N°91 MAI 2014
MONNAIES LOCALES Enjeux et perspectives
INTERVIEW BANQUE & COM
RCI BANQUE
mise sur la simplicité
LE MAGAZINE DE L’INDUSTRIE BANCAIRE ET DES MOYENS DE PAIEMENT
Sécurité et banque à distance Une équation complexe
MICHEL ROUX Directeur du développement des Banques Populaires
Dématérialisation des titres restaurant Vers de nouveaux usages
éditorial
mPOS : essor d’un marché prometteur
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ANDRÉA TOUCINHO, RÉDACTRICE EN CHEF
armi les marchés en éclosion dans le secteur des paiements, le mPOS est, selon certains experts, l’un des plus prometteurs. Surfant sur le succès de la CB auprès des consommateurs, cette innovation, qui a d’abord vu le jour aux Etats-Unis en 2010, suscite de plus en plus l’intérêt des professionnels du secteur. Et pour cause, l’utilisation du mobile pour encaisser le paiement par carte – d’où l’acronyme mPOS pour mobile point of sale – permet de pallier deux situations : d’une part, le faible taux d’équipement des professionnels et des entreprises en moyens de paiement électroniques, et, d’autre part, la sécurité des moyens de paiement traditionnels, en l’occurrence le chèque et les espèces, qui sont encore fortement utilisés dans certaines professions. Fortes de ce constat, certaines banques françaises ont pris les devants en plaçant d’ores et déjà leurs pions sur ce marché. Les lancements de Smart TPE par Crédit Agricole et Monem Mobile par LCL ont ainsi été complétés par l’offensive Dilizi du groupe BPCE, sachant que BNP Paribas propose également une offre, baptisée Mobo, sur ce marché. De leur côté, les prestataires se montrent également intéressés par cette nouveauté : le lancement de Payleven en France est ainsi parallèle à l’engagement d’Ogone aux PaysBas tandis que le telco Orange, par le biais de sa filiale w-HA, propose d’ores et déjà une offre dans ce domaine. Pour les représentants des professionnels et des entreprises également, le mPOS apparaît comme une solution aux coûts liés à la gestion des paiements traditionnels, souvent qualifiés de peu sûrs, comme en témoigne l’édito d’expert de Bernard Cohen-Hadad, président de la commission fi-
RÉDACTION Rédactrice en chef Andréa Toucinho andrea.toucinho@publi-news.fr est publié par Publi-News 23 bis rue Danjou, 92100 Boulogne-Billancourt Directeur de la publication Marc Laufer E-mail publi.news@publi-news.fr Tél. 01 75 60 28 40 Fax 01 47 57 37 25
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nancement des entreprises de la CGPME (lire page 39). De quoi confirmer que le marché du mPOS se construit dans l’Hexagone sous le regard attentif des acteurs de la carte, tels que le GIE CB ou encore Visa Europe, qui veillent à ce que cette innovation ne remette pas en cause la sécurisation des transactions (lire article de la rubrique briefing). Comment les solutions de mPOS seront appréhendées par les professionnels et les entreprises ? Quelles offres se distingueront ? Quels nouveaux usages émergeront sous l’impulsion de cette innovation ? Telles sont les quelques questions qui peuvent être posées à l’heure où ce marché, encore en construction en France, devrait connaître ses premières évolutions en 2014-2015. A suivre.
« Surfant sur le succès de la CB auprès des consommateurs, cette innovation, qui a d’abord vu le jour aux EtatsUnis en 2010, suscite de plus en plus l’intérêt des professionnels du secteur. »
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sommaire
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3 éditorial 6 brief briefing fing g
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Banque à distance Un tournant pour la sécurité ? Monnaies locales Quelles opportunités pour les banques ? Paiements Déclin du chèque
et progression du cash
57 agenda 58 prochain numéro
Evénement Entrée en vigueur du décret sur la dématérialisation des titres restaurant
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Cartes La person-
nalisation à l’heure du standard PCI-PC 5
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interview
briefing
Michel Roux, Banque Populaire « Nous nous projetons déjà dans le monde de demain »
Objectifs de conquête sur le segment des particuliers, ambitions sur les cibles jeunes et professions libérales, etc. La Banque Populaire souhaite en 2014-2015 poursuivre son développement en misant notamment sur les outils de la banque de demain, tels que la signature électronique, les réseaux sociaux, ou encore le mobile. Michel Roux, directeur du développement des Banques Populaires, s’exprime sur le positionnement de l’entité. PROPOS RECUEILLIS PAR ANDRÉA TOUCINHO PHOTOS T. GOGNY / BPCE
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briefing interview
« Notre objectif est d’être du côté, et non pas seulement aux côtés, des entrepreneurs. » Le réseau des Banques Populaires est caractérisé par une forte notoriété notamment dans le segment des professionnels et des entreprises. Pourquoi ce positionnement ? Le réseau des Banques Populaires est effectivement fortement ancré dans le paysage et fait partie des marques préférées des Français. Nous bénéficions d’une position de leader sur le segment des professionnels et des entreprises et nous continuons à avancer en cultivant cette singularité dans le monde bancaire. 41 % des entreprises en France ont une relation bancaire élargie avec les Banques Populaires, selon une étude TNS Sofres datant de juin 2013. Cela nous
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donne une responsabilité vis-à-vis de nos clients. Dès fin 2012, nous nous sommes par exemple engagés à mettre à leur disposition une enveloppe de crédit de 7 Md€ et à fin 2013 nous leur avons accordé plus de 9 Md€. Cette démarche a été très appréciée car elle contribue à envoyer des signaux de confiance en période de difficulté. Nous avons également lancé le prêt « Innov & Plus » pour financer les innovations car nous pensons qu’on ne peut pas offrir des produits classiques aux entreprises. Notre objectif est d’être du côté, et non pas seulement aux côtés, des entrepreneurs. Cela passe également par la prise en considération du chef d’entreprise qui a besoin de sur-mesure. C’est
pourquoi, nous avons mis la banque et les flux dans la poche du chef d’entreprise. Nous misons également sur nos partenariats avec les organisations professionnelles ainsi que sur la réactivité de nos 6 400 conseillers, dans nos 3 300 agences et nos 156 centres d’affaires : un maillage d’expertise coûteux et assumé qui vise à mettre une organisation réactive à la disposition du chef d’entreprise. Quid de votre positionnement sur les autres segments ? Un de nos autres marchés phares est celui des jeunes. Banque Populaire est la banque choisie par les jeunes avec un taux de pénétration qui dépasse la clientèle des
particuliers, notamment chez des étudiants et les jeunes actifs. Cela est notamment lié à notre démarche affinitaire qui repose sur des partenariats solides comme NRJ et la LMDE. A titre d’exemple, plus de 70 % des jeunes conquis il y a cinq ans lors du lancement de la carte NRJ Banque Pop’ sont encore aujourd’hui clients des Banques Populaires. Nous sommes également fortement représentés chez les apprentis via le financement des études, du kit d’outillage et de l’avance premiers salaires. Notre objectif est de ne pas gérer la relation clients de façon industrielle mais de proposer des solutions individuelles pour répondre à des besoins uniques. Par ailleurs, dans cette période où les occasions de bouger pour les jeunes sont nombreuses, nos 17 agences e-BanquePopulaire peuvent aussi leur apporter la souplesse attendue. Justement, quel est votre positionnement sur le Web et le mobile ? Le groupe BPCE est également fortement positionné sur la dématérialisation et la signature électronique. Où en êtes-vous sur ces initiatives ? 2 000 agences Banques Populaires proposent à ce jour la signature électronique en agence, solution que nous déployons également pour les ventes à distance comme pour les achats en ligne. Le même process est utilisé dans les trois cas, le client ayant des usages cross canal. Pour sécuriser la procédure, nous misons sur une authentification forte via saisie du code PIN de la CB sachant que le contrat numérique est ensuite archivé dans nos systèmes. Nous aurons terminé le déploiement avant la fin de l’année 2014. Nous sommes présents évidemment
points majeurs l’événement
Un tournant pour la sécurité de la banque à distance ?
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Sophistication croissante des attaques, esquisses de protection non intrusive du terminal client‌ le paysage de la sĂŠcuritĂŠ de la banque Ă distance change. En revanche, l’espionnage de la Ę˜ Ť ĹŚ Ť Ť !.( tŤ Ť Ę˜M? pour l’heure du moins, les pratiques des banques.
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points majeurs
Assurer la sécurité de la banque à distance sans imposer de smartphone au moment où les cyberattaques deviennent
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a sécurité des infrastructures informatiques des banques a été sous les projecteurs de l’actualité depuis les révélations d’Edward Snowden à la presse allemande. La branche «Follow the Money» de la NSA aurait accédé aux données des transactions du réseau Visa ainsi que du réseau Swift afin d’alimenter une base de données financières de plusieurs millions d’enregistrement. Quel impact ces révélations ontelles eu sur les pratiques de sécurité des banques françaises ? Aucun pour le moment. « Cette absence de réaction nous a fortement surpris » confie à ce sujet Renaud Bidou, directeur technique de l’éditeur français Deny All. Ces révélations ont pourtant montré clairement que certains équipements d’origine américaine comportaient des « backdoors » facilitant des écoutes indiscrètes. Pour l’heure, les banques françaises continuent de déployer certains équipements montrés du doigt. Faudra-t-il attendre que l’ANSSI intervienne pour qu’elles engagent une réflexion de fond sur ce sujet sensible ? Les mois prochains apporteront de premiers éléments de réponse. Un récent sondage du prestataire de services managés de sécurité NTT Communications auprès de mille DSI dans le monde montre en effet que les trois quarts d’entre eux
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vont réétudier de fond en comble les modalités de protection de leurs données. En marge de cette péripétie, loin d’être anodine, les infrastructures réputées ultra-sécurisées des banques subissent de plus en plus d’attaques ciblées particulièrement sophistiquées. « Ce sont surtout les attaques par déni de service distribué qui inquiètent les banques pour le moment » explique Thierry Karsenti, directeur technique pour l’Europe chez CheckPoint, pionnier du firewall. Et pour cause : la disponibilité du service en ligne conditionne la confiance du client et la réputation de l’établissement. Jusque là, les banques gardaient les bases de données dans leur datacenters et déportaient le frontal de l’application Web chez un hébergeur disposant d’une large bande passante afin de résister aux attaques DDoS. Cette architecture est remise à plat depuis que les cybercriminels lancent des attaques de type « slow & low ». Ce sont des attaques de plus courte durée et de plus faible amplitude afin de ne pas être détectées de suite avant l’effondrement du service. Les cybercriminels en profitent alors pour demander des rançons. « Répondre à ce type d’attaque nécessite d’installer de nouveaux équipements sur le réseau et d’apprendre à s’en servir » précise Thierry Karsenti. Les banques françaises ne sont plus à l’abri non plus de campagnes de phishing avec des emails écrits dans un français sans faute. « La France est moins épargnée qu’elle ne le fut à une époque » constate François Marchessaux, associé en charge du secteur bancaire chez Colombus Consulting, cabinet de conseil en stratégie et management. Près de 70 % du phishing financier visait des banques de premier plan l’an dernier, en hausse de 20 %. La France échappe de moins en moins à ces attaques. Les banques vont-elles continuer à jouer la surprotection ? Peu probable, car cette politique, adaptée à la protection périmétrique, coute cher et ne répond plus aux récentes évolutions technologiques. « Une protection plus sélective et plus dynamique, centrée sur les données, va prendre progressivement le relais » estime François Marchessaux. Il est vrai que les nouvelles attaques ciblées remettent en cause la protection périmétrique par
Paiements : Déclin du chèque et progression du cash, P.40 édito d’expert
PME : jouer la bonne carte, tout simplement !
C
Bernard Cohen-Hadad Président du think tank Etienne Marcel Président de la Commission ʘ Ť Ŧ de la CGPME
hacun le sait, plus on est jeune moins on est attaché à l’utilisation du chèque bancaire. Et dans un monde qui bouge, le chèque conserve un aspect administratif et formel. Chacun le sait encore, le nombre de ventes de smartphones et de tablettes, en France, a détrôné définitivement celui des ventes d’ordinateurs. C’est la victoire de l’ultra-mobilité. On comptait donc dans notre pays à la fin de l’année 2013, 75,5 millions de cartes SIM mobiles. Chacun le sait enfin, l’utilisation de la carte bancaire comme moyen de paiement est devenue un geste naturel. Elle est même perçue comme un attribut de légèreté, de liberté, voire de richesse, en fonction des capacités de crédits et de la gamme de services qu’elle peut offrir à son titulaire. Plus de 61 millions de cartes bancaires sont utilisées dans l’Hexagone. La France des consommateurs, des clients et des prospects à l’heure de la mondialisation des échanges, des achats, de la recherche d’informations sur les produits, surfe au quotidien sur Internet et prend définitivement de nouvelles habitudes. Les PME sont sous-équipées en terminaux de paiements, en retard de vitrines sur Internet et restent attachées à la matérialité des paiements. Ces entreprises sauront-elles bénéficier de la révolution du Mobile Point of Sale (mPOS) et du développement des cartes affinitaires ? En France les commerçants, artisans et professions indépendantes, sont en retard. Ils ne répondent pas efficacement à la demande de paiements par cartes pour plusieurs raisons : les mentalités et l’attachement aux modèles anciens tels que les espèces, chèques et virements. La longueur des contrats de terminaux de paiements, les commissions bancaires élevées pour les petits utilisateurs et l’absence de flexibilité des offres ont aussi leur influence. De leur côté, les banques n’ont jamais vraiment mis les moyens, marketing et de conseils, pour promouvoir les terminaux de paiement auprès des petites entreprises avec des offres
adaptées et compétitives pour des raisons de business model et sans doute de l’image qu’ils se font de ce type d’entreprises et de leur rentabilité interne. Le développement du mPOS est donc l’occasion d’inverser la tendance voire de prendre une longueur d’avance dans les points de ventes et dans les territoires. En effet, les pratiques de nos voisins démontrent que cela fonctionne. Il s’agit d’un encouragement à la vente qui répond à une attente des consommateurs. La sécurité des paiements est garantie pour les entreprises et les établissements financiers bénéficient de flux supplémentaires. Maintenant, quels réseaux bancaires joueront gagnant-gagnant, le mPOS avec les petites entreprises ? Le développement des cartes affinitaires est l’autre chantier sur lequel les PME doivent travailler avec les banques pour conquérir de nouveaux clients. D’ores et déjà les cartes co-brandées multifonctions d’enseignes se développent bien et bénéficient d’un attrait pour le client compte tenu des avantages et des services proposés. Elles concernent les belles PME. Elles valorisent l’adhésion, l’identification à la marque et répondent à un besoin de fidélisation de l’entreprise. Mais l’intérêt de la carte affinitaire se place sur un autre plan. Car on est plus seulement dans la relation mâchée du consommateur en B to B avec l’entreprise mais dans un lien communautaire et participatif actif qui mêle l’individu, la communauté qu’il a choisi, les valeurs de l’entreprise multimarques ou multiformes et indirectement la banque qui émet la carte. Et c’est cette nouvelle relation fondée sur un échange de services, sur un projet choisi et partagé qui est productrice de relations croisées, d’intérêts et donc de richesses matérielles ou immatérielles. On l’aura bien compris, le mPOS et les cartes affinitaires intéresseront les TPE et les PME à toutes les étapes de leur développement à condition que les banques prennent le temps de leur en parler.
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Paiements Déclin du chèque et progression du cash
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En dĂŠclin depuis plusieurs annĂŠes, l’usage du chèque reste intĂŠgrĂŠ aux us et coutumes des Français. Le cash continue de progresser, dopĂŠ par l’Euro, la crise ĹŚE Ť ĹŚ Ę˜Ĺ¤ ĹŚ Ť O żŤ ŌŤ >
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enjeux
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es derniers chiffres de la Banque de France confirment le déclin du chèque en France. Son usage continue de baisser en termes de volume et de montant moyen. Fin 2012, les Français avaient émis 2,805 milliards de chèques, un chiffre en baisse de 5,58 % par rapport à 2011. Le montant cumulé des transactions s’élevait quant à lui à 1.628,46 Md €, en baisse de 8,90 % par rapport à 2011. Quant au chèque moyen, il était d’un montant de 580,43 €. En fait, la baisse est continue depuis plusieurs années. A titre indicatif, rappelons que le nombre de chèques émis en 2008 était de 3,487 milliards pour une valeur cumulée de 2.069 Md €. Seul le montant moyen du chèque semble avoir mieux résisté à cette érosion puisqu’il est passé en cinq ans de 593 à 580 €. Ainsi que l’explique la Banque de France dans une étude de synthèse sur les moyens de paiement, « l’usage des chèques accélère sa décroissance ». Après un rythme moyen de baisse de – 3,8 % en volume et de – 1,9 % en valeur par an depuis dix ans, la décroissance s’est accélérée en 2012 pour atteindre – 5,6 % en volume et – 8,9 % en valeur. Il n’en demeure pas moins que les 2,8 milliards de chèques émis par les Français représentent près de 66 % des
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chèques émis dans l’Union européenne. Toujours selon la Banque de France, dans l’Union européenne, la baisse en montant des chèques, hors évolution de l’indice des prix à la consommation, était de – 13,6 % en 2012, plus marquée que celle observée en France (– 10,27 %). Est-ce pour autant la fin tant annoncée du chèque ? Peu probable pour ce qui concerne la France. « Le chèque est ancré dans les us et coutumes des Français », rappelle Jean-Marc Zeitoun, responsable des moyens de paiement chez NCR. Notons aussi que le chèque est fortement utilisé pour certains postes de dépenses des particuliers. Le Royaume Uni a annoncé la fin du chèque pour 2018, mais, sous la pression des ONG, la Banque d’Angleterre est revenue sur sa décision. Pourtant, certains pays voisins comme la Belgique ont fait disparaître ce moyen de paiement jugé « inefficace ».
LA PRODUCTIVITÉ EST VITALE POUR LA FILIÈRE CHÈQUE Dans ce contexte de baisse qui s’accélère, on comprend mieux la course à la productivité à laquelle se livrent les banques françaises sur une filière de moins en moins rentable, même si l’on prend en compte le
enjeux
Cartes
La personnalisation à l’heure du standard PCI-PC *
(*) PCI-Production Cards
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Les industriels capables de personnaliser les cartes bancaires en France se comptent sur les doigts d’une main. Soumis à des contraintes de sécurité de la part de PCI SSC, ils savent que leur avenir dépend des gains de productivité qui leur permettront de proposer la personnalisation de cartes au meilleur prix.
L
es chiffres l’attestent : la France reste le leader européen de la filière des cartes à puces, de leur production à leur personnalisation. « Cette filière représente près de 100 000 emplois dans l’Hexagone », précise à ce sujet Philippe Delanoue, président de l’Association des Fabricants et Personnalisateurs de Cartes (AFPC). L’AFPC compte parmi ses membres les quatre leaders mondiaux de ce marché, à savoir Gemalto, Oberthur, Morpho-Safran ainsi que l’allemand Giesecke & Devrient. La « petite association » compte aussi Crédit Agricole Cards & Payments (exCedicam), Euro P3C, CPS Technologies (Groupe Morpho/Safran) ainsi que des fabricants d’équipements comme l’américain Datacard, le suisse Kern, le français Evolis, sans oublier SELP, Mulann Ingénierie, Nagra ID, Orsud Valley et MGI. En France, l’ensemble des marchés qui utilisent la carte à puce représentent, y compris le secteur bancaire, quelque 250 millions de cartes avec une ou plusieurs technologies : pistes magnétiques, mémoire simple, microprocesseur à contact, chip sans contact… sans oublier, les hologrammes, la microédition, le guillochage et autres techniques qui assurent la sécurité du support contre la contrefaçon. Le secteur bancaire représente à lui seul près du quart de ce marché. Le Groupement Cartes Bancaires rappelle en effet qu’il circulait en France quelque 60,6 millions de cartes en 2012, un chiffre en progression de 1 % qui témoigne de la maturité de ce marché. Malgré la crise, les paiements par carte progressent en France puisque le Groupement estime qu’ils représentaient, toujours en 2012, près de 8,10 milliards de paiements de proximité (385,2 Md€ en valeur) et 517 millions de paiements en ligne (34,4 Md€) en France. Le nombre de paiements à l’étranger représentait pour sa part 319,6 millions (20,1 Md€). Quant aux retraits sur les automates bancaires, ils étaient au nombre de 1,54 milliards, soit un
montant de 121,6 Md €. La durée de vie d’une carte étant de deux ou trois ans, « le nombre de nouvelles cartes émises chaque année en France approche les 25 millions d’unités » estime Philippe Delanoue. La maturité de ce marché, à laquelle s’ajoute la crise qui perdure et les niveaux de sécurité qui augmentent depuis l’arrivée de la norme PCI-PC, sont autant de préoccupations pour les industriels de la personnalisation de cartes. Tirant son épingle du jeu avec un important marché captif, Crédit Agricole Cards & Payments se taille la part du lion sur le terrain de la production annuelle avec environ 9 millions de cartes personnalisées par an pour un parc de cartes estimé à 16 millions pour l’ensemble du Groupe Crédit Agricole. Notons que plus d’un million de cartes bancaires LCL ont été intégrées à cette activité en 2013. CA-CP fabrique aussi les cartes de la BCI et de RCI. La production moyenne de Crédit Agricole Cards & Payments est de 35.000 cartes par jour. « En période de pointe, nous produisons jusqu’à 50 000 cartes par jour », précise Yves Perrachon, directeur des opérations de Crédit Agricole Cards & Payments. L’entreprise utilise plus de 250 visuels de cartes bancaires personnalisés. En ligne avec la stratégie européenne de Crédit Agricole Cards & Payments, l’ambition de l’activité personnalisation cartes, qui compte auMAI 2014
PHILIPPE DELANOUE
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chronique
rendez-vous
Banque à distance et sécurité : la quadrature du cercle ?
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a banque à distance, comme son nom à savoir une direction de la sécurité heureuse et l’indique, a pour caractéristique essendes juristes inquiets, ou Scylla, à savoir un risque tielle de distancier le banquier et son de sécurité mais une position plus confortable au client. En quoi cela impacte-t-il la sécuregard de la protection des consommateurs. rité ? Cela impose déjà de définir ce que MAINTENIR LA SÉCURITÉ l’on entend par là. Au sens technique du terme, il DE L’ENSEMBLE s’agit de la sécurité informatique, c’est-à-dire du La sécurité peut être entendue dans un second point de savoir si le fait pour le client d’avoir avec sa sens, non plus technique mais sociétal. On sait en banque des relations à distance constitue une meeffet que maintenant, même l’entrée en relation nace pour le système d’information de la banque. avec un client peut se faire à distance. Mais dans En pratique, ces relations à distance se traduisent de deux façons : la première est l’accès par le client ISABELLE RENARD ce cas, les textes imposent que la première opération du compte à distance soit réalisée à partir à son espace sécurisé pour, selon le cas, consulter AVOCAT ASSOCIÉE du compte ouvert par la même personne dans un ses relevés, réaliser des opérations ou conclure des DU CABINET état de l’Union Européenne. Les textes ne le précontrats. La seconde est l’envoi éventuel au client de DERRIENNIC cisent pas, mais on suppose que ce compte de rédocuments ou d’informations par mail. DOCTEUR férence a été ouvert lors d’un face à face. Ou bien Ces deux modalités représentent des risques INGÉNIEUR que, par un effet translatif, le compte de référence sécuritaires, de nature différente. Le premier ait été lui-même ouvert en se référant à un compte puisqu’il constitue un point d’entrée dans le système d’information de la banque. Le second parce que le mail ouvert en face à face, et ainsi de suite. Poussé à l’extrême, il sufest un des vecteurs de communication préférés des cybercrimi- firait qu’il existe encore une seule banque, dans un seul pays, nels. Le sujet est loin d’être anodin puisqu’il a un impact direct qui ait des agences physiques pour que l’ensemble des usagers sur la façon dont sont remises au client les informations, ou de l’Union européenne puisse fonctionner sans avoir jamais le contrats, sous « support durable », appellation qui a pudique- moindre rapport avec le conseiller d’une banque. Le trait est ment remplacé le papier depuis que celui-ci est éliminé progres- bien sûr poussé à l’extrême, mais il interroge tout de même. Car sivement des échanges entre les banques et leurs clients au profit la « sécurité » est une notion fondamentalement humaine, qui du numérique. La remise d’un document sur support durable, entretient un rapport direct avec la notion de confiance. Or, la ou le fait de porter celui-ci à sa connaissance, selon les termes confiance repose sur la connaissance. La confiance d’un client utilisés par les divers textes qui y font allusion, suppose-t-elle de dans une banque à distance pourra, à défaut, reposer sur une passer par une forme portable ou quérable ? En d’autres termes, marque. Réciproquement, sur quoi la confiance de la banque si une banque se refuse à envoyer des documents au client par en son client, en l’absence de toute relation humaine, reposemail (donc sous forme « portable ») pour des raisons de sécurité ra-t-elle ? Loin de nous l’idée de fustiger la banque à distance, informatique, et se contente de mettre ces mêmes documents qui est à l’évidence une institution indispensable à l’ère de la au client sur son espace sécurisé (sous forme« quérable »), rem- généralisation massive de la communication numérique. On plit-elle ses obligations légales ? La question est loin d’être de sent simplement, intuitivement, qu’il faut maintenir un nécespure forme dans la mesure où le défaut d’information du client saire équilibre entre une communication Internet réduite à est, dans la plupart des cas, constitutif d’une infraction pénale. des actes automatiques et programmés et un certain niveau de Faute de directive précise sur ce sujet, les établissements ban- relationnel humain, si l’on veut, au bout du compte, maintenir caires en sont actuellement réduits à choisir entre Charybde, la « sécurité » de l’ensemble.
La sécurité peut être entendue dans un second sens, non plus technique mais sociétal. On sait en effet que maintenant, même l’entrée en relation avec un client peut se faire à distance. 55
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