nº459 • FÉVRIER 2015
la revue des
25 € HT
EXPERTISE • DÉCISION • ÉQUIPEMENT
Événement Emprunts toxiques : la dette d’un millier de communes françaises explose Enquête Inventaire des réseaux d’eau Initiative locale Amiens-Métropole s’engage pour l’innovation et l’emploi
Rollon Mouchel-Blaisot ENTRETIEN
Président du conseil d’administration de l’Agence France Locale-Société Territoriale DOSSIER
Les villes luttent contre l’insécurité
DOSSIER
À quand des villes accessibles ?
Abonnez-vous ! nº457 • NOVEMBRE 2014
LA REVUE DES COLLECTIVITÉS LOCALES
la revue des
1 an - 10 numéros (version papier + numérique) EXPERTISE • DÉCISION • ÉQUIPEMENT
25 € HT
200 €
Événement La création des communes nouvelles est relancée
HT
Enquête Véhicules de fonctionnement : acheter ou louer ? Initiative locale À Mulhouse, le wifi c’est gratuit !
André Vallini ENTRETIEN EXCLUSIF
Secrétaire d’État à la Réforme territoriale DOSSIER
L’école numérique
DOSSIER
La gestion des cimetières
Le magazine de l’équipement des collectivités locales
Initiative locale Corse, Haut-Rhin, ensemble pour le développement des langues régionales
Initiative locale Montpellier Agglomération lutte contre les inondations
Événement 3,7 milliards de dotations en moins : les associations d’élus inquiètes
Van de Walle Directeur du secteur public local La Banque Postale '266,(5
Les communes
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relèvent le défi de l’eau
Sports et loisirs L’effort se poursuit
Présidente de l’association « Villes de France » '266,(5
Mobilité des seniors
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Bien vieillir en ville
Philippe Maillard
Directeur adjoint Water Europe de Suez Environnement et directeur général de Lyonnaise des Eaux '266,(5
Sécurité
prévention des risques
La transition énergétique
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Eaux pluviales
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Gestion des déchets
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Jean Haëntjens
Économiste, urbaniste, consultant en stratégies urbaines
Vice-président Smarter Cities au sein d’IBM France
Bâtiments
Construire « intelligent »
EXPERTISE • DÉCISION • ÉQUIPEMENT
Enquête Archivage électronique : les clés de la réussite
Initiative locale Désertification médicale : le Loiret sollicite les médecins retraités
Philippe Sajhau '266,(5
OD UHYXH GHV
Événement Financement participatif : le cadre est posé
Initiative locale Un cluster tourisme pour la destination Val-de-Loire
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Caroline Cayeux
Enquête Transition énergétique : coûts et financements Événement Un nouveau ministre pour la Ville
Initiative locale Le pays de Maurienne fait sa promotion
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Christophe
EXPERTISE • DÉCISION • ÉQUIPEMENT
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Événement Taxe de séjour : la hausse est contestée
Enquête Poursuites judiciaires : comment s’en prémunir
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Enquête Dispositifs de sécurité pour les festivals
EXPERTISE • DÉCISION • ÉQUIPEMENT
Q -8,1
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EXPERTISE • DÉCISION • ÉQUIPEMENT
OD UHYXH GHV
Q 6(37(0%5(
OD UHYXH GHV
Enquête Réussir sa commande publique
OD UHYXH GHV
Q 2&72%5(
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EXPERTISE • DÉCISION • ÉQUIPEMENT
Dossier spécial 13 maires exposent leurs projets prioritaires
Le très haut débit
Q -8,//(7 $2Ô7
Q DYULO
OD UHYXH GHV
DOSSIER
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Routes et voirie
Les nouveaux défis
Économies d’énergie un défi collectif
'266,(5
Piscines publiques la mutation tion
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La Revue des Collectivités Locales est éditée par Topix Medias, 23 bis rue Danjou, 92100 Boulogne-Billancourt — Directeur de publication Marc LAUFER E-mail : redaction@topix.fr Tel. 01 75 60 28 40 Fax. 01 47 57 37 25 Éditeur délégué Stéphane DEMAZURE E-mail : sdemazure@newsco.fr Rédactrice en chef adjointe Blandine KLAAS 01 75 60 28 64 redaction@topix.fr — PUBLICITÉ PUBLI-NEWS RÉGIE Directeur général Pierre SACKSTEDER 01 75 60 28 40 sacks@newsco.fr Directrice de clientèle Laurence DA COSTA 01 75 60 64 61 ldacosta@newscoregie.fr Chef de publicité Claire DUFOUR-MOLINA 01 75 60 28 47 cdufour@newscoregie.fr Chef de publicité Sophie LAÏK 01 75 60 28 67 slaik@newscoregie.fr Traffic Manager Laure MÉRY 01 75 60 28 51 lmery@newscoregie.fr Diffusion – Abonnements Isabelle LANCRY 01 75 60 28 57 i.lancry@publi-news.fr Abonnement France métropolitaine : 1 an 10n° : 200 € HT (TVA 2,10% soit 204,20 € TTC) Abonnements étranger : nous consulter — Réalisation Studio Pierre GAY http ://pierregay.net Imprimé en France par Imprimerie de Champagne 52200 Langres ISSN 0755-3269 N° Commission paritaire CPPAP 0615 T 84344
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— Sommaire —
3 6
Éditorial Événement • Emprunts toxiques : la hausse du franc suisse fait exploser la dette des communes
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Actualité
12 Entretien • Rollon Mouchel-Blaisot Président du conseil d’administration de l’Agence France Locale - Société Territoriale, holding de l’Agence France Locale
18 Enquête • Inventaire des réseaux d’eau : Suivez le guide !
24 Initiatives locales • La Rochelle, laboratoire des transports du futur • Amiens-Métropole s’engage pour l’innovation et l’emploi • À Savines-le-Lac, le gaz prend le relais des autres énergies.
30 Dossier À quand des villes accessibles ? • Au 15 février 2015, les ERP, bâtiments d’habitation, espaces
urbains et transports publics devaient être accessibles à tous. Il n’en est rien. Face aux retards accumulés, de nouvelles dispositions réglementaires ont été adoptées à travers les agendas d’accessibilité programmée, un dispositif autorisant d’étaler la programmation des travaux de mise en accessibilité au-delà de la date légale.
43 Dossier Les villes de France luttent contre l’insécurité • La sécurité urbaine est un véritable enjeu pour les collectivités locales. Un travail de longue haleine qui nécessite implication, initiatives, anticipation et remise en question.
52 Tribune juridique 54 Nominations 55 Agenda 56 Nouveaux produits 61 Bibliographie
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— Enquête —
Inventaire des réseaux d’eau
La loi Grenelle II et son décret d’application du 27 janvier 2012 obligent les collectivités locales à réaliser un descriptif détaillé des ouvrages de transport et de distribution d’eau. La réalisation de ce descriptif varie selon la taille et les caractéristiques de chaque collectivité locale. Analyse des bonnes pratiques et des enjeux auxquels sont confrontés les décideurs publics. 18 — nº 459
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suivez le guide !
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— Enquête • Inventaire des réseaux d’eau : suivez le guide !
Travaux de réfection d’un réseau d’eau.
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éduire les pertes d’eau dans les réseaux est, depuis 2006, considéré par la Banque mondiale comme une priorité à l’échelle de la planète. Cet enjeu se décline nationalement. Selon les pays, les problématiques diffèrent. Ainsi, une étude menée par le « Water Global Intelligence » en 2005, montre qu’en moyenne, le pourcentage de pertes en réseaux atteint 28 % en France et en Italie, contre 50 % en Irlande et au Portugal. L’Allemagne et les Pays-Bas, quant à eux, font figure de bons élèves avec 5 % à 7 % de pertes en moyenne seulement.
Un enjeu mondial, de fortes disparités locales Au niveau national, chaque pays a pris différentes dispositions afin d’optimiser le réseau existant et d’en assurer la pérennité. Il faut dire qu’au sein du Vieux
Continent, les premiers réseaux ont été mis en place il y a près d’une centaine d’années et tous n’ont pas fait l’objet de réfection ou d’investissements réguliers. La France compte ainsi actuellement plus d’un million de kilomètres de réseaux d’eau et d’assainissement sur son territoire. Avec 99 % des logements desservis en eau et 85 % en assainissement, le maillage territorial est dense et recouvre des territoires très variés. Selon les chiffres de l’Observatoire des services publics d’eau et d’assainissement, le taux de renouvellement annuel des réseaux s’établit à 0,61 % au sein de l’Hexagone. Un pourcentage qui reste faible. Si la France ne se place pas au dernier rang du classement des pays européens en termes de rendement (la moyenne étant de 76 %), les disparités entre collectivités sont grandes et les efforts en termes d’investissements à venir demeurent conséquentes. En effet,
à l’heure actuelle, les moyens alloués au renouvellement des réseaux dans toute la France sont estimés à 1 milliard d’euros. Selon les experts, l’investissement annuel permettant d’assurer la pérennité des réseaux devrait s’établir autour de 4 milliards d’euros.
Un descriptif détaillé en trois temps C’est la raison pour laquelle l’article 161 de la loi Grenelle II, donne pour objectif la réduction des pertes d’eau au sein des réseaux. L’objectif général de rendement est fixé de façon globale à 85 %. Cependant, chaque collectivité doit calculer l’objectif qui lui est propre, selon une formule prenant en compte différents paramètres, tels que la taille de la collectivité ou encore le niveau de ressources. Ainsi, généralement, plus la taille de la collecti-
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Le taux de renouvellement annuel s’établit à 0,61 % en France.
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vité est importante, plus les rendements exigés sont élevés. Dans ce contexte, les collectivités ont eu pour obligation d’établir, avant fin 2013, un descriptif détaillé des ouvrages de transport et de distribution d’eau et des ouvrages de collecte et de transport des eaux usées. Dans le détail, l’article D.
Certains réseaux sont en très mauvais état.
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224-5-1 du code général des collectivités locales prévoit que le descriptif détaillé des ouvrages de transport et de distribution d’eau potable comprend un plan des réseaux, mentionnant la localisation des dispositifs généraux de mesure ainsi qu’un inventaire des réseaux comprenant les linéaires de canalisations, l’année ou,
à défaut, la période de pose, la catégorie de l’ouvrage (sensible ou non sensible) au regard de l’article R 554-2 du code de l’environnement, les informations disponibles sur les matériaux utilisés et les diamètres des canalisations. Ce premier niveau de descriptif nécessite rarement le conseil d’un prestataire extérieur. « Dans les faits, il y a très peu de consultations qui portent uniquement sur le sujet de la connaissance patrimoniale. Les demandes sont généralement plus globales et portent sur la mise en place d’un plan d’action permettant une stratégie de gestion globale à moyen terme. Un service doté de moyens humains significatifs (bureau d’études) peut tout à fait réaliser le niveau un du descriptif seul », explique Nicolas Crinquant, directeur activité eau et milieu aquatique au sein du cabinet de conseil aux collectivités locales Espelia. Le service en charge de la gestion des réseaux doit, dans un premier temps,
— Enquête • Inventaire des réseaux d’eau : suivez le guide !
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compiler l’ensemble des plans de récolement du réseau sur un même document. À ce stade, il est hautement conseillé l’usage d’un support informatique : « incontournable, dans la mesure où produire un plan papier à jour nécessitera de passer par l’outil informatique », précise l’Onema (Office National de l’eau et des milieux aquatiques). Par ailleurs, cet outil informatique deviendra inévitable lors du passage au niveau 2 puis 3 de mise en conformité avec la réglementation. Au premier niveau du descriptif, les collectivités sont tenues de mettre en place un plan présentant a minima le matériau et le diamètre des canalisations ainsi que les dispositifs généraux de mesure. Dans le document, devront également figurer la présence ou non d’une zone de répartition des eaux, ainsi que la ou les origines de la ressource mobilisée. Ce premier plan doit être accompagné d’un inventaire des réseaux, contenant les informations générales suivantes : linéaire de canalisations, nombre de branchements de particuliers et description des conduites (diamètre, matériau, longueur et catégorie d’ouvrage, année de pose ou à défaut, période de pose).
Une fois le descriptif réalisé, celui-ci doit être mis à jour et complété chaque année en mentionnant les travaux réalisés sur les réseaux ainsi que les nouvelles données acquises au cours de l’année. Selon le calendrier réglementaire, l’ensemble des descriptifs détaillés aurait dû être achevé au plus tard à fin décembre 2013. Reste que, dans les faits, les données précises en provenance de chaque collectivité n’ont pas toutes été compilées.
Niveau 2 détaillé, en vue de l’élaboration d’un plan d’action Ce premier plan des réseaux, mis à jour annuellement, servira dans un second temps à l’élaboration d’un descriptif plus poussé. Dans le cadre du niveau 2, de nombreux plans viendront compléter le premier. C’est à ce stade que les collectivités locales qui disposent de services peu conséquents font généralement appel à un expert indépendant. Il s’agit de rassembler des informations plus spécifiques en vue de l’établissement d’un plan d’action stratégique. Il s’agit alors de
détailler la localisation de tous les équipements (vannes, ventouses, clapets anti-retour, organes de régulation, suppresseurs, poteaux et bouches incendie, points de comptages, détecteurs de fuites fixes…), ainsi que les caractéristiques principales des ouvrages. Devront également être référencées, la localisation des canalisations hors service, ainsi que la localisation des servitudes. Une fois, ces niveaux 1 et 2 réalisés, les collectivités locales pourront passer au niveau 3, dont le but est d’engager une gestion patrimoniale poussée. Ce niveau, repose sur la mise en place d’un système d’information géographique détaillé permettant aux collectivités d’avoir une connaissance totale de leur patrimoine. Pour Éric Brejoux, directeur de projet au sein de l’Onema, « in fine, si l’on regarde dans le détail, la phase de diagnostic est peu coûteuse pour les collectivités locales. Il ne s’agit là que d’un état des lieux du réseau qui peut être réalisé de consort avec des bureaux d’études. La phase diagnostic n’est pas la plus onéreuse et les collectivités qui ont déjà un bon suivi de leurs réseaux ne risquent pas de dépenses importantes ».
La France compte plus d’un million de kilomètres de réseaux d’eau et d’assainissement sur son territoire.
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C’est à partir de cet outil que les décideurs publics vont pouvoir établir un plan d’action de lutte contre les fuites ainsi qu’un calendrier de travaux. « À ce niveau, notre rôle en tant que conseil est d’imaginer avec les collectivités locales toutes les situations possibles et envisageables pour mener un programme de travaux et concilier les objectifs réglementaires avec un tarif acceptable pour l’utilisateur », précise Nicolas Crinquant. Pour l’ensemble des collectivités locales de l’Hexagone, ce plan d’action devra être mis en place au
plus tard en avril 2016. À nouveau, pour l’heure, aucune indication chiffrée sur l’état d’avancement des collectivités n’a été dévoilée.
Un enjeu de taille pour les collectivités Dans la course à l’amélioration et à la pérennisation des réseaux existants, les collectivités locales qui ont choisi de passer par une délégation de service public (DSP) pour la gestion de leurs réseaux ont la possibilité de faire appel au sa-
voir-faire des acteurs privés. Ainsi, dans le cadre de la loi, les exploitants de réseaux ont l’obligation de mettre en œuvre une cartographie précise de tous les réseaux neufs et d’améliorer progressivement celle des réseaux existants. Reste à la charge des collectivités locales de savoir s’entourer. « Il faut bien avoir à l’esprit que dans un contrat, il y a toujours deux parties : l’autorité organisatrice et l’opérateur. La collectivité locale impose le cahier des charges et a un devoir de contrôle. La négociation d’un contrat jette les bases d’une relation pour une durée de
6 questions à…
Bruno Lusy
responsable service assainissement de la communauté de communes des trois frontières CC3F
Combien de temps vous a pris la réalisation du descriptif détaillé du réseau d’assainissement ?
En ce qui concerne l’assainissement, nous disposons à l’heure actuelle d’un réseau de 300 km sur l’ensemble de la communauté de communes qui comprend dix communes. Il nous a fallu une dizaine d’années pour avoir une connaissance précise de ce linéaire. En 2001, CC3F a repris la totalité de la compétence eau et assainissement alors qu’auparavant, le réseau était entièrement géré par les communes membres. Il nous a fallu quatre ou cinq ans pour procéder au transfert de compétences, certaines communes géraient leur réseau en régie, d’autres par délégation de service public.
Pour quel type de gestion avez-vous opté et pour quelles raisons ?
Nous avons opté pour une délégation de service public. Le dernier contrat s’est achevé au 31 décembre 2012. Nous avons lancé une consultation, puis le contrat a été à nouveau attribué à Veolia qui a pour obligation contractuelle de faire un géo-référencement du réseau d’assainissement. Nous sommes même allés plus loin que les obligations contractuelles. Par exemple, nos relevés sont faits en planimétrie et en altimétrie. Il s’agit là d’une prestation supplé-
De quelle façon avez-vous procédé pour établir le descriptif des réseaux ?
Il nous a fallu près de dix ans pour avoir une connaissance précise de notre linéaire
Nous l’avons fait en deux temps. Tout d’abord, nous avons recueilli la cartographie de chaque commune pour la reporter en SIG (système d’information géographique, NDLR). Dans un second temps, nous avons entrepris de vérifier la fiabilité de cette cartographie. Pour ce faire, il a fallu procéder aux vérifications privatives d’assainissement. Il s’agit là d’un travail minutieux qui nous a pris beaucoup de temps ! Aujourd’hui, notre cartographie est fiable, je dirai à 95 %. Fin 2016, elle sera fiable à 99 %.
mentaire que nous leur avons demandée. Par ailleurs, afin de mieux entretenir notre patrimoine existant, nous nous sommes dotés d’un atelier d’inspection caméra. Sur les 300 km de linéaires, 80 km bénéficient déjà de cette technologie. Ceci nous permet d’être plus réactif et d’intervenir rapidement en cas de problème. Ce type de prestation est réalisé en régie, ce qui permet d’intervenir rapidement en cas de problème. Au sein du service assainissement, nous comptons 11 personnes parmi lesquelles trois ont pour mission exclusive de réaliser les vé-
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rifications d’installations privatives. Nous constatons en moyenne, 15 % à 20 % de non conformité. À la suite du descriptif, quels travaux avez-vous réalisé sur le réseau d’assainissement ?
Nous avons mis en place une programmation sur trois ans, ce qui nous offre la possibilité de lisser les dépenses. L’an dernier, nous avons déjà réalisé 500 000 € de travaux d’investissements pour la réhabilitation du réseau et ceci devrait se poursuivre au cours des prochaines années. Quid du réseau d’eau potable ?
Ce linéaire est géré par le syndicat d’eau qui regroupe 5 communes correspondant à 38 000 habitants. Nous avons, là-aussi, mis en place une délégation de service public avec Veolia et travaillons au géoréférencement du réseau. À l’heure actuelle, 80 % du linéaire est connu. Quels impacts sur l’utilisateur final ?
Nous n’avons pas augmenté le prix de la redevance. Cela s’explique par le fait que nous avons mené une stratégie de planification qui nous a permis de lisser nos investissements dans le temps. Par ailleurs, lors de la renégociation des contrats de DSP, nos prestataires ont revu à la baisse les coûts d’exploitation. En conséquence, cela nous a permis d’avoir une capacité d’investissement supérieure, sans conséquence pour l’usager. •
— Enquête • Inventaire des réseaux d’eau : suivez le guide ! plusieurs années, qui devront nécessairement évoluer du fait d’une réglementation mouvante. Le cadre contractuel doit donc être pensé en vue de ces évolutions », prévient Nicolas Crinquant.
Sanctions financières prévues
le doublement de la taxe », prévient Éric Bréjoux, directeur de projet à l’Onema.
Quel impact sur l’utilisateur final ? S’il est difficile de chiffrer de façon précise le nombre de collectivités qui,
Guides à l’usage des collectivités locales our encadrer les collectivités locales dans la réalisation de leur descriptif, un guide pédagogique téléchargeable en ligne a été créée. L’Onema, office national de l’Eau et des Milieux aquatiques, a réalisé, en collaboration avec l’Astee, l’AIFT et le ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, un document intitulé Gestion patrimoniale des réseaux d’eau potable. Téléchargeable en ligne et gratuitement, ce guide se donne pour mission d’accompagner les décideurs publics dans la réalisation de leur descriptif, au cours des niveaux 1 et 2. Un autre guide, intitulé « Aide à la réalisation du plan d’actions contre les
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fuites » et correspondant au niveau 3 du diagnostic est également disponible et téléchargeable en ligne, via le site services.eaufrance.fr. L’association des maires de France (AMF), la Fédération professionnelle des entreprises de l’Eau (FP2E), la Fédération des Distributeurs d’eau indépendants (FDEI), Syntec Ingénierie, CINOV et Canalisateurs de France se sont aussi engagés à accompagner les collectivités locales dans cette démarche d’inventaire des réseaux à travers un guide publié en novembre 2013 sous le titre Inventaire des réseaux d’eau et d’assainissement, guide pratique.
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Les collectivités doivent réaliser un descriptif détaillé de leurs réseaux.
suite à la réalisation de leur descriptif, devront se lancer dans d’importants travaux de réfection, les autorités estiment que cela pourrait concerner 15 % à 20 % des collectivités locales. In fine, c’est l’utilisateur qui paiera ces travaux via sa facture d’eau : « il existe certaines collectivités dans lesquelles les budgets d’eau ont été sanctuarisés, c’est-à-dire qu’il n’y a pas eu d’augmentation des tarifs d’eau depuis plusieurs décennies. Dans ce cas, il est fort possible que les travaux engendrent une hausse des tarifs pour l’utilisateur final. Mais il s’agit là de décisions politiques. Les élus qui décideront de ne pas faire les travaux nécessaires auront des pénalités financières », rappelle Éric Chloé Consigny Brejoux. •
Travaux de réhabilitation.
février 2015 — 23
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Si, à l’issue du descriptif détaillé, la collectivité ne met pas en place de mesures d’amélioration, la loi prévoit des pénalités financières. Lorsque le descriptif ou le plan d’action n’a pas été établi dans les délais prescrits, le taux de la redevance pour l’usage et l’alimentation en eau potable est multiplié par deux. Une majoration qui prend effet à partir de l’année suivant le constat de carence. « Les collectivités locales qui ne se sont pas préoccupées de ce sujet vont devoir s’imposer des engagements de moyens. Des plans d’action seront élaborés à l’issue de la collecte qui va être faite. Pour l’heure, le calendrier laisse encore du temps aux collectivités : celles-ci ont jusqu’en avril 2016 pour lancer un plan d’action. Et les collectivités qui ne l’auront pas mis en place s’exposent à une sanction :
DOSSIER
Les villes de France luttent contre
l’insécurité Dossier réalisé par Shana Levitz et Liorah Benamou
La sécurité urbaine est un véritable enjeu pour les collectivités locales. Un travail de longue haleine qui nécessite implication, initiatives, anticipation et remise en question. —
p.46 • Définir une politique de sécurité locale efficace p.47 • La vidéoprotection se répand et fait ses preuves p.48 • La médiation et la prévention p.49 • Ces dispositifs qui rassurent et sécurisent
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p.45 • Le maire, figure centrale de la sécurité urbaine locale
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haque année, l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), en partenariat avec l’Insee, sonde 15 000 Français sur leur sentiment d’insécurité dans l’Hexagone. Les dernières données publiées le 9 décembre dernier font état d’une certaine réassurance de la population avec une impression de mise en danger en recul. « Quand nous sommes arrivés
La vidéoprotection se généralise.
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il y a une quinzaine d’années, nous nous sommes confrontés à la gestion de trois cités, ça n’a pas été facile. Mais aujourd’hui il n’y a plus de délit. Alors oui, il y a de l’incivisme et des nuisances sonores mais rien de bien grave. L’insécurité se rétracte » confirme Jean-Pierre Haslin, premier adjoint de La Garde (83), en charge de la sécurité. En effet, à la lueur des résultats du baromètre de l’ONDRP, en 2014, seuls 17,4 % des Français se sentaient menacés à leur domicile contre 21,2 % dans leur quartier ou leur village. Des chiffres se justifiant principalement par la hausse des cambriolages — 600 000 l’an passé — et la progression des vols — 360 000 Français floués contre 270 000 en 2013. La quiétude des citoyens est fortement corrélée à l’actualité de leur pays. En 2014, le climat général s’est révélé globalement propice et calme sur le territoire. Sans surprise, les évènements récents de janvier 2015 devraient néanmoins inciter la courbe du sentiment d’insécurité des Français à repartir à la hausse. Restaurer la confiance des administrés en s’engageant à leur offrir tranquillité et sérénité constitue un des enjeux les plus primordiaux pour les collectivités locales.
Jean-Pierre Haslin, premier adjoint de La Garde (83), en charge de la sécurité
Mais garantir la sécurité urbaine n’est pas toujours une mission aisée à appréhender. Dur est le labeur, long est le chemin. Les défis sont pluriels — délinquance, débordements, sécurité routière, aléas climatiques, crise sanitaire, pollution…— et les moyens légaux et financiers limités. « De plus en plus de responsabilités pèsent sur les villes. Mais elles ne bénéficient pas
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DOSSIER
— Les villes de France luttent contre l’insécurité de suffisamment d’armes juridiques et pécuniaires pour assurer convenablement et pleinement leur rôle. Elles ont tendance à se sentir un peu ignorées par l’État » confie Elizabeth Jonston, déléguée générale du Forum européen pour la sécurité publique. Les communes ne s’en montrent pas pour autant moins proactives. Elles restent vent debout contre l’insécurité, s’impliquent et multiplient les initiatives aussi bien traditionnelles qu’alternatives.
Le Forum européen pour la sécurité urbaine Elizabeth Johnston, déléguée générale du Forum européen pour la sécurité urbaine
Le maire, figure centrale de la sécurité urbaine locale
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« créé par des élus pour des élus »
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Ils se sont déroulés à des milliers de kilomètres de l’Hexagone et pourtant les attentats du World Trade Center du 11 septembre 2001 aux États-Unis ont eu pour effet de renforcer la mobilisation des pouvoirs publics français. Conformément à l’article L.111-1 du Code de la sécurité intérieure, ces derniers ont tenu à réaffirmer les principes de protection des personnes, des biens, de respect des lois, de maintien de la paix et de l’ordre public. La sécurité étant un droit fondamental, tel que l’édicte l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, elle constitue une mission régalienne et relève de la responsabilité étatique. L’État en demeure ainsi le seul garant et ordonnateur, bien qu’il n’en soit pas le seul acteur. Par décentralisation de son pouvoir, la sécurité devient l’affaire de tous et notamment celle des collectivités territoriales et locales. Leur proximité avec les administrés et leur présence sur le terrain en font les relais les plus légitimes et pertinents. Le maire en particulier, qui a été peu a peu intronisé figure centrale
e Forum est une association de droit français qui a été créé il y a 26 ans par des élus pour des élus afin de permettre aux villes de travailler ensemble sur les questions de sécurité en partenariat avec les autres échelons du gouvernement et les États nationaux de l’Union européenne. Aujourd’hui, 250 collectivités locales européennes en sont membres, de toutes tailles et de tous bords politiques. L’idée est de créer un espace d’échanges et de rencontres pour partager les bonnes pratiques, réfléchir sur des enjeux d’importance, susciter des questionnements et finalement œuvrer de façon très inclusive sur la définition de la sécurité qui va bien
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de la sécurité urbaine locale. Son habilitation à agir s’est développée au fil des années et ses pouvoirs de police ont été augmentés. À la fois officier de police judiciaire (article 16 du Code de procédure
Grenoble croit beaucoup à la police administrative.
au-delà de la police et de la justice. La valeur principale que nous partageons tous, et qui fait partie de l’ADN de l’association, est que la sécurité est un bien commun que l’on construit et qui nécessite une coproduction avec tous les acteurs qui participent à la vie des citoyens. Les maires ne possèdent pas toutes les réponses aux problématiques qu’ils rencontrent, aux questions qu’on leur soumet. L’idée n’est justement pas de dire qu’il est seul responsable et qu’il œuvre en solitaire pour la gestion de sa commune. Non, il est médiateur et animateur d’un partenariat local qu’il s’agit de mobiliser pour voir qui est le mieux placé pour répondre. Du Forum européen est progressivement né un Forum national français qui accompagne plus spécifiquement les communes des territoires en les aidant à renforcer leur politique locale. Nous proposons des formations très spécifiques pour aider les élus à se consolider : prévenir et lutter contre les violences faites aux femmes, diagnostiquer et mettre en place une stratégie de prévention, comment sortir du marché de la drogue, comment accompagner les médiateurs dans leurs prises de fonction. » pénale) et autorité de police administrative (articles L.2212-1 et L.2122-24 du Code général de collectivités territoriales, et articles L.131-1, L. L132-1 et suivants du Code la sécurité intérieure), il est en capacité d’établir des mesures préventives, d’intervention ou répressives. « À Grenoble, nous croyons beaucoup à la police administrative par le biais d’arrêtés municipaux et de production de normes locales. En interdisant la vente d’alcool sur les lieux publics par exemple, pour prévenir l’ivresse et les débordements de foule » indique Elisa Martin, première adjointe au maire de Grenoble, en charge de la tranquillité publique et du parcours éducatif. « Nous pouvons également émettre des arrêtés pour interdire l’ouverture nocturne de certains commerçants dont l’afflux de clients causent des troubles » rajoute-t-elle. Un double pouvoir donc, à la fois administratif et judiciaire qui confère de
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Une politique de sécurité est avant tout une politique de prévention de la sécurité c’est notre rôle » déclare Catherine Arenou, première vice-présidente de l’Association des maires de France ville et banlieue, maire de Chanteloup-les-Vignes (78).
Définir une politique de sécurité locale efficace Depuis la loi nº 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, le rôle de l’édile est devenu d’autant plus capital qu’il lui est désormais obligatoire de créer dans les communes
Catherine Arenou, première vice-présidente de l’Association des maires de France ville et banlieue, maire de Chanteloup-les-Vignes (78)
de plus de 10 000 habitants, et dans celle de moins de 10 000 habitants disposant d’une zone urbaine sensible, un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD). Un dispositif qui permet de fédérer représentants de l’État (élus, policiers municipaux, agents locaux de médiations sociales, travailleurs sociaux, autorités organisatrices de transports…) et acteurs économiques appartenant à la ville (bailleurs, entreprises exploitantes de transports, commerçants...)
Smart Cities : des technologies innovantes et intelligentes pour garantir la sécurité Basées sur des solutions progicielles, de nouvelles technologies offrent aujourd’hui aux collectivités locales la possibilité de se doter de moyens informatiques performants pour garantir la sécurité de leurs administrés.
Major de Triotech Major est un logiciel professionnel qui se découpe en 4 modules particulièrement utiles aux communes : un centre de contacts pour gérer les échanges avec les citoyens (mails, appels, courriers, …), un outil de gestion de la population, un autre pour gérer les réclamations et enfin un système d’alerte et d’information aux populations. Ce dernier dispositif permet en cas de risque et de crise d’insécurité majeure telle qu’un évènement climatique dangereux d’envoyer en quelques instants un message texte ou vocal personnalisé à la totalité des administrés pour leur indiquer la marche d’urgence à suivre.
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Swiss Catch d’Egidium Technologies « Egidium est une société qui édite des solutions logicielles dédiées à la sécurité et à la sûreté des zones sensibles » explique Laurent Denizot, directeur général d’Egidium Technlogies. « Nous avons créé le module Swiss Catch qui s’intègre à la vidéoprotection en la complétant de services intelligents en 3D comme la possibilité d’assurer la traçabilité dans la ville d’un véhicule mobile en temps réel par reconnaissance de plaque d’immatriculation ou encore du comptage ou de la détection de mouvements. C’est un logiciel qui est facile d’installation et d’utilisation et qui permet de maîtriser les coûts » conclut-il.
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lourdes responsabilités au maire et à ses élus. « Nous sommes allés chercher cette responsabilité auprès des électeurs, à nous d’assumer. Il faut une figure républicaine pour centraliser, capter les synergies et aider tout un chacun à œuvrer conjointement. Qui peut le faire mieux que le maire, qui est censé être à la fois neutre, attentif et autoritaire ? Qu’il nous faille porter solidement la sécurité ne me choque pas du tout, bien au contraire
en rassemblant leurs différentes synergies autour des questions de sécurité. L’idée étant de communiquer et de réfléchir aux préoccupations présentes afin de leur conférer des solutions, celles-là même qui définiront les stratégies pour lutter contre la délinquance. « Avant que les CLSPD deviennent obligatoires, j’avais créé il y a 15 ans un observatoire de la sécurité dans la ville, composé d’une vingtaine de participants. Nous avons beaucoup évolué en une décennie et demi, nous nous connaissons bien et nos actions deviennent vraiment payantes » se félicite Jean-Pierre Haslin de La Garde. « Elles le sont d’ailleurs vraiment devenues depuis que nous nous sommes mis à sanctionner financièrement, après validation de la préfecture, les jeunes récidivistes. Les parents devant s’occuper de l’amende, le sermon fait à l’enfant en est d’autant plus impactant » rajoute-t-il. Si, sur le papier, la formation des CLSPD semble découler d’une démarche évidente et profondément républicaine, dans la pratique il peut devenir parfois délicat de réunir tous les acteurs autour d’une seule et même table. « Il faut parfois démontrer à certains pourquoi il est nécessaire qu’ils s’impliquent personnellement » explique Elizabeth Johnston, déléguée générale du Forum européen pour la sécurité publique. « Pour la simple et bonne raison qu’une sécurité défaillante risque de les atteindre et de leur nuire directement. Par exemple, les transporteurs et commerçants sont les premières victimes d’un climat d’insécurité réel ou perçu. Car les personnes vont moins sortir de chez elles et vont moins utiliser les transports, vont moins aller dans les magasins, ce qui ne sera pas bon pour leurs comptes. Il y a donc un intérêt partagé » rajoute-t-elle. Aujourd’hui pour garantir la sécurité urbaine contre la délinquance, les communes ciblent prioritairement quatre moyens : la police municipale, la vidéoprotection, la médiation et la prévention. « Une politique de sécurité est avant tout une politique de prévention de la sécurité » confirme Catherine Arenou, maire de Chanteloup-les-Vignes. « Par exemple, je fais une fois par semaine une réunion avec l’ensemble de mes chefs de service et le personnel associatif qui a vocation à porter la prévention, et je préside, une fois par mois, une cellule de veille où l’ensemble des acteurs du territoire issus des transports, du commerce, de l’éducation, de la police, de
— Les villes de France luttent contre l’insécurité l’éducation et de la médiation se regroupent. Nous ciblons au plus près les dysfonctionnements, anticipons les futurs et je donne mandat à chacun pour agir » explique-t-elle.
Avec un peu moins de 20 000 fonctionnaires, agents publics et gardes champêtres répartis sur tout le territoire, la police municipale constitue aujourd’hui la troisième force de l’ordre en France derrière la Police nationale et la Gendarmerie nationale. Elle n’a pas pour vocation à se substituer à elles mais à les compléter. Ses rôles sont bien délimités : assurer l’ordre, la sécurité, la sûreté, la salubrité et la tranquillité publiques (L2212-5 du Code général des collectivités territoriales), veiller à la bonne application des arrêtés municipaux, relever les infractions routières ainsi que celles enfreignant divers codes tels que celui de l’urbanisme. Bras opérationnel du maire auquel elle obéit, la police municipale est aujourd’hui devenue essentielle pour les
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La police municipale : un dispositif de maintien de l’ordre incontournable
Caroline Pozmentier, adjointe au maire déléguée à la sécurité publique et à la prévention de la délinquance à Marseille.
collectivités locales. « Nous comptons beaucoup sur notre police municipale et nous avons particulièrement misé dessus depuis 5 ans en la renforçant et en la modernisant en lui fournissant des moyens adaptés à ses nouvelles missions » explique Caroline Pozmentier, adjointe au maire déléguée à la sécurité publique et à la prévention de
la délinquance à Marseille. « Nous avons doublé nos effectifs en passant de 210 agents à 408 aujourd’hui, et nous les avons dotés de nouveaux moyens tels que la géolocalisation, des segways pour se déplacer plus vite sur la voie piétonne et une nouvelle radio numérique » poursuit-elle. Son coût de mise en place reste toutefois un frein pour de nombreuses communes. Selon le dernier point d’indice 2014, le salaire mensuel brut d’un policier municipal oscille entre 1 472 € et 2 116 €. Soit un salaire moyen de 1 794 € brut. Ainsi, un seul agent coûte à la mairie 21 528 € brut par an. « Pour 100 policiers municipaux, notre budget de fonctionnement est de 100 M€ net, salaires et armes compris » précise Caroline Pozmentier. Car, à ce budget, s’ajoute l’indispensable coût des équipements de défense des agents. Selon les volontés du maire qui les dirige et après acceptation du préfet, ils peuvent détenir des armes légères telles que le tonfa — matraque — ou bombes lacrymogènes (82 % en 2013), des armes à feu (39 % en 2013) ou encore des armes périphériques (flashball, tazer…). Des dépenses qui restent donc difficiles à absorber pour les collectivités. Selon les derniers chiffres officiels dévoilés par le ministère de l’Intérieur en janvier 2014, sur les 4 349 communes équipées d’une police municipale, 3 619 d’entre elles disposent de forces n’excédant pas un effectif de cinq agents. À l’inverse, 13 grandes villes dont Avignon, Bordeaux, Cannes, Dijon, Lyon, Marseille, Montpellier, Nice, Nîmes, Orléans, Saint-Étienne, Strasbourg et Toulouse, possèdent une police municipale composée de plus de 100 agents.
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La vidéoprotection se répand et fait ses preuves
La police municipale constitue la troisième force de l’ordre en France.
La vidéoprotection, à distinguer de la vidéosurveillance qui se rapporte aux lieux privés, n’a pas toujours fait l’unanimité auprès des élus et de leurs citoyens. Les plus rétifs, refusant obstinément que leur vie privée soit bafouée et épiée en permanence, criaient aux loups, accusant la France de vouloir ouvrir la porte à l’indiscret Big Brother. Quelques maires avant-gardistes tels que Patrick Balkany dans les années 1980 à Levallois-Perret, et de protecteurs cadres légaux (régime d’autorisation administrative préalable
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Une caméra représente en moyenne une dépense de 12000 euros
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La vidéoprotection ne fait toujours pas l’unanimité parmi les élus et les citoyens.
Le coût reste néanmoins, une fois de plus, le bât qui blesse. Une caméra représente en moyenne une dépense de 12 000 €, à laquelle s’ajoute des frais d’installation qui avoisinent les 10 000 € à 20 000 €. Soit entre 22 000 € et 32 000 €
en tout pour une seule unité. À titre d’exemple, la ville d’Arles investit entre 150 000 € et 200 000 € par an pour son système de vidéoprotection composé aujourd’hui de 67 caméras contre 650 000 € de dépenses annuelles pour la communauté d’agglomération de la vallée de Montmorency et ses 125 caméras. Une facture qui reste donc fort onéreuse pour les collectivités mais que des subventions versées par l’État peuvent alléger de 20 % à 50 %.
La médiation et la prévention : restaurer et sauvegarder le dialogue social
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On en dénombre, à titre indicatif, 23 à Lonjumeau (91), 42 à Roubaix (59), 150 à Toulon (83), 178 à Meaux (77), ou encore 394 à Lyon (69). « Le déploiement de la vidéoprotection est un axe très fort pour nous. 555 sont actuellement en service et nous ambitionnons d’atteindre les 1000 à la fin 2015 » précise Caroline Pozmentier de Marseille. Raccordées à un ou plusieurs centres de supervision urbains (CSU) dans lesquels des policiers municipaux scrutent attentivement une multitude d’écrans leur retransmettant les images de la ville en temps réel, les caméras de vidéoprotection ont peu à peu fait leurs preuves, tantôt dissuadant, tantôt permettant à la police municipale de relever plus aisément les infractions. « En 2014, nous avons consigné 1 400 faits, nous avons réalisé près de 800 interventions et avons été sollicités pour 2 400 réquisitions d’images par la police nationale » se félicite Caroline Pozmentier. Autre exemple, à Montpellier, la ville a fait état pour sa part en 2013 de 6 593 affaires traitées grâce aux caméras : 4 944 ont concerné la prévention d’atteinte aux biens, 728 la régulation des flux de transport, 464 la constatation d’infractions routières, 354 la prévention des risques, et 77 la protection des bâtiments publics.
Elisa Martin, première adjointe au maire de Grenoble, en charge de la tranquillité publique et du parcours éducatif.
Jamais oubliées, les dimensions humaines et sociales représentent des éléments essentiels pour les communes luttant contre la délinquance. Elles passent par deux volets : la médiation tout d’abord, comme solution alternative à la répression et à la sanction, ainsi que la prévention par l’éducation des enfants,
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prévu au Code de la sécurité intérieure, circulaires, décrets…) sont toutefois parvenus à inverser la donne. Des exemples, progressistes et rassurants, qui ont permis d’ouvrir la voie, laissant le système se répandre par la suite comme une traînée de poudre au sein des collectivités locales. Selon les dernières estimations de Jean-Louis Blanchou, préfet délégué interministériel à la sécurité privée, en date du 30 mai 2014, 40 000 caméras seraient installées sur la voie publique, et 30 000 seraient en projet à court terme. Les collectivités locales s’en sont approximativement toutes dotées pour protéger leurs citoyens contre les délits, mais également les bâtiments publics contre les atteintes ou dégradations : grandes places, hôtels de ville, gares, parcs des sports, écoles…
des adolescents et des jeunes adultes en difficulté. Aujourd’hui, la plupart des collectivités locales se sont dotées d’un service spécialement dédié à la médiation sociale, composé d’un ou plusieurs travailleurs, généralement habitant de la commune. Leurs rôles principaux sont d’aller au devant des citoyens pour échanger, communiquer et écouter, avec attention et diplomatie, afin de ne jamais rompre le dialogue avec des populations à risque. Ils interagissent dans la résolution de petits conflits de la vie quotidienne, dans la responsabilisation des familles dans leur fonction parentale ainsi que dans l’accompagnement pour les démarches administratives. « Nos médiateurs de nuit font un travail remarquable, ils ont une habilité relationnelle très développée. Et pourtant nous avons beaucoup de mal à les récompenser en leur fournissant des emplois statutaires. Nous faisons appel à une association
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— Les villes de France luttent contre l’insécurité
qui nous propose des profils et ils ne tombent pas sous notre responsabilité. Du coup on ne peut concrètement ni les former ni les accompagner» explique Elisa Martin, première adjointe de Grenoble. Un dispositif qui coûte à la ville 150 000 € par an. Enfin dernier jalon pour lutter contre la délinquance, qui s’inscrit en réalité
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Le coût de l’insécurité en France
a délinquance est devenue un enjeu économique considérable, et sa facture est un lourd tribut à payer. La note en 2013 : 10 Md€ pour le secteur public.
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Vandalisme, agressions dont : • 900 M€ de malveillance informatique • 500 M€ de vandalisme pour les bailleurs sociaux • 120 M € de vandalisme pour les communes Dépenses de protection dont : • 7 Md€ de budget des forces de l’ordre dédié à la délinquance
• 580 M€ de gardiennage et téléprotection • 170 M€ de lutte anti-tags Les budgets de sécurité des villes en 2014 • Marseille : 145,7 M€ • Nantes : 16 M€ • Montpellier : 9,72 M€ • Caen : 5,64 M€ • Neuilly-sur-Seine : 5,5 M€ • Le Mans : 2,21 M€ • Orléans : 1 M€ • Lille : 900 000 € • Strasbourg : 698 400 € • Grenoble : 400 000 €
comme le premier de tous les paliers : l’anticipation par l’éducation et la prévention. En agissant directement auprès des jeunes publics de 11 à 25 ans. « Nous avons mis en place une politique de prévention très ferme. Selon nous elle doit passer par l’éducation mais également par l’apprentissage de la sanction en combattant farouchement l’absentéisme scolaire » déclare Caroline Pozmentier, adjointe au maire de Marseille. « Nous avons créé une cellule de citoyenneté et de tranquillité publique, dite CCTP, qui est alimentée par 3 cellules d’instruction qui statuent sur le cas de mineurs absentéistes. Nous recevons les familles et leur indiquons que c’est le rappel de la dernière chance avant que nous ne sévissions » rajoute-t-elle. La mairie de Chanteloup-les-Vignes, de son côté, cible davantage l’échec scolaire et la réussite éducative : « Un élève qui rencontre un certain succès à l’école et dont les parents sont fiers est un enfant qui aura moins de chances de dévisser. C’est dans le malaise et le rejet à l’école que l’enfant va être détourné du droit chemin » souligne Catherine Arenou. Ces dispositifs d’éducation et d’accompagnement de la population s’inscrivent directement dans la stratégie nationale 2013-2017 de prévention, énoncée par le gouvernement le 8 juillet 2013.
Eclairage public, alarmes, vigiles privés… : ces dispositifs qui rassurent et sécurisent Au-delà des traditionnels moyens que constituent la police municipale, la vidéoprotection, la médiation et la prévention, d’autres solutions permettent de garantir en substance la sécurité urbaine. L’éclairage public en est un. Un dispositif qui
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peut sembler sommaire et inconséquent, et pourtant il contribue indéniablement à rendre la voierie moins menaçante. « Il n’y a pas d’étude scientifique qui établisse un lien entre la baisse de la délinquance et l’éclairage. Mais l’ambiance d’un lieu contribue au sentiment d’insécurité. Etre dans une rue sombre fait que l’on a davantage peur » indique François Freynet, consultant en sécurité urbaine. Elisa Martin, première adjointe de Grenoble, corrobore : « L’éclairage public est très révélateur, il participe à un sentiment où les citoyens se sentent à l’aise. Nous aurions d’ailleurs quelques endroits à réaménager chez nous, à illuminer convenablement. Alors certes l’éclairage ne résout pas tout, mais il est important d’en tenir compte ». Alors que certaines villes se sont positionnées sur la mise en veilleuse de leurs éclairages trop énergivores au cours de la nuit, d’autres communes ont préféré adopter un vaste plan lumière associant sécurité et habillement coloré de leur patrimoine architectural. C’est ainsi le cas de Valenciennes qui, collaborant avec Bouygues Énergies & Services, a rénové en 2014 92 % des installations, a remplacé
L’éclairage public contribue à rendre la voirie moins menaçante.
les équipements d’importante consommation, et s’est engagée sur l’exploitation de l’éclairage public sur 20 ans, tout en parant les plus emblématiques bâtiments valenciennois d’un esthétique manteau de lumière. Et la solution Citybox pro-
posée par l’entreprise va encore plus loin puisqu’elle dote le réseau d’éclairage public d’outils supplémentaires innovants : vidéoprotection, sonorisation, recharge électrique, capteurs d’émission de gaz à effet de serre…
3 questions à…
Yazid Kherfi
Consultant en prévention urbaine
Comment accompagnez-vous les municipalités dans leur démarche de développement du dialogue social face à la délinquance ?
Les collectivités locales font appel à moi pour des préconisations. Ma première mission est de quadriller le terrain. Je rencontre les habitants, les jeunes, les créateurs de conflits et les différents acteurs de la ville. J’analyse toutes les attentes et les besoins. L’idée est ensuite de décrypter les raisons de cette violence, et d’inciter à développer un sens critique sur les comportements en détectant les incohérences sur les actes ou les manquements face aux problématiques. Il faut ensuite mettre en place les solutions en respectant un dynamisme commun. Sentez-vous les jeunes en difficultés réellement prompts à dialoguer avec la municipalité ?
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Ils manquent de repères, ne comprennent pas les enjeux, sont désabusés. Ils sont résignés, ils ne croient plus en rien, ne font confiance à personne. Ils sont constamment méfiants et en position de défense.
Yazid Kherfi forme les services publics et les collectivités locales pour le maintien du dialogue social face à la violence et aux incivilités. Il y a beaucoup de travail à accomplir mais il suffit de quelques bonnes initiatives et que quelques éléments montrent
l’exemple pour ouvrir la voie. Je reste optimiste. Comment restaurer le dialogue avec les policiers municipaux qu’ils voient comme des bourreaux ?
Les policiers manquent peut-être d’expérience et de patience… On peut comprendre que beaucoup aient abandonné la voie du dialogue face à leur métier répréhensif. Il serait bon d’enrichir leur formation, qu’une partie de leur encadrement soit assurée par des policiers qui ont plus de vécu. Il faut également qu’ils comprennent que la tenue ne favorise en rien le dialogue. Elle entraîne directement un déséquilibre bon-méchant, comme si l’un parlait à l’autre deux étages plus haut en lui demandant de l’entendre. Alors d’accord, ça reste des policiers qui parlent à des jeunes éventuellement coupables de petits délits, mais les deux n’en sont pas moins des êtres humains. •
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