Fourny nicolas mémoire 2015 v2 light

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Dipl么mes 2015




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T O U S J O U R S L E

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Ce mémoire est pour moi l’occasion de proposer une exploration de l’imaginaire au-delà des pensées communes et des stéréotypes d’aujourd’hui. Je veux étudier cet espace si méconnu que l’on a tendance à oublier. Bien que l’on nous répète de ne pas trop rêvasser et de travailler à notre avenir, c’est bien parce que j’ai rêvé que j’écris aujourd’hui ces mots. Très jeune, j’ai rêvé de devenir designer, bien que je réduisais cette profession au simple dessin ; en ne cessant d’y rêver, j’ai pu travailler à sa réalisation. Pour mon mémoire de fin d’étude, je trouve pertinent d’étudier alors cet espace dans lequel j’ai passé tant de temps depuis que je suis venu dans ce monde : l’imaginaire.

«

Fais de ta vie un rêve, et d’un rêve, une réalité.

»

Antoine de Saint-Exupéry 1

1 Antoine de Saint-Exupéry est un écrivain, poète, aviateur et reporter français né en 1900 et mort en 1944.


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introduction

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L'Univers

14

La distinction

24

C

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La vérité

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Les nouvelles réalités

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La banalité limite moderne

56

C

La zone de confort

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III T O U S

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Le rêve

une composante essentielle manquante

C

le rêve collectif

86

100

107

C

Conclusion

118

bibliographie

129

g

132

glossaire


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On ne peut pas parler d’imaginaire sans définir quelques principes préalables. Le réel est, par définition ce qui est, mais il ne faut pas réduire à son simple aspect matériel. Nous distinguons alors le réel abstrait idéel d’une part, et le réel concret matériel d’autre part. Autant le réel concret matériel est impensable sans le réel abstrait idéel, sans la pensée ou l’esprit, autant le réel abstrait idéel est pratiquement irreprésentable sans le premier. Ni l’un sans l’autre, ni l’autre au détriment de l’un : ils doivent tous deux être pensés ensemble, notamment pour que l’homme puisse comprendre sa place et son rôle dans le monde Les choses en général afin de pouvoir réelles sont la y agir. Monde réel et réduction des monde imaginaire sont choses jugées deux catégories réelles, irréelles. existantes, puisque si Hippolyte Taine l’imaginaire n’existait pas cette étude ne pourrait être.

«

»

Le réel et l’imaginaire sont deux notions régulièrement mise en opposition, comme si l’une et l’autre étaient des contraires. Pourtant elles ne le sont pas : on peut les opposer, mais pas comme deux réalités hétérogènes. Il n’y a pas un monde réel d’un côté opposé à un monde imaginaire de l’autre. Le réel et l’imaginaire sont liés, chacun existant uniquement parce que l’autre le définit. Il est de même impossible


de parler d’imaginaire sans parler de réel, les deux n’étant pas indépendants ; c’est un tout dont il est question, bien qu’une distinction entre les deux, soit nécessaire. Initialement s’est alors posé cette question : Comment, en tant que designer, puisje investiguer les confins du réel et de l’imaginaire ? On se propose ici de commencer par définir l’univers en général, et d’appréhender aussi justement que possible les notions de réalité et d’imaginaire. Il est important de bien définir le territoire que l’on s’apprête à explorer : ainsi l’imaginaire est une infinité dans lequel toutes les possibilités sont permises et c’est tout le pouvoir de l’imagination qui alimente cet espace. La distinction entre ces deux notions, imaginaire et réel étant indispensable, il est intéressant de voir quel élément nous permet de faire cette distinction et dans quelles mesures d’autres sont couramment faites, résultant en un monde totalement désunifié. Plusieurs vérités sont alors capables de cohabiter au sein de divers sous-univers plus ou moins séparés les uns des autres. Enfin, dans cette définition du territoire, il convient de s’intéresser à la notion de vérité, car il est difficile d’expliquer ce qu’elle est pour la plupart d’entre nous. Il est donc intéressant de voir comment la signification de ce mot a pu évoluer au fil du


temps et quelle relation elle entretient avec le réel. Afin d’en apprendre un peu plus sur la vérité il faut étudier ce qui est capable de la remettre en cause, ce qui la masque. Ainsi la simulation est une reproduction du réel pouvant contenir une idée de tromperie, et il est primordial de constater dans quelles mesures cela est relié avec la vérité. Une simulation est une reproduction du réel et le simulacre en est le produit : il est comme le reflet du miroir. Ce dernier peut être qualifié de virtuel, ayant besoin d’un média pour se réaliser, il est en quelque sorte à travers celui-ci. Dans la deuxième partie, nous nous attarderons donc à expliquer les nouvelles réalités que peuvent représenter la réalité virtuelle, la réalité augmentée et « l’hyperréalité » et l’importance du rôle de la simulation au sein de celles-ci. Reproduction et simulation ont ce caractère de vouloir reproduire les choses à l’identique. Pourtant c’est la configuration aléatoire des expériences, donc l’inconnu, qui les rendent intéressantes et caractéristiques. De l’inconnu émerge l’originalité et la nouveauté, et si nous ne conservons pas ces valeurs du réel, nous nous enfermons dans le conformisme. C’est une perte de l’expérience au profit d’une reproduction de celle-ci, une reproduction peut être dite « améliorée », mais surtout altérée. Cette habitude au conformisme et à la banalité


qui en résulte, est ce que nous attendons avant tout désormais car nous avons peur de l’inconnu, elle est représentative de notre tendance naturelle à rester dans ce que nous appelons notre « zone de confort ». Un espace de routine, de platitude rassurante, où se retrouve toutes les expériences que l’on connait déjà ; ici, il ne nous arrive rien car il n’y pas d’inattendu. Nous créons cet état de confort pour maintenir un certain niveau de performance de notre vie, pour en réduire le stress et l’anxiété. Seulement, nous avons peut-être oublié que c’est en sortant de cette zone de confort que la magie apparait, que c’est de l’inconnu que les choses merveilleuses proviennent. À trop rester dans ce confort nous ne rêvons plus et nous préférons nous reposer sur ce que nous avons déjà, qui est plus sûr, afin de ne pas se risquer à la poursuite d’un rêve, qui, après tout, ne restera qu’à l’état de chimère. C’est seulement après toute cette exploration que nous pouvons parler du rêve, car il convenait d’abord de définir l’espace dans lequel celui-ci intervenait, et quelles matières il pouvait utiliser. Le rêve est bien basé sur notre réalité, il l’utilise pour sa représentation. Nous étudions alors ce que représente le rêve et son interprétation, à savoir ce qu’il évoque, son sens. Il n’agit pas uniquement dans


un univers complètement séparé, il n’est pas uniquement une fantaisie. Le rêve et la réalité sont bien plus proches que l’on peut généralement imaginer, il est capable d’influer notre réel, et peut nous diriger, mais encore faut-il comprendre correctement les messages qu’il nous envoie. S’il n’est pas uniquement une excentricité, s’il est capable d’agir sur notre réalité, c’est que le rêve nous est utile. Au-delà de la scène mentale qu’il nous déroule sous la pression de nos désirs, il nous est nécessaire à des fins régénératrices. Sans lui nous ne perdons pas seulement cette capacité de régénération du corps, il a également des finalités à portées sociétales avérées. Une société sans rêve est une société sans avenir. Et nous ne parlons alors plus des rêves nocturnes tout à fait personnels mais du rêve collectif. Ces rêves porteurs d’espoir, capables de pousser l’homme a réalisé des choses nouvelles pour se surpasser, sont appelés les « grands rêves », et le terme « grand » reflétant bien leur dessein. C’est ce qu’illustre le mythe d’Icare, multiplement symbolique, ce mythe est relié au vol pour deux raisons : le vol, qui évoque la sensation de liberté, mais également l’envol, symbolisant le désir de l’homme de dépasser sa propre condition.



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L'Univers


1 / Les réalités Il convient de commencer par modifier l’idée qu’on se fait de la réalité en général. Par définition, le réel signifie l’aspect physique des choses, il s’agit de l’environnement concret et matériel de celles-ci. Il faut distinguer réel et réalité et ne pas les confondre. Le réel est bien ce qu’il est, un et absolu, alors que la réalité est la représentation de celui-ci, ou la reconstruction « la plus exacte ». Quand on pense à la réalité, (et le mot « Univers » y réfère) on pense à quelque chose d’unifié et pourtant ce n’est pas le cas. La réalité n’est donc pas cette entité unique et systématique que peut être le réel, elle est plus que « ce qui constitue le monde de l’homme »1. La réalité induit une relation à notre vie affective et active, fonction de nos propres représentations et opérations. Nous cherchons à atteindre ce qui est, (à être le plus proche du réel) mais nous n’atteindrons jamais que ce qui est « pour nous ». Nous n’avons accès qu’à des réalités perçues et jamais à une réalité absolue. C’est ainsi que William James, dans ces Principes of Psychology2, déclare que la source et l’origine de toute réalité sont subjectives, car nous, les humains, sommes 1 Source : CNRTL 2 JAMES, William. The principles of Psychology. Dover Publications Inc., 1890. pp. 283-322.


chacun cette source. La frontière entre réel et imaginaire nous devient alors relative, il n’y a donc pas une réalité mais des réalités. À partir de là il existe déjà plusieurs espaces, tous définis comme la réalité par chacun d’entre nous. Au-delà de ce que l’on vit, notre instinct est d’affirmer immédiatement la réalité de chaque chose tant que cela n’as pas été contredit. Ainsi se définissent des réalités communes à plusieurs êtres pensants. Bien que seul le réel soit un et absolu, nous construisons notre espace, appelé réalité, et nous donnons l’impression de vivre dans cette seule réalité. « C’est que notre intelligence aime la simplicité, elle se donne juste les éléments ou principes qu’il lui faut pour recomposer le tout et afin de satisfaire notre raison nous aimons reconstruire idéalement les choses »1. Si nous nous en tenons uniquement à ce que l’expérience nous donne, nous pensons d’une toute autre manière. Nous ne sommes sûrs que de ce qu’elle nous donne, par l’intermédiaire de nos sentiments et nos perceptions. Si l’on s’appuie uniquement sur les renseignements de l’expérience, la réalité n’apparait pas comme finie, ni même infinie, mais plutôt indéfinie. Elle est comme l’eau qui coule sans qu’il soit possible de dire s’il est possible ou non d’en remonter le courant. 1 JAMES, William. Le pragmatisme; traduit par Annie LE BRUN – Introduction par Henri BERGSON.. E. Flammarion, 1911. pp.2


Dans cet espace appelé réalité, n’est que ce qui existe indépendamment du sujet, ce qui n’est pas un produit de la pensée. Il est donc un autre espace ou les produits de l’esprit et ses propres représentations existent. 2 / L’imaginaire et l’imagination Les objets imaginaires, quels qu’ils soient, ne sont pas existant dans l’espace extérieur que l’on appelle la réalité. Ils sont bien tangibles en tant qu’objets mentaux et en tant que tels ils ont une existence uniquement dans leurs propres espaces, où ils y apparaissent séparément, et aucun de ces espaces n’est celui dans lequel existent des réalités appelées « monde extérieur ». Ces objets méconnus, imaginaires, ne sont pas même comptés comme existant, ils ne sont pas même considérés comme des apparences ; ils ne sont traités que comme de simples déchets, dont l’importance est réduite à néant dans la pensée commune. L’imaginaire se retrouve être le lieu des folies, des choses impossibles, il en devient cet espace des interdits par excellence. Mais alors, qu’est-ce que l’imaginaire ? Il faut déjà opérer une distinction préalable : l’imaginaire n’est pas l’imagination. L’imaginaire n’est pas une faculté de représentation d’images, il est le lieu propre aux images, le domaine des formes concrètes


que l’esprit peut élaborer librement. C’est un musée de toutes les images passées, possibles, produites ou à produire, il s’agit de l’espace où réside les objets de fantaisie, les erreurs, les occupants des rêves. L’imaginaire a une existence, bien que différente de celle des choses réelles, il est à sa manière une pièce non supprimable de la vie, comme des caractéristiques indéniables de l’Univers, ou les réalités à leurs manières. On peut de même distinguer deux formes d’imaginaire : une première partie individuelle et une seconde, collective. Dans un premier temps on parlera de l’imaginaire individuel, alimenté par l’imagination de chacun, il est le répertoire des images liées aux désirs et aux aspirations de la conscience individuelle. Ici, les images ne sont pas détachées des autres, elles sont là parce qu’elles forment un ensemble avec d’autres et l’imaginaire fait en sorte que ce répertoire se constitue spontanément comme un autre monde face au monde de la réalité. L’imagination, pour sa part, est le pouvoir de produire des images et des représentations d’objets absents et/ou inexistants. « En tant que l’imagination est spontanéité, je l’appelle imagination productrice et je la distingue par-là de l’imagination reproductrice »1. Kant distingue donc deux formes d’imagination : 1 KANT, Emmanuel. Critique de la raison pure. J. F. Hartknoch. 1781. pp. 129-130


une imagination « reproductrice » et une imagination « productrice ». Cette première forme peut être vue comme une reproduction de la perception, de la réalité. On peut penser au rêve basé sur une image provisoirement absente. Il suffit de voir combien il s’alimente des éléments de notre passé pour ensuite les déformer. Mais imaginer, c’est bien plus que déformer le monde réel. La seconde forme d’imagination est une forme de création pure de l’esprit, c’est une imagination créatrice. Si elle n’était que reproductrice, l’imagination ne serait qu’une forme de la mémoire et une distinction n’aurait pas été nécessaire. Celle-ci est capable d’élaborer des formes nouvelles, de véritables images originales et de constituer un monde, cela ne peut pas venir de la mémoire. Dans ces créations de notre esprit, il ne s’agit pas juste de coller à l’expérience de la réalité car il y a en plus certaines images qui ne sont pas des reflets mais bien des éléments d’un monde imaginaire. Ces différentes formes de création d’images peuvent se retrouver dans des mondes imaginaires supérieurs au réel, qualifiés de merveilleux, divins, peuplés d’idoles ou de modèles. Elles peuvent également se retrouver dans un monde de fantasmes, un monde illusoire et trompeur créé pour compenser une réalité insuffisante. L’esprit possède un art caché et mystérieux de création de formes. L’imagination est une ouverture à un irréel, c’est une projection du


désir, un idéal, elle prend en inspiration d’une part des éléments de l’inconscient ou/et du passé sous forme de traumatismes, d’autre part, elle s’inspire également d’un domaine supérieur qui échappe à la rationalité. C’est ici que les bases de l’Utopie résident, en proposant une représentation d’une société idéale où les rapports entre les hommes seraient parfaits. La différence entre imaginaire et imagination est tout de même importante. L’imagination déforme notre réalité en mélangeant des éléments et des sensations provenant d’objets réels avec ceux produits dans l’imaginaire individuel sous la pression de nos désirs. Elle est tout à fait capable de reproduire un objet dont on a déjà fait l’expérience, de nous représenter le passé, mais également de créer des images d’objets non perçus ou des objets irréels. La distinction entre le réel et l’imaginaire devient confuse, parce que l’imagination n’est pas seulement créatrice, mais aussi reproductrice, copiant ainsi la réalité basée sur notre expérience. Bien qu’il s’agisse d’une représentation qui apparait dans un espace séparé de celui appelé « réalité », il devient difficile de dissocier ce qui doit être défini comme réel ou comme imaginaire.



3 / L’imaginaire collectif Il est un ensemble de croyances, d’images, de visions qui permettent à un homme de se faire une représentation du réel. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que plus un imaginaire est partagé, plus les thèses qui sont fondées à partir de cet imaginaire sont convaincantes ou vraisemblables pour le groupe qui partage cet imaginaire. Par exemple, on peut parler d’imaginaire collectif pour un parti politique, pour une communauté religieuse ou pour une catégorie sociale et encore beaucoup d’autres qui, en leur sein, sont constitués par un ensemble d’individus qui partagent une vision, une idéologie, une croyance, un préjugé ou une opinion. Il faut voir dans l’imaginaire collectif un répertoire d’objets qui alimentent des cultures de l’humanité. Freud a émis l’hypothèse d’un « inconscient collectif » qui est à la source de représentations collectives1. L’imaginaire est rempli de contes et de légendes anciennes de cultures populaires. La pérennité des mythes dans toutes les civilisations nous montre que l’imaginaire a bien une dimension collective, véritable reflet des valeurs d’une culture. Notre société postmoderne produit toujours

1 FREUD, Sigmund. L’interprétation des rêves. Franz Deuticke. 1900


des mythes. Ainsi le mythe prométhéen1 incarnait-il le XVIe siècle, tout comme les figures réelles de Gustave Eiffel2 ou fictive comme le capitaine Nemo3 ont incarné le XIXe. Le monde moderne dans sa totalité s’est construit autour du mythe du progrès. Notre époque, si elle ne se tourne plus vers la politique ni le mythe du progrès technique, s’est construit sa mythologie en célébrant la révolution virtuelle. Elle se consacre à la liberté de l’imaginaire à travers les images de synthèse dotées des pouvoirs de communiquer instantanément, de tisser un réseau virtuel ou d’abolir les frontières des états par l’information. L’imaginaire collectif de notre époque st celui de « l’ailleurs ». Nous sommes en rêve de conquêtes, d’un nouveau monde et de terres inconnues. La réalité n’est pas le réel, qui lui est absolu ; elle n’est qu’une représentation complètement subjective de celui-ci. L’imaginaire n’est pas l’imagination, c’est un espace à deux aspects, collectif et individuel, il n’est pas non plus seulement un territoire d’évasion. Le pouvoir de l’imagination 1 Le mythe prométhéen est caractérisé par le désir de se surpasser, le goût de l’effort et des grandes entreprises, la foi dans la grandeur humaine. Source : CNRTL 2 Gustave EIFFEL est un ingénieur et industriel français mort en 1923. 3 Personnage principal dans : VERNE, Jules. Vingt mille lieues sous les mers. Pierre-Jules Hetzel. 1869


est à la fois créateur mais également reproducteur. D’un côté, nous avons des réalités, représentations approchantes d’un réel mais n’en cernent jamais la totalité, donc qui ne peuvent être entièrement « vraies ». De l’autre l’imaginaire, fruit de l’imagination capable de reproduire une réalité en utilisant la mémoire, mais aussi capable de créations pures dans un désir d’évasion. Dans les deux cas, des images nous apparaissent à l’esprit et, entre une réalité et le fruit de l’imagination reproductrice, la frontière ne parait pas totalement claire.


La distinction


1 / La croyance Selon James, toute la distinction du réel et de l’irréel repose sur deux états de fait: en premier, le fait que nous soyons capables de penser chacun différemment à une même chose, et en deuxième, qu’une fois cette pensée accordée nous pouvons choisir à quelle façon de penser adhérer et à laquelle ne pas tenir compte. Quelle est la différence pour nos esprits entre : penser à une réalité et se représenter une image imaginaire ? Il est évident que la distinction est primordiale, autant que la différence l’est, entre une sensation et une idée. La différence est presque la même sous un autre aspect. Il y a donc dans le souvenir d’un fait réel, à la différence de celui d’une pensée, un élément qui permet une différence entre des idées qui sont dans l’esprit dans les deux cas. Cet élément, peu importe comment nous le définissons, constitue la croyance, il est la différence entre la mémoire et l’imagination, ou encore entre l’imagination reproductrice et l’imagination créatrice. Par définition la croyance est la certitude que notre esprit a d’admettre une réalité et également une vérité. C’est cette faculté d’adhésion de l’esprit qui ne se fie pas uniquement à la raison, qui exclut le doute et comporte une part de conviction personnelle et de persuasion intime.


2 / La pluralité des mondes La croyance permet de définir, dans la plupart des esprits, au moins deux sous-univers : ce qui est défini comme réel et ce qui relève de l’imaginaire. On a vu que les réalités sont multiples et subjectives, basées sur le réel, un et absolu, et que l’imaginaire est un espace individuel et collectif. Mais il est des objets, des faits, qui peuvent appartenir au réel ou à l’imaginaire ; la distinction entre l’un et l’autre est alors difficile à définir et ces mêmes objets semblent appartenir aux deux mondes. Délaissant les distinctions classiques de réel et d’imaginaire, William James définit des sous-univers, les plus importants et reconnus par la plupart d’entre nous comme existants. Ils ont chacun leur style particulier, séparés de l’existence et souvent discriminés l’un par rapport à l’autre. Le philosophe américain établit une cartographie qui permet de répertorier les objets au-delà de leur statut d’imaginaire ou de réel: 1 - Le monde des sens ou des objets physiques, que nous appréhendons instinctivement. On y retrouve des qualités telles que la chaleur, la couleur, le son et des forces telles que la vie, l’affinité chimique, la gravité, l’électricité, le tout existant en tant que tel à l’intérieur ou à la surface des choses.


2 – Le monde de la science ou des choses physiques comme les savants les ont conçus. C’est un monde où les qualités secondaires et les « forces » (dans le sens populaire) sont exclues, rien de réel ici, seuls des solides et des fluides ainsi que leurs lois de mouvement. 3 – Le monde des relations idéales ou des vérités abstraites rendues crédibles et acceptées par tous, exprimées dans des propositions logiques, mathématiques, métaphysiques, éthiques ou esthétiques. 4 – Le monde des « idoles de la tribu », des illusions et prénotions communes ; c’est ici un sous-univers rendu accessible grâce à l’éducation. Le mouvement du ciel autour de la Terre, par exemple, appartient à ce monde. Ce mouvement n’est pas un élément reconnu de l’un des autres mondes, mais existe vraiment en tant « qu’idole de la tribu ». Pour certains philosophes, « la matière » existe seulement comme une de ces idoles alors que pour la science, ce sont les « qualités secondaires » de la matière qui ne sont que des idoles. 5 - Les différents mondes surnaturels comme le ciel et l’enfer chrétien ou le monde de la mythologie hindoue. Chacun d’eux est un système cohérent, avec des relations définies entre leurs propres parties. Les différents mondes de la « fable délibérée » peuvent être classés avec ces mondes de


la foi : le monde de l’Iliade, celui du roi Lear et bien d’autres. 6 - Les différents mondes de l’opinion individuelle aussi nombreux que les hommes sont. 7 – Les mondes de la folie pure et du caprice, aussi indéfiniment nombreux. Chaque objet auquel nous pensons se réfère donc au moins à un monde parmi cette liste ou de quelque autre similaire. Celuici s’installe dans notre croyance comme un objet de bon sens, scientifique, abstrait ou mythologique, une forme issue d’une personne à la conception erronée ou d


3 / Les provinces limitées de signification Alfred Schütz1 a été le premier à reprendre cette idée de pluralité des mondes. Au lieu de parler de sous-univers de la réalité, il propose la notion de « province limitée de signification ». Ici c’est la signification de nos expériences qui constitue la réalité. Il propose avant tout une base qui réside dans « le monde du travail », le travail indiquant ici l’action dans le monde extérieur, basé sur un projet et caractérisé par l’intention de produire une situation par des mouvements corporels. Plus communément, il correspond à la réalité des choses, la réalité telle qu’elle est généralement définie dans l’esprit commun. Le monde du travail est l’archétype de notre expérience de la réalité. Chacune de ces provinces limitées de signification possède des référentiels particuliers avec des notions telles que la temporalité, la sociabilité, la conscience, l’expérience du moi ou la spontanéité. Toutes procèdent par dérivation du monde du travail. Alfred Schultz ajoute un autre sous-univers de la réalité, une autre province : le monde des « phantasmes ». Dans ce monde, on peut trouver la fiction, le rêve éveillé, le jeu, le mythe ou encore la plaisanterie. Ce monde des phantasmes 1 Alfred Schütz est un philosophe des sciences sociales et un sociologue né en 1899 et mort en 1959.


naît par éloignement de l’esprit du monde du travail et de ses soumissions, cet éloignement a ainsi pour effet d’effacer l’accent de réalité, en faisant apparaître un contexte de phantasmes qui sont censés être quasiment réels. Mais si le contexte censé être quasiment réel, imite cette réalité à tel point qu’il en devient difficile de discerner le vrai du faux, comment définir ce qui est concrètement réel ? C’est en distinguant réel et réalité, qui pour sa part est seulement une représentation propre à nous-mêmes du réel, que l’on comprend que source et origine de toute réalité est subjective. Il se définit alors de multiples réalités aussi variées que nombreuses ainsi l’univers est composé d’une multitude de sous-univers. Dans chacun de ceux-ci existent encore des sous-parties, chaque individu vivant une réalité différente de son voisin, leur nombre est donc conséquent. James a posé les premières bases d’un monde composé de multiples univers et Schultz lui définit que ces mondes étaient créés suite à une mise à distance vis-à-vis de notre propre réalité, c’est à dire l’expérience de chacun par définition. Ces divers mondes sont bien réels à leur façon, mais la limite qui permet de définir leur catégorisation du côté de la réalité ou de l’imaginaire est arbitraire.


«Toute vérité est une route tracée à travers la réalité.» 1

Pour chaque esprit, il s’agit de séparer et de distinguer ce qui est vrai de ce qui est faux, ce qui est réel de ce qui est imaginaire.

1 BERGSON, Henry. La pensée et le mouvant. Observatoire de la vie littéraire. Url : http://obvil.parissorbonne.fr/corpus/critique/bergson_pensee/body-1



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La vérité


1/ L’évolution Le mot « vérité » a longtemps eu le même sens que le mot de « réalité ». La vérité a évolué au fil du temps tout en se redéfinissant. Les deux termes sont encore aujourd’hui synonymes. Pourtant, il faut les distinguer et entendre par « vérité » un caractère de la connaissance, et de la connaissance seulement. Ce caractère, dont l’erreur est l’opposé, appartient à la fois aux perceptions, aux idées, aux représentations ou au jugement, et réside dans l’affirmation ou la négation de ce qui est. Qu’est-ce qu’un jugement vrai ? On considère vrai l’affirmation qui copie la réalité. C’est en cela, un peu comme la ressemblance du portrait à son modèle. Cependant, si toute réalité est subjective, la vérité, en copiant méthodiquement la réalité, n’a aucun sens. Il se trouve que c’est seulement dans de rares cas que cette définition du vrai s’applique. « De tout temps, on a dit qu’il y a des vérités qui relèvent du sentiment autant que de la raison, et de tout temps on a aussi dit qu’à côté des vérités que nous trouvons faites, il en est d’autres que nous aidons à se faire, qui dépendent en partie de notre volonté. »1 Pour les philosophes anciens, il y avait au1 JAMES, William. Le pragmatisme; traduit par Annie LE BRUN – Introduction par Henri BERGSON.. E. Flammarion, 1911. pp.7


dessus du temps et de l’espace un monde où siégeaient toutes les vérités possibles : les affirmations humaines sont d’autant plus vraies qu’elles copient plus fidèlement ces vérités éternelles. Les philosophes modernes ont fait descendre la vérité du ciel sur la terre, mais ils y voient encore quelque chose qui préexisterait à nos affirmations. La vérité est déposée dans les choses et dans les faits : notre science va la chercher, la tire de sa cachette, l’amène au grand jour. Une affirmation telle que « la chaleur dilate les corps » est une loi qui gouverne les faits, une loi véritablement contenue dans notre expérience et que nous nous bornons à en extraire. Même une philosophie comme celle de Kant, lorsque celui-ci veut que toute vérité scientifique soit relative à l’esprit humain, considère les affirmations vraies comme données par avance dans l’expérience humaine : une fois cette expérience organisée par la pensée humaine en général, tout le travail de la science consisterait à percer l’enveloppe résistante des faits à l’intérieur desquels la vérité est logée, comme telle une noix dans sa coquille. Cette conception de la vérité est naturelle à notre esprit et aussi à la philosophie, parce qu’il est naturel de se représenter la réalité comme un tout parfaitement cohérent et systématisé, devant être soutenu par une armature logique. Cette armature serait alors la vérité même, et notre science ne ferait que la retrouver.


2 / La vérité empirique Si l’on s’en tient à l’expérience pure et simple, elle ne nous dit rien de tel. L’expérience nous présente un flux de phénomènes, et si telle ou telle affirmation relative à l’un d’eux nous permet de maîtriser ceux qui le suivront ou même simplement de les prévoir, nous prétendons que cette affirmation est vraie. Nous définissons d’ordinaire le « vrai » par sa conformité à ce qui existe déjà, il est ici définit par sa relation à ce qui n’existe pas encore. Le vrai ne copie pas quelque chose qui a été ou qui est, mais annonce plutôt ce qui sera, ou prépare notre action à ce qui va être. Les réalités sont indépendantes (en grande partie au moins) de ce que nous disons ou pensons d’elle ; mais la vérité, qui ne peut s’attacher qu’à ce que nous affirmons de la réalité, est créée par cette affirmation. Nous inventons la vérité pour utiliser la réalité. Cela ne signifie pas que la vérité soit arbitraire. En effet, une invention mécanique ne vaut que par son utilité pratique et une affirmation, pour être vraie, doit accroître notre empire sur les choses, bien qu’elle reste la création d’un esprit individuel. Ainsi, elle ne préexiste pas plus que le phonographe, par exemple, ne préexistait à Edison. Sans aucun doute, l’inventeur de cet appareil a du étudier les propriétés du son (qui est une réalité) mais son invention ne s’est ajoutée à cette réalité que comme chose absolument nouvelle,


chose qui n’aurait pas eu lieu d’être si le son n’avait pas existé. Ainsi une vérité, pour être viable, doit avoir ses racines dans des réalités, mais il y a nombre de possibilités différentes dans ces mêmes réalités, et d’autres vérités auraient pu émerger. La vérité s’est donc constituée peu à peu grâce aux apports individuels d’un grand nombre d’inventeurs. Si ces inventeurs n’avaient pas existé, s’il y en avait eu d’autres à leur place, nous aurions eu un ensemble de vérités bien différent. La réalité reste évidemment ce qu’elle est, ou à peu près, mais les chemins que nous aurions tracés à travers celle-ci auraient été différents. Et il ne s’agit pas seulement ici des vérités scientifiques, nous ne pouvons plus construire une phrase ou ne pouvons plus prononcer un mot sans accepter certaines hypothèses qui ont été créées par nos ancêtres et qui auraient pu être très différentes de ce qu’elles sont. Par exemple, un bébé attaché à sa chaise fait tomber sa cuillère. En se référant seulement à ses sens, à l’expérience, il n’a pas fait tomber une cuillère mais sa main s’est ouverte et a laissé échapper ce qu’elle tenait. Le bébé ne se figure probablement pas que cet objet continue d’exister, il n’a pas l’idée nette d’un objet, c’est-à-dire de quelque chose qui subsiste, invariable et indépendant, à travers la diversité et la mobilité des apparences telles qu’il se les représente.


La structure de notre esprit est donc en grande partie notre œuvre, ou tout au moins l’œuvre de quelques-uns d’entre nous. Ça ne veut pas dire que la vérité dépende de chacun de nous, car chacun de nous ne pouvait effectivement pas inventer le phonographe. Cela veut dire que toute vérité est une route tracée à travers la réalité. Mais parmi celles-ci, il y en a auxquelles nous aurions pu donner une direction très différente. S’il convient de dire que toute vérité est une invention, il faut aussi établir entre ces vérités une distinction, il y a des vérités de sentiments et des vérités intellectuelles. « La différence est du même type qu’entre le bateau à voiles, et le bateau à vapeur : l’un et l’autre sont des inventions humaines, mais le premier ne fait à l’artifice qu’une part légère, il prend la direction du vent et rend sensible aux yeux la force naturelle qu’il utilise. Dans le second, au contraire, c’est le mécanisme artificiel qui tient la plus grande place, il recouvre la force qu’il met en jeu et lui assigne une direction que nous avons choisie nous-mêmes. »1 Il est des vérités qui suivent le cours des réalités, tandis que d’autres les altèrent.

1 Op. cit. pp.14


3 / La simulation et le simulacre Dans l’esprit commun, la vérité est ce qui copie le réel. Par définition, la simulation est une reproduction du réel, pouvant contenir une idée de tromperie. Selon Jean Baudrillard1, les sociétés se sont tant reposées sur des simulations, constituées sur la base de ces signes de la réalité, qu’elles en ont perdu le contact avec le réel. Le simulacre est ainsi la représentation figurée de la simulation, l’objet, l’image. Il s’est vu multiplié, systématisé par l’avènement industriel qui a brouillé les repères entre l’image et sa représentation (sa simulation). Puis dans la société postmoderne, le simulacre finit par précéder et déterminer le réel. « Il ne s’agit plus d’imitation, ni de redoublement, ni même de parodie, mais d’une substitution au réel des signes du réel, c’est-à-dire d’une opération de dissuasion de tout processus réel par son double opératoire, machine signalétique métastable, programmatique, impeccable, qui offre tous les signes du réel et en courtcircuite toutes les péripéties »2. Simuler, c’est feindre d’avoir ce qu’on n’a pas avec l’idée de tromperie, puisque l’on veut cacher quelque chose. 1 BAUDRILLARD, Jean. Simulacre et Simulation. Editions Galilée, 2 avril 1985 2 Ibid. pp.11


En revanche, simuler ce n’est pas feindre, et la simulation reproduit concrètement la réalité tandis que la feinte a pour unique vocation à faire croire à une réalité sans intention de reproduction. Pour reprendre l’exemple de Baudrillard ; « Celui qui feint une maladie peut simplement se mettre au lit et faire croire qu’il est malade. Celui qui simule une maladie en détermine en soi quelques symptômes. »1 La simulation créée du vrai pour promouvoir le faux dans cet exemple, et les symptômes produits par le faux malade sont bien vrais. Pourquoi donc ne serait-il pas vraiment malade ? Un autre exemple peut s’observer sur les personnes ayant simulé leur incapacité à servir dans l’armée. « S’il joue si bien au fou, c’est qu’il l’est. »2 La distinction entre vrai et faux n’est donc même plus opérée. La simulation ne laisse pas intact le principe de réalité car elle remet en cause la différence entre « vrai » et « faux », entre le « réel » et « l’imaginaire ». La réalité n’est pas cet univers économique et systématique que notre logique aime à se représenter, et n’est pas soutenue par une armature d’intellectualité. Elle ne forme pas un ensemble, elle est multiple et mobile et faite de courants qui s’entrecroisent. La vérité naît d’une prise de contact avec 1 Ibid. pp.12 2 Ibid. pp.14



quelques-uns de ces courants, pour ensuite le suivre ou bien les déformer. Plutôt que de nous introduire dans la réalité comme on pourrait le suggérer, la vérité est une bien invention humaine qui a plus pour effet d’utiliser la réalité que de nous introduire en elle. Les vérités évoluent dans des univers imaginaires, communs et partagés. La vérité est un facteur limitant car nous prenons pour acquis certaines vérités qui ne sont pas absolues. Elles le sont parce que tel chemin vrai a été choisi, alors qu’un autre chemin aurait également pu l’être. Toute vérité est donc une route tracée à travers la réalité, ce qui veut dire que nous posons une barrière et traçons un chemin défini ; en cela nous nous posons des limites.



L E S

II

R É A L I T É S

L E S

D E L E S

T O U S J O U R S L E

D U

R Ê V E


a

Les nouvelles rĂŠalitĂŠs


1 / La réalité virtuelle On peut définir ce qui appartient au réel non pas comme ce qui peut exister, mais plutôt comme ce qui existe effectivement. Il y a ici une notion d’actualité. Nous qualifions alors de virtuel des choses n’ayant pas d’existence actuelle (dans le réel concret) mais seulement un état potentiel susceptible d’actualisation. Il y a également une autre conception du virtuel. Le reflet d’une chose dans un miroir est réel : il est actuel, mais il n’est pas la chose elle-même. Il est le simulacre, et il a besoin d’un média pour exister et être actuel. Il existe bien parce qu’il n’attend pas d’être actualisé. Cette définition met l’accent sur le virtuel et le pose comme expérience réelle et actuelle, médiatisée par une interface ou un objet technique. Dans le monde numérique dans lequel nous vivons, ce sont les techniques informatiques qui actualisent les choses. Ce qu’il faut donc comprendre, c’est l’irréalité des images qui nous entourent au sens propre : elles ne sont pas les choses, mais en forment de simples reflets. Ce sont des simulacres, non pas les choses telles qu’elles sont «en-soi», mais les choses telles qu’elles apparaissent «pour nous». C’est la définition la plus répandue du virtuel dans notre monde moderne, associé aux images de nos divers écrans, télévisions,


tablettes, ordinateurs, téléphones. Avec l’évolution des technologies, comme les imprimantes 3D par exemple, le virtuel peut désormais passer au réel. Quand nous parlons aujourd’hui de réalités virtuelles, il faut comprendre par-là la numérisation de réel concret, le réel matériel, dit « le réel des choses », et également la numérisation de réel idéel, c’est-à-dire le répertoire imaginaire dans lequel existent les fruits de l’imagination créatrice. On distingue alors deux types de réalités virtuelles : 1) Dans un premier temps, une réalité virtuelle qui consiste à numériser le réel concret et matériel. C’est ce qui permet la visualisation en trois dimensions d’un paysage, d’une ville, des fonds marins, etc. Les simulateurs de vols, de conduite ou de combat sont des exemples de cette première réalité virtuelle. Les exemples sont très nombreux, la médecine avec les divers scanners ou appareils de radiologie, la météo avec ces modèles de prévisions, ou encore Google Earth avec ces images de la planète reconstituée. 2) Le second type de réalité virtuelle ne consiste pas, comme dans la précédente à numériser le réel concret et matériel. Cette seconde réalité virtuelle consiste en la numérisation de réel abstrait idéel en esprit, n’existant donc que potentiellement.


C’est la numérisation de notre imagination créatrice ; il s’agit dès lors de transposer au virtuel une idée qui n’existait jusqu’à alors que dans un espace séparé. Cela consiste donc à imaginer des mondes, des êtres, des objets ou des actions possibles en idées et à en simuler la réalité numériquement à l’aide d’ordinateurs et d’objets adaptés. Les films d’animation en images de synthèse par exemple, ou encore les jeux-vidéos. La réalité virtuelle est donc la numérisation à la fois du réel concret et matériel, mais également du réel idéel, de l’imaginaire. Il ne s’agit plus alors que de suites diverses de 0 et de 11, rendant toutes les combinaisons possibles et non plus seulement ces deux mondes. C’est ici que la réalité augmentée est née.

1 Le langage informatique est le code binaire, composé de zéros et de uns, c’est un concept essentiel car les processeurs des ordinateurs actuels sont composés de transistors ne gérant chacun que deux états.


2 / La réalité augmentée La réalité augmentée est l’association possible, par la numérisation, du réel concret et du réel idéel, du réel et de l’imaginaire. Toutes les potentialités des techniques numériques peuvent ainsi désormais s’insérer dans le réel concret matériel. Les Google Glasses en sont un parfait exemple. Elles superposent le monde réel en un modèle virtuel. C’est ce qu’on appelle la « réalité augmentée », c’est-à-dire différentes méthodes d’incrustation d’objets virtuels dans la perception que l’on se fait de la réalité. Cette réalité augmentée est très répandue dans notre monde actuel, et elle tend à s’étendre de plus en plus, que ce soit pour les jeux vidéo, l’éducation, le cinéma, la télévision, le médical ou les industries. On peut citer des exemples tels que l’aide à la navigation par réalité augmentée, l’aide à la conduite et au pilotage. La vidéo « future vision » par Microsoft1, permet d’appréhender la manière dont la réalité augmentée peut être intégrée dans un monde de travail. Or, nous n’en sommes qu’au début, et bien d’autres applications sont envisageables. Si on pense souvent à la réalité augmentée comme l’ajout d’une surcouche à notre 1 MICROSOFT. Future Vision. Microsoft Corporation, 2011. Url: http://www.microsoft.com/office/vision/


réalité, cette dernière peut aussi permettre d’en masquer certaines zones. Il est désormais possible d’effacer une partie que l’on n’a pas envie de voir en reconstituant à partir des informations récupérées autour de celle-ci1. C’est alors une réalité diminuée qui nous est présentée. Nous vivrons peut-être tous d’ici quelques années dans cette réalité augmentée, celle qui nous permet de nous déconnecter du réel. Peut-être disposerons nous tous de lentilles composées de micros-écrans transparents intégrés, des objets capables de nous immerger visuellement dans un monde « à part »2. La sensation de vol en est le parfait exemple : en effet, il ne s’agit pas ici de réellement voler, mais d’en proposer une simulation crédible et d’en reproduire les impressions. On modifie ici l’expérience et la réalité des sens en apparaît perturbée car l’immersion totale remplace l’expérience réelle. Ce que nous appelons « réalité augmentée », c’est ce mélange de réel et d’imaginaire, donc au-delà du réel ; soit elle le surenchérit, le met en évidence et vient s’y superposer, soit elle l’altère totalement pour masquer ces zones indésirables et nous 1 HERLING Jan et BROLL Wolfgang. The incredible world of Diminished Reality. Ilmenau University of Technology, 2010. Url : https://www.youtube.com/ watch?v=FgTq-AgYlTE 2 MAY-RAZ Eran et LAZO Daniel. Sight. Robot Genius, 2012. Url: http://vimeo.com/46304267


déconnecte complètement du réel. Mais cette déconnection se manifeste bien plus largement dans notre vie de tous les jours. 3 / L’hyperréalité « L’hyperréalité » est la cause de ce qui vient d’être évoqué. Elle se caractérise par une amélioration de la réalité, en rendant le faux plus vrai que le vrai. Cette simulation géante du réel qui est plus forte et désirable que le réel. Les images de mode, par exemple, en étant modifiées numériquement, font des publicités actuelles des modèles « plus-queparfaits ». Ce personnage de mode qui nous est présenté, est hyperréel car il n’existe pas vraiment, mais se présente comme vrai et suggère ainsi de lui ressembler. Mais puisqu’irréel, vouloir y ressembler ne crée qu’une illusion profondément désirée. L’hyperréalité trompe ici la conscience en la détachant de tout engagement émotionnel réel et offre des simulations artificielles. L’idée principale est alors la préférence portée sur l’épanouissement dans la simulation de la réalité, plutôt que dans une « réalité réelle ». L’hyperréalité caractérise l’incapacité de la conscience à distinguer la réalité de l’imaginaire, conséquence obligé de trop nombreux simulacres de notre monde de tous les jours. Selon Baudrillard, le monde dans lequel nous vivons a été remplacé par une copie du monde, dans laquelle nous cherchons des simulations de


la réalité, et rien de plus1. McDonald’s crée par exemple un monde qui promet une quantité de nourriture identique sans fin. C’est un monde qui ne représente rien en réalité, car leurs sandwichs et autres garnitures ou desserts ne sont pas infinis et encore moins identiques. Le burger ne ressemble en rien à ce qui est vendu sur la photo du menu ou des publicités, il ne s’agit là que d’une « image », et notre propre conscience s’avère incapable de distinction entre le burger « réel » et son simulacre. « Le réel est produit à partir de cellules miniaturisées, de matrices et de mémoires, de modèles de commandement – et il peut être reproduit un nombre indéfini de fois à partir de là. »2 La simulation remplace l’expérience du réel, elle anéantit les références que nous avons encore. Les grottes de Lascaux illustrent tout à fait cette hyperréalité : afin de préserver l’original, elles, sont dorénavant interdites aux visiteurs, ceux-ci accèdent par une réplique exacte située juste à portée de regard. On ne voit plus la vraie grotte que par un judas, un bref instant, avant de visiter la reconstitution. Ce sont désormais les reconstitutions de temples et autres hauts lieux que nous visitons. « Le plaisir de l’imitation, les Anciens le 1 BAUDRILLARD, Jean. Simulacre et Simulation. Editions Galilée, 2 avril 1985 2 Ibid. pp. 11


savaient déjà, est l’un des plus inhérents à l’âme humaine ; mais ici, outre le fait de jouir d’une imitation parfaite, on jouit de la persuasion que l’imitation a rejoint son apogée et que maintenant, la réalité sera toujours inférieure. »1 Il y a une perte du réel, et en utilisant la simulation, le système remet en cause le vrai du faux ; il défait le réel de l’imaginaire qui l’englobe et le transforme en hyperréalité. Il est également une réalisation, une concrétisation de l’imaginaire au sein de l’hyper réalité. Ce qui est imaginaire peut être concrétisé dans le réel. Le monde de Disney, que nous connaissons tous, et ses divers sous univers n’existent pas dans le monde des objets et le réel concret. Ces différents mondes n’existent, à leur façon et n’appartiennent qu’à un imaginaire collectif dans un espace à part de la réalité. Disneyland est la matérialisation dans notre monde de cet imaginaire, qui n’est ni réel, ni imaginaire mais hyperréel. Si le réel se définit par l’imaginaire, c’est notre croyance qui en détermine les frontières. L’hyperréalité brouille ces limites et en perturbe la conscience ; il faut donc créer des repères afin de valider cette réalité, c’est donc une recherche de la réalité par l’imaginaire. Dans l’hyper réalité, les lieux comme Disneyland sont des espaces de 1 ECO, Umberto. La guerre du faux. Libraire générale française, 1987.


régénération de l’imaginaire, son univers permet de faire croire que l’hyperréalité est la réalité. Disneyland se pose comme une usine d’imaginaire dans laquelle notre esprit se ressource de ce faux imaginaire (puisqu’il appartient au monde concret des objets). « Nous avions toujours eu jusqu’ici une réserve d’imaginaire, la réalité étant proportionnelle à cette réserve qui lui donne sa valeur. C’est vrai aussi pour l’exploration géographique et spatiale : lorsqu’il n’y a plus de territoire vierge, et donc disponible pour l’imaginaire, quand la carte recouvre tout le territoire, quelque chose comme le principe de réalité disparaît. »1 Au sein de cette hyper réalité résulte une déconnection du réel, au même titre que la déconnection de l’imaginaire. L’hyper réel étant devenu notre réalité, nous cherchons pour nous en convaincre des preuves de cette réalité à travers l’imaginaire. L’époque est au « comme si c’était vrai », « comme si vous y étiez », « comme si c’était fait », « comme si c’était hier » au profit de l’expérience véritable. Notre réalité n’est donc plus ce qu’elle était, elle n’est plus basée sur l’expérience. On ne part désormais plus du réel pour fabriquer de l’irréel, de l’imaginaire, c’est l’inverse, on fabrique un faux réel à partir d’un modèle, un univers de simulation.

1 Ibid. pp. 11


La banalitĂŠ, limite moderne


1 / Le réenchantement On ne cesse d’améliorer la réalité, en nous déconnectant exponentiellement de celleci. Nous sommes conscients d’aimer une réalité sans artifices, mais nous préférons la version modifiée, la version « améliorée ». L’hyperréalité est donc quelque chose qui vient se rajouter à la réalité. Nous essayons de nous en persuader afin d’avoir l’impression de garder une certaine maîtrise de cette nouvelle réalité. On peut faire sans, on peut s’en déconnecter à tout moment, c’est du moins ce dont l’on se persuade. L’hyperréalité elle-même nous dissuade de nous en couper : pourquoi faudrait-il s’en séparer si elle nous rend la vie si agréable ? De part le fait que nous soyons entraînés de plus en plus dans l’éloignement de la réalité, l’hyperréalité se pose désormais comme une nécessité. Nous sommes tellement habitués à l’hyperréel que la réalité nous paraît trop fade pour vouloir s’y réinvestir, et la déconnection est telle qu’elle nous en paraît fausse. Le ré-enchantement par l’imaginaire intervient en guise de sauveteur de la postmodernité. Le marketing s’essaye à de nouvelles formes provenant de la culture des loisirs, c’est un marketing basé sur l’expérience, un marketing basé sur les émotions, qui tire son inspiration du


domaine du luxe dans lequel sont mises en avant esthétique et éthique : on peut le qualifier de « marketing expérientiel ». On appelle par-là à un retour aux sources, à une pensée sauvage basée sur les ressentis et les émotions. L’inconscient est lui motivé par les émotions et non par la raison. C’est ainsi que la communication s’articule autour des émotions tout en nous faisant perdre d’autant plus pied avec la réalité. Analysons par exemple une publicité pour une automobile, de beaux paysages, une route vide, et un personnage au volant qui incarne une image à laquelle il est proposé de ressembler en achetant le produit. Notre identité est ici directement impliquée, et on nous propose de redécouvrir une expérience, de nous redécouvrir nousmêmes. C’est l’évasion, l’exil, une expérience hors du commun qui nous est proposée, mais nous n’y accédons nullement. Malgré la promesse de l’expérience nouvelle, de cette redécouverte de sentiment qui est proposée, l’expérience « réelle » n’a pas changé. Il est possible de la reconstituer, on peut tout à fait prendre la voiture pour traverser de beaux paysages et conduire sur de belles routes. Mais dans la réalité, ce même véhicule servira principalement pour des trajets classiques qui ne changeront rien à l’expérience que nous avons. Aujourd’hui l’expérience et les émotions sont relayées sur un second plan, elles sont suggérées,


simulées à travers les images sans pour autant nous être pleinement accessibles et perceptibles. Le ré-enchantement du monde nous sert à faire perdurer la réalité, il veut nous fait ressentir le monde par les expériences pour nous convaincre que la réalité existe toujours. Nous vivons en fait la réalité dans l’hyperréalité, et ce en communauté, grâce aux autres. Nous ne voulons plus rien contrôler nous-mêmes, mais plutôt nous en remettre à une force supérieure qui réside dans l’imaginaire collectif, afin de s’imaginer dominer par la réalité des choses et des sentiments, le réel concret. Nous voulons que ce réel s’impose à nous pour faire « comme si » nous n’étions plus à l’origine de tout, pour faire comme si parmi toutes ses simulations il y avait encore de l’inconnu, quelque chose de non pensé par l’Homme. Lorsque l’Homme se trouve confronté à une situation qu’il ne comprend ni ne maîtrise, il lui est naturel, tel un enfant dénué de l’apprentissage adéquat, à faire jouer l’un de ses incroyables potentiels salvateurs : le mimétisme.


2 / Le conformisme Notre contact à la réalité est caractérisé par les expériences que nous en faisons. Dans notre monde hyperréel, nous essayons de redécouvrir ce contact à l’aide de l’expérience des émotions. Nous voulons revenir à l’expérience pure de la réalité, en quelque sorte revenir à la nature et retrouver ce rapport au monde perdu. Mais au lieu de se laisser aller à l’expérience pure, nous ne pouvons empêcher notre emprise sur les choses et ce désir constant d’amélioration : d’où le message paradoxal délivré par les organisateurs de vacances ou de randonnées : Vivez votre aventure en tout sérénité, il ne vous arrivera rien. »1 C’est en fait exactement ce qui se produit. Il ne nous arrive absolument rien et surtout pas d’aventures. L’aventure vient des choses auxquels on ne s’attend pas, c’est l’inconnu qui nous permet de prendre pleine mesure et profiter de la réalité. Les balades « hors des sentiers battus » sont simplement fausses, la nature nous est certes vendue, mais à condition qu’elle soit repérée, balisée, sécurisée, définie. « Ce besoin maladif de quadriller la nature, de contrôler les sensations qu’éprouveront ceux qui s’y aventureront »2. Mais dans la balade hors de 1 CHOLLET, Mona. La tyrannie de la réalité. CalmannLévy, 25 août 2004.PP.293 2 Ibid. pp. 295


ces mêmes sentiers, les broussailles sont là pour égratigner la peau, les chemins boueux pour s’y enfoncer, pour s’y perdre, pour ne plus savoir et baigner dans l’ambiance du lieu. Ce n’est pas ce que nous voulons, mais c’est le reste du monde, l’univers qui n’est pas nous, que nous ne pensons pas. Il agit sur nous de l’extérieur, c’est lui qui nous fournit notre dose nécessaire de contrastes révélateurs de la réalité du monde. L’être humain a besoin pour son propre équilibre, de conserver une « limite », d’admettre la présence, aux côtés du sien, d’un univers qui n’est pas « lui ». Au même titre que l’on taille une haie, on taille notre imaginaire. Nous en supprimons une partie en prévoyant et contrôlant ce qui peut nous arriver avant que cela ne survienne. Comme la nature, l’imaginaire est imprévisible, il est capable de créations uniques telles qu’une aventure l’est à chaque fois. Ce caractère unique ne peut, par définition, pas être reproduit. Nous assistons alors à une banalisation de l’expérience. Les expériences sont éradiquées au profit de reproductions, de simulations, de reconstitutions. Au même titre que les parcs d’attractions, ou la rénovation des sites historiques, les simulacres d’expériences participent à l’appauvrissement du sensible, de notre imaginaire.


Si notre imaginaire s’appauvrit, notre réel (hyperréel), se présente comme un modèle d’idéal à atteindre. Nous avons désormais tous le même téléphone dernier cri, nous consommons la même nourriture reproduite en quantité prétendument « infini » acheté en hypermarché, le dernier gadget se doit d’apparaître à notre poignet ; de même il faut avoir vu la dernière vidéo sortie et être connecté en permanence. La société a commencé à s’enliser dans un conformisme étouffant1. Nous ne nous basons pas uniquement sur notre propre expérience de la réalité pour définir ce qu’elle est, nous nous reposons aussi énormément sur les idées des autres. Les hommes sont sensibles aux points de vue des hommes. Lorsque nous ne sommes pas d’accord, la solution la plus simple est encore de s’en remettre à l’avis des autres, de se rallier à l’avis d’un groupe. Pourquoi nous conformer aux idées des autres ? Nous cherchons toujours à donner la meilleure réponse possible, à nous faire le meilleur avis possible. Il y a là un conflit : nous avons un désir d’objectivité face à l’environnement et voulons nous fier à l’expérience, mais en même temps ne voulons pas nous mettre en marge du groupe. Nous sommes régulièrement 1 LAUNET, Edouard. Annie Le Brun et Victor Hugo en appelant à “l’insurrection lyrique”. Libération Livres. Url : http://www.liberation.fr/livres/2012/03/22/la-batailledu-reve_804793


amenés à faire des concessions et taire notre point de vue. Porté par le désir hyperréaliste d’idéal à atteindre, influencé par le comportement des autres, la société s’est enlisée dans un conformisme. Nous ne cessons pas de vouloir améliorer notre réalité ; le ré-enchantement de l’imaginaire continu dans la même direction et vient le définir, le délimiter plutôt que de l’utiliser réellement. Le conformisme supprime l’originalité et favorise une lente anesthésie vers la banalité. Les expériences que nous avons, sont préparées, « prémâchées », en tout cas en grande partie édulcorées. 3 / Le bluff technologique L’influence sociale va encore plus loin par notre élaboration de systèmes que nous ne sommes plus capables de penser seuls. Non seulement nous nous conformons à l’avis d’autres, mais nous sommes également dépendant d’eux. L’Homme a besoin de l’Homme. Avec les systèmes techniques complexes de notre société, un seul homme est insuffisant pour le penser. « Chacun n’est au courant que d’un petite parcelle des données touchant à l’outil dont il fait partie »1. Individuellement, nous sommes ignorants ; cette ignorance n’est pas issue de l’absence de données ou de la difficulté d’accès à celle-ci, mais plutôt de la 1 ELLUL, Jacques. Le bluff technologique. Hachette, 2004. pp. 115


disproportion entre elles, de la complétude de nos capacités mentales et la démesure des contextes que nous prétendons pouvoir assumer quotidiennement. Nous ne sommes plus capables de considérer les risques, pas plus que d’appréhender les conséquences de tels systèmes. Ainsi dans son Bluff Technologique, Jacques Ellul dégage-t-il quatre grands postulats sur le progrès technique : En premier lieu, tout progrès technique se paie par la pollution, la congestion, le stress social et individuel, la destruction, la laideur ou la surconsommation. La nature devient un lieu de loisir aménagé et un jardin de repos pour les citadins qui sont enfermés et immobilisés dans des bureaux au décor aseptisé. Les vacances sont devenues obligatoires dans le Sud l’été et si nous gagnons en liberté apparente à ce jeu, nous nous adaptons à la machine et payons en contraintes de fonctionnement. Deuxièmement, le progrès technique soulève des problèmes plus difficiles qu’il n’en résout effectivement. On peut citer par exemple des problèmes d’atteinte à la vie privée, un pouvoir secret et excessif, ou des centralisations et complexités croissantes. « On continue à obéir à la règle technique du primat des moyens. On accepte la croissance des problèmes »1. 1 Ibid. pp.67


La société technicienne ne s’interroge jamais sur ses propres finalités, « elle ne sait pas où elle va ». Le plus souvent elle s’attache à répondre à des problèmes particuliers non urgents, en créant des besoins artificiels. Son objectif est la création d’un bonheur matériel. Un troisième postulat est que les effets imprévisibles deviennent toujours plus sérieux. « L’obsession de l’efficacité conduit à prendre des risques toujours plus graves en espérant y échapper »1. Par exemple la biotechnologie combinée à la nanotechnologie peut donner lieu aux pires manipulations. Enfin, Jacques Ellul reconnait en quatrième lieu que les effets néfastes sont inséparables des effets positifs. C’est ainsi que les rythmes et la complexité croissent an même temps que la croissance. « Les travaux simples et lents n’existent plus dans notre monde »2. Même s’il persiste encore le « folklore » du vin et de l’artisanat par exemple. Dans notre « société technicienne moderne », le temps passé et futur sont intégrés dans le présent, seul réel. C’est ainsi en quoi fonctionne maintenant l’ordinateur : en temps réel, un temps bouclé à l’avance, écrasé dans l’instantané. L’information en 1 Ibid. pp.85 2 Ibid. pp.79


temps réel joue sur la soi-disant évidence du sens même de l’expression, suspendant ainsi la réflexion, il s’agit d’une connexion permanente. Cette connexion est si miraculeuse qu’elle empêche de concevoir et même de percevoir toute forme de négation. C’est le mythe de la technologie qui nous donne accès au savoir, qui nous connecte en temps réel au reste du monde et qui nous épanouit par ce fait même. Aujourd’hui, il s’agit de chasser constamment les temps morts, de resserrer les délais et d’augmenter les cadences : la durée et la permanence des objets sont désormais révolues. « Les produits de la technique sont incapables de s’insérer dans les rythmes propres à l’homme, au monde naturel et à sa possibilité d’avenir. »1 Nous faisons alors chaque chose toujours plus vite quel que soit le domaine de notre vie quotidienne : la communication, l’information, la consommation ou les déplacements. C’est la multiplicité innombrable des applications de l’ordinateur qui nous a entrainé dans le passage à un nouveau modèle de société. Le changement est important, et avec l’informatique, l’efficacité n’est plus liée au gigantisme des modèles précédents mais bien au contraire à leur réduction à l’extrême : il faut toujours faire plus petit. De même la production 1 Op. Cit. pp.122


de biens matériels laisse alors place à la production, au traitement, à la transmission, à l’interprétation et à l’enregistrement des informations nécessitant des systèmes toujours plus complexes. Nous sommes dans une société dominée par les problèmes de communication et traitement de l’information. L’informatique semble omnipotent, surtout capable de constituer un véritable retour (feed-back) sur le système, permettant de contrôler l’orientation, la rapidité de fonctionnement et d’adaptation du système ; elle met de « l’intelligence » dans un système mécanique et automatique. C’est à partir de là que nous devons comprendre la technique et ses impacts. L’informatique produit un nouveau modèle de société, la société en réseau, et un discours social centré sur l’information et l’espace. La technique s’est ainsi mutée en technologie, en discours, en communication, et finalement en information. Elle est une expérimentation sociale continue, elle peut aller jusqu’à la formation des habitudes, des pensées, voire des actions mêmes de l’homme. L’homme est alors en proie au divertissement et la société qu’il se vante d’avoir façonné l’asservit en fait à une multiplicité de gadgets. Ainsi nous ne nous parlons désormais plus mais, nous communiquons par email, par Facebook, par Twitter, par Sms et Mms, nous


remplaçons l’expérience par une version numérique de celle-ci, sous couvert de pouvoir communiquer plus instantanément, plus directement. La technique se présente comme une possibilité de s’épanouir et de multiplier ces expériences, mais au final nous finissons par les exterminer. La fin de l’expérience réelle au profit d’une version aux bords arrondis nous amène à vivre dans un univers de diversion et d’illusion, et nous sommes bien au-delà de ce que nous appelions autrefois « la société du spectacle ». « L’important, à partir du moment où il y a création d’un produit technique avancé, c’est d’obliger le consommateur à l’utiliser, même s’il n’y trouve aucun intérêt. Le progrès technique le commande »1. L’habitude acquise devient besoin naturel, comme pour n’importe quel produit de consommation, et il faut toujours davantage d’absurdité pour surclasser le concurrent et rester compétitif. Il suffit de prendre pour exemple la téléphonie sans fil, où la dernière mode est l’adjonction d’un lecteur d’empreintes digital sur le téléphone, de même que de disposer de tout un tas de capteurs différents pour relever toujours plus d’informations. Dans un mouvement identique, les applications santé, pourvoyeuse d’autant d’informations que possible sur notre 1 Op. Cit. pp. 247


corps ou nos déplacements quotidiens. Ainsi nous utilisons maintenant des gadgets pour nous remettre en forme ; il faut maintenant atteindre un score, un nombre de pas minimum journalier pour maintenir un bon équilibre. L’innovation principale de ce nouveau système est de ne plus résoudre les conflits directement. « Car présenter à l’Homme l’image d’un mutant, le fait inévitablement réagir. C’est la banalité du quotidien qui le rassure. Et le génie technicien (non pas des techniciens !) est précisément de produire la banalité la plus rassurante et la plus innocente. »1 C’est exactement ça le « bluff technologique ». Nos habitudes sont ce qui ponctue notre quotidien, ce qui nous établit une routine, et elles deviennent de plus en plus absurdes au fur et à mesure que les différents produits techniques se font concurrence. La routine du quotidien, c’est précisément ce qui compose notre zone de confort, et la difficulté à en échapper est proportionnelle à notre peur d’investir l’inconnu.

1 Op. Cit. pp. 35


C

La zone de confort


1 / L’anxiété stabilisée Qu’est-ce donc que la zone de confort ? C’est le fameux « métro-boulot-dodo », notre vie de famille ou de couple, notre entourage, nos habitudes et nos routines. Ce sont toutes ces choses que nous maîtrisons presque parfaitement et qui sont familières, confortables, et qu’elles soient agréables ou non. En effet, être pris dans les bouchons fait partie de notre zone de confort, tout simplement parce que c’est ce que nous connaissons. Cette même zone est l’espace où nos activités et comportements correspondent à un modèle de routine. Ce modèle sert à réduire le stress et l’anxiété, en fournissant un état de sécurité mentale. L’idée de « zone de confort » remonte à 19081, définie comme un état de confort relatif créant un niveau constant de performance. Cependant, pour optimiser nos performances nous avons besoin d’un état d’anxiété moyen, un espace où nos niveaux de stress sont légèrement supérieurs à la normale, en somme un espace d’anxiété optimale. Toutefois, l’excès d’anxiété fait de nous des êtres trop stressés pour être productifs et notre performance 1 Robert M. Yerkes et John D. Dodson explique qu’un état de confort relatif créer un niveau de performance constant. Source : http://psychclassics.yorku.ca/ Yerkes/Law/


diminue alors fortement. Quiconque a déjà essayé d’accomplir quelque chose sait qu’en s’auto-challengeant nous pouvons obtenir des résultats étonnants. En revanche, nous pousser trop fort, a un effet négatif et renforce l’idée que se challenger soi-même est vecteur d’autodestruction : c’est notre tendance naturelle à revenir à une anxiété neutre, un état confortable. Pour autant, cet état confortable n’est ni une bonne ni une mauvaise chose : mais c’est vers cet espace que la plupart des gens tendent. Le quitter signifie donc accroître à la fois risque et anxiété. Des niveaux inconfortables d’incertitude sont la cause de beaucoup d’anxiété. Préparer le repas ne semble, par exemple, pas vraiment inquiétant du fait de nombreuses répétitions, c’est un acte familier et nous savons à quoi nous attendre. Au contraire toutes ces nouvelles expériences que nous faisons, comme sauter en parachute pour la première fois, ou commencer un nouveau travail, sont des activités remplies d’incertitudes, et donc d’anxiété. L’incertitude peut nous faire réagir plus fortement à des expériences négatives. Une étude a révélé que les centres émotionnels du cerveau répondent bien plus fortement à des photos dérangeantes quand nous ne nous attendons pas à ce qui arrive. Ces images dérangeantes, sont


plus bouleversantes pour nous lorsque que nous ne les attendons pas.1 Les attentes ont un impact non négligeable sur de nombreux aspects de nos vies, y compris la performance au travail ou à l’école, ainsi que les relations interpersonnelles et la santé. Elles peuvent modifier nos perceptions des évènements négatifs aussi que bien nos réponses neuronales et émotionnelles. Si nous pouvons réduire les sentiments d’incertitude en travaillant sur les attentes, nous pouvons ainsi réduire l’anxiété et notre réponse aux mauvaises expériences étant donné que les attentes incertaines sont primordiales dans l’anxiété. L’incertitude nous faisant réagir plus fortement aux expériences, nous sommes alors plus susceptibles de répondre négativement aux choses nouvelles, même si nous sommes capables de les aimer avec le temps. Il 1 Dans le cadre de l’étude dirigé par Jack Nitschke, 36 étudiants ont laissé une machine tracer leur activité cérébrale. Le test était le suivant : les étudiants portaient des lunettes qui présentaient une série de photos. Les images étaient soit neutre (comme une chaise), soit dérangeante (comme une personne grièvement blessée). Avant chaque image un symbole de signalisation était affiché caractérisant l’image qui allait suivre. Si c’était un cercle l’image était neutre, un X pour une image dérangeante et un point d’interrogation, ce qui provoque l’incertitude. L’insula et l’amygdale ont tous deux réagis plus fortement à l’image dérangeante lorsqu’elle était précédée par le point d’interrogation. Pourtant ces mêmes zones du cerveau répondent moins fortement si elles ont reçu un avertissement avant. Source : http://www.news.wisc.edu/16971


n’est donc pas étonnant que les nouvelles choses nous alertent, la familiarité étant tout à la fois confortable et agréable. Dans une perspective d’évolution, nous voyons les choses familières comme plus sécurisantes, nous sommes donc attirés par ce que nous savons déjà. Notre cerveau pense qu’après tout « nous avons déjà essayé ça avant, et nous ne sommes pas mort pour autant. Il est probablement sûr de recommencer encore ». Essayer de nouvelles choses demande de l’énergie, donc nous sommes plus susceptibles de nous appuyer sur de vieilles habitudes que de prendre des nouveaux risques, c’est la tendance à rester à un état confortable qui nous attire. C’est l’incertitude et la peur liée à cette incertitude, la peur de l’inconnu, qui délimite la taille de notre zone de confort. Plus nous avons peur, plus notre zone de confort se réduit et plus il est difficile d’en sortir.


2 / L’adaptation hédonique Nous avons donc peur du changement, de faire différemment que ce que nous faisons habituellement et nous aimons la banalité de notre zone de confort ainsi que tout ce que nous connaissons déjà. L’erreur serait de croire que le progrès technique agit uniquement dans un désir de renouvellement d’expérience pour nous permettre d’être dans un état d’anxiété productive. Au contraire, il produit la banalité la plus rassurante pour pouvoir être accepté sans même nous inquiéter, il ne laisse pas de place à l’incertitude. En revanche, nous avons une tendance à nous habituer rapidement au changement et ce qu’il soit bon ou mauvais. Par conséquent, nous déportons notre attention non plus sur ce que nous avons déjà mais vers ce que nous pourrions avoir. C’est à ce désir que le progrès technique répond en essayant de se renouveler continuellement. Nous sommes à la recherche de nouveauté, ce que pourrait nous apportait le progrès technique, mais il sert uniquement à servir notre quotidien, en étant aussi banal que possible pour n’instiller ni l’incertitude ni de doute. Nous ne nous focalisons pas sur l’expérience elle-même mais sur l’objet et sa technique. Il faut plus de temps pour nous adapter aux expériences proprement dites qu’il ne nous en faut pour nous adapter à un objet.Mais nous


nous y habituons, de plus en plus vite au fur et à mesure que nos attentes s’élèvent continuellement. Le meilleur devient ainsi la norme, et ce sur quoi nous focalisons notre attention indépendamment de nos besoins. C’est ainsi que nous avons accès au plus grand répertoire de connaissances humaines jamais créé (internet) au bout de nos doigts (les smart phones) mais nous restons suffisamment ennuyés pour nous contenter de chercher un moyen d’obtenir un accès plus rapide et plus aisé. Nous pouvons facilement nous adapter à vivre avec moins, sans souffrir de conséquences négatives sur notre psychisme, mais lorsque nous poursuivons constamment plus, il nous faut toujours plus pour rester heureux. En fait nous nous habituons rapidement au changement afin de maintenir un niveau stable de bonheur dans notre vie. C’est ce que les psychologues appellent « l’adaptation hédonique ». Cela signifie qu’au fil du temps, l’excitation d’un nouvel achat est ramenée vers un niveau émotionnel normal ; nous cessons d’avoir du plaisir avec lui, nous achetons en conséquence de nouveaux biens. L’adaptation hédonique est un processus qui réduit l’impact affectif d’évènements émotionnels. En règle générale, ce processus implique des changements cognitifs tels que le changement de valeurs, d’objectifs, d’attention ou d’interprétation d’une situation.



De plus, des processus neurochimiques désensibilisent les voies hédoniques surstimulées, ce qui empêche probablement la persistance de hauts niveaux de sentiments positifs ou négatifs intenses. Ainsi toute hausse de niveau de vie de l’Homme ne peut que produire un bonheur à court terme, la tendance éphémère de ses satisfactions donnent suite à de l’indifférence ou de l’insatisfaction. Lorsque nous avons dépassé le stade de la nouveauté, c’est comme un sentiment de déception. « Ce qui pose problème, c’est le fait que les objets servent de substituts à des expériences, qu’ils les éradiquent. »1 À la différence des objets, l’expérience est unique et subjective. Si elles fournissent une plus grande satisfaction que les choses, c’est qu’elles ne peuvent pas être consommées en un seul instant. Le temps d’adaptation à une nouvelle expérience est plus long que le temps d’adaptation à un objet. Ainsi, un manteau à enfiler ou une télévision à allumer ne nous feront pas ressentir des émotions aussi intenses qu’un saut en parachute, ou la rencontre d’une nouvelle personne. Néanmoins, « toute augmentation du bonheur quelle qu’en soit la cause, ne dure jamais longtemps. »2 1 CHOLLET, Mona. La tyrannie de la réalité. CalmannLévy, 25 août 2004. pp. 317 2 LYUBOMIRSKY, Sonia et JACOBS Katherine. Cerveau & psycho n°37 : Soyez positif !, Article : Comment construire un bonheur durable. JanvierFévrier 2010. 4 Pages.


C’est le caractère imprévisible et la variété des situations qui participent à notre bonheur plutôt que la banalité de tous les jours. Ainsi pour contrecarrer cette adaptation, ce retour à un niveau « normal », nous devons faire quelques efforts, sous peine de voir le bonheur s’émousser encore plus rapidement. Nous nous adaptons plus lentement lorsqu’un événement positif est riche en surprises. Evidemment pour y accéder encore faut-il accepter d’aller vers l’inconnu, qui nous fait peur de nature. L’adaptation hédonique est moindre lorsqu’on accepte de casser notre routine, il faut accepter de diversifier ses expériences positives, rester ouvert aux surprises, aux occasions nouvelles et également apprécier ce que l’on a. C’est en faisant l’effort d’apprécier le fait que nous n’avons pas toujours été dans une situation aussi confortable, agréable, que nous pouvons mieux maintenir les émotions positives et la satisfaction que nous en tirons. L’extérieur de notre zone de confort nous apparait dangereux et nous revenons à notre zone de confort parce que nous avons une tendance naturelle à retourner à un niveau d’anxiété stable. C’est pour cela qu’il nous est difficile d’aller en dehors et de sortir de cette zone. Mais pourtant, pour rechercher un bonheur plus durable il faut accepter de franchir ce cap. Pour avoir quelque chose que nous n’avons jamais eu, il faut faire quelque chose que nous n’avons jamais fait.


3 / La zone d’apprentissage La zone qui jouxte immédiatement celle de confort, celle qui nous apparaît si dangereuse est appelée la « zone d’apprentissage ». C’est ici que nous observons, expérimentons, comparons, apprenons, c’est un espace qui nous permet d’élargir notre vision du monde. Quitter notre zone de confort nous permet de faire des choses nouvelles. nous motive, nous aide à apprendre, et nous stimule. La nouveauté tend à accroître les niveaux de dopamine dans le cerveau, en formant une partie intégrante du « centre des récompenses » au sein de celui-ci. Le rôle de la dopamine est de nous inciter à aller chercher des récompenses, et la nouveauté augmente ce besoin, améliore également notre mémoire et augmente nos possibilités d’apprentissage en rendant notre cerveau plus « malléable ». Ce que nous cherchons au-delà c’est idéalement un lieu d’inconfort productif. « Si vous êtes trop à l’aise, vous n’êtes pas productif. Et si vous êtes trop mal à l’aise, vous n’êtes pas productif. »1 Nous sommes à la recherche d’une anxiété optimale, une anxiété gérable. Une fois que nous nous sommes acclimatés à un nouveau niveau d’anxiété, notre zone de 1 “If you’re too comfortable, you’re not productive. And if you’re too uncomfortable, you’re not productive.” PINK, Daniel H. Drive. The surprising truth about what motivates us. Riverhead Trade, 5 avril 2011.


confort s’élargit et nous avons intégré de nouvelles données. Il est d’usage de penser qu’en quittant la zone de confort, nous ne pourrons pas y revenir, étant incapables de vivre sans cet état de confort en permanence. Si le niveau d’anxiété est trop haut, notre performance diminue et nous avons tous besoin de cette espace où nous sommes moins anxieux et stressés pour nous occuper des bénéfices récupérés en le quittant. Dans la zone d’apprentissage, nous voulons par contre découvrir de nouvelles expériences. En se familiarisant avec elles, au fil du temps, elles s’intègrent à notre zone de confort et aux choses que l’on connaît. Lorsque nous élargissons notre zone de confort, nous accroissons le nombre de choses avec lesquelles nous sommes en confiance. Cette zone d’apprentissage caractérise le lieu où nous pouvons encore vivre des expériences inconnues qui nous enrichissent. Mais l’inconnu fait peur, justement car il nous est inconnu. Voilà pourquoi cette zone apparaît comme dangereuse à beaucoup d’entre nous qui feront tout pour l’éviter. C’est pourtant de l’inconnu que réside la force de faire beaucoup de choses. C’est la dose d’inconnu contenue dans toute nouvelle expérience qui la rend intéressante et enrichissante. En l’expérimentant, il nous rapproche de notre condition d’explorateurs


et d’êtres sensibles qui a toujours été la nôtre, et ce depuis la nuit de temps. En cela, la force de se confronter à l’inconnu apparaît non plus nécessaire mais vitale. C’est aussi peut-être en elle que se trouve la vraie forme du progrès humain. L’expérience du rêve est innée pour nous tous, endormis comme éveillés. Grâce à la puissance de notre imagination, nous nous croyons capables de réaliser tout ce que nous pouvons imaginer. Cependant, nous perdons en grandissant cette capacité merveilleuse dont nous aurons besoin plus tard pour être créatifs, innover, changer nos vies et transformer nos sociétés. Le seul moyen d’atteindre ses objectifs, est en rêvant à ce que nous souhaitons avant de travailler à leur réalisation. Au même titre que la zone de confort, notre monde réel, hyperréel, est banal et il nous conditionne. Pour avoir une chance d’investir la réalité, il faut utiliser l’imaginaire. Reconstruire des rêves afin d’atteindre un objectif et d’effectuer un retour à des nouvelles expériences. Nous sommes comme plaqués au sol contraints et asphyxiés par notre société étriquée, dépourvue de rêves et sans élan.


« Le rêve a purement et simplement disparu de notre horizon […]. C’est là un des plus graves manques de la fin du millénaire qui, à mes yeux, tient de la catastrophe.1

»

1 LE BRUN, Annie. Du trop de réalité. Folio, 30 Septembre 2004.



L E S

R É A L I T É S

L E S

D E L E S

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1 / Une définition Par définition, le rêve est une suite d’images, de représentations qui traversent l’esprit, avec pour caractéristique la conscience d’une illusion telle que l’on est conscient de son rêve, sans pourtant être conscient que l’on rêve ; on parle alors d’inconscient. Celui-ci est également décrit comme l’objet d’un projet, d’un désir, ou un projet d’avenir plus ou moins difficile à réaliser1. Scientifiquement, on peut le résumer à une activité psychique parallèle au sommeil. Notre sommeil d’adultes est la succession de trois états de vigilance2, tous différents, caractérisés par notre comportement visible et électroencéphalographique3 : soit l’éveil, le sommeil lent et le sommeil paradoxal. Le rêve intervient au cours de ce troisième état. L’éveil, ou encore « état de veille », correspond à tous les moments conscients que nous pouvons avoir ; soit à peu près deux tiers de notre temps total. Au sein même de cet état nous oscillons entre l’éveil « actif » et « passif ». À l’état actif, nous avons les yeux grands ouverts et très mobiles, nos 1 Source : CNRTL (url : http://www.cnrtl.fr/definition/ r%C3%AAve) 2 THIRION, Marie. Le sommeil, le rêve et l’enfant. Editions Albin Michel, 6 avril 2011. 3 Méthode qui mesure l’activité électrique du cerveau. Source : Larousse


gestes sont fréquents, rapides et précis. Notre temps de réaction est très court et nos réflexes sont vifs tandis que notre activité cérébrale est intense. Le pouls et la respiration sont eux aussi rapides. Pendant cette période, nous avons du mal à nous endormir. Succédant à ces états actifs, des passifs, au cours desquels notre de temps de réaction est plus long, nos gestes plus lents et nos yeux moins vifs. Contrairement à l’état de veille actif, il nous est facile de nous endormir, cet état de veille passif, dans lequel nous pensons à notre repos, est un accès direct au sommeil. Vient ensuite le sommeil lent : celui-ci est caractérisé par un ralentissement de l’activité cérébrale, et est également appelé « sommeil classique » ou « sommeil orthodoxe ». Dans cet état, nous perdons conscience, mais sans pourtant perdre la réception sensitive du monde extérieur. Nous nous endormons presque toujours en sommeil lent, qui représente les trois quarts de notre sommeil total, habituellement de huit heures pour un adulte. Ce sommeil est décomposé en trois niveaux de profondeur : le premier est l’endormissement ou le préréveil, et nous ne sommes alors ni tout à fait endormis, ni complètement réveillés tandis que nous bougeons peu. Dans le second niveau nous sommes endormis mais le sommeil est léger. En fait, une


simple perturbation extérieure nous réveillera, comme une fenêtre qui claque. Nous maintenons donc une certaine activité mentale, continuons de penser, nous représentons des images ou des rêves flous comme nous pouvons en avoir pendant l’éveil. Ces deux premiers stades représentent la moitié du sommeil total. Le troisième niveau de profondeur correspond à un sommeil très profond. Nous n’avons que de faibles réactions aux stimulations extérieures, et sommes presque totalement immobiles. L’activité mentale est alors très faible, les yeux sont immobiles sous les paupières fermées et le pouls ainsi que la respiration sont lents et réguliers. Nous conservons cependant une certaine tonicité musculaire, nos muscles restent fermes ; si par exemple, nous nous endormons debout, nous ne nous effondrerons pas. Ce troisième niveau représente le troisième quart du sommeil. Le sommeil paradoxal lui, est aussi appelé « sommeil de rêve ». Il vient à la suite du sommeil lent et représente le dernier quart du sommeil. Il est ainsi nommé car pendant ces périodes, nous sommes complètement détendus tandis que notre activité cérébrale est aussi intense que pendant l’éveil. L’activité cérébrale intense est ici le reflet du rêve. Si nous nous réveillons au cours de cette période, nous pouvons raconter un


rêve très précisément et avec beaucoup de détails. Cependant, ces souvenirs ne restent pas longtemps dans notre mémoire, ils sont vite effacés et nous pouvons aisément croire à une absence de rêve. Du matin, il nous arrive de nous rappeler ces rêves, ils correspondent alors aux dernières minutes de notre sommeil paradoxal. Cette phase de sommeil est souvent interrompue par l’éveil du matin. Notre corps est totalement détendu, une des caractéristiques de ce sommeil est une hypotonie musculaire intense, soit une importante diminution du tonus musculaire1. Le pouls et la respiration sont aussi rapides qu’en phase d’éveil bien que plus irréguliers. Si notre corps est totalement relâché, notre visage est bien plus actif, il bouge, est plus expressif qu’en sommeil lent. Les paupières restent fermées, mais nos yeux bougent très rapidement. On constate que pendant le rêve en phase de sommeil paradoxal, notre cerveau est aussi actif qu’en phase d’éveil, durant laquelle nous sommes pleinement conscients. Nous savons désormais à quel moment il intervient dans notre sommeil, mais qu’en est-il de son contenu ?

1 Le tonus musculaire est un état de contraction légère et permanent des muscles, assurant l’équilibre du corps au repos. Source : CNRTL (url : http://www.cnrtl. fr/definition/tonus )


2 / L’interprétation des rêves Pour Freud1, le rêve est un phénomène plein de sens et pas un déchet inutile de l’activité psychique ; dès que l’on essaie de l’interpréter avec une méthode scientifique, son absurdité et son incohérence disparaissent. Le rêve exprime alors un souhait, qu’il s’attache à réaliser immédiatement. Loin d’être un phénomène absurde ou magique, il possède en fait un sens, il se pose comme l’accomplissement d’un désir : un désir inconscient. Il a pour fonction de satisfaire le rêveur, et de fait, constitue des renseignements quand à nos désirs de rêveurs. Ainsi ce dont nous nous souvenons au réveil forme le « contenu manifeste » du rêve. Les produits utilisés et scénarisés dans le rêve, à savoir tout ce que l’on a la sensation de percevoir : ce sont les éléments manifestes du rêve, tels le résultat d’un film projeté dans une salle. En revanche, le sens de ce que nous rêvons, les pensées, se dissimulent derrière ce contenu manifeste. L’interprétation des rêves a donc pour but de déceler ce qu’on appelle le « contenu latent », il n’existe nulle part ailleurs qu’à l’intérieur du contenu manifeste. Le contenu latent est alimenté par l’ensemble des productions de l’inconscient. On peut dès lors distinguer 1 FREUD, Sigmund. L’interprétation des rêves. Franz Deuticke. 1900


trois types de rêves selon la relation des contenus : les rêves simples ou les contenus manifestes et latents sont identiques. Véritable réalisation des désirs, les rêves cohérents en apparence immotivés, et les rêves incohérents, semblent totalement absurdes. Le rêve incohérent est donc la réalisation d’un désir qui se cache à travers le contenu manifeste, un désir refoulé. Pour passer de l’inconscient au conscient, le contenu latent se déguise pour devenir méconnaissable grâce à un certain nombre de mécanismes psychiques, respectivement : la condensation, le déplacement, la symbolisation et la dramatisation. D’abord, la symbolisation : les objets, personnes et situations sont remplacés par des représentations qui sont aptes à les figurer. La symbolisation est le travail du rêve qui fournit le matériel sur lequel vont porter les trois autres mécanismes. Ensuite, la condensation : les idées du contenu latent sont toujours plus nombreuses que les idées du contenu manifeste étant donné qu’un élément de rêve signifie plusieurs idées latentes. Il y a donc ici condensation de plusieurs éléments en un seul. Puis, le déplacement : un élément éminemment important dans les pensées latentes se transporte sur un élément


faible ; un fait inconscient de première importance devient alors un élément banal du rêve, et inversement ; des éléments très relatifs occupent une place centrale dans le scénario du rêve, dans le contenu manifeste. Enfin, la dramatisation : ici, une pensée est transformée en situation, c’est la scénarisation ou la mise en place dans un contexte narratif du contenu latent. On peut se demander pourquoi le rêve participe à une élaboration aussi complexe, et pourquoi ils n’expriment pas les désirs plus naïvement et clairement comme dans les rêves simples. Il s’agit bien en fait de désir refoulé provenant de l’inconscient, sorte de pensées et volontés cachées, différentes des pensées et volontés conscientes. Ce sont des désirs que la morale réprime, et qui ne peuvent apparaître à la conscience comme tels, la censure de l’inconscient s’y opposant. L’inconscient règle alors les réactions de l’Homme non pas comme un individu mais comme un être social ; apparaissant à ce stade l’héritage de ceux qui nous ont précédé, l’ensemble des archétypes qui nous servent de base pour définir les interdits. Ainsi les désirs refoulés ne peuvent apparaître à la conscience qu’uniquement pendant le sommeil, lieu où la censure est moins forte quand nous dormons et ils trompent ainsi, par leur déguisement, la vigilance de la censure.


Si nous oublions rapidement nos rêves au réveil, c’est cette même censure qui retrouve toute son efficacité et condamne la perpétuation de ces désirs en mémoires. C’est donc parce qu’ils sont obligés de tromper la censure que l’élaboration des rêves est compliquée. Pour Freud, les cauchemars ne sont que des rêves trop clairs, quand la censure inconsciente craint de ne pouvoir refouler les idées latentes trop claires, et qu’elles soient reconnues par le rêveur, elle provoque alors une angoisse qui vise au réveil. En plus d’être indispensables à notre santé physique, nos rêves sont également indispensables à notre santé psychique. Sans eux, nos désirs ne se manifesteraient que d’avantage sous forme de symptômes. Le rêve est donc une représentation de nos désirs, c’est une manifestation de notre inconscient pour nous pousser à agir lorsque la raison ne l’interdit pas. Notre esprit doit alors jongler entre deux mondes. Nous opposons souvent rêve et état de veille (le réel), bien qu’ils ne soient pas si diamétralement différents que cela. La ressemblance du rêve avec les perceptions de la veille peuvent témoigner de cette proximité. En effet, il nous arrive de voir, dans nos rêves, des objets, personnes ou évènements identiques à ceux que nous avons pu expérimenter durant la veille. La


sensation de réalité est aussi complète et intense que dans le réel. On peut dire que dans l’état de veille, nous nous assurons de la réalité des objets qui nous entoure, nous n’utilisons nos divers sens pour nous en convaincre. Lorsque nous doutons, nous pouvons toujours nous approcher d’un objet et le toucher, en plus de le voir ou le sentir. Dès lors, lorsque nous rêvons, puisque notre corps est endormi, nos sens le sont également, quand bien même nous ne pouvons vérifier la réalité de ce que nous voyons. « Les rêves semblent vrais tant qu’on est dedans. Ce n’est qu’au réveil qu’on remarque ce qu’ils avaient d’étrange. »1 Nous croyons donc au rêve jusqu’à ce que nos sens se réveillent, et nous réalisons alors que celui-ci n’était pas réel. C’est en cela que nous les opposons. Pourtant, dans le rêve, exactement comme dans la veille, nos divers sens s’accordent. Nous ne rêvons alors pas seulement de voir un objet, mais nous le touchons, nous l’entendons. Nous pouvons par exemple rêver d’un ami, lui serrer la main, rêver d’une discussion partagée, nous croyons l’entendre, le percevoir. Une autre différence tient en notre propension à garantir la réalité des objets 1 “Dreams, they feel real while we’re in them. It’s only when we wake up that we realize something was actually strange.” NOLAN, Christopher. Inception. Warners Bros. Pictures, 2010.


pendant la veille en nous accordant aux autres esprits. Ainsi, « je vois des choses » mais je ne suis pas le seul à les voir. Nous opposons le rêve comme une vision solitaire que les autres ne voient pas, une poursuite intérieure qui n’est pas en harmonie avec les autres esprits. Cependant le rêve nous paraît, au même titre, être un espace où nous partageons nos sensations sur le monde avec d’autres esprits. Nous rêvons régulièrement d’un monde à plusieurs, une discussion entre connaissances dans un endroit que nous partageons, nous les entendons et échangeons avec elles. Alors le rêve et l’état de veille ne sont absolument pas différents, mais au contraire bel et bien identiques. L’état intérieur, les sensations, les croyances sont identiques. « L’homme qui rêve se croit, se voit, se sent en commerce avec ses semblables, exactement comme se croit, se voit et se sent l’homme éveillé. »1 Dans le rêve, tout se passe donc comme dans la veille et les évènements nous semblent naturels dans les deux cas. Ce n’est qu’au réveil que nous jugeons les rêves absurdes. Ils le sont uniquement par comparaison avec le nouvel état post-réveil, et nous jugeons de notre point de vue éveillé qui n’est, a fortiori, plus le même.

1 MELINAND, Camille. Le rêve et la réalité. Revue des deux mondes, n°145, Janvier 1898 (deuxième quinzaine). pp.428


Nous mettons régulièrement la réalité et le rêve en opposition mais leurs caractéristiques sont très proches. Tous les deux agissent l’un sur l’autre constamment et il est inutile d’essayer de les séparer. Le rêve a la capacité de reproduire la réalité et la déformer, il y tire une inspiration constante tout autant qu’il influe sur elle. Il faut se rendre compte que ces deux mondes communiquent. « L’irréalité de la rêverie, en affleurant à la surface du réel, agit plutôt sur lui par capillarité, une capillarité parfois spectaculaire. »1 Un exemple un peu extrême serait Valeria Lukyanova2, la Barbie humaine. Celleci ressemble à une poupée, sans pour autant en être une, on peut se demander si elle a jamais quitté ses rêves d’enfant ? Jusqu’à quel point ses rêves ont agi sur sa réalité ? Pour autant, il y a peu de chances qu’elle vive véritablement son rêve. Si le rêve est capable d’agir par capillarité sur notre réalité, il est principalement basé sur notre expérience de la réalité, donc ce que nous percevons. C’est d’une société où les images ont un pouvoir surprenant, où cette 1 CHOLLET, Mona. La tyrannie de la réalité. CalmannLévy, 25 août 2004. pp. 112 2 Valeria Lukyanova est une jeune ukrainienne surnommée la barbie vivante suite à de nombreuses intervention de chirurgie esthétique ayant pour but de la faire ressembler à la poupée. Source : Wikipédia (url : http://fr.wikipedia.org/wiki/Valeria_Lukyanova)


idée de l’idéal à atteindre est très présente, que nos rêves tirent donc inspiration. « Si la société s’attend à ce que les femmes ressemblent à ça, il est encore plus difficile pour les femmes d’y résister. »1 Cela place la plupart d’entre elles dans un paradoxe entre leur corps réel et celui prétendument idéal, véhiculé par notre société, c’est-à-dire celui d’une jeune fille au corps imberbe et au visage d’adolescente encore empreint d’innocence. Les femmes rêvant d’un corps différent, ou de leur propre corps éternellement jeune, symbolise ce désir enfoui à même d’influencer notre réalité et de nous pousser à agir dans une certaine direction en vue d’en changement et d’un rapprochement avec notre vision du rêve. Le rêve exprime avant tout une forme de désir personnel, et n’est pas qu’une simple fantaisie. Il se pare des atouts de la réalité pour rendre sensible nos désirs, étant parlà bien plus qu’une succession d’images déjà vécue. L’inconscient veut nous transmettre un message, un désir profond, et il utilise les objets de notre réalité pour nous l’évoquer. Si le rêve se base sur notre réalité, qui est une amélioration du réel, nos rêves sont alors imprégnés de cet idéal à atteindre. 1 CONLEY, Mikaela. The Real-Life Ukrainian Barbie Doll. Abcnews. Url: http://abcnews.go.com/blogs/ health/2012/04/23/the-real-life-ukrainian-barbie-doll/


Il est aussi l’expression d’un désir inconscient refoulé, difficile à exprimer. Il est donc plus facile de continuer à rêver à la manière d’un enfant et se fier à ce premier niveau de lecture du rêve, même s’il ne nous aide pas à apprendre de nouvelles choses. En cela, le rêve est une composante essentielle à notre existence.


une composante essentielle manquante


1 / Une nécessité Le sommeil nous permet d’évacuer le stress et de régénérer le cerveau en s’adaptant aux expériences émotionnelles quotidiennes, en les intégrant en nous. Ce processus s’effectue principalement pendant les phases de sommeil paradoxal, la phase de sommeil pendant laquelle nous rêvons. Ainsi ce sommeil nous sert de soupape utiliser en cas d’une surabondance d’émotions. Cela nous permet de nous reposer du stress quotidien et donc d’être plus efficaces éveillés. Le sommeil participe également à l’entretien de notre cerveau en restaurant physiquement les liaisons entres les cellules nerveuses qui ont été usées pendant l’éveil. Le sommeil paradoxal permet ici au cerveau de modifier sa structure (donc ses capacités) et il est indispensable à la plasticité du cerveau. Il permet littéralement au cerveau de prendre forme et se régénérer, ce qui explique qu’il soit aussi important chez le fœtus ou le nouveau-né. En effet, alors que le sommeil paradoxal représente la moitié du sommeil total dans la trente-sixième semaine de vie du fœtus, il se stabilise à un quart autour de l’âge de cinq ans.1

1 THIRION, Marie. Le sommeil, le rêve et l’enfant. Editions Albin Michel, 6 avril 2011, pp. 25


Au-delà de régénérer le cerveau et évacuer le stress émotionnel, le sommeil paradoxal facilite la consolidation des nouveaux apprentissages, aide à la résolution de problèmes et favorise la mémorisation43. Par exemple, lorsque nous développons de nouvelles capacités, comme apprendre à jouer du piano, nous sommes plus habiles après avoir dormi. Les apprentissages pendant l’état de veille, tant que nous sommes encore conscients, sont comme transférés dans notre mémoire, véritablement emmagasinés au cours du sommeil1. La mémorisation de nouvelles connaissances est donc meilleure quand il y a une période de sommeil qui succède à la phase d’apprentissage2. Si, nous sommes privés de sommeil paradoxal, de rêve pendant notre phase d’apprentissage, notre efficacité s’en trouve affectée. Notre sommeil paradoxal nous est nécessaire, c’est le moment privilégié où les choses que nous avons nouvellement acquises sont récupérées, réorganisées et transférées dans la mémoire à long terme. Il nous sert à faire le tri entre l’information qu’il importe 1 JOHNSON Tim. Que se passe-t-il quand vous dormez? Plus que vous ne pouvez l’imaginer!, Santé canadienne, Canada, mars-avril 2007. www.canadianhealth.ca 2 MULLENS Éric. À quoi sert le sommeil? La santé de l’homme, no 388, France, mars-avril 2007. www.inpes. sante.fr


de garder en mémoire et celle qui peut être oblitérée. Il a d’ailleurs été démontré que l’insomnie était une cause de mémoire à long terme moins performante. Le rêve est donc une composante essentielle de notre existence tant à des fins régénératrices physiques que pour nous permettre de mémoriser, de finir l’apprentissage, et également comme un élément nous permettant d’habiter pleinement la réalité. Victor Hugo a écrit : « dans le monde mystérieux de l’art, il y a la cime du rêve… L’homme a besoin du rêve… Voici la loi mystérieuse : aller au-delà. »1

1 HUGO, Victor. Reliquat de William Shakespeare. Ed. Ollendorff – Imprimerie Nationale, 1864. pp.302


2 / Le manque de rêve dans notre société « Une société sans rêve est une société sans avenir. » Carl Gustav Jung1 Si le rêve est bien une composante essentielle de notre existence, il est difficile d’imaginer en être privé. Pourtant, dans une société contemporaine qui cherche à tout définir et où nous sommes déconnectés du réel, nous pouvons nous demander si nous sommes en mesure de rêver pleinement. Le rêve est une invitation à prendre de la distance avec le réel, une opportunité de remise en cause de la réalité. Le rêve est un formidable moteur, une importante source d’énergie, il produit une plénitude et génère l’enthousiasme. Il nous donne parfois la motivation d’entreprendre, et il crée un sentiment de liberté. Il est intéressant de noter que les personnes dites « actives » sont plus soumises aux contraintes de la réalité, et ne semblent pas s’accorder autant de temps que les plus jeunes ou les retraités pour rêver. Il semble qu’ils aient une plus grande difficulté à concilier leurs rêves et leurs obligations sociales. La liberté de rêver est alors conditionnée par la place accordée au travail et à la façon de remplir 1 Carl Gustav Jung est un médecin, psychiatre, psychologue et essayiste suisse né en 1875 et mort en 1961. Il a notamment travaillé avec Freud sur la psychanalyse.


les moments non productifs. C’est ainsi que nous ne passons plus beaucoup de temps à nous laisser seulement penser ou rêvasser. Si nous-mêmes ne passons plus autant de temps à rêver, on se rend compte que le marketing de notre société de surconsommation se substitue aux personnes pour entretenir les mécaniques du rêve. Ainsi pour se vendre, les objets s’attribuent-ils les valeurs d’un rêve auquel on veut nous faire adhérer. Les rêves sont alors préparés, calculés, mesurés et mis à notre portée. Aujourd’hui, les faux besoins que crée le progrès technique, couplés au travail que nous effectuons pour posséder ces « mini-rêves », continue d’appauvrir nos songes et donc nos ambitions. Un acheteur compulsif ne sera jamais satisfait, il se crée un besoin pour avoir toujours quelque chose à désirer. Mais ces désirs entretenus ne sont pas des rêves, bien qu’ils se présentent comme tels. On peut alors se demander si finalement nous faisons encore de véritables rêves ? Nous n’arrivons même plus à nous rendre compte que ces soi-disant rêves, ces désirs entretenus ne sont que des tromperies. Nous avons une résistance naturelle au changement existant en chacun de nous, et c’est ainsi que nous tendons à rester au sein de notre zone de confort. Cela demande des efforts d’oser. La conséquence malheureuse


du rêve tient au fait de s’en contenter. L’imagination nous permet donc de nous extraire de notre réalité parfois oppressante, cependant il ne faut pas s’enfermer dans cet espace rassurant et recréer ainsi une zone de confort imaginaire. Même si les rêveurs ou idéalistes ne voient dans la réalité qu’un brise-rêve, il est important de rapporter ses rêves à la réalité. Suivre un idéal sans jamais se soucier d’adaptation à la réalité peut faire naître les pires horreurs, notre histoire étant remplie d’exemples, comme le rêve qu’Hitler1 a essayé de concrétiser au XXe siècle. Nous avons chacun nos rêves, qui nous sont tout à fait personnels. Mais il est délicat de faire cohabiter tous les rêves des hommes si tous ceux-ci aspirent à leur réalisation. Peut-être avons-nous plutôt besoin de nous orienter sur des rêves plus significatifs appelant à une vie meilleure, plutôt que de continuer à persévérer dans la satisfaction de nos propres désirs entretenus par le marketing.

1 Adolf HITLER est un dirigeant allemand, fondateur et figure centrale du nazisme, instaurateur de la dictature totalitaire désignée sous le nom de Troisième Reich. Il est mort le 30 avril 1945.


C

Le rĂŞve collectif


1 / Les grands rêves Sigmund Freud a identifié l’existence de rêves typiques faits par un grand nombre de personnes mais qui ne désignent pas des désirs personnels. Jung, relie ses motifs oniriques1 à la notion « d’inconscient collectif », notion qui désigne le réservoir imaginaire des représentations de l’Homme, évoqué en première partie sous les termes « d’imaginaire collectif ». Il s’est notamment intéressé à une classe de productions oniriques, « les grands rêves », qu’il distingue des rêves qui proviennent des profondeurs de l’inconscient collectif. Ces grands rêves font alors appel à deux types d’appartenance. Il existe des rêves qui véhiculent des représentations communes au patrimoine de l’humanité, des symboles forts qui existent depuis longtemps, mais qui nous appartiennent également. Le rêve concerne alors notre évolution personnelle, bien qu’apparaisse en filigrane le caractère universel de notre condition humaine : nous sommes ainsi reliés à l’expérience commune de tous les hommes. Il existe également des rêves qui relèvent du collectif, ils ne nous sont plus propres individuellement, mais le sont au groupe 1 Onirique : du rêve, qui a rapport au rêve (dans le sommeil ou à l’état de veille). Source : CNRTL (http:// www.cnrtl.fr/definition/onirique)


dans lequel nous évoluons. En effet, dans le rêve collectif se déversent des images qui concernent un groupe ou toute une société. Ces rêves sont souvent à l’origine des contes ou autres histoires fabuleuses ou magiques que l’on peut connaître. C’est un rêve qui n’est pas seulement personnel, c’est un rêve plus marquant que nos rêves habituels, un rêve aux images fortes, qu’on ne peut s’empêcher de raconter… parce qu’il est de ceux qui nous concernent tous. Ainsi, le fameux rêve de Martin Luther King1 comparé aux rêves nocturnes et personnels n’ont pas la même teneur ni les mêmes buts. Si le rêve nocturne est formé de désirs personnels, le rêve collectif lui espère et appelle à une vie meilleure. Il offre la force de porter la vision et l’espérance en un monde nouveau. «Lorsqu’un seul homme rêve, ce n’est qu’un rêve. Mais si beaucoup d’hommes rêvent ensemble, c’est le début d’une nouvelle réalité.»2 Cependant, le rêve nocturne personnel et le rêve collectif nous incitent à prendre de la distance avec le réel afin de remettre en cause la réalité. Mais dans nos sociétés, bien que ces rêves existent toujours, ils sont rangés dans la même catégorie, leur prise en compte est négligée. 1 LUTHER KING, Martin. Discours du 28 août 1963. « I have a dream. » 2 Friederensreich HUNDERTWASSER est un peintre, penseur et architecte autrichien.


Un monde sans rêve est livré à la décadence ou à la désespérance. Rêvons donc, rêvons encore et plus que jamais portons la puissance du rêve en nous. 2 / Le rêve d’Icare Le désir de voler, un des plus grands rêves de l’Homme, est également un des plus fréquents et communs pendant notre sommeil. Il est régulièrement représenté par le mythe d’Icare. Les mythes, en traversant le temps, parviennent jusqu’à nous et deviennent une partie de notre inconscient collectif. Minos1 implore Poséidon2 de lui offrir un magnifique animal afin de lui sacrifier. Un taureau blanc sort alors des flots, mais Minos ne tient pas son engagement et sacrifie une autre bête. Le dieu Poséidon, pour se venger, rend Pasiphaé3 amoureuse de l’animal. Elle demande alors à Dédale4 de lui fabriquer une statue de vache creuse afin de pouvoir se reproduire avec l’animal. C’est ainsi que 1 Dans la mythologie grecque Minos est le fils de Zeus et d’Europe. Il est un roi légendaire de Crète. 2 Poséidon est le dieu des mers et des océans en furie dans la mythologie grecque. 3 Pasiphaé est la fille d’Hélios et de Persée dans la mythologie grecque. Elle est aussi l’épouse de Minos. 4 Dédale est principalement connu pour être un inventeur, un sculpteur et un architecte de talent exceptionnel, alliant génie esthétique et ingéniosité technique.


la jeune femme met au monde Astérion, le Minotaure1. Honteux, et craignant que le peuple ne découvre le monstre, Minos confie à Dédale la construction d’un labyrinthe. Lorsqu’il assiège Athènes, Minos réclame, en guise de tribut, d’envoyer chaque année sept jeunes garçons et filles en offrande au Minotaure. Ici interviendra Thésée2, qui tuera le monstre et quittera le labyrinthe grâce à l’aide d’Ariane3 qui lui fournit le fil nécessaire afin de retrouver son chemin. Minos tient alors Dédale responsable de cette fuite, et l’enferme avec son fils Icare dans le labyrinthe. Pour s’en extraire, et ainsi échapper à la vengeance de Minos, ils s’envolent tous deux au moyen d’ailes formées de plumes collées sur leur corps que Dédale fabrique. Il met cependant en garde son fils de ne pas s’approcher trop près de la mer à cause de l’humidité ou du soleil à cause de sa chaleur. Mais Icare, enivré par le vol, oublie l’interdit et prend trop d’altitude ; la chaleur fait ainsi fondre la cire avec laquelle les ailes étaient confectionnées qui finissent par le trahir. Il meurt alors, précipité dans les flots.

1 Dans la mythologie grecque Astérion est le Minotaure, un homme avec la tête d’un taureau et le corps d’un homme. Il est le fils de Pasiphaé. 2 Fils d’Egée, roi d’Athènes 3 Ariane est une des filles de Minos et Pasiphaé dans la mythologie grecque.


Le mythe d’Icare, est intemporel et donc toujours d’actualité. Depuis des siècles, il est à l’origine de nombreuses créations. Beaucoup d’artistes se sont laissés inspirer par ce mythe et ont décidé de le représenter à leur manière. Ils se sont souvent concentrés sur la chute, mais Charles Paul Landon1 s’arrête lui sur le moment où Dédale pousse son fils à prendre son envol. Au XXe siècle, Matisse2 et Picasso3 se sont aussi intéressés au mythe, mais dans leurs œuvres, seul Icare est représenté, et Dédale disparaît pour laisser toute la place à son fils. Si c’est bien Dédale qui créé artificiellement un homme-oiseau, Icare représente lui l’aspiration des hommes à s’élever dans les airs. Celles-ci ont toujours existé, et il nous suffit de regarder les oiseaux dans le ciel pour en ressentir la présence. Peu à peu l’histoire d’Icare est devenue le symbole de tous ceux qui ont mené l’Homme à prendre l’air.

1 Charles Paul LANDON est un peintre et historien d’art français mort le 5 Mars 1826. 2 Henri MATISSE est un peintre, dessinateur et sculpteur français mort le 3 Novembre 1954. 3 Pablo PICASSO est un peintre, dessinateur et sculpteur espagnol mort le 8 Avril 1973.


3 / Dans le monde d’aujourd’hui C’est le désir de surpasser notre condition de simple humain qui nous pousse à expérimenter toutes sortes de méthodes de vol jusqu’aux premières réussites significatives. Ce n’est que récemment que l’Homme a réussi à prendre de la hauteur. Il lui faudra beaucoup d’essais infructueux avant qu’ils ne saisissent les grands principes physiques du vol. En effet, il faut, en plus d’être un grand rêveur, se voir doté d’un solide esprit scientifique pour étudier les propriétés du vol. C’est ainsi qu’en 1486 Léonard de Vinci1 étudie scientifiquement la possibilité de faire voler un corps dont le poids excède celui de l’air. Il y a tellement travaillé qu’il nous a laissé les plans de dizaines, voire centaines de machines volantes. Au même titre que Dédale, il a conçu et inventé des moyens pour l’homme de s’envoler ; on constate cependant que ce passionné d’aéronautique n’a jamais osé tester ses propres inventions. Au fil des années, nombreux sont ceux qui ont contribué aux progrès de l’aéronautique. Grâce à ces progrès techniques, c’est une véritable course aux records qui est lancée : vitesse, taille, altitude, ont sans cesse vu 1 Léonard DE VINCI est à la fois artiste, scientifique, ingénieur, inventeur, anatomiste, peintre, sculpteur, architecte, urbaniste, botaniste, musicien, poète, philosophe et écrivain italien mort le 2 Mai 1519.


leurs limites repoussées jusqu’à ce que, finalement, l’Homme ne finisse par sortir de l’atmosphère terrestre pour partir dans les étoiles. Aujourd’hui, un avion décolle toutes les 10 à 20 secondes dans le monde et Icare est toujours le symbole universel de tous ceux qui cherchent à s’envoler. Cependant, chaque accident d’avion nous rappelle qu’il n’est pas naturel pour l’homme de s’émanciper de la gravité, et que comme Icare, il peut chuter. Le vol fascine par le sentiment de liberté qu’il procure, et Icare fait lui aussi rêver et ne cesse d’inspirer. L’homme qui vole se retrouve dans de nombreux symboles que nous avons créés, comme les super-héros. Tout en commençant à nous essayer au vol par nous même au tout début du XXe siècle, nous avons inventé des héros modernes représentant ce rêve de l’homme volant. Ainsi, nombreux d’entre eux ont ce pouvoir, que ce soit par l’intermédiaire d’un pouvoir surnaturel ou d’une invention. Le plus connu d’entre eux est sans doute Superman, bien que le vol en lui-même n’ai pas été, au début, une de ces caractéristiques : il se contenter de faire des bonds gigantesques.


Puis, il s’est peu à peu mis à voler, rejoint par de nombreux autres : Iron Man1, la Torche Humaine2 ou encore Angel dans X Men3 pour ne citer qu’eux. Aujourd’hui, le Wingsuit4 est ce qui pourrait se rapprocher le plus de l’expérience de vol tel que l’homme la concevait initialement, à savoir copier les oiseaux qui nous fascinent tellement par leur capacité au vol. Cependant, ce n’est pas encore réellement voler, il s’agit ici de convertir la vitesse de chute en vitesse horizontale au moyen d’une combinaison souple en forme d’aile. Il s’agit toujours d’une chute, bien que maîtriser pour chuter moins vite, cette technique ne permet pas de prendre de hauteur, et le trajet se fait 1 Anthony STARK, appelé Iron Man est un superhéros créé en 1963 par Stan LEE pour Marvel Comics. Son corps est celui d’un humain normal mais rendu surpuissant par une armure de haute technologie conçue à l’aide de ses impressionnantes compétences en technologie. Elle lui permet de voler et d’atteindre une vitesse de Mach 8. 2 Johnny Storm, appelé la Torche Humaine, est un super-héros de l’univers de Marvel Comics créé par Stan LEE et Jack KIRBY. Sa particularité est de pouvoir, en présence d’oxygène, créer une enveloppe de feu autour de n’importe quelle partie de son corps et voler. 3 Warren Kenneth Worthington III, appelé Angel, est un super-héros de l’univers des comics Marvel créé par Stan LEE et Jack KIRBY. C’est un mutant avec des ailes en plume dans le dos. 4 Le vol en wingsuit est un type de saut effectué à l’aide d’une combinaison de saut souple en forme d’aile utilisé pour modifier le frottement de l’air sur le corps et augmenter la portance.


absolument à partir d’un point haut vers un point bas. C’est bien grâce aux apports de l’aviation que nous volons, c’est-à-dire que nous pouvons nous mouvoir dans les airs. Mais s’il y avait à la base la motivation de ressentir et d’expérimenter la sensation de vol que l’oiseau peut connaître, le rapport a aujourd’hui bien changé. Ainsi, bien que l’aviation soit désormais largement répandue et utilisée, l’expérience est loin de ce que nous recherchions à la base. En 2012, le trafic aérien mondial de passagers s’est élevé à presque trois milliards de voyageurs1. La plupart de ce trafic s’effectue dans des avions gros porteurs, les avions de ligne tels que nous les connaissons. S’ils nous permettent effectivement de nous déplacer dans les airs « comme les oiseaux », la sensation de liberté sous-jacente a complètement disparu. Changement non négligeable de notre société hyper réelle, l’expérience du vol a été relayée à un second plan, à tel point que la plupart des passagers pendant le vol tentent de s’occuper pour passer le temps. Nous avons « tué » l’expérience du vol et le sentiment de liberté qu’elle évoque au profit de la fonctionnalité. On peut noter une disparition de l’expérience 1 Source : Direction du transport aérien (url : http:// www.developpement-durable.gouv.fr/Observatoireannuel-de-l-Aviation.html)


dans l’insouciance générale. On voyage actuellement dans des aéronefs avec des petits hublots qui empêchent de profiter du vol en lui-même. La moindre turbulence dérange, et beaucoup veulent un vol le plus linéaire possible, dénué de toute sensation. Il semble erroné de croire que l’absence de risque est une conséquence direct de l’absence de sensations. Ce n’est que le masque de la technique, et les risques sont toujours présents, dissimulés autant que possible derrière la banalité du vol. Chaque accident d’avion nous le rappelle, et comme Icare les avions sont parfois rappelés par l’attraction terrestre. « Il meurt lentement celui qui devient esclave de l’habitude, (…) celui qui ne prend pas de risques pour réaliser ses rêves ».1

1 Pablo Neruda est un poète, écrivain, diplomate, homme politique et penseur chilien né en 1904 et mort en 1973.


R É A L I T É S

L E S

D E L E S

T O U S J O U R S L E

D U

R Ê V E


Le réel et l’imaginaire sont deux notions régulièrement mises en opposition, comme si l’une et l’autre formaient des contraires. Elles ne sont pourtant pas si éloignées l’une de l’autre ; à tel point que l’une est impensable sans l’autre. Dans la pensée commune, l’imaginaire a tendance à disparaître pour laisser la place à la réalité pure ; pour autant, il est bien plus présent et influent qu’on ne pourrait le supposer. Tout d’abord, la réalité n’est pas le réel : elle est une représentation subjective du réel, censée s’en rapprocher le plus possible : elle est en cela essentiellement basée sur notre expérience. Ainsi, le reste peut théoriquement se résumer à l’imaginaire ; puisque non vécus, les évènements ne forment plus que des faits rapportés. En effet, nous ne nous fions pas uniquement à l’expérience pour distinguer ce qui réel de ce qui est imaginaire ; il nous reste un élément de différenciation qui dépasse l’expérience. Entre l’interprétation d’une réalité et la conceptualisation d’une figure imaginaire : nous parlons ici de la croyance. Elle définit la certitude qui habite notre esprit lorsqu’il admet une réalité et une vérité. Cette dernière est également un élément essentiel qui nous aide à juger la réalité d’une chose, parce que nous considérons « vraie » une affirmation qui copie la réalité. La vérité est en fait bien plus qu’une simple imitation


de la réalité ; de plus, son interprétation a considérablement évolué au cours du temps : ainsi, elle symbolisait autrefois un monde transcendant au temps et à l’espace, un monde où toutes les vérités étaient possibles. Mais bien que les hommes aient ensuite fait descendre la vérité du ciel sur la terre, le caractère préexistant de celle-ci demeure ; la vérité est désormais contenue dans les faits, et notre science la recherche. Cette conception nous est naturelle, parce qu’il est spontané de se représenter la réalité comme un tout parfaitement cohérent et systématisé devant être soutenu par une armature logique : notre science ne ferait donc que retrouver ce fait. On constate néanmoins que l’expérience nous présente uniquement un flux de phénomènes ; si quelque affirmation nous permet de maîtriser une suite d’évènements, ou de les prévoir, nous prétendons que cette affirmation est véridique. Ainsi, la vérité nous permet de définir ce qui n’existe pas encore et nous l’inventons pour utiliser la réalité. La structure de notre esprit est ainsi pour une grande partie l’œuvre de notre esprit, grâce à la contribution des nombreux inventeurs qui ont rassemblé et organisé les éléments constitutifs à la vérité au travers de leurs découvertes. Si l’on peut affirmer que toute vérité est une forme d’invention, et donc une route tracée à travers la réalité, il convient


de distinguer celles qui mettent en valeur cette réalité et celles qui tendent à l’altérer. C’est donc dans ce contexte que l’on peut se permettre d’appréhender le monde dans lequel nous vivons désormais ; nous nous rendons compte alors de la déconnection entre l’Homme et la notion même de réalité. Ainsi, le monde d’aujourd’hui tient majoritairement de l’héritage des générations précédentes, dont l’apport influence notre vision de la réalité. Nous nous appuyons tellement sur ce leg que nous avons fini par en perdre le contact avec le réel ; aujourd’hui, nous nous basons uniquement sur des interprétations de certains de des signes qui nous sont tangibles. Nous pouvons par exemple citer la difficulté à classer un monument historique désormais restauré « à son état d’origine » ; en effet, cela relève d’un statut presque paradoxal ; ce monument est désormais un objet devenu « hyperréel », c’est-à-dire ni vraiment réel, ni vraiment imaginaire. Cette hyperréalité remplace ainsi notre réalité, et nous ne vivons plus que par interposition, dans une réalité non seulement « améliorée », mais surtout altérée. L’hyperréalité elle-même nous dissuade de nous en détacher : en effet, si cette réalité nous rend la vie si agréable, quelles raisons pourrions-nous avoir de nous en détacher ? La déconnection aurait pu ne pas être totale si, dans notre société


désormais hyperréelle, nous n’altérions pas également l’imaginaire. Tout le problème se situe à ce niveau : il est inévitablement altéré. D’abord, parce qu’il est étroitement relié à la réalité : l’imaginaire utilise donc régulièrement des objets considérés comme réels, ou des modifications de ceux-ci ; il n’y a pas que des créations pures. Dans un second temps, nous assistons dans le monde hyperréel d’aujourd’hui, à une véritable concrétisation de l’imaginaire. Celui-ci restait jusqu’alors circonscrit à un espace distinct et indépendant du réel, le préservant ainsi de l’appauvrissement. Le réel et l’imaginaire, en cohabitant désormais dans un unique espace, ne nous permettent plus d’en faire une distinction limpide. De même, nous avons besoin, pour assurer notre propre équilibre, d’admettre la présence à nos côtés d’un univers qui ne se résume pas à notre être, quelque chose d’inconnu que nous ne contrôlons pas. Par son emprise extérieure à l’Homme, il permet par effet de contraste de révéler les réalités du monde. Toutefois, en prévoyant et contrôlant ce qui peut nous arriver avant même que ces évènements ne surviennent, en définissant tout le territoire possible, une notion que l’on pourrait nommer « principe de réalité » disparaît. Cette situation de déconnection amène l’Homme à se retrouver dans une situation qu’il ne comprend pas et maîtrise encore moins ; dans ce cas, il lui


est naturel de faire intervenir ses capacités de mimétisme pour se repérer. Nous ne nous basons donc pas uniquement sur notre propre expérience pour définir la réalité, mais nous y adjoignons également les idées des autres individus. Dans un souci d’objectivité, nous sommes alors régulièrement amenés à taire notre propre point de vue pour nous rallier à l’avis général du groupe. Par l’hyperréalité qui nous présente un modèle sans cesse amélioré et influencé par le comportement des autres individus, la Société s’enlise peu à peu dans un conformisme latent. Cette réalité s’applique avant tout parce que l’Homme est devenu dépendant de ses congénères : nous avons élaboré au fur et à mesure du temps des systèmes techniques complexes que nous ne sommes plus capables de conceptualiser individuellement. Nous sommes ainsi individuellement ignorants, et cela ne tient pas tant en l’absence de données ou en la difficulté d’accès à cellesci, mais dans la démesure de ces contextes. Nous ne sommes donc plus capables de considérer les risques ou les conséquences de tels systèmes. Dès lors, nous ne nous rendons pas compte que la « société technicienne » s’attache le plus souvent à répondre à des problèmes particuliers non urgents ; elle crée alors des besoins artificiels : son objectif final semble résider dans la création d’un bonheur matériel. La


technique peut aller jusqu’à la formation des habitudes et des pensées, voire même des actions de l’Homme. Il est alors en proie au divertissement et la société technicienne l’asservit à une multiplicité de gadgets. L’habitude acquise devient alors un besoin naturel essentiel lors de la création d’un produit technique avancé et oblige le consommateur à l’utiliser, même s’il n’y trouve aucun intérêt : c’est le progrès technique qui le commande. Mais l’innovation principale consiste à ne plus résoudre directement les problèmes, car présenter une image en rupture fait réagir l’humain. C’est la banalité du quotidien qui le rassure, et le génie technicien est bien aujourd’hui de produire cette banalité la plus rassurante, la plus innocente. La place du rêve devient alors prépondérante ; car s’il est bien un élément qui a le pouvoir de nous extirper de cette banalité et ce conformisme dans lequel les hommes se perdent souvent aujourd’hui, c’est bien celui-ci. Le rêve est tout aussi indispensable à notre santé physique (à des fins régénératrices notamment) qu’à notre santé psychique. Sans eux, nos désirs se manifesteraient d’avantages sous forme de symptômes. Le rêve est ainsi un formidable moteur et une source d’énergie inépuisable ; il produit un sentiment de plénitude et génère l’enthousiasme, et nous donne la motivation


d’entreprendre. Aujourd’hui, nous pouvons déplorer que les faux besoins créés par la technique en viennent à remplacer nos rêves, et ainsi appauvrir nos songes et nos ambitions ; nous ne désirons donc plus les mêmes choses. La manière dont la technique interfère est en cela insidieuse, puisqu’elle utilise le rêve pour se vendre ; par exemple, le « marketing expérientiel » utilise les émotions, l’exploration ou l’aventure pour ne vendre au final que de simples objets, tout en cannibalisant l’espace auparavant dévolu à l’expérience. Ce ne sont alors plus que des désirs entretenus et non plus des rêves à proprement parler ; dès lors, un acheteur compulsif sera un éternel insatisfait, car il se crée perpétuellement de nouveaux besoins. Cet acte inconscient vise ainsi plus à renouveler le phénomène de désir plutôt qu’à l’assouvir. Nous pouvons considérer à ce titre qu’il est maintenant nécessaire de nous orienter vers des rêves plus significatifs, appelant à une vie meilleure, plutôt que de persévérer dans la voie de la satisfaction de nos désirs « marketés ». La catégorie de rêve à laquelle il faut se référer se voit alors modifiée, et nous parlons davantage ici de « grands rêves », des rêves qui appartiennent à l’inconscient collectif. Ces derniers, dénués de tout caractère individuel, forment le répertoire dans lequel se déversent les


représentations qui concernent tout un groupe ou une société ; ils sont alors plus marquants que nos songes habituels, car composés d’images fortes, de symboles, et non pas des buts à unique visée personnelle : ils appellent à revisiter notre vie, et donnent la force de porter les visions et espérance indispensables à l’élaboration d’un monde nouveau. Nous avons alors plus que jamais besoin de rêver ; et lorsque beaucoup d’hommes rêvent ensemble, une nouvelle réalité apparaît. Le rêve nous permet de prendre du recul sur celle-ci, d’évoluer dans un espace imaginaire afin de pouvoir la remettre en cause et aspirer à quelque chose de supérieur, et de valoriser les choses qui importent. Mais alors que la liberté de rêver est conditionnée par la place accordée au travail (dans son acception générique), il est criant de constater à quel point nous l’étouffons et le peu de place que nous lui accordons. Dans le monde actuel, la tendance est à la recherche incessante de l’amélioration de notre performance, l’optimisation de nos capacités à faire mieux et plus rapidement. Nous sommes plus efficace lorsque nous maintenons un niveau d’anxiété optimale, c’est-à-dire un stress léger afin de favoriser une meilleure performance ; au contraire, l’excès de stress produit l’effet inverse et la détruit. Alors que les trajets quotidiens, par quelque moyen que ce soit, sont aujourd’hui


une des principales sources de stress, l’imaginaire peut apporter cette évasion nécessaire au maintien d’un niveau optimal. Comment, en tant que designer, puisje contribuer à la performance humaine en favorisant l’imaginaire lors des trajets quotidiens ? De même, dans notre société où la tendance est à la banalité et à l’ennui du quotidien, de plus en plus d’hommes cherchent à s’évader de cet environnement où la prise de risque est réduite au minimum. Ainsi, dans un désir d’opposition et d’évasion, nombreux sont ceux qui cherchent les limites et le risque qui nous est souvent masqué. Comment, en tant que designer, puis-je résister à la tendance à neutraliser le risque, par l’imaginaire ? Enfin, c’est une autre forme d’évasion que l’Homme utilise afin de relâcher la pression vécue dans son contexte habituel de travail, en évitant toute prise de risques. Ainsi il prend des vacances et change momentanément d’horizon pour sortir de sa zone de confort et s’extraire de la routine qu’il s’impose luimême quotidiennement. Par opposition, les déplacements de loisirs ne peuvent en eux-mêmes pas être considérés comme un moment dévolu au loisir. L’évasion devrait même commencer avant le voyage en luimême. Comment, en tant que designer, puisje réalimenter l’imaginaire du déplacement de loisir pour en favoriser l’expérience ?


L E S

D E L E S

T O U S J O U R S L E

D U

R Ê V E


bibliographie

1 / Livres

BAUDRILLARD, Jean. Simulacre et Simulation. Editions Galilée, 2 avril 1985. 233 pages. ISBN : 978-2718602103 DE CERTEAU, Michel. L’invention du quotidien. Gallimard Nouvelle édition, 1990. 347 pages. ISBN : 978-2070325764 ROSSET, Clément. Le réel et son double. Folio, 16 Mars 1993. 129 pages. ISBN : 9782070327515 SCHÜTZ, Alfred. Don Quichotte et le problème de la réalité. Allia, 7 Janvier 2014. 64 Pages. ISBN : 978-2844857675 SCHÜTZ, Alfred. Philosophy and Phenomenological Research, Vol. 5, No. 4. International Phenomenological Society, 1945. pp.533-576 JAMES, William. The principles of Psychology, Chapter XXI – The perception of reality. Dover Publications Inc., 1890. pp. 283-322. ISBN : 978-0486203812 ELLUL, Jacques. Le bluff technologique. Hachette, 2004. 748 Pages. ISBN : 9782012792111 LE BRUN, Annie. Du trop de réalité. Folio, 30 Septembre 2004. 320 Pages. ISBN : 9782070314959


LE BRUN, Annie. Appel d’air. Editions Verdier, 16 Février 2012. 120 Pages. ISBN : 978-2864326700 LE BRUN, Annie. Les arcs-en-ciel du noir : Victor Hugo . Gallimard, 15 Mars 2012. 160 Pages. ISBN : 978-2070137031 HUGO, Victor. Le promontoire du Songe. Gallimard, 22 Mars 2012. 112 Pages. ISBN : 978-2070137381 CHOLLET, Mona. La tyrannie de la réalité. Calmann-Lévy, 25 août 2004. 362 Pages. ISBN : 978-2702134948 MAFFESOLI, Michel et MOISES DE LEMOS, Martins. Société n°111 : A propos de l’imaginaire des médias. De Boeck Supérieur, Janvier 2011. 188 Pages. ISBN : 978-2804165413 Analyse : http://www. cairn.info/revue-societes-2011-1-page-5. htm DEBRAY, Régis. Eloge des frontières. Gallimard, 9 Novembre 2010. 104 Pages. ISBN : 978-2070131587 PROUST, Marcel. A la recherche du temps perdu. Gallimard, 1999. 2408 pages. ISBN : 978-2070754922 FREUD, Sigmund. L’interprétation rêves. Franz Deuticke. 1900

des


2 / Vidéos NOLAN, Christopher. Inception. Warners Bros. Pictures, 2010. 148mn. NOLAN, Christopher. Memento. Summit Entertainment, 2000. 116mn. WACHOWSKI, Andy et Lana. Matrix Trilogy. Warners Bros. Pictures, 1999-2003. 136mn, 132mn, 129mn. MARKER, Chris. La Jetée. Argos Films, 1962. 28mn. GILLIAM, Terry. L’armée des 12 singes. Universal Pictures, 1995. 129mn. KUBRICK, Stanley. 2001 L’odyssée de l’espace. Metro-Goldwyn-Mayer Polaris, 1968. 139mn. RITCHIE, Guy. Revolver. EuropaCorp, 2005. 115mn. MOSTOW, Jonathan. Clones. Touchstone Pictures, 2010. 104mn CROWE, Cameron. Vanilla Sky. CruiseWagner Productions, 2001. 128mn. BOYLE, Danny. Trance. Cloud Eight Films, 2013. 101mn. HANNA William et BARBERA Joseph. Les Jetsons. Hann-Barbera Productions, 1962. 75 x 25mn. Url : https://www.youtube.com/ watch?v=1oDaHRbIDH8


TAYLOR, Brian et NEVELDINE, Mark. Ultimate Game. Lakeshore Entertainment, 2010. 95mn. JOFFE, Rowan. Avant d’aller Millenium Films, 2014. 92mn.

dormir.

YOUNGER, James. Voyage dans l’espacetemps – Mystères du subconscient. Url:http://www.dailymotion.com/video/ xyorw9_hd-voyage-dans-l-espace-tempsmysteres-du-subconscient_tech?start=301 INKNOWATION. Do you dare to dream ? Inknowation, 2013. Urls: https://www. youtube.com/watch?v=HhFxQlDPjaY http://www.inknowation.com/en/ CARAGOL WELLS, Pamela et TAYLOR Holly. Voyages au Coeur du LSD. Arte Reportage, 2013. Url : https://www.youtube. com/watch?v=yWsioMwiVes(@17:50– 20:50) MICROSOFT. Future Vision. Microsoft C o r p o r a t i o n , 2 0 1 1 . U r l : h t t p : / / w w w. microsoft.com/office/vision/ HERLING Jan et BROLL Wolfgang. The incredible world of Diminished Reality. Ilmenau University of Technology, 2010.Url: https://www.youtube.com/watch?v=FgTqAgYlTE


3 / Internet DUMASY, Lise. Centre de recherche sur l’imaginaire. Université Stendhal - Grenoble 3, 2014. Url: http://cri.u-grenoble3.fr/ BERGSON, Henry. La pensée et le mouvant. Observatoire de la vie littéraire. Url: http:// obvil.paris-sorbonne.fr/corpus/critique/ bergson_pensee/body-1 LAUNET, Edouard. La Bataille du rêve. Liberation. Url: http://www.liberation. fr/livres/2012/03/22/la-bataille-dureve_804793 CHARLAND, Roger. Compte-rendu : Jacques Ellul, Le bluff technologique. Réflexions, théorie sociale de la communication. Url:http://charro1010.wordpress. com/2009/11/29/compte-rendu-jacquesellul-le-bluff-technologique-paris-hachettecoll-la-force-des-idees-1988-489-p-parpierre-blouin/ NOVAK, Matt. 1987 Predictions from Bill Gates. Paleofuture. Url: http://paleofuture. gizmodo.com/1987-predictions-from-billgates-siri-show-me-da-vin-512620975 NOVAK, Matt. Googie: Arhitecture of the Space Age. Smithsonian. Url: http:// w w w. s m i t h s o n i a n m a g . c o m / h i s t o r y / googie-architecture-of-the-space-age122837470/?no-ist= JOUVET, Michel. Le sommeil, le rêve et l’enfant. Url: https://sommeil.univ-lyon1.fr/ articles/challamel/sommenf/print.php


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glossaire Adaptation Hédonique : Accommodation rapide au changement afin de maintenir un niveau stable de bonheur dans nos vies Conditionnement : Action de soumettre à une ou plusieurs conditions. Confins : Parties d’un territoire formant la limite extrême où commence un territoire immédiatement voisin. Contenu Latent : Contenu qui n’est pas manifeste, qui reste caché mais demeure susceptible d’apparaître, de se manifester à un certain moment. Contenu Manifeste : Contenu qui est apparent, qui extériorise, qui est évident. Croyance : Action de croire, certitude par laquelle l’esprit admet la vérité ou la réalité de quelque chose. Créativité : Capacité, pouvoir qu’a un individu de créer, c’est-à-dire d’imaginer et de réaliser quelque chose de nouveau. Empirique : Qui ne s’appuie que sur l’expérience. Espace : Milieu idéal indéfini dans lequel se situe l’ensemble de nos perceptions et qui contient tous les existants ou concevables. Expérience : Connaissance acquise soit par les sens, soit par l’intelligence, soit par les deux et s’oppose à la connaissance innée.


Image : Représentation, ou réplique, perceptible d’un être ou d’une chose. Infinité : Caractère de ce qui est infini dans le temps, dans l’espace ou en nombre. Inventivité : Capacité d’invention, faculté de concevoir quelque chose de nouveau. Mental : Qui appartient au mécanisme de l’esprit, qui fait appel aux facultés intellectuelles. Monde : Ensemble constitué des êtres et des choses créés, l’univers, le cosmos. Mythe : Récit relatant des faits imaginaires non consignés par l’histoire, transmis par la tradition et mettant en scène des êtres représentant symboliquement des forces physiques, des généralités d’ordre philosophique, métaphysique ou social. Objet : Tout ce qui, animé ou non, affecte les sens, principalement la vue. Pouvoir : Capacité naturelle (qualités inhérentes au sujet de l’action) et possibilité matérielle (dépendant de certaines conditions) d’accomplir une action. Rêve : Suite d’images, de représentations qui traversent l’esprit, avec la caractéristique d’une conscience illusoire telle que l’on est conscient de son rêve, sans être conscient que l’on rêve. Simulacre : Image ou représentation figurée d’une chose concrète. Objet factice en imitant un autre.


Simulation : Reproduction artificielle du fonctionnement d’un appareil, d’une machine, d’un système, d’un phénomène. Peut aussi contenir une idée de tromperie, afin de cacher, masquer quelque chose. Société : Etat de vie collective, mode d’existence caractérisé par la vie en groupe, milieu dans lequel se développent la culture et la civilisation. Stimulation : Action de stimuler (mettre quelqu’un ou quelque chose dans les conditions propres à le faire agir ou réagir; susciter ou renforcer un mouvement.); résultat de l’action. Univers : L’ensemble de tout ce qui existe, la totalité des êtres et des choses. Virtuel : Qui existe sans se manifester, encore une simple possibilité ou éventualité, n’est pas actuel.



Je tiens à remercier l’équipe pédagogique de Strate ainsi que ses intervenants, pour l’aide et les réponses qu’ils ont pu m’apporter. Je remercie énormément mes amis pour leurs précieux conseils et avis tout au long de la rédaction de ce mémoire, ils ont su porter une oreille attentive aux incessantes questions que j’ai pu avoir et enfin je remercie ma famille pour leur soutient, particulièrement ma mère qui m’aura été d’une grande aide. Merci également aux lecteurs qui ont su parcourir les pages de ce mémoire en espérant avoir pu vous porter dans cet espace imaginaire.



CrĂŠdit images : Nicolas FOURNY



Nicolas

L’imaginaire

FOURNY L’imaginaire a un pouvoir étonnant sur l’Homme, en étant capable de produire des images. Sa puissance est telle qu’il influe complètement notre réalité. Le réel et l’imaginaire sont deux notions régulièrement mises en opposition, comme si l’une et l’autre était des contraires. Elles ne le sont pourtant pas et sont indissociables, ni l’un sans l’autre, ni l’autre au détriment de l’un. Le réel est impensable sans l’imaginaire, autant que le second est irreprésentable sans le premier : c’est un tout dont il est question, bien qu’une distinction entre les deux soit nécessaire. Dès lors ils doivent tous deux être pensés ensemble, notamment pour que l’Homme puisse comprendre sa place et son rôle dans le monde, afin de pouvoir y agir.

Ecole de Design


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