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STRATÉGIES ET MANAGEMENT DU NUMÉRIQUE ENQUÊTE
3 44
Start-up et grands comptes, un mariage de raison ÉVÉNEMENT
38
Rétablir la confiance numérique DOSSIER
Stéphane Pallez PDG de la Française
3 58
Assurances : prévenir le risque de la disruption ENTRETIEN
des Jeux
3 28
NOTRE TRANSFORMATION ” PASSE PAR LE B-TO-B
“
Enquête
Retours d’expériences
Témoignages
• Quelle organisation contre les cyber-menaces ? 349
• PMU, Société Générale, Engie Home Services… 332
• Les 1001 recettes de la transformation digitale 312
#2212 • DÉCEMBRE 2016
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Éditorial
Vers une économie de la confiance
À
l’heure de la généralisation de l’utilisation abusive des données personnelles, certaines entreprises ont déjà pris les devants avec des initiatives pour restaurer la confiance de leurs clients. Parmi elles, des entreprises du réseau Cigref, dont le président Bernard Duverneuil rappelait le mois dernier dans IT for Business qu’elles devaient être les fers de lance de ce mouvement, une attitude gagnante sur le long terme. Las, elles ne sont pas légions et beaucoup attendront, comme toujours, d’avoir été épinglées, simplement menacées, voire pénalisées financièrement, avant d’agir et de se mettre en conformité — sinon morale, du moins légale. La tentation est effectivement grande de continuer à engranger des données sans trop de précautions, d’autant que les géants d’Internet montrent qu’il est possible de traîner des pieds face aux lois quand on est devenu quasiment incontournable… La mise en application du Règlement général sur la protection des données devrait les presser quelque peu (lire à ce sujet notre enquête « Rétablir
la confiance numérique pour en faire un levier économique », page 8). Les consommateurs redeviendront plus enclins à livrer des données personnelles s’ils sont rassurés sur l’utilisation qui en est faite et sur leur capacité à mieux en gérer la diffusion. Rassurer, du moins assurer, c’est le métier des assureurs, qui sont eux-mêmes en pleine effervescence, au confluent de la digitalisation de certains secteurs comme l’automobile et la santé grâce à l’internet des objets. Ne prenez donc pas le risque de manquer notre analyse à 360 °, page 56, de ce métier vieux comme le monde qui révolutionne ses processus et son informatique. Face à la diminution du risque, obtenue grâce aux capteurs et aux automatismes qui faciliteront la prévention et réduiront les erreurs d’origine humaine, apparaîtra en effet une nouvelle complexité du fait des algorithmes présents à tous les niveaux : celle d’établir les responsabilités…
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IT for Business décembre 2016 • 3
Rétablir la confiance numérique pour en faire un levier économique
8
DR
#2212 • DÉCEMBRE 2016
DR
Sommaire
3 Éditorial 8 L’événement Rétablir la confiance numérique pour en faire un levier économique
12 Actualité Stratégies et Organisation 12 Les 1001 recettes de la transformation digitale 13 Faire rayonner le numérique français 14 L’open source sort de sa niche 14 Lille publie ses données
15 Actualité Technologies et Services 15 T-Systems muscle son offre cloud 16 CA Technologies en appui de la digitalisation des entreprises 17 Capgemini s’étend aux États-Unis 18 HPE recompose le cloud
19 Actualité Métiers Les DSI déplorent le manque de compétences des jeunes 4 • IT for Business décembre 2016
Le PMU s’offre un DataLab avec Cloudera
32
20 Actualité Juridique Impact de la Loi pour une République numérique sur le droit des données personnelles
22 Repères Les baromètres du mois 24 Entretien Stéphane Pallez, PDG de la Française des Jeux « La Française des jeux mise sur le B-to-B »
28 Portrait Cedric Missoffe, Stanhome, Relever le challenge du management
29 Nominations 32 Retours d’expériences 32 Le PMU s’offre un DataLab avec Cloudera 35 PagesJaunes Resto cuisine ses données clients 36 La Société Générale entrouvre la porte au cloud public 38 Engie Home Services place ses clients avant ses chaudières
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#2212 • DÉCEMBRE 2016
Start-up et grands comptes, un mariage de raison
44
40 ASL Airlines s’envole vers l’hyperconvergence avec Nutanix 42 SushiShop revivifie son site marchand
44 Enquêtes 44 Start-up et grands comptes, un mariage de raison 49 Quelle organisation contre les cyber-menaces ?
52 Start-up YouSign persiste et signe
53 R&D Le prédictif est dans le vent
54 Décryptage Le CASB sécurise l’accès au cloud
56 Dossier Assurances : le risque de ne pas se transformer 62 La DSI à la recherche de nouveaux équilibres 65 Un double bouleversement dans 6 • IT for Business décembre 2016
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Sommaire
Assurances : le risque de ne pas se transformer
56
l’assurance automobile 67 La cyber-assurance, une réponse en période de trouble 68 Objets connectés et santé : quand les assureurs nous cherchent des pouls 70 Les États-Unis mènent l’innovation 71 Les assureurs traditionnels confrontés aux écosystèmes maîtres des données
72 Agenda 73 Lectures 74 Produits 76 Opinions 76 Organiser un hackhaton interne, par Mike Gotta et Kristin R. Moyer 77 Piloter un programme de qualité des données, par Alan Duncan, Mei Yang Selvage et Saul Judah
78 Libre antenne
un événement organisé par
18e édition
Pavillon Gabriel, Paris 8e
Clôture des inscriptions le 23 décembre 2016 - nombre de places limité.
Contact : cjavelle@newscoevents.fr / 01 75 60 28 41
18h30
CONFÉRENCE
« Gouverner une entreprise pilotée par la donnée »
20h15
DÎNER DE CÉRÉMONIE
animé par Frédéric Simottel, éditorialiste BFMBUSINESS, BFMTV
Grand Prix
(7- HI P´%RRqI Gilles Babinet
Multi entrepreneur et Digital Champion auprès de la Commission Européenne
Christian Buchel
Prix du Manager Numérique
DGA, Chief Digital & International 3J½ GIV H´)RIHMW
Bernard Duverneuil
(7- H´)WWMPSV IX 4VqWMHIRX HY 'MKVIJ
Françoise Mercadal-Delasalles
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Mobilité
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Big Data
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Actualité
L’événement
Stratégie : rétablir la confiance numérique pour en faire un levier économique Regagner la confiance numérique des utilisateurs mobilise aujourd’hui les États et les entreprises. Les premiers par souci de protection des citoyens, les seconds pour mieux monnayer les données. Avec comme résultat la naissance d’une nouvelle « économie de la confiance » bien réglementée.
L
’actuelle perte de confiance des clients et des utilisateurs par rapport à la sécurisation et à l’usage qui est fait de leurs données personnelles pourrait devenir un frein grave à la croissance du numérique. » Telle est la sonnette d’alarme tirée par Stéphane Geyres, directeur exécutif cybersécurité chez Accenture, lors de l’édition 2016 du Digiworld Summit, un événement organisé chaque année à Montpellier par ldate Digiworld.
L’EXPERT
PHILIPPE LANTERNIER DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT DE BUREAU VERITAS
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« ATTENTION, UN PROCESSUS DE CERTIFICATION PEUT ÊTRE LONG »
U
ne certification ou labellisation GDPR offre l’avantage d’une lisibilité immédiate pour les consommateurs. De plus, la confiance numérique devenant un atout concurrentiel, cette conformité sera le degré de base à démontrer aux usagers.
Pour les entreprises voulant se démarquer, il y a déjà la tentation d’obtenir des labels « Confiance » encore plus sophistiqués. La nouvelle offre que propose Bureau Veritas, après travaux avec des cabinets de juristes et la Cnil, répond à cette attente. Et nous la proposons dès maintenant, parce que nous sommes bien conscients que les
8 • IT for Business décembre 2016
projets de certification « Confiance », selon la complexité du traitement par l’entreprise de ses données clients et le nombre de procédures concernées, seront largement aussi longs et complexes que ceux liés à ISO. Attention à celles des entreprises qui vont se réveiller trop tard, au risque d’éveiller alors la méfiance des consommateurs !
« Les consommateurs sont très sensibles à l’e-réputation des entreprises », explique Philippe Trouchaud, associé chez PwC, spécialiste en cybersécurité. « Ils peuvent tourner le dos en cas d’incident sur leurs données et ont alors le pouvoir de faire disparaître l’entreprise concernée ». Deux jours durant, les 17 et 18 novembre derniers, 120 intervenants ont débattu devant quelque 1 200 participants sur le sujet brûlant de la confiance numérique, de comment la recouvrer et de comment l’ériger en atout concurrentiel. En partant de cet étonnant paradoxe, rappelé par Philippe Trouchaud : « malgré un niveau de confiance en baisse, et un ratio de seulement 20 % des internautes se disant prêt à partager leurs données, la fréquentation des sites et des réseaux sociaux ne cesse d’augmenter ». L’inquiétude du marché n’est donc pas tant que l’usage cesse, mais que le consommateur devienne plus regardant et plus exigeant envers les sites, les marques et les entreprises. « Ces dernières répondent en surinvestissant — 600 M$ chez JP Morgan cette année, entre 500 M$ et 1 Md$ en moyenne dans les grands groupes — pour lutter contre la cybercriminalité qui pourrait toucher leurs données et, ce faisant, celles de leurs clients », précise Yves Gassot, directeur général d’Idate Digiworld. Mais cela ne suffit pas à rétablir la confiance. Les consommateurs deviennent donc « sommateurs » : ils somment par leur défiance ces mêmes sites, marques et entreprises de non seulement justifier d’une protection de leurs données
RGPD : DES ENTREPRISES FRANÇAISES À LA TRAÎNE MALGRÉ LES AMENDES FORTES
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doptée par le parlement européen le 14 avril 2016, après quatre ans de travaux, le RGPD (Règlement général sur la protection des données) impose au monde entier de nouvelles règles de protection et de confidentialité des données individuelles des Européens. Il remplace la directive européenne de 1995, déclinée dans tous les pays de façon très hétérogène. Garant d’une vraie harmonisation, son cadre juridique unifié entrera en vigueur en mai 2018 pour les entreprises et les administrations. Son non-respect sera passible d’amendes très dissuasives : de 2 à 4 % du revenu annuel mondial de l’entreprise, avec un plafond minimum de 10 à 20 millions d’euros. « Selon une étude de Symantec publiée en octobre, 96 % des entreprises françaises sondées ne sont pas prêtes, alerte Xavier Lorphelin, associé fondateur de Serena Capital. Pire, elles n’en font même pas une priorité ! »
personnelles, mais aussi d’être plus responsables et plus éthiques face à l’usage qui en est fait. Ils veulent de la transparence !
RÉGLEMENTER POUR RASSURER : L’EUROPE EN TÊTE AVEC SON RGPD
DR
Pour offrir cette transparence, trois axes font débat. Le premier consiste à réglementer. « Aux États-Unis, le credo dominant, à quelques réglementations locales près, est celui d’une autoréglementation naturelle autour de cette problématique des données privées, souligne Xavier Lorphelin, directeur associé et cofondateur de Serena Capital. Mais la FTC [Federal Trade Commission, ndlr] a de plus en plus de velléités pour définir une réglementation chapeau au-dessus des États. Quant à l’Europe, elle a pris une longueur d’avance avec son RGPD [Règlement général sur la protection des données, ndlr], applicable dès mai 2018 ». « Ce RGPD remet le consommateur au centre de la réglementation, se félicite Isabelle Falque-Pierrotin, conseillère d’État et présidente de la Cnil. Car elle
« La sécurité et l’éthique autour des données est un état d’esprit, une responsabilisation à tous les niveaux de l’entreprise et de sa gouvernance ». Stéphane Geyres, directeur exécutif cybersécurité, Accenture
« Signe politique fort, le RGPD démontre que l’idée de vie privée est pris très au sérieux par l’Europe ». Isabelle Falque-Pierrotin, conseillère d’État et présidente de la Cnil
impose ses règles, et surtout les pénalités qui vont avec, à tout pays amené à manipuler des données de ressortissants européens. Cette fois-ci, ce n’est plus le pays du siège social de l’entreprise, ou de l’hébergeur du site Internet, ou encore du datacenter dont la législation prime, mais celui du consommateur. Il s’agit d’un fort signe politique pour restaurer la confiance, en démontrant que l’idée de vie privée est prise très au sérieux par l’Europe ».
LABELLISER LA CONFIANCE ET REDONNER DU POUVOIR AU CONSOMMATEUR En attendant l’application de cette réglementation, le deuxième axe étudié par les entreprises pour recouvrer la confiance de leurs clients est de les informer davantage sur leur degré de sécurisation des données personnelles, mais aussi sur le traitement qui en est fait. « Bien au-delà du SI, la sécurité et l’éthique autour des données est un état d’esprit, une responsabilisation à tous les niveaux de l’entreprise et de sa gouvernance », insiste Stéphane Geyres, qui déplore que « 99 % des entreprises limitent leur projet de protection des données sensibles à la seule sécurisation de leur système d’information, alors qu’il devrait concerner aussi leurs procédures et services ». Cette démarche vers plus d’éthique rappelle celle opérée autour de la qualité avec les certifications ISO 9000 à la fin des années 1980. Les acteurs de la certification et du contrôle de conformité l’ont bien compris qui se mobilisent déjà pour « aider les entreprises à donner de vraies garanties aux consommateurs à l’instar des labels bio », précise Philippe Lanternier, directeur général adjoint chez Bureau Veritas. Enfin, le troisième axe de reconquête de la confiance consisterait, comme l’explique Carlos Lopez Blanco, directeur général chargé des affaires publiques et juridiques de l’opérateur espagnol Telefonica, à « rendre aux clients leurs données, le contrôle sur celles-ci, jusqu’au choix de les partager. Ou non. »
VERS UN MONNAYAGE GAGNANT-GAGNANT DES DONNÉES PERSONNELLES ? Pour les entreprises, l’enjeu de cette confiance recouvrée est avant tout commercial. Les données IT for Business décembre 2016 • 9
L’événement
T = wL/s + ∆s T = confiance s = volume
Source : IDATE DigiWorld
Actualité
Selon Vincent Bonneau, directeur Innovation de l’Idate Digiworld, la confiance T à une valeur commerciale est fonction de plusieurs variables. Au niveau B2C, elle dépend de ce que les clients sont prêts à payer (w) pour la sécurité de leurs données multiplié par leur niveau (L) de confiance, divisé par le volume (s) de données partagées. S’y ajoute, côté B2B2C, la valeur monnayée relative (∆) de chaque donnée auprès de tiers (marques, services marketing, banques…) multiplié par le volume (s) de ces mêmes données. Avec pour ce second terme de l’addition, une forte capacité exponentielle en croisant des données de différentes natures et de différents fournisseurs.
semées dans l’écosystème numérique par les usagers sont de plus en plus pertinentes : constituées à 40 % d’historiques de navigation, elles dévoilent en effet les lieux fréquentés, les comportements, les préférences… autant d’éléments critiques pour les marqueteurs. « Un vrai pétrole ! », affirme Isabelle Falque-Pierrotin. La confiance devient donc une opportunité ; elle a désormais une valeur économique. Marc Mossé, directeur des affaires publiques et juridiques de Microsoft France, parle carrément d’une nouvelle « économie de la confiance ». Mais si Carlos Lopez Blanco milite pour « redonner aux clients les manettes absolues de leur vie numérique », il y a, au-delà, le souhait qu’ils donnent leur accord pour partager des données personnelles revendables. Comment susciter cette envie ? Avec des points de fidélité, des réductions tarifaires, des services de type VIP, etc., « c’est-à-dire en monnayant la donnée », résume Carlos Lopez Blanco. « Nos repères traditionnels sont perturbés, confirme Ramon Fernandez, directeur général délégué, finance et stratégie chez Orange. Car redonner au client l’accès à ses données implique que nous devions le responsabiliser fortement face à la sécurité imposée par la nouvelle réglementation sur ces mêmes données ! »
LA CONVERGENCE PUBLIC-PRIVÉ POUR PROTÉGER LES IDENTITÉS Sachant combien les mots de passe actuels sont fragiles, et combien les conditions commerciales des
DES DONNÉES MIEUX PROTÉGÉES GRÂCE À L’IDENTITÉ NUMÉRIQUE
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our mieux protéger l’accès aux données privées et surtout les identités, la meilleure solution réside dans la création d’identités numériques uniques et inviolables », affirme Anne Bouverot, directrice générale de Safran Identity & Digital. Deux pistes font déjà leur preuve. La première en Inde, avec le programme Aadhaar (socle en hindi) lancé en 2010 pour doter les 1,2 milliard d’habitants d’une identité à 12 chiffres sur puce numérique, basée sur leur biométrie faciale. Cette identité sert pour s’identifier auprès des services de l’État, mais aussi des banques, etc. Autre piste suivie par la Grande-Bretagne et la France, respectivement avec les services étatiques Gov.uk.verify et FranceConnect : l’institutionnalisation de tiers de confiance pour l’authentification numérique des personnes. Ces services utiles aux institutions sont également vendus aux entreprises sous forme d’applications à intégrer à leur système d’information.
sites sont peu lues, beaucoup de craintes demeurent autour de cette nouvelle responsabilisation d’utilisateurs face au choix du partage de leurs données. Avec ces questions pertinentes : Comment savoir que le client est bien lui-même ? Comment certifier son identité ? Redonner la main aux utilisateurs impose donc de renforcer tous les protocoles de son authentification. Pour Anne Bouverot, directrice générale de Safran Identity & Digital, « la solution est dans l’identité numérique que pourrait avoir tout citoyen. Avec la biométrie, par exemple, on sait réduire le risque d’erreur à un cent-millième. Mais cela implique une convergence public-privé, un travail concerté entre gouvernements et entreprises ». Sur le chemin de cette convergence public-privé, dont le Danemark offre une très belle illustration (voir encadré), Marc Mossé va encore plus loin : « La nouvelle économie de la confiance nous met à la croisée des chemins : une réflexion forte doit être menée sur comment vont désormais s’interfacer citoyens, entreprises et gouvernements. Il faudra être très attentif à ne laisser personne au bord du chemin, grâce à des actions de formation au numérique, par exemple, et d’inclusion, soutenues par les États, afin que cette économie nouvelle profite vraiment à tous. La confiance globale est à ce prix ». • Catherine Terrand LE DANEMARK MODÈLE DE CONFIANCE
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« Pour recouvrer leur confiance, il faut redonner aux clients les manettes absolues de leur vie numérique ». Carlos Lopez Blanco, directeur général chargé des affaires publiques et juridiques de Telefonica 10 • IT for Business décembre 2016
e Danemark occupe la première position mondiale en termes de confiance numérique avec un taux de 80 %, le même que celui accordé par nos citoyens à nos institutions », témoigne Eva Berneke, CEO de KMD. Cette société de services danoise a travaillé sur un vaste projet gouvernemental, aujourd’hui opérationnel, de plateforme accessible à tous les citoyens et entreprises pour accéder à des données collectées par l’État. On y trouve les prix de vente des maisons par rue, par exemple, des tarifs de prestations aux seniors, les résultats des sociétés, mais aussi des informations personnelles que les 5,5 millions d’habitants veulent bien partager. « Ce projet, qui met à égalité la start-up avec la grande entreprise, puisqu’elles accèdent aux mêmes données, est un vrai succès. Pourquoi ? Parce que le gouvernement le porte et que les Danois sont des gens très instruits. Il y a donc une formidable adhésion qui se traduit aussi par la suppression du papier dans les démarches administratives », expose Eva Berneke.