe de ce projet. Le décalage des balcons des étages supérieurs permet à l’espace central de prendre une toute autre dimension, par la notion de dilatation ». 4
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Joeffrey LESUEUR, Architecte diplômé à l’Université de Liège, Belgique
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Elise MULLENS, Architecte diplômée de l’Université de Liège, Belgique
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Manon SERVIERES, étudiante en Master 2 à ENSA PVS, France
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Corentin BAUDRY, étudiant en Master 2 à l’ENSA Grenoble, France
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Analyse des dispositifs architecturaux
Maintenant que nous avons décrit les FAITS, soit la « phénoménologie de l’espace », et que nous avons amorcé, au travers de différentes remarques, l’analyse des CAUSES, nous pouvons désormais évoquer les dispositifs architecturaux qui permettent le développement de ces sensations. Sous forme de liste, je souhaite vous faire part des éléments relevés et qui, selon moi, sont l’une des raisons principales de ces interactions entre le corps et l’esprit. Nous ne parlerons pas de l’analyse du contexte et des autres facteurs incontrôlables, il ne s’agit ici que de trouver les réponses à ces phénomènes grâce aux outils physiques avec lesquels l’architecte peut travailler et qu’il se doit de maitriser. Pour cette étude de cas, nous diviserons la liste en deux parties. Une première partie évoquera d’abord les réponses aux sensations vécues lors de la première visite tandis que la deuxième, celles de la seconde. Je souhaite également organiser le relevé de ces dispositifs selon plusieurs catégories : les dispositifs du parcours architectural, dispositifs volumétriques, dispositifs formels, dispositifs de matérialité, dispositifs lumineux et dispositifs sensoriels. PREMIERE VISITE : Entre espace monumental, extérieur, la surprise et la sensation de bien-être. •
Les dispositifs du parcours architectural
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La porte, lourde par son poids, l’arrivée dans un premier SAS, puis l’action de monter (escalier) permet de renforcer le sentiment de transition entre l’espace intérieur et extérieur par la matérialisation du franchissement, en nous éloignant physiquement et psychologiquement de l’espace public extérieur.
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Cette idée de franchissement, associée à l’épaisseur bâtie, l’insonorisation à l’extérieur, permet d’augmenter cette sensation de protection et de se mouvoir dans un espace totalement en marge de la ville.
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La perspective de l’escalier, contenue entre deux pleins, renforcée par l’appel de la lumière naturelle, par la faïence verticale qui dirige le regard verticalement, les mains courantes qui semblent nous tendre les bras, permettent d’inciter naturellement l’usager à prendre cet itinéraire. •
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Les dispositifs volumétriques
Vu de l’extérieur, l’entrée, plus sombre, sous un couvert, cachée, qui se fond harmonieusement bien à la façade sobre, et surtout par sa modestie, sa petite taille vis-à-vis de la forte présence du bâtiment, participent, lorsque l’on y rentre, au sentiment de surprise et d’un moment privilégié.
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Le volume de l’entrée, petit, qui sépare les usages, avec beaucoup de passages, où l’on étouffe, où l’on est oppressé, renforce cette sensation de monumentalité et de libération par la dilatation de l’espace une fois en haut de l’escalier. •
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Les dispositifs formels
Il existe deux perspectives ici créées, comme en témoignent les croquis archivés de l’architecte : perspective horizontale, accentuée par la forme rectangulaire de l’espace, les éléments horizontaux des balcons, l’alignement des poteaux verticaux, ou encore les entrées de lumière zénithales au plafond. La perspective verticale également, permise par la mise en retrait du balcon supérieur, pour créer une sensation d’entonnoir, d’ouvrir le regard, d’accueillir la lumière. Tout cela participe à rendre l’espace beaucoup plus grand qu’il ne l’est.
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La fontaine renforce cette idée de faire de cet espace une véritable place publique et un lieu de passage (commerces, café et expositions…)
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Les trois grandes géométries sont présentes dans cet espace : le cercle, avec les ouvertures au plafond, le triangle, caractérisé par les perspectives, et le rectangle, la forme principale de la pièce : participent à l’admiration de son travail. •
Les dispositifs de matérialité
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A l’intérieur, le sas d’entrée plus sombre, doté d’une diversité de formes (la courbe, formes organiques) et d’une grande diversité des matériaux (faïence foncée, bois foncé, le bronze, le cuivre) contraste avec l’utilisation d’un travertin clair, de formes épurées, rectangulaires et homogènes de l’espace central baigné de lumière naturelle.
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La présence de la végétation, qui contraste avec la blancheur de l’espace de la cour couverte, permet de faire le lien symbolique et visuel avec l’espace extérieur et de se détacher de l’image d’un espace intérieur.
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Les dispositifs lumineux
La faible hauteur sous plafond des espaces en extrémité, associée avec la présence massive de luminaires artificiels, plus jaunes, contrastent avec l’espace central à grande hauteur, baigné d’une lumière naturelle, plus blanche : l’architecte dissocie ici l’espace qu’il souhaite extérieur de l’espace intérieur. Il devient par la même occasion le lieu d’exposition pour ses meubles (anciennement magasin ARTEK).
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Vu de l’extérieur, l’entrée, plus sombre, sous un couvert, cachée, qui se fond harmonieusement bien à la façade sobre, et surtout par sa modestie, sa petite taille vis-à-vis de la forte présence du bâtiment, participent, lorsque l’on y rentre, au sentiment de surprise.
Rautatalo, Helsinki, 1951-1955 - Photographie depuis la rue Prise de vue de Heikki Havas Archive de la fondation Alvar Aalto
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La perspective verticale également, permise par la mise en retrait du balcon supérieur, pour créer une sensation d’entonnoir, d’ouvrir le regard, d’accueillir la lumière.
Rautatalo, Helsinki, 1951-1955 - Coupe sur bâtiment Dessin à la main Archive de la fondation Alvar Aalto
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A l’intérieur, le sas d’entrée plus sombre, doté d’une diversité de formes (la courbe, formes organiques) et d’une grande diversité des matériaux (faïence foncée, bois foncé, le bronze, le cuivre) contraste avec l’utilisation d’un travertin clair, de formes épurées, rectangulaires et homogènes de l’espace central baigné de lumière naturelle.
Rautatalo, Helsinki, 1951-1955 - Escalier d’entrée Photo personnelle Prise de vue le 25 Août 2018, 12h15
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Il existe deux perspectives ici créées, comme en témoignent les croquis archivés de l’architecte : perspective horizontale, accentuée par la forme rectangulaire de l’espace, les éléments horizontaux des balcons, l’alignement des poteaux verticaux, ou encore les entrées de lumière zénithales au plafond.
Rautatalo, Helsinki, 1951-1955 - Perspective intérieure Dessin à la main Archive de la fondation Alvar Aalto
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SECONDE VISITE : Entre espace devenu petit, froid, et sensation de malaise.
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Les dispositifs formels
L’absence d’ouvertures, de vues sur l’extérieur, renforce le sentiment d’enfermement.
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Les dispositifs de matérialité
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La froideur de l’espace s’explique par la présence de matériaux, qui, par contact physique (le bronze de la poignée, de la rampe, le travertin, le marbre au sol) participe à la conduction thermique du froid. Psychologiquement aussi, le marbre, lisse, le travertin, blanc, la faïence de l’entrée, blanche elle aussi, participent à rendre cet espace plus froid. Peut-être que c’est ce que l’architecte souhaitait afin de détacher l’espace central de l’image d’un espace intérieur.
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Le contraste créé entre les espaces périphériques, qui par un jeu de motifs (joints et couleurs des faïences), de couleurs, d’assemblage de divers matériaux utilisés, les redans, confortent le contraste avec l’espace central, plus froid, plus vide, plus homogène et plus clair.
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Les dispositifs lumineux
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La faible luminosité extérieure de la saison renforce la présence des luminaires artificiels sur les extrémités de l’espace et en plafond, sur la partie des éclairages zénithaux. Cette lumière, plus jaune, est associé à l’intériorité. La place extérieure ne devient plus qu’un espace intérieur à triple hauteur et se trouve dépourvu de sens.
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Les puits de lumière zénithaux apportent une lumière indirecte et presque constante, limitent les variations de la lumière naturelle, ce qui intériorise un peu plus l’espace
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Les dispositifs sensoriels
Le son dans l’espace est une donnée également à prendre en compte. Les espaces périphériques, sous la simple hauteur, hauteur d’ailleurs plutôt faible (environ 2.30 m), recouvert au plafond d’un lattage bois et de faïences au mur, permettent de mieux absorber le son dans un espace plus contenu et fourni. A contrario, l’espace central, vide, revêtu de pierres de travertin, de grande hauteur, favorise la diffusion du son dans l’espace.
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La faible luminosité extérieure de la saison renforce la présence des luminaires artificiels sur les extrémités de l’espace et en plafond, sur la partie des éclairages zénithaux. Cette lumière, plus jaune, est associé à l’intériorité. La place extérieure ne devient plus qu’un espace intérieur à triple hauteur et se trouve dépourvu de sens.
Rautatalo, Helsinki, 1951-1955 - Espace intérieur central Photo personnelle Prise de vue le 04 Mars 2019, 15h08
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STUDIO AALTO
1954-1963
Helsinki, Finlande
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Le bâtiment en quelques lignes...
Fort d’un succès grandissant, Alvar Aalto dessine en 1954 son studio et atelier de travail où il réunit ses collaborateurs et accueille ses clients. Construit dès 1955, il a pour objectif d’agrandir l’effectif, et surtout de libérer l’espace de son ancienne agence, jusqu’alors située dans sa propre maison construite en 1936.
La première phase de construction (1954-55) concerne la majeure partie du projet. On rentre par le rez de chaussée, constitué des espaces servants, de repas et de pause, de la circulation, pour monter à l’étage où se situent les bureaux et salles de réunion, directement orientés sur un espace extérieur. Ce dernier est conçu sur un terrain en pente, par un jeu de niveaux. Une extension sera ajoutée entre 1962 et 1963 avec la construction d’une salle à manger et d’un bureau en contre-bas de la pente.
Ce studio sera son lieu de travail jusqu’à sa mort. La direction sera ensuite reprise quelques années plus tard par sa deuxième femme, Elissa Aalto. Repris et entretenu par la fondation Alvar Aalto, c’est aujourd’hui un musée.
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Choix du bâtiment
Pour cette seconde étude de cas, il m’a semblé pertinent de traiter du Studio d’Alvar Aalto. D’abord parce que le bâtiment fait parti des œuvres emblématiques de l’architecte, il a une histoire forte puisque c’est un lieu de production et d’inspiration au quotidien qui a participé à l’élaboration de ses plus grands projets. Dès la première visite, je me suis rapidement familiarisé avec le bâtiment où j’ai tout de suite compris l’importance du lien intérieur-extérieur chez Alvar Aalto. En effet, c’est l’un de ses projets qui représente le mieux cette notion.
Il n’est pas question ici d’aborder uniquement l’espace intérieur mais de mettre en avant cette relation forte qu’il existe entre les deux. Contrairement à l’étude de cas précédente, nous aborderons ici le cas de figure où l’espace extérieur devient un espace intérieur.
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Studio Aalto, Helsinki, 1954-1963 - Espace intérieur d’exposition Photo personnelle Prise de vue le 26 Août 2018, 15h16
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Contexte de la visite
J’ai eu l’opportunité de faire une visite guidée du studio le même jour que celle de sa maison personnelle. L’itinéraire préétabli et le discours du guide ont forcément influencé l’approche personnelle de cette architecture ou en ayant permis de mieux la comprendre.
J’ai eu l’occasion de me rendre trois fois sur les lieux. Il faut savoir que dès que nous nous rendions, moi et mes amis, à Helsinki, pour visiter ou pour le travail, nous en profitions pour aller rendre visite à Alvar Aalto. Sa maison et son studio, certes en périphérie de la ville, sont desservis par le tram et un réseau de bus efficace qui les rendent très accessibles.
Je ne vous exposerais ici que de deux de ces visites, celles qui m’ont le plus marquées, celles où j’ai le plus de souvenirs, le plus de photographies et surtout, celles qui trouvent du sens avec ce sujet.
La première visite : : « le dimanche 26/08/18 à 15h de l’après-midi, seul, par loisir, lors d’une visite guidée avec un groupe d’une dizaine de personnes, du contexte intérieur et extérieur. Le ciel était gris mais la température extérieure agréable avec une luminosité homogène et plutôt forte ».
La seconde visite : « le mardi 05/03/19 vers 15h également, accompagné du même ami étudiant architecte français que dans l’étude de cas précédente. Visite à l’improviste, visite seulement extérieure, ciel dégagé, bleu, neige au sol, fraicheur, une lumière sublime et luminosité faible ».
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Photographie intérieure - salle de réunion - prise de vue le 26 Août 2018, 15h21
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Photographie intérieure - salle d’exposition - prise de vue le 26 Août 2018, 15h17
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Photographie extérieure - vue depuis la cour - prise de vue le 05 Mars 2019, 15h03
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Photographie extérieure - vue depuis l’entrée - prise de vue le 05 Mars 2019, 15h01
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Description des souvenirs par séquençage
Première visite : 2 heures avant le début de cette première visite, je me suis rendu sur place et un premier tour extérieur des deux bâtiments. Par la suite, j’ai retrouvé le groupe de la visite guidée et nous avons commencé par sa maison personnelle, vers 14h, puis nous nous sommes dirigés, à pied, vers le bureau de l’architecte. Nous avons donc traversé le quartier, je me souviens avoir regardé à droite et à gauche, pour tenter de trouver un signe significatif de son architecture. Le guide s’arrête alors devant un grand mur de briques peintes en blanc qui s’adresse à la rue. Depuis l’extérieur, on ne percevait rien de la parcelle, seul un édifice blanc, sans ouverture et massif, pointait alors le bout de son nez. Sommes-nous au bon endroit ?
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Plan schématique de la parcelle - Localisation de la situation
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Elévation depuis la rue qui représente la situation
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Dans mes souvenirs, au travers la lecture d’écrits sur ce bâtiment, je me souvenais d’un édifice plutôt orienté sur l’extérieur, avec de larges ouvertures. Au premier regard, ça n’était pas du tout le cas, bien au contraire. Il a donc fallu faire le tour de la clôture pour enfin accéder à la parcelle et rentrer via un accès en pente. Le guide nous a d’abord demandé de faire le tour du bâtiment, avant d’essayer de trouver par nous-même la porte d’entrée. En faisant ce tour par l’extérieur, armé de mon appareil photo, j’ai pu déceler les principaux codes de ce bâtiment : un espace extérieur sur lequel viennent s’enrouler les différents espaces intérieurs du bureau, dans une forme inclusive et englobante, intériorisant cet espace central. L’ensemble du bâtiment s’oriente sur cette nature et tourne subtilement le dos, par l’absence d’ouverture et la présence d’une clôture en brique face à la rue...
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L’architecte utilise la pente naturelle du terrain pour jouer avec les hauteurs du bâtiment, les accès et les niveaux du terrain. Les faces situées au nord prennent une dimension imposante puisqu’en rentrant par le niveau bas de la parcelle, ces façades sont représentatives des deux niveaux du bâtiment. A contrario, dans le jardin intériorisé, la pente qui remonte au niveau du plancher des bureaux situé au R+1, rend le bâtiment moins monumental, plus familier, modeste et humain. J’ai le souvenir d’un jardin où la végétation très verte, grimpait sur le bâtiment vêtu de blanc, le tout dans un contraste saisissant. On y entendait la nature s’exprimer, le bruit du vent dans les feuilles et les oiseaux chantant. Bref, un air de fin d’été. Un espace très poétique, organique en somme.
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Plan schématique de la parcelle - Localisation de la situation
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Axonométrie schématique qui représente la situation
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J’avais vraiment cette impression que cet espace central au bâtiment faisait partie intégrante du programme et de l’unité spatiale. Sans ce jardin attenant, le bâtiment n’y trouverait pas de sens, l’un ne va pas sans l’autre. Il me paraissait être celui qui faisait le lien entre les deux ailes. L’espace alors physiquement extérieur devient spirituellement intérieur. Le visiteur s’y trouve alors enveloppé par la forme inclusive du bâtiment qui lui confère un sentiment de protection, mais jamais d’enfermement.
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L’entrée se fait via une modeste porte, très simple, en bois et légère. J’avais la sensation de pénétrer au sein de son agence, lieu de production d’une centaine de projets immobiliers et de mobiliers à l’international, tout comme je rentre dans ma propre maison. Le premier niveau est constitué d’un espace assez clos, peu orienté sur l’extérieur, sombre, bas de plafond et étroit. J’étais d’ailleurs surpris qu’Alvar Aalto fasse entrer ses clients par cette modeste porte et ce niveau si sombre. Je suis alors vite attiré par la lumière naturelle qui descendait de l’escalier ; impatient de découvrir ce qu’il m’attendait là-haut.
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Plan schématique de la parcelle - Localisation de la situation
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Coupe transervale schématique qui représente la situation
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Je monte les marches, je me retourne… Au premier abord, en regardant le bâtiment de l’extérieur, je n’étais pas convaincu par ce lien intérieur-extérieur pourtant bien mis en avant dans différents ouvrages. Cependant, au niveau supérieur, par l’abondance de la lumière naturelle, par la multiplicité des vues de part et d’autre, par la végétation omniprésente au travers des fenêtres, j’avais cette conviction d’être véritablement à l’extérieur.
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L’espace supérieur est séparé en deux : une aile accueillant l’espace de travail des différents collaborateurs, dont une partie aujourd’hui est toujours utilisée comme local d’une agence, et une deuxième aile, plus vide, avec une hauteur sous plafond plus importante, utilisée à l’époque comme salle d’exposition des travaux, atelier de maquettes, et servant également de bureau pour l’architecte en chef. A l’intersection de ces espaces se trouvent les salles de réunion. Il y a donc trois espaces, trois ambiances. Dans la première aile, surement renforcé par la présence des maquettes, des bureaux et des documents graphiques, j’avais le sentiment que ce lieu était chargé d’histoire. Une atmosphère de travail, de collaboration et de grande production y régnait. L’abondance de lumière, qui me semblait ici plus constante, plus uniforme, baignait cet espace. Il reste, malgré l’absence de présence humaine ce jour-là, un espace vivant, que l’agence actuelle est venue s’approprier. A l’inverse, la deuxième aile était plus vide, plus grande, plus épurée. J’ai réellement ce souvenir d’un lieu figé dans le temps, comme si depuis le passage d’Alvar Aalto, rien n’avait changé. J’ai eu le sentiment d’un espace plus froid, moins approprié au travail. La grande hauteur sous plafond me rendait moins à l’aise. Cependant, ce qui fait la plus grande richesse de cet espace, c’est son lien direct avec l’espace extérieur renforcé par le cadrage et les vues venant d’une large fenêtre en bandeau orientée au SUD, en surplomb sur le jardin et à hauteur des yeux. Le lien intérieur/ extérieur était direct, non pas physiquement (puisque pas d’accès direct à l’extérieur) mais visuellement. De plus, les variations de lumière dans cette grande pièce, qui servait et sert encore aujourd’hui de lieu d’exposition, permettait de révéler le grand volume de cet espace. Enfin, les espaces de réunion, d’accueil et de présentation des projets aux clients, sont situés au Nord de la parcelle. Ils font le lien entre les deux espaces de travail et sont à l’intersection de la forme en L. Plus clos, plus petits, hermétiques à l’extérieur, ils sont éclairés par des dispositifs de lumière indirecte. L’ambiance sombre me donnait la sensation d’être dans un espace plus intime, coupé de l’agitation et du bruit des bureaux. J’avais l’impression que les grandes décisions se prenaient autour de cette grande table. Lors de ma deuxième visite, ce sentiment d’espace extérieur se prolongeant en espace intérieur n’est plus aussi évident. Sous la neige et le froid glacial, les arbres sans feuille, sans verdure, ne permettent pas de faire de cette cour intérieure un espace agréable à vivre l’hiver. Cela n’enlève en rien la relation intérieur/extérieur, certes moins forte, dotée d’une nature figée mais renforcée grâce à la lumière naturelle. Ce jour-là, par des jeux d’ombre et de lumière sur les façades, elle rendait le bâtiment un peu moins endormi.
« Nous pouvons dire que la maison finlandaise doit avoir deux visages. L’un est le contact esthétiquement direct avec le monde extérieur, l’autre, son visage hivernal, se tourne vers l’intérieur et se voit lié à la décoration intérieure, plus chaleureuse ». 1
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Aalto Alvar, 1926, citation découverte lors de la visite du musée de Alvar Aalto, Jyväskylä.
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Souvenirs chez les autres
Relevons ci-dessous une sélection de remarques et de ressentis mis en avant par les différents participants au questionnaire distribué. Cela nous renseigne que les avis divergent, et que les sensibilités spatiales sont propres à chacun.
« Ce bâtiment est un gros coup de cœur. Il n’y a pas grand-chose de dévoilé de l’extérieur mais une fois à l’intérieur, une atmosphère de bien-être y règne, par la hauteur sous plafond agréable, la fenêtre en bandeau, la présence du mobilier […] ». 1
« […] Mais je suis resté froid. L’espace est muséifié, la vie semble d’être échappée ». 2
« […] on repasse à l’extérieur. On est dans le patio, entouré du bâtiment en arc de cercle, devant soi les arbres un peu partout, et dans cet endroit ci, c’est plutôt un sentiment de relaxation, de silence, de calme… ». 3
« L’endroit que j’ai préféré est l’extérieur, au niveau des gradins […] il m’a semblé de l’extérieur comprendre l’ensemble du studio, sa composition, la forme ». 4
« […] Toutes ces variations de situations spatiales et de lumières sont à mon sens des sources de qualités pour un espace ». 5
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Katia YUNGMANN, étudiante en M2 à l’ENSA PVS, France
2
Clément BOULOMIE, étudiant en M2 à l’ENSAT, France
3
Adeline SIMON, architecte diplômée de l’Université Technologique de Tampere, Finlande
4
Anna AVENTINY, étudiante M2 à l’ENSA Toulouse, France
5
Corentin BAUDRY, étudiant en M2 à l’ENSA Grenoble, France
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Analyse des dispositifs architecturaux
Pour être cohérent et avoir un discours clair, je souhaite ici divisé l’analyse des dispositifs en 2 parties distinctes : celle de l’espace extérieur, qui par la mise en place de dispositifs architecturaux accentuent son intériorité, et l’espace intérieur, qui part des stratégies architecturales, devient extérieur. Il convient également de reprendre la catégorisation des dispositifs architecturaux étudiée précédemment.
ESPACE EXTERIEUR : quand l’extérieur devient intérieur
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Les dispositifs du parcours architectural
Au premier abord, le bâtiment qui, par une clôture, une façade aveugle et une porte d’entrée non proportionnelle à la taille du bâtiment, tourne le dos à la rue et à l’accès principal, donne ainsi le sentiment d’être face à un espace impénétrable.
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Les dispositifs volumétriques
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Cette intériorité créée par le bâtiment, se retrouvant également à l’échelle de la parcelle par la présence d’une clôture, soit en briques peintes en blanc ou en bois ajourée blanc, permet finalement de se protéger de la densité bâtie environnante et du passage de la route. De plus, elle transforme cet espace, ce jardin, en un espace de repos, de silence, de travail et de concentration, loin de l’agitation et à l’abri de tous regards… C’est une véritable forteresse physique, sonore et visuelle.
•
L’espace extérieur profite finalement de la meilleure exposition (Sud-Ouest en Finlande). Il est protégé des vents frais du Nord et de l’Est par la couche protectrice bâtie. Sa centralité au projet, qui fait le lien entre les différents espaces par l’extérieur et les différents niveaux (bureaux, salle à manger) font de ce lieu l’espace principal du projet.
• •
Les dispositifs formels
Grâce à l’utilisation de la courbe, la forme architecturale inclusive vient embrasser, englober et enlacer le jardin par les variations de hauteur des bâtiments pointant dans la direction du Sud. L’utilisation de la pente, la présence de la végétation et d’une clôture en bois ajourée au Sud, sont également le résultat d’un extérieur qui dévient intérieur.
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•
Tout était prévu par l’architecte, qui se servait finalement de cet espace comme un espace de repos, de pause, comme une bouffée d’oxygène entre deux réunions, et ce en plein centre-ville. Mais ça n’est pas tout ! L’espace extérieur, par beau temps, permettait d’organiser des réunions, des démonstrations de projet et devenait le bureau commun, l’espace du débat et de l’échange. Les gradins suivant la pente font office d’assise, le mur blanc en bas de la pente, qui à l’époque sur les premiers plans n’abritait pas la salle à manger, devient le support de projections. Le spectateur, situé sur un point haut, contemple l’orateur en bas, et inversement. Au point bas, mise en valeur par la forme en L, la voix de l’orateur est diffusée à l’auditoire. En somme, c’est un véritable amphithéâtre extérieur.
•
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Les dispositifs sensoriels
L’absence de lien visuel (végétation, bâtiment au Nord), de lien sonore (distanciation, épaisseur du bâti) renforce la mise à l’écart de cet espace extérieur par rapport à la rue et l’appartenance de celui-ci non plus à l’environnement extérieur, mais comme partie intégrante au bâtiment. On s’y sent protégé.
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Au premier abord, le bâtiment qui, par une clôture, une façade aveugle et une porte d’entrée non proportionnelle à la taille du bâtiment, tourne le dos à la rue et à l’accès principal, donne ainsi le sentiment d’être face à un espace impénétrable.
Studio Aalto, Helsinki, 1954-1963 - Photographie depuis la rue Photographie personnelle Prise de vue le 26 Août 2018, 14h43
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Grâce à l’utilisation de la courbe, la forme architecturale inclusive vient embrasser, englober et enlacer le jardin par les variations de hauteur des bâtiments pointant dans la direction du Sud. L’utilisation de la pente, la présence de la végétation et d’une clôture en bois ajourée au Sud, sont également le résultat d’un extérieur qui dévient intérieur.
Studio Aalto, Helsinki, 1954-1963 - Elevation Ouest - Une entrée modeste Dessin à la main Archive de la fondation Alvar Aalto
Tout était prévu par l’architecte, qui se servait finalement de cet espace comme un espace de repos, de pause, comme une bouffée d’oxygène entre deux réunions, et ce en plein centre-ville. Mais ça n’est pas tout ! L’espace extérieur, par beau temps, permettait d’organiser des réunions, des démonstrations de projet et devenait le bureau commun, l’espace du débat et de l’échange.
Studio Aalto, Helsinki, 1954-1963 - Photographie d’une scène de travail en extérieur Prise de vue de Vezio Nava Archive de la fondation Alvar Aaalto
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L’espace extérieur profite finalement de la meilleure exposition (Sud-Ouest en Finlande). Il est protégé des vents frais du Nord et de l’Est par la couche protectrice bâtie. Sa centralité au projet, qui fait le lien entre les différents espaces par l’extérieur et les différents niveaux (bureaux, salle à manger) font de ce lieu l’espace principal du projet.
Studio Aalto, Helsinki, 1954-1963 - Photographie d’une végétation luxuriante Photographie personnelle Prise de vue le 26 Août 2018, 14h48
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ESPACE INTERIEUR : quand l’intérieur devient extérieur •
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Aalto, une fois de plus ici, met en place un certain nombre de dispositifs qui guident naturellement l’usager vers l’espace principal du bâtiment. Le niveau rez de chaussée, sombre, bas de plafond, avec très peu d’ouvertures sur l’extérieur, nous incite à rapidement nous diriger vers la seule source lumineuse : celle de l’escalier. L’idée est de créer un contraste entre les volumes bas et hauts pour susciter chez l’usager un sentiment de bien-être une fois dans l’espace plus libéré et dilaté de l’étage.
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Les dispositifs volumétriques
Alvar Aalto humanise l’espace à travers un bâtiment de petite échelle, d’hauteurs sous plafonds modestes et adaptées aux fonctions des espaces (circulation du RDC bas de plafond, atelier maquette et salle d’exposition avec une hauteur sous plafond plus importante). Il associe ces variations de hauteurs à des intensités lumineuses qui diffèrent selon les espaces, de la lumière naturelle directe à la lumière indirecte. En fonction des espaces plus clos, ou au contraire plus ouverts sur l’extérieur, il créé des surprises, de l’inattendu. Il varie les rythmes dans son parcours par des espaces de dilatation et de compression. Par ces mécanismes, l’architecte finlandais hiérarchise ses espaces selon l’importance des fonctions respectives. L’espace est pensé par et pour l’homme : dans l’espace des bureaux par exemple, la hauteur des ouvertures est pensée selon la position assise des collaborateurs. On ne distingue alors que la cime des arbres et nous ne sommes jamais déconcentré par le visuel de l’agitation de la route ou de l’entrée. À contrario, une fois debout, il est possible de regarder ce qui se passe à l’extérieur, pour l’accueil par exemple des clients à l’Ouest de la parcelle.
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Les dispositifs du parcours architectural
Les dispositifs formels
Pour permettre cette relation forte entre l’intérieur et l’extérieur, plusieurs moyens sont utilisés comme celui de l’omniprésence de la végétation : que ce soit par des cadrages sur les cimes des arbres, par la végétation grimpante qui recouvre les ouvertures des bureaux, ou encore par la présence de grandes vignes à l’intérieur même du bâtiment (comme dans l’atelier maquette à l’Est).
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La végétation permet de renforcer l’idée première de l’implantation du bâtiment qui est celle de s’adapter à la nature environnante, prenant ainsi une place conséquente dans ce projet. Le contraste créé entre la variation des couleurs de la végétation au fil des saisons, la complexité de leurs formes et la teinte blanche des parois intérieures, simples, épurées, sans ornement, permet de mettre en valeur encore une fois la verdure. Des charnières, présentes sur une grande majorité des fenêtres et rendues fixes aujourd’hui,permettaient à l’époque de tout ouvrir par « ouvrant à l’italienne ». En période printanière ou estivale, il était possible de ne plus avoir de barrière physique entre l’extérieur et l’intérieur.
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Les dispositifs de matérialité
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A contrario, lorsque par exemple la salle d’exposition (salle de réunion qui permet notamment la présentation et la fabrication des maquettes) a besoin d’intimité, elle nécessite de ne pas être perturbée par des éléments extérieurs étrangers. C’était le cas lorsque Alvar Aalto et son équipe tirait un long rideau qui filtrait les regards et les vues, tout en laissant la lumière naturelle passée à travers. Cela permettait de créer une atmosphère de travail, plus conviviale.
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La couleur blanche utilisée pour le bâtiment et la clôture créée une unité architecturale. Tout est vu comme un objet architectural blanc et épuré, qui n’est pas là pour perturber le nombre infini de nuances de couleurs proposées par la nature, mais bien au contraire, la sublimer en lui proposant un fond uniforme et pur. Une fois à l’intérieur, l’omniprésence de la nature est flagrante. Mais comme expliqué précédemment, de l’extérieur il est plus compliqué de distinguer l’intérieur. L’objet à regarder n’est donc pas le bâtiment en lui-même, mais bel et bien ce qui l’entoure.
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En outre, s’il y avait une utilisation diversifiée des matériaux tel que de la brique rouge, du bois, du béton, du cuivre, du bronze, l’œil trouverait des accroches aux quatre coins du bâtiment et porterait donc moins d’importance à ce qui se passe à l’extérieur. C’est exactement ce que voulait éviter l’architecte. Ici, par un grand soin apporté aux détails, il permet de ne mettre en avant que ce qu’il souhaite. Par exemple, pour ce qui est de la grande fenêtre en bandeau, l’architecte qui a pourtant l’habitude de poser des menuiseries en bois brut dans ses projets, propose ici de limiter largement son impact visuel en posant des menuiseries de faibles épaisseurs, peintes dans la même teinte que les parois et alignées au rythme des tasseaux saillants. De plus, la pose de la menuiserie en retrait du nu de la paroi intérieur vient créer une zone d’ombre sur les menuiseries, qui renforce la volonté de limiter son impact visuel. Par ce moyen, l’œil ne voit plus le détail, devenu presque invisible, mais seulement le rapport avec l’extérieur.
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•
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Pour rendre l’espace intérieur plus vivant, Aalto se sert entre autres d’un dispositif qui représente le mieux la vie : il s’agit de la lumière naturelle. Par son omniprésence à l’intérieur de l’édifice, du matin au soir, qui traverse les espaces et qui par ses évolutions de teintes, d’intensité au fil des jours et des saisons, par un jeu d’ombres, elle permet de varier la perception spatiale pour qu’elle ne soit jamais la même au fil du temps. La lumière naturelle révèle également les textures diverses des parois et les différentes profondeurs des éléments, par des redans ou des composants saillants, avec lesquels Aalto prend un malin plaisir à composer ici. Ce qui n’est pas figé, uniforme et monotone, est vivant. L’idée est de vivre au rythme de la nature. Par ce biais, l’architecte finlandais transforme son espace intérieur en un espace extérieur.
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Les dispositifs lumineux
Les dispositifs sensoriels
Enfin, un autre facteur permet de garder le lien avec l’extérieur, c’est celui du son : en effet, du fait de ces larges ouvertures (que l’on pouvait ouvrir à souhait), le son des appels téléphoniques, du crayon sur le papier, des réunions ou des débats, se mélangeait avec les bruits environnants extérieurs. Nous pouvons imaginer les chants des oiseaux, le bruit de la pluie sur la toiture, le vent qui souffle dans les arbres et les discussions des collègues profitant du jardin. Le lien n’est donc ici pas visuel mais sonore. L’espace extérieur devenait donc intérieur, et inversement.
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Pour rendre l’espace intérieur plus vivant, Aalto se sert entre autres d’un dispositif qui représente le mieux la vie : il s’agit de la lumière naturelle. Par son omniprésence à l’intérieur de l’édifice, du matin au soir, qui traverse les espaces et qui par ses évolutions de teintes, d’intensité au fil des jours et des saisons, par un jeu d’ombres, elle permet de varier la perception spatiale pour qu’elle ne soit jamais la même au fil du temps.
Studio Aalto, Helsinki, 1954-1963 - Photographie d’ombres végétales - Partie bureaux Photographie de Elise Mullens Prise de vue le 26 Avril 2019, 16h32
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L’espace est pensé par et pour l’homme : dans l’espace des bureaux par exemple, la hauteur des ouvertures est pensée selon la position assise des collaborateurs. On ne distingue alors que la cime des arbres et nous ne sommes jamais déconcentré par le visuel de l’agitation de la route ou de l’entrée. À contrario, une fois debout, il est possible de regarder ce qui se passe à l’extérieur, pour l’accueil par exemple des clients à l’Ouest de la parcelle.
Studio Aalto, Helsinki, 1954-1963 - Scène de travail - Partie bureau Prise de vue de Stig Bergström Archive de la fondation Alvar Aaalto
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A contrario, lorsque par exemple la salle d’exposition (salle de réunion qui permet notamment la présentation et la fabrication des maquettes) a besoin d’intimité, elle nécessite de ne pas être perturbée par des éléments extérieurs étrangers. C’était le cas lorsque Alvar Aalto et son équipe tirait un long rideau qui filtrait les regards et les vues, tout en laissant la lumière naturelle passée à travers. Cela permettait de créer une atmosphère de travail, plus conviviale.
Studio Aalto, Helsinki, 1954-1963 - Alvar Aalto et William Lehtinen autour d’une maquette de la ville de Helsinki - Partie exposition Prise de vue de Pohjakallio Archive de la fondation Alvar Aaalto
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Pour permettre cette relation forte entre l’intérieur et l’extérieur, plusieurs moyens sont utilisés comme celui de l’omniprésence de la végétation : que ce soit par des cadrages sur les cimes des arbres, par la végétation grimpante qui recouvre les ouvertures des bureaux, ou encore par la présence de grandes vignes à l’intérieur même du bâtiment (comme dans l’atelier maquette à l’Est).
Studio Aalto, Helsinki, 1954-1963 - Photographie de la végétation grimpante Photographie personnelle Prise de vue le 26 Août 2018, 15h17
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Ici, par un grand soin apporté aux détails, il permet de ne mettre en avant que ce qu’il souhaite. Par exemple, pour ce qui est de la grande fenêtre en bandeau, l’architecte qui a pourtant l’habitude de poser des menuiseries en bois brut dans ses projets, propose ici de limiter largement son impact visuel en posant des menuiseries de faibles épaisseurs, peintes dans la même teinte que les parois et alignées au rythme des tasseaux saillants.
Studio Aalto, Helsinki, 1954-1963 - Photographie depuis la salle d’exposition Photographie personnelle Prise de vue le 26 Août 2018, 15h19
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ÉGLISE DE LAKEUDEN RISTI
1951-1960
Seïnajöki, Finlande
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Le bâtiment en quelques lignes...
Avant toute chose, il faut savoir que les finlandais appartiennent majoritairement à la communauté religieuse luthérienne. En 1951, la paroisse de la ville de Seinäjoki lance un concours pour la construction d’une église et d’un centre paroissial. Contrairement aux autres participants, Aalto a proposé, en s’inspirant des grandes célébrations qu’organisait cette communauté religieuse durant l’été, une grande place faisant face à la façade principale de l’église. Le centre paroissial s’établissait non pas à l’intérieur de l’église, ni dans un petit bâtiment indépendant, mais dans le front bâti tout autour de cette place, intériorisant celle-ci. Il est raconté qu’il dépassait d’environ 10 mètres les limites parcellaires définies par le concours, ce qui lui a coûté la première place du concours. Le jury a cependant décidé de racheter sa proposition en souhaitant en faire la base du projet. Aalto a alors été missionné pour retravailler son plan. Sept ans plus tard, commençait la construction de l’église (1958-60) quelques années après, celle du centre paroissial (1964-66). Pour des raisons économiques, la façade principale de l’église initialement prévue en granit noir sera finalement construite en briques peintes en blanc. Pour la petite anecdote, Aalto sera également choisit pour redessiner tout le nouveau centre civique de la ville : de l’hôtel de ville (1963-65) et la mairie (1961-62), à la bibliothèque (1964-65) en passant par le théâtre sur base de ses plans (1984-1987).
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Choix du bâtiment
Dans un premier temps, nous avons étudié un bâtiment semi-public (les bureaux du siège social de « Rautatalo »), puis ensuite privé (son « studio »), il ne me reste plus qu’à compléter cette étude de cas par un bâtiment public (commande privée). Par ce dernier nous changeons totalement de fonction, en traitant ici d’un bâtiment religieux. Il me paraissait donc intéressant au travers de cette diversité des fonctions, et donc des proportions, des formes, des usages, des attentes, des besoins et des stratégies constructives et spatiales, de compléter cette étude de cas en analysant l’église de Seinäjoki. De plus, ce bâtiment est sans doute celui qui m’a le plus fortement émerveillé. Toutes les conditions étaient réunies pour que je passe un bon moment, et ce fut le cas. C’est le bâtiment avec lequel j’ai sans doute eu le plus de réactions sensorielles et de bien-être. J’aurais pu m’attarder des heures à contempler les moindres détails de cette architecture. Enfin, c’est également un choix symbolique, puisque l’ensemble bâti du centre civique de Seinäjoki est le dernier que j’ai visité d’Alvar Aalto, en Finlande. Cela vient clôturer la belle année passée à ses côtés pour venir, plus de 2 ans plus tard, clôturer cette étude de cas.
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Église de Lakeuden Risti, Seïnajöki, 1951-1960 - Espace intérieure latérale Photo personnelle Prise de vue le 17 Avril 2019, 11h23
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Contexte de la visite
Il n’y a eu ici qu’une seule visite, du fait de la distance éloignée entre le lieu d’étude (Tampere) et la ville de Seinäjoki. Nous profitions, avec un groupe d’amis constitué d’une dizaine de personnes, de nos dernières heures sur le territoire finlandais, par une mise au vert, le temps d’un week-end dans un cottage (pratique courante dans la culture finlandaise). Sur le chemin du retour, nous avons décidé de faire un détour en voiture et de passer rendre visite à Alvar Aalto dans cette ville située au centre de la Finlande. Nous n’avons pas été déçu du voyage…
Visite : « Mercredi 17/04/19, arrivée à 11h du matin, température presque estivale, un ciel bleu, pas un nuage, très forte luminosité, entouré d’une dizaine d’amis, architectes ou non, à tête reposée, sans pression d’examens, profitant de mes dernières journées en Finlande. Époque de l’année où l’arrivée des beaux jours, la fonte des dernières neiges, permet un moment très agréable où la vie finlandaise reprend peu à peu, après presque 6 mois d’hibernation. Nous étions les seuls à visiter les bâtiments ce jour-là ».
Nous avions fait le tour de tous les bâtiments de l’architecte, par petits groupes séparés, prenant des itinéraires variés comme bons nous semblaient. Je me souviens d’avoir pique-niquer au soleil sur ce grand parvis en herbe, contemplant l’église en face de nous ; un très agréable souvenir.
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Photographie extérieure - clocher - prise de vue le 17 Avril 2019, 11h14
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Photographie intérieure - diversité des matériaux - prise de vue le 17 Avril 2019, 11h25
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Photographie intérieure - lumière naturelle sur béton - prise de vue le 17 Avril 2019, 11h39
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Photographie intérieure - croix réligieuse - prise de vue le 17 Avril 2019, 11h45
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Description des souvenirs par séquençage
Après un week-end plein d’émotions, nous étions tous excités à l’idée de passer une énième journée ensemble à visiter cette ville d’une part ainsi que les bâtiments très populaires de l’architecte finlandais d’autre part. Je me souviens être arrivé après 1h30 de voiture sur le parking situé au Nord du centre civique et culturel. À la sortie des voitures, nous avons été presque instantanément aimantés par cette grande tour qui, depuis ses 65 mètres de haut, abrite le clocher. Elle se situe à la limite septentrionale de la parcelle. Au lieu de partir dans la direction du Sud afin d’apprécier la descente du parvis de l’église, nous l’avons longé pour arriver sur un côté du bâtiment. C’était finalement le chemin le plus naturel, puisque masqué par les locaux de la paroisse, la présence du parvis ne s’est révélé que trop tard et nous étions happés par la monumentalité de ce clocher.
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Plan schématique de la parcelle - Localisation de la situation
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Perspective schématique qui représente la situation
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Avec du recul, je pense que cette approche sur un côté, directe, brutale, sans forcément en comprendre la forme du bâtiment ou sa dimension, a sensiblement augmenté la sensation de surprise que nous avons eu une fois à l’intérieur. En effet, nous ne nous sommes pas attardés à faire le tour du bâtiment par l’extérieur. Pris d’impatience, nous avons franchi une première rangée de portes, épaisses, d’un poids important. Une entrée ici à couvert, qui se démarque par ses matériaux (cuivre, bronze), sa couleur et son contraste avec la façade de briques peintes en blanc. Tout cela conjugué à l’importance de la dimension du terrain engazonné, la verticalité des entrées de lumière supérieures dirigeant le regard, ou encore sa situation, face au parvis. Tout cela rend l’entrée plus qu’évidente, contrairement aux deux autres cas d’étude mentionnés précédemment dans ce mémoire.
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Par la suite, je me souviens avoir pénétré dans un sas d’entrée sombre, bas de plafond, avec quelques percés de lumière et des matériaux de teintes sombres (cuivre, brique rouge, poutres de couleur noire en bois apparentes). Tout cela laisse à penser que c’est une réelle marque de fabrique chez Alvar Aalto. À ce moment précis, je me rappelle que le cadrage de la seconde rangée de portes, alors ouverte lors de la visite, créait une perspective directe sur une croix en bois située à l’extrémité du bâtiment, baignée de lumière naturelle, sur fond clair. Je n’avais alors qu’une chose en tête, celle d’échapper à ce sas sombre, et à priori sans intérêt, pour découvrir ce qui se dissimulait derrière ces portes.
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Plan schématique de la parcelle - Localisation de la situation
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Coupe longitudinale schématique qui représente la situation
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En passant ce palier, je me retrouve sous une hauteur de plafond beaucoup plus importante, un volume monumental, immaculé de blanc, où la lumière naturelle y rentrait généreusement, faisait sa loi. Elle était partout sur le sol, le plafond, les poteaux. Elle glissait sur les parois lisses, elle mettait en valeur la croix du christ, elle créait, par l’ombre, des motifs et mettait en avant les textures diverses et variées des matériaux. Je sentais ici toute l’importance de la lumière naturelle, qui en ce jour était sublime. Je me disais alors que sans celle-ci, agissant finalement tel un chef d’orchestre dans ce grand bal de matériaux diversifiés, permettant de révéler, d’homogénéiser et de mettre en valeur le tout, l’église n’aurait surement pas la même atmosphère, ni la même magnificence...
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Ce passage d’un sas plus sombre à un volume presque sacré nous a coupé le souffle au point d’en perdre la parole. À partir de ce moment, il n’y a plus eu un bruit, plus un mot, juste quelques sourires qui se dessinaient sur nos lèvres et des regards échangés. Chacun parcourait le lieu en silence, dans son coin, en admirant, touchant, contemplant, et profitant du moment présent. Comme si nous devions respecter l’intimité de chacun et ne perturber en aucun cas cette atmosphère spirituelle si particulière qui nous embaumait à cet instant.
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Plan schématique de la parcelle - Localisation de la situation
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Coupe transversale schématique qui représente la situation
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Ce bâtiment m’a donc particulièrement marqué, puisque j’ai trouvé ici une force spatiale très importante. Tellement importante qu’elle agissait directement, de façon instantanée, sur nos esprits. Jusqu’ici, je n’ai encore que très peu ressenti une telle force architecturale, qui met l’usager dans un état presque second, silencieux, comme s’il se trouvait dans une bulle, contemplatif, oubliant tout ce qui l’entoure.
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Je pourrais comparer cette sensation à celle ressentie lorsque j’ai visité « la maison de Thé Boa Nova » (1959-1963) de Alvaro Siza à Porto, « l’église et le cimetière de Brissago » (2004) de Rafaele Cavadini, ou encore la Sagrada Familia à Barcelone (1882-). C’est donc d’autant plus jouissif quand cela devient rare et ponctuel. J’ai le souvenir de m’être assis, quelques minutes, seul, à examiner et contempler ce lieu sacré. Il me semblait alors que nous étions en marge de tout ce qui pouvait se passer à l’extérieur de cette église, comme protégé, dans une bulle. J’aurais pu rester là des heures. L’espace me paraissait plutôt complexe, les formes travaillées, sculptées et les matériaux étaient diversifiés et assemblés harmonieusement. Les vues, les cadrages, les perspectives, les contrastes et les textures étaient multiples. J’ai le souvenir d’avoir touché et observé ce sol en terre cuite, ces grands bancs de bois brut, ces poteaux habillés de faïence, ce béton strié de l’autel. C’est sûrement cette complexité de l’espace et cette diversité des dispositifs mis en place qui le rend presque indéchiffrable, et participe au fait que nous ne sommes pas là pour comprendre l’origine des sensations mais bel et bien pour les vivre. L’architecture permet ici la création d’une atmosphère de sérénité, de calme et de silence, qui participe à la fonction première du bâtiment : celle du recueillement, culte du divin.
Après avoir parcouru le bâtiment, nous en sommes sortis, pour finalement pique-niquer sur le parvis, face à l’église. Nous avons, je le crois, tous pris une « claque architecturale », et à la sortie de ce lieu sacré il a fallu un certain laps de temps avant que l’un d’entre nous reprenne la parole et brise le silence. Cela ne pouvait se faire qu’en dehors. Quelle sensation incroyable encore que celle d’être au milieu d’un vide, bordé d’un plein (les locaux paroissiaux de part de d’autre), le tout convergeant vers le monument religieux qui domine l’ensemble.
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Souvenirs chez les autres
Relevons ci-dessous une sélection de remarques et de ressentis mis en avant par les différents participants au questionnaire distribué. Cela nous renseigne que les avis divergent, et que les sensibilités spatiales sont propres à chacun.
« Il existe dans cette église le sentiment d’être coupé du monde extérieur, qui facilite le recueillement, le « repli » sur soi, accompagné d’une sensation de silence, de spiritualité ». 1
« […] De magnifiques luminaires pendant du plafond au sol, créant un effet de hauteur, permettent de rendre ce lieu grandiose, presque précieux. De plus, un accueil chaleureux est offert par les bancs en bois, invitant à s’y asseoir et se recueillir ». 2
« On respire dans ce bâtiment, on ne s’y sent jamais oppressé. Quand on ouvre la porte, c’est comme une grande bouffée d’air que l’on nous envoie en pleine figure ». 3
« […] J’adore ces ambiances dans les espaces religieux. Il y a ici très peu d’ornements, un soin acordé au détail, une très forte sensibilité à la matérialité des différentes surfaces ». 4
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Ornella RASTOLL, étudiante en M2 à l’ENSAT, France
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Edène FRANCOIS, étudiante en DN MADE à Saint-Omer, France
3
Elise MULLENS, Architecte diplômée de l’Université de Liège, Belgique
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Katia YUNGMANN, étudiante en M2 à l’ENSA PVS, France
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Analyse des dispositifs architecturaux
Maintenant que les différentes sensations vécues dans ce bâtiment ont été décrites, étudions à présent les dispositifs qui participent à créer cette atmosphère si particulière. Et la liste est longue…
Continuons avec le classement par catégories auquel nous sommes maintenant familiers.
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Les dispositifs du parcours architectural
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Pour commencer, celui qui me semble être l’un des plus importants, c’est la maitrise de la transition et du parcours entre extérieur et intérieur. L’idée d’Alvar Aalto est de descendre d’un parvis engazonné dont le vide est tenu par du plein, cadrant la façade de l’église. L’architecte prépare alors cette transition : on se trouve en haut de la parcelle, en extérieur, puis on descend par une pente douce, vers un extérieur qui devient de plus en plus intérieur. En effet, la hauteur des bâtiments paroissiaux augmente avec la pente. On arrive devant l’entrée de l’église qui est évidente, puis une épaisse porte en métal marque le passage de l’extérieur à l’intérieur. On se trouve ensuite dans un espace intermédiaire. Il faut savoir que ces espaces de transition sont essentiels dans ce pays, puisqu’il est de coutume en hiver de se débarrasser de ses bottes enneigées et autres vêtements chauds avant de rentrer dans une pièce de vie. On pousse alors une deuxième porte, cette fois moins lourde, pour finalement pénétrer dans cet espace hors du commun. Un véritable parcours architectural est mis en place afin d’apprécier au mieux une transition douce et marquée entre l’extérieur et l’intérieur.
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Cette transition participe également à créer la sensation d’être coupé de l’extérieur. Par la pente, le poids des portes, l’action de franchir et le sas d’entrée, l’architecte met à distance : • • •
visuellement (pas de vues sur le reste du centre civique) physiquement (la marche) symboliquement (l’espace intermédiaire)
l’espace publique, la route et son agitation, de l’espace intérieur, où silence, spiritualité et recueillement doivent prédominer. L’absence de vues directes sur l’extérieur par des ouvertures uniquement placées en hauteur, liées au ciel, l’usager n’a pas de repère spatial. Le rapport à la vie extérieure est inexistant, par le visuel, mais aussi par le sonore. Entre autres, une fois à l’intérieur, on ne perçoit aucun bruit venant du monde extérieur. Le seul repère temporel que l’on a dans cet espace est celui de la course du soleil, symbolisée ici par la lumière divine. Tout est donc pensé pour que l’usager soit déconnecté de ce qu’il se passe à l’extérieur.
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Les dispositifs volumétriques
Une autre émotion frappante dans ce bâtiment : celle de la surprise, liée à plusieurs facteurs. D’abord, l’aspect extérieur du bâtiment monolithique, épuré, aux formes simples. Cela permet une première lecture à priori rapide et accessible du bâtiment. Ce sentiment est renforcé par les façades en brique peintes de blanc, la toiture en cuivre et l’entrée facilement repérable. L’architecte positionne volontairement la façade Ouest, très fermée sur l’extérieur, unifiée, en face du parvis. Par ces moyens, jamais l’usager ne s’imagine découvrir un volume si complexe à l’intérieur. Deuxièmement, le contraste entre l’aspect extérieur fermé sur l’intérieur et l’intérieur ouvert sur l’extérieur, agrémenté d’une palette riche de matériaux de couleurs, de formes, de textures, de rythmes spatiaux, permet de créer un effet surprenant et grandiose face à ce bâtiment. Cela participe grandement au suspense et à l’envie de découvrir ce qui peut bien se cacher derrière cette porte. De plus, le fait de rentrer en simple hauteur, par un sas sombre, sans spatialité remarquable, pour ensuite pénétrer dans un espace à contrario lumineux, monumental, où il existe une atmosphère particulière, accentue l’idée de surprendre l’usager.
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Les dispositifs formels
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Un sentiment de protection également, par l’épaisseur des parois, ce volume enveloppant (utilisation omniprésente de la courbe, convergence des parois, du plafond vers l’autel), absence de liens visuels avec l’extérieur, associé à une ambiance chaleureuse (sol en terre cuite, bancs en bois brut…) renforce ce sentiment de bien-être.
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La verticalité est omniprésente dans ce bâtiment, ce qui pousse l’usager à toujours lever la tête vers le ciel. Depuis l’extérieur, la façade très simple et sobre, est marquée par la verticalité des luminaires, des ouvertures, du clocher et des poteaux. À l’intérieur, la verticalité est également omniprésente. De faite, il y a la forte présence des poteaux verticaux et monumentaux, qui par ailleurs, revisitent de façon plus moderne la limite entre la nef traditionnelle et les bas-côtés de l’église. La verticalité de l’orgue, la grande hauteur sous plafond et les luminaires qui en pendent, la verticalité de la croix, les longues ouvertures très marquées, la faïence à pose verticale sur les poteaux de section circulaire, les ombres portées, ou encore la disparation de l’horizontalité de la brique sous l’épaisse couche de peinture blanche, sont tous des éléments renforçant cette verticalité. Nous pourrions en citer davantage comme les poteaux s’élargissant non pas de haut en bas comme le veut la cohérence technique de l’architecture, mais au contraire de bas en haut. L’ensemble de ces dispositifs dirigent le regard vers le ciel : symbole du divin ?...
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Afin de concentrer les regards vers l’autel et la croix, symbole du Christ, ou lors des messes, sur le prêtre et son discours, Alvar Aalto combine des dispositifs qui permettent de diriger le regard. Comme cité précédemment, il existe une véritable verticalité dans ce bâtiment. Toutefois, lorsque j’ai regardé mes photos prises lors de cette visite et les documents (plans, coupes) de l’édifice, et peut être aussi avec du recul, je me suis rendu compte qu’il existait tout un jeu de perspectives permettant de diriger naturellement le regard de l’usager. Par exemple, lorsque l’on rentre dans le bâtiment, les rangées de bancs forment une grande opacité horizontale, qui par leurs positions en V, d’ailleurs fixés au sol pour que personne ne puisse les bouger, permettent de créer une sorte d’aplat homogène au sol mettant en valeur l’autel, le surélevant. Le calepinage des briques de terre cuite au sol ou celui du béton de l’autel, disposé dans le sens longitudinal, créé également de grandes lignes directrices au sol qui poussent naturellement l’œil à regarder vers la croix de bois sur fond blanc. Le plafond courbé qui converge vers l’autel, les parois, les poteaux verticaux qui, de l’entrée, par la régularité de leur répétition, s’alignent, la lumière naturelle au Sud, ou encore les luminaires pendants, participent à donner, via un effet d’entonnoir, un point de fuite à l’espace intérieur dirigeant le regard vers le point majeur du bâtiment.
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La multiplicité des matériaux utilisés, leur qualité, la cohérence des assemblages, la maitrise des contrastes et l’harmonie qui s’en dégage, participe à la sensation de bien-être. L’architecture semble pensée de façon complète. Les finitions architecturales sont traitées pour que l’œil ne s’arrête pas sur les futilités des détails constructifs. La lumière naturelle devient un matériau à part entière, enrichie de textures, créant différents motifs, des jeux d’ombre différentes, selon la courbe du soleil, selon son contact avec les matériaux qu’elle vient sublimer. Cette diversité des textures procure une envie de tout toucher. Le sol en terre cuite est chaleureux, tout comme les bancs de bois brut dans lesquels nous sommes invités à prendre place pour méditer, prier, écouter.
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Les dispositifs de la matérialité
Les dispositifs lumineux
Le mystère et la curiosité sont des notions mises en avant ici. Quand on arrive dans l’église, on est directement immergé dans un espace baigné de lumière mais sans en connaitre les sources. Cela est dû à la répétition régulière des éléments verticaux qui viennent jouer le rôle de masque aux larges ouvertures sur l’extérieur. On se demande alors d’où vient cette lumière traversant l’espace en provenance du Sud, qui vient glisser derrière la croix en bois, de façon presque divine. C’est en s’avançant qu’on remarque ensuite la présence des grandes ouvertures en hauteur, sur le ciel. Aalto attise donc notre curiosité et le suspense par son architecture.
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Les dispositifs sensoriels
De plus, l’importance du son, dont la diffusion est maitrisée, répond à un besoin essentiel : celui d’être entendu de tous. En effet, il n’y a pas moins de 1400 places assises dans cette église. Pour que chacun puisse profiter de la messe, la voix du prêtre doit être portée. La forme du bâtiment, ses courbes et la hauteur du plafond grandissante de l’autel vers l’orgue, permet de diffuser largement et de façon correcte le son à travers l’ensemble de l’édifice. À contrario, les chants des pratiquants qui résonnent sous l’importante hauteur de la nef, créent de l’écho : cela permet d’amplifier alors le son. Tout est donc pensé en fonction des besoins de l’église. Enfin, l’entrée à couvert, par un sas, sous simple hauteur, habillé de bois et de panneaux perforés pour absorber le son, permet sûrement aux retardataires d’accéder à la messe sans en déranger son déroulé.
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L’architecte prépare alors cette transition : on se trouve en haut de la parcelle, en extérieur, puis on descend par une pente douce, vers un extérieur qui devient de plus en plus intérieur. En effet, la hauteur des bâtiments paroissiaux augmente avec la pente. On arrive devant l’entrée de l’église qui est évidente, puis une épaisse porte en métal marque le passage de l’extérieur à l’intérieur.
Église de Lakeuden Risti, Seïnajöki, 1951-1960 - Maquette projectuelle Photographie de Eino Mäkinen Archive de la fondation Alvar Aalto
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La verticalité est omniprésente dans ce bâtiment, ce qui pousse l’usager à toujours lever la tête vers le ciel. Depuis l’extérieur, la façade très simple et sobre, est marquée par la verticalité des luminaires, des ouvertures, du clocher et des poteaux. L’architecte positionne volontairement la façade Ouest, très fermée sur l’extérieur, unifiée, en face du parvis.
Église de Lakeuden Risti, Seïnajöki, 1951-1960 - Photographie depuis le parvis Photographie personnelle Prise de vue le 17 Avril 2019, 12h03
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Toutefois, lorsque j’ai regardé mes photos prises lors de cette visite et les documents (plans, coupes) de l’édifice, et peut être aussi avec du recul, je me suis rendu compte qu’il existait tout un jeu de perspectives permettant de diriger naturellement le regard de l’usager.
Église de Lakeuden Risti, Seïnajöki, 1951-1960 - Projet en plan Dessin à la main Archive de la fondation Alvar Aalto
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Par exemple, lorsque l’on rentre dans le bâtiment, les rangées de bancs forment une grande opacité horizontale, qui par leurs positions en V, d’ailleurs fixés au sol pour que personne ne puisse les bouger, permettent de créer une sorte d’aplat homogène au sol mettant en valeur l’autel, le surélevant. Le calepinage des briques de terre cuite au sol ou celui du béton de l’autel, disposé dans le sens longitudinal, créé également de grandes lignes directrices au sol qui poussent naturellement l’œil à regarder vers la croix de bois sur fond blanc.
Église de Lakeuden Risti, Seïnajöki, 1951-1960 - Photographie de la nef Photographie de Elise Mullens Prise de vue le 17 Avril 2019, 11h56
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La forme du bâtiment, ses courbes et la hauteur du plafond grandissante de l’autel vers l’orgue, permet de diffuser largement et de façon correcte le son à travers l’ensemble de l’édifice. À contrario, les chants des pratiquants qui résonnent sous l’importante hauteur de la nef, créent de l’écho : cela permet d’amplifier alors le son. Tout est donc pensé en fonction des besoins de l’église.
Église de Lakeuden Risti, Seïnajöki, 1951-1960 - Coupes sur projet Dessin à la main Archive de la fondation Alvar Aalto
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La lumière naturelle devient un matériau à part entière, enrichie de textures, créant différents motifs, des jeux d’ombre différentes, selon la courbe du soleil, selon son contact avec les matériaux qu’elle vient sublimer.
Église de Lakeuden Risti, Seïnajöki, 1951-1960 - Photographie de la lumière Photographie personnelle Prise de vue le 17 Avril 2019, 11h51
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CATÉGORISATION PERSONNELLE DES DISPOSITIFS ARCHITECTURAUX MIS EN PLACE CHEZ ALVAR AALTO
Villa Mairea, Noormarkku, 1937-1939 - Diverses versions de croquis projectuels Dessin à la main Extrait de : The exhibition produced by the Alvar Aalto Museum, 2008-2009
1
Introduction
Maintenant que nous avons étudié ces intuitions des causes à effets par l’étude de cas de 3 bâtiments de Alvar Aalto, il est intéressant maintenant d’élargir notre regard sur l’ensemble des dispositifs mis en place dans l’architecture aalténienne qui permettent cet action de l’espace sur le corps et l’esprit. L’idée ici est de réunir l’entièreté de mes observations personnelles lors des visites sur place, ellesmêmes croisées avec des données plus impersonnelles, des lectures de Peter Zumthor avec son ouvrage « Atmosphères » de 2008 ou encore celle de « Silence et lumière » de Louis Khan en 1996. C’est au travers de ces écrits propres aux deux architectes, qui par leurs propres vocabulaires, par des citations, par l’explication d’une pensée architecturale développée, par des argumentations illustrées de leurs propres travaux, développent la mise en place de dispositifs architecturaux respectifs qui répondent selon chacun d’entre eux à des objectifs précis qui font partis du rôle de l’architecte. . Ce sont deux incontournables publications qui se retrouvent souvent sur les tables de chevet des architectes. Ces lectures ont été essentielles dans l’application et la mise en forme de mon travail. Sans nous attarder trop longtemps dessus, laissez-moi rapidement exposer leur vision respective. D’un côté, Peter Zumthor, architecte suisse contemporain, exprime dans son livre, qui n’est autre que la retranscription d’une conférence qui a lieu en 2003 en Allemagne, que la qualité architecturale réside dans la capacité à un espace d’interagir avec l’homme. C’est selon lui le devoir d’un architecte, celui de construire des espaces qui nous touchent, nous les hommes, où l’on a plaisir à vivre. Il parle alors « d’atmosphère », notion qu’il applique à l’architecture. Il compare d’ailleurs très régulièrement l’architecture avec la composition musicale : « L’architecture, comme la musique, a cette propriété de nous toucher dès la première seconde ». 1 Tout en s’appuyant sur le développement de se pensée architecturale, en retraçant son parcours, en illustrant ses propos par ses propres constructions, il catégorise en 9 points principaux ce qui pour lui entraine la création d’une sensibilisation architecturale au travers cette notion « d’atmosphère ».
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1
Le corps de l’architecture L’harmonie des matériaux Le son de l’espace La température de l’espace Les objets qui m’entourent Entre sérénité et séduction Tension entre intérieur et extérieur Paliers d’intimité La lumière sur les choses
ZUMTHOR Peter, « Atmosphères », 2008, Editions Birkhauser, Allemagne/Suisse, page 21.
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Il ajoute ensuite 3 points secondaires, quoique essentiels, sur lesquels il commence à peine à comprendre leurs rôles au sein de cette sensibilisation. • • •
L’architecture comme environnement Consonance La belle forme
De l’autre côté, Louis Kahn, architecte américain reconnu pour son travail, dont son emblématique ouvrage « Silence et Lumière ». Plus philosophique, il s’intéresse plus globalement au rôle de l’architecte dans la société. C’est un mélange de conférences et d’entretiens personnels qui ont lieu entre 1955 et 1974. Il s’interroge sur la qualité architecturale, il exprime les difficultés du métier et ses contraintes, mais aussi sa pensée architecturale, le développement d’un vocabulaire propre à lui, son rôle en tant qu’architecte, le développement des réponses architecturales, le tout en illustrant ses propos par différents projets majeurs de son œuvre, par un déroulement précis, des exemples concrets, des faits réels et avérés. C’est un ouvrage qui allie la philosophie et la science architecturale toutes deux personnelles à l’architecte, à des éléments beaucoup plus établis, fondés et réalistes. Il donne des exemples, il compare, il fait l’état des lieux du contexte de l’époque, il prend position, il défend ses idées, il expose des solutions, des dispositifs, il prend comme exemples des discutions avec ses étudiants…
« La lumière artificielle est un petit moment statique singulier de la lumière, c’est la lumière de la nuit, et elle ne peut jamais égaler les nuances d’atmosphère que créent l’heure du jour et la merveille des saisons ». 1 Cette façon dont il aborde son argumentaire, en utilisant le «je», en exprimant ses idées à travers des questions réponses, en les illustrant par des exemples concrets, je la trouve intéressante. Elle m’a certainement beaucoup influencé dans le développement de la démarche de ce mémoire. Nous pourrions également penser à des ouvrages comme ceux plus philosophiques à rayonnement plus général, de M. Merleau Ponty (1908-1961), ou encore les travaux de Ralph Linton, anthropologue américain (1893-1953), qui explique notamment :
« Il existe trois aspirations à la nature psychologique, essentielle à la conduite humaine et valable à toutes les cultures : il y a le sentiment de protection, le sentiment affectif et l’impression de nouveauté ». 2
1
KAHN Louis, « Silence et Lumière », 1996, Editions du Linteau, France, page 50.
2
LINTON Ralph, « Fondement culturel de la personnalité », 1968, Editions Dunod, Paris.
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Revenons maintenant à Alvar Aalto. En voulant croiser mes propres intuitions de dispositifs architecturaux mis en place chez l’architecte finlandais, avec les catégories évoquées plus haut, je me suis confronté à des incohérences, des associations qui ne fonctionnent pas. Je me suis alors rendu compte que ce classement ne deviendra jamais universel tant que la pensée architecturale restera personnelle et unique.
Je souhaite donc, ci-dessous, vous proposer une liste non exhaustive dans laquelle je catégorise, par un vocabulaire architectural qui m’est propre, les différents dispositifs que j’ai pu observer et relever lors des visites des bâtiments de Alvar Aalto.
La première partie étudie d’abord les données architecturales qui interviennent dans la création de la phénoménologie de l’espace, par des éléments concrets, réels, qui sont présents, qui interagissent souvent avec le corps et ses sens, puis une deuxième partie étudiant les données psychologiques, qui interviennent de façon plus aléatoires, qui interagissent avec l’esprit, avec l’inconscient. L’idée ici n’est pas de donner des exemples précis de dispositifs en les illustrant, puisque nous y reviendrons plus tard dans ce travail, seulement une liste de différents éléments architecturaux que j’ai pu relever, sous forme de notes, en ayant l’intime conviction qu’ils ont chacun un rôle à jouer dans cette sensibilisation architecturale.
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2
Dispositifs d’ordre architectural
LA MATERIALITE • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
L’éveil des sens en fonction de la matérialité : le toucher par la texture, le visuel par l’esthétique, l’olfactive par l’odeur dégagé, le sonore par la propagation du son…) Récurrence des matériaux utilisés (bois, béton, brique, faïence, céramique, pierre, cuivre, cuir, métal, le verre…) Utilisation des matériaux pour leurs propriétés physiques, esthétiques, techniques, durabilité dans le temps Qualité des matériaux utilisés Harmonie de l’assemblage des matériaux Expérimentation de la matérialité (innovation, intemporalité) Utilisation récurrente des matériaux comme des éléments significatifs de son œuvre Utilisation cohérente et homogène des matériaux tout au long de sa carrière Cohérence de l’utilisation des matériaux entre extérieur et intérieur, de l’urbain au détail Matériaux et mises en œuvre locaux, issus du vernaculaire Diversité des matériaux utilisés Matériau comme élément vivant de l’architecture (admet qu’il évolue dans le temps, se patine, s’oxyde, change de teinte, se courbe, se ternit...) Des matériaux naturels, bruts Le matériau pour distinguer, hiérarchiser, unifier, homogénéiser Différents matériaux, différents assemblages, différentes combinaisons pour créer la diversité La végétation comme matériau (le rotin, la plante…) L’importance de l’ergonomie des matériaux et prises en main Confort thermique du matériau (conducteur ou non) Matériau comme métaphore et symbolique
LA LUMIERE • • • • • • • • • • • •
La lumière naturelle et artificielle comme matériau La lumière qui révèle les choses, c’est la clé de tout (sans lumière, on ne perçoit pas l’aspect des choses, on ne peut percevoir l’espace) Sans lumière, il n’y a pas d’ombre, et sans ombre, il n’y a pas de profondeur La lumière pour mettre en valeur certains éléments plus que d’autres L’ombre pour dissimuler, faire disparaitre, cacher, limiter l’impact La lumière naturelle comme matériau vivant de variations infinies (elle varie, selon l’heure de la journée, les saisons, elle change d’intensité, n’est jamais la même…) Combinaison infinie de la lumière et ses interactions avec les autres matériaux/objets (surfaces, textures différentes, teintes différentes, accroches à la lumière différente…) Création de diverses valeurs d’ombres par le joints creux, l’espacement, la profondeur des choses La lumière naturelle comme le lien entre extérieur et intérieur La lumière artificielle pour créer des ambiances lumineuses maitrisées et contrôlées La lumière artificielle comme symbolique de la lumière naturelle (remplace la lumière naturelle lors des périodes de nuit l’hiver) La lumière artificielle pour exprimer l’intériorité d’un espace
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LA FORME • • • • • • • • • • • • •
La forme intérieure doit toujours être différente de celle extérieure (participe à la surprise) Géométrisation de l’architecture Utilisation de la courbe Evite de donner de l’importance aux angles droits (préfère les angles obtus, la courbe, ou mise en place d’une fenêtre) La multiplicité des formes au service de la dynamique de l’espace (convergence, divergence, compression, dilatation…) Différents espaces, différentes fonctions, différentes formes (hiérarchiser, associer, démarquer…) Multiplicité des formes pour éviter la répétition des éléments et la monotonie de l’espace Une forme générale comme homogénéisation cohérente entre l’extérieur et l’intérieur La forme comme symbolique du paysage environnant La forme comme cohérence urbaine et d’implantation du bâtiment dans le contexte environnant La forme s’adapte à la fonction La forme comme outil artistique de l’architecte, plastique, esthétique Subjectivité de la beauté de la forme
LE CONFORT • • • •
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Confort thermique physique des matériaux (conduction des matériaux, textures…) Confort thermique psychologique des matériaux (perception d’un espace plus ou moins chaleureux par l’utilisation de tel ou tel matériau…) Confort ergonomique des matériaux et du mobilier (prises en main adaptées, accessibles pour tous, bonne accroche, confort d’assise, de maintien…) Confort fonctionnel (par du mobilier adapté aux usages, maitrise de la hauteur des choses, de la profondeur des choses, des matériaux/ des objets qui répondent à des besoins, à des fonctions…) Confort thermique du lieu (bonne température au sein du bâtiment, pas trop chaud, pas trop froid, marquer le seuil entre un extérieur au climat rude et un intérieur plus chaud…) Confort sonore du lieu (par des dispositifs sonores, différents matériaux utilisés, réflexions sur la volumétrie, la forme…) Confort lumineux du lieu (par la maitrise de l’apport lumineux, orientation réfléchie du projet, pas trop intense, suffisante, qui révèle les objets qui nous entourent…). Confort olfactif par les différentes odeurs que pourraient dégager les matériaux, dont les différentes essences de bois par exemple Confort volumétrique (par des espaces toujours pensés par et pour l’homme, modestes, maitrise de la bonne échelle, sentiment d’enveloppement par la forme, sans gigantisme) Confort d’esprit (par un sentiment de protection, de se trouver dans un autre monde, unique, à l’écart des agitations extérieures…) Confort visuel (par la maitrise des détails techniques, l’importance du regard vers l’extérieur, limiter l’impact visuel de certaines choses moins importantes pour en révéler les autres essentielles…)
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RELATION AVEC L’ENVIRONNEMENT • • • •
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Importance de la maitrise du lien extérieur/ intérieur Relation à l’extérieur par le cadrage, pas les vues proposées La nature et les paysages environnants comme un tableau vivant, qui ne cesse d’évoluer Maitrise du seuil, du passage de l’extérieur à l’intérieur et inversement (il marque l’entrée, il permet la transition entre le froid et le chaud, le public et le privé, par le seuil, des avancées de toiture, des matériaux différents, des données symboliques…) Bonne intégration du bâtiment avec son environnement qui se fond dans le contexte environnant Faire pénétrer des éléments extérieurs qui représentent le vivant (végétation, lumière, sons extérieurs…) au sein même du bâtiment pour éviter un intérieur sans vie Les espaces intérieurs qui s’articulent autour de l’espace extérieur L’espace extérieur qui devient intérieur, et inversement Des éléments intérieurs qui symbolisent et font références à l’extérieur Entre architecture moderne et vernaculaire Une architecture aux matériaux et à la mise en œuvre locaux Diriger les vues vers les extérieurs
PARCOURS • • • • • • • •
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Le parcours architectural comme séduction de l’usager Sentiment de se mouvoir librement dans l’espace Eviter le sentiment de se faire diriger Eviter la frigidité des espaces Sentiment pour l’usager d’être maître de ses choix Entre le concave, le convexe, la dilatation, la compression, la convergence, la divergence pour rythmer les transitions entre les différents espaces La dynamique du parcours architectural, éviter la monotonie (pas de longs couloirs, enchainement rapide des espaces, utilisation de la courbe…) Guider naturellement par le subconscient (on est happé sans le savoir par tel ou tel espace par sa lumière, par sa forme, sa volumétrie, ses vues, au détriment d’un autre espace où l’on se sent compressé, enfermé, mal à l’aise…) Donner à l’usager le plaisir d’avoir des temps de pauses, pour observer, admirer, développer des questionnements…
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Dispositifs d’ordre psychologique
DEVELOPPER LA CURIOSITE ET L’INTERET DE L’USAGER • • • • • • • • • • • • • • • •
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Recherche constante d’une compréhension de son architecture Développement d’un intérêt pour son architecture Nouveautés qui attisent l’intérêt (la courbe en architecture, nouveaux modes constructifs…) Une architecture plus artistique Une architecture reflet de plusieurs inspirations (Renaissance, vernaculaire, paysages…) Une architecture aussi esthétique que fonctionnelle Aalto comme précurseur de plusieurs idéologies (architecture moderne vernaculaire…) Innovations de plusieurs procédés (« escalier standard », « brique trapézoïdale »…) Une architecture accessible à tous (matériaux naturels, bruts…) Sincérité de l’architecture (il ne dissimule pas les éléments, il limite l’impact visuel de certains) Structure apparente Une architecture parfois complexe qui pose toujours des questions Développement d’une admiration pour son travail Mise en place de procédés constructifs dont la compréhension reste accessible à tous (des fondations à la charpente en passant par les éléments porteurs…) Une architecture qui interpelle (pourquoi la récurrence de ces matériaux ? …) Cohérence homogène de l’ensemble de son œuvre architecturale qui permet d’associer rapidement un élément caractéristique de son architecture à sa propre image (matériaux, formes, implantations, échelles des bâtiments…) Une architecture, qui par un parcours architectural maitrisé, par des appels de lumières, de volumes, de sons, permet de guider naturellement l’usager d’un point A vers un point B par la stimulation de sa curiosité
L’EVASION ARCHITECTURALE • • • • • • • • •
Séduction de l’usager par l’architecture proposée Regarder l’architecture telle une œuvre d’art Une architecture qui évoque des souvenirs par l’éveil des sens (le toucher, les odeurs, le visuel…) Une architecture qui reflète une pensée architecturale propre à l’architecte Une architecture qui fait voyager (inspirations finlandaises, japonaises, caréliennes, méditerranéennes…) Une architecture qui reflète la personnalité de l’architecte et de son client (répond à des besoins fonctionnelles et expérimentations esthétiques…) Une architecture qui interagit avec la sensibilité de l’usager Une architecture, qui par un jeu de métaphores et de symboliques subtiles, permet l’évasion, attise l’imagination Une architecture poétique
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LA SURPRISE/ LE SUSPENSE • • • • • • • • •
Une architecture qui attise une sensation de suspense Une architecture qui, au travers d’un parcours architectural maitrisé et rythmé, permet la surprise Compression/ dilatation Variation des volumes, des sons, des hauteurs, des matériaux, des lumières, des objets… Hiérarchisation des espaces par cette maitrise de la variation Des espaces architecturaux inattendus (contraste des formes extérieures avec les formes intérieures) Des transitions entre espaces extérieurs et intérieurs maitrisées (en douceur/ brutalement..) A chaque espace son lot de découvertes Une architecture mystérieuse
« L’architecture d’Aalto incorpore des dislocations, des confrontations du biais, des irrégularités et des rythmes multiples afin d’éveiller des expériences corporelles, musculaires, haptiques ». 1
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Pallasma Juhani, « Le regard des sens », 2010, Editions du Linteau, France, page 79
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Entre voyages, inspirations, influences, contexte architectural et historique : 4 TEMPS DU DÉVELOPPEMENT DE LA PENSÉE ARCHITECTURALE D’ALVAR AALTO
Hugo Alvar Henrik Aalto - Portrait Source : Alvar Aalto Museum
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Introduction
Il me semble intéressant ici d’étudier dans un ordre chronologique le développement de la pensée de l’architecte au travers de ses influences architecturales et paysagères, de ses voyages, ses rencontres, ses lectures, ses valeurs, etc. C’est pourquoi nous évoquerons ci-après, l’étude de sa carrière au fil du temps dans le but de nous éclairer sur les partis pris de l’architecte.
La carrière de l’architecte est souvent présentée et divisée en 4 périodes distinctes :
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La première période, de 1918 à 1927, appelée « période classique » Une seconde période, de 1928 à 1933, appelée « période rationnelle » Une troisième période, de 1934 à 1950, appelée « période autonome » Une quatrième période, de 1950 à 1976, appelée « période de développement architectural»
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De 1918 à 1927 : sa période classique
Pour cette période qui marque le début de sa carrière, il me paraît important d’analyser une série de critères, base de l’apprentissage de Alvar Aalto tels que les inspirations architecturales qu’il a pu étudier durant son cursus scolaire, le contexte national, les influences de ses professeurs et de ce qui l’entoure ou encore le lieu où il a grandi. En effet, plusieurs facteurs sont à prendre en compte.
D’un côté, nous sommes à l’aube de la carrière de l’architecte qui commence à expérimenter et à développer une pensée qui lui est propre. Il s’intéresse aux travaux des autres architectes scandinaves, à la culture de sa région, aux paysages environnants, aux constructions traditionnelles, à la lecture d’ouvrages. Il participe à des voyages majoritairement dans le cadre du loisir, comme par exemple son voyage en Italie de 1924 pour sa lune de miel avec son épouse Aino.
D’un autre côté, nous sommes à la fin de la première guerre mondiale (1914-1918) qui entraine une destruction massive des villes, une crise du logement, et donc de vastes programmes de reconstruction. Alvar Aalto aura l’opportunité rapidement donc de décrocher ses premiers contrats lui permettant d’expérimenter ses idées de façon concrète.
C’est donc tout naturellement, par une approche timide et réservée, qu’il se met d’abord à construire des maisons en bois selon des procédés de construction traditionnels. L’architecte avait un intérêt fort pour l’architecture vernaculaire et traditionnelle de son pays. On dit qu’il se rendait régulièrement sur l’île de Seurasaari située à Helsinki, caractérisée comme un réel musée à ciel ouvert qui regroupe des constructions ancestrales en bois, et que j’ai notamment eu l’occasion de visiter. Il étudiait également de très près l’architecture carélienne, l’architecture vernaculaire de Carélie en Russie, à la frontière finlandaise.
Son studio Sa maison
Ile de Seurasaari
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Ile de Seurasaari - Photographie personnelle - Prise de vue le 21 Avril 2019, 12h36
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Ile de Seurasaari - Photographie personnelle - Prise de vue le 21 Avril 2019, 12h20
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Ile de Seurasaari - Localisation par rapport à sa maison et son studio - Helsinki Map Service
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Cependant, les premiers bâtiments de Alvar Aalto n’ont pas la même singularité que celle reconnue aujourd’hui. Pour la petite anecdote, de retour en France, lorsque je regardais les photographies des mes virées architecturales, j’ai découvert que j’étais, sans le savoir, passé devant la villa Karpio. Tout cela pour vous dire que les premières expérimentations de ce grand maitre, à l’architecture pourtant si caractéristique et reconnaissable, se fondaient harmonieusement dans le paysage environnant et collaient parfaitement à la culture locale.
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Ensuite, influencé certainement par ses voyages et sa formation l’ayant poussé à l’étude des bâtiments classiques, mais aussi par ses lectures et ses références architecturales, il développe différentes expérimentations qu’il applique sur ses premiers bâtiments publics, dont son tout premier et témoin de cette recherche nouvelle est le « worker’s club » de Jyväskylä en 1924-25. À la sortie de ses études, Alvar Aalto admirait le travail de son confrère suédois Erik Gunnar Asplund (1885-1940), et ira rapidement à sa rencontre. Le travail de cet architecte, à l’origine du mouvement moderne, sera pour Aalto une grande source d’inspiration. Nous pourrions citer également les influences des architectes scandinaves comme Eliel Saarinen, architecte finlandais (1873-1950) ou encore Sven Markelius, architecte suédois (1889-1972).
Il étudie de loin également le travail du fameux Franck Lloyd Wright (1867-1959), architecte d’un nouveau genre aux Etats Unis par notamment le développement des « maisons usoniennes » au début des années 1910-20 (« Robie House » de 1908-10, « Taliesin House » de 1911…).
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Villa Karpio, Jyväskylä, 1923, Photographie de Maija Vatanen - Alvar Aalto Museum
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Nuora building, Jyväskylä, 1923-1924, Photographie de Maija Holma - Alvar Aalto Museum
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Casa Laurén, Jyväskylä, 1925-1928, Photographie de Maija Holma - Alvar Aalto Museum
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On peut noter différents points communs entre ces bâtiments de Wright et aalténiens : l’intégration au paysage, la composition à partir d’un plan libre, l’ordre géométrique, la symétrie des éléments, la simplicité des volumes, l’architecture rationnelle et la stylisation ou abandon de l’ornement. Les deux architectes proposent on pas une position radicale « moderniste » comme celle prise en Allemagne, mais plutôt une réinterprétation du classicisme, qui occupe encore une place importante dans tous leurs travaux. Enfin, l’architecte finlandais sera fortement influencé par les lectures d’ouvrages classiques, de l’architecture gréco-romaine aux bâtiments de la Renaissance italienne, en passant par des voyages en Italie (1924), alors en plein mouvement « rationaliste » (1920-1950), ou encore dans le sud de la France (1926). Il s’inspire des travaux de Filippo Brunelleschi (1377-1446), inventeur de la perspective, d’Andrea Palladio (1508-1580) et son traité « Les quatre livres de l’architecture », ou encore de Léon Battista Alberti (1404-1472) et ses travaux sur les perspectives, les proportions. Plus tard, il s’inspirera également de Jean Louis Durand (1760-1834), architecte français pionnier de l’architecture rationaliste. « A la question d’un journaliste aux Etats-Unis qui demande à Aalto quel architecte il estimait le plus, il répondit : « Brunelleschi ». 1 Alors qu’il n’est qu’un débutant, le monde l’entourant est un facteur qui justifie ses expérimentations de l’époque. Un autre élément essentiel à prendre en compte dans la multiplication de ces bâtiments militaires, se trouvant le plus souvent au centre de la ville, plutôt monumentaux dans leur conception, est certainement le climat de guerre civile qui sévit à l’époque et oppose en 1918 le clan des rouges (agriculteurs/ les industriels) allié à la Russie, au clan des Blancs (les bourgeois, les classes moyennes). Dans un contexte où la Finlande est sous grande influence Russe et n’est pas encore indépendante.
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Revue « Le carré Bleu : architecture et intériorité », 1986, Editions Le Carré Bleu, France, page 62
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Worker’s club, Jyväskylä, 1924-1925 - Photographie de Maija Holma - Alvar Aalto Museum
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Conservatory Building, Seinäjoki, 1924-1926 - Photographie de Maija Holma - Alvar Aalto Museum
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Conservatory Building, Jyväskylä, 1926-1929 - Photographie de Päijänne - Alvar Aalto Museum
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De 1928 à 1933 : sa période rationnelle
Premièrement, une remise en contexte de cette période est nécessaire. En effet, elle est marquée par l’ouverture à l’international de l’architecte de même que par ses rencontres, la multiplication de ses voyages à l’étranger et la participation à différents congrès et aux différentes expositions universelles. Il s’inscrit alors, comme ses confrères européens, dans le « mouvement moderne », en plein essor à l’époque.
Pour retracer brièvement l’histoire du « Modernisme », sur laquelle je ne souhaite pas m’attarder tant elle est complexe et riche, laissez-moi rapidement vous faire une liste non exhaustive des évènements majeurs qui ont poussé à un tel contexte politique, économique, social, et par conséquent architectural. Ceci étant néanmoins essentiel pour la bonne compréhension du développement de la pensée architecturale d’Alvar Aalto.
Avec l’arrivée de la production industrielle de masse mais aussi avec celle de nouveaux matériaux sur le marché et donc de nouvelles mises en œuvre et méthodes constructives, les architectes développent une nouvelle pensée architecturale. Le modernisme n’a pas forcement de caractéristiques propres comme pourrait avoir « le cubisme » ou « le futurisme », mais il se réunit cependant autour d’une valeur universelle : celle de construire le monde de demain. Dès les premières extractions de pétrole aux Etats Unis dans les années 1860 ainsi que le développement de la chimie et de l’électricité pour tous au début des années 1900, la société se trouve chamboulée et les modes de vie, de production, de consommations, s’en trouvent métamorphosés. En conséquence, il y a un passage de l’artisanat à une société industrielle basée sur la production de masse. D’autres événements majeurs interviennent tels que l’agriculture repensée, le progrès de la médecine, le développement des transports, l’avènement de l’automobile, du transport ferroviaire et maritime, et par conséquent du commerce international, de l’urbanisation des villes et de leur étalement, etc. La population grandit, il faut construire plus, mieux et dans des temps réduits. D’autre part, la mécanisation permet le progrès technique, l’arrivée de nouveaux matériaux sur le marché (le verre, le béton, le fer) et donc de nouveaux outils et systèmes constructifs. Ce que l’on construisait jusqu’alors en bois, en pierre ou en terre, avec des procédés de mise en œuvre plutôt longs et beaucoup de contraintes (portées des matériaux, mises en œuvre, durée de vie, sensibilité au feu (incendie de Chicago en 1871)…) va laisser place à des matériaux qui permettent de franchir de plus grandes portées avec le béton armé ou la poutre d’acier, d’avoir une structure poteaux-poutres qui libère le plan, de s’ouvrir largement sur l’extérieur grâce au verre, de mieux résister aux intempéries, etc. D’ailleurs, le « Taylorisme » et le « Fordisme » de la fin des années du XIXe et début du XXe, permettront de produire en série les éléments.
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Nous sommes donc à l’aube du « Modernisme », marquant l’un des tournants les plus importants de l’époque. Les jeunes architectes ont soif de nouveautés et veulent s’inscrire dans ce changement. Ils sont menés entre autres par le mouvement du Bauhaus en Allemagne (1919-1933), par le « style international » des années 1932, qui caractérise le mariage des idées de l’école du Bauhaus et celles des Etats-Unis, par les congrès CIAM (Congrès internationaux d’architecture moderne) de 1928 à 1959, ou encore les 5 points de l’architecture Moderne (fenêtre en bandeau, pilotis, plan libre, façade libre, toiture terrasse) mis en place par sans doute l’architecte le plus emblématique et représentatif du mouvement : Charles Edouard Jeanneret Gris, dit Le Corbusier (1887-1965). De ces événements en résulte une esthétique plus rationnelle de l’architecture, plus fonctionnelle, et, en somme, plus moderne. Enfin, une autre donnée très importante à prendre en compte dans l’essor rapide du « Modernisme », est l’impact des deux guerres mondiales qui ont ravagé les villes et leurs architectures. Il a donc fallu construire rapidement, à moindre coût, et par conséquent développer de nouvelles façons de construire et de penser la ville de demain. Alvar Aalto suivra alors, dans un premier temps, le pas de cette génération d’architectes se voulant novatrice, en se servant de l’arrivée de nouveaux procédés et de nouveaux matériaux pour mettre en place une toute nouvelle manière de penser l’architecture. Il créé notamment une relation purement fonctionnelle du bâtiment avec son usager, on oublie l’ornementation, les formes sont simples, géométriques et brutes. L’art et l’architecture se réunissent, de la peinture au mobilier, en passant par la sculpture. Le coût des matériaux étant plus faible, l’arrivée du préfabriqué, et aussi des éléments « standardisés », permettent de les produire en grande quantité. L’utopie architecturale prônée par ce mouvement est d’avoir une unité architecturale qui soit développée de la même manière à l’international. On souhaite « standardiser » l’architecture.
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Standard Apartment House, Turku, 1927-1929 - Photographie de Aino Aalto - Alvar Aalto Museum
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Library of Vyborg, Vyborg en Russie, 1927-1935 - Photographie de Gustaf Welin - Alvar Aalto Museum
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Sanatorium of Paimio, Paimio, 1929-1933 - Photographie de Gustaf Welin - Alvar Aalto Museum
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Néanmoins, on remarque déjà que l’architecte tend vers des expérimentations qui ne sont pas forcément mises en avant par le mouvement « Moderne », comme l’utilisation de la courbe (le plafond de la bibliothèque de Viipuri, les angles du centre de Paimo), l’utilisation du bois et une bonne intégration de ses bâtiments dans leurs environnements respectifs. À contrario, il ne semble pas résigné à abandonner les ordres classiques, comme la symétrie de l’espace ou la monumentalité de l’escalier central, tous deux présents par exemple dans la bibliothèque de Viipuri.
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Sanatorium of Paimio, Paimio, 1929-1933 - Plan de l’aile reservée aux patients - Dessin à la main - Alvar Aalto Museum
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Library of Vyborg, Vyborg en Russie, 1927-1935 - Plan de l’entrée - Dessin à la main - Alvar Aalto Museum
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Library of Vyborg, Vyborg en Russie, 1927-1935 - Photographie intérieure de l’espace central Photographie de Gustaf Welin Source : Alvar Aalto Museum
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De 1934 à 1950 : sa période autonome
Cette troisième période est sans doute la plus importante de sa carrière. C’est un véritable tournant qui marquera profondément l’architecte, et plus tard l’architecture.
Fort d’un succès grandissant, d’un statut s’étoffant et d’un rayonnement international se développant, l’architecte est victime de son succès, surtout depuis la création de ses deux bâtiments considérés comme ceux qui ont sensiblement explosé sa visibilité, soit la « bibliothèque de Viipuri » et « le Sanatorium de Paimo ». Il enchaine donc les commandes et s’investi dans les congrès internationaux. Il va également à la rencontre des architectes, se déplaçant beaucoup plus et il participe aux rendez-vous internationaux, comme les expositions universelles (plus particulièrement celle de 1939 à New York où il marquera les esprits avec le pavillon de Finlande). Tout cela lui permet de côtoyer les grands noms de l’art, de l’industrie et du bâtiment.
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Aalto voyage alors beaucoup en Europe et dans des pays tels que l’Italie, la France et l’Allemagne. Il y fera des découvertes qui influenceront grandement son travail par la suite. Une autre culture qui inspirera considérablement l’architecte dans son rapport avec l’extérieur, est la culture japonaise. En effet, Alvar Aalto en est un passionné. Il lisait notamment beaucoup d’œuvres littéraires japonaises comme « Das Japanische Wohnhaus » publié en Allemagne en 1935, de Tetsuro Yoshida (1894-1956), architecte japonais. Cet ouvrage traite des maisons traditionnelles japonaises, sur les matériaux, les cadrages, le rapport au paysage et au jardin. Il lira aussi l’ouvrage « Houses and people of Japan” de Bruno Taut (1880-1938), architecte allemand qui traite de l’architecture et de la culture japonaise.
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Pavillon finlandais, New York, exposition universelle de 1939 - Croquis du pavillon à la main - Alvar Aalto Museum
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Enfin, il se rendait à des expositions liées au Japon, et ce régulièrement, comme l’exposition consacrée au Japon organisée en 1931 par le musée national d’ethnographie de Stockholm. Autant vous dire qu’il est très empreint par cette culture.
“Il existe une culture qui, même dans ses phases traditionalistes, oui, même dans les périodes marquées par l’artisanat, a fait preuve, vis-à-vis de l’individu, de beaucoup de tact et de délicatesse. Je fais allusion ici à certains secteurs de la culture japonaise qui, avec une gamme limitée de matériaux bruts et de formes, a doté l’homme de l’aptitude à créer avec virtuosité des variations, des combinaisons, des renouvellements presque quotidiens. La grande prédilection de la culture japonaise pour les fleurs, les plantes, les objets naturels en est en soi un exemple. La communion avec la nature, avec ses perpétuelles modifications est un mode de vie qui s’accommode difficilement de concepts trop formalistes”. 1
Au-delà de tout cela, l’architecte s’ouvre à d’autres pratiques et à d’autres horizons : celle de la peinture, de la sculpture et de l’artisanat. Il rencontre d’ailleurs le peintre français Fernand léger (18811955), le peintre américain Alexander Calder (1898-1976) qui certainement encore l’influenceront dans l’utilisation de la courbe, notamment.
Par la suite, il se met officiellement à concevoir, pour chacun de ses bâtiments, le mobilier fonctionnel approprié et unique en créant la société « ARTEK », en 1935, où il s’associe à sa femme Aino et ses clients de la Villa Mairea (1937-39), la famille Ahlström-Gullichsen, le plus grand groupe industriel de Finlande dans les années 1930, dont la spécialité est l’industrie forestière et chimique. Il dessine non pas seulement les fauteuils, les chaises, ou les lampes, mais il souhaite aller bien plus loin dans le détail en dessinant les poignées de portes, les rampes d’escaliers, les escaliers, les tables, les cheminées, les plinthes, les caches radiateurs, et bien d’autres encore. Il tente de répondre à l’un de ses objectifs de prédilection : celui de livrer une œuvre complète répondant aux besoins et attentes du client de la meilleure des manières.
« La vue du métal, du bronze, qui est en ébullition à des milliers de degrés me laisse toujours une impression très vive. Dans cet état de surchauffe, le métal prend des formes différentes de celles qu’on obtient en le coulant dans des moules de plâtre ». 2
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AALTO Alvar, conférence lors de la réunion annuelle de l’association suédoise des arts et métiers, 1935.
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Extrait de AALTO Alvar, « Les relations entre l’architecture, la peinture et la sculpture », Alvar Aalto, Synopsis
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Un autre facteur influencera ce tournant de sa carrière, son détachement par rapport aux idées préconçues des « modernistes » européens. Ainsi, il commence à développer des idées qui vont à l’encontre des règles du « mouvement international ». Il se rend d’ailleurs aux CIAM non plus dans l’unique objectif de rencontrer, de s’informer, de se cultiver ou d’approuver, mais en s’affirmant et en exposant de nouvelles idées, ouvrant des sujets à débats et critiques.
Nous y reviendrons plus en détail par la suite.
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Paimio Chair, 1932, Produit N°41 - Photographie de Maija Holma - Alvar Aalto Museum
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Luminaire 1 110, 1951-52, Produit N°110 - Photographie personnelle - Prise de vue le 26 Août 2018, 15h29
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Tabouret 60, 1933, Produit N°60 - Photographie de Markku Alatalo - Alvar Aalto Museum
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Lampadaire A 805, 1956, Produit N°805 - Photographie personnelle - Prise de vue le 26 Août 2018, 15h27
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Poignée de porte en bronze, 1951-58 - Photographie personnelle - Prise de vue le 26 Août 2018, 15h03
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Variante de la lampe en cloche A330, version antérieure en 1937 et révisée en 1950, Produit N°330 - Photographie personnelle - Prise de vue le 26 Août 2018, 14h43
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De 1950 à 1976 : sa période de développement architectural
Maintenant que nous avons étudié plus précisément la pensée architecturale qu’Alvar Aalto commence à développer durant la seconde et troisième période de sa carrière, intéressons-nous maintenant à la période où il la met en pratique. Dès les années 1950 jusqu’à sa mort en 1976, Alvar Aalto, fidèle à ses dires, ne jure que par l’expérimentation massive. Il est convaincu par une chose : il n’existe pour lui qu’une seule véritable possibilité de théoriser ; fournir des exemples concrets, et par conséquent de construire. Nous sommes ici au lendemain de la seconde guerre mondiale (1939-45), une guerre qui a fait beaucoup de dégâts en Europe, et la Finlande n’en est pas épargnée. Touchée par des incertitudes sociales, économiques et politiques, c’est toute la Scandinavie qui lance un programme d’urgence : il faut reconstruire vite et peu cher.
C’est notamment l’une des raisons expliquant la jeunesse de l’architecture finlandaise : le parc immobilier construit avant 1955 ne représente seulement qu’environ 20 %. En conséquence, du travail, Aalto et les autres, n’en manquaient pas. 1
Tous les ingrédients sont alors réunis pour faire de cette quatrième période la plus prolifique de sa carrière. Il conçoit, il enseigne, il bâtit, de la maison individuelle au projet urbain, en passant par son mobilier, et ce à l’international. Il est présent partout, dans toutes les institutions, en commençant par les associations nationales, puisqu’il deviendra vice-président de l’association culturelle fino-japonaise. Il sera également nommé président du SAFA (Union centrale des architectes finlandais) de 1943 à 1959 et participe de façon exponentielle à l’urbanisation des villes finlandaises, au travers de nombreuses commandes, surtout publiques, puis par la suite à l’international, à travers de nombreuses conférences et des commandes majoritairement européennes.
On lui confie des projets de grandes envergures tels que des projets urbains, des universités, des églises, des immeubles, des bibliothèques et des bureaux. Néanmoins, il n’arrête pas pour autant de construire des plus petits projets comme des maisons individuelles, des commandes spécifiques, souvent pour ses amis proches (le galeriste français Louis Carré (1897-77), le compositeur Joonas Kokkonen (1921-1996), l’auteur Goran Schildt (1917-2009)…). Cette confiance donnée reflète le poids d’une maturité et la maitrise de son sujet tous deux acquis tout au long de sa carrière.
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Selon le rapport d’étude : ESPERENCA Anna, RASTOLL Ornella, “Paysage, identité et régionalisme, entre tradition et modernité : la postérité de l’architecture d’Alvar
Aalto de 1924 à nos jours », 2018-2019, rapport d’étude, étudiantes en Erasmus, Rome, page 30.
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Ce qui est d’autant plus frappant dans sa carrière, c’est la diversité de ses projets, certainement due à son expérimentation sans limite et sans idée préconçue. Il teste, il assemble, il combine, selon une approche plus artistique, organique et sensible parfois ou sur base d’une approche plus moderne, épurée et tramée d’autres fois. Alors que sa troisième période était une période dite « blanche », exprimant le côté épuré de l’architecture moderne, Aalto se libère totalement de cette restriction au courant de la quatrième période. Et même si on associe celle-ci à celle du « rouge », en référence à la brique massivement présente dans ses projets, Alvar Aalto ne se donne aucune limite dans l’expérimentation des couleurs, des formes et des matériaux. On sent réellement qu’Aalto s’est fait plaisir en développant de façon ludique, tel un jeu, son architecture.
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Neue Vahr Highrise Residential Building, 1958-1962, Bremen, Allemagne - Photographie de Lücking Wolf - Alvar Aalto Museum
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University of Jyväskylä, 1951-1971, Jyväskylä, Finlande - Photographie personnelle - Prise de vue le 03 Mars 2019, 10h00
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Riola Church, 1966-1980, Riola, Italie - Photographie de la fondation Alvar Aalto
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Villa Kokkonen, 1967-1969, Järvenpää, Finlande - Photographie de Kari Hakli - Alvar Aalto Museum
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Maison Louis Carré, 1956-1963, Bazoches-sur-Guyonne, France - Photographie intérieure de Heikki Havas - Alvar Aalto Museum
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Villa Skeppet, 1969-1970, Tammisaari, Finlande - Photographie de «The exhibition produced by the Alvar Aalto Museum 2008-2009 »
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L’attestation la plus représentative de l’ensemble de son œuvre architecturale qui exprime parfaitement cette notion, est sa « maison expérimentale de Muuratsalo » (1952-53). Comme son nom l’indique, Aalto s’est servi de cette petite maison de week-end et de vacances, à l’abri des regards, pour en faire son laboratoire d’expériences, comme une maquette à l’échelle 1/1. C’est l’œuvre la plus humaine de son corpus de bâtiments. Il y réutilise des chutes de matériaux de la mairie de Saynatsalo (1949-52) et construit à même la roche, selon des procédés constructifs traditionnels, un plan d’une grande simplicité composé d’espaces modestes et d’une implantation discrète. Il n’y a pas plus simple.
Il combine les matériaux, expérimente l’épaisseur des joints, leur couleur, l’accroche à la lumière, la production de l’ombre, la texture, les associations, la résistance aux intempéries, la durabilité dans le temps, l’accroche de la mousse, l’étanchéité… bref, autant de questions possibles que se pose un architecte.
Cette maison est le reflet de sa pensée architecturale de l’époque et arrive alors de nouveaux matériaux qu’il intègre à ses projets : la céramique, la faïence, le marbre, le granit, de nouvelles couleurs (le bleu, le noir), des formes plus travaillées, plus organiques. Son architecture devient une sorte d’œuvre d’art tout en s’intégrant dans le paysage environnant, par une symbolique, par la reprise des codes du contexte (verticalité, horizontalité, courbes…).
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Experimental Muuratsalo House, 1952-1954, Jyväskylä, Finlande - Photographie de Martti Kapanen - Alvar Aalto Museum
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Centre civique de Seinajöki, 1958-1965, Seinajöki, Finlande - Photographie personnelle - Prise de vue le 17 Avril 2019, 12h31
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Finlandia Hall, 1967-1971, Helsinki, Finlande - Photographie de Glenn Cadoret - Prise de vue le 31 Août 2018, 16h14
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Entre remises en question des idéologies modernes et solutions apportées par l’expérimentation : 4 GRANDS TRAVAUX DE SA CARRIÈRE
Civic Center, Seinäjoki, 1958-1987 - Photographie vue du café du théatre Photographie de Peter Reed Source : Museum of Modern Art
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Introduction : Idéologies modernes
« Volontairement innovatrice, l’architecture moderne utilise des matériaux nouveaux (béton ou acier) produits par l’industrie, des formes nouvelles (toits-terrasses, rideaux, pilotis, pans de bâtiment, des plateaux libres de tout cloisonnement). Elle supprime l’ornement et le décor, elle aime les matériaux bruts et la subversion et s’intéresse à la société de masse. L’architecture moderne rompt avec la rue, les gabarits traditionnels et accorde la prééminence à la circulation automobile et au classement des activités». 1 Le mouvement moderne est à son apogée dans les années 1930-50. Il est difficile de parler de « style international », tant il existe au travers du monde une grande diversité des expressions et des formes. Le mouvement moderne est plutôt caractérisé par une philosophie et une pensée architecturale. Pour ce qui est de l’application de cette pensée internationale, il en va de chaque architecte.
Cette nouvelle façon d’approcher l’architecture propose une vision rationnelle, sans ornementation et où la fonction prend le pas sur l’esthétique. Elle est caractérisée par des formes architecturales géométriques simples. L’homme est au cœur de l’attention et tout est pensé pour lui, pour son confort de vie. En parallèle, la ville est aussi repensée. Elle est plus compacte, plus sociale, plus technologique. Elle est construite avec de nouveaux matériaux et de nouvelles techniques où l’automobile trouve une place importante. On est à la recherche de l’espace idéal.
C’est l’idée de concevoir des volumes bruts, purs. Il y a une forte présence du vocabulaire de la machine, de la nouvelle technologie faisant surface dans le domaine architectural. Le Corbusier ira même jusqu’à dire que ses bâtiments sont des réelles « machines à habiter ». La majorité des bâtiments de cette époque trouve leur réponse architecturale dans la pureté et le dépouillement recherché par l’utilisation d’un crépi blanc en sur béton. Les architectes jouent à l’assemblage réfléchi de plans horizontaux et verticaux.
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Extrait du dossier pédagogique de l’exposition «Alvar Aalto lightings», 2014, par le centre de documentation du Grand-Hornu, France, page 8
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Usine Fagus de Walter Gropuis, 1911-1913, début du « mouvement moderne», photographie de Edmund Lill
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Cité radieuse de Marseille de Le Corbusier, 1947-1952, photographie de Gareth Gardner
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Plan pour le centre de Philadelphie, 1956-1957. Dessin d’un «dock» à l’entrée du centre : parking surmonté de bureaux, extrait de KAHN Louis, «Silence et Lumière»,
1996, Editions du Linteau, page 28
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Face à cela, Alvar Aalto commence à remettre en cause certaines règles de ce mouvement et développe une nouvelle pensée architecturale, qui prend toujours en compte le « style international », puisqu’il garde cette idée de la couleur blanche comme élément signifiant de la pureté, mais plus orientée vers l’humain, vers les traditions vernaculaires, vers l’organique, plus poche de la nature et plus modeste. Il utilise alors différemment les matériaux, les formes en les assemblant et en expérimentant. Après avoir étudié les dispositifs architecturaux mis en place dans les bâtiments de Aalto et avec l’aide de plusieurs lectures, j’ai tenté de comprendre quelles étaient les nouvelles intentions de l’architecte qui, peu à peu, s’est éloigné des dogmes « Modernistes ».
J’ai donc relevé l’étude de 4 grands travaux que l’architecte continuera de développer tout au long de sa carrière :
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Eviter la frigidité et la brutalité de l’espace architectural moderne Eviter la Standardisation de l’architecture : servons nous en pour démultiplier les possibilités Réconcilier l’homme avec ses traditions architecturales et vernaculaires : humaniser l’architecture Entre implantations, transitions et cadrages : accentuer le lien entre l’espace intérieur et extérieur
Cette liste n’est pas exhaustive mais elle regroupe les questionnements majeurs de l’architecte qui l’amèneront sur d’autres terrains d’expérimentations.
Dans un premier temps, nous étudierons ces thèmes sous forme de remise en question des caractéristiques du « style international » de l’époque, et nous verrons dans un second temps la pensée architecturale développée par l’architecte. Cette étude sera enrichie de plusieurs citations.
« Aalto did not seek universal solutions and formulas. His subtle manipulation of materials, respect for their natural and historical associations, utilization of a formal vocabulary that favored free form over regularity, and his profound and acute understanding of the individual site and circumstance created an original architecture that was designed to appeal on many levels, not the least of which were its sensory, visceral, and ultimately humane qualities. » 1
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AALTO Alvar et REED Peter, « Alvar Aalto and the New Humanism of the Postwar Era in Alvar Aalto: Between Humanism and Materialism », Editions New York Museum
of Modern Art, MoMA, page 113
Traduit par : «Aalto n’a pas recherché des solutions et des formules universelles. Sa manipulation subtile des matériaux, le respect de leurs associations naturelles et historiques, l’utilisation d’un vocabulaire formel qui privilégiait la forme libre à la régularité, et sa compréhension profonde et aiguë du site et des circonstances individuelles ont créé une architecture originale qui a été conçue pour plaire à plusieurs niveaux, notamment pour ses qualités sensorielles, viscérales et finalement humaines. » Traduction personnelle.
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Éviter la frigidité et la brutalité de l’espace architectural moderne
REMISES EN QUESTION DE LA PART D’ALVAR AALTO
C’est l’une des plus grandes préoccupations d’Alvar Aalto à son époque. Une première guerre mondiale (1914-1918) a détruit la plupart des villes en Europe, et plus largement dans le monde ensuite. Ajoutez à cela la seconde guerre mondiale (1939-45), plus dévastatrice encore, et vous obtenez une crise du logement, un besoin de construire vite, pas cher, et en grande quantité. Arrivent alors les grands ensembles, développés entre autres en Europe par les architectes comme Le Corbusier, Gropuis, plus localement Georges Candilis (1913-1995) à Toulouse… Aux Etats Unis, ce sont plutôt les constructions des grattes ciels de Ludwig Mies Van Der Rohe (1886-1969), Phillip Johnson (1906-2005) ou encore la fameuse luxueuse « Marina City » construite entre 1959 et 1964 par Bertrand Goldberg (1913-1997), qui sont expérimentées. Ces grands ensembles sont faits d’éléments préfabriqués, bétonnés le plus souvent, avec un système d’empilement. Ils se doivent d’être compacts, de s’élever sur leur verticalité afin d’accueillir le plus d’habitants possible. C’est la répétition de différents volumes similaires les uns sur aux autres qui permet ce type de construction. C’est dans ce contexte que l’architecte Alvar Aalto commence à se détacher de cette vision et approche architecturale qui se diffuse alors très largement à l’époque. À l’époque, il va même jusqu’à qualifier les complexes de logement pour le milieu social de « taudis psychologiques ».
En outre, ce que veut éviter Aalto, c’est le terme de « boite », de « clapier », rectangulaire, facile à empiler, à juxtaposer, un parallélépipède résultat d’une fabrication en série et de la répétition d’espaces aux matériaux froids, économiques ou durables, pour optimiser le stockage.
Il n’hésitait pas à dire : « L’horoscope de l’architecture est aujourd’hui tel que mes paroles ne pourraient qu’être négatives, ce n’est pas drôle. Les parallélépipèdes faits de carrés de verre et de métaux artificiels, le snobisme puriste inhumain des grandes villes, ont produit une forme architecturale dont on ne reviendra pas. Le chemin est coupé ». 1 De son point de vue, les grands ensembles majoritairement construits à l’époque d’après-guerre ne sont que de vulgaires volumes rectangulaires superposés et percés, régis par les normes de circulation, d’éclairement et basés sur l’optimisation de l’espace.
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Aalto, Alvar, « En guise d’article », in Alvar Aalto, page 183
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La « boite architecturale » pose deux problèmes majeurs : celui d’un sentiment d’être casanier, rangé, par l’universalité et la répétition d’une même « boite » partout. On ne s’y sent que chez soi par l’appropriation d’un lieu universel à tous, par son aménagement intérieur etc… Les grands ensembles eux même se ressemblent et il est difficile de s’identifier personnellement à son bâtiment. C’est d’ailleurs ce qu’Alvar Aalto ne cautionne pas. De plus, cet empilement entraine plusieurs autres caractéristiques que l’architecte finlandais voit comme des contraintes : l’utilisation de formes rectangulaires, parallélépipédiques, l’optimisation des circulations communes par de longs couloirs « étaux », avec souvent ce sentiment d’être conditionné entre deux murs, oppressé même, les circulations sans fin ou encore la problématique de l’angle droit et du coin en architecture. Alors que Le Corbusier écrit en 1955, aux éditions Tériade, « Le poème de l’angle droit » où il en fait l’éloge, Alvar Aalto quant à lui défend une position qui caractérise l’angle droit comme la rencontre entre un sol, deux murs et un plafond, qui forment une arrête, souvent sombre, brute, rigide, qui ne peut être qu’un coin pour les rangements tel que le réfrigérateur, mais en aucun cas un endroit pour y vivre. « On a avec un charbon tracé l’angle droit le signe Il est la réponse et le guide le fait une réponse un choix Il est simple et nu mais saisissable Les savants discuteront de la relativité de sa rigueur Mais la conscience en a fait un signe Il est la réponse et le guide le fait ma réponse mon choix ». 1 Enfin, Alvar Aalto ne concevait pas non plus la radicalité du traitement des plafonds dans ces architectures modernes. Le plafond, devenu standard à cette époque, dû à l’absence d’ornementation, à sa planéité, à son traitement le plus souvent lisse, était le résultat d’un plafond qui écrasait l’espace. Sa faible hauteur chez Le Corbusier (2.26m de haut) et sa proportion, plus souvent large que haute, participaient au sentiment d’écrasement et de monotonie.
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Extrait de Le Corbusier écrit en « Le poème de l’angle droit », 1955, aux éditions Tériade
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SOLUTIONS PROPOSÉES PAR L’ARCHITECTE En réponse à la radicalité, froideur, frigidité et rigidité de l’espace architectural « moderne », surtout présent dans les grands ensembles, Alvar Aalto développa plusieurs expérimentations afin de s’affranchir de ces éléments qu’il juge coercitifs. La première expérimentation fut celle de l’utilisation de la courbe. Elle est apparue comme la solution à plusieurs problèmes qu’il relève : celui de l’angle droit, celui de la monotonie du parallélépipède et celui du plafond écrasant également. Il commence à expérimenter les formes courbes, telles des figures plus poétiques, plus sensuelles et plus symboliques. En effet, l’utilisation de la courbe est une métaphore certaine aux paysages finlandais, et principalement aux étendues d’eau majoritairement présentes à Jyväskylä, ville au cœur de la région des grands lacs. On dit que l’architecte était très influencé par les paysages de son enfance, les plaines, les lacs et la forêt.
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Il exprimera d’ailleurs régulièrement son amour pour la nature, qu’il qualifie comme étant la plus belle et la plus cohérente architecture de ce monde, sur laquelle tout architecte doit s’appuyer. De tous les comités de standardisation, la nature est pour Aalto celui le plus remarquable, où nulle part ailleurs la standardisation, au travers des variétés, de la richesse des éléments et de leur combinaison, n’est poussée aussi loin. Pour lui, l’architecture doit rester indissociable de l’art, de la sculpture, de la peinture, mais surtout elle se doit de s’intéresser à la culture intrinsèque de son pays, qui se différencie par son climat, ses habitants, ses traditions, son paysage,…
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Vase Aalto, 1936, autrement appellé Vase Savoy, qui signifie «Vague» en finnois, produit dessiné suite au concours de design organisé par la verrerie de Karhula-Iittala
en 1936
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Savoy Restaurant, 1937, Helsinki, photographie de Artek - Alvar Aalto Museum
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Savoy Restaurant, 1937, Helsinki, photographie de Anton Sucksdorff
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Christian Norberg Schulz (1926-2000), architecte et théoricien norvégien, disait en interview :
« Lorsque Giedon demanda à Aalto de nous raconter ses vues sur l’architecture, celui-ci commença par nous parler de la campagne finlandaise et de la pêche au saumon : pour la première fois, nous eûmes le sentiment que l’architecture était liée à la vie et que la création naît du contact avec la réalité… La réalité est principalement locale, attachée au lieu et c’est la tâche de l’architecte de faire voir aux gens le caractère particulier de l’endroit et ses spécificités ». 1
Il se sert de la courbe en plafond comme façade à part entière : il la travaille, il la sculpte, afin de varier les hauteurs, les rythmes, les dilations, les compressions, mais aussi la lumière, qui se réfléchie par variations au fil des saisons et des heures de la journée. Le plafond, par de nombreux systèmes d’ouvertures zénithales et un contraste assumé entre son obscurité et la luminosité des parois verticales plus éclairées, devient le ciel du bâtiment, permettant de diriger le regard. Enfin, cette énième façade lui permet également, associée à l’utilisation du bois, de maitriser le son et sa diffusion dans l’espace, notion sur laquelle il travaillera notamment à travers ses amphithéâtres, salles de conférence et de réunion.
Par cette combinaison de formes géométriques moins fermes, plus arrondies, plus enveloppantes, Aalto propose une architecture où l’usager ne doit en aucun cas ressentir une froideur, une frigidité de l’espace. Au contraire, il doit se sentir libre de se mouvoir comme il le souhaite dans l’espace, ne pas se sentir dirigé, et en somme, se sentir bien.
L’architecte expérimente également une alternative à la « boite » citée précédemment. Il met en place une stratégie conceptuelle où il est impossible de percevoir la forme géométrique intérieure, se voulant différente, depuis l’extérieur, et inversement. Ne pas déceler immédiatement les formes d’un objet c’est créer chez l’usager le désir de la surprise, de l’étonnement et de la découverte, lente, appréciable.
En contrepartie des longues circulations infinies et de l’effet de compression latérale, Aalto propose également plusieurs solutions architecturales : celle du couloir en courbe, celle de la perspective convergente ou divergente, ou encore celle de la distribution intégrée dans l’espace lui-même, avec des variations rendues possibles par la modularité de l’espace.
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Citation extraite de «Le Carré bleu : l’après Aalto», Revue N°2/87, Editions les amis du Carré Bleu, 66 pages
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Pour finir sur cette première partie, Aalto trouve également plusieurs réponses à l’angle droit qu’il considère comme un problème. À cela, il expérimente quelques pistes : l’utilisation de l’angle obtus qui lui permet de s’ouvrir à l’espace qui devient dès lors plus facile d’aménager et par conséquent plus vivable. Par des variations de degrés d’angles au sein de ses espaces, Alvar Aalto change le rythme, les cadrages, les vues, les perspectives, qui participent alors à diriger et maitriser le parcours de l’usager de façon naturelle. Il expérimente aussi, sûrement sous influence de son ami Franck Lloyd Wright avec qui il partage un grand nombre d’idéologies, l’ouverture de l’angle par la fenêtre et la transparence. Pour ces deux architectes, le regard est forcément dirigé vers un angle, puisqu’il est la rencontre entre les quatre surfaces que composent l’espace : il leur semble alors logique d’y installer une fenêtre pour créer un cadrage vers l’extérieur. 1
Bibliothèque de Vyborg, 1927-1935, Vyborg, Russie - Dessin du plafond en panneau bois ondulé dans la salle de conférence - Dessin à la main - Alvar Aalto Museum
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University of Otaniemi, 1949-1969, Helisinki, Finlande - Auditorium - Photographie personnelle - Prise de vue le 05 Mars 2019, 08h32
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House of culture, 1952-1958, Helsinki, Finlande - Coupe sur salle de concert - Dessin à la main - Alvar Aalto Museum
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Logements TKY2, 1963-1966, Helsinki, Finlande - Plan sur logements - Dessin à la main - Alvar Aalto Museum
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University of Otaniemi, 1949-1969, Helisinki, Finlande - Circulation en courbe - Photographie personnelle - Prise de vue le 05 Mars 2019, 08h45
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Église de la croix, 1969-1979, Lahti, Finlande - Plan d’étage - Grande variété des angles (17°, 20°, 60°, 170°...) - Dessin à la main - Alvar Aalto Museum
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Maison d’Alvar Aalto, Helsinki, 1935-1936 - Photographie de la fenêtre en angle - Partie Bureau Photographie personnelle Prise de vue le 26 Août 2018, 14h15
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Éviter la standardisation de l’architecture
REMISES EN QUESTION DE LA PART D’ALVAR AALTO
« La révolution architecturale qui se déroule est comme toutes les révolutions: commence avec enthousiasme et se termine par une certaine forme de dictature ». 1
Standardiser : Ramener un produit, une production à une norme, à un modèle unique ou à un petit nombre de modèles aux caractéristiques définies.2
Au travers d’une volonté d’unifier des valeurs propres au mouvement moderne et ce à l’international, l’architecture devient peu à peu standardisée. La production en série des matériaux, leur préfabrication, pousse également à une architecture universelle, banale, standard. On est régie par les normes, les contraintes de temps, de durabilité des matériaux et de leurs coûts. La brique, notamment très utilisée à l’époque « moderne » pour son faible coût et sa production en masse, conditionne, par sa forme et son assemblage, une architecture rectangulaire composée d’angles droits.
« Le mur de brique gardera sa forme cubique jusqu’à ce qu’on trouve une brique permettant un langage de forme libre. Il devrait être possible de trouver une telle forme susceptible de s’incorporer au mur de brique et de créer en même temps un mur rond ou négatif, convexe, concave ou rectangulaire ». 3
Ainsi, Alvar Aalto ne critique pas le progrès de la préfabrication, de la production en grande quantité et de la standardisation des matériaux comme le béton, la brique, le verre. Cependant, il remet en question la façon de les mettre en forme, de les assembler ou de les combiner. Pour lui, ses confrères sont rentrés dans le cercle vicieux de la production architecturale en masse, en se reposant sur la nouveauté de la composition permise par le préfabriqué. Il n’existe en aucun cas pour Aalto une vérité architecturale, comme pouvait le penser Le Corbusier, mais bien au contraire, un nombre infini de vérités. Au CIAM de Francfort en 1929, il n’hésitera d’ailleurs pas à manifester son opposition à la cellule minimale proposée par ses confrères architectes. Il se rendra ensuite compte qu’ils ne partagent pas la même idée de l’origine de la forme architecturale lors des congrès de Bruxelles en 1930 puis d’Athènes en 1933.
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extrait de Schildt Goran, « Compilation de 75 conférences et essais d’Alvar Aalto », 1998, Editions Rizzoli, New York
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Définition de Larousse, Dictionnaire Français
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Aalto Alvar, « Influence de la construction et des matériaux sur l’architecture moderne », 1970, in Synopsis, Birkhüster Verlag, Bâle, 1970
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Néanmoins, il ne renie pas pour autant les progrès architecturaux de l’époque, puisqu’il disait d’ailleurs que la toiture ancienne, d’abord problème majeur de l’architecture, s’est vue ensuite reléguée au rang de problème mineure car maitrisée et remplacée par des matériaux plus étanches, plus résistants, permettant donc de se concentrer sur d’autres sujets de l’architecture.
Il pense au contraire que cette révolution industrielle doit non pas standardiser l’architecture en la rendant universelle, mais la diversifier en la rendant unique et en permettant une combinaison infinie de matière. Il préfère par ailleurs sortir de la routine de cette production en expérimentant sans cesse de nouveaux assemblages.
« Notre standardisation manque de souplesse. Ca n’est pas seulement la brique que l’on devrait doter d’une forme universelle permettant de tout réaliser, il en est de même avec tous les autres éléments standardisés ». 1
L’usager n’est selon lui plus au centre du projet et ne participe plus à l’élaboration de son projet. L’architecture n’est alors pas construite de façon unique selon un contexte particulier, un site spécifique, un client précis, mais plutôt de façon universelle qui réunit, rassemble, optimise et améliore le confort de tous les hommes.
Par ailleurs, il critiquait beaucoup les promoteurs qui ne voyaient pas plus loin que l’ensemble des données économiques, sociales, foncières et rapidité de construction, au détriment de l’habitabilité de l’architecture, de son humanisation et de la concertation avec les usagers.
“Notre vieil ennemi : le spéculateur foncier, les promoteurs. C’est lui l’ennemi n°1 de l’architecte ». 2
Pendant que Le Corbusier fondait une géométrie préconçue et systématique, en disant que les formes n’ont pas à être découvertes, qu’elles existent déjà, Aalto lui souhaite que chaque bâtiment soit différent et trouve son identité en fonction de sa réponse architecturale adaptée aux usages, au site, au climat,…
« L’architecture et l’urbanisme du Corbusier sont comme la projection idéale du corps […] mais d’un corps qui est travaillé par la machine ». 3
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Citations trouvées dans Guiheux Alain, « L’ordre de la brique », 1995, Editions Mardaga, Belgique, page 178
2
extrait de Schildt Goran, « Compilation de 75 conférences et essais d’Alvar Aalto », 1998, Editions Rizzoli, New York
3
Perelman M., « Le fantasme osseux du standard », 1989, dans : les passions de Le Corbusier, Editions de la Vilette, Paris
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L’expressionnisme systématique de la structure est un autre élément qu’Alvar Aalto ne partageait pas avec le mouvement dit « Moderne ». Il souhaite éviter l’expression brute de la structure, de l’architecture, de ses composantes, alors beaucoup mise en avant à l’époque. Pour lui, laisser la structure apparente, le matériau brut, rime avec une expression plastique et symbolique de l’architecture non justifiée, et ne doit jamais qu’être purement esthétique. Alors que la plupart des architectes modernes différenciaient la structure du parement, les éléments fixes des éléments mobiles, Aalto lui préférait travailler sur une cohérence et harmonie d’assemblage des matériaux au sein même de son bâtiment.
On retrouvera d’ailleurs une cohérence à l’échelle de l’ensemble de son œuvre architecturale, avec l’utilisation récurrente de matériaux comme le bois, la brique, le verre, la faïence, le béton, la pierre, le cuivre, le cuir…
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SOLUTIONS PROPOSÉES PAR L’ARCHITECTE
« A partir d’éléments identiques, il faut que l’on puisse réaliser des résultats globaux variant de manière presque illimitée quant à leurs formes et leurs fonctions ». 1 Chaque architecte de l’époque produisait selon sa propre pensée architecturale, influencée par les règles du « mouvement moderne », en travaillant sur le développement d’une ou plusieurs valeurs qui étaient chère(s) à leurs yeux. Pour Le Corbusier, il s’agissait de volumes bétonnés bruts, assemblés sous la lumière. Pour Mies Van Der Rohe, il était question d’un assemblage réfléchi de matériaux et d’un travail du détail constructif suffisant à leur expression. Pour Luis Kahn, l’idée était que la forme résulte de l’ordre géométrique des maçonneries traditionnelles, et pour Wright, la forme architecturale était déterminée par l’utilisation de matériaux naturels pour accentuer la symbiose entre le projet et la nature. L’architecte finlandais exprime, quant à lui, son souhait de penser l’architecture différemment. La forme ne doit pas être conditionnée par le matériau lui-même, ni même par la fonction, mais elle doit plutôt être le résultat de plusieurs expérimentations qui participent à la bonne intégration du bâtiment dans le site, à la réponse à des usages, des parcours, à une durabilité dans le temps, à une réponse technique, symbolique et plastique. Il n’existe pas une seule vérité architecturale, mais bel et bien un nombre incalculable. En réponse à la problématique économique, la brique est devenu l’un des matériaux préférentiels de l’époque. Wright disait d’ailleurs : « La brique coûte onze cents, c’est une chose banale et sans valeur, mais qui a une qualité particulière : donnez-moi cette brique et elle vaudra tout de suite son pesant d’or ». 2
Aalto et Wright partageaient la même vision de la brique :
« La brique est vue comme une chose banale, ordinaire, mais correctement utilisée, bien faite, intégrée à l’ensemble, elle devient une unité de base dans les monuments les plus précieux de l’humanité, et tout pareillement, elle est l’élément fondamental permettant de créer le confort social dans un milieu déterminé ». 3
1
Aalto Alvar, « Table blanche », 2012, Editions parenthèses, in : reconstruction de l’Europe met en lumière le principal problème de l’architecte moderne, page 153
2
Extraits de Aalto Alvar, « Les relations entre l’architecture, la peinture et la sculpture », Alvar Aalto, Synopsis, P.61
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extrait de Aalto Alvar, « Table blanche », 2012, Editions parenthèses, in : Entre humanisme et matérialisme, page 169
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Aalto décide alors de réfléchir à une forme de brique trapézoïdale qui permettra son utilisation pour des formes courbes et arrondies. Le matériau, qui était alors standardisé par l’industrialisation, devient une solution à la multiplication des possibilités formelles.
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Dans une réflexion similaire, Aalto tentera de standardiser l’escalier. Lors d’un discours annuel au Royal Institute of British Architectes en 1957, il déclare qu’il a essayé de résoudre le problème de l’escalier par un système polyvalent qui permet aux marches de s’emboiter les unes dans les autres. L’idée était de normaliser un système qui pouvait s’adapter à toutes les hauteurs de planchers, de s’adapter à toutes les exigences du projet. C’est une réponse architecturale certes standardisée mais qui permet ici une multitude de possibilités.
2
1
Brique de forme spéciale («Trapèze») pour concevoir des parois courbes en brique. Conçue pour la House of Cutlture, 1952-1958, Helsinki - Photographie de Maija
Vatanen - Alvar Aalto Museum
2
Villa Mairea, 1937-1939, Noormarkku - Coupe détail sur escalier - Dessin à la main - Extrait de «The exhibition produced by the Alvar Aalto Museum 2008-2009 »
152
L’architecture n’est donc plus la conséquence maitrisée de règles, mais plutôt une expérimentation aléatoire qui réunit spontanéité du travail, sensibilité personnelle de l’architecte, données artistiques, plastiques, culturelles sur base de critères locaux, environnementaux et humains. Le but étant de tenter de trouver l’harmonie parfaite entre tous ces facteurs. Il n’en pensera pas moins pour le mobilier, qui doit être la conséquence d’un combinaison d’éléments. Aalto décrivait l’architecture non pas comme une profession, mais comme une mission. Quand Le Corbusier disait « travailler n’est pas une corvée, travailler c’est respirer » (…), Alvar Aalto lui parlait plutôt de « travailler de façon ludique ».
« […] Ainsi nous devons introduire le travail expérimental dans la mentalité ludique, et vice versa. C’est l’art du jeu dont en découle les formes, les couleurs… ». 1
Pour Alvar Aalto, qui rejoint ici l’avis de nombreux architectes modernes, l’architecture doit être indissociable de la peinture, de la sculpture. L’art abstrait se doit d’être au cœur de la genèse du projet. Notre subconscient, qui depuis notre naissance acquière des connaissances, nous conditionne à réfléchir et à agir de telle ou telle manière. C’est plutôt cette notion d’« architecture aléatoire » ainsi que cet apport de sensibilité et poésie architecturale qui feront d’Aalto un architecte controversé auprès de quelques critiques d’architecture. En effet, les théoriciens et historiens Hitchcock Henry Russell (1903-1987) et Siegfried Guideon (1888-1968) le qualifieront de « irrationnel » et « expressionniste ».
Adolf Loos disait :
« L’architecture ne serait pas un art? Oui, c’est ainsi. Il n’y a qu’une faible partie du travail de l’architecte qui soit du domaine des Beaux-Arts: le tombeau et le monument commémoratif. Tout le reste, tout ce qui est utile, tout ce qui répond à un besoin, doit être retranché de l’art ». 2
1
Alvar Aalto, « Une maison experimentale, Muuratsalo, 1953-54 », In Alvar Aalto, page 165
2
Adolf Loos, «Architecture», Malgré tout (1910-1930), Paris, Champ Libre, 1979, p. 226
153
4
Réconcilier l’homme et ses traditions architecturales vernaculaires
REMISES EN QUESTION DE LA PART D’ALVAR AALTO
« L’augmentation des matériaux d’origine industrielle, la multiplication des éléments standardisés et des méthodes vont de pair avec une augmentation des combinaisons possibles. Le caractère le plus essentiel de l’architecture réside dans une aptitude au changement, à l’évolution, rappelant celle de la vie naturelle, de la vie organique. Je voudrais dire que là est en définitive le seul style vrai en architecture. Si l’on y fait obstacle, l’architecture dépérira, l’architecture périra ». 1
Dans un contexte où la volonté de faire « table rase » des dogmes de l’architecture ancienne est clairement exprimée, où les matériaux industriels sont mis en avant et permettent la possibilité d’expérimenter de nombreuses nouvelles techniques de construction, où les matériaux naturels sont remplacés par des matériaux synthétiques, Alvar Aalto ne tient pas, là encore, le même discours. Certes l’arrivée de nouveaux matériaux apporte un nouveau souffle et un nouvel élan à l’architecture mais il ne faut en aucun cas regarder seulement vers l’avenir. Il lui semble en outre essentiel de prendre en compte les techniques constructives, les matériaux et les savoirs faires de nos ancêtres. Il remet ici en question le rejet à la fois des ordres classiques et de l’architecture vernaculaire. Il pense donc qu’il est important d’intégrer à cette logique architecturale une donnée plus humaine, notamment en travaillant sur les valeurs de l’architecture traditionnelle, une architecture non pas pensée selon des facteurs sociaux, économiques, techniques ou innovants, mais pensée au travers de valeurs plus simples, plus fonctionnelles, plus logiques, plus sensibles, qui sont encore plus en phase avec à la fois l’homme et son environnement.
« Je suis enclin à croire que la plupart […] sont sensibles à l’atmosphère. C’est aussi sans doute spécialement frappant en ce qui concerne l’architecture ancienne. L’atmosphère y est si élevée, si envoutante que la plupart du temps nous ne prêtons absolument aucune attention ni aux détails ni aux particularités qui peuvent s’y trouver ». 2
Aalto avait une grande connaissance des pratiques vernaculaires finlandaises, des procédés constructifs anciens, car il était, depuis son plus jeune âge, confronté à une architecture adaptée à un environnement particulier, à un climat particulier et qui se base principalement sur l’assemblage de matériaux locaux à fortes résistances thermiques ou à forte inertie (le bois, la pierre locale, les toitures engazonnées, toiture en bois…).
1
Alvar Aalto, « Table Blanche », 2012, Editions Parenthèses, In : Influence de la construction et des matériaux sur l’architecture moderne, Alvar Aalto, Synopsis, à partir
de la page 91
2
Aalto, Alvar, « Motifs d’autrefois », dans Alvar Aalto, OE E., page 113
154
Il enrichissait régulièrement sa culture des savoirs faires et techniques constructives traditionnelles, comme la surélévation du bâtiment pour se décoller du sol, l’assemblage d’éléments de bois, la charpente, le rondin,… Comme évoqué précédemment, il se rendait régulièrement à pied sur l’ile de Seurasaari pour en étudier les vestiges de l’architecture traditionnelle finlandaise. Elle lui était facile d’accès grâce à la proximité du lieu avec sa maison et son studio. Le village de Porvoo, à quelques kilomètres de la capitale finlandaise, regorge également de merveilles traditionnelles.
Cette stérilisation de l’architecture au travers des règles techniques, métriques, constructives, et surtout économiques, la rende selon lui dénuée de sens et d’humanisation. L’usager n’est même plus maitre de son architecture, il ne participe plus à l’élaboration de son habitat. Il doit essayer de s’affranchir de l’universalité du logement en s’appropriant l’espace avec ses objets, ses ustensiles, ses habitudes et ses souvenirs. Pour la petite anecdote, lorsque j’ai visité la maison de Aalto à Helsinki, le contraste entre ce bâtiment, de dimension modeste, construite en matériaux naturels, par des formes plus travaillées, qui s’intègrent au paysage environnant, détonnait totalement de l’ensemble bâti « moderne » qui l’entourait. C’est flagrant.
1
1
Photographie aérienne de 1943 - Quartier de Munkkiniemi, Helsinki, Finlande - Extraite de Helsinki Map Service
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Photographie aérienne de 2001 - Quartier de Munkkiniemi, Helsinki, Finlande - Extraite de Helsinki Map Service
3
Contraste bâti - Photographie personnelle - Prise de vue le 05 Mars 2019, 14h37
2
3
155
Il ne souhaite pas adopter une pensée architecturale fonctionnelle universelle mais plutôt une architecture qui répond à des enjeux spécifiques qui évoluent à chaque projet. C’est ce qui rend, entre autres, l’architecture vivante, unique, humaine et modeste, puisqu’elle s’adapte à un site existant, à son environnement et aux besoins, attentes et contraintes qui en découlent. C’est donc en partie sur la maitrise de la subtilité entre l’architecture moderne et l’architecture vernaculaire qu’Alvar Aalto souhaite travailler en réponse à tous ces enjeux. Pour son œuvre de la villa Mairea (1937-39), Aalto dit clairement : « Je veux allier l’architecture moderne à celle de l’architecture vernaculaire ». 1
Pour finir, il restera jusqu’à la fin de sa carrière sensible à l’architecture de la Renaissance, en tentant de réinventer, de façon plus moderne, le plan libre, l’escalier central, le traitement des 5 façades, l’utilisation de la courbe, la monumentalité de l’édifice, les jeux des proportions, d’équilibre et d’harmonisation (couleurs, formes, matériaux, géométries des formes…).
En effet, si nous devions faire un rapprochement certain entre Alvar Aalto et les architectes de la Renaissance, nous parlerions de l’utilisation la courbe pour traiter ses plafonds par exemple, qui rend ce plafond en question vivant, de façon à le traiter de la même façon et de la même importance que le sol et les murs. Il sculpte le plafond comme il se faisait à l’époque en y ajoutant une touche de modernité.
1
Schweiter Roland, « Dans les pas d’Alvar Aalto, partie ½ », 2015, extrait d’une interview de l’Union régionale CAUE d’Occitanie.
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SOLUTIONS PROPOSÉES PAR L’ARCHITECTE
« […] On peut même aller jusqu’à dire que c’est précisément « l’autorité des anciens » qui constitue la principale pierre de touche de notre travail aujourd’hui. C’est ainsi que l’éducation du goût – travail d’éducation populaire qui relève directement des tâches de l’architecte – s’efforce d’attirer l’attention du grand public sur notre vieille culture architecturale, et, en soulignant ses idéaux et ses canons, de préparer un terrain favorable à l’accueil de l’architecture moderne ». 1
Pour développer son point de vue sur l’architecture vernaculaire, Aalto intègre rapidement dans ses projets des savoirs faires ancestraux, de la technique constructive jusqu’aux détails. Il souhaite rendre l’architecture plus pittoresque et vivante en passant d’abord par l’utilisation de matériaux plus locaux et plus naturels. Il privilégie dans ce sens la qualité de l’éthique et évite les matériaux synthétiques. Il revient à des valeurs plus simples, plus anciennes, plus traditionnelles et plus naturelles, qui ont déjà fait leurs preuves auparavant. Par cette réflexion, son architecture devient plus poétique, plus sensible, plus lyrique, plus cohérente. L’espace de vie est pensé par l’homme et pour l’homme, en oubliant les notions « d’unité d’habitation », « de machine à habiter », « d’architecture universelle » et « d’architecture brute ». C’est par la recherche, l’expérimentation de matériaux et formes organiques qu’il trouve l’infinité des possibilités, des irrégularités, des asymétries, permettant à son œuvre d’être plus vivante et par conséquent plus humaine.
Pour cela, il travaille le lien entre, premièrement, l’architecture moderne et ses espaces plus ouverts sur l’extérieur, associée à l’arrivée de nouveaux matériaux et de nouveaux procédés constructifs, deuxièmement, les valeurs de l’architecture vernaculaire, plus en lien avec la nature, avec l’homme, au travers des formes, des matériaux, de la modestie de l’édifice et finalement, les valeurs de l’architecture ancienne, dont celles de la Renaissance tout particulièrement, par la symétrie, les proportions, l’importance du plafond… Les notions qu’il observe et étudie sur les maisons traditionnelles, principalement au musée à ciel ouvert de Seurasaari, comme la surélévation du bâtiment, la notion de transition intérieure et extérieure, les détails constructifs, les fondations en rondins de bois, sont mises au service de ses projets.
1
Alvar Aalto, Arkkitechti, 1922 in Ecrits, 1921-1966
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Villa Piovene, Vicence, Italie, 1539-1540, Palladio - Photographie de l’escalier extérieur Photographie extraite du cours de François Blanc - « Sur les traces de Alvar Aalto » Cours dispensé le 04/10/17
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Université de Jyväskylä, Helsinki, 1951-1971 - Photographie du hall d’entrée Photographie de Heikki Havas Source : Alvar Aalto Museum
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Édifice en bois, île de Seurasaari - La plupart des bâtiments et des structures du musée sont des XVII, XVIII et XIXe siècles. Photographie personnelle Prise de vue le 21 Avril 2019, 12h13
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Experimental Muuratsalo House, 1952-1954, Jyväskylä, Finlande - Photographie du sauna Photographie de Martti Kapanen Source : Alvar Aalto Museum
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Falling Water, Franck Lloyd Wright, Pennsylvanie, United States, 1935-1939 Photographie de Robert P. Ruschak Courtesy of the Western Pennsylvania Conservancy
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Villa Mairea, 1937-1939, Noormarkku - Premières esquisses Dessin à la main Source : Extrait de «The exhibition produced by the Alvar Aalto Museum 2008-2009
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Law courts Annex, Erick Gunar Asplund, Gothebörg, Sweden, 1937 Photographie de Gareth Gardner Site web de Gareth Gardner
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Rautatalo, Helsinki, 1951-1955 - Espace intérieur central Photographie de Corentin Baudry Prise de vue le 04 Mars 2019, 15h10
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D’après Roland Schweitzer, pour penser son projet de façon plus humaine encore, Aalto et son équipe se servaient de maquette de travail à très grande échelle, des maquettes de bâtiments, de détails d’assemblages constructifs. Il expérimentait par là le cadrage, les proportions, l’harmonisation des matériaux et des formes, en glissant son propre œil à travers ces grandes maquettes. Il expérimentait à l’échelle réelle la prise en main, la forme, le matériau de ses mains courantes, de ses poignées et de son mobilier.
1
Enfin, pour penser une architecture au service de l’homme, il lui semble nécessaire de pousser l’expérimentation encore plus loin. Pour cela, il va jusqu’à dessiner le mobilier qui répond spécifiquement à chaque espace conçu.. Ils améliorent le confort, répondent à des usages, à une cohérence et une harmonie architecturale pensée de façon complète. Il définit la nature de ses meubles, c’est-à-dire s’il est « meublant », soit fixe, intégré, ou bien comme son nom l’indique, mobile. Cela participe également à rendre le bâtiment plus humain, en étant modulable, en s’adaptant aux usages, tout en y appliquant sa logique de matériaux et formes plus organiques. Il dessinera, toujours avec l’aide de sa femme Aino, des poignées uniques qui deviendront emblématiques de son architecture, comme par exemple celles recouvertes de cuir pour notamment limiter l’importante conduction thermique du métal au toucher. Il dessinera du mobilier intégré, comme dans la bibliothèque de la Villa Mairea, ou comme les bancs de l’église de Seinäjoki, qui servent l’espace, le délimite, permettent de cadrer une vue et de diriger l’usager en répondant à des besoins exclusifs.
1 Église de Vuoksenniska, autrement appellée « Église des trois croix », 1956-1958, Imatra, Finlande, photographie de maquette - coupe transversale - photographie Eva
et Pertti Ingervo - Alvar Aalto Museum
166
« Un meuble qui fait partie de l’habitat quotidien d’une personne ne doit pas renvoyer la lumière à l’excès, de même il ne doit pas être gênant en termes de son, d’absorption sonore […] ne doit pas être fait avec des matériaux trop conducteurs de la chaleur ». 1
Centre civique de Säynätsalo, Jyväskylä, 1949-1952 - Photographie de la poignée de porte d’un bureau Photographie de Maija Holma Source : Alvar Aalto Museum
1
Alvar Aalto, « Rationalism and Man », in Alvar Aalto : Sketches, dirigé par Alvar Aalto et Gôran Schildt, Stuart
Wrede, Cambridge, MIT Press, States, 1978.
5
Accentuer le lien entre l’espace intérieur et extérieur
REMISE EN QUESTION DE LA PART D’ALVAR AALTO
« Les statistiques concernant les logements de Helsinki montreraient qu’ils se répartissent en groupes exposés à égalité vers les différents points d’horizon. La ville aujourd’hui, alors qu’elle passe pour tributaire de l’évolution la plus moderne, n’est qu’un agrégat maladroit et sans cohérence ». 1
À travers cette citation, Alvar Aalto exprime sa tristesse de voir la ville et le logement mal pensés. Pour lui, l’architecture « moderne » ne prend pas suffisamment en compte l’importance de l’implantation dans un site donné, de l’analyse de ses caractéristiques, du respect de l’existant, de l’esprit du lieu, en passant par une orientation réfléchie du bâtiment pour offrir des vues précises et un apport lumineux maitrisé.
Il critique l’architecture moderne comme étant « sans instinct d’intégration », en somme un objet que l’on peut construire ici où là, sans relation au site. On met des œillères tant sur les procédés anciens que sur le contexte d’implantation. Nous pourrions citer la fameuse « Villa Savoye » de Le Corbusier (1928-1931) qui, sur un terrain plat, sans relation avec l’extérieur environnant, pourrait autant être implanté à Poissy (France) que à Brasilia (Brésil). Il n’est pas de cet avis : le projet ne doit pas être un objet plastique qui se démarque du paysage, mais au contraire, il doit s’intégrer subtilement, modestement tout en restant en harmonie avec le contexte.
Le site ne devient alors plus une contrainte au bâtiment mais à l’inverse il devient une valeur ajoutée. L’idée est de s’inspirer de des éléments environnants, des formes naturelles, des éléments existants (accès, végétation, pente) pour ensuite venir y intégrer le projet. Le bâtiment se veut alors non pas comme un objet qui dénature le contexte, mais plutôt comme l’enrichissement plastique et poétique du site.
« Il faut trouver un moyen simple et clair de noter les principales particularités du site, la direction générale des pentes, le degré de déclivité, autrement dit la morphologie du terrain ainsi que l’orientation et l’exposition qui seront plus ou moins liées aux avantages et inconvénients du site ». 2
L’architecture des grands ensembles, qui veut offrir de façon équitable à tous les logements des qualités lumineuses, de points de vue pour une universalité de confort de vie, ne permet pas pour Aalto l’optimisation de l’offre. L’exposition, qui doit selon lui être calculée au degré prêt, n’est pas maitrisée dans cette réponse proposée par les architectes modernes.
1
Citation tirée de Beaux Dominique, “Alvar Aalto et Reima Pietila, Finlande, architecture et génie du lieu », Editions recherches, France, 2015
2
Aalto Alvar, témoignage recueilli par Ark Magazine, Finlande, en 1976.
168
Alors même que l’architecture internationale est marquée par les « Trente Glorieuses » (1946-75), une société de consommation, pensée autour de l’automobile, où l’on puise au maximum les nouvelles ressources que sont le charbon, le pétrole, associés à la chimie, où l’on met au point des matériaux synthétiques, comme le béton, l’enduit, le tout à forte empreinte écologique, Aalto, lui, propose une vision plus écologique et plus naturelle. Il était en avance sur son temps puisque aujourd’hui on prend enfin conscience de la gravité des erreurs passées.
« En des temps très lointains, c’était la nature elle-même unique fournisseur de matière première, qui délimitait le champ du possible en matière de construction. Les produits naturels directs sont désormais remplacés par les matériaux de construction ». 1
1
Aalto Alvar, « Table blanche : Influence des structures et des matériaux sur l’architecture contemporaine », 2012, Editions Parenthèses, France, à partir de la page 91.
169
SOLUTIONS PROPOSÉES PAR L’ARCHITECTE Si nous regardons l’ensemble de son œuvre architecturale, nous pouvons nous accorder à dire que l’implantation est presque toujours maitrisée, le tout dans le respect du contexte architectural. C’est un point crucial sur lequel Alvar Aalto travaillera durant toute sa carrière. Il disait qu’il n’y avait pas deux sites identiques, chacun d’eux subissant des influences naturelles provenant des particularités de sa localisation. C’est à l’architecture de s’adapter pour trouver sa symbiose, par la liberté de ses formes, le naturel de ses matériaux, les intégrations au terrain,…
« De nombreux bâtiments d’habitation peuvent également s’accorder harmonieusement à la beauté simple des lignes du paysage. Il y a dans le monde beaucoup de sites qui témoignent d’un souci de pureté et d’harmonie. Les perles les plus remarquables se trouvent dans le sud de la France et en Italie, où il n’y a nulle part de nature primitive, et cependant personne ne peut nier la force de leur charme ». 1
Comme vu précédemment, Aalto admirait également l’architecture carélienne, architecture traditionnelle qui se situe en Russie, à la frontière finlandaise. Il disait : « cette architecture épousait les formes du site, sa topographie, avec souplesse, et tire les avantages du site ». Encore une fois, au travers de ses expérimentations architecturales, Alvar Aalto propose de nombreuses solutions afin d’accentuer ce lien entre intérieur et extérieur. Le plus commun à ses projets : celui de s’ouvrir largement sur l’extérieur, malgré le climat de son pays natal, qui veut pourtant voir réduire considérablement les ouvertures, pour entre autres éviter les transferts thermiques. Il se le permet en argumentant qu’il est essentiel que l’architecture fasse le lien entre le « dedans » et le « dehors ». Dans ce sens, il évite de donner un sentiment d’enfermement, de claustrophobie ou d’écrasement à l’usager. C’est aussi rendre l’architecture vivante, car ce que l’on regarde, la nature, les arbres, l’évolution de la lumière au fil de la journée, des saisons, ou encore la faune, est vivante. Par-là, il dit que le meilleur tableau que l’on puisse donner à un intérieur, c’est celui du cadrage sur l’extérieur. Pour régler les problèmes thermiques, il préfère alors réfléchir à la meilleure orientation possible des ouvertures (SUD OUEST en Finlande), à la compacité de ses projets, à la mise en place d’espaces tampons (techniques) au Nord, à l’emplacement des cheminées (souvent centrale à l’espace, en référence à F. L. Wright) ou encore à la combinaison réfléchie de matériaux chaleureux. Il met également en place, certes, de larges ouvertures sur l’extérieur, mais le plus souvent fixes, et gère la ventilation du bâtiment par de petits ouvrants intégrés.
1
Témoignage recueilli par Ark Magazine, Finlande, en 1976.
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Villa Mairea, 1937-1939, Noormarkku - Photographie du salon sur l’extérieur - Aino et Maire Photographie de Gustaf Welin Source : The exhibition produced by the Alvar Aalto Museum 2008-2009
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La deuxième notion qu’il met en place petit à petit dans ses projets est celle de la forme inclusive. Par une forme spécifique, il développe l’idée d’une nature « inclue » à l’architecture. Le dedans devient le dehors, le dehors devient le dedans. Une relation forte nait alors entre, d’une part, l’intérieur, largement ouvert sur l’extérieur par une maitrise des cadrages, des vues et des apports de lumière, et d’autre part, l’extérieur, qui intégré et délimité par la forme du bâtiment, devient un espace de vie supplémentaire.
1
2
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Il intègre également l’extérieur au sein même de ses projets par un jeu de métaphores et de symboliques. C’est aussi là que réside toute la richesse imaginative de l’architecture d’Alvar Aalto. Par exemple, si l’on regarde de plus près la Villa Mairea, que je considère comme étant la construction la plus en phase avec cette relation extérieur-intérieur, on remarque rapidement que la nature elle-même s’immisce au sein de la maison. La verticalité du pin, massivement présent aux alentours, est exprimée par une structure de poteaux qui reste apparente dans le projet (en réalité ce sont des poteaux en béton recouverts de bois) mais également au travers de l’habillage en bois d’éléments verticaux disposés aléatoirement autour de l’escalier. La piscine extérieure également, dessinée telle la forme d’un lac, reflète ce travail métaphorique. On retrouve donc, au sein même de l’architecture, une série de clins d’œil symbolisant la nature. Enfin, pour que ce lien soit maitrisé de façon complète, il faut traiter de la question du seuil et de la transition entre ce fameux extérieur et l’intérieur. En s’inspirant de l’architecture carélienne et finlandaise, il propose plusieurs choses. D’abord, il met l’accent sur l’importance de créer une transition entre les deux espaces. Il est impossible de penser rentrer directement dans un espace intérieur et privé depuis l’espace extérieur et public, sans s’y être préparé. C’est une partie plus psychique qui est ici concernée.
1
Centre civique de Säynätsalo, Jyväskylä, 1949-1952 - Plan d’étage - Alvar Aalto Museum
2
Studio Aalto, Helsinki, 1954-1963 - Plan d’étage - Alvar Aalto Museum
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Experimental Muuratsalo House, 1952-1954, Jyväskylä, Finlande - Plan Rez de chaussée - Alvar Aalto Museum
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À cela s’ajoute une dimension fonctionnelle et nécessaire face à un climat qui ne ménage pas ses habitants en terme de froid et d’intempéries. En effet, le SAS d’entrée est ancré dans la culture finlandaise et permet de se défaire de ses vêtements chauds et de ses chaussures pleines de neige, avant de pouvoir pénétrer dans un bâtiment. Il ne négligera donc pas cette notion.
Finalement, il met en place un certain nombre de dispositifs, comme la surélévation de son bâtiment, l’accentuation de la notion de franchissement d’éléments (porte lourde et dense), la montée, ou au contraire, la descente de marches (comme à la renaissance), le système de auvent, le changement de matériaux au sol, le SAS, le tout servant à marquer, à appuyer la transition entre l’intérieur et l’extérieur sans pour autant séparer clairement ces deux entités.
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CONCLUSION
De l’intuition à la compréhension, de la pratique à la théorie : quels dispositifs architecturaux Alvar Aalto met-il en place dans son architecture pour stimuler la sensibilité architecturale des usagers ?
En entamant ce mémoire, je désirais avant tout approfondir mes connaissances sur cet architecte dont le travail m’interpellait. De par l’expérience physique des visites des bâtiments d’Alvar Aalto, des sensations vécues aux diverses observations, ce mémoire, associant une partie plus théorique composée de recherches, de lectures et de comparaisons, vise à approfondir l’approche architecturale de son œuvre. Après maintenant deux ans d’élaboration, ce travail s’est étoffé, a évolué, puis s’est finalement affiné. Aujourd’hui, le résultat de ce rapport d’étude n’est pas seulement la réponse à des questionnements personnels mais se voit prendre une dimension plus universelle. En effet, en partant de mes propres données, des sensations vécues chez Alvar Aalto aux diverses interrogations soulevées, cette recherche, par une démarche d’entonnoir inversé, trouve une finalité plus générale et concrète. Elle trouve notamment sens dans la pratique architecturale, en réponse à la volonté de créer des « espaces qualitatifs » et, plus largement encore, en tentant de prouver à tous ceux qui voudront bien l’entendre, que l’architecture peut influer sur l’apparition de diverses sensations. À la question de départ qui s’interrogeait sur la « phénoménologie de l’espace architectural » chez Alvar Aalto ont découlé plusieurs constats. D’abord grâce au récit de sensations, que ce soit le mien ou celui de ceux qui ont bien voulu répondre au questionnaire. En effet, il nous renseigne sur la diversité des « phénoménologies de l’espace » chez Alvar Aalto. Il existe, au travers de l’expérience physique de son architecture, une pluralité de sensations avérées, qu’elles soient positives ou non. D’autre part, ce rapport d’étude démontre que ce phénomène spatial est intimement lié aux dispositifs architecturaux mis en place. Par des observations faites lors de visites, j’ai relevé toute une série de dispositifs qui, de près ou de loin, sont complices de cette diversité de sensations vécues. J’ai ensuite tenté de les catégoriser selon plusieurs thèmes : des dispositifs d’ordre architectural et des dispositifs d’ordre psychique.
En effet, cette partie développée en aval de mon expérience finlandaise a su apporter toutes les réponses aux questions qui me rongeaient intérieurement. Par cette analyse des dispositifs plus approfondie, par une connaissance renforcée de cet architecte et de son travail, par la maitrise de mon sujet, du vocabulaire, j’ai enfin pu comprendre les diverses raisons de ses sentiments personnels expérimentés dans l’espace aalténien. Cela est venu d’autant plus renforcé mon admiration pour ce travail.
176
La volonté de comparer cette catégorisation personnelle avec celles d’autres architectes, d’autres auteurs ou d’autres philosophes, confrontée à une incohérence des croisements, nous renseigne que tant que la pensée architecturale sera propre à chacun et à chaque architecte, alors cette catégorisation ne peut être rendue universelle. Nous nous sommes donc attardés ensuite à comprendre l’origine de ces dispositifs chez Alvar Aalto. Il en ressort que sa pensée architecturale est fortement influencée par plusieurs éléments : le contexte historique, le contexte architectural, ses rencontres, ses voyages ou encore son pays d’origine et ses paysages. C’est en partie ce qui définit son architecture si singulière. Afin de concevoir des espaces architecturaux toujours plus fonctionnels, plus esthétiques, plus innovants, plus adaptés, il existe pour Aalto une seule réponse à cela : l’expérimentation. Comme en témoigne plus de 400 projets sur lesquels l’architecte finlandais a travaillé tout au long de sa carrière, Alvar Aalto exprime ses idéologies non pas par l’écrit, mais par l’action de bâtir, acte le plus concret selon lui. Il teste, il assemble, il compose, il innove, puis observe le résultat, le remet en cause. Par ce biais, il s’est peu à peu détaché des dogmes « modernistes » de l’époque. Il remettra en question, comme il le fait pour ses propres croyances architecturales, différentes positions du mouvement moderne. Cette « machinisation » de la ville et du logement, sa monotonie, son esthétique purement fonctionnelle, son absence de singularité, et bien d’autres encore, l’amèneront à penser différemment son approche architecturale. Enfin, il transparait que son architecture devient un mélange entre des idéologies modernes, et fonctionnelles aux formes épurées, et d’autres procédés/dispositifs plus anciens, plus vernaculaires. En outre, tout cela constitue une « mémoire d’agence » où toutes ces expérimentations, ses essais et ses combinaisons, sont le résultat d’un véritable laboratoire architectural. Une fois qu’un dispositif répond à des exigences techniques, durables, fonctionnelles, esthétiques et sensorielles, Alvar Aalto le réutilise en l’intégrant d’une autre manière dans un autre bâtiment, muni d’une autre fonction en le combinant avec d’autres dispositifs encore.
Je vous invite d’ailleurs à vous référer aux dernières pages annexes de ce mémoire (archives d’une quarantaine de ses œuvres) qui témoignent parfaitement de l’évolution de sa pensée architecturale, partant de formes brutes, rigides, simples et épurées pour finir sur des complexités de formes et d’assemblages de matériaux. Ce corpus d’archives nous renseigne également sur la réutilisation de dispositifs dans plusieurs de ses œuvres. Selon lui, combiner à l’infini ne signifie pas expérimenter un maximum de matériaux, de procédés constructifs, mais d’en sélectionner une infime partie qui suffit à elle-même à composer de manière multiple. Aalto est en quête d’harmonie, de cohérence, d’homogénéisation et d’innovation architecturale.
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Finalement, ce sont ces nombreuses expérimentations associées à une remise en question continuelle de son travail et celui des autres qui lui permettent de maitriser l’assemblage des dispositifs lumineux, volumétriques, formels, de matérialité, de transitions, de parcours architectural, de confort ou, entre bien d’autres encore, sensoriels. Ces derniers sont à l’origine de la naissance de la « phénoménologie spatiale » au sein de son architecture.
C’est ici que la rencontre se fait entre l’architecture et l’esprit de celui qui la parcourt. Elle attise sa curiosité, le surprend, l’accompagne, l’embaume, le protège, le rend silencieux, le fait voyager, ou tout simplement le rend heureux d’être là, à cet instant T, en ce lieu X.
Alvar Aalto donne les outils nécessaires à son architecture pour permettre à tout usager, tout visiteur, de développer diverses sensations, et plus tard divers souvenirs. J’utilise volontairement la notion de « permettre » sous la forme passive tout en sachant qu’un nombre infini de paramètres sont également à prendre en compte à ce sujet, dont l’architecte, ne peut cette fois maitriser. L’étude de l’ensemble de ces données pourrait constituer un tout autre mémoire.
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« La forme est un mystère qui nous échappe, mais elle donne en quelque sorte à l’homme un sentiment de bien-être ». 1
1
Aalto Alvar, « entre humanisme et matérialisme », Alvar Aalto, page 174
BIBLIOGRAPHIE
1
Sources savantes
•
Aalto Alvar, “La table blanche et autres textes », 2012, Editions Parenthèses, traduits du finnois par Anne Colin du Terrail, 288 p.
•
Lathi Louna, « Aalto », 2015, Editions Taschen GmbH, traduction anglaise, 96 pages.
•
Beaux Dominique, “Alvar Aalto et Reima Pietila, Finlande, architecture et génie du lieu », Editions recherches, France, 2015, 252 pages.
•
Revue « Le carré Bleu : Alvar Aalto », 1973, Editions Le Carré Bleu, France, 15 pages.
•
Revue « Le carré bleu : Finlande 87, 1987, l’après Aalto », Editions Le Carré Bleu, France, 70 pages.
•
Revue « Le carré Bleu : architecture et intériorité », 1986, Editions Le Carré Bleu, France, 70 pages.
•
Site internet : Schweiter Roland, « Dans les pas d’Alvar Aalto, partie ½ », 2015, extrait d’une interview de l’Union régionale CAUE d’Occitanie, 19 minutes.
https://vimeo.com/128482157 (interview consultée le 30/01/2019)
•
Site internet : Launay Camille, « Alvar Aalto et la jeune génération finlandaise », 2014-2015, mémoire de 2ème année de Master, ENSA PVS, France, plateforme Issuu, 84 p.
https://issuu.com/camillelaunay/docs/me__moire_master_alvar_aalto (page consultée le 27/12/18)
•
Site internet : chaine youtube Yit, « The Aalto House and Studio Aalto : Building Houses that become Ruins”, 2016, Interview de Lindh Tommi, le directeur de la foundation Alvar Aalto, 5 minutes.
https://www.youtube.com/watch?v=W9uPz6e2MAE
182
2
Sources directes
•
Aalto Alvar, « Alvar Aatlo », 2002, Editions Dinalivro, Portugal, 80 pages.
•
Aalto Alvar, «Villa Mairea, Noormarkku», Alvar Aalto Museum, English, 48 pages.
•
Reed Peter, “Alvar Aalto : between humanism and materialism”, 1998, Editions the Museum of Modern Art, MoMA, 329 pages
•
Visites des bâtiments (dans l’ordre chronologique) •
Bureaux ENZO, Helsinki, visites le 25/08/18, 15/07/18 et 04/03/19
•
Rautatalo building, visites le 25/08/18, et 04/03/19
•
Book store, Helsinki, visites le 25/08/18 et 04/03/19
•
Studio Aalto, Helsinki, visite guidée le 26/08/18 et visite non guidée le 05/03/19
•
Maison Aalto, Helsinki, visite guidée le 26/08/18 et visite non guidée le 05/03/19
•
House of culture, Helsinki, visite le 26/08/18
•
Université d’Aalto, Jyvaskyla, visites le 10/09/18 et 03/03/19
•
Worker’s club, Jyvaskyla, visite le 10/09/18
•
Musée de Aalto, Jyvaskyla, visite le 10/09/18
•
Maison des travailleurs, Jyvaskyla, visite le 10/09/18
•
Aira houses Aalto, Jyvaskyla, visite le 10/09/18
•
Nuora Building, Jyvaskyla, visite le 10/09/18
•
Casa Laurén, Jyvaskyla, visite le 10/09/18
•
Jyvaskyla Defense Corps Building, Jyvaskyla, visite le 10/09/18
•
Université de Helsinki, Helsinki, visites le 15/09/18 et 05/03/19
•
Finlandia Hall, Helsinki, visite le 01/02/19
•
Théâtre municipal de Aalto, Jyvaskyla, visite le 03/03/19
•
National Pension Institute office, Helsinki, visite le 05/03/19
•
National Pension Institute housings, Helsinki, visite le 05/03/19
•
Eglise de Lakeuksien, Seinäjoki, visite le 17/04/19
•
Le centre paroissial, Seinäjoki, visite le 17/04/19
•
La mairie, Seinäjoki, visite le 17/04/19
•
La Bibliothèque, Seinäjoki, visite le 17/04/19
•
Le théâtre, Seinäjoki, visite le 17/04/19
•
Defense Corp Building, Seinäjoki, visite le 17/04/19
•
Ringon Constance, enseignante ENSA Toulouse
•
Blanc Françoise, enseignante ENSA Toulouse •
« De la renaissance aux lumières, ordres, espaces et représentation », dispensé le 09/02/16, 97 pages
•
« Des lumières à l’architecture de la société industrielle », dispensé le 23/02/16, 57 pages
•
« Architecture, art, industrie », dispensé le 29/03/16, 72 pages.
•
« Classicisme et modernisme, l’expérience nordique (1910-1960), dispensé le 15/11/16, 77 pages.
•
« Sur les traces de Alvar Aalto », dispensé le 04/10/17, 43 pages.
•
Marti Jean François, conférence sur « l’église en croix », enseignant ENSA Toulouse, 23/03/18
•
Chevalier Laurence, enseignante ENSA Toulouse
•
« Les architectes théoriciens : Vitruve, Alberti et Palladio, aux origines des théories architecturales classiques », cours dispensé les 28/10/17 et 29/11/17
•
Archives, Fondation Alvar Aalto, https://www.alvaraalto.fi/
•
Photographies personnelles lors des visites
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3
Sources appliquées
•
Merleau-Ponty Maurice, « Phénoménologie de la perception », 1976, Editions Gallimard, France, 530 p.
•
Merleau-Ponty Maurice, « L’œil et l’Esprit », 1985, Editions Gallimard, France, 92 p.
•
Pérec Georges, « Espèces d’Espace », 1974, Ed Galilée, réédition de 2000, 200 pages.
•
Zumthor Peter, « Atmosphères », 2008, Editions Birkhauser, Allemagne/Suisse, 75 p.
•
Kahn Louis, « Silence et Lumière », 1996, Editions du Linteau, France, 300 p.
•
Pallasma Juhani, « Le regard des sens », 2010, Editions du Linteau, France, 110 p.
•
Marti Jean François, « Cours magistral : théorie du projet – l’espace», 2020, cours magistral, enseignant à l’ENSA Toulouse, 29 pages.
•
Ministère de l’éducation finlandaise, « La politique de l’architecture de la Finlande », 1997, publié par le conseil des arts de Finlande et ministère de l’éducation, Helsinki, Finlande, 30 pages.
•
Rapport d’étude : Bureau S., Lapointe A., Mailhot P., « Etude d’une pensée constructive d’architecte : Alvar Aalto », 2014, travail pratique d’étudiants architectes, format PDF, France, 15 p.
•
Rapport d’étude : Borges de Araujo Miguel, « The work of the studio Aalto Collaborators : Practice, Craft and Theory”, 2018, rapport d’étude d’un étudiant en Erasmus à TUT, Tampere, Finlande, 275 pages.
•
Rapport d’étude : Preamechai Sarawut, « Dispositifs architecturaux et mouvements qualifiés : recherche exploratoire sur les conduites sensori-motrices des passants dans les espaces publics intermédiaires », 2006, étudiant doctorant de l’université Pierre Mendès France, France, 679 pages.
•
Rapport d’étude : Cattant Julie, « Le corps dans l’espace architectural, Le Corbusier, Claude Parent, Henri Gaudin », 2016, extraits de rapport d’étude , ENSA PLV, Paris, pages 31 à 48.
•
Rapport d’étude : Esperanca Anna, Rastoll Ornella, “Paysage, identité et régionalisme, entre tradition et modernité : la postérité de l’architecture d’Alvar Aalto de 1924 à nos jours », 2018-2019, rapport d’étude, étudiantes en Erasmus, Rome, 90 pages.
•
Mémoire de licence : Servieres Manon, « L’héritage d’Alvar Aalto – de la Finlande à la France », 2017-2018, rapport d’étude de licence 3, étudiante en architecture à l’ENSAPVS, 40 pages.
184
•
Site internet : SItecorbusier.com, « Le mouvement moderne : ressources pédagogiques », 2019, publié par le site du Corbusier, Firminy/ Saint Etienne en métropole, France, 11 pages.
https://sitelecorbusier.com/wp-content/uploads/2019/10/le-mouvement-moderne.pdf (page consultée le 06/12/20) •
Site internet : Isohauta Teija, Hintsanen Päivi, Westman Maiju,” Villa Mairea”, 2008-2009, exposition produite par le musée Alvar Aalto, traduit en anglais par Mayow Nicholas, Finlande.
http://mairea.alvaraalto.fi/en (page consultée le 26/04/2020) •
Site internet : Bouhaddioui Assala, « La perception sensorielle en architecture », 2015-2016, Travail d’un étudiant de 3ème année de l’ENSAN, France plateforme Issuu, 68 p.
https://issuu.com/b.assala/docs/la_perception_sensorielle_en_archit (page consultée le 11/10/20) •
Site internet : Thimonier Clémence, Del Valle François Xavier, « Concevoir une architecture, phénoménologie de la perception spatiale », 2018-2019, étudiants de l’EPFL, Suisse plateforme Issuu, 145 p.
https://issuu.com/fxdelvalle/docs/concevoir_une_architecture_lecture (page consultée le 19/10/20)
185
ANNEXES
1
Trâme du questionnaire distribué
PHÉNOMÉNOLOGIE DE L’ESPACE ARCHITECTURAL CHEZ ALVAR AALTO : étude de 3 cas.
Définition : La phénoménologie de l’espace représente la perception de phénomènes, sensations, d’émotions d’un corps dans un espace. C’est l’action de l’espace architectural sur un corps. Sensation : Impression psychologique perçue par les sens.
On s’accorde tous à dire que lors des visites des différents bâtiments d’Alvar Aalto, nous étions tous très sensibles à son architecture, que nous visitions avec intérêt, souvent dans le silence, toujours avec grande admiration. Je souhaite, au travers ce travail de mémoire, comprendre pourquoi les espaces créés dans les bâtiments d’Alvar Aalto produisent sur chacun d’entre nous, et ce différemment, des sensations, des émotions. Elles peuvent appartenir à un espace architectural intérieur tout comme dans un espace extérieur.
Par quels moyens/ par quels dispositifs architecturaux cette phénoménologie de l’espace architectural est-elle créée ?
3 cas à étudier : 1 - «Rautatalo», 1951-1955,
2 - «Studio Aalto», 1954-55,
3 - «Eglise de Seinäjoki» (1951-1960)
Le choix de ces 3 cas est personnel, par des souvenirs de différentes sensations vécues. J’ai déjà développé une analyse des dispositifs architecturaux de ces bâtiments. Volontairement, pour que vous réfléchissiez par vous-même, je ne vous donne que quelques pistes concernant les sensations.
Ex : Sensation de calme, légèreté, froideur, surprise, mal aisance, bien être, d’isolement…
Néanmoins, vous trouverez une liste de plusieurs dispositifs architecturaux (voir à la suite des questions) qui pourront vous aider à comprendre le sujet et à mettre des réponses sur des sensations perçues.
Les questions ont été pensées afin d’en permettre des réponses ouvertes. Alors ne soyez pas timides et laissez vous envahir par les souvenirs des sensations vécues lors de ces visites !
MERCI
188
Peux-tu me dire quelle(s) sensation(s) as-tu pu développer lors de la visite de ce bâtiment de Alvar Aalto ?
...
Selon toi, quels dispositifs architecturaux mis en place penses-tu nécessaire de relever dans le développement de ces sensations spatiales ?
... 1-
2-
3-
189
EXEMPLES DE DISPOSITIFS ARCHITECTURAUX • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
HARMONISATION DES MATÉRIAUX UNIFORMITÉ LA FORME LA LUMIÈRE L’ART DANS L’ARCHITECTURE L’INCONNU, L’INATTENDU LE SOUVENIR DILATATION, COMPRESSION, CONCAVE, CONVEXE LES VUES SUR L’EXTÉRIEUR LE RAPPORT DEDANS DEHORS UN ESPACE HUMAIN, CRÉÉ POUR L’HOMME LE CONFORT PSYCHIQUE ET PHYSIQUE LE SON L’ODEUR LA TEXTURE = TACTILE SENSATION DE CHALEUR TRANSITION SYMBOLIQUE DE L’ARCHITECTURE (MÉTAPHORES) FAMILIARISATION AVEC L’ESPACE ADAPTABILITÉ AUX USAGES OPTIMISATION DE L’ESPACE RÉPONSE À DES BESOINS QUALITÉ DU PARCOURS ARCHITECTURAL SILENCE ESPACE VIVANT, DYNAMIQUE ACCESSIBILITÉ À L’ARCHITECTURE = SIMPLE, MATÉRIAU POPULAIRE, PROPRIÉTÉS DU MATÉRIAU COMPRÉHENSIBLES, SINCÉRITÉ ARCHITECTURALE, LECTURE ÉVIDENTE DES COMPOSANTES INTÉRÊT DÉVELOPPÉ, CURIOSITÉ DE L’ARCHITECTURE RAPPORT À LA NATURE SENTIMENT DE PROTECTION L’HOMME AU CENTRE DE L’ARCHITECTURE= L’USAGER PARTICIPE À LA CONCEPTION DIMENSION POÉTIQUE DE L’ARCHITECTURE L’APPEL À DES INSPIRATIONS DE VOYAGES TRADITIONS FINLANDAISES = ON VOYAGE TRANSITION DOUCE ENTRE INTÉRIEUR ET EXTÉRIEUR SES INVENTIONS AU SERVICE DE L’ARCHITECTURE DIMENSION PLASTIQUE DE LA STRUCTURE L’ENVELOPPE PLASTIQUE ET ESTHÉTIQUE DE SON ARCHITECTURE RECONNAISSANCE FACILE DE SON ARCHITECTURE ? CONTINUITÉ ARCHITECTURALE, COHÉRENCE ARCHITECTURALE A CHAQUE ESPACE SON LOT D’EXPÉRIMENTATION = A CHAQUE BATIMENT = SANS CESSE DANS L’ÉVOLUTIF ARCHITECTURE COMPLETE, TOUT EST PENSÉ À TOUTES ÉCHELLES GUIDER NATURELLEMENT DANS UN PARCOURS SOUCI DU DÉTAIL = FAIRE OUBLIER LES CONTRAINTES TECHNIQUES POUR METTRE EN VALEUR ET ACCROCHER L’ŒIL SUR CE QU’IL SOUHAITE MONTRER PRINCIPALEMENT SENSIBILITÉ DE L’ARCHITECTE = SI ON FAIT APPEL À UN ARCHITECTE C’EST AUSSI POUR SA FACULTÉ À CRÉER UNE ARCHITECTURE UNIQUE QUI SE DIFFÉRENCIE DES AUTRES = DÉPEND DE SA SENSIBILITÉ L’ARCHITECTURE COMME UN JEU LUDIQUE LA GEOMETRISATION DE L’ESPACE LA BONNE INTÉGRATION DANS SON ENVIRONNEMENT PAS DE SENSATION DE CLAUSTROPHOBIE = LARGEMENT OUVERT SUR L’EXTÉRIEUR EVITER LA MONOTONIE, LA RÉPÉTITION DES ÉLÉMENTS EVITER LA FRIGIDITÉ DE L’ESPACE ET DES FAÇADES = LA COURBE, ÉVITER LES ANGLES DROITS…. DECOUVERTE ARCHIETCTURALE = A CHAQUE ESPACE UNE DECOUVERTE RIEN N’EST DROIT, ORTHOGONAL, FROID, QUI REPOUSSE, RIEN N’EST SYMÉTRIQUE, N’EST PAREIL, DU PLAFOND AU SOL = EVITER LE RESSENTI DE LA « BOITE » GUIDER LE REGARD (LUMIÈRE, PLAFOND, CONVERGENCE…) RETRANSCRIPTIONS DU PAYSAGE DANS SON ARCHITECTURE DES MATERIAUX LOCAUX ET NATURELS REINVENTION DE LA MODERNITE CONTRASTE AVEC LES BÂTIMENTS ENVIRONNANTS VOLUMETRIE QUALITE DES MATERIAUX SENTIMENT DE NOUVEAUTÉ UNE ARCHIETCTURE UNIQUE, INCONNUE, VARIEE UNE ARCHITECTURE QUI APRÈS UN SIÈCLE EST TOUJOURS DANS L’ÈRE DU TEMPS = PRÉCURSEUR RESPECT DE L’ENVIRONNEMENT, ARCHITECTURE ÉCOLOGIQUE TEXTURE ? MATIERE ? FORMES ? COULEURS ? LUMIERE ?
190
Maison de la Jeunesse, 1923-1924
Villa Karpio, 1923
Maison Aira, 1924-1926
Worker’s club, 1924-1925
Standard Houses, 1927-1929
Bibliothèque de Vyborg, 1927-1935
Sanatorium de Paimio, 1929-1933
Villa Mairea, 1937-39
Pavillon de New York, 1937
Centre civique, 1949-1952
Rautatalo, 1951-1955
National Pension Institute, 1953-1956
Studio Aalto, 1954-1963
Maison Louis Carré, 1956-1963
Eglise des 3 croix, 1956-1958
Eglise de Detmerode, 1963-1968
Villa Aho, 1964-1965
Schöbühl Centre commercial, 1964-1967
Villa Tammenkan, 1932
Eglise de Riola, 1966-1980
Bâtiment du conservatoire, 1924-1926
Casa Laurén, 1925-1928
Maison du conservatoire, 1926-1929
Maison Aalto, 1935-1936
Usine à pâtes, 1936-1954
Maison Kantola, 1936-1937
Université de Jyväskylä, 1951-1971
Maison Muuratsalo, 1952-1954
National Pension Housings, 1952-1954
Centre Culturel, 1958-1962
Logements Neue Vahr, 1958-1962
Eglise de Wolfsburg, 1959-1962
Villa Kokkonen, 1967-1969
Villa skeppet, 1969-1970
Eglise de la croix, 1969-1979
Eglise de Muurame, 1926-1929
Maisons terrasses, 1937-1938
Maison de la culture, 1952-1958
Finlandia Hall, 1962-1975
Musée de Jyväskylä, 1971-1975