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interview

briefing

Willy Dubost, FBF

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&EĹĽ ? ĹŚy teur des systèmes et moyens de paiement de la FĂŠdĂŠration Bancaire Frany çaise (FBF) s’exprime sur les actualitĂŠs rĂŠglementaires du secteur des paiey ments ainsi que sur les innovations marquantes du marchĂŠ. PROPOS RECUEILLIS PAR ANDRÉA TOUCINHO PHOTOS CYRIL ETIEN

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briefing interview virtuelles telles que le bitcoin. Ces monnaies ne sont pas régulées et peuvent constituer un outil pour le blanchiment d’argent. Elles posent un grave sujet de sécurité qui relève de la responsabilité des plus hautes autorités.

Le secteur des paiements français est caractérisé par le développement de plusieurs innovations telles que le wallet et le mPOS qui fleurissent non seulement du côté des banques mais également dans le commerce et chez les nouveaux acteurs. Comment la FBF réagitelle à ces évolutions ? Les banques sont toujours à la pointe de l’innovation dans le secteur des paiements. La preuve avec l’éclosion de la carte à puce en France et dans le monde. Elles accompagnent les modes de consommation et de paiement qui évoluent avec l’avènement des nouveaux supports comme le smartphone et la tablette. La priorité pour les banques est l’innovation sécurisée. Contrairement à d’autres acteurs qui se lancent dans ces innovations, les banques prennent en compte la sécurité qui reste leur préoccupation centrale en raison de l’importance de la

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confiance véhiculée par un système de paiement. L’acte de paiement étant de plus en plus dématérialisé, le système de paiement doit être adapté et sécurisé de bout en bout. Certains acteurs du Web ainsi que des nouveaux entrants se positionnent également sur ces innovations. Que pensezvous de cette concurrence ? Quelle est selon vous la valeur ajoutée des banques sur ces marchés en construction ? La concurrence est souhaitable à condition qu’elle permette de générer des économies et des services à valeur ajoutée pour le consommateur. C’est pourquoi, au niveau de l’Union européenne, la FBF préconise la réalisation systématique d’études d’impact sérieuses démontrant les bénéfices pour les consommateurs. Les nouveaux acteurs doivent respecter les mêmes règles de sécurité que les banques, sinon, il y a un risque de remettre

en cause la confiance, qui est primordiale pour l’équilibre du secteur, surtout dans un contexte d’ouverture à la concurrence. A cet égard, le projet de DSP2 introduit un paradoxe grave entre la protection des consommateurs et l’autorisation pour des acteurs peu surveillés d’entrer sur le marché. La FBF souhaite que tous les acteurs, bancaires et non bancaires, soient soumis aux mêmes niveaux de contrôle, de traçabilité et de sécurité. La défaillance de sécurité affecterait la confiance des clients. Justement, l’une des innovations qui suscite des polémiques en termes de sécurité est la monnaie virtuelle. La Banque de France et le ministère de l’Economie ont déjà émis des signaux d’alerte sur ce type de devises. Quelle est l’opinion de la FBF ? Effectivement, la Banque de France et l’ACPR ont alerté sur les risques liés à ces monnaies

Sur le cas spécifique du sans contact, les banques sont quasiment toutes positionnées sur le déploiement de la carte en renouvellement systématique tandis que le mobile reste pour l’instant en phase de pilote hormis quelques exceptions comme BNP Paribas qui vient de généraliser Kix. Selon vous, comment la situation va-t-elle évoluer ? Les banques ont beaucoup investi sur la technologie sans contact, tout comme le commerce dans la mesure où cette innovation permet notamment un gain de temps. Au départ, le sans contact a pu nécessiter des ajustements sur la confidentialité des données. Tout ceci a été modifié par le groupement des cartes bancaires. Cette technologie constitue aujourd’hui un outil de simplification des paiements inférieurs à 20 €. Le paiement mobile sans contact est, pour l’instant, plus complexe mais toutes les conditions sont réunies pour qu‘il se développe dans l’Hexagone. L’actualité réglementaire du marché des paiements est notamment marquée par l’entrée en vigueur du décret sur la dématérialisation des titres restaurant. Les banques ont-elles une carte à jouer dans ce secteur ? Le titre restaurant devient un nouveau moyen de paiement dématérialisé. Chaque banque va exprimer son choix commercial et stratégique sur ce marché. Au-delà du titre restaurant, tous les supports papier vont aller dans le sens d’une dématérialisation.


interview C’est une évolution positive pour le consommateur et cela ouvre des perspectives pour la profession. Autre sujet réglementaire, la migration SEPA, qui n’a pas encore été finalisée malgré les prises de position des différents acteurs. Quelles actions prévoyezvous jusqu’en août 2014 ? Comment travaillez-vous avec les autorités et les entreprises sur ce sujet ? Fin avril 2014, la France comptait plus de 95 % de virements SEPA et plus de 91 % de prélèvements SEPA. La FBF se félicite de ces chiffres qui ont été atteints grâce à un travail collectif mené avec les banques, les entreprises, les collectivités locales et les autorités. Les banques ont considérablement investi dans cette migration, que ce soit au niveau informatique ou au niveau de la communication. La FBF a ainsi organisé plus de 70 réunions en France et a proposé de la documentation, des vidéos et un site Internet sur ce sujet. La décision d’accomplir cette migration incombe cependant aux entreprises. Les banques ne peuvent pas obliger les entreprises à migrer. A ce stade, seules de très petites entreprises et associations doivent encore migrer. Les banques misent actuellement sur une communication ciblée car elles suivent avec précision les clients professionnels qui n’ont pas encore migré. Le Comité National SEPA du 30 avril 2014 a incité les entreprises à finaliser le processus avant l’été dans la mesure où il n’y aura aucun délai supplémentaire de la part des autorités européennes. Avec le recul, quels enseignements tirezvous du déroulement de la migration SEPA en France ? Comment cela va-t-il influencer votre plan d’action sur les prochaines

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échéances du SEPA, à savoir le TIP et le téléréglement ? Nous avons encore deux ans jusqu’aux prochaines échéances du SEPA et les volumes sont moins importants. Les travaux sur le TIP ont déjà commencé et sont très avancés et ceux sur le téléréglement sont également en cours. La FBF est confiante sur la suite des travaux car le Comité National SEPA constitue un formidable outil de collaboration et de partage entre les différents acteurs. Comment réagissez-vous à la récente décision du Parlement européen de plafonner les commissions d’interchange ? Plus généralement, quel est votre avis sur la DSP2 ? La FBF s’oppose fermement à toute baisse ou à tout plafonnement des commissions d’interchange qui ne repose sur aucune étude fiable ni publique. De plus, comme l’ont démontré plusieurs exemples étrangers, notamment en Espagne, aucun élément ne garantit que la baisse des commissions dans un pays bénéficie au consommateur final. Rappelons que le secteur des moyens de paiement est une industrie où la rentabilité à long terme est essentielle pour assurer les investissements dans les innovations et la sécurité. Il est dangereux, surtout dans un contexte de mondialisation, de mettre en péril ce modèle. Nous attendons une meilleure compréhension des sujets moyens de paiement de la part de la présidence italienne et du nouveau Parlement européen. Concernant la DSP 2, il est anormal que le niveau de sécurité demandé aux banques soit bien supérieur à celui demandé aux nouveaux acteurs. Face à ce constat, pensezvous que l’Europe des paiements puisse un

jour devenir réalité ? Où en est l’interbancarité européenne après l’abandon du projet Monnet ? Le projet Monnet n’a pas abouti car les banques européennes ont soumis un plan industriel et économique à la Commission européenne qui n’a pas donné les assurances nécessaires pour garantir les investissements à long terme. D’autres pays, comme la Chine avec China UnionPay (CUP), ont leur propre système. Nous sommes inquiets de voir que la Commission européenne ne tient pas compte de cette évolution d’autant que l’orientation sur les commissions d’interchange pénalisera le système bancaire européen. Nous sommes actuellement confrontés à deux mondes qui avancent à des rythmes différents : d’une part une Europe fondée sur des règles et des principes et, d’autre part, le reste du monde qui se trouve dans une logique de conquête mondiale. A plus long terme, certains experts prédisent une fusion probable entre les statuts d’établissements de paiement et de monnaie électronique. Comment envisagez-vous cette évolution ? Pensezvous qu’elle puisse être bénéfique pour le secteur ? La fusion entre les statuts

d’établissement de paiement et de monnaie électronique aboutira à un statut qui restera de toute façon distinct de l’établissement de crédit qui est bien réglementé. Nous comprenons l’arrivée de nouveaux acteurs mais ces derniers doivent être régulés dans un souci de protection des consommateurs car comme l’ont démontré les polémiques sur le bitcoin, l’opinion publique réagit violemment à toute défaillance de la confiance dans un moyen de paiement. Les nouveaux acteurs, quel que soit leur statut, doivent être réglementés et contrôlés régulièrement. Quelles sont les priorités de la FBF en 2014-2015 ? La sécurité des paiements reste un sujet de préoccupation primordial pour les années à venir. Dans ce contexte, nous souhaitons poursuivre les échanges avec les autorités, les représentants des organisations professionnelles et les associations de consommateurs et faire en sorte que tous les acteurs trouvent leur intérêt dans un marché en constante évolution avec l’arrivée de nouveaux acteurs et de nouveaux outils. Enfin, nous demandons une meilleure écoute des instances tant européennes que françaises, dans l’intérêt de toutes les parties prenantes.

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Le mPOS bat pavillon EMV en France, P.40

édito d’expert

Le mPOS, une révolution dans le développement du paiement par carte sur le marché des TPE

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Sandra Denize Klein Responsable business development, Visa Europe

l est désormais possible pour un professionnel de transformer son mobile ou sa tablette en véritable terminal de paiement et de permettre ainsi aux titulaires de cartes de vivre la même expérience client et le même niveau de sécurité dont ils bénéficient aujourd’hui lors d’un paiement chez un commerçant. Ce nouveau type de solution de paiement se présente sous le nom de « solution d’encaissement mobile » ou « mPOS » (mobile Point of Sale). Selon une étude* menée par Visa Europe, sur les 3,2 millions de PME en France, seules 36 % acceptent la carte bancaire et plus de la moitié est équipée de smartphone (54%). D’ailleurs, 53 % des TPE** interrogées trouvent les nouvelles solutions d’encaissement mobile pertinentes pour leur activité et 58 % des particuliers se disent prêts à payer avec ces solutions innovantes. D’autant qu’ils sont quatre sur dix à avoir déjà reporté ou renoncé à un achat car le paiement par carte bancaire n’était pas accepté. Praticité et sécurité pour les consommateurs, simplicité et augmentation du chiffre d’affaires pour les TPE, les solutions d’encaissement mobile ont le potentiel de transformer le paysage des paiements par carte à court terme. Demain, payer un plombier ou un livreur de pizza à domicile par carte bancaire sera possible ! Les grands détaillants voient également dans le mPOS une opportunité d’augmenter leur chiffre d’affaires, de réduire leurs coûts et d’améliorer l’expérience client. Les solutions mPOS peuvent en effet permettre d’augmenter le taux de conversion en permettant aux clients de payer immédiatement, où qu’ils soient dans le magasin comme cela a déjà été

mis en œuvre dans les boutiques Apple. Ainsi, pas de temps perdu dans les files d’attente ! Comme ce type de paiement ne peut se faire que par carte, le mPOS devient dès lors un outil permettant de limiter les transactions en espèces, le coût et le risque qui lui sont associés. De plus, les solutions mPOS offrent aux commerçants la flexibilité nécessaire pour déployer des terminaux supplémentaires lors des pics de fréquentation sans avoir à installer des caisses fixes et à sacrifier de l’espace de ventes. Après le succès de ce type de solution aux Etats-Unis, la révolution est maintenant en marche en Europe avec des lecteurs de carte chip & PIN. A ce jour, 25 solutions mPOS sont commercialisées et 30 autres sont en phase de lancement dont cinq sur le marché français. En accompagnant le développement des solutions mPOS, Visa Europe facilite le déploiement des innovations dans les moyens de paiement et permet ainsi l’industrialisation à grande échelle de nouvelles technologies et de nouveaux usages tout en gardant le niveau d’interopérabilité, de fiabilité et de sécurité aujourd’hui en place sur les cartes Visa au niveau mondial. * Selon l’étude européenne réalisée par Rainmakers (entre septembre 2013 et janvier 2014 dans cinq pays) pour Visa Europe auprès de 2 000 professionnels dont 400 français et l’enquête Ipsos réalisée en mars 2014 auprès d’un échantillon de 1 003 personnes, représentatif de la population française. ** TPE : Très Petites Entreprises.

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Le mPOS

bat pavillon EMV en France

Les premières offres mPOS dĂŠbarquent sur le marchĂŠ français. L’Êcosystème se met en place. Point de passage ĹĽ M? ,+ 9>5 E ĹŚ )" ) . 6>4 tŤ

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La cible en France de tous ces nouveaux acteurs est claire : les 740 000 commerces ou très petites entreprises qui n’ont pas de terminal de paiement, ce dernier étant jugé trop cher, trop lourd et trop contraignant compte tenu de leur structure.

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MV oblige, l’écosystème français du mPOS se met en place à petits pas », constate Frédéric Perrin, associé au cabinet Exton Consulting. Plusieurs initiatives de grandes banques, d’opérateurs de mobiles et de startups ont marqué le marché français ces derniers mois comme cela est apparu clairement lors du dernier salon PayForum. Certes, on est loin de l’engouement qui a entouré le démarrage en trombe de l’américain Square, inventeur du concept de « mobile-point of sale ». L’enthousiasme de ces nouvelles solutions est confronté aux réalités européennes et à la lourdeur de l’EMV, laissant la très nette impression d’un marché à deux vitesses : le bouillonnant marché américain dont plus de deux millions de commerces étaient équipés en 2012 d’un dongle facile à installer, peu onéreux, n’entachant pas la mobilité du smartphone face à un marché européen plus réglementé, obligé de respecter les contraintes réglementaires du modèle « Chip & PIN », avec un équipement de type clavier (Pin Entry Device, PED) moins simple à installer sur un smartphone et dont la mobilité générale se trouve réduite par construction. La facilité d’usage et d’installation du modèle américain explique les prévisions optimistes des cabinets d’études. Leurs estimations font état de dix millions de mPOS installés aux EtatsUnis à fin 2014 et quarante millions à fin 2017! Le nombre de transactions traitées passerait quant à lui de un à cinq milliards d’unités.

PLUSIEURS PILOTES EN FRANCE L’Europe n’en est pas encore là, loin s’en faut. Le suédois iZettle, souvent présenté comme le « Square européen », a fait le choix du « Chip&PIN » mais aussi du modèle « Chip & signature » que les Américains ont également retenu pour leur migration future vers l’EMV. La France est parmi les derniers à adopter ces nouvelles solutions de paiement. Néanmoins, le top départ a bien été donné. Et, cette fois, les grandes banques n’ont pas raté le coche : BPCE a pris les devant en lançant Dilizi, alors que les annonces de BNP Paribas, Crédit Agricole Cards & Payments, LCL, Société Générale ou Crédit Mutuel/CIC, attendues d’ici peu, suivront des pilotes toujours en cours. Filiale de l’opérateur historique, Orange Business Services et son bras technologique w-HA ont également pris le départ, de même que la start-up allemande Payleven ou l’américain Verifone, numéro deux mondial du

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terminal de paiement derrière Ingenico. Avec un statut d’établissement de monnaie électronique, w-HA se positionne sur ce nouveau marché comme un intégrateur technique et une banque acquéreur. Son offre de mPOS a été lancée en février dernier. « Elle permet au client de ne pas changer de banque puisque les sommes qui lui sont dues sont reversées directement sur son compte courant dès le lendemain », précise Philippe Dyseryn, directeur marketing w-HA. Un portail Internet offre en outre une palette de services tels qu’une caisse virtuelle ou encore une fonction de reporting. Son premier client n’est autre qu’Orange pour son service paiement pro. « Les premiers retours montrent qu’il y a un temps d’appropriation de la solution mPOS », reconnaît Yannick Maquignon, chef de produit chez Orange Business Services. L’opérateur accroit ainsi son revenu par client professionnel sans concurrencer les banques. La cible des « petits professionnels » semble la plus intéressée par cette technologie, tout comme celle des grandes enseignes. De son côté, Verifone a déjà lancé son offensive au Royaume Uni. Ainsi, la chaîne d’articles de sports Finish Line utilise son offre mPOS afin d’accélérer les passages en caisse à peu de frais avec une technologie EMV contact et sans contact. « Dans les grandes enseignes américaines, la logique du mPOS conduit naturellement à la dématérialisation des lignes de caisses » ajoute Timothée Joly, responsable Marketing Produits chez VeriFone France. Ainsi, les 19 magasins de C.Wonder à Manhattan ont dématérialisé leurs lignes de caisses. Les tablettes qui assurent les ventes en rayon sont directement connectées à l’ERP de l’entreprise. La sécurité est assurée par l’usage du cryptage P2PE pour lequel un agrément est attendu d’ici l’été. Détail révélateur : les portillons de sécurité à la sortie des magasins restent en place !

UNE CIBLE POTENTIELLE IMPORTANTE La cible en France de tous ces nouveaux acteurs est claire : les 740 000 commerces ou très petites entreprises qui n’ont pas de terminal de paiement, ce dernier étant jugé trop cher, trop lourd et trop contraignant compte tenu de leur structure. « Il existe donc clairement une place pour le mPOS », conclut Karim Terbeche, manager Etudes au cabinet Galitt. Cette estimation du marché français est en phase avec les résultats d’une récente étude de Visa Europe sur le même sujet. « 53 % des très petites entreprises interrogées trouvent les nouvelles solutions d’encaissement


mobile mPOS pertinentes pour leur activitĂŠ alors que 58 % des français se disent prĂŞts Ă payer avec ces solutions innovantes , explique Sandra Denize Klein, responsable business development chez Visa Europe. Les entreprises interrogĂŠes dans le cadre de cette ĂŠtude possĂŠdaient un smartphone, mais n’acceptaient toujours pas la carte bancaire comme moyen de paiement. Elles ĂŠtaient au nombre de 737 626, dont 390 941 prĂŞtes Ă se lancer dans l’aventure du mPOS! Le dispositif PED reliĂŠ en bluetooth au smartphone ou Ă la tablette est certes plus complexe que le dongle proposĂŠ gratuitement par Square ou ses concurrents aux Etats-Unis. Il fait nĂŠanmoins du mPOS une petite caisse avec diffĂŠrentes possibilitĂŠs d’usages adaptĂŠes aux commerces itinĂŠrants, aux commerces de proximitĂŠ, aux vendeurs en rayon dans les grandes ou moyennes enseignes, aux taxis, aux mĂŠdecins,‌ jusqu’aux autoentrepreneurs rĂŠalisant plus de 20Kâ‚Ź de chiffre d’affaires par an. ÂŤÂ Ces chiffres, auxquels il faut ajouter les 3,2 millions de PME françaises, montrent que les solutions d’encaissement mobiles reprĂŠsentent une vĂŠritable opportunitĂŠ de marchĂŠÂ Âť, estime Sandra Denize Klein. ÂŤÂ Le marchĂŠ du mPOS reste perçu en France comme une simple extension du marchĂŠ de l’EMV , constate pour sa part Karim Terbeche. Le besoin existe et c’est lĂ l’essentiel. L’Êtude Visa montre que 77 % des dirigeants de TPE ont des problèmes avec la gestion de leur flux de trĂŠsorerie, 82 % ont du mal Ă trouver suffisamment de temps pour tout faire et enfin 61 % ne passent que la moitiĂŠ de leur temps Ă leur bureau. ÂŤ Chez Visa, nous sommes persuadĂŠs que cette nouvelle solution d’encaissement mobile va amĂŠliorer l’expĂŠrience de paiement des TPE mais aussi des consommateurs. L’offre mPOS rĂŠpond aux besoins des professionnels en termes de rapiditĂŠ et de simplicitĂŠ, tout en leur permettant d’augmenter leurs ventes et avec un niveau de sĂŠcuritĂŠÂ conforme aux normes de Visa Âť, souligne Charlotte Desbons, directrice marketing et communication de Visa Europe France. Dans l’Hexagone, le business model se met en place avec un clavier PED acceptant des cartes Ă contact. Leur prix sera compris entre 45 et 100 â‚Ź selon le fournisseur. Dilizi de BPCE est proposĂŠ Ă 49 â‚Ź pour le lecteur PED Ă contact. L’offre CrĂŠdit Agricole Cards & Payments sera lancĂŠe cette annĂŠe au prix avoisinant les 100 â‚Ź. Le paiement se fera sur le principe du ÂŤÂ pay as you go  puisqu’il n’y a pas d’engagement de durĂŠe et pas d’abonnement. Le coĂťt Ă la transaction sera compris en 1,9 et 2,9 % du montant. ÂŤÂ La moyenne pour les banques se situera aux environs de 2 % , prĂŠcise Karim Terbeche. Si l’annĂŠe 2013 a ĂŠtĂŠ l’annĂŠe des pilotes, 2014 sera clairement l’annĂŠe de la mise en place de l’Êcosystème. Les mPOS sans contact seront lancĂŠs plus tard. Mais, quelles que soient les ĂŠvolutions technologiques, ÂŤÂ l’essor du mPOS en France est attendu entre 2015 et 2018 , prĂŠcise Karim Terbeche.

LES LOURDES CONTRAINTES RÉGLEMENTAIRES DE L’EMV En termes rÊglementaires, le mPOS est soumis à la même rÊglementation EMV 4.1 que le terminal de

Le mPOS est soumis Ă la mĂŞme rĂŠglementation ,+ 9>5 E Ť de paiement traditionnel. paiement traditionnel. A ce titre, il doit ĂŞtre conforme au standard PCI PTS 3.0 qui s’applique aux PINPAD ainsi qu’aux exigences de chiffrement de bout en bout P2PE avant tout accès au système d’autorisation. Cette exigence permet de protĂŠger les donnĂŠes puisqu’au point de chiffrement, l’organisme PCI SSC impose l’utilisation d’un dispositif optionnel certifiĂŠÂ SRED (SecuRED). On notera seulement que l’exigence SRED n’est pas encore obligatoire sur les terminaux de paiement classiques alors qu’elle l’est dĂŠjĂ sur tous les mPOS. De son cĂ´tĂŠ, Visa teste les fonctionnalitĂŠs des mPOS auxquels il donne l’agrĂŠment Visa Ready qui assure qu’il acceptera toutes les cartes portant le logo Visa. Les mPOS peuvent aussi demander l’agrĂŠment CB 5.2 au Groupement Cartes Bancaires, standard plus restrictif que Visa Ready sur un petit nombre de points mineurs. Cet agrĂŠment n’est pas inutile puisqu’il permet d’accepter toutes les cartes co-brandĂŠes. La mise Ă jour de PCI PTS n’est pas nĂŠcessaire Ă envisager car le cycle de vie d’une version du standard est en moyenne compris entre quatre et huit ans, plus que la durĂŠe de vie supposĂŠe des claviers PED des mPOS. En effet, la durĂŠe de vie de ces claviers se situe entre 30 et 40.000 lectures alors qu’un terminal de paiement classique est donnĂŠ pour environ 400 000 lectures. Ainsi, w-HA garanJUIN 2014

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mPOS : un business model toujours pas rentable L’engouement pour le mPOS ne doit pas faire perdre de vue que la rentabilité de son modèle économique n’est toujours pas au rendezvous. A titre d’exemple, confronté à d’importantes pertes financières et des difficultés de trésorerie, le leader américain Square serait à vendre si l’on en croit le Wall Street Journal en date du 21 avril dernier. La start-up était courtisée depuis plusieurs mois par les ténors de la Silicon Valley. Google était sur les rangs pour une reprise de Square depuis 2012. Des discussions auraient

également eu lieu avec Apple et PayPal. La perte estimée pour l’exercice 2013 excèderait les 100 M$ rapportent des sources proches du dossier citées par le Wall Street Journal. Avec 50 % du marché américain du mPOS, Square aurait enregistré plus de 20 Md$ de transactions, ce qui lui aurait rapporté un chiffre d’affaires d’environ 550 M$. Le business model de Square montre que les marges sont faibles, voire inexistantes. Les commerces lui paient 2,75 % du montant de leurs transactions. Les quatre

cinquièmes de ces revenus serviraient à payer les réseaux Visa et MasterCard, la lutte contre les fraudes ainsi que quelques intermédiaires. Si bien que cinq ans après sa création, la société aurait englouti plus de la moitié des 340 M$ levés après quatre tours de table auprès de sociétés de venture-capital. Ce qui bloque d’éventuelles négociations pour une reprise est sans doute le prix auquel les dirigeants estiment la valeur de Square. Ce chiffre se monterait à quelques Md$. Des personnels de Square

auraient vendu en début d’année leurs actions à un prix valorisant l’entreprise au-delà de 5 Md$. Même si Square a obtenu une ligne de crédit de 100 M$ de la part du pool bancaire conduit par Goldman Sachs, elle n’aurait que neuf mois pour trouver une issue à ses difficultés, une introduction en bourse, un rachat ou un changement de business model. Une période de transition que toute l’industrie va scruter avec intérêt.

Les mPOS répondant aux mêmes exigences réglementaires de PCI SSC, ils seront donc aussi sûrs que les terminaux de paiement classiques s’ils sont utilisés dans un contexte approprié tit son lecteur PED pour une période de douze mois. La batterie qui assure son fonctionnement a quant à elle une durée de vie moyenne de quatre ans. Le PED du mPOS a tout du produit jetable, capable d’assurer quelques transactions par jour sur quatre années au plus. L’avenir dira si ce timing sera accepté par le marché. Car, à côté des exigences réglementaires, se pose aussi la question de la maintenance du clavier PED en cas de panne. Jeter ou réparer ? En principe, le commerçant en panne appelle le fournisseur chargé de lui assurer le support technique. C’est peut être là que la différence risque de se faire entre les produits à moins de 50 € et ceux autour de 100 €. Chaque fournisseur devra choisir entre remplacer le clavier PED en panne et le réparer chez un prestataire agrée PCI. Cette procédure est obligatoire. Elle garantit la sécurité des clés et du code PIN. Sur ce terrain, les banques connaissent bien ce problème de la maintenance puisqu’elles travaillent déjà avec un certain nombre de prestataires de maintenance agrées PCI. Et la sécurité du mPOS ? La question se pose au moment où le dernier rapport Data Breach Investigations Report 2014 de Verizon rappelle que plus

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du tiers des vols de données ont touché le secteur de la finance. Certes, depuis 2011, les attaques sur les points de vente sont en recul constant. Toutefois, « les intrusions sur les points de vente et les terminaux de paiement font partie des neuf types d’attaques identifiées dans le rapport », précise Marc Spitler, co-auteur du Data Breach Investigations Report. Que va-t-il se passer avec la multiplication probable des mPOS ? Un cybercriminel peut-il acheter un mPOS ? En principe, ce cas n’est pas possible. L’acquisition d’une telle solution implique de produire les pièces exigées par la directive KYC. Ces pièces sont contrôlées par les fournisseurs. Les professionnels doivent produire en outre leur numéro Siret. Sur un marché où les marges sont faibles, on peut craindre que les contrôles ne soient pas suffisants. Le cybercriminel peut aussi voler un mPOS. Aux Etats-Unis, les attaques « smash & grab » se multiplient. D’autres corruptions sont-elles possibles ? La société britannique MWR InfoSecurity craint que « le vol de données ne se banalise car ces nouveaux dispositifs peuvent être facilement piratés ». Son laboratoire MWR Labs a révélé en 2012 plusieurs vulnérabilités dans les dispositifs EMV « Chip


& PIN » faciles à utiliser pour corrompre un mPOS à partir de microclés USB, de liaisons Bluetooth ou de cartes à puces programmables comportant des malwares. Toujours selon MWR InfoSecurity, il serait théoriquement possible de voler les données de cartes bancaires et même d’imposer au mPOS d’accepter des paiements frauduleux simplement en modifiant son logiciel. Pour Sandra Denize Klein, cette vision reste théorique. Les mPOS répondant aux mêmes exigences réglementaires de PCI SSC, ils seront donc aussi sûrs que les terminaux de paiement classiques s’ils sont utilisés dans un contexte approprié. Quoiqu’il en soit, Visa suit en permanence les failles de vulnérabilités des tous les équipements qui utilisent des cartes bancaires. Certains laboratoires peuvent découvrir des failles dans le modèle « Chip & PIN » sans que leur usage ne présente un quelconque danger, simplement car les conditions imaginées dans les laboratoires n’ont rien à voir avec les conditions de la vie réelle. « A ce jour », ajoute Sandra Denize Klein, « il n’y a eu aucune attaque contre un mPOS ». Les chercheurs de MWR InfoSecurity reconnaissent que si le mPOS est bien sécurisé par lui-même, ce n’est pas le cas de son implémentation qui ne répond pas nécessairement aux exigences de sécurité en termes d’architecture. Ils estiment que les leçons apprises avec la sécurité des PC et des serveurs doivent encore être appliquées au monde du paiement mobile et de ses technologies embarquées. Un débat loin d’être tranché. JO COHEN


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Commissions d’interchange Ce qui peut changer Le Parlement europĂŠen a adoptĂŠ, le 3 avril 2014, une sĂŠrie d’amendements sur la proposition de Règlement de la Commission europĂŠenne et du Conseil relatif aux commissions d’interchange pour les opĂŠrations de paiement liĂŠes Ă une ŌŤ > *O Ę˜M Ť M M M Ĺł Ť ĹŚ ĹŚ M vote pourrait intervenir plusieurs mois après la mise en place du nouveau Pary lement. La rĂŠalisation d’une ĂŠtude impact approfondie est ĂŠgalement en cours. Le texte, en cas d’adoption, bouleverserait paysage europĂŠen. ANALYSE PATRICE REMEUR

L

e Parlement europĂŠen a votĂŠ lors de la dernière session plĂŠnière le plafonnement des commissions d’interchange. Ce texte pourrait ĂŞtre lourd de consĂŠquences pour le secteur des cartes bancaires, services de paiement et acteurs de la monĂŠtique. Il fixe un plafond Ă hauteur de 0,20  % pour le taux des commissions d’interchange pour les cartes de dĂŠbit (y compris cartes prĂŠpayĂŠes) dans la limite de 7 centimes d’euros, comme demandĂŠ par la Commission des affaires ĂŠconomiques et monĂŠtaires. Le taux passe Ă 0,30 % maximum pour les cartes de crĂŠdit. Les retraits par cartes ne sont pas concernĂŠs. Les taux seraient applicables deux mois après l’entrĂŠe en vigueur du règlement pour les transactions transfrontalières et deux ans pour les transactions nationales. Ces niveaux sont ceux qui ont ĂŠtĂŠ acceptĂŠs par la Commission de Visa Europe et MasterCard, et du GIE Cartes Bancaires en France. L’effet de l’adoption des amendements a ĂŠtĂŠ immĂŠdiat. ÂŤ Le parlement a approuvĂŠ un plafond de 7 centimes d’euro par transaction par carte de dĂŠbit, alors que la Commission avait proposĂŠ un plafond de 0,2 %. Par consĂŠquent, toutes

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les transactions par carte de dĂŠbit de 35 euros ou plus seraient soumises Ă une commission d’interchange nettement moindre que proposĂŠ initialement. Les banques europĂŠennes ont dĂŠjĂ considĂŠrĂŠ comme problĂŠmatique la proposition initiale. Dans sa forme actuelle, la proposition aurait donc un impact très significatif puisque les banques seront contraintes de rĂŠpercuter les coĂťts de paiement directement aux consommateurs par d’autres moyens Âť, explique la FĂŠdĂŠration bancaire europĂŠenne (FBE), organisme reprĂŠsentant 4 500 banques et 32 fĂŠdĂŠrations bancaires nationales. MĂŞme du cĂ´tĂŠ des parlementaires europĂŠens le texte surprend. Pablo Zalba Bidegain, dĂŠputĂŠ espagnol rapporteur de la Commission des affaires ĂŠconomiques et juridiques estime que ÂŤ ces plafonds semblent totalement arbitraires. En effet, Ă ce jour, aucune analyse d’impact qui justifie ces chiffres ou en ĂŠtudie les effets sur les diffĂŠrents marchĂŠs nationaux n’a ĂŠtĂŠ produite . Le rapporteur rappelle qu’il existe d’importantes diffĂŠrences structurelles entre les marchĂŠs nationaux des cartes de paiement. Ces diffĂŠrences incluent des variables comme le niveau de pĂŠ-


LE CHAMP D’APPLICATION DU RÈGLEMENT Le Règlement concerne les opérations des systèmes de cartes dites quatre « coins » ou quadripartites - titulaire de la carte - banque émettrice - banque acquéreuse – commerçant - de type MasterCard ou Visa. Initialement, le texte opérait une distinction entre les opérations auxquelles les consommateurs ont recours et qui sont difficiles à refuser pour les commerçants, et les opérations de paiement liées à une carte telle les cartes dites commerciales et les cartes émises par des systèmes tripartites - titulaire de la carte - système acquéreur et émetteur - commerçant. Les députés ont intégré dans le texte que « les systèmes tripartites devraient accepter les opérations effectuées au moyen de leurs cartes par tout acquéreur dans le respect des normes générales des opérations par carte et de règles relatives à l’acquisition comparables aux règles applicables aux commerçants pour les systèmes tripartites spécifiques et avec des plafonds d’interchange conformes au présent règlement ». Ils ont également ajouté dans le champ d’application les cartes dites commerciales. Cette dernière mesure provoque l’ire de la Fédération bancaire européenne. « Les banques européennes ont également demandé au législateur d’exclure les cartes de paiement commerciales du plafonnement des frais. L’inclusion de ces cartes risque de créer des conséquences négatives importantes pour les entreprises partout en Europe. Les cartes commerciales et de consommation représentent deux marchés distincts. En appliquant cette mesure également aux cartes commerciales c’est provoquer une incertitude pour les grandes et les petites entreprises ». En effet, une étude de mai 2013 d’Itrium Justicia montrait que 50 % des petites entreprises en France, Allemagne, Italie et Royaume-Uni, ne seraient pas prêtes à payer 10 euros supplémentaire par mois pour leur carte. nétration des cartes, le volume des opérations, les niveaux de fraude, la nature et les caractéristiques spécifiques de chaque marché (pourcentage de cartes de débit et de crédit, pourcentage des opérations à distance par rapport aux opérations effectuées en présence du client, nombre de distributeurs par habitant, etc.). « Ces différences, que la Commission elle-même reconnaît dans le texte de sa proposition et sur lesquelles elle s’appuie pour proposer des dates différentes d’entrée en vigueur des plafonds sur les commissions d’interchange pour les opérations transfrontalières et nationales, doivent donner lieu à un exercice approfondi d’analyse et d’évaluation des incidences que ces mesures pourraient avoir sur les différents marchés nationaux. Or, cette analyse n’a pas été réalisée » explique le rapporteur. En France, les Sénateurs, dans une résolution du 26 novembre 2013, mentionnaient que « l’insuffisance d’analyse ne permet pas de s’assurer que la Commission a défini correctement le niveau d’action approprié, conformément aux principes de subsidiarité et de proportionnalité ; qu’une action au niveau des États membres ne serait pas à même de conduire à l’objectif recherché. Le Sénat estime donc que la proposition de règlement ne respecte pas, en l’état, le principe de subsidiarité ». Ainsi, afin de calmer les critiques et d’en évaluer précisément les conséquences, la Commission européenne a commandé une étude d’impact auprès de Deloitte Consulting.

UNE GUERRE QUI EXISTE DEPUIS 20 ANS Le chemin pour l’adoption définitive de la proposition du Règlement puis son application risque d’être particulièrement difficile. Cela fait près de 20 ans que la bataille avec les géants de l’émission de cartes dure, outre le débat et l’arsenal législatif. La Commission européenne et les autorités nationales de la concurrence, notamment française, ont engagé successivement un certain nombre de procédures en matière d’ententes et d’abus de position dominante portant sur des pratiques anticoncurrentielles sur le marché des paiements par carte. L’ambition de Bruxelles est de poser un cadre européen pour favoriser la concurrence, définir un cadre d’infrastructures technologiques neutres, d’harmoniser les règles de commissions d’interchange et de faciliter le marché intérieur afin que les commissions interbancaires ne constituent pas des barrières à l’entrée. « Ce règlement sera d’abord et avant tout aux bénéfices du consommateur. Aujourd’hui, les consommateurs paient pour les services de paiement de façon cachée, par des prix gonflés », affirme la Commission européenne. Les frais appliqués pour les paiements par carte bancaire coûteraient aux commerçants de l’Union européenne plus de 10 milliards d’euros chaque année. Ces montants sont répercutés sur le consommateur. En bloquant le montant des frais, la Commission escompte un meilleur fonctionnement avec une fluidification des paiements et des achats via l’utilisation massive de la carte, y compris des paieJUIN 2014

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enjeux

Les consommateurs européens redoutent le plafonnement des frais d’interchange 65 % des consommateurs européens pensent que les plafonds sur les frais d’interchange conduiraient à des difficultés dans l’utilisation de leurs cartes et 82 % pensent que les commerçants ne répercuteraient pas les économies réalisées sur les coûts. Ils sont seulement 8 % à penser le contraire, selon une étude d’Ipsos réalisée pour MasterCard dans 13 pays européens (Croatie, République tchèque, Finlande, France, Allemagne,

Grande Bretagne, Italie, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Slovaquie, Espagne et Suède), auprès de 13 049 répondants sur la base de 1 000 personnes par pays et publiée en Février 2014. Ils sont seulement 17 % à penser que le plafonnement serait mieux et autant déclarent ne pas avoir d’avis. C’est en Finlande et au Portugal que la proportion de sondés jugent que le plafonnement ne serait pas favorable aux consommateurs 76 %. La

France, le Royaume-Uni, l’Espagne - ce dernier a pourtant réduit son taux d’interchange - suivent de très près avec respectivement 73 %, 72 % et 69 %. L’Italie, la Croatie, la Slovaquie et l’Allemagne émettent un avis partagé oscillant entre 59 % pour l’Italie et 55 % pour l’Allemagne. Le sondage révèle que les répondants sont particulièrement critiques sur la mise en place d’une nouvelle règle qui donnerait aux commerçants le droit

de décider les cartes qu’ils seront en droit d’accepter ou de refuser. 77 % affirment que cette situation créerait des difficultés. Par ordre de classement, c’est au Portugal que ce sentiment est le plus partagé (83 %) suivi par la Grande-Bretagne (82 %), la France (80 %) et en Pologne (80 %), l’Espagne (79 %), en Finlande (77 %), République tchèque (76 %) et PaysBas (76 %), en Slovaquie (75 %), en Suède (75 %), la Croatie (74 %), l’Italie (71 %) et l’Allemagne (69 % ).

Ainsi, en limitant les frais d’interchange, l’Europe espère encourager l’innovation et l’arrivée de nouveaux acteurs ments par appareil mobile et par internet reposant sur des opérations par carte au sein de l’espace européen. Par ailleurs, d’après la Commission, les commissions d’interchange des systèmes internationaux de cartes de paiement varient de un à dix, ce qui entraîne des écarts de coûts entre les différents pays. En raison des importantes différences de commissions entre les États membres, les commerçants ont des difficultés à élaborer une stratégie de prix à l’échelle de l’UE pour leurs produits et services. En outre, « des règles spécifiques appliquées par les systèmes de paiement prévoient l’application de la commission d’interchange du «point de vente» (pays du détaillant) pour chaque opération de paiement. Cela empêche les banques acquéreuses de proposer leurs services avec succès au-delà des frontières nationales, et les détaillants de réduire les coûts de leurs paiements au bénéfice des consommateurs », affirme la Commission. Actuellement, les commissions interbancaires sont payées par la banque du détaillant - banque acquéreuse - à la banque du titulaire de la carte - banque émettrice. Ainsi, en limitant les frais d’interchange, l’Europe espère encourager l’innovation et l’arrivée de nouveaux acteurs. « Dans le système actuel de redevances élevées les banques n’ont aucun intérêt à soutenir de nouveaux programmes et d’émettre les cartes de ces nouveaux systèmes. Briser ce système confortable entre les banques et les systèmes de cartes permettra aux nouveaux fournisseurs d’entrer sur le marché. Ces nouveaux acteurs innovants, par exemple dans les paiements mobiles, sont nécessaires pour mettre

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l’Europe à l’avant-garde de l’évolution mondiale des paiements, de nouveaux services pour les citoyens et bénéficiant ensemble de l’économie » explique la Commission.

UN NOUVEAU MODÈLE ÉCONOMIQUE Bruxelles mise sur le modèle économique fondé sur la compensation liée à l’augmentation du volume des opérations par carte grâce à une plus grande utilisation et acceptation. Mais aussi les économies réalisées par les prestataires de services de paiement sur la gestion de caisse. Un autre argument évoqué est la baisse des coûts liés à la diminution des retraits d’espèces aux distributeurs et, mécaniquement, la chute des commissions d’interchange dues aux banques acquéreuses. « S’agissant de la viabilité, un système de carte de débit dépourvu de commission d’interchange semble commercialement tout à fait viable sans augmentation des coûts des comptes courants pour les consommateurs. Le système de prélèvement du Danemark notamment comporte une commission d’interchange égale à zéro pour les opérations au niveau national et un titulaire de compte paie des frais de compte courant bien en dessous de la moyenne de l’Union. De même, en Suisse, le principal système de cartes de débit est Maestro (appartenant à MasterCard), et ne comporte pas de Commissions multilatérales d’interchange (CMI) » affirme la Commission. Selon la Commission, il n’y a pas d’effets négatifs visibles sur l’émission et l’utilisation de cartes dans les États membres qui disposent de peu ou pas de CMI. « Au contraire, ces États membres sont générale-


La carte est l’instrument le plus utilisé dans le monde « Le paiement par carte poursuit sa progression, en 2012, de + 7,13 % en volume et de + 7,11 % en montant par rapport à 2011 » observe la Banque de France dans la « cartographie des moyens de paiement scripturaux » fondée sur les données 2012. Avec plus de 8 milliards de paiement en France, la carte est championne des instruments de paiement depuis 2003. Elle représente près de 46 % des transactions. Chaque français réalise en moyenne 129 paiements par carte par an en 2012, contre 79 paiements pour le reste de l’Union Européenne. Ce qui ferait au maximum pour la France environ 90 euros de commissions par porteur si la commission était plafonnée à 7 centimes comme le prévoit le futur Règlement. Les paiements par carte en France représentent 21,3 % du nombre de paiements par carte de l’Union européenne en 2012.

726 MILLIONS DE CARTES EN EUROPE Les cartes bancaires constituent le principal instrument de paiement de détail utilisé en Europe. Bien loin devant les autres moyens de paiement. 726 millions de cartes de paiement utilisées dans l’Union européenne représentaient en volume un tiers de tous les paiements de détail selon la Commission

européenne. Les entreprises et les consommateurs européens réalisent annuellement plus de 40 % de leurs paiements scripturaux par carte. En termes de valeur le Royaume-Uni et le Portugal prédominent alors que l’Allemagne représente près de 6 fois moins. En termes de nombre de transactions, le Danemark, la Suède, et la Finlande sont les pays dans lesquels la carte est l’instrument le plus utilisé. La croissance des cartes a fortement progressé, dans de nombreux pays européens.

UNE PROGRESSION PARTOUT DANS LE MONDE Au niveau mondial, selon les chiffres du World Payments Report 2013 réalisé par CapGemini et Royal Bank of Scotland, l’utilisation de cartes (débit ou crédit) s’est encore accélérée. Les cartes de débit ont progressé au niveau mondial de 15,8 % et atteint un total de 124 milliards de transactions. Les cartes de crédit ne cessent d’être utilisées pour connaître plus de 12 % de croissance et ont été employée dans plus de 57 milliards de transactions. La carte est l’instrument le plus utilisé dans le monde. Trois facteurs accélèrent son utilisation. L’augmentation des paiements électroniques et par mobiles se développent.

ment ceux où les taux d’émission et d’utilisation des cartes sont les plus élevés. Les tendances des dix dernières années laissent prévoir que l’émission et l’utilisation de cartes de débit continueront à augmenter au cours des prochaines années, de sorte qu’après la période de transition prévue dans le règlement, les cartes de débit seront considérées comme «omniprésentes» dans l’Union et qu’il n’y aura plus de raisons d’inciter à l’émission et à l’utilisation de cartes au moyen de commissions versées par les détaillants aux prestataires de services de paiement. Il est déjà actuellement très rare d’ouvrir un compte de paiement et de ne pas disposer de carte, ce qui, mécaniquement, permet aux prestataires de services de paiement de réaliser

La croissance du e-commerce liée à l’évolution des générations et l’amélioration de la sécurité amènent à utiliser davantage la carte. L’équipement des populations en appareils mobiles et l’accès à internet ainsi que le développement de nouveaux services favorisent l’utilisation.

COMBIEN COÛTE UN PAIEMENT ? Quel est le coût d’un paiement ? C’est à cette question qu’a tentée de répondre la Banque Centrale Européenne. Dans un rapport publié en 2012, elle examine les coûts dits privés et sociaux des instruments de paiement dans les 13 pays de l’UE. Résultats les coûts représentent 1 % du PIB ou 45 milliards d’euros pour le 13 pays et par extrapolation pour l’UE à 27, 130 milliards d’euros. L’étude entend par coûts sociaux les coûts totaux pour la société dans son ensemble, à l’exclusion des taxes et des tarifs pour les participants de la chaîne de paiement. Les coûts privés sont ceux encourus par les participants individuels dans la chaîne de paiement - y compris des éléments tels que le transport de la trésorerie, la gestion des transactions électroniques, l’acquisition de nouveaux clients, l’analyse du risque de crédit, la fourniture de terminaux, prévention de la fraude et des frais pour les autres participants. «

Environ la moitié de ces coûts totaux sont engagées par les banques et les fournisseurs d’infrastructure interbancaire, tandis que les détaillants assument 46% de celui-ci » indique le rapport. Pour 100 euros, les coûts sociaux (calcul : coût social total/ nombre total de paiements de détail) les plus bas sont pour les transactions en espèce. Ils atteignent 0,42 euros. Les cartes de débit suivent avec 0,70 euros. Cependant l’étude note que dans plusieurs État les coûts sont plus faibles que les paiements en espèces. Les prélèvements et les transferts atteignent respectivement 1,27 euros et 1,92 euros. Les paiements avec une carte de crédit atteignent 2,39 euros et les chèques 3, 55 euros. Cependant, si l’analyse est faite sur la base de la valeur de vente, les résultats sont différents. Les chèques et transfert de fonds deviennent les moins chers avec 0,2 euros, suivi des prélèvements (0,4 euros) et les cartes de débit (1,4 euros). La transaction en cash passe alors à 2,3 euros de coûts. « Les classements dépendent des caractéristiques spécifiques au système de paiement de chaque pays, sur la taille du marché et de son développement, et sur le comportement de paiement » explique l’étude.

des économies considérables sur les coûts » objecte-t-elle. Pour cette dernière, il n’y a donc pas de corrélation entre la réduction des commissions d’interchange et l’augmentation des frais annuels de carte. « Les frais de carte semblent plus étroitement liés au niveau de concurrence dans le secteur de la banque de détail, par exemple ». L’étude menée par la Commission révèle qu’environ 75 % des commissions d’interchange sont retenues par les banques comme un bénéfice. La BCE estime également que les recettes provenant des paiements représente environ 25 % du chiffre d’affaires total des banques au sein de l’UE. Les résultats de l’étude de Deloitte Consulting devraient pacifier ou enflammer le débat... JUIN 2014

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