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nº463 • JUIN 2015

la revue des

25 € HT

EXPERTISE • DÉCISION • ÉQUIPEMENT

Enquête Logement social : un bilan prometteur mais qui manque encore de linéarité Initiative locale Thiviers redonne vie à une friche industrielle Entretien Alain Claeys président de Grand Poitiers

Alain Claeys président de Grand Poitiers

Grand Poitiers

lauréat du Grand Prix 2015 de La Revue des Collectivités locales Découvrez le palmarès du Grand Prix 2015 page 6


— Éditorial —

Le Grand Prix 2015

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n ces temps difficiles pour les communes, qui perçoivent petit à petit les effets de la baisse des dotations de l’État (– 30 %), une chute de l’investissement local et une dégradation des services rendus à la population sont à craindre. Pour autant, nos élus n’entendent pas baisser les bras et poursuivent leur mission, certes avec moins de ressources, pour répondre aux attentes de ceux et celles qui les ont choisis. La Revue des Collectivités locales salue cet engagement en co-organisant, avec Villes de France, la première édition du Grand Prix. Une belle occasion de leur rendre hommage en récompensant leurs réalisations. Les communes et intercommunalités qui ont participé à cette première édition étaient nombreuses et nous les en remercions. Félicitons à présent la communauté d’agglomération de Grand Poitiers,

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Le palais du Luxembourg accueille la première édition du Grand Prix.

lauréate de ce Grand prix, récompensée pour la construction d’un ouvrage qui apporte à toute une agglomération une nouvelle qualité de vie. C’est du viaduc LéonBlum qu’il s’agit. Il redonne une unité à la ville en reliant les quartiers Ouest au centre-ville. C’est à la fois un objet de transport et d’aménagement urbain. Un ouvrage routier esthétique qui va à l’encontre des réalisations habituelles. Nous ne sommes pas les seuls à reconnaître ses qualités puisque le viaduc Léon-Blum a aussi été primé par l’Engineer’s Society of Western Pennsylvania, qui attribue des distinctions aux ouvrages d’art à travers le monde. Le Grand Prix est voué à s’inscrire dans la durée. Il deviendra un rendez-vous incontournable des acteurs de la valorisation de la qualité de vie urbaine. Nous vous donnons donc rendez-vous pour la prochaine édition en 2016. • Blandine Klaas

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— Sommaire —

La Revue des Collectivités Locales est éditée par Topix Medias, 23 bis rue Danjou, 92100 Boulogne-Billancourt — Directeur de publication Marc LAUFER Directeur général Pierre SACKSTEDER 01 75 60 28 40 sacks@newsco.fr Éditeur délégué Stéphane DEMAZURE E-mail : sdemazure@newsco.fr

Directrice de clientèle Claire DUFOUR-MOLINA 01 75 60 28 47 cdufour@newscoregie.fr Chef de publicité Sophie LAÏK 01 75 60 28 67 slaik@newscoregie.fr Traffic Manager Laure MÉRY 01 75 60 28 51 lmery@newscoregie.fr Diffusion – Abonnements Isabelle LANCRY 01 75 60 28 57 i.lancry@publi-news.fr Abonnement France métropolitaine : 1 an 10n° : 200 € HT (TVA 2,10% soit 204,20 € TTC) Abonnements étranger : nous consulter — Réalisation Studio Pierre GAY studio@pierregay.net http://pierregay.net Imprimé en France par Imprimerie de Champagne 52200 Langres ISSN 0755-3269 N° Commission paritaire CPPAP 0615 T 84344

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© Silvano Rebai

Rédactrice en chef adjointe Blandine KLAAS 01 75 60 28 64 redaction@topix.fr — PUBLICITÉ PUBLI-NEWS RÉGIE

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Éditorial

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Palmarès du Grand Prix de La Revue des Collectivités locales

24 Actualité 29 Enquête • Logement social : un bilan prometteur mais qui manque encore de linéarité

32 Initiatives locales • Dordogne : Thiviers redonne vie à une friche industrielle • Les Mureaux : Le pôle Molière, un équipement public durable

39 Dossier Le très haut débit : un enjeu stratégique • Le déploiement du très haut débit pour tous sera sans doute l’un des plus grands chantiers d’infrastructure que la France devra réaliser au cours des

prochaines années. Les enjeux économiques et sociaux sont considérables.

55 Dossier Les collectivités locales, de plus en plus friandes de logiciels de gestion • Depuis plusieurs années, les logiciels de gestion abondent dans les collectivités locales, les aidant à organiser et structurer plus aisément leurs services et missions. L’offre étant devenue pléthorique, un retour sur les succès et nouveautés du secteur sur fond de conseils d’experts paraissait s’imposer. Une enquête au cœur du marché.

64 Nominations 65 Agenda 66 Nouveaux produits 70 Bibliographie


— Enquête —

— Enquête • Logement social : un bilan prometteur mais qui manque encore de linéarité

Logement social :

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un bilan prometteur mais qui manque encore de linéarité

Le bilan triennal 2011-2013 de la loi Solidarité et renouvellement urbains (SRU) a été dévoilé en avril dernier. Si deux tiers des communes françaises concernées ont rempli leurs objectifs en termes de logement social, 330 collectivités locales doivent encore fournir des efforts.

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éritable cheval de bataille du gouvernement français, la politique du logement social s’est considérablement accélérée et renforcée aux premières lueurs du xxie siècle. Elle possède pour vocation principale d’offrir à tout habitant de l’Hexagone la possibilité de se loger décemment. Si elle repose aujourd’hui sur de nombreuses législations édictées par l’État, les collectivités locales - au même titre que les organismes de logements sociaux - y sont étroitement

associées, puisqu’elle s’inscrit en priorité dans le cadre de la politique de la ville.

De la loi SRU de 2000 à la loi ALUR de 2014 Le 13 décembre 2000 a été promulguée la loi nº 2000-1208 relative à la Solidarité et au renouvellement Urbains (SRU), également nommée loi Gayssot. Édifiée sur les valeurs fondamentales que sont la mixité urbaine et

l’offre d’habitat diversifié, son célèbre article 55 impose aux communes de plus de 3 500 habitants (ou de plus de 1 500 administrés pour le cas de l’Îlede-France) comprises dans une agglomération de plus de 50 000 habitants, comprenant au moins une commune de plus de 15 000 administrés, une mise en construction impérative de logements sociaux pour atteindre un quota de 20 %. Des bilans d’étape sont effectués tous les trois ans afin de véri-

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L’article 55 de la loi SRU impose aux communes la mise en construction de logements sociaux.

fier la réalisation des objectifs imposés et piloter une stratégie de rattrapage en cas de non conformité. À compter du 1er janvier 2002, les villes rétives qui ne répondaient pas à la réglementation ont commencé à être sanctionnées, selon les termes de la loi, par une action renforcée des préfets, ou ont été condamnées au paiement de pénalités financières. Une amende annuelle, fixée par l’article L.302-7 du Code de la construction et de l’habitation (CCH), qui correspond à 20 % du potentiel fiscal de la ville par habitant, multiplié par le pourcentage de logements so-

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ciaux manquants, avec un plafond fixé à 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune de l’année précédente. La somme n’est pas due si elle se révèle inférieure à 4 000 €. « La politique de logement social du gouvernement n’est pas nouvelle. La loi SRU a eu son prédécesseur avec la loi Chevènement. Elle est contraignante, c’est vrai. Toute chose imposée l’est. Mais elle était nécessaire pour venir aider et accompagner les mal logés. La grande question reste toutefois : si cela ne dépendait pas d’une exigence législative, les maires s’en seraient-ils tout de même souciés ? » s’interroge Fabienne Vicarini,

directrice du logement au sein de la ville de Boulogne-Billancourt. « La loi SRU partait d’une bonne volonté mais ses applications ont présenté trop de défaillances lors des 12 dernières années. Un nombre bien trop conséquent de communes passent entre les mailles du filet et se soustraient à leurs obligations en préférant payer directement la taxe annuelle plutôt que de s’engager dans une véritable politique de logement social » constate Marc Béronnet, spécialiste du logement social. « Avec ces écarts, les difficultés de logements ne se sont pas améliorées et ont même continué à s’accroître. Et ce, en dépit de la mise en


— Enquête • Logement social : un bilan prometteur mais qui manque encore de linéarité

Fort de ce bilan mitigé de la loi SRU, un axe de la récente et controversée loi ALUR (Accès au logement et un urbanisme rénové) de l’ancienne ministre du Logement Cécile Duflot, est venu renforcer le fameux article 55. Le taux minimal de logements sociaux par ville a ainsi été relevé à 25 % à horizon 2025 pour les communes originellement concernées par le dispositif. Il reste toutefois fixé à 20 % pour les collectivités locales en zones non tendues et pour celles connaissant une forte croissance démographique. Par ailleurs, les sanctions financières pour les villes en état de carence ont été durcies. Le préfet est désormais en droit, après avis d’une commission départementale constituée à cet effet, de quintupler l’amende attribuée. « Cette loi peut sembler sévère mais elle a été instaurée pour répondre à l’urgence de la situation et enfin inciter les communes à se montrer

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place d’un Plan de cohésion sociale en 2004 avec un programme d’urgence en matière de construction de logements locatifs sociaux et malgré même la loi Dalo du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable, désignant l’État comme le garant du droit au logement. Par exemple, sur la période triennale 2008-2010, seules 63 % des villes ont rempli leurs objectifs avec 364 communes qui n’ont pas respecté leurs engagements et plus de la moitié qui n’ont pas satisfait 50 % de leurs objectifs de rattrapage » rajoute-t-il.

plus disciplinées. Son effet d’annonce semble avoir fonctionné puisqu’à la lecture de l’encourageant bilan triennal 2011-2013, davantage de villes paraissent être rentrées dans les rangs » observe Marc Béronnet.

140 000 logements sociaux construits sur la période 2011-2013 Le bilan triennal 2011-2013 de la loi SRU a été partiellement publié le 19 fé-

vrier dernier, pour être quasiment et définitivement complété en avril. Ses résultats sont positifs et prometteurs pour la prochaine période 2014-2016 à venir. Sur les 1 022 collectivités locales impliquées dans le dispositif, les deux tiers (62 %) ont, à la stupéfaction générale, excédé leurs objectifs de 156 % en construisant près de 140 000 logements sociaux alors que l’État n’avait prescrit la réalisation que de 90 000 HLM pour rattraper le retard accumu-

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Sur la période 2003-2010 seules 63 % des villes ont rempli leurs objectifs en matière de construction de logements sociaux.

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lé. La progression enregistrée au fil des années est engageante. 87 000 logements édifiés entre 2002-2004, 95 000 entre 2005-2007, 130 500 entre 20082010 et 140 000 entre 2011-2013. « Le bilan est bon mais attention, il reste des non conformités. 38 % des communes, soit 330 au total, n’ont pas rempli leur part du marché » prévient Patrick Fouchard, militant pour l’association Droit au logement (DAL).

218 communes ont fait l’objet d’un « arrêté de carence » en 2014

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Pour la première fois cette année, le ministère du Logement a publié la liste des bonnets d’âne de la loi SRU, soit les 218 communes ayant fait l’objet d’un « arrêté de carence » pour non respect de la réglementation en 2014. Sur 330 villes n’ayant pas rempli leurs objectifs, 112 n’ont pas été amendées, bénéficiant de souplesse pour la reconnaissance des efforts intentés. La circulaire décrivant explicitement les villes pointées du doigt a directement été transférée aux différents préfets afin que ces derniers prennent les dispositions nécessaires et exercent leur droit de préemption. « La taxe annuelle globale n’est pas anodine. Elle a permis à l’État d’engranger 50 M€ en 2014, contre 30 M€ en 2013 » apprend Marc Béronnet, spécialiste du logement social. De-

Patrick Fouchard, militant pour l’association Droit au logement (DAL).

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Avec 86 communes carencées, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur traîne la patte Le 15 avril dernier, le ministère du Logement révélait la liste des communes en infraction avec la loi SRU pour la période triennale 2011-2013.

vec 86 communes en retard, dont 5 lourdement amendées par une sanction financière quintuplée (Contes, Le Rouret, Pégomas et Tourrette-Levens en Alpes-Maritimes, Solliès-Toucas dans le Var), la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur (PACA) caracole en tête des collectivités territoriales qui ne respectent pas la réglementation, loin devant l’Île-de-France, le Languedoc-Roussillon et Rhône-Alpes, qui comptent respectivement 40, 33 et 22 villes récalcitrantes. « Un rapport du comité régional de l’habitat de Provence-AlpesCôte d’Azur a filtré en mars, ses conclusions sont alarmantes. Année après année, la région accumule les mauvais résultats et n’avance pas » s’indigne Patrick Fouchard, militant pour l’association Droit au logement (DAL). « Le plus étonnant est de constater que ce ne sont pas les agglomérations les plus urbanisées comme Aix-en-Provence, Antibes, Marseille, Nice ou Toulon qui démontrent les plus gros retards » poursuit-il. On dénombre ainsi parmi les communes les

plus « condamnables », de petites collectivités telles que les Arcs dans le Var (à peine 1,47 % des objectifs atteints), le Cannet dans les Alpes-Maritimes (7,7 % réalisés) et Saint-Saturnin-les-Avignon dans le Vaucluse (2,22 % effectués). « Dix communes sont même allées jusqu’à ne pas du tout se soucier du logement social en n’opérant aucune construction entre 2011 et 2013 » apprend le membre du DAL. C’est ainsi le cas des Cabannes, Jouques, Mallemort, Les Pennes-Mirabeau, Sausset-les-Pins et Ventraben dans les Bouches-du- Rhône et de La Cadière d’Azur, Le Castellet, Lorgues et Solliès-Toucas dans le Var. « Les raisons pour légitimer le retard restent toujours très cohérentes et acceptables : objectifs trop ambitieux, blocage à cause de contentieux, manque d’espace, foncier trop cher… Mais les préfets se montrent trop flexibles. Le gouvernement doit davantage serrer la vis s’il souhaite que les lois SRU et Duflot soient respectées » conclut Patrick Fouchard

puis la majoration des pénalités financières au 1er janvier 2015, 62 communes ont vu leurs sanctions relevées de 2 à 5 fois. « Saint Maur et Ormesson dans le Val-de-Marne ont respectivement écopé de 3,5 M€ et 900 000 €, tandis que Tourette-Levens dans les Alpes-Maritimes a du assumer 170 000 € » cite, en exemple, Marc Béronnet.

Qui a peur du logement social ?

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Il n’existe concrètement à ce jour aucune dérogation, les villes condamnées ne pouvant se soustraire à l’amende reçue. « L’unique recours existant se fait auprès de la commission nationale SRU, mais il ne peut que porter sur la contestation de la pertinence de l’objectif de logements à construire sur trois ans » explique le spécialiste du logement social. « Il est impossible de se dégager de la somme à payer » reprend-t-il. Quatre collectivités locales, parmi lesquelles Neuilly-sur-Seine en Île-de-France, ont exercé ce recours, en vain, en 2014.

Si tant de communes se révèlent aujourd’hui aussi peu enclines à mener une véritable politique de logement social, préférant être lourdement amendées, c’est essentiellement par peur d’une dégradation de l’image et de la qualité de vie dans leur ville avec l’arrivée de populations à revenus modestes. « Le sempiternel spectre de la ghettoïsation » souligne Patrick Fouchard du DAL. « La perception du logement social est réellement un état d’esprit que l’on développe par rapport à l’historique de sa ville. À Boulogne-Billancourt, nous avons toujours eu dans notre identité et notre réflexion l’intention d’en faire, parce que nous pouvions en faire et que nous en avions déjà fait avec expérience positive » indique Fabienne Vicarini directrice du logement au sein de la ville de Boulogne-Bil-


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ans possibilité de faire transiter des données à haute vitesse, il ne sera plus possible, demain, de travailler, de se soigner, de se divertir. Déployer le très haut débit est une opération d’autant plus importante que le niveau d’exigence des utilisateurs a évolué : « aujourd’hui, les consommateurs réclament un débit d’au moins 20 méga » selon le directeur général d’Alsatis, Antoine Roussel. Les élus ont compris l’enjeu de la fibre optique et décidé de faire du très haut débit (THD) une action prioritaire

de l’aménagement de leurs territoires. Pour Kleber Mesquida, réélu président du conseil départemental de l’Hérault en avril dernier, ce sera l’un des principaux enjeux de son mandat. Un meilleur débit numérique permettra selon lui d’équilibrer et de renforcer l’attractivité économique de l’Hérault sur les plans national et international. Il permettra à de nombreux Héraultais de « se lancer » et de développer leur activité, quel que soit l’endroit où ils habitent. L’enjeu est de taille. « La fracture numérique génère des phénomènes démographiques graves dont la responsabilité incombe finalement aux collectivités locales. Le numérique devient une condition d’épanouissement économique et individuel. C’est aussi une condition d’attractivité territoriale » affirme Antoine Roussel. Du fait de leur isolement numérique, certaines zones du territoire pourraient voir leur population diminuer progressivement.

Un enjeu majeur Le déploiement du très haut débit sur tout le territoire fait l’objet d’une attention particulière du gouvernement. Le Premier ministre, Manuel Valls, a rappelé que d’ici 2022, tout le territoire français devrait être équipé en fibre optique. Dont

Le satellite, une solution alternative pour accéder au haut débit.

50 % dès 2017. Un vœu conforme au plan France Très Haut Débit (France THD) du gouvernement énoncé en 2013 par François Hollande qui vise à apporter la fibre à 80 % des foyers français. Ce plan s’appuie sur un budget de 20 milliards d’euros sur 10 ans financé de manière tripartite entre l’État, les collectivités et les opérateurs privés. Un nouveau cahier des charges dévoilé le 22 mai dernier va simplifier et accélérer les déploiements des réseaux à très haut débit inscrits dans le cadre du plan. Il permettra en particulier de faciliter l’accès des services publics et des entreprises au très haut débit. À ce jour, 87 départements sont engagés dans le plan France Très Haut Débit au travers de 74 projets déposés auprès de l’État, qui a déjà engagé plus de 1,4 milliards d’euros de subventions sur un total de 3,3 milliards, issues pour l’essentiel du programme d’investissements d’avenir.

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Les projets des grands opérateurs

Le THD mobile est utilisé dans les zones peu urbanisées.

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Apporter à tous les Français le très haut débit n’est pas une mince affaire. Une opération impossible à réaliser sans l’implication des grands opérateurs français. Orange a d’ailleurs fait du déploiement du THD sa première priorité. L’opérateur national prévoit pour les prochaines années un plan d’accélération sur la fibre qui s’articule autour d’un axe principal : l’amélioration de la performance grâce à la mise en place d’un nouveau réseau pour les abonnés Orange. Cela passe par le déploiement de la fibre et, pour les

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DOSSIER


(technologie Docsis 3.0) pour la fin de l’année 2017 et 15 millions en 2020. Fort du plus vaste réseau de fibre optique aujourd’hui sur le territoire français, Nume-

ricable-SFR, revendique à date 6,7 millions de prises. Avec un plan d’investissement massif qui permettra de desservir 7,7 millions

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territoires qui n’ont pas vocation à être couverts par cette technologie, par une palette de solutions alternatives pour atteindre tout de même le très haut débit. 4 millions de foyers français sont raccordés à la fibre Orange. À la fin de l’année 2014, ce chiffre s’élevait à 3,6 millions : 400 000 logements ont ainsi été fibrés en seulement 4 mois. L’objectif d’Orange est d’augmenter encore ce chiffre en ayant 12 millions de logements raccordés d’ici 2018. Mieux encore : d’ici 2 ans, 9 villes françaises seront fibrées à 100 %. Les habitants de Bayonne, Brest, Caen, 7 communes de la métropole européenne de Lille, Lyon, Metz, Montpellier et de Nice pourront bientôt jouir d’une connexion très haut débit. Bien sûr, la capitale sera également de la partie, car actuellement, seule 1 habitation parisienne sur 2 est éligible à la fibre. Dans son plan de développement, Numericable-SFR a annoncé son intention d’étendre à 12 millions le nombre de logements raccordables à plus de 100 Mbit/s

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— Le très haut débit : un enjeu stratégique

Caen fait partie des 9 villes françaises qui seront fibrées à 100% par Orange.

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DOSSIER de prises en 2015 puis 12 millions en 2017 et 15 millions en 2020, l’opérateur entend contribuer au succès du plan France Très Haut Débit porté par le gouvernement.

Le plan très haut débit prévoit qu’un seul réseau soit déployé dans les villes : suivant les zones, il s’agit soit d’un réseau privé (fait par Orange, Numericable-SFR ou d’autres), soit d’un réseau public. Là où les opérateurs privés ne vont pas, la couverture sera assurée à l’initiative des collectivités locales. En Bretagne, l’initiative privée concerne 10 % du territoire et 40 % de la population : les territoires autour de Brest, Concarneau, Douarnenez, Fougères, Guingamp, Lannion, Lorient, Morlaix, Quimper, Rennes, Saint Brieuc, Saint-Malo, Vannes et Vitré. L’initiative publique, dont la maîtrise d’ouvrage a été confiée au Syndicat mixte Mégalis Bretagne, concerne donc 90 % du territoire breton et 60 % de la population. À travers

Le projet Bretagne très haut débit devrait permettre à tous les Bretons de bénéficier des avantages de la fibre optique.

le projet Bretagne Très Haut Débit, Megalis Bretagne a pour ambition d’amener le très haut débit (THD) à travers la fibre optique à 100 % des foyers bretons à l’horizon 2030. Ce projet présente un

coût total estimé à 2 milliards d’euros. La première phase de ce projet, dont le coût global est évalué à 423 millions d’euros, prévoit pour la période 2014-2018 un programme de 174 opérations de montée Page 44

3 questions à…

Jean-Christophe Nguyen Van Sang secrétaire général de la FIRIP Depuis la mise en place des premiers RIP il y a 10 ans, quel a été leur impact sur les territoires ?

Les Réseaux d’initiative publique (RIP) de première génération ont été un élément clé de la réussite du déploiement du haut débit dans des territoires où les opérateurs privés des télécommunications ne seraient jamais venus. Ils ont permis le développement de la concurrence, la baisse des tarifs et la mise en place d’une offre de services pour les entreprises. Ils ont également permis de répondre à l’aménagement numérique des territoires à la fois au niveau des accès internet, téléphonie fixe et mobile. Les RIP sont un élément clé de la réussite de l’aménagement numérique du territoire. La conjonction entre l’initiative publique et l’engage-

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ment des acteurs privés a permis cette réussite.

pays ne pourrait pas tenir ses engagements.

Les RIP sont-ils incontournables pour faire avancer les territoires vers le très haut débit ?

Sous quelles conditions sera-t-il possible de couvrir l’ensemble du territoire en fibre optique d’ici à 2022 ?

Les RIP sont un élément clé de la réussite de l’aménagement numérique du territoire Ils sont totalement incontournables comme naturellement le sont les opérateurs privés de télécommunications. Ce sont les deux faces d’une même pièce qui doivent agir dans le même sens pour réussir le déploiement du très haut débit. Sans l’action des RIP qui conjuguent l’initiative publique et l’action privée, notre

© franke182

Réseaux d’initiative publique : les collectivités prennent leur destin en main

Je pense que l’objectif 100 % fibre optique en 2022 est très optimiste mais cela ne remet pas en cause l’objectif du déploiement principal de la fibre à l’abonné. Il faut garder à l’esprit que même si des technologies complémentaires doivent être mises en place dans cette période intermédiaire, il ne faut surtout pas remettre en cause le déploiement de la fibre et viser l’objectif de 100 %. Il ne faut pas non plus remettre en cause l’accompagnement structuré de l’extinction du cuivre. C’est un sujet important sur lequel la branche ne doit pas prendre de retard. Il faut se donner les moyens d’y arriver. •


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DOSSIER en débit, dont le montant est évalué à 32 millions d’euros. Elle prévoit également le déploiement de 220 000 prises optiques sur le territoire (avec un nombre de prises équivalent dans les villes moyennes et dans les zones rurales), pour un montant de 383 millions d’euros. Le financement de cette première phase est assuré à hauteur de 47 % par les collectivités bretonnes (région, départements, établissements publics de coopération intercommunale qui assurent à eux seuls 25 % du financement) et à hauteur de 44 % par des subventions de l’État (FSN) et de l’Union européenne (FEDER). Les 35 millions d’euros restants sont financés par Mégalis Bretagne. C’est l’adoption de l’article L1425-1, le 8 avril 2004 au Sénat qui a permis la reconnaissance du droit à « agir » des collectivités locales. Cette disposition a permis de faire évoluer les cartes des réseaux de télécommunications et de développer une saine concurrence entre les

C’est l’adoption de l’article L1425-1 au Sénat qui a permis la reconnaissance du droit à « agir » des collectivités locales. opérateurs, sur le plan des infrastructures et aussi des services pour les particuliers et les entreprises. Cet article permet aujourd’hui de compenser au niveau national l’action des grands opérateurs privés qui se sont engagés dans le fibrage des zones très denses. Il a par ailleurs favorisé la création d’une véritable filière d’entreprises regroupées au sein de la fédération des industriels des réseaux d’initiative publique (FIRIP)qui porte naturellement un regard très positif sur le déploiement du THD en France. « Ce déploiement s’inscrit à la fois dans une continuité puisque la France a engagé le déploiement du haut débit depuis plus de 10 ans maintenant. Nous somme partie prenante, de par nos investissements, à la fois en termes de développement des entreprises, de recrutement, de formation, de création d’entreprises. Nous sommes très attachés à la réussite de ce plan » affirme Jean-Christophe Nguyen

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Grâce au très haut débit, il est possible de piloter à distance les réseaux électriques.

Van Sang, délégué général de la FIRIP. Le déploiement de ces réseaux, qui représente un investissement de 13 à 14 milliards d’euros, concerne 43 % du territoire et s’appuie sur un mix technologique (FttH, montée en débit, technologies hertziennes). Il sera pour moitié financé par les recettes d’exploitation des réseaux d’initiative publique et le cofinancement des opérateurs privés. Pour la seconde partie du financement, le plan France Très Haut Débit prévoit un double ac-

compagnement financier des collectivités territoriales : • Une subvention de l’État de 3,3 milliards d’euros, dont une partie est issue des fonds du Programme des Investissements d’Avenir géré par le Commissariat général à l’investissement et de la loi de finances pour 2015. Cette enveloppe de l’État permet d’apporter 50 % des besoins de subventions publiques. • Un accès à une enveloppe de prêts de longue maturité (jusqu’à 40 ans) et à Page 46

Un label zone fibrée l s’agit d’une mesure préconisée par le rapport Champsaur, remis par l’ancien président de l’Arcep à Axelle Lemaire, la secrétaire d’État à l’Économie numérique. Le principe est le suivant : lorsqu’une commune, une agglomération ou une zone d’activité sera intégralement desservie par un réseau fibre, des mesures d’accompagnement seront mises en œuvre pour opérer la migration des clients vers la nouvelle infrastructure et programmer l’extinction du réseau cuivre. « C’est un signal fort envoyé au

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©ChiccoDodiFC

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grand public et aux industriels. Le réseau d’avenir, c’est la fibre, et il faut que tout le monde s’y prépare », prévient-on à Bercy. Orange a déjà mené le test de couverture d’une commune 100 % fibre à Palaiseau, en région parisienne. Avec des résultats concluants en termes d’usage. Quelques collectivités ont aussi déployé la fibre intégralement en Seineet-Marne, en Lozère et en Moselle, et pourront expérimenter ce nouveau label de zone fibrée.


© Didier Cocatrix

— Le très haut débit : un enjeu stratégique

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Le cloudpark de Saint-Étienne.

dans une zone blanche d’avoir enfin accès à internet, nous avons souhaité voir plus loin en préparant l’arrivée du très haut débit »

Saint-Étienne accueille le premier cloud park de France ans la Loire, depuis 2005, le conseil général a pris une longueur d’avance en matière numérique en se dotant d’un des premiers réseaux publics de télécommunications à très haut débit. « Le réseau Lotim a permis l’émergence de nombreux projets d’usages aussi bien dans le secteur de l’e-santé (télé-radiologie), de l’e-éducation que dans le développement de nouveaux services aux entreprises favorisant leur compétitivité » explique Georges Ziegler, premier vice-président du conseil départemental de la Loire. En l’espace de 10 ans, les réseaux d’initiative publique (RIP) comme celui de la Loire ont permis de généraliser la desserte en fibre optique des zones d’activités et de connecter les entreprises à l’internet très haut débit. Aujourd’hui, ces débits plus fluides et performants permettent de déployer le cloud computing, c’est-à-dire l’accès à des services numériques hébergés sur des serveurs distants mutualisés. En 2014, la Loire franchit une étape décisive avec le premier Cloud Park de l’Hexagone. Les entreprises de l’agglomération de Saint-Étienne, situées sur des zones raccordées en fibre optique, vont pouvoir « virtualiser » leurs postes de travail pour accéder à distance à des suites logicielles. Les avantages du Cloud Park pour chaque entreprise sont multiples :

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une gestion et une maintenance simplifiées du parc informatique, des économies d’échelle substantielles, un interlocuteur unique et une meilleure qualité de service… Mais avant tout, c’est la possibilité pour tous les clients de partager des outils numériques (bureautique, messagerie, téléphonie, visioconférence etc.) comme s’ils faisaient partie d’une seule et même entreprise. Le travail collaboratif en réseau entre divers types de structures (entreprises, designers, chercheurs, collectivités…) devient alors plus facile. Dominique Paret, directeur de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation à Saint-Étienne Métropole explique « Grâce aux réseaux THD, il est désormais possible d’aller plus loin en proposant des capacités de connexion illimitées, intégrées aux bâtiments. Ainsi, grâce au cloud park et au partenariat avec des éditeurs de logiciels comme Microsoft, chaque entreprise bénéficiera d’une prise à débit illimité lui permettant d’accéder à une plateforme logicielle sécurisée, qui sera facturée selon la consommation de chaque utilisateur. L’immobilier devient intelligent et l’informatique une facilité au service de la performance. Ainsi, Saint-Étienne devient le premier territoire emphatic city, ville bienveillante pour ses entreprises ».

© Axione

Un enjeu majeur de développement des territoires

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estime Philippe Grosvalet, président du conseil départemental. Les élus départementaux se sont engagés en décembre dernier dans la première phase du plan départemental pour le très haut débit (supérieur à 30 Mbps). Celle-ci prévoit d’équiper 85 000 prises de Loire-Atlantique en fibre optique d’ici 2020 selon un principe d’équilibre entre les territoires : grâce à l’intervention du département et de ses partenaires financiers, les différents pôles de Loire-Atlantique seront rapidement desservis en internet à très haut débit. Pour construire et commercialiser ce futur réseau, le département va créer, dès cette année, une régie personnalisée dotée de l’autonomie financière et de la personnalité morale. Le conseil général des Hautes-Pyrénées a pour sa part estimé qu’il agissait pour l’économie et l’attractivité touristique en apportant le très haut débit jusqu’aux sommets. 850 000 euros ont été investis pour pour relier 7 stations en fibre optique ou faisceaux hertziens. « Le très haut débit est incontournable pour les acteurs du tourisme comme pour les acteurs de la vie économique locale. Ils ont des besoins croissants en vitesse de navigation, en capacité de téléchargement, en partage d’informations ou en plateformes de services en ligne. L’accès à des débits plus importants dans des conditions tarifaires satisfaisantes représente un enjeu de compétitivité pour les activités économiques présentes dans les stations des Hautes-Pyrénées » affirme le président de la régie Hautes-Pyrénées Haut-Débit Jacques Brune. Apporter une desserte en haut débit performant est aussi un enjeu capi- Page 48



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