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les céramiques du soleil

Le Soleil, le foyer de tendresse et de vie, Verse l’amour brûlant à la terre ravie, Et, quand on est couché sur la vallée, on sent Que la terre est nubile et déborde de sang;

Arthur Rimbaud, Soleil et Chair (extrait)

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Si les œuvres récentes de Vasso Triga se déploient devant le regard du spectateur comme un tissage de valeur, les céramiques, avec lesquelles elle nous surprend ces dernières années, constituent un univers autonome, admirable et tridimensionnel, qui invite à la contemplation joyeuse et à un séduisant voyage à la manière d’un pâturage secret agrémenté de végétation spontanée et miraculeuse.

Les formes organiques et hybrides, conçues par la créatrice elle-même, audacieuses en volume et différées par des éléments plastiques inattendus, vivantes par la faible respiration de leur propre coque, stigmatisées par des rencontres charmantes de lignes impétueuses, par des couleurs intenses allant de la transparence du bleu pâle avec les étoiles blancs et les traces du vert émeraude des tropiques à la terracotta, aux bleus tempétueux des mythes méditerranéens et aux teints obscures du noir, ne peuvent incontestablement faire partie de notre connaissance jusque-là, jusqu’à aujourd’hui.

Leur personnalité juteuse et primaire, ornée d’un processus d’expansion gestuelle qui fait naître à chaque fois une œuvre différente et un objet en céramique inimitable avec comme souvent, une double compréhension; cette personnalité jaillit à travers les mêmes anciennes sources méditerranéennes, se fait modeler par la même boue d’archétype, sèche sous le même soleil bénéfique qui leur a donné du volume, du rythme et de l’élan aux champs préhistoriques et aux plus récents méditerranéens des jarres et des amphores qui ont vécu et chanté la joie de vivre pendant les siècles précédents. Des êtres du littoral, du fond de la mer et du vent, des fleurs et des arbres, des étoiles, des oiseaux et des amphibiens, des poissons, des coraux et des coquillages, brodent les faces bombées et creuses de ces créations, s’inscrivent sur la surface brillante et invitent à une fête improvisée. Le monde céramique de Vasso Triga, affecté de ces précieux extraits de la créativité humaine qui ne peuvent être classés précisément, appartiennent organiquement à notre mémoire européenne culturelle, se contorsionnent et s’entremêlent avec une grâce suffisante entre les tentacules inquiètes des fonds minoens et les gravures médiévales chypriotes, entre les univers estompés de la Renaissance de Bernard Palissy, la céramique traditionnelle de Vallauris, les domaines psychédéliques de Miquel Barcelό ou les Faunus d’orgie et les soleils anthropomorphiques de Picasso. A ce point-ci exactement, dans ces mêmes zones méditerranéennes, dans l’élan de cet univers magique et au portail ouvert au Sud, qui en accueillant comme optique symbolique et condensation apte cet univers céramique réjouissant, naissent et montent de manière inattendue à leur tour les soleils brillants tridimensionnels de la créatrice.

Iris Kritikou Janvier 2019

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