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EUROPE DES PAIEMENTS Gouvernance et harmonisation au cœur de l’évolution

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. Ť O Ť Ę˜ Ť 5ère ĂŠtape du SEPA, les projecteurs sont braquĂŠs sur l’avenir. Concrètement, si la question ĹŚ Ĺł Ť Ę˜ et mĂŞme si des divergences ? Ť E Ť mande en termes de solution europĂŠenne, les professionnels recherchent des solutions ho O Ť ĹŚ l’europĂŠanisation du marchĂŠ. En toile de fond, des interrogations sur la gouvernance, qui demeure une question essentielle Ă l’heure oĂš les ĂŠchanges s’internationalisent. Analyse.

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ous avons marquĂŠ la fin d’une ĂŠtape . Tel est le bilan optimiste dressĂŠ par les professionnels du secteur des paiements Ă six mois de l’ultime date-butoir de migration du virement et du prĂŠlèvement au SEPA, le 1er aoĂťt 2014. Si cette ĂŠvolution n’a pas ĂŠtĂŠ sans problèmes, la fin de migration est pour beaucoup un succès en dĂŠpit d’une nĂŠcessaire phase de rodage car elle installe officiellement le marchĂŠ des paiements dans un contexte europĂŠen et marque une transition vers de nouvelles stratĂŠgies. Ainsi, en dĂŠpit de certaines interrogations ĂŠmanant du secteur sur l’inexistence d’une rĂŠelle demande europĂŠenne et l’absence, pour l’instant, de ROI direct sur les investissements rĂŠalisĂŠs, tous recherchent, Ă ce stade, des solutions homogènes avec pour question centrale : comment crĂŠer de la valeur avec le SEPA ? ÂŤÂ La commission Juncker a Ă cĹ“ur le sujet de la dĂŠmatĂŠrialisation, inhĂŠrent au SEPA , indique ainsi HervĂŠ Sitruk, CEO, Mansit, et prĂŠsident du club SEPA. ÂŤÂ De plus, l’organisation des assises du paiement en mars s’inscrit dans le cadre du SEPA , poursuit-il, ajoutant que ÂŤÂ la France est très concernĂŠe par le cas de la carte qui pose la question de la souverainetĂŠ europĂŠenne face aux solutions ĂŠmanant d’outre-Atlantique comme les Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon, ndlr.) . Encore faut-il dĂŠpasser l’enjeu de l’interopĂŠrabilitĂŠ informatique et technique pour tracer une ligne FÉVRIER 2015

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E M ĹŚ E europĂŠen autour du marchĂŠ des paiements

Alexander Gee, commission europĂŠenne

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Narinda You, EPC

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directrice sur l’ensemble des moyens de paiement en Europe. Au cĹ“ur du dispositif : la gouvernance, qui reste un ĂŠlĂŠment dĂŠterminant pour mener Ă bien le projet SEPA.

L’ENJEU DE LA GOUVERNANCE DU SEPA La nouvelle gĂŠnĂŠration de rulebooks de l’European Payments Council (EPC) et la crĂŠation, au printemps 2014 en remplacement du SEPA Council, de l’Euro Retail Payments Board (ERPB) qui s’est rĂŠuni pour la seconde fois le 1er dĂŠcembre, en tĂŠmoignent : il existe, au sein de l’UE, une rĂŠelle volontĂŠ de dĂŠpasser l’interopĂŠrabilitĂŠ technique pour rĂŠflĂŠchir Ă une vĂŠritable harmonisation du marchĂŠ des paiements en Europe. ÂŤÂ L’idĂŠe est de tracer une trajectoire sur l’ensemble des moyens de paiement , indique Alexandre Stervinou, chef de la surveillance des moyens de paiement scripturaux de la Banque de France, ajoutant que la difficultĂŠ repose sur les diffĂŠrences qui subsistent sur l’utilisation des moyens de paiement dans les pays du Vieux Continent avec par exemple l’utilisation de la carte, ou encore le chèque qui dĂŠcline lentement mais sĂťrement mais dont l’utilisation liĂŠe Ă certains pays seulement ne peut pas justifier une initiative rĂŠglementaire europĂŠenne. Preuve de cet engagement, le panorama institutionnel mis en place, composĂŠ notamment de la Commission europĂŠenne et de l’Eurosystème, mais ĂŠgalement l’Êvolution des travaux sur le marchĂŠ des paiements avec par exemple l’entrĂŠe en vigueur des recommandations de SecurePay qui s’inscrit dans un consensus entre le superviseur et les banques centrales de l’UE et dans la volontĂŠ politique de tracer une ligne directrice sur les moyens de paiement en Europe. Plus rĂŠcemment, la crĂŠation de l’Euro Retail Payments Board (ERPB) dirigĂŠe par la Banque Centrale EuropĂŠenne (BCE), impliquant une certaine neutralitĂŠ, construit la trajectoire. Alexandre Stervinou distingue deux groupes de travail consacrĂŠs aux questions post migration SEPA et mandat FÉVRIER 2015

ĂŠlectronique, sachant que deux autres sont Ă venir, sur le paiement par carte et le mobile sans contact, confirmant que l’ERPB va s’emparer du sujet carte, qui constitue, selon Narinda You, vice-prĂŠsidente de l’European Payments Council (EPC), un ÂŤÂ environnement complexe . Ainsi, l’intĂŠressĂŠe rappelle que le Cards Stakeholder Group (CSG) datant de 2009 avec une prĂŠsentation des volumes prĂŠvue pour 2017, a ĂŠtĂŠ crĂŠĂŠ pour rĂŠflĂŠchir Ă un système cartes paneuropĂŠen et que l’enjeu de la poursuite des travaux repose sur la crĂŠation d’une feuille de route sur ce qui est attendu des acteurs du marchĂŠ, notamment en termes d’exigences fonctionnelles et sĂŠcuritaires. ÂŤ Il est important de se mettre d’accord sur les services de base , indique-t-elle, insistant sur la nĂŠcessitĂŠ que ÂŤÂ le porteur europĂŠen ne se pose plus de question . Narinda You va plus loin : ÂŤÂ Il faut un mouvement commun qui engage tous les acteurs . Besoin qui suppose selon elle une ĂŠgalitĂŠ de traitement entre tous les acteurs et de coordonner les travaux avec l’ERPB. D’autant que les solutions et usages ĂŠvoluent dans le sens de la convergence : ÂŤÂ Le concept carte devient interopĂŠrable avec d’autres instruments de paiement comme le virement et le prĂŠlèvement . Aussi, il convient de s’interroger sur ce qui doit rĂŠellement ĂŞtre fait : ÂŤÂ un système carte europĂŠen ou une interopĂŠrabilitĂŠ europĂŠenne  en gardant en mĂŠmoire la conclusion du projet Monnet. Du cĂ´tĂŠ de la Commission europĂŠenne, le message est clair : ÂŤÂ Nous aimerions Ă´ter les barrières et voir des schemes domestiques aller hors des frontières ou proposer quelque-chose de nouveau comme Monnet , selon Alexander Gee, chef d’unitĂŠ adjoint antitrust payments systems. L’intĂŠressĂŠ a rappelĂŠ que sur le sujet de la carte de paiement dans le contexte europĂŠen, les taux pratiquĂŠs en matière d’interchange apparaissent comme des prix cachĂŠs rĂŠsultant d’accords collectifs entre les banques et ainsi gĂŠnĂŠrateurs d’effets nĂŠgatifs, notamment sur l’acquisition transfrontières. ÂŤÂ Les autoritĂŠs nationales de la concurrence et les rĂŠgulateurs avancent aussi dans ce domaine , souligne-til, dĂŠmontrant que la question mobilise aussi bien Ă l’Êchelle europĂŠenne qu’à l’Êchelle nationale. ÂŤÂ Les deux prioritĂŠs de la Commission europĂŠenne sont la hausse de la croissance de l’Europe avec la volontĂŠ de faire ĂŠmerger un système de paiement europĂŠen et crĂŠer un marchĂŠ unique du digital payment . Preuve de l’existence d’un rĂŠel consensus europĂŠen autour du marchĂŠ des paiements.

DÉPASSER L’INTEROPÉRABILITÉ TECHNIQUE ET ANTICIPER LE MARCHÉ DE DEMAIN Outre la simplification de la gouvernance, qui apparaĂŽt comme une condition primordiale de la poursuite des travaux sur l’europĂŠanisation du marchĂŠ des paiements, la nĂŠcessitĂŠ de dĂŠpasser l’interopĂŠrabilitĂŠ technique pour voir ĂŠmerger des offres europĂŠennes apparaĂŽt indispensable. David Stephenson, head of international affairs, GIE CB, l’a confirmĂŠÂ : ÂŤÂ Certains pays envient la France d’avoir mis en place l’interopĂŠrabilitĂŠ française avec la crĂŠation du GIE


L’Europe marquée par une convergence des besoins en moyens de paiement, selon CACP carte bancaire suivis par les Polonais (85 %). Parmi les avantages cités figurent la praticité (88 %), la modernité (82 %) et la confiance (75 %). Autre constat : l’harmonisation règlementaire des paiements en Europe s’accompagne d’une convergence des besoins et des aspirations mais pas encore d’une harmonisation des pratiques. La carte bancaire est plébiscitée, les Européens recherchent des moyens de paiement simples et sûrs, ils placent la sécurité au coeur de leurs attentes. Et si les Européens expriment le souhait de pouvoir utiliser de nouveaux moyens de paiement, notamment pour leurs aspects pratiques, la France fait figure de paradoxe avec un attachement encore fort au paiement par chèque. « Les Européens attendent beaucoup des nouveaux moyens de paiement notamment pour leurs achats du quotidien.

CB ». Cependant, le scheme européen est « mortné ». Dès lors, difficile de miser sur l’interopérabilité européenne, de plus dans un contexte évolutif. « Le sujet des interchanges avance et cela impacte les pays. De plus, certains systèmes domestiques vont disparaître », souligne l’intéressé insistant, non sans humour, que les systèmes cartes des pays européens sont variés complexifiant l’harmonisation. « Il faudra changer les business models pour être conforme à la réglementation », souligne-t-il, ajoutant que la création de l’association ECPA (European Cards Payments Association), en septembre 2014 réunissant les principaux systèmes cartes domestiques constitue une voix unique vis-à-vis des institutions européennes. Concrètement, « il y a de bonnes raisons de fédérer les approches européennes », poursuit-il.

Après la carte bancaire, le paiement sans contact et le smartphone apparaissent comme des solutions appréciées pour les courses alimentaires notamment. Dans un avenir proche, ces nouveaux moyens de paiement pourraient donc remplacer les moyens de paiements traditionnels encore principalement utilisés. En effet, 11 % des Européens souhaitent, dans le futur, régler leurs dépenses alimentaires par paiement sans contact et 8 % par smartphone », indique l’étude. En France, la carte bancaire remporte la majorité des suffrages avec un répondant sur trois qui désire l’utiliser plus souvent. Parallèlement, les Français restent attachés au chèque et sont 64 % à ne pas souhaiter sa suppression (contre 34 % au niveau européen). Ils sont cependant prêts à accorder plus de place aux nouveaux moyens de paiement si on leur offre la possibilité de les

utiliser plus fréquemment et en toute sécurité. De leur côté, les Polonais sont en avance sur le reste de l’Union Européenne en matière de paiement moderne (sans contact et smartphone). 69 % des Polonais utilisent déjà régulièrement le paiement sans contact. 19 % des Polonais ont recours à la carte bancaire sans contact pour les courses quotidiennes, 22 % pour les courses alimentaires et 12 % pour les sorties. Autre constat, malgré les a priori, les jeunes apparaissent plus attachés aux espèces que les seniors : 34 % des 18-24 ans souhaiteraient les utiliser plus souvent, contre 14 % des 65 ans et plus. De la même manière, les 50-64 ans utilisent déjà à 20 %, les paiements par carte bancaire sans contact et le portemonnaie électronique. Une part équivalente souhaiterait les utiliser plus souvent.

Un avis confirmé par Serge Appriou, direction offre moyens de paiement, Crédit Mutuel Arkéa : « Nous sommes à l’aube d’une transformation majeure », non seulement du côté du marché mais également sur les usages des consommateurs, qui eux-aussi évoluent dans le sens de l’européanisation. « L’Europe est le seul continent à ne pas disposer d’un scheme », précise-til, ajoutant que les initiatives sur le marché du wallet évoluent dans le sens de l’interopérabilité. Idem pour les e-commerçants, dont les besoins se complexifient et pour qui la principale exigence, avant la question des coûts, repose sur l’optimisation des process internes et la façon de mieux vendre, selon Pascal Burg, directeur du cabinet Edgar Dunn & Company. Une exigence qui vaut également pour le commerce physique, comme le démontrent les récentes initiatives entreprises par FÉVRIER 2015

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Une convergence des besoins malgré une fragmentation des usages, marqués par des habitudes nationales. C’est le bilan qui pourrait être dressé de l’étude présentée par Crédit Agricole Cards & Payments le 9 décembre 2014. Au cœur du marché : la carte de paiement. 72 % des Européens déclarent ainsi utiliser la carte bancaire plusieurs fois par mois, selon le premier baromètre Crédit Agricole Cards & Payments sur l’usage des moyens de paiement. De quoi confirmer l’appétence des consommateurs du Vieux Continent pour les moyens de paiement électroniques. L’enquête, réalisée sur 1 000 Français, 1 000 Allemands, 1 000 Italiens, et 1 028 Polonais, démontre ainsi qu’un tiers des Européens déclarent souhaiter utiliser leur carte de paiement plus souvent. Ce taux atteint 94 % dans l’Hexagone, faisant des Français les champions de la

William Vanobberghen, Nexo

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Denis Beau, Banque de France

l & 5ĘŞ 5 F w ,* C

ʙ ʪ 5 ʪ F 5ʪʍʍ n à une re-fragmentation du marchÊ et à une dÊgradation de la sÊcuritÊ de la chaÎne de paiement, en offrant dans cette perspective un espace de concertation et de coopÊration. L’ERPB est donc une instance au sein de laquelle peut se structurer un dialogue et une stratÊgie entre les reprÊsentants de l’offre et de la demande pour guider l’Êvolution du marchÊ des services de paiement.

Denis Beau, directeur gÊnÊral des opÊrations de la Banque de France, s’exprime sur la crÊation de l’Euro Retail Payments Board (ERPB) en avril 2014 ainsi que sur les problÊmatiques liÊes à l’Europe des paiements.

La gouvernance du SEPA constitue actuellement une interrogation primordiale dans le secteur. Que symbolise la crĂŠation de l’Euro Retail Payments Board (ERPB) en avril 2014 en remplacement du SEPA Council ? Comment cette organisation contribue-t-elle Ă faire ĂŠvoluer les choses ?

BANQUE DE FRANCE

L’ERPB prĂŠsente comme caractĂŠristique première d’être composĂŠe de reprĂŠsentants de l’offre et de la demande, de services de paiement et de reprĂŠsentants de l’Eurosystème selon la règle des trois tiers. Cette instance est prĂŠsidĂŠe par la Banque centrale europĂŠenne (BCE), sachant que la Commission europĂŠenne intervient en tant qu’observateur. L’objectif est de faciliter le dĂŠveloppement d’un marchĂŠ innovant, compĂŠtitif et uniďŹ ĂŠ au sein de l’Union europĂŠenne. En ce sens, l’ERPB a vocation

D’autres organisations europĂŠennes travaillent sur ce sujet, notamment l’European Payments Council (EPC), la Commission europĂŠenne ou encore l’Eurosystème. Comment les rĂŠflexions sont-elles organisĂŠes et rĂŠparties au sein des diffĂŠrentes structures ?

Ă traiter de sujets qui vont bien au-delĂ de ceux relatifs Ă l’uniďŹ cation du marchĂŠ du virement et au prĂŠlèvement, qui ont constituĂŠ la première ĂŠtape du projet SEPA, et travaille Ă l’Êvolution du

marchÊ des paiements dans son ensemble, aussi bien du côtÊ technique qu’institutionnel. Le rôle de l’ERPB est de soutenir l’innovation tout en veillant à ce qu’elle ne conduise pas

certains retailers comme Auchan et Carrefour. ÂŤÂ Il est l’heure de repenser la monĂŠtique , selon Arnaud Crouzet, directeur du dĂŠveloppement monĂŠtique du groupe Auchan. ÂŤÂ La monĂŠtique a ĂŠtĂŠ construite historiquement pays par pays et maintenant que l’Europe des paiements devient rĂŠalitĂŠ, nous sommes face Ă une nouvelle rĂŠgulation et de nouveaux protocoles , ajoute-t-il. L’un d’entre eux, la norme EPAS, semble pour lui plus indiquĂŠ car ÂŤÂ nous ne sommes partis d’un

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L’ERPB n’a pas vocation Ă se substituer Ă ces organisations mais plutĂ´t Ă s’appuyer sur elles pour dĂŠďŹ nir et assurer la mise en Ĺ“uvre d’une stratĂŠgie globale. L’idĂŠe est d’Êviter de dupliquer les travaux dĂŠjĂ rĂŠalisĂŠs pour cibler la mise en perspective stratĂŠgique.

La deuxième rĂŠunion de l’ERPB a eu lieu le 1er dĂŠcembre. Quels ont ĂŠtĂŠ

protocole domestique pour l’Êtendre. Il a ĂŠtĂŠ crĂŠĂŠ pour rĂŠpondre aux besoins du secteur au niveau europĂŠen . Le reprĂŠsentant de la norme EPAS, William Vanobberghen, secrĂŠtaire gĂŠnĂŠral d’EPASorg devenu Nexo, prĂŠcise en outre que le système vise une couverture mondiale avec une normalisation ĂŠvolutive intĂŠgrant par exemple la tokenisation. Outre les expĂŠrimentations menĂŠes par Auchan et Carrefour dans ce domaine, le pĂŠtrolier Total teste le dispositif dans 40 stations-ser-


les points abordés ? Les échanges ont notamment porté sur les paiements P2P via mobile et le paiement sans contact et ont conduit à la décision de constituer deux groupes de travail. Le paiement instantané a également été discuté. Il est ressorti des échanges sur ce point l’intérêt de favoriser le développement de solutions interopérables et européennes. La préoccupation de l’ERPB à ce stade est de bien identifier les sujets prioritaires et de fixer des objectifs opérationnels clairs avec un calendrier précis relativement ambitieux.

Quels sont-ils ? L’ERPB travaille-t-il également sur le suivi de migration de l’étape 1 du SEPA qui connaît actuellement une phase de rodage en raison des rejets ? Le suivi de migration est effectivement l’une des priorités immédiates de l’ERPB. Un groupe de travail dédié a été constitué dans cette perspective. Ses analyses portent notamment sur la gestion des codes rejets et, dans le cas du prélèvement, sur la localisation du compte du débiteur. Il est en effet essentiel pour que le projet SEPA produise tous ses bénéfices, que les bénéficiaires des paiements soient en mesure de traiter des opérations y compris lorsque le compte d’un payeur domicilié dans un autre État membre.

A ces points d’attention s’ajoutent la contribution au développement des prélèvements SEPA transfrontaliers de la diffusion de solutions paneuropéennes de mandat électronique et l’amélioration de l’harmonisation des messages XML entre client et banque et le suivi des travaux de préparation à l’échéance 2016 qui implique notamment, pour les paiements transfrontières, la fourniture par les donneurs d’ordre du seul Iban.

Quid de la prochaine étape du SEPA prévue pour février 2016 ? Où en est la migration du TIP et du téléréglement ? La migration de ces produits de niche, moins importants que le virement et le prélèvement en nombre mais non négligeables en termes de capitaux, se trouve à un stade fortement avancé au plan de la définition de leurs substituts. La solution retenue pour le TIP est le SEPA Direct Debit (SDD) « Core », à savoir le prélèvement SEPA. Concernant le téléréglement, qui sera remplacé par un prélèvement SEPA interentreprises (« SDD B2B »), les travaux ont également bien avancé et la finalisation du cahier des charges est en cours. La préparation de la migration opérationnelle se passe bien et nous échangeons avec toutes les parties prenantes dans le cadre du Comité National SEPA.

vice en France ce qui constitue un élément constructeur dans la logique européenne. Selon Arnaud Crouzet, il existe un réel besoin en termes de « monétique souple, flexible » d’autant qu’il s’agit d’une mutation à la fois horizontale et verticale avec le contexte multicanal. Nul doute que pour certains acteurs, à l’image de prestataires comme ACI Worldwide pour qui « l’avantage d’aller vers des standards européens ne fait aucun doute », ou de grands noms du retail présents dans tout

L’une des interrogations du secteur des paiements est l’harmonisation de l’infrastructure cartes. Comment l’ERPB travaillet-il sur ce sujet ? L’ERPB suit ce sujet de près avec des travaux visant à faire le point sur les standards et les efforts engagés par l’industrie. L’harmonisation de l’infrastructure cartes passera par différentes étapes. Une phase d’inventaire a notamment été engagée par le Card Stakeholder Group (CSG) de l’European Payments Council (EPC) avec pour objectif de pousser l’élaboration de standards communs, condition sine qua non de l’interopérabilité.

La définition d’une datebutoir pour le SEPA Cartes à l’image de ce qui a été fait pour le virement et le prélèvement estelle envisageable ? Aucune date butoir n’a été définie sur ce point. L’industrie a déjà engagé des efforts importants pour que des progrès significatifs soient réalisés dans ce domaine. D’où le fait que ce sujet soit un des points du programme de travail de l’ERPB.

L’Europe des paiements constitue actuellement un concept en cours de réalisation dans la mesure où le marché reste pour l’instant fragmenté. Comment décririez-vous la situation de la France par rapport

à ses voisins européens sur cette évolution ? Le système de paiement français est efficace et sûr, repose sur une forte interbancarité et une grande capacité d’innovation. C’est en France qu’est née la carte à puce. Aussi, il n’est pas surprenant que la communauté française ait joué un rôle moteur dans la migration au virement et au prélèvement SEPA et que celle-ci ait été réussie dans les délais sans problème significatif. Dans la deuxième phase de la création de l’Europe des paiements qui est désormais engagée on peut anticiper que ce rôle moteur a vocation à se poursuivre. C’est en France qu’est opéré le plus important système de paiement de détail national, Core, géré par la société Stet. Celui-ci dispose d’atouts incontestables pour jouer un rôle essentiel dans le mouvement de consolidation et d’interopérabilité qui ne manquera pas d’intervenir en Europe. Le GIE Cartes Bancaires joue aussi un rôle moteur dans les accords d’interopérabilité actuellement conclus entre systèmes de paiement par carte nationaux, ce qui va dans le sens de l’harmonisation promue par les travaux de l’ERPB dont la prochaine réunion est prévue en mai 2015. PROPOS RECUEILLIS PAR ANDRÉA TOUCINHO

le continent, l’évolution, qui place le paiement comme composante de la relation client de demain, constitue une opportunité d’avancer ses pions dans un secteur en mutation en apparaissant comme acteurs – et non plus partenaires – dans l’écosystème des paiements grâce à une anticipation de la demande du marché. De quoi confirmer que le marché se trouve, avec un scénario européen en pleine construction, au début d’un nouveau cycle. ANDRÉA TOUCINHO FÉVRIER 2015

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EP/EME

Quelles Êvolutions pour les acteurs non bancaires sur le marchÊ des paiements ?

Les moyens de paiement se sont multipliÊs. Les banques Êlargissent leur offre pour M ŤE E

Ť ĹŚ ? Ť ŤE Ĺł tŤ M E ŤE ŤŌteurs très innovants que sont les ĂŠtablissements de monnaie ĂŠlectronique (EME) et les ĂŠtablissements de paiement (EP) introduits en 2009 par la directive 2007/64/ " Ť ŤE ĹŚ Ť > ( ĹŚ ĹŚ ĹŚ ? M Ť E E M Ť souhaitĂŠ installer davantage de concurrence, doper l’innovation, mais aussi har Ť ĹŚ M E M Ť > $E ĹĽ Ť 845; o

C

inq ans après la fin du monopole bancaire qu’en est-il de la situation ? En France, 22 ĂŠtablissements de paiement ĂŠtaient agrĂŠĂŠs par l’AutoritĂŠ de ContrĂ´le Prudentiel et de RĂŠsolution (ACPR) en date du 1er janvier 2014. Un an auparavant, ils ĂŠtaient 19, contre plusieurs centaines au Royaume-Uni en raison de son adoption de dĂŠrogation pour mettre en place immĂŠdiatement des ĂŠtablissements de paiement ÂŤÂ allĂŠgĂŠs . Au cours de l’annĂŠe 2014, Buyster, regroupant des acteurs majeurs comme Orange, SFR, Bouygues TĂŠlĂŠcom, Atos Worldline et sa solution de paiement mobile, a cessĂŠ ses activitĂŠs. Aqoba, premier EP Ă avoir ĂŠtĂŠ agrĂŠĂŠ, est sur le point de le voir retirer. Allopass, filiale d’Himedia, est dĂŠsormais devenu Hipay. Quant Ă la Fiduciaire de distribution internationale (FDI), spĂŠcialisĂŠe dans la gestion de crĂŠdit clients et services de paiement intervenant dans

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une trentaine de pays dans le secteur du luxe, elle a ĂŠtĂŠ acquise par le groupe Ă forte croissance Webhelp au mois de septembre, pour crĂŠer Webhelp Payment Services. Cependant, le nombre d’Êtablissements devrait progresser grâce Ă l’agrĂŠment des plates-formes de crowfunding et Ă l’instauration de statut d’Êtablissement de paiement allĂŠgĂŠ rendu possible depuis octobre 2014 et limitĂŠ Ă un exercice sur le territoire national. En outre, 249 autres ĂŠtablissements de paiement enregistrĂŠs bĂŠnĂŠficiant du passeport europĂŠen peuvent exercer les activitĂŠs de services de paiement sur l’Hexagone et partout en Europe.

DES EME ESSENTIELLEMENT ISSUS DE BANQUES ET TELCOS Les EME proposent des solutions innovantes Ă leurs sociĂŠtĂŠs mères soucieuses de simplification et d’efficacitĂŠ, ou Ă de grands acteurs. Ils sont au nombre de quatre. W-HA


SA, filiale de France TĂŠlĂŠcom, propose aux professionnels des services de paiement sur Internet fixe et mobile et des ÂŤÂ kiosques multi-opĂŠrateurs . A titre d’illustration, l’Êtablissement fournit Ă Orange une solution permettant aux professionnels d’accepter les paiements CB depuis leur smartphone via un lecteur de carte bancaire. S-Money, sociĂŠtĂŠ de BPCE, dĂŠveloppe quant Ă elle des services et moyens de paiement pour le groupe. Après American Express aux US, S-Money est le premier ĂŠtablissement en France Ă proposer aux particuliers de payer par tweet. Une application tĂŠlĂŠchargeable sur mobile permet de rĂŠaliser des transferts d’argent ou de rĂŠgler ses emplettes chez l’un des 250 commerçants partenaires. Pour les entreprises, S-Money propose des outils CRM et d’animation pour doper les ventes et des modules pour crĂŠer en propre des cagnottes, collectes de crowdfunding ou places de marchĂŠ. Fivory, sociĂŠtĂŠ du CrĂŠdit Mutuel-CIC offre un portefeuille ĂŠlectronique multi-enseignes, ĂŠvitant ainsi de cumuler les applications de chaque marque. Il vise Ă adresser tous les commerçants en simplifiant leurs encaissements et en leur permettant de diffuser en temps rĂŠel des offres adaptĂŠes aux clients en fonction de leur localisation et de les reconnaĂŽtre lors de leurs achats pour personnaliser la relation. Ticket Surf International a choisi un positionnement orientĂŠ vers les particuliers. L’Êtablissement offre des solutions de prĂŠpayĂŠs pour acheter sur Internet ou miser pour des jeux d’argent. En outre, 17 autres sociĂŠtĂŠs offrant des services de paiement ou de monnaie ĂŠlectronique bĂŠnĂŠficiaient en janvier 2014 de l’exemption d’agrĂŠment en raison que leur instrument ou service de paiement ĂŠtaient ÂŤÂ acceptĂŠs par un rĂŠseau limitĂŠ ou pour un ĂŠventail limitĂŠ de biens ou services .

MARCHÉS DE NICHE, NOUVEAUX USAGES ET OFFRES LOW COST POUR LES EP Les nouveaux acteurs que sont les EP proposent une gamme de services innovants Ă destination des entreprises, particuliers ou professionnels bien souvent dans le prolongement ou en complĂŠment des activitĂŠs bancaires ou sur des marchĂŠs non occupĂŠs par les banques. Ces entreprises s’affichent comme des partenaires du fait de leur obligation de cantonnement des fonds collectĂŠs qui doivent ĂŞtre dĂŠposĂŠs auprès d’un ĂŠtablissement de crĂŠdit. Ainsi, par exemple, CrĂŠdit Mutuel ArkĂŠa accompagne C2A, U système de paiement ou encore Afone paiement. Ces ĂŠtablissements Ă la fois concurrents et complĂŠmentaires contribuent pour les groupes bancaires Ă constituer autant de remparts face Ă des acteurs puissants issus du secteur de l’Internet ou de l’Ênergie. Au regard des registres de l’APCR, les transferts de fonds sont les principales activitĂŠs offertes par ces acteurs. Ainsi, huit EP exercent des opĂŠrations de transferts de fonds. La sociĂŠtĂŠ Financière de Paiements, plus connue sous le nom de Western Union, propose par exemple aux particuliers, migrants ou professionnels d’envoyer ou de recevoir de l’argent en quelques instants partout dans le monde, en ligne ou depuis un bureau partenaire pour un faible coĂťt. BNC, installĂŠe Ă Fort de France, Ă l’origine bureau de change et sociĂŠtĂŠ de courtage issue de la banque niçoise de crĂŠdit, dĂŠveloppe les activitĂŠs de transferts d’argent effectuĂŠs sous la marque Global Transfert et des activitĂŠs de change sur la zone des CaraĂŻbes et de la Guyane mais

Monnaie ĂŠlectronique, beaucoup de bruit

E o Un peu plus de 50 millions d’opĂŠrations de paiement ĂŠlectronique ont ĂŠtĂŠ rĂŠalisĂŠes en France en 2012, selon la cartographie des moyens de paiement scripturaux sur les donnĂŠes 2012 de la Banque de France. Bien qu’en progression constante (+ 11,6 % en montant en 2012, +11,1 % en 2011), l’utilisation de la monnaie ĂŠlectronique reste très faible. En 2012, un habitant rĂŠalisait moins d’une transaction par an. Le montant ĂŠmis s’Êlevait en 2012 Ă 112,9 Mâ‚Ź, soit 0,23 % des montants ĂŠmis dans l’Union europĂŠenne, bien loin du Luxembourg qui reprĂŠsentait 70 % des paiements en monnaie ĂŠlectronique.

aussi sur la CĂ´te d’Azur. Enfin, Pay Top se positionne comme un opĂŠrateur de comptes de paiements mobile et Web. L’Êtablissement est particulièrement innovant et propose d’envoyer de l’argent par Internet dans l’un des 27 pays possibles, de convertir des devises ou de se les faire livrer ou encore d’envoyer des crĂŠdits pour tĂŠlĂŠphone mobile afin de les ĂŠchanger et d’en faire office de monnaie notamment sur les territoires africains. Il propose ĂŠgalement une carte bancaire multi-devises. Les services d’exĂŠcution de paiement Ă un compte reprĂŠsentent ĂŠgalement une partie importante des activitĂŠs des EP. De nombreux ĂŠtablissements ont choisi de se positionner sur le marchĂŠ BtoB et le commerce ĂŠlectronique. Ces nouveaux acteurs sont jeunes et issus du monde de l’Internet ou de la tĂŠlĂŠcommunication. Outre les prestations techniques et rĂŠglementaires, ils s’orientent vers le traitement global de l’acte de vente et le soutien au dĂŠveloppement commercial. Des positionnements qui sont porteurs du fait que les sites Internet encaissant pour le compte de tiers doivent disposer d’un agrĂŠment et que probablement, en raison des coĂťts et de la lourdeur de l’agrĂŠment, ils devraient se tourner vers les services de ce type d’EP. Ainsi, Cards Off fournit une ÂŤÂ Lettre de CrĂŠdit IrrĂŠvocable online Âť pour les e-commerçants afin que le paiement ne soit rĂŠalisĂŠ qu’à l’acceptation de la livraison, permettant ainsi aux vendeurs une optimisation des coĂťts et l’amĂŠlioration de l’acte commercial. En parallèle, l’entreprise a mis en place des partenariats avec des entreprises de logistiques pour contribuer Ă lever le frein du transport et ainsi faciliter les ventes depuis le Net. Le groupe Rentabiliweb, pure player de l’Internet en route pour le statut d’Êtablissement de crĂŠdit, propose des services novateurs outre le traitement des paiements. A titre d’illustration, l’offre Be2Bill est proposĂŠe sans abonnement avec un minimum de facturation mensuelle de 150 FÉVRIER 2015

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enjeux

Jean-Claude Huyssen, ACPR

l /ĘŤ 5E F une harmonisation europĂŠenne Âť Jean-Claude Huyssen, directeur des agrĂŠments, des autorisations et de la rĂŠglementation de l’AutoritĂŠ de contrĂ´le prudentiel et de rĂŠsolution (ACPR), s’exprime sur les directives liĂŠes Ă l’ouverture du marchĂŠ des paiements. Quel bilan tirez-vous de la transposition de la DSP et de la DME2 ? La transposition de ces directives a permis de crĂŠer un cadre juridique ad hoc pour les paiements ĂŠlectroniques qui constitue une première ĂŠtape importante vers une harmonisation europĂŠenne. La fourniture des services de paiement et d’Êmission et de gestion de monnaie ĂŠlectronique ĂŠtait prĂŠcĂŠdemment rĂŠservĂŠe aux ĂŠtablissements de crĂŠdit. La possibilitĂŠ de fournir ces services a ĂŠtĂŠ ouverte Ă de nouveaux acteurs rĂŠglementĂŠs : les ĂŠtablissements de paiement (EP), s’agissant des services de paiement, et les ĂŠtablissements de monnaie ĂŠlectronique (EME), s’agissant de l’Êmission et de la gestion de monnaie ĂŠlectronique. Ces nouveaux acteurs sont

soumis à une rÊglementation prudentielle moins contraignante que les Êtablissements de crÊdit mais suffisamment exigeante au regard des risques encourus par les utilisateurs de ces services. Cela a permis d’encourager l’innovation dans le secteur des paiements Êlectroniques, l’Êmergence de nouveaux business model et la crÊation de nouveaux moyens de paiement. Quelles sont les perspectives d’Êvolution de la rÊglementation ? Une proposition de rÊvision de la DSP a ÊtÊ publiÊe par la

Commission europĂŠenne en juillet 2013. Elle est actuellement en cours de nĂŠgociation. On s’attend Ă la publication d’un texte dĂŠfinitif dans le courant du premier semestre 2015. Ce nouveau texte devrait notamment permettre de rĂŠduire les divergences d’application entre les États-membres, de prĂŠciser les contours des exclusions de son champ d’application, et d’Êtendre son application aux opĂŠrations vers ou depuis des pays tiers (les ÂŤ opĂŠrations one-leg Âť). L’AutoritĂŠ bancaire europĂŠenne verra ĂŠgalement son rĂ´le renforcĂŠ en matière de services de paiement. Elle sera en charge de la publication de la liste des ĂŠtablissements de paiement agrĂŠĂŠs et du règlement des diffĂŠrends entre les autoritĂŠs des États-membres. Elle ĂŠmettra des lignes directrices et des orientations et proposera Ă la Commission un certain nombre de règlements d’exĂŠcution et de normes techniques de rĂŠglementation. Mais surtout cette nouvelle directive devrait donner naissance Ă deux nouveaux services de paiement, les services d’initiation de paiements et

euros. Elle est composĂŠe de fonctionnalitĂŠs Ă valeur ajoutĂŠe telles que les flux de caisse en temps rĂŠel, une CRM, la relance automatique des abandons de panier, la gestion de la fidĂŠlitĂŠ ou encore des outils pour rĂŠconcilier les encaissements, y compris depuis un point de commerce physique. La solution de paiement de l’Êtablissement Lemon Way s’adresse aux e-commerçants et plates-formes de crowdfunding pour faciliter leurs encaissements. L’entreprise a une communication de rupture avec les acteurs traditionnels. Elle s’est orientĂŠe vers l’Êconomie sociale et solidaire mais aussi dans le soutien des transactions en bitcoins avec la gestion et le contrĂ´le des flux de paiement du site paymium.com plate-forme d’Êchange de la monnaie virtuelle. En outre, sa solution sur mobile permet aux particuliers de rĂŠaliser des transferts d’argent. Quatre autres entreprises se positionnent sur les ĂŠchanges interentreprises et l’externalisation des processus mĂŠtiers. Elles interviennent dans l’optimisation des coĂťts et

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d’agrĂŠgation d’informations sur les comptes, ainsi qu’à de nouveaux intervenants qui n’entreront Ă aucun moment en possession des fonds des utilisateurs de services de paiement. De tels prestataires proposent d’ores et dĂŠjĂ ce type de services mais, dans la mesure oĂš ils ne sont pas rĂŠglementĂŠs, cela pose des problèmes importants en matière de sĂŠcuritĂŠ, de protection des donnĂŠes et de responsabilitĂŠ. S’agissant de la monnaie ĂŠlectronique, bien que la DME2 soit assez rĂŠcente, une ĂŠtude d’impact est en cours, afin de mesurer les consĂŠquences de cette directive et d’Êvaluer les mesures de transposition prises par les États membres. Il paraĂŽt souhaitable que l’occasion de la rĂŠvision prochaine de la DME2 soit saisie pour fusionner cette directive avec la seconde directive sur les services de paiement. Quelles sont vos attentes et vos points de vigilance dans les procĂŠdures d’agrĂŠment ? Les nouveaux acteurs sont assujettis au contrĂ´le de l’ACPR. Les règles prudentielles

l’amĂŠlioration de l’organisation en offrant des services Ă valeur ajoutĂŠe permettant des gains de compĂŠtitivitĂŠ et une simplification des procĂŠdures. Autre originalitĂŠÂ : elles sont historiquement loin du secteur financier. La Compagnie de l’Arc Atlantique (C2A) est par exemple issue du transport routier. L’entreprise basque propose Ă toutes entreprises des services autour de cartes adossĂŠes au rĂŠseau MasterCard spĂŠcifiquement dĂŠdiĂŠes aux transports. Les services permettent aux entreprises de simplifier la gestion liĂŠe Ă la mobilitĂŠ (notes de frais, contraventions, pĂŠages...), de faciliter les paiements partout en Europe comme de maĂŽtriser les dĂŠpenses grâce aux paramĂŠtrages personnalisĂŠes des cartes, permettant ainsi de gĂŠnĂŠrer des ĂŠconomies. Un ĂŠtablissement s’affiche comme spĂŠcialisĂŠ sur les activitĂŠs d’acquisition. Afone Paiement, issue de l’opĂŠrateur de tĂŠlĂŠcommunication ĂŠponyme, s’attaque Ă un marchĂŠ dĂŠtenu par les acteurs bancaires. L’entreprise d’Angers propose un terminal de


applicables prévues par les textes réglementaires leur sont spécifiques, et logiquement moins importantes que celles des établissements de crédit dont les activités sont plus nombreuses et porteuses de risques différents. Elles se distinguent également selon la nature de l’agrément délivré par l’ACPR - sous certaines conditions, un agrément dit allégé ou « small business » peut en effet être préférable -. Pour délivrer un agrément d’EP ou d’EME, l’ACPR porte son attention sur des points principaux comme la qualification juridique de l’activité, qui permet de définir la nature de l’agrément qui est requis pour mener à bien le projet. Autre élément, l’élaboration de business plan cible et dégradé crédibles, avec une étude de marché et une présentation des moyens mis en œuvre pour atteindre les objectifs impartis pour compléter utilement le dossier et les bilans et comptes de résultat prévisionnels. Cela s’ajoute à la solidité financière de l’établissement et à la protection des fonds. Les fonds des utilisateurs ou des détenteurs de monnaie électronique doivent être protégés soit par un dispositif de cantonnement soit par un mécanisme de garantie. Ils ne doivent pas en aucun cas être confondus avec les fonds de personnes physiques ou morales autres que

les utilisateurs de services de paiement ou les détenteurs de monnaie électronique. Enfin, la mise en place d’une gouvernance solide comprenant notamment une structure organisationnelle claire en matière de partage des responsabilités est indispensable. Les dirigeants effectifs doivent disposer de l’honorabilité, des compétences et de l’expérience nécessaires à leur fonction. La composition de l’actionnariat et sa solidité financière constitueront des éléments d’appréciation du collège de l’ACPR. Un organigramme fonctionnel doit notamment, audelà de la présentation des moyens mis en œuvre, mettre en exergue la séparation entre les fonctions de contrôle permanent, périodique et les fonctions opérationnelles. Cela s’ajoute à la mise en place d’un dispositif de contrôle interne structuré et adapté aux risques intégrant notamment le contrôle des prestataires essentiels et des agents et distributeurs mandatés par l’établissement. Une approche par les risques d’un dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme adapté intégrant l’identification du client et des mesures de vigilance est également requise. Dernier point, la sécurité des moyens de paiements avec un avis émis par La Banque de France, en charge de la sécurité des moyens de paiement.

paiement électronique pour le traitement des paiements électroniques pour les cartes de la marque CB, à un faible coût et pour une qualité identique à celle des concurrents. Par ailleurs, deux établissements se positionnent prioritairement sur les services liés à un compte de paiement et des services « low cost ». La Financière des Paiements Electroniques (FPE) propose aux particuliers de disposer d’un compte et d’une carte de paiement. Au regard de ces analyses, force est de constater que ces nouveaux acteurs sont porteurs d’innovations technologiques, organisationnelles et d’usages. Certains établissements peuvent à moyen terme bousculer la hiérarchie habituelle et amènent les structures établies à progresser et à coopérer pour préserver leur position. En outre, l’arrivée de ces nouveaux acteurs permet de créer un nouvel écosystème et d’accélérer l’impérative mutation de l’industrie bancaire pour faire face à celui venu de l’Internet.

Un cadre juridique Ŧ

constante évolution La stratégie Europe 2020 et la stratégie numérique pour l’Europe ont favorisé l’accélération de nouveaux services et technologies en mettant en œuvre le SEPA et en brisant définitivement le monopole bancaire, avec la Directive des Services de Paiement (DSP) transposée en droit français en 2009. Celle-ci a créé un statut d’acteurs non bancaires : les établissements de paiement (EP). Ces nouveaux acteurs peuvent fournir des services de paiement au même titre que les établissements de monnaie électronique (EME) et les établissements de crédit. Ce nouveau cadre juridique a été complété par le Règlement de l’UE n° 924/2009 du Parlement et du Conseil, visant une convergence des prix des services de paiement transfrontalier au sein de l’Union Européenne. Le Règlement 260/2012 du 14 mars 2012 a quant à lui défini les conditions pour les virements et les prélèvements en euros et vise à harmoniser le marché des paiements. La nouvelle Directive 2009/110/CE relative à la monnaie électronique a ensuite clarifié le statut d’EME. Elle a été transposée en France avec la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013. Cette dernière leur permet d’émettre et de gérer de la monnaie électronique et de délivrer des instruments, mais aussi de réaliser des services de paiement partout en Europe. Un Arrêté du 2 mai 2013 et le décret n°2013-372 du même jour précisent le statut dérogatoire pour bénéficier d’un statut d’EME « allégé », ne pouvant exercer que sur le territoire national. Enfin, en avril dernier, le Parlement européen a examiné en lecture unique, sans résolution législative, le « paquet paiement » comprenant la révision de la Directive Services de Paiement 2 (DSP2) pour ajuster la réglementation aux pratiques et limiter les exemptions, notamment pour certains secteurs tels les télécommunication. Elle prévoit également une nouvelle catégorie de prestataires de services de paiement non gestionnaires de comptes, que sont par exemple « les agrégateurs » de données qui font des « money center » ou initiateurs de paiement. Le texte, toujours en discussion, pourrait être applicable en 2017. En outre, certain, qui s’étaient interrogés sur le fait de créer une nouvelle catégorie à côté des établissements de crédits, s’interrogent aujourd’hui sur la nécessité de distinguer les EP (relevant de la DSP) et les EP relevant de la directive 2009/110/CE du Parlement européen et du Conseil, et proposent une fusion avec une législation adéquate.

PATRICE REMEUR

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