Nouméa, le 16 octobre 2018
DECLARATION DU COMITE DES SAGES APPEL A LA MODERATION ET AU RESPECT DES CONVICTIONS DE CHACUN
Ces derniers jours ont été marqués par des initiatives, des attitudes et des prises de parole parfaitement contraires à l’esprit inspiré des Accords de Matignon et de l’Accord de Nouméa, dans lequel doit se dérouler la campagne pour la consultation, et qui viennent heurter les efforts de tous pour maintenir le pays sur la voie de la paix et du dialogue. De même, les réseaux sociaux sont de plus en plus utilisés pour laisser libre court, et souvent dans l’anonymat, à des diatribes, voire des insultes, parfois à caractère raciste, qui peuvent porter atteinte à la cohésion de la société en ne respectant pas le droit à la différence, l’identité de chacun et la légitimité de chaque communauté.
Les tensions à Ouegoa entre tenants du maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France et indépendantistes, dont le dessein était d’empêcher la tenue d’un meeting du FLNKS, sont restées circonscrites et ont pu être calmées grâce au sens des responsabilités du FLNKS et de l’ensemble des partis engagés dans la campagne, à la volonté de dialogue de son porte-parole, Daniel Goa, ainsi qu’à l’engagement de l’Etat. Elles auraient néanmoins pu faire courir un risque à l’ensemble du processus. Le comité des sages appelle à la vigilance, au respect des principes démocratiques et rappelle que si les calédoniens aspirent tous à vivre en paix, les risques de dérapage incontrôlé sont réels. Conscient des divergences politiques sur la question du double drapeau, le comité des sages considère cependant que l’initiative unilatérale du Président du Congrès, Gaël Yanno, à quelques semaines de la consultation, de supprimer les couleurs du drapeau Kanak sur les façades du Congrès, constitue une provocation inutile susceptible de raviver inopportunément un débat qui, dans le passé, a déjà beaucoup divisé les calédoniens ainsi que d’humilier une partie de la population. Le comité des sages tient à rappeler la devise de la Nouvelle-Calédonie, inscrite sur le fronton de l’hémicycle « terre de parole, terre de partage ». Dans un discours du 6 octobre 2018, le Président de l’Union Calédonienne, Daniel Goa, a qualifié les anti-indépendantistes « d’axe du mal ». La circonstance que ce discours s’adressait aux militants du parti n’atténue pas le fait que ces propos caricaturaux, qui visent à différencier le bien du mal en fonction des convictions politiques et personnelles, ne peuvent qu’engendrer haine et mépris. Le comité des sages exprime son incompréhension et appelle les responsables politiques à montrer l’exemple face aux tentations de repli communautaire. Enfin, les manœuvres visant à bloquer des sites miniers ou hôteliers dans l’objectif de promouvoir une idéologie visant à obtenir l’indépendance, à ne la réserver qu’aux kanak, à obtenir la « restitution des terres » en dehors de tout cadre juridique, sont tout à fait inacceptables et contraires à l’Accord de Nouméa. Le comité des sages apporte son total soutien à l’Etat dans ses actions de maintien de l’ordre permettant de mettre un terme à ces actes de délinquance pseudo politiques.
La sérénité doit être de mise tout au long de la campagne électorale officielle qui s’ouvre, tout en permettant aux partis politiques et à la société civile, de s’exprimer en toute liberté mais avec le souci constant du respect mutuel et de veiller à ce que les débats restent fidèles à la parole donnée il y a 30 ans et symbolisée par la poignée de main entre Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur. Les propos doivent être à la hauteur de ce qui doit être transmis aux jeunes générations. Le Comité des Sages, dans le rôle qui lui a été imparti, invite donc instamment tous les responsables et les partis politiques, les acteurs de la société civile, chaque calédonien, quel que soit son âge ou son expérience, à veiller à ce que les propos de campagne ou des initiatives précipitées et irréfléchies ne viennent blesser la société calédonienne en violentant ses valeurs, ou créer un climat délétère. Nous devons tous prendre conscience de cet enjeu fondamental et déterminant pour que, au lendemain du référendum, nous puissions construire l’avenir plutôt que de l’affronter.