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l’événement

SEPA La migration se fera en douceur

La proposition de la Commission européenne, le 9 janvier dernier, sur la création d’un sursis de six mois pour faciliter la migration SEPA a surpris le monde bancaire qui s’est déclaré hostile à cette période de transition. De leur côté, les entreprises l’accueillent assez favorablement, considérant le délai comme une « bouffée d’oxygène » propice à un passage au SEPA en douceur sans pour autant remettre en cause la deadline du 1er février 2014. ANDRÉA TOUCINHO ET VÉRONIQUE PIERRON

Tout le monde a beau se montrer surpris par la proposition de la Commission Européenne sur la création d’une période de transition de six mois pour la migration SEPA, elle était prévisible. Le 19 décembre dernier, la commission avait annoncé lors d’une réunion à Francfort dans les locaux de la BCE, réfléchir à l’idée d’un report. Pour Michel Barnier, Commissaire européen au marché intérieur et aux services européens, cette décision est motivée : « À l’heure actuelle, malgré l’important travail déjà fourni par toutes les parties concernées, les taux de migration pour les virements et les prélèvements ne sont pas suffisamment élevés pour que le passage au SEPA se fasse en douceur ». Une proposition qui ne

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modifiera pas, toutefois, la date butoir officielle pour cette migration qui reste fixée au 1er février 2014. Simplement, pendant six mois, les banques pourront encore accepter les deux formats : SEPA et domestiques. Pour la Commission, l’heure est au discernement comme le rappelle Michel Barnier : « Cette période de transition est une mesure de prudence pour parer au potentiel risque de perturbation dans le traitement des paiements dont pourraient notamment pâtir les particuliers et les PME ». Plus de 500 millions de citoyens et plus de 20 millions d’entreprises… Des chiffres assez significatifs pour rester circonspect face aux désordres potentiels dans les règlements des paiements – avec un risque réel sur l’économie - annoncés depuis

Pendant six mois, les banques pourront encore accepter les deux formats : SEPA et domestiques. 22 POINT BANQUE FÉVRIER 2014

des mois par les éditeurs notamment, et qui se matérialisent aujourd’hui. Car une date de migration maintenue coûte que coûte aurait eu pour conséquence le rejet de tous les paiements autres que ceux au format SEPA. Si l’on reprend les chiffres de cette migration depuis septembre 2013, le constat est sans appel. Fin décembre 2013, plus de 70 % des virements échangés étaient effectués au format SEPA en France. Surtout, la migration au prélèvement SEPA demeure insuffisante en France. En décembre 2013 par exemple, le Trésor Public envoyait toujours des avis de prélèvement au format national. Pour la première quinzaine de janvier 2014, soit moins d’un moins avant la date butoir, le taux de migration SEPA en France atteint 84,1 % pour le virement et 61,4 % pour le prélèvement

LES BANQUES ÉCHAUDÉES PAR LE REPORT

Les réactions face à la décision de la Commission ont été diverses et si éditeurs et organisations professionnelles comme le Medef ou la CGPME ont


Denis Beau, directeur général

des opérations de la Banque de France

« Les taux de rejet sur les instruments SEPA sont inférieurs à ceux observés sur les instruments nationaux »

De nombreuses PME sontelles encore retardataires pour leur migration SEPA ? Une minorité significative de PME ne s’étaient pas préparées particulièrement à cette migration et nous allons continuer à les alerter et les informer. Il est nécessaire qu’elles prennent conscience que les actions à mener sont simples même pour le prélèvement même si davantage d’adaptations que pour le virement sont nécessaires.

Se rendent-elles vraiment compte des effets positifs du SEPA ? Oui car elles soulignent le fait que sa mise en place est de nature à réduire leurs coûts de gestion des moyens de paiements et à faciliter la réconciliation des paiements reçus avec leurs facturations. Elles en attendent aussi un élargissement de l’offre de service et une ouverture du marché par une meilleure concurrence.

accueilli ce report avec soulagement, il n’en va pas de même pour les banques centrales européennes. Pour Bernard Ramé, responsable de l’offre paiement chez Sopra Banking Software : « Ce délai supplémentaire de six mois était inévitable » car d’après lui, « on aurait pu atteindre à fin janvier des taux corrects de migration mais jamais les 100 % ». Coté représentants de la BCE et des Banques centrales membres de la zone euro, la réaction de rejet a été unanime selon des sources de

conditions les entreprises retardataires. Les derniers chiffres dont nous disposons montrent une montée en puissance très rapide en décembre et janvier dans l’Hexagone, qui place la France dans la moyenne européenne.

Ces nouveaux instruments fonctionnent-ils d’ores et déjà correctement ? On observe que les taux de rejet sur les instruments SEPA sont inférieurs à ceux observés sur les instruments nationaux. La qualité de service est donc bien là, de bout en bout de la chaine. Bien entendu, la transition reste à gérer mais ces avantages commenceront vraiment à se matérialiser au fur et à mesure que l’on se rapprochera de la migration et au-delà. Existait-il un risque économique au maintien de la date butoir du 1er février sans la période de transition décidée par la Commission Européenne ? Tout d’abord, rappelons que la période de transition décidée par la Commission ne remet pas en cause la date butoir du 1er février ! Elle permet simplement d’accompagner dans les meilleures

l’Eurosystème car selon eux, même si la migration n’aurait pu être réalisée à 100 %, une nette accélération était constatable courant décembre. Et suivant cette logique, cette progression rendait inutile un changement de cap. Ainsi, Denis Beau, directeur général des opérations de la Banque de France constatait en décembre : « Pour le prélèvement, nous allons vers une migration en big bang et si les grandes entreprises sont prêtes dans leur ensemble, un certain nombre d’acteurs PME et

Le SEPA va-t-il changer le paysage bancaire européen ? Un certain nombre de barrières vont tomber, ce qui est de nature à stimuler la concurrence et nous en verrons l’impact plus tard. Il faut savoir que 18 milliards de paiement scripturaux sont effectués chaque année en France. L’avantage évident pour les entreprises est qu’elles auront accès à un champ élargi de prestataires de service et pourront procéder à leurs paiements à partir d’un seul compte.

TPE font partie de cette dernière phase de migration concentrée sur quelques semaines qui, aujourd’hui, reste encore possible ». Il rappelle aussi qu’à travers son réseau régional, « la Banque de France a mené de multiples opérations de communication en envoyant par exemple 170 000 brochures aux entreprises et en relayant l’information dans la presse régionale ». Toutefois, Brice Roche, associé industrie financière chez Deloitte, objecte : « Bien qu’officiellement les banques se soient décla-

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l’ÊvÊnement

La proposition de la Commission europĂŠenne ÂŤÂ vise Ă apporter de la souplesse  1PVS 8JMMZ %VCPTU EJSFDUFVS EFT TZTUĂ’NFT FU NPZFOT EF QBJFNFOU EF MB 'Ă?EĂ?SBUJPO #BODBJSF 'SBOĂŽBJTF '#' M PCKFDUJG EF MB QIBTF EF USBOTJUJPO EF TJY NPJT QSPQPTĂ?F QBS MB $PNNJTTJPO FVSPQĂ?FOOF j‍ڀ‏FTU FGGFDUJWFNFOU EF QSPQPTFS VO EĂ?MBJ TVQQMĂ?NFOUBJSF BVY FOUSFQSJTFT BGJO EF TF NFUUSF FO DPOGPSNJUĂ? NBJT MFT #BORVFT DFOUSBMFT POU CJFO SBQQFMĂ? RVF MB EBUF CVUPJS EF NJHSBUJPO SFTUF MF FS GĂ?WSJFS ‍ڀ‏x - JOUĂ?SFTTĂ? FYQMJRVF RVF j‍ڀ‏MFT CBORVFT TPOU QSĂ?UFT EFQVJT FU POU GBJU EFT EĂ?NBSDIFT BVQSĂ’T EFT FOUSFQSJTFT #JFO RVF MFT DIJGGSFT QSPHSFTTFOU MB NJHSBUJPO Ă‹ OF TFSB QBT SĂ?BMJTĂ?F MF FS GĂ?WSJFS DBS CFBVDPVQ EF QFUJUFT FOUSFQSJTFT FU E BTTPDJBUJPOT O POU QBT FODPSF SĂ?BMJTĂ? MB NJHSBUJPO‍ڀ‏x *M BKPVUF RVF j‍ڀ‏MFT FOUSFQSJTFT RVJ POU DPNNFODĂ? MB NJHSBUJPO POU EPOD JOUĂ?SĂ?U Ă‹ MB GJOBMJTFS EBOT MFT EĂ?MBJT QSĂ?WVT TBDIBOU RVF DFMMFT RVJ O POU QBT FODPSF BHJ EPJWFOU JNQĂ?SBUJWFNFOU

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rĂŠes contre le report, dans les faits, elles n’Êtaient pas totalement prĂŞtes non plus. Si elles l’Êtaient pour ĂŠmettre et intĂŠgrer les fichiers, elles ne l’Êtaient pas pour gĂŠrer les messages d’erreurs sur les prĂŠlèvements .

LES PME À LA TRAÎNE

Si banques, grands facturiers et administrations sont d’ores et dĂŠjĂ en ordre de marche, il en va tout autrement pour les PME. ÂŤÂ 98 % des grandes entreprises seront prĂŞtes le 1er fĂŠvrier, la quasi-totalitĂŠ a commencĂŠ ou achevĂŠ sa migration et est encore confrontĂŠe Ă des problèmes techniques que l’on ne peut ĂŠviter , confirme Olivier Bornecque, prĂŠsident honoraire de l’Association française des trĂŠsoriers d’entreprise (AFTE). Il prĂŠcise aussi qu’un certain nombre de ces entreprises avait ÂŤÂ dĂŠcidĂŠ de ne commencer Ă ĂŠmettre des moyens de paiement SEPA que fin janvier afin que cela ne pose pas de problème

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pour leurs comptes de fin d’annĂŠe . Reprenant sa casquette de directeur de la trĂŠsorerie chez Aviva Investors France, il confirme que la sociĂŠtĂŠ de gestion d’actifs internationale qui fait 15 millions de prĂŠlèvements par an est ÂŤÂ Ă 100 % SEPAÂť. Toutefois, le coĂťt du projet peut s’Êlever pour une grande entreprise entre 100 000 et 10 millions d’euros. Et on comprend qu’à ce jeu des coĂťts, les PME inquiĂŠtĂŠes par des problèmes de croissance atone, de trĂŠsorerie et de carnet de commande en berne, aient reculĂŠ la mise en place du SEPA en leur sein. Or, comme le confirme Arlette Patin, expert-comptable spĂŠcialiste TPE/ PME : ÂŤÂ Bon nombre de ces petites entreprises n’ont commencĂŠ leur migration que dĂŠbut janvier donc Ă une date qui mettait forcĂŠment en ĂŠchec une pleine et entière rĂŠalisation au 1er fĂŠvrier . La migration nĂŠcessite en effet, une mise Ă jour des logiciels de paie et de facturation, une forma-


Delphine d’Armazit, chef du

service du financement de l’économie à la direction générale du Trésor

« La date butoir est maintenue : à partir du 1er février, les entreprises qui n’utilisent pas le bon format sont “retardataires” » génère trop d’inquiétude chez les acteurs les moins avertis, en particulier les PME.

Cette période de transition de six mois décidée par la Commission européenne était-elle nécessaire ? Nous étions vraiment mobilisés pour être prêts à la date prévue, mais maintenant qu’elle est proposée, cette période de transition est bienvenue. La migration est en cours, elle a démarré plus tôt et plus progressivement pour les virements, tandis que pour les prélèvements, nous étions dans une logique de « big bang » : nous

sommes restés très longtemps avec des taux de migration extrêmement faibles, suivi d’une accélération récente et très forte. Pourquoi la Commission Européenne a-t-elle fait cette annonce à quinze jours de la date butoir ? C’est à la Commission de le dire ! Elle a voulu éviter qu’une annonce prématurée relâche la mobilisation, et qu’une annonce à la veille de la date butoir

tion des salariés, ainsi qu’une phase de tests pour remédier aux inévitables « bugs ». En septembre 2013, 56 % de ces PME n’avaient jamais entendu un traître mot au sujet du SEPA. Pour finir, Arlette Patin met en cause « la communication faite autour de la migration qui n’avait pas mis en exergue les réelles difficultés soulevées par la mise en place du projet. « Peu de petites entreprises avaient compris, par exemple, le changement juridique

Quel aurait été le scénario si la date butoir avait été maintenue de façon ferme ? Sans cette période de transition, les banques auraient été obligées de rejeter les mauvais formats dès le 1er février ce qui aurait été source d’incompréhensions de la part des entreprises et des consommateurs. Il y avait deux types de risques : qu’un ou plusieurs grands facturiers ne passent pas à temps au format SEPA, ce qui aurait engendré des rejets en masse et un problème d’image pour eux. Ce risque est d’ores et déjà écarté. Ensuite que de nombreuses PME découvrant trop tardivement le sujet, ne puissent pas migrer à temps ou dans de bonnes conditions de coût et d’organisation. Le second par contre restait entier, en particulier

qu’entraine le SDD – SEPA Direct Debit, prélèvement SEPA, ndlr. - et les bouleversements à venir dans les

pour les prélèvements. Nous évitons une situation de couperet qui était imprudente car même si la progression était forte, nous n’aurions sans doute pas atteint un taux plein au 1er février. Ne risque-t-on pas de se retrouver dans la même situation au 1er aout prochain ? Il faut bien comprendre que la date butoir est maintenue : à partir du 1er février, les entreprises qui n’utilisent pas le bon format sont « retardataires ». Mais les banques pourront continuer pendant six mois, comme aujourd’hui, à traiter les paiements des entreprises qui ne sont pas encore au format SEPA. La communication autour de l’annonce de la période de transition est d’ailleurs une opportunité pour informer davantage d’acteurs. Nous sommes pleinement mobilisés en ce sens.

prochains mois en raison des autorisations de mandat qui sont désormais à la charge du créancier », conclut-elle.

En septembre 2013, 56 % de ces PME n’avaient jamais entendu un traître mot au sujet du SEPA. 25

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points majeurs

Régulation bancaire

Vers un cadre plus impactant Focalisées sur les lourds chantiers de mise en œuvre de Bâle III, les banques françaises se préparent à réinventer leur métier à l’heure où la Loi bancaire française et l’Union bancaire européenne promettent d’alourdir le cadre réglementaire et d’aggraver l’impact financier de Bâle III. La distorsion de concurrence avec les banques américaines et asiatiques, notamment sur les marchés, devient encore plus criante et donc inquiétante aux yeux de certains.

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points majeurs

Le fait n’a rien de nouveau, mais le constat s’impose avec plus de force que jamais : la réglementation devient un sujet de préoccupation majeure pour les banques françaises et européennes. « Foisonnante et complexe, et malgré de nombreuses zones d’ombre, elle a déjà un fort impact sur les activités des banques », constate Guillaume Alméras, éditeur du site

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spécialisé Score Advisor, performances et stratégies bancaires à Paris. Même si le calendrier Bâle III a été assoupli, à mesure que les chantiers de sa mise en œuvre avancent, « les banques françaises ont la confirmation que la réglementation baloise est extrêmement structurante », précise pour sa part Alexandre Kurtz, responsable de l’offre risque et fraude chez l’éditeur SAS. L’addition s’annonce salée car au

coût de la migration de Bâle II à Bâle III s’ajoute celui d’une réforme prudentielle particulièrement contraignante.

RÉFORME PRUDENTIELLE « CONTRAIGNANTE »

Voulue par l’Europe après la crise de 2008, cette réforme entend prouver aux opinions publiques que les banques sont désormais sous contrôle, que leurs activités spéculatives sont encadrées et


« Foisonnante et complexe, et malgré de nombreuses zones d’ombre, la réglementation a déjà un fort impact sur les activités des banques », constate Guillaume Alméras

que le contribuable ne sera plus obligé de participer comme ce fut le cas lors de la faillite de la banque Dexia. « Pour répondre aux exigences de Bâle III en matière de liquidité, les grandes banques européennes ont continué de réduire substantiellement leur bilan, multipliant les cessions d’actifs et se désengageant de certaines activités », explique Guillaume Alméras. Résultat ? Le business model des banques

est remis en cause. Les plans d’ajustement concernant les métiers consommateurs de fonds propres et de liquidité ont conduit à des cessions d’actifs, voire à l’arrêt de certaines activités et à d’importantes suppressions de postes, surtout dans la banque de financement et d’investissement. Quelques chiffres agrégés par l’éditeur SAS situent d’emblée l’ampleur de l’impact financier de Bâle III sur la profession : réduction de 30 à 40 milliards d’euros d’actifs pondérés en risque, cession de 11 milliards d’euros d’actifs, réduction de 50 à 60 milliards d’euros des besoins en liquidité, recentrage du crédit à la consommation avec une baisse des encours de 13 %, etc. la liste est longue. Il faut y ajouter l’abandon des activités de dérivés actions et commodities, la cession de crédits structurés, le transfert du portefeuille de corrélation - produits dérivés et structurés - à des spécialistes des produits dérivés, l’abandon du trading directionnel macro, des produits structurés complexes et de la titrisation ainsi qu’une hausse des services de prime brokerage au détriment des dérivés, du cash et des convertibles. Ces chiffres confirment que Bâle III bouscule le volet financier des banques, les processus métier ainsi que les systèmes d’information. « Les banques sont acculées à ajuster leurs stratégies, à revoir leur ’business models’ et à optimiser le pilotage de la couverture des risques » conclut en substance Alexandre Kurtz.

LES CHANTIERS SONT PLUS LOURDS QUE PRÉVU

Pour faire face à ce tsunami réglementaire, les banques commencent à utiliser les principaux leviers d’ajustement, à savoir l’augmentation du capital, la restructuration du bilan et la révision du business model. Nombre d’établissements ont accru à marche forcée leurs fonds propres et soigné leur liquidité dans un contexte de concurrence qui les oblige à la fois à fidéliser les clients et à en acquérir de nouveaux. Dans une étude conduite début 2013 auprès de 59 banques, le cabinet Deloitte constatait qu’un peu moins de deux tiers des banques avaient déjà atteint le seuil minimum de 100 % pour le ratio LCR (Liquidity Coverage Ratio). S’agissant du ratio NSFR4 (Net Stable Funding Ratio), le degré de préparation était moins avancé. En outre, « 66 % des participants ont déclaré que le calcul quotidien du LCR s’avérerait très coûteux, voire irréalisable », rappelle Marc Van Caeneghem, associé industrie financière risk advisory chez Deloitte. S’agissant des règles de calcul, les principales difficultés évoquées résidaient dans le traitement des dépôts, l’identification des actifs éligibles au numérateur et le traitement des positions hors bilan. L’introduction de ces deux nouveaux ratios de liquidité a eu un lourd impact à la fois sur le plan financier et sur le plan des processus reliés au système d’information. En effet, en

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points majeurs

Bâle III : un cadre ÂŤÂ hyperstructurant  4FMPO M BHFODF 3FVUFST MFT SĂ?HVMBUFVST JOUFSOBUJPOBVY EV $PNJUĂ? EF #ÉMF TF TPOU BDDPSEĂ?T TVS VOF OPVWFMMF SĂ’HMFNFOUBUJPO QMVT TPVQMF GBDJMJUBOU M PDUSPJ EF DSĂ?EJU QBS MFT CBORVFT UPVU FO MJNJUBOU MF SJTRVF EBOT MFVS CJMBO -B WFSTJPO GJOBMF EF DF OPVWFM BDDPSE EFWSBJU Ă?USF TJHOĂ?F E JDJ QFV 4PO FOUSĂ?F FO WJHVFVS FTU QSĂ?WVF QPVS KBOWJFS $F SBUJP EF MFWJFS SFQSĂ?TFOUF MF SBQQPSU FOUSF MFT DBQJUBVY EFT CBORVFT FU M FOTFNCMF EF MFVST BDUJGT TBOT QSJTF FO DPNQUF EV SJTRVF FU T BKPVUF BVY SĂ’HMFT QPOEĂ?SĂ?FT EV SJTRVF 5PVKPVST TFMPO 3FVUFST JM B Ă?UĂ?

plus des routines de calcul de ces ratios qu’il a fallu mettre au point, il y a eu un important travail de structuration en amont des donnĂŠes. Cette ĂŠtape de prĂŠparation est lourde. Toutes les grandes banques calculent le LCR, mais il reste Ă l’optimiser et le rendre agile dans un contexte de systèmes d’information assez lourds. ÂŤÂ La situation avec l’autre chantier majeur, la rĂŠvision du risque de marchĂŠ, est similaire en ce sens qu’elle a un fort impact sur le système d’information et sur les processus Âť, estime Ă ce sujet Alexandre Kurtz. Selon SAS, ce chantier est coĂťteux car il faut faire ĂŠvoluer les systèmes d’information afin d’effectuer tous les calculs de donnĂŠes nĂŠcessaires au travers de routines qui soient performantes et rĂŠalisĂŠes avec des donnĂŠes structurĂŠes. C’est le chantier le plus complexe Ă mettre en Ĺ“uvre. Les stress tests constituent Ă eux seuls un chantier Ă part entière pour le pilotage du triptyque stratĂŠgie / risques / solvabilitĂŠ avec l’utilisation de scĂŠnarios high level permettant une dĂŠclinaison par facteur de risque, une consolidation des rĂŠsultats, une mesure des rĂŠsultats sur les marges et des reverse stress-tests. Dernier chantier de Bâle III, le volet des rĂŠmunĂŠrations a un impact assez important en terme de système d’information compte tenu

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des nouvelles règles de calcul qu’il faut intĂŠgrer au niveau des plans de commissions et de rĂŠmunĂŠration des dirigeants. Les ĂŠditeurs de suite de GRH commencent Ă intĂŠgrer les exigences de Bâle III dans leurs fonctionnalitĂŠs. Les chantiers Bâle III sont un vrai dĂŠfi pour les banques qui doivent Ă la fois piloter les risques de manière dynamique afin de pouvoir les challenger avant de prĂŠsenter les rĂŠsultats attendus par les autoritĂŠs de rĂŠgulation. ÂŤÂ La profession s’interroge sur la capacitĂŠ de la nouvelle rĂŠglementation Ă mieux apprĂŠhender les risques, sachant que les deux ratios LCR et NSFR auront un impact globalement nĂŠgatif sur la profitabilitĂŠ et le dĂŠveloppement potentiel de l’ensemble des activitĂŠs , estime Marc Van Caeneghem.

LA SÉPARATION DES ACTIVITÉS SPÉCULATIVES VOTÉE PAR LE PARLEMENT FRANÇAIS

Les rĂŠflexions sur l’avenir du modèle universel tant prisĂŠ par les banques françaises sont intĂŠgrĂŠes Ă la problĂŠmatique Bâle III. Sur le modèle du Glass-Steagall Act qui interdisait aux banques commerciales amĂŠricaines de s’occuper de l’Êmission, du placement et du nĂŠgoce des titres d’entreprises

EF DPOUSFQBSUJF MF S�HVMBUFVS introduit une mesure de SJTRVF TVQQM�NFOUBJSF *3$ BJOTJ RV VO BMJHOFNFOU EV traitement des positions de titrisation sur celui du QPSUFGFVJMMF CBODBJSF -B S�TJMJFODF EFT HSBOEFT CBORVFT JOUFSOBUJPOBMFT BJOTJ RVF EFT NFTVSFT TQ�DJGJRVFT TVS MF SJTRVF EF MJRVJEJU� GPOU �HBMFNFOU M PCKFU EF NFTVSFT TQ�DJGJRVFT - FOTFNCMF EFT EJTQPTJUJPOT EF #ÉMF *** EFWSPOU entrer en application au plus UBSE BV FS KBOWJFS /PUPOT RVF MFT QSPKFUT FVSPQ�FOT $3% FU $3% TPOU DFOT�T NFUUSF FO ”VWSF #ÉMF *** FO &VSPQF

de 1933 Ă 1999, les rĂŠflexions vont bon train en direction d’une sĂŠparation ĂŠtanche des activitĂŠs. Ainsi, de l’autre cĂ´tĂŠ de la Manche, le rapport de la commission prĂŠsidĂŠe par l’Êconomiste John Vickers prĂŠconisait dès 2011 des mesures strictes pour renforcer les fonds propres des banques et ainsi crĂŠer un mur ĂŠtanche entre leurs diffĂŠrentes activitĂŠs. Son application est prĂŠvue pour 2019. Dans son sillage, la Commission EuropĂŠenne prĂŠpare ses propres recommandations sur la base du rapport Liikanen. Commissaire europĂŠen chargĂŠ des services financiers, Michel Barnier devrait prĂŠsenter le projet de directive europĂŠenne sur la rĂŠgulation bancaire d’ici Ă fĂŠvrier. Il semble selon les informations du Financial Times que la Commission europĂŠenne ait renoncĂŠ Ă imposer un cantonnement strict des activitĂŠs spĂŠculatives. Le projet de rĂŠgulation des activitĂŠs bancaires en cours de prĂŠparation, inspirĂŠ en partie de la loi amĂŠricaine, renoncerait en effet Ă interdire purement et simplement qu’un mĂŞme ĂŠtablissement puisse Ă la fois mener des activitĂŠs de banque de dĂŠtail et des activitĂŠs spĂŠculatives risquĂŠes. Les Etats auraient en outre davantage de libertĂŠ pour appliquer les nouvelles normes.


ÂŤ La loi bancaire française devrait se traduire dans les faits par de premiers projets de gouvernance de systèmes d’information cette annĂŠe Âť En France, le politique a pris les devants et tranchĂŠ. S’agit-il d’un effet d’annonce comme le fait remarquer Guillaume AlmĂŠras ou est-ce une rĂŠelle avancĂŠe rĂŠglementaire significative ? La question reste posĂŠe. Quoiqu’il en soit, le vote de la loi bancaire qui a eu lieu l’ÊtĂŠ dernier impose aux banques universelles la filialisation de leurs activitĂŠs de marchĂŠ jugĂŠes spĂŠculatives, assortie d’un mĂŠcanisme de rĂŠsolution. Les discussions encore en cours sur plusieurs points, la loi bancaire française devrait se traduire dans les faits par de premiers projets de gouvernance de systèmes d’information cette annĂŠe. Sur le fond, toutefois, beaucoup s’interrogent sur la capacitĂŠ de cette loi Ă protĂŠger vraiment les dĂŠpĂ´ts des ĂŠpargnants et empĂŞcher les banques commerciales d’accorder des crĂŠdits pour des activitĂŠs spĂŠculatives. ÂŤÂ En coupant les banques universelles en deux afin de sĂŠparer banques commerciales d’un cĂ´tĂŠ et banques de marchĂŠ de l’autre, on limite la taille des dĂŠfaillances possibles, mais nullement les risques , met en garde Guillaume AlmĂŠras. En clair, une telle sĂŠparation n’aurait ĂŠvitĂŠ ni la crise des subprimes, ni l’effondrement de Lehman Brothers et ni la crise immobilière espagnole.

UNION BANCAIRE : DIX ANS D’INCERTITUDES POUR LES BANQUES EUROPÉENNES ?

CensĂŠ ĂŠviter qu’une nouvelle crise bancaire ne se transforme en crise de la dette au sein de la zone euro, le projet d’Union bancaire concoctĂŠ par les ministres des finances de la zone Euro au mois de dĂŠcembre dernier recueille, malgrĂŠ sa complexitĂŠ et ses insuffisances, l’adhĂŠsion de la FĂŠdĂŠration Bancaire Française qui y voit ÂŤÂ une avancĂŠe importante pour la stabilitĂŠ du système bancaire europĂŠen . Le projet repose sur trois piliers : un système intĂŠgrĂŠ de supervision, un rĂŠgime unique de rĂŠsolution bancaire et un fonds europĂŠen de garantie des dĂŠpĂ´ts.

Au sujet de ce dernier point, la FBF souligne l’impact financier que la mise en place de ce futur fonds de rĂŠsolution aura sur le compte d’exploitation et les fonds propres des banques. L’accord prĂŠvoit en effet la crĂŠation progressive d’un fonds europĂŠen avec des compartiments nationaux qui pourraient ĂŞtre utilisĂŠs pour assurer la rĂŠsolution ordonnĂŠe d’un ĂŠtablissement Ă partir du 1er janvier 2016. La FBF craint que les modalitĂŠs d’alimentation ex ante de ce fonds ne viennent rĂŠduire Ă due concurrence leurs rĂŠsultats et leurs fonds propres puisque les montants que les banques europĂŠennes y verseront – estimĂŠs Ă 55 milliards d’euros en dix ans – s’ajouteront aux contributions versĂŠes au Fonds de garantie des dĂŠpĂ´ts. ÂŤÂ Ceci rĂŠduira la capacitĂŠ de financement de l’Êconomie puisque Bâle III impose aux banques europĂŠennes un niveau de fonds propres beaucoup plus ĂŠlevĂŠ pour faire du crĂŠdit Ă leurs clients , explique-t-on du

cĂ´tĂŠ de la FBF qui estime impĂŠratif que la taxe systĂŠmique crĂŠĂŠe il y a 3 ans et versĂŠe par les banques françaises au budget de l’Etat soit affectĂŠe Ă ce fonds de rĂŠsolution dès 2014 ÂŤÂ conformĂŠment Ă sa logique intrinsèque . Autre inquiĂŠtude de la FĂŠdĂŠration bancaire : la lourdeur et la complexitĂŠ du schĂŠma de dĂŠcision retenu par le Conseil. Nombre de professionnels ont notĂŠ en outre l’insuffisance de la cagnotte de sauvetage en cas de problème. Quoiqu’il en soit, mĂŞme si cette mutualisation peut masquer les insuffisances de Bâle III, ÂŤÂ l’Union Bancaire aura peu d’impact pour l’instant sur les systèmes d’information , estime Alexandre Kurtz. ÂŤÂ Le projet d’Union Bancaire introduit une pĂŠriode d’incertitude de dix ans qui risque de fragiliser les banques des pays de l’Europe du Sud , affirme Guillaume AlmĂŠras. Des rachats de banques europĂŠennes par des banques amĂŠricaines ne sont pas Ă exclure.

JO COHEN

Un mĂŠcanisme unique de rĂŠsolution pour l’Union Bancaire 1SFNJFS QJMJFS EF M 6OJPO #BODBJSF MB TVQFSWJTJPO VOJRVF TFSB DPOGJĂ?F Ă‹ MB #BORVF DFOUSBMF FVSPQĂ?FOOF &MMF FOUSFSB FO WJHVFVS GJO -F TFDPOE QJMJFS QSĂ?WPJU MB DSĂ?BUJPO E VO NĂ?DBOJTNF VOJRVF EF SĂ?TPMVUJPO DIBSHĂ? E PSHBOJTFS MB GBJMMJUF Ă?WFOUVFMMF EFT CBORVFT EF MB [POF FVSP *M EPJU QFSNFUUSF E Ă?WJUFS RVF MFT DSJTFT CBODBJSFT OF SFKBJMMJTTFOU TVS MFT GJOBODFT EFT &UBUT EF MB [POF FVSP *M‍ڀ‏EĂ?NBSSFSB FO ‍ڀ‏FU T BQQMJRVFSB FO

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points majeurs

BIG DATA L’algorithme au cœur des décisions

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points majeurs « Mine d’or de l’Europe ». C’est l’expression utilisée par Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne, commissaire à la Justice, pour qualifier le traitement des données. Des estimations confirment ainsi que le PIB de l’UE pourrait croître de 4 % en 2020 avec ce marché prometteur. En effet, la quantité de données dans le monde explose. Jusqu’à présent, les besoins et les habitudes des individus et entreprises ont parfois été mal analysés et le coût de l’information pour toucher certaines cibles demeurait trop élevé. L’industrie bancaire prend conscience du potentiel d’exploitation des données d’information appelé Big Data. Cette démarche recoupe à la fois la collecte de données et de nouvelles méthodes de traitement pour fournir des services innovants tout en inventant de nouvelles organisations et modèles économiques. ANALYSE PATRICE REMEUR

« Nous sommes la première entreprise au monde à automatiser entièrement le processus de prêt et à approuver des prêts qui sont généralement versés sur les comptes bancaires en quelques minutes. Non seulement nous offrons des prêts d’une manière claire et souple, mais nous sommes très sélectifs sur les personnes et les entreprises que nous aidons ». Ce n’est pas une fiction. La société Wonga, basée à Londres, est une entité financière qui délivre des prêts à la consommation et des avances sur salaires en se basant sur l’analyse de quantités de données : le Big Data. Des robots parcourent la toile pour collecter des milliers de morceaux de données, structurées ou non, relatives au candidat (réseaux sociaux, vidéos en ligne, Internet, géolocalisation…). Celles-ci sont traitées à travers différents algorithmes et critères en vue d’établir un scoring de l’emprunteur. Les prétendants sont ainsi classés en fonction de leurs profils de risques, qui définissent le tarif. « Nous sommes en train d’ébranler le vieux monde des grandes banques et les prêteurs traditionnels avec une gamme de services simples, transparents et souples qui sont actuellement disponibles au Royaume-Uni et en Afrique du Sud », annonce la société. Effectivement. Une évolution majeure est en marche par-

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tout dans le monde et touche l’ensemble des secteurs. La capacité à exploiter les données n’est pourtant pas nouvelle, notamment dans l’industrie bancaire. Cependant, celle de recueillir, d’analyser de gigantesques quantités de données rapidement est une première dans l’histoire de l’humanité. Le Big Data, qui est une branche nouvelle de la robotique, permet désormais d’industrialiser les services et de produire des analyses prédictives.

UNE DÉMARCHE TARDIVE DES BANQUES

L’exploitation des données, y compris factuelles - nom, sexe, date de naissance –, comportementales - habitudes d’achats, utilisation de produit -, émotionnelles - avis sur une marque, sentiments sur un produit... - est appelée à révolutionner l’industrie bancaire et celle des paiements. D’autant plus que les contraintes réglementaires poussent les banques à exploiter les données collectées et à les transformer en informations intelligibles pour gagner de nouveaux marchés, réduire les coûts et gérer plus efficacement les risques. Pour l’instant, les banques commencent tout juste à adopter l’utilisation de données de masse. Seulement 70 % d’entre elles se seraient lancées dans ce type de projet selon une

La société Wonga, basée à Londres, est une entité financière qui délivre des prêts à la consommation et des avances sur salaires en se basant sur l’analyse de quantités de données : le Big Data. 34 POINT BANQUE FÉVRIER 2014

étude Efma et Kurt Salmon publiée au mois de juillet 2013. La démarche de Big Data permet pourtant d’augmenter les performances de l’entreprise et d’atteindre un marché que certains vont jusqu’à qualifier « d’or noir ». Une étude sur plus de 400 grandes entreprises réalisée par Bain et publiée au mois de septembre 2013 montre que les entreprises ayant une démarche de Big Data sont deux fois plus susceptibles d’être dans le premier quartile de la performance financière au sein de leurs industries et sont cinq fois plus susceptibles de prendre des décisions beaucoup plus rapidement que leurs pairs du marché. Les avantages pour l’industrie bancaire sont nombreux. Sur les ventes et le marketing, les transformations sont conséquentes. Surtout en l’état actuel des choses. Moins d’un tiers des banques se déclare en mesure de personnaliser complètement leurs actions de marketing en ligne, selon l’étude Efma et Kurt Salmon. Et nombre d’études montrent que c’est le manque de produits et de services adaptés qui conduisent les clients - et ce peu importe le pays - à changer de banque. La collecte de données plus précises et leur exploitation permettent de répondre exactement aux besoins des clients avec une meilleure compréhension de leur comportement et de leurs attentes. Pour la banque, il est alors plus aisé de lui présenter une offre personnalisée et adaptée pour laquelle le client dispose d’une capacité et d’une propension à payer que l’on peut prédire depuis les informations collectées, tout en déterminant la probabilité de réussite de conclusion du contrat et le rendement. En adressant au bon moment et par le bon canal avec le bon message, le conseiller contribue à la réussite de sa vente tout en renforçant la satisfaction du client, sa fidélisation à l’enseigne et la réputation


de la marque. A ce titre, la mise en place d’outil Big Data par la banque italienne San Paolo aurait permis d’augmenter la fréquentation de ses agences de 28 %, de vendre davantage de produits tout en améliorant la fidélisation dans un contexte de crise. Le Big Data peut permettre d’atteindre de nouvelles cibles. Comme par exemple toucher plus facilement les 20 millions de personnes en Europe et les 2 milliards d’individus jusqu’alors exclus du système bancaire en raison de carence d’informations et du coût de l’information inexacte. En outre, depuis la quantité des données relatives au prix, il est plus simple de déterminer également en temps réel les marges possibles comme le positionnement face à la concurrence. C’est aussi l’opportunité de réinstaurer une négociation directe pour faciliter la conclusion d’accords. Ces outils peuvent faciliter les ventes croisées ou additionnelles. A contrario, cette technologie offre également la possibilité d’identifier les cibles qui peuvent être exclues en raison d’échecs probables ou faute de rentabilité. Autrement dit, elles contribuent à diminuer les coûts provoqués par les échecs, tout en permettant de réaffecter ces moyens financiers vers la conquête ou la couverture des besoins des clients. Enfin, l’utilisation de données permet d’améliorer les futurs produits ou services innovants avec des retours en quasi temps réel et des mesures de satisfaction. Mais aussi la possibilité de mettre en place des actions proactives comme par exemple des financements avant qu’une période difficile ou faste se produise. C’est également la possibilité d’anticiper des difficultés avant qu’elles ne se transforment en problèmes ou conflits coûteux.

DÉTERMINER LES RISQUES ET FACILITER DES CONTRÔLES ANTICIPÉS

L’utilisation de ces données permet de réduire efficacement les risques grâce à une évaluation fine. Elles permettent la mise en place d’un modèle prédictif de comportements et d’établir un scoring des risques, le tout en temps réel ou quasi-immédiatement. Le Big Data permet de gagner en réactivité et ainsi de limiter considérablement les pertes éventuelles. Ce système propose également une plus grande appréciation des perspectives de risques, sur un

crédit par exemple. Une fois celui-ci accordé, la combinaison avec des données relatives aux comportements de paiements, dettes... procurent un profil plus précis et permet de détecter les signaux d’alertes. Mieux connaître le comportement des clients, c’est aussi pouvoir assurer un suivi pertinent, fournir des conseils personnalisés de planification financière et ainsi limiter les échecs, et donc les pertes, tout en augmentant le service. LexisNexis s’est rapidement lancé sur ce marché et propose aux institutions financières d’identifier, depuis des extractions de données, les personnes et même les relations familiales, afin de réduire la fraude ou les pertes. Dans le cadre des prochaines réglementations LAB-FT, les modèles prédictifs corrélés avec les

jeux de données publiques peuvent contribuer à déceler des situations à risques et ainsi engager des mesures de traitement ou de prévention. Ces démarches viennent également compléter les processus de conformité. Les données peuvent, par l’identification de « signaux faibles », prévenir des dysfonctionnements et aider à diagnostiquer les menaces éventuelles. A titre d’illustration, Google a montré qu’il y avait une relation directe entre les recherches sur Internet des symptômes grippaux et la propagation de la grippe. Dès lors, il est facile d’imaginer par exemple une relation entre les recherches sur la fraude à la carte bancaire et les passages à l’acte en vue de mieux parer les menaces et épisodes d’attaques. Dans le cadre d’activités de marchés, ces armes peuvent être à la fois de formidables opportunités comme de terribles menaces. Elles permettent d’identifier les valeurs probablement gagnantes. Ce sont malheureusement également celles qui attirent les organisations les plus malveillantes.

RÉFORMER L’ORGANISATION

Le Big Data est avant tout une démarche qui impacte l’ensemble de l’organisation et exige la refonte des processus (lire l’interview de Mathias Herberts). Les outils de Big Data constituent un « bien commun » aux mains des utilisateurs. Ce sont eux qui alimentent en partie en information mais surtout les extraient, les analysent et les utilisent. La démarche apporte de la transparence et décloisonne la structure, en permettant à tous une visibilité comme un accès aux données tout en améliorant la coopération et en réduisant les

Mieux connaître le comportement des clients, c’est aussi pouvoir assurer un suivi pertinent, fournir des conseils personnalisés de planification financière et ainsi limiter les échecs, et donc les pertes, tout en augmentant le service. 35

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Mathias Herberts, Citizen Data

« Prendre en compte la donnée dans le processus de décision stratégique de l’entreprise » Mathias Herberts est l’un des experts qui a introduit le Big Data en France. Après avoir travaillé chez Google puis dans un groupe bancaire de premier plan, il est désormais l’un des co-fondateurs de Citizen Data, entreprise spécialisée dans le Big Data et nous apporte un éclairage sur les enjeux pour l’industrie bancaire.

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Quels sont les enjeux du Big Data pour les banques ? Je n’aime pas le terme Big Data car aujourd’hui, il ne veut plus rien dire. Ce qui est important dans l’industrie bancaire, mais c’est également valable dans d’autres secteurs, c’est la prise en compte de la donnée et son positionnement dans le processus de décision stratégique de l’entreprise. Aujourd’hui, dans l’entreprise, ce qui n’a pas d’intérêt propre, ce sont les données, qui sont neutres, alors même que certains collaborateurs ne partagent pas les données pour des calculs personnels. Ils peuvent disposer d’agendas cachés, de données non partagées ou inaccessibles... Or si vous voulez avoir une vision précise de l’entreprise, de son activité économique et de son développement, il faut positionner la donnée au centre. Pour faciliter la prise de conscience liée au phénomène Big Data, il faut donner un rôle fondamental à la donnée et à son analyse. Il convient de prendre en compte ce rôle de façon prépondérante dans la stratégie. Parce que la réalité de l’activité est là, dans la donnée.

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Illustration : Des personnes peuvent avoir une intuition basée sur 30 ans de pratique dans la banque. Mais il s’avère que parfois, elles se trompent. Le Big Data permet de déceler et de dire à 99 % les pratiques des clients de manière objective. C’est une pratique à instaurer. Par exemple, chez Google, il y a deux écrans de projection en salle de réunion. L’un pour la présentation, l’autre pour les données afin de voir ce que les informations disent vraiment et d’essayer de comprendre objectivement. L’enjeu est de prendre en compte la donnée et d’arriver à un niveau de démarche d’objectivité pour laisser les a priori et les ego de côté. Cette démarche est une impulsion qui relève de la direction générale car c’est une vision stratégique et structurante à laquelle tout le personnel doit adhérer. On va pouvoir au sein de l’ensemble de l’entreprise instaurer cette démarche. Or dans le secteur bancaire, il y a des enjeux organisationnels forts en raison de pouvoirs et ambitions mais aussi avec des personnes qui se sentent propriétaires des données de leur segment de clientèle. Les professionnels du crédit conservent les données, les professionnels du paiement idem... Les collaborateurs n’ont pas une vision globale de leur rôle dans l’entreprise. Dans une démarche de Big Data, personne n’est propriétaire de la donnée à part l’entreprise. Par contre, chacun est responsable des données dans son domaine fonctionnel. Et chacun a la responsabilité de fournir de la donnée avec une qualité et une

disponibilité contractuellement fixées ce qui bouleverse l’approche et l’organisation. Ces données doivent être accessibles à n’importent quelles entités de l’entreprise sauf pour les informations soumises à un cadre réglementaire. Par exemple, les banques pourront se rendre compte que les clients qui ont un certain type comportement sont aussi ceux qui ont un encours élevé sur certains livrets ou produits. Finement analysées, on pourra ainsi déduire de ces données un certain nombre de produits et services adaptés et innovants à proposer. Les contraintes ne sont-elles pas aussi technologiques ? Il faut réussir à dépasser l’approche en silo. L’un des problèmes auxquels sont confrontées les banques, par exemple sur les risques et sur la fraude, c’est qu’elles ont à peu près toutes acheté les mêmes progiciels sur étagère, proposés par les différentes entités qu’elles ont contribué à créer par l’externalisation de leurs services informatiques. Elles ne savent plus faire ce travail de traitement et d’analyse des données. Du coup, elles connaissent des difficultés à se différencier. L’une de leur priorité devrait être de recruter des mathématiciens et des équipes pour travailler sur ce sujet en leur demandant de revenir avec des idées et des choses qu’elles ont découvert. Elles pourront ensuite capitaliser sur cette connaissance, et non pas uniquement sur une finalité marketing qui est une vision

réduite des possibilités d’une telle démarche transverse. Il faut analyser les données pour surprendre le client et gagner en pertinence. Les banques ont les informations et les outils pour pouvoir imaginer des choses. Elles ne peuvent pas attendre d’une entreprise de services d’explorer les choses à leur place, car c’est vraiment stratégique. Le risque serait de se voir voler des idées et des opportunités ! A elles de faire leur révolution. L’approche réseau social est l’occasion de tripatouiller des données et de se différencier. C’est une question de survie pour elles. Ce n’est pas sur les taux financiers que les banques vont se différencier, mais sur l’imagination à créer de nouveaux services et organisations. Quels conseils donneriez-vous aux banques qui s’engagent dans de telles démarches ? Le premier est de ne pas chercher à faire un big bang. Le deuxième est de ne pas tenter d’agir pour faire de la communication. Le troisième est de commencer par des petites choses. Par exemple, quand vous allez retirer de l’argent dans un GAB. Vous mettez votre carte. On va vous proposer différents montants. Statistiquement, la banque sait que vous retirez 40 euros à chaque passage. Pour quelles raisons, on ne vous propose pas 40 euros immédiatement ? Ça ferait gagner du temps à tous et le consommateur aurait une petite satisfaction d’avoir son montant préféré. Ce sont ces petites choses qui facilitent


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la vie du client, car il va y passer moins de temps, la banque aura plus de rotations et donc d’utilisateurs. Il faut également que les banques capitalisent et mesurent les effets. Bien souvent, les banques ne prennent pas le temps d’analyser finement l’impact, les conditions du succès et des échecs des différentes actions. Il faut également faire entrer dans les banques des gens qui ne sont pas issus du monde bancaire pour apporter des idées différentes. Il serait également judicieux de mettre en place un chief technology officer directement sous la responsabilité des dirigeants pour s’occuper des technologies et des innovations. Ce n’est pas un DSI. Enfin, il faut changer de regard. En Europe, à la différence des US, l’informatique est considérée comme une informatique de support. Or, c’est un outil au service de la stratégie. Goldman Sachs dès 2005 a compris l’enjeu et a réintégré les informaticiens dans la banque, car c’est le cœur de ses affaires. Aujourd’hui la banque, ce n’est plus les billets de banque ou les lingots d’or. C’est l’information. Comment les banques centrales s’appuient t-elles sur Google ? Les banques centrales et les gouvernements peuvent-ils s’appuyer sur le moteur de recherche Google pour anticiper précisément le taux chômage, l’inflation, la chute des crédits ou encore la trésorerie des PME ? Peuvent-elles ajuster rapidement leur politique avec ces données en temps réel ? La réponse est oui. La Banque d’Italie a publié les travaux de deux chercheurs Italiens, Francesco d’Amuri - économiste et représentant suppléant de la Banque d’Italie au Comité de politique économique Ecofin - et Juri Marcucci - démographe Italien de l’Université de Bocconi. Intitulé « le pouvoir prédictif des recherches Google sur les prévisions du taux de chômage », le document approfondit et élargit à d’autres champs les travaux déjà existants : ceux de Benjamin Edelmann relatifs à la prévision du taux de natalité, ou ceux de Jérémy Ginsberg sur les propagations de pandémies à partir du célèbre

moteur de recherche. Ou encore les recherches de Hyunyoung Choi et Hal Varian, qui ont utilisé les données de Google et ont montré la capacité d’anticiper avec précision les ventes au détail, les achats de maisons et les voyages aux États-Unis. Les travaux de Main et Juge, ont quant à eux permis de prédire les entrées dans les cinémas à partir des données mensuelles collectées par Google. Des prévisions supérieures à celles des gouvernements... Les deux chercheurs italiens terminent leurs travaux sur les US sur la conclusion que les prédictions basées sur Google sont supérieures à celles établies par le gouvernement américain ! Ces travaux complètent une étude publiée au mois de mai 2012 par la Banque centrale de Turquie, qui allait déjà dans ce sens. Les chercheurs turcs Meltem Gülenay Chadwick et Gonul Sengul confirmaient également la performance du moteur de recherche pour réaliser des « prévisions immédiates ». La BCE mène une réflexion pour intégrer les outils Google… La Banque centrale d’Israël utilise déjà l’outil. Décliner des indicateurs dans tous les secteurs offre des possibilités immenses et à faible coût. En Espagne, le groupe financier BBVA a lancé un partenariat avec Google pour utiliser ces outils à grande échelle. Et le marché ne fait que commencer. Progressivement, plusieurs banques centrales - Italie, Royaume-Uni, Espagne, Chili -, la BCE et la Fed ont lancé des travaux de réflexion sur l’intégration de ces nouveaux indicateurs basés sur Google. Cependant, si l’outil est séduisant, des interrogations demeurent sur la fiabilité des données. Le chercheur Benjamin Edelmann, de l’Université d’Harvard, conteste ainsi l’impartialité de Google dans la construction des résultats...

coûts. C’est également un accélérateur d’actions alors qu’il fallait plusieurs jours pour obtenir des données et les transformer en information avec les systèmes analytiques traditionnels. La démarche permet de gagner du temps pour agir mieux et plus vite. Elle autorise les banques à piloter et déployer rapidement les personnels et les moyens les plus appropriés avec les canaux de communication adéquats, ce qui permet de délivrer un meilleur service mais aussi d’augmenter les chances de ventes. Par exemple, les données de fréquentation ou de contact peuvent être intégrées dans un outil de planification. Elles peuvent également réduire drastiquement les coûts par une gestion fine de la présence de conseillers ou au contraire le choix de passer par un autre canal. Cependant, de telles prouesses exigent de s’être doté d’experts capables à la fois de gérer et d’interpréter les données, avec une bonne compréhension des enjeux pour l’entreprise, une capacité de travailler de manière transversale et à connaître la réglementation sur la confidentialité des données. Elles exigent également de s’être doté des technologies et d’infrastructures adéquates pour assurer le bon traitement comme la sécurité des données. Mais aussi de savoir-faire digérer et anticiper la future réglementation européenne relative aux données personnelles, prévue pour 2015. En attendant, face à de telles perspectives, certaines banques ou prestataires de services de paiement ont commencé à vendre leurs données brutes relatives aux achats de leurs clients. Les commerçants peuvent ainsi pousser la bonne réduction au bon moment, doper les ventes et les transactions... Un rapport publié par Aite Group indique que les probables recettes financières annuelles issues de la vente de données brutes pourraient atteindre de 1,7 milliards de dollars pour les émetteurs de cartes de crédit d’ici à 2015, contre 100 millions de dollars en 2010 !

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