TPFE Nicolas Brousse

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SYMBIOSE PÉRI-URBAINE, RENCONTRE DE LA VILLE ET DE SON A G R I C U LT U R E



SYMBIOSE PÉRI-URBAINE, RENCONTRE DE LA VILLE ET DE SON A G R I C U LT U R E

Nicolas brousse Travail personnel de fin d’étude Sous la direction de lionel hodier Soutenu le 19 juin 2014 Membres du jury : Lionel Hodier Graziella Barsacq Isabelle Maillé Philippe Nadé


PrĂŠambule


Le lien entre le paysage et l’agriculture m’a été enseigné à l’école dans mes premières années et pour ainsi dire je l’ai bien cherché! Est-ce pour cela que j’ai choisi cette problématique pour mon sujet de diplôme? Je ne saurais y répondre ici mais je crois aujourd’hui que c’est de l’agriculture qu’est née la notion de paysage telle que je l’entend. Qui peut se revendiquer façonneur de paysage plus qu’un agriculteur? Depuis ce temps où j’ai mis en lien ces deux pratiques, cette problématique clairement «paysagère» m’a guidé et passionné et il m’a semblé logique de traiter de ce sujet dans un contexte actuel. L’agriculture et ses produits sont consommés par tous... C’est pour moi la base de l’organisation de notre société et pour ainsi dire nous «consommons» et «produisons» du paysage quotidiennement. Ainsi, il m’a semblé essentiel de poser la question de cette agriculture et donc de ce paysage aux portes de la ville. Ce travail de la terre, dont la fonction première est de nous nourrir me questionne : quel doit être son statut aujourd’hui aux portes des agglomérations, là où les besoins alimentaire sont les plus conséquents? S’appuie-t-on sur nos territoires pour résoudre nos besoins alimentaires? Où allons-nous continuer à ignorer cette proximité salvatrice? Ce rapport ville-campagne m’intéresse parce qu’il me semble évident que la ville sousestime (méprise?) sa campagne et les bénéfices évidents qu’elle pourrait en tirer. Ainsi, j’ai choisi un territoire agricole à l’entrée de la ville pour tenter d’en déceler les enjeux et les problématiques liés à l’influence de l’agglomération. Nous utilisons aujourd’hui le terme de «péri-urbain», il n’y a alors que ce trait d’union formel qui unit ces deux entités. Mon utopie est qu’ici, elles ne fassent qu’un. Cette proximité permet de varier les moyens de transport et de ne pas être exclusivement dépendant de la voiture. Ainsi, j’ai essayé et éprouvé non sans mal les différents moyens possibles pour me rendre sur le site afin d’entrer dans les replis du paysage et d’en déceler les subtilités. Alors je me suis appuyé sur mes valeurs et principalement une passion. La photographie est alors devenue mon outil. Pour moi, paysagiste, la démarche photographique est intéressante dans sa temporalité, car si la force d’un dessin se trouve dans une ombre accentuée pour mettre en valeur une idée ou une perception, dans la photo il faudra trouver le moment de la journée adéquat pour obtenir les contrastes voulus. L’attente ou le parcours du paysage à des heures insolites permet de découvrir les ambiances, les luminosités et les contrastes qui révéleront les caractères de ce paysage. La démarche de portrait est également intéressante et complexe. Capturer une image, en une fraction de seconde, un visage, pour représenter une personne, reste un exercice difficile et passionnant. Il est nécessaire et capital d’établir un dialogue et une confiance pour pouvoir saisir ce moment de vie. Cette rencontre et ce dialogue deviennent alors primordiales et riches de sens. Dans une première partie je présenterai succinctement mon expérience Erasmus qui fut pour moi essentielle dans mon cursus, ainsi que mon regard sur les problématique complexes que soulèvent cette rencontre entre l’agriculture et la ville. Je dévoilerai ensuite ce paysage vécu et arpenté sans relâche, avant d’ouvrir le champ des possibles, avec mon projet et ma vision sur l’avenir incertain de ce territoire...



SOMMAIRE

Préambule Introduction 1_ L’expérience Erasmus

2_ L’agriculture et le paysage produit 3_ Ville/campagne des relations complexes

I- Un territoire axé 1_ Localisation du site d’étude

2_ Des situations similaires le long du fleuve 3_ La Garonne, sculpteuse du territoire 4_ Le coteau, marqueur du paysage 5_ L’implantation des villages, suivons la Garonne 6_ L’arrivée de la voie ferrée, la Garonne oubliée 7_ L’autoroute de Toulouse, connecter pour mieux diviser

II- Une découverte [des] axée 1_ Démarche: l’arpentage

2_ Les chemins de traverses 3_ L’omniprésence de l’eau, du coteau à la Garonne 4_ Transects, à la découverte des Bocages 5_ Mille-feuilles des acteurs et des politiques sur le territoire 6_ La dynamique agricole 7_ Des rencontres, dynamiques positives sur le territoire 8_ Les franges, rencontre de deux mondes et enjeux

III- Parc agricole,

Un contexte péri-urbain moteur d’une dynamique agricole 1_ Les Seuils

2_ Un projet agricole sur mesure

Conclusion


1/ L’EXPERIENCE ERASMUS

Copenhague

Malmö

8

« Partir » à l’étranger, m’est toujours apparu comme une évidence. Et en particulier pendant mon cycle universitaire en suivant le programme Erasmus. Le simple fait de voyager, d’aller voir ailleurs comment l’autre vit, mais surtout avoir la chance de pouvoir se reconstituer un quotidien, loin de sa routine française est une expérience unique. Ce voyage diffère d’un simple vagabondage ou d’une visite touristique à l’étranger, celui-ci implique le « vivre » à l’étranger. L’idée n’était pas de revenir avec des photos de tel ou tel paysage ou de vieilles pierres, mais bien de vivre de nouvelles expériences et d’apprendre à vivre dans un nouveau pays, pour m’immerger totalement dans la culture locale, tout en me méfiant des stéréotypes. Voltaire disait ainsi : « Quand on ne voyage qu’en passant, on prend les abus pour les lois du pays. » On ne part pas pour simplement s’émerveiller et pouvoir dire «j’y étais!», mais bien pour comprendre une culture de l’intérieur, s’y s’adapter, en participant et en s’impliquant au quotidien dans la vie locale. Dans le cadre des études cela passe évidemment par l’université, mais le contexte Erasmus, international par nature, permet la rencontre de


Le colza vient fleurir toute la campagne Suédoise au printemps, les champs sont immenses, les lignes sont droites, épurées. Sur la photo à gauche la mer et le Danemark en arrière plan prolonge cette vue horizontale du paysage. A droite toutes verticalité est un évènement, ces marqueurs de paysages ne sont que d’autant plus mis en valeur. (Turning Torso, symnole du dynamisme de la ville de Malmö et l’éolienne du port industriel symbole d’un paysage producteur d’énergie et d’une gestion durable)

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bien d’autres cultures que celle de notre pays d’accueil. Sortir du cercle universitaire permet de se confronter à la culture du pays, de ses paysages et de ses gens. Mon université se situait dans l’extrême Sud de la Suède à proximité de Malmö troisième métropole suédoise. La région de Scanie est « le grenier de la Suède », le territoire est majoritairement constitué de grandes cultures céréalières. Ceci s’explique par l’extrême fertilité des sols qui sont composés de sédiments déposés durant l’ère glaciaire par les glaciers descendant du Nord. Les paysages de Scanie contrastent donc avec ceux du reste du pays qui sont presque exclusivement constitués de forêts d’exploitations. Cette région de par sa position géographique a toujours été un point stratégique et a entraîné de nombreux conflits notamment entre la Suède et le Danemark. Le Sund est un des deux détroits permettant l’accès à la mer Baltique. Son enjeux commercial est primordial pour le pays et son influence sur le développement de Copenhague et de Malmö est irréfutable. En conséquence la Scanie pour la Suède et l’île de Seeland pour le Danemark sont les régions les plus densément peuplées de leurs pays respectifs.


1/ L’EXPERIENCE ERASMUS La lumière en Scandinavie est une ressource précieuse, tellement, que les volets aux fenêtres sont inexistants : quelle idée d’obstruer le passage aux précieux rayons de soleils? L’architecture et l’orientation des bâtiments est réfléchie en priorité par rapport à cette lumière, permettant un chauffage naturel des espaces intérieurs. Douce et lointaine en hiver, la course du soleil, basse, donne une lumière rasante et les ombres s’allongent sur tout le paysage redessinant ses lignes et ses courbes. Bien sûr la lumière ne reste pas sans influence sur le comportement humain et ses habitudes. En automne quand les jours se raccourcissent (le soleil se couche aux environ de 15h à Malmö), et que le froid se fait de plus en plus piquant, la vie à l’extérieur se fait de plus en plus rare, et on voit apparaître une multitude de chandeliers lumineux à chaque fenêtre des maisons. Mais quand la tendance s’inverse et que progressivement les jours s’allongent, les espaces publics, les cafés et les restaurants retrouvent leur dynamisme même s’il fait encore froid. Tout ce qui compte c’est de pouvoir profiter au maximum des nouveaux rayons de soleil, l’ambiance redevient joyeuse et la ville et ses espaces publics sont à nouveau investis par sa population. Enfin, les Suédois ont une conscience environnementale forte et un besoin constant de contact avec la nature. Cette vision respectueuse se traduit dans les aménagements (Västra Hamnen à Malmö ; Hammarby Sjöstad à Stockholm) et les réflexions paysagères en cours. 10 Dans le cadre de mes cours, j’ai notamment travaillé sur un projet qui visait à créer une stratégie énergétique inter-communale afin d’intégrer au maximum les éoliennes au paysage agricole environnant. Il a ainsi été proposé de les utiliser comme des marqueurs de paysage, de les intégrer à un contexte industriel ou encore de s’en servir comme une limite à l’expansion urbaine sur les terres arables. Cette expérience a renforcé mon idée que chaque paysage s’inscrit dans un contexte culturel, environnemental et historique fondamentale pour la démarche de projet et bien sûr pour la mienne aujourd’hui. Avoir conscience des temporalité en les éprouvant, connaître mon site d’étude sur une année et non sur une saison...

Plantation expérimentale de bouleaux dans le laboratoire paysager de l’université, la densité produit le rythme et une sensation d’équilibre sans limiter la production du bois


La lumière, objet rare puis abondant au fil des saisons

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L’immensité des champs est renforcée par les sols nus en hiver

Avec l’hiver, la neige et la lumière basse toutes les lignes viennent se confondre pour ne former plus qu’un seul plan


2/ L’AGRICULTURE ET LE PAYSAGE PRODUIT Jacques Simon écrit ainsi «la campagne ne se consomme pas seulement avec les yeux, mais aussi avec une fourchette». Voilà une phrase qui résume simplement, ce qui me sensibilise dans le paysage. Comprendre les relations entre le paysage, son agriculture et le produit, permet d’apprécier et de comprendre un paysage à caractère rural. Cependant le mot ‘terroir’ qui symboliserait ce lien entre une terre et ses productions agricoles est insuffisant pour comprendre le paysage dans sa globalité puisque qu’il ne prend pas en compte les dynamiques sociales et économiques du territoire, inhérentes au paysage. Pire encore, il met de côté les perceptions et sensibilités des individus singuliers que nous sommes. Il est pourtant le palier sur lequel la part du subjectif plutôt effrayante du paysage nous apparaît matérialisé... Cette vision d’un produit appartenant à un paysage, ces images mentales qui nous viennent à l’évocation d’un produit sont de plus en plus faussées aujourd’hui. Elles sont le «fer de lance» de ce nouveau tourisme ‘nature’ et culinaire français. Mais est-ce qu’elles correspondent encore aujourd’hui à une réalité paysagère? Le marketing n’est-il pas en train d’artificialiser ces produits recherchés? Malheureusement l’authenticité et le pittoresque des paysages qui vont avec se font de plus en plus rares en France et tendent à s’artificialiser au profit d’un système agricole qui mise tout sur la rentabilité et l’efficacité. On assiste à l’uniformisation de ces produits qui sont censés avoir une spécificité régionale. Et avec cela une uniformisation des paysages producteurs et une perte dramatique des savoir-faire locaux. 12 On assiste inexorablement à la disparition des petits chemins ruraux, des haies qui les accompagnent, et des arbres qui les ponctuent, quand ce n’est pas la ville qui vient grignoter encore un peu de place pour s’étendre... A contrario, les images produites vendent un paysage issu de la pratique de l’agriculture, vendre un paysage au traits agricoles pourrait alors conduire au maintien de ses pratiques. A l’heure où l’on s’interroge sur les méthodes industrielles héritées de la révolution verte des années 60, et sur la capacité de la terre à nourrir ses habitants, les systèmes locaux de production et distribution semblent une bonne alternative. Mais son efficacité en terme de coûts de production et de durabilité fait encore débat. La campagne bordelaise peut elle entièrement subvenir aux besoins d’une métropole qui se rêve millionnaire? L’agriculture «locale» peut-elle respecter l’environnement, et dans le même temps offrir des produits de qualité? Dans le contexte très particulier du bocage, des exemples prouvent qu’agriculture pouvait rimer avec respect de la biodiversité. Cet équilibre fragile est créé «par» l’activité agricole, qui maintient milieux ouverts et zones de développement spontané. On a donc ici l’exemple parfait d’une production efficace, qui fonctionne en «symbiose» avec son environnement, et l’aide à son maintien. C’est avec cette idée en tête que j’ai voulu travailler aux portes de l’agglomération Bordelaise sur un paysage agricole d’une qualité esthétique et pittoresque unique, au contact avec la ville et de ses citadins. Le bocage de Garonne est un paysage rare, à l’histoire complexe, et qui mérite une valorisation qui pourrait bien lui apporter son salut.


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Le buron des estives Cantaloup, est-ce ici que le fromage est réellement produit durant l’été?

Le fromage associé à son paysage de production


3/ LA LIMITE DE LA VILLE OU DE LA CAMPAGNE? Les villes d’aujourd’hui sont-elles nourries par nos campagnes? Ou plus précisément par leurs campagnes? C’est une question que je me suis posé et qui me semble essentielle de nos jours. Il est possible d’acheminer des denrées alimentaires de n’importe où mais avec un coût du transport de plus en plus élevé dans le contexte économique actuel, sans parler des pollutions associées aux transports. Mais quelle est la logique marchande, dans l’importation et la consommation de denrées qui auraient pu être produits aux portes des villes. Ces villes ne se sont pas implantées et développées au hasard, mais selon des facteurs stratégiques. Dans le cas de Bordeaux, ce sont la présence du fleuve pour la navigation et les échanges mais aussi la proximité de terres fertiles pour les cultures maraîchères qui ont prédestiné à l’installation des hommes sur ces berges de Garonne. La ville a toujours fonctionné de pair avec sa campagne, et celle-ci, en plus de la nourrir, fournissait aussi les biens marchands assurant la prospérité et la renommée de la ville. Aujourd’hui, ville et campagne sont déconnectées. La ville a perdu cette autonomie alimentaire et la campagne a perdu son rôle nourricier pour devenir une entreprise ouverte sur le marché national et international. Ainsi comme le dit Pierre Donadieu «La ville s’est en effet presque toujours développée aux dépens des espaces agricoles» et les couronnes maraîchères entourant les villes se sont vues forcées de reculer au fur et à mesure de l’expansion urbaine, et les terres fertiles sont abandonnées au profit de projets immobiliers pavillonnaires ou industriels. 14 L’exode rural des dernières décennies a renforcé cette déconnexion et accéléré l’étalement urbain. De moins en moins de personnes comprennent la campagne, son mode de vie, son fonctionnement et ses contraintes. La campagne devient alors un tableau pittoresque, une sorte d’image mentale, totalement détaché de la réalité mais qui pourtant, nous attires toujours autant. Ainsi, quand l’exode rural s’inverse et que les pavillons citadins poussent petit à petit dans les villages proches des pôles urbains, ce sont deux mondes qui se rencontrent, deux mondes qui ne se connaissent pas. Le citadin vient s’installer ‘au calme’ à ‘la campagne’ loin du tumulte de la ville et de ses inconvénients. On vient, en quelque sorte, habiter «dans» la carte postale. Mais cette campagne n’est pas une image, elle n’est pas figée et elle est sujette à de nombreux facteurs qui dicteront sa forme et sa dynamique. Cette rencontre de «deux mondes» peut également créer des problèmes de cohabitation. On salit son Kangoo quand on suit un tracteur, et ça ne sent pas toujours très bon, l’agriculture. Mais c’est précisément sur cet entre-deux, où deux populations mais aussi deux formes de paysage se rencontrent que mon étude va porter, la ville en expansion au contact d’un patrimoine agricole riche et unique soumis a des problématiques grandissantes qui pourraient conduire à son déclin progressif. C’est dans l’espoir de sensibiliser cette population nouvelle à leur propre cadre de vie, leur paysage, et aux acteurs permettant la survie d’un tel patrimoine, que j’ai entamé mon diplôme. «Rapprocher deux mondes qui s’excluent autant qu’ils se désirent : celui de l’agriculteur et celui du citadin.» Pierre Donadieu


Berges inondable du fleuve rouge cultivées, Hanoi, Vietnam

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Clivage ville campagne, «deux mondes»

Exemple de pratique agricole au porte d’une ville


I- Un territoire axé

II- Une découverte [des] axée 16

III- Parc agricole,

un contexte péri-urbain moteur d’une dynamique agricole


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1/ LOCALISATION,

Du site d’étude: le bocage des bords de Garonne

En premier lieu je connaissais la thématique que je voulais traiter dans mon diplôme. La question de la croissance de la ville au dépens d’espaces riches et complexes de l’agriculture périphérique pouvant pourtant être valorisé et mis à profit. L’agglomération Bordelaise est entourée de différents types d’agriculture et de formes péri-urbaines. Les Jalles au Nord, la forêt Landaise et les vignes à l’Ouest, l’entre-deuxmers et ses vignes à l’Est et au Sud ce bocage qui longe la Garonne et les vignes du Pessac-Léognan... Ma curiosité s’est posée sur cette face Sud de l’agglomération, et pour tout dire, c’est le seul endroit que je ne connaissais pas, bien que je sois souvent passé à travers en empruntant l’autoroute de Toulouse. Une des raisons qui a attisé ma curiosité fût le mot «bocage» ; en paysage il est synonyme de quelque chose de rare et en «voie d’extinction», il correspond à une pratique agricole ancienne, qui crée de petites parcelles alliées à un réseau hydrographique complexe en opposition avec le modèle agricole «conventionnel» qui domine le système français de nos jours. 18

Communauté urbaine de Bordeaux


Communauté urbaine de Bordeaux

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SITE D’ÉTUDE


2/ LE SITE,

Des situations similaires autour de l’agglomération

Au Nord de l’agglomération bordelaise, sur la rive gauche de la Garonne au niveau du Bec d’Ambès, on retrouve un paysage de palus avec un système hydraulique complexe permettant le contrôle et la culture de ces marécages. La plaine inondable et son parcellaire linéaire sont clairement délimités par une urbanisation en retrait sur le relief.

Les palus au Nord de Bordeaux Au niveau de la Dordogne on retrouve également cette ligne de l’urbanisation qui délimite la plaine alluviale. L’agriculture et son système hydraulique complexe sont omniprésents. Cependant on note que les parcelles forestières sont bien plus courantes que l’exemple précédent. On remarque également une dissymétrie dans le relief entre les deux rives, la rive droite présente un coteau abrupt tandis que la rive gauche est en pente douce.

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La plaine alluviale de la Dordogne au niveau de SaintSulpice-et-Cameyrac

La plaine alluviale du bocage des bords de Garonne

Sur le territoire d’étude on retrouve les mêmes caractéristiques que dans les exemples précédents. La plaine alluviale, son agriculture et le système hydrique. Le lien entre urbanisation et relief, ainsi que la dissymétrie entre rive droite et rive gauche. Ces territoires ont des caractéristiques géomorphologiques communes qui peuvent se retrouver dans les structures de ces paysages. Les différences sont présentes à une échelle plus fine, au niveau des types de cultures, de la dynamique agricole, du développement urbain, de l’influence de la métropole et de l’histoire de ces sites.


ON

GIR DE DO

RD

OG

GAR

ONN

E

NE

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COMMUNAUTÉ URBAINE DE BORDEAUX

N 0

5km


3/ LA GARONNE,

Sculpteuse du territoire

La vallée de la Garonne est l’élément central du paysage, le fleuve a sculpté et modelé le paysage que l’on connaît aujourd’hui. A la porte de l’agglomération Bordelaise, dans la basse vallée de la Garonne, le fleuve forme de grands méandres entre le coteau calcaire sur la rive droite et les terrasses alluviales sur la rive gauche. Ainsi les rives sont dissymétriques, ce qui caractérise les paysages de la vallée. Les alluvions et les graves Pyrénéens se sont déposés au fil des années sur la rive gauche jusqu’à l’embouchure. Le plateau calcaire a été érodé pour former les coteaux parfois abrupts de la rive droite, et les affluents de la Garonne ont creusé de petites vallées étroites dans le relief ondulé de l’entre-deux-mers. Tandis que sur la rive gauche le relief y est beaucoup plus doux, la plaine alluviale s’étend entre 3 et 5km avant le plateau Landais. 22 Les vallées affluentes sont moins abruptes et marquent moins le paysage. La plaine alluviale très fertile s’est vue investie par une agriculture spécifique adaptée à ce milieu. La plaine apparemment exempte de tout relief comporte en réalité une dépression en dessous du niveau de la Garonne. Et la composition majoritairement argileuse des sols renforce le caractère marécageux et inondable de la plaine et induit une adaptation nécessaire pour pouvoir cultiver ce milieu. Ainsi un système hydraulique complexe composé de fossés (les rouilles), de drains, d’esteys canalisés (ruisseaux), de digues, et d’ouvrages hydrauliques (portes à flots, clapets, pelles guillotines) composent la trame de ce territoire. C’est donc l’eau et l’homme qui sont à l’origine des paysages que l’on observe aujourd’hui.

C


La Garonne

LE

COTEAU

LA PLAINE ALLUVIALE

23

N

0

1

2km

Carte du réseau hydrographique et du relief qui en découle

Coteau rive gauche, Implantation des villages

Dépression

Bourrelet alluvial

Bocage

Plaine alluviale

Rive droite


4/ LE COTEAU,

Un marqueur du paysage Le coteau calcaire est emblématique, il marque cet axe Nord-Sud dans le paysage. il est à la fois un belvédère sur la plaine alluviale de la rive gauche et une barrière ou une limite du regard depuis le bocage. Marqueur de l’horizon, il révèle la présence du fleuve, et donne une échelle au paysage. Il est omniprésent et agit comme un repère dans le paysage. Sur le premier panorama ci-dessous, au niveau de l’Isle-saint-Georges, le chemin semble mener droit vers le coteau, ses falaises calcaires et le village de Cambes, la digue du bord Garonne ne permet de voir le fleuve qu’au dernier moment et de lui donner alors, plus de mystère.

Depuis la rive gauche à l’Isle-saint-Georges: Le coteau marque l’horizon

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Depuis le coteau: situation de belvédère depuis le coteau de la rive droite sur la plaine alluviale


Différentes vues du coteau depuis la rive gauche

25 Vignes de palus plantées perpendiculairement au fleuve

Ligne des platanes, plantés le long de la route de Toulouse rive gauche

Ligne d’arbres indiquant le bas du coteau

Rang de vignes plantées dans le sens de la pente


5/ L’IMPLANTATION DES VILLAGES Suivons la Garonne

Les bords de fleuves sont les premiers lieux investis par les populations. La fertilité des sols (dépôts alluvionnaires), la pêche et le transport maritime sont les raisons justifiant ces choix. On note que les villages ne se sont pas installés directement au contact du fleuve pour la plupart mais en retrait de 2 à 4km environ. En effet, cette implantation se situe sur les premières hauteurs (6 à 10m) permettant d’être à l’abri des inondations les plus importantes. Les zones maraîchères se répartissent autour des bourgs, tandis que les prairies sont privilégiées dans les zones de dépression les plus humides. C’est sur le bourrelet alluvial au plus près de la Garonne que les vignes de Palus vont être cultivées. Les ports se développent le long du fleuve et servent pour l’activité de pêche, de transport et de commerce entre les différents villages et Bordeaux. La voie fluviale est alors le moyen le plus rapide et le plus sûr pour rallier la ville. Les chemins sont dangereux et il est courant de se faire piller ses marchandises. Les principales marchandises transportées alors furent les pierres de taille, bois de pin, fumier, gravier, sable, planches de bois, barriques de vin, cercles de barriques, poteau de mines. C’est en 1883 que su la commune de Cadaujac la quantité totale de marchandise échangée atteint 6545m3. Le halage était utilisé pour facilité les manœuvres de chargements et déchargements, il fut aménagé tout le long de la Garonne, il traversait les Esteys sur des 26 passerelles de bois appelées palées. La navigation ne se limitait alors pas à la Garonne mais jusqu’au XIXème siècle, la quasitotalité des rivières et petits esteys étaient navigables grâce aux gabares, ces bateaux à fond plat permettant de transporter un maximum de marchandises avec un faible tirant d’eau. A l’essor des échanges fluviaux la commune de Cadaujac comptait pas moins de quatre ports sur 5 kilomètres de rives. Le port de Grima et le port d’Hourtin étaient les ports principaux ou le trafic était le plus intense. Jusqu’à la première guerre mondiale une gondole à vapeur amenait encore des passagers jusqu’au centre de Bordeaux, et il fallait à peine une heure de voyage. Aujourd’hui tous ces ports n’existent plus, les accès au fleuve sont encore là mais aucune de ces structures ne sont restées en place. Il est toujours agréable de trouver le fleuve au bout de ces chemins et de contempler sa largeur, la rive droite et son coteau, les carrelets... Bien que la Garonne ne soit plus utilisée pour le transport des marchandises hormis quelques péniches, elle reste un atout économique pour le tourisme fluvial. Un embarcadère a été reconstruit (1993) au port de l’Esquillot (à côté de la ferme exotique) permettant l’accostage de l’Aliénor une navette venant de Bordeaux.


port de l’homme

Villenave-d’Ornon

La

Courréjean

port Neuf

Garonne

Cadaujac

port de Grima

port d’Hourtin port de l’Esquillot port des Places

port du Roy port de Cambes

port de l’Isle-SaintGeorges Isle-Saint-Georges

Saint-Médard-d’Eyrand

27 Ayguemorte-les-graves

N

0

1

Beautiran

2km

L’installation des villages et des ports le long de la Garonne

Villages RD 1113 Réseau routier secondaire Ports

Emplacement de l’ancien port d’hourtin, on n’aperçoit l’île de la Lande sur la droite de l’image.


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Le petit port de l’Isle-Saint-Georges au centre du bourg


Carrelets sur la commune de Cadaujac. Les bords de fleuve sont encore pratiqués et par quelques particuliers possédant un carrelet, ces cabanes sur pilotis qui ponctuent les rives du fleuve sont dédiées à la pêche et à la détente.

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6/ L’ARRIVÉE DU CHEMIN DE FER, Le grand retournement

L’arrivé du chemin de fer (1855-1857) va bouleverser le fonctionnement du territoire. Il va simplifier et raccourcir les échanges et le transport vers Bordeaux et permettre le développement des différents bourgs longeant la Garonne. Mais cela transforme également la physionomie du paysage, rupture au sol dans un premier temps, puis visuelle avec l’arrivée de l’électrification. Le trafic fluvial va être progressivement abandonné au profit des rails, plus rapide et moins contraignant en ce qui concerne les chargements et déchargements. La voie de chemin de fer fut construite en parallèle à la Garonne à environ 2-3km du lit du fleuve. Des gares ont été installées dans chaque village qui bordent le bocage à l’exception de l’Isle-Saint-Georges, trop petit à l’époque (à peine 500 habitants) et trop «immergé» dans le bocage. Comme on peut l’observer sur la photo ci-dessous, afin de limiter les inondations des voies et de limiter les changements de niveaux, un remblai de 1 à 2m de haut fut aménagé pour la construction du chemin de fer. Ce fut un changement visuel et fonctionnel important dans le paysage. Le chemin de fer, cette voie franchissable à certain endroits bouleverse le fonctionnement du territoire. Ainsi des passages à niveaux (en moyenne trois par village) furent aménagés, mais aussi que de nombreux ouvrages techniques au dessus des cours d’eau se dirigeant vers la Garonne. 30 C’est une première infrastructure qui segmente le territoire entre sa plaine alluviale et les terrasses graveleuses à l’Est.


port de l’homme

Villenave-d’Ornon

La

Courréjean

port Neuf

Garonne

Cadaujac

port de Grima

port d’Hourtin port de l’Esquillot port des Places

port du Roy port de Cambes

port de l’Isle-SaintGeorges Isle-Saint-Georges

Saint-Médard-d’Eyrand

31

Ayguemorte-les-graves

N

0

1

Beautiran

2km

L’arrivée du chemin de fer sur le territoire

Villages RD 1113 Réseau routier secondaire Ports Voie ferrée Les gares

Carte postale de la gare de Cadaujac et d’un train à vapeur


L’ARRIVÉE DU CHEMIN DE FER, Le grand retournement

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Au-dessus de la voie ferrée, passage à niveau à Cadaujac (haut) et pont au-dessus de la gare de triage à Villenave d’Ornon (bas)


De nombreux ouvrages comme ce pont en pierre au-dessus de l’estey du Saucat sont présents tout au long de la voie ferrée et permettent l’écoulement du réseau hydrique des terrasses de graves vers la Garonne. La voie ferrée marque une limite entre Pont ferroviaire au-dessus du Saucats sur la commune la plaine alluviale de la Garonne et les de St-Médard d’Eyrans terrasses plus à l’Est. Elle se situe à l’endroit précis où le relief s’accentue. Le chemin de fer vient souligner et renforcer cette limite physique dans le territoire. Les flux et les échanges entre les terrasses et la plaine se font désormais en pointillés et convergent vers les passages à niveaux, les ponts et autres ouvrages. Le remblai matérialise également le caractère inondable de la plaine. Train régional passant au-dessus du Saucats et de ses berges endiguées

Fossé et remblai en Route départementale 108 longeant la voie ferrée Fossé de drainage entre la voie ferrée et la entre Cadaujac et St-Médard d’Eyrans aplomb de la route départementale route

Remblai de la voie ferrée

Voie ferrée BordeauxSète


7/ L’AUTOROUTE DE TOULOUSE, Connecter pour mieux diviser

Enfin la dernière infrastructure venant renforcer cet axe Nord-Sud spécifique à ce territoire est l’autoroute A62 construite en 1975 tandis que la rocade bordelaise fut réalisée un peu plus tôt dans les années 60. Cette voie rapide permet de relier les grandes agglomérations du Sud-Ouest et notamment Bordeaux et Toulouse. Sur le plan régional le pari est réussi et le gain de temps va profiter aux échanges et aux divers flux entre les agglomérations et audelà. Cependant, que se passe-t-il au niveau local, là ou l’autoroute traverse le paysage? Les communes de Villenave-d’Ornon et de Cadaujac semblent les plus affectées par cette infrastructure. Elle coupe littéralement les villes en deux et vient se rajouter parallèlement aux deux axes Nord-Sud déjà présents (route nationale 113 et la voie ferrée). Elle vient rajouter des ouvrages et des contraintes de traversés. Elle amplifie le scindage du paysage entre les terrasses de graves et leur culture viticole et les prairies du bocage qui se retrouvent encore plus isolées du reste du territoire. Pour réduire la contrainte liée au bruit la double voie s’insère entre deux merlons (photo ci-dessous). Cet aménagement crée également l’effet d’un ha-ha et fait disparaître visuellement l’autoroute du territoire. De la même façon, quand on emprunte la voie rapide, on ne perçoit pas le paysage que l’on traverse. Cette superposition d’axes, parallèles les uns aux autres et séparés entre eux de quelques centaines de mètres (220m à Villenave-d’Ornon, 300m à Cadaujac pour les espaces les 34 plus restreints) crée un espace d’entre-deux. Cette zone accumule les contraintes liées aux infrastructures tel que le bruit et les accès qui rendent l’aménagement de ces espaces assez complexe et problématique. Cependant ces terres sur les premières terrasses des graves furent auparavant colonisées par une agriculture maraîchère de proximité propice au sol en place. Ainsi les espaces «vides» restant aujourd’hui dans cet entre-deux peu propice à la construction de nouvelles habitations pourraient se voir investies par une nouvelle activité agricole qui mettrait en valeur certains de ces espaces qui semblent abandonnés et non exploités.

Autoroute A62 au niveau de Cadaujac entourée de deux merlons, situation de «ha-ha»


Courréjean

Garonne

Cadaujac

La

Villenave-d’Ornon

Isle-Saint-Georges Saint-Médard-d’Eyrand

35 Beautiran Ayguemorte-les-graves

N

0

1

2km

L’expansion des villages puis l’arrivée de l’autoroute

Double voie de l’autoroute A62 Expansion urbaines des villes et villages à partir des années 1950-1960 Voie ferrée Les gares RD 1113 Réseau routier secondaire Réouverture et aménagement du port de l’Esquillot

Entre-deux


I- Un territoire axé

II- Une découverte [des] axée 36

III- Parc agricole,

un contexte péri-urbain moteur d’une dynamique agricole


37


1/ DÉMARCHE, Arpentage

Comment apprécier un paysage sans le parcourir? Il est difficile d’imaginer une autre méthode que l’expérience du terrain pour comprendre et rencontrer un paysage. Dans ce territoire organisé sur l’axe Nord-Sud, il m’a semblé évident d’essayer de questionner cette ligne et d’orienter mes balades d’Est en Ouest. Est-ce que cette organisation axiale du territoire est aussi évidente en plan que sur le terrain? Par quels chemins rejoindre cet axe fort de la Garonne? Comment est-il lisible dans le paysage? Comment se repère-t-on dans le paysage? Bref, qu’est-ce que la carte ne dit pas? Ces premières questions nécessaires à la préparation du terrain orientent la visite et permettent de cibler les premiers lieux à découvrir. Un paramètre important à prendre en compte également est le moyen de transport. Sans 38 réellement planifier un parcours, j’ai voulu expérimenter différents moyens d’arpenter ce territoire pour en comprendre les subtilités. En effet, le véhicule choisi influence nos choix de parcours, en voiture on risquera ou non de s’aventurer dans un chemin un peu «poussiéreux», alors qu’à pied on hésitera à traverser tout un quartier pavillonnaire... Ainsi le vélo, mes pieds et la voiture ont été mes alliés au cours de ces sessions de terrain. Ma première visite a consisté à rejoindre Cadaujac en vélo en partant de Bordeaux centre et en essayant de suivre le cours de la Garonne au niveau de la commune de Bègles. En effet, un des premiers arguments pour le choix de mon territoire est sa situation de proximité à l’agglomération bordelaise ( une proximité éprouvée) et les conséquences directes que cela implique au niveau du développement urbain, économique et agricole.


N

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ARPENTAGE

0

1

2km


1/ DÉMARCHE,

Les chemins de traverses Le Bocage, cette forme structurante dans le paysage, est issue de plusieurs contraintes liées à des caractéristiques morphologiques du territoire. Ainsi on retrouve une organisation complexe de fossés de drainage, surmontés de haies arborées (chêne, frêne, aulne) qui définissent et soulignent le parcellaire agricole. Ces haies sont tellement denses et le relief d’une telle uniformité, qu’elles ferment totalement chaque parcelle de leur entourage, ainsi une multitude de «chambres paysagères» composent le bocage. Ce dessin est exceptionnel par sa qualité et sa complexité, les quelques chemins qui la parcourent nous immergent totalement dans le paysage et nous isolent de l’environnement de la ville tellement nous sommes captivés. On longe deux haies, on est dans un espace étroit, droit légèrement assombri, et on est attiré inéluctablement vers le prochain virage ou on ne peut en voir la finalité... Le chemin s’ouvre finalement sur une parcelle, une prairie cernée par des haies denses, on peut entrevoir, là ou la lumière passe, les quelques passages vers la «chambre» suivante... Cette succession d’ambiances, de luminosités, d’espaces étroits, d’espaces ouverts contribuent à la qualité de ces espaces notamment au niveau sensoriel. Mais à l’évidence ces espaces protégés pour leur biodiversité hors du commun et leur situation unique sur la vallée de la Garonne justifient leur reconnaissance au niveau départemental. 40

Chemin longeant une prairie clôturée et une haie arborée


Carte sensible du territoire


Chemin sombre traversant une parcelle forestière

Chemin entre deux parcelles ponctuĂŠ par de vieux chĂŞnes


La trame de circulation du bocage se décompose en deux niveaux: Les routes départementales en orange reliant les villes et les ports, puis les chemins, secrets, serpentant entre les parcelles, et longeant la Garonne sur sa digue. Ces chemins sont imprévisibles et peuvent se terminer en cul-de-sac ou continuer en se perdant dans une prairie. Aujourd’hui la plupart de ces chemins sont informels et privés, mais ils nous offrent de passer entre deux parcelles, de longer un ruisseau, de traverser une forêt mais leurs accès restent discrets et seulement connus des agriculteurs ou des habitants avertis. Les cheminements, outils de découvertes de ce paysage, de ses ambiances et de ses subtilités, permettraient de sensibiliser le public à cet espace protégé, d’expliquer le rôle de l’agriculture façonnant ces prairies sources de richesses floristiques et faunistiques. Les parcours doivent être réalisés en collaboration avec les agriculteurs afin qu’il y ait le moins de désagréments possibles pour l’exercice de leur activité, et que les deux parties (agriculteurs, usagers) soient gagnantes. L’accueil et la sensibilisation pour le public seront nécessaires pour mener ce projet à bien.

N

N 0

1

2km

Routes communales et cheminements


44 Chemin courbé, naviguant entre les vignes de Palus, (commune de l’Isle-saint-Georges)

Chemin dans une prairie longeant une haie de grands chênes et frênes, (commune de Cadaujac)


45 Chemin traversant une prairie ouverte, (commune de Cadaujac)

Chemin entre deux parcelles entourĂŠes de hautes haies arborĂŠes, (commune de Cadaujac)


2/ L’EAU OMNIPRÉSENTE

L’eau, élément fondateur de ce paysage, elle est omniprésente. Elle fut et est encore le déterminant principal de l’occupation du sol. Cette présence a obligé les hommes à s’adapter pour pouvoir se nourrir et se déplacer à travers ces terres marécageuses de la plaine alluviale. Ainsi le territoire se compose principalement de forêts et de prairies humides (prairies hygrophiles et méso-hygrophiles en majorité). C’est la spécificité de ce paysage, des parcelles de prairie pâturées de petites tailles entourées et traversées d’un réseau complexe de fossés aménagés et entretenus par l’homme afin que le drainage de l’eau se fasse de façon optimale. Ce territoire est également soumis aux marées et de nombreux ouvrages ont été aménagés sur les esteys (ruisseaux soumis au régime des marées) pour contrôler le niveau de l’eau (garder l’eau en été et l’évacuer le surplus en hiver). Tout le paysage a été «construit» avec l’eau. Ainsi on retrouve des fossés sur les quatre côtés des parcelles, et de chaque côté des routes. Les routes principales (notamment les départementales D108 et D214) sont légèrement surélevées par des remblais, afin de limiter leur submersion. Pour contrôler les esteys certains ont été endigués (notamment le 46 Saucats qui passe à travers le village de l’Isle-Saint-Georges), afin de limiter leur expansion en cas de crue. La gestion et l’entretien de ces cours d’eau sont nécessaires pour un bon fonctionnement du réseau. De sérieux problèmes d’inondation peuvent survenir notamment en hiver si ces cours d’eau (fossés, rouilles) ne sont pas curés et entretenus correctement. La communauté de communes de Montesquieu a à charge l’entretien des cours d’eau naturels: l’Eau blanche, le Saucats et le Gât-mort ainsi que de leur ouvrage hydraulique. Tandis que les syndicats des marais des différentes communes ont à charge l’entretien des fossés et des rouilles. Quant aux digues en bordure de Garonne, les compétences d’actions sont floues et se partagent entre les voies navigables de France et la communauté de communes. Ces digues sont dans un mauvais état par endroit, ou tout simplement inexistantes sur le linaire du bocage. A l’origine le rôle des digues fut de protéger les marais des caprices du fleuve afin de pouvoir les drainer et les cultiver. Aujourd’hui on attribue au bocage de bord de Garonne un rôle de protection important au niveau de l’agglomération bordelaise, comme étant un bassin d’expansion des crues. Cependant les digues n’ont pas été conçues pour ça et aucun aménagement ne les destine à ce rôle de protection.

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2/ L’EAU OMNIPRÉSENTE, Les bords de Garonne

Cambes sur la rive droite de la Garonne au niveau de l’Isle-St-Georges

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Digue en bon état au niveau de l’Isle-StGeorges

Proche de l’Océan le niveau de l’eau fluctue en fonction des marées, et cela joue un rôle important au sein du bocage et des marais du bord de fleuve.

Berges de la Garonne à marais basse, l’île de Lalande sur la droite à marée basse

Carrelet noyé dans la végétation, Villenave-d’Ornon

Carrelet transformé en terrasse, Cadaujac


Les affluents principaux L’Eau blanche, le Saucat, le GâtMort sont les principaux esteys affluents de la Garonne sur le territoire du bocage. Ils forment la maille principale de celui-ci et ont une importance capitale dans l’apport d’eau, le drainage et la richesse écologique du bocage. Ce sont des couloirs de biodiversité reliant la Garonne aux pinèdes du plateau landais. Ils abritent une grande richesse faunistique et floristique au sein de ripisylves composées de chênes pédonculés, d’aulnes et de saules. L’Eau blanche se situe entre Villenave-d’Ornon et Cadaujac, elle était autrefois navigable en gabarre comme la plupart des esteys des bords de Garonne qui contribuaient à l’essor économique du territoire notamment des villages plus reculés (La Brède, Saucats, Léognan) sur les terrasses graveleuses. Le Saucats (comme d’autres esteys ou rouilles) fut endigué (photo ci-contre) à partir du XIIIème siècle pour limiter les crues et contrôler le débit. Cependant aujourd’hui certains ouvrages hydrauliques ne fonctionnant plus pour contenir ou répartir le débit hydrique, on peut se retrouver face à des problèmes de sécheresse ou de trop-plein d’eau. Il est capital de prêter réellement de l’importance aux enjeux que représente le bon fonctionnement du réseau hydrique sur le bocage.

L’Eau Blanche proche de son embouchure

49

Porte à flot sur l’Eau Blanche proche de son embouchure

Le Saucats endigué entre l’Isle-st-Georges et Ayguemorte


2/ L’EAU OMNIPRÉSENTE,

Les fossés, les rouilles et les prairies

Rouille du barrail du moulin venant d’être curée, à Beautiran

Fossé arboré difficile à entretenir, à Cadaujac

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Fossé entretenu, à Cadaujac

Fossés débordants légèrement de chaque côté de la chaussée, Cadaujac


Ces fossés et rouilles représentent le réseau secondaire de la maille hydrique du bocage. Leur rôle est capital et permet de rendre les parcelles autrefois trop humides et même marécageuses en terres cultivables. Ces fossés associés à une haie arborée ou arbustive créent le paysage du bocage. Leurs entretien régulier est nécessaire au bon fonctionnement global de tout le réseau hydraulique du bocage. Dans le cas contraire, les fossés se bouchent progressivement par la végétation et la vase. L’écoulement devient de plus en plus difficile et les débordements et inondations surviennent et peuvent même avoir des conséquences au-delà du territoire agricole et toucher les habitations ou routes en bordure du bocage. Sur les photos ci-dessous et ci-après on peut observer plusieurs parcelles complètement inondées. Le manque d’entretien des fossés peut être en cause mais ce n’est pas forcément le seul facteur. Sur certains espaces du bocage en dépression la nappe souterraine est très proche et peut facilement inonder les terres dans un contexte hivernal très humide comme lors de la prise de cette photo. Ce phénomène limite l’amplitude de temps où les bêtes peuvent pâturer dans les prairies même si les températures sont clémentes, les agriculteurs doivent attendre la descente du niveau de la nappe sous peine de dégrader complètement les sols et la flore en place. Le 51 conseil général travaille avec les agriculteurs pour optimiser la présence des bêtes dans la pâture sans dégrader la richesse écologique de ces prairies humides.


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Photo prise en hiver d’une parcelle inondée, le fossé ne déborde pas mais la nappe affleurante suffit a inonder les prairies (même cas pour la photo ci-contre)

Prairie hygrophile non pâturée durant une année


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3/ TRANSECTS D’EXPLORATION

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Ces 3 transects permettent de montrer que l’organisation axiale en relation à la Garonne et aux axes routiers et ferroviaires reste similaire du Nord au Sud. Cependant les différences se perçoivent dans les paysages rencontrés sur l’axe perpendiculaire à la Garonne, notamment au niveau du bocage ou des bocages, où nous allons découvrir différents types de parcellaires, différents types de cultures et différentes ambiances sur le long de la Garonne.


TRANSECT 1

Les terrasses viticoles A l’Ouest ou l’altitude est la plus élevée (environ 35m) on retrouve les vignes d’appellation Pessac-Leognan et leurs châteaux installés sur les terrasses graveleuses. Sur les hauteurs de la commune à l’Ouest, la culture de la vigne est omniprésente. Ce terroir aux portes de l’agglomération possède l’appellation la plus récente (1987) et pourtant aujourd’hui très renommée dans le Bordelais. Ce succès en fait un «rempart» à l’urbanisation et dans ce paysage structuré par les rangs de vigne le patrimoine bâti est exceptionnel. Sur la photo ci-dessous la première façade arborée cache la vallée de l’Eau Blanche et le coteau en arrière-plan. Au dernier plan on aperçoit de grands ensembles d’habitations qui se trouvent au niveau de la rocade Bordelaise. Les principaux affluents de la Garonne vus précédemment forment ce paysage ondulé de petites vallées creusées dans ces terrasses viticoles.

56 Résidence Eurofac à Gradignan

Résidence Sarcignan à Villenave-d’ornon

Vue en direction de la CUB depuis le coteau au-dessus de la commune de Cadaujac

Vallée de l’Eau Blanche

D1113 route de Toulouse


Vue en direction de la Garonne. Les différents plans du paysage, le coteau de la rive droite en dernier plan, le bocage est invisible

À l’Est quand on regarde vers le bocage et la Garonne, la pente est douce et la culture de la vigne laisse place a une succession de plans et de lignes arborées. On aperçoit quelques maisons marquant le début du bourg de Cadaujac, puis ces lignes arborées, à la fois appartenant aux jardins et à l’alignement de platanes le long de la route de Toulouse. Puis le dernier plan un peu plus éloigné mais dominant les autres: le relief rive droite. Le bocage, sa structure et la Garonne sont invisibles. Ainsi ces deux entités paysagères: le vignoble des terrasses et le bocage de la plaine ne communiquent que très peu, et les grands axes (départementale, A62, et voie ferrée) ne font que renforcer cette séparation. Cependant l’eau et ces esteys sont aujourd’hui le seul lien entre ces deux paysages : ces couloirs écologiques, ces passages, sont un enjeu fort au regard de ces deux paysages. La route des vins, parcourant les terrasses de château en château apportent une masse touristique conséquente sur le territoire. Cependant rien ne souligne la présence du bocage et la richesse de celui-ci, ses qualités paysagères et écologiques.

57


TRANSECT 1

La ville, les infrastructures, l’eau blanche

58

On se situ entre les terrasses viticoles et la plaine alluviale. On retrouve les grands axes de communication et une urbanisation qui vient s’entremêler à ces infrastructures. La commune de Cadaujac s’étend réellement entre deux entités paysagères divisées, et son expansion est limitée à l’Est par les parcelles de vignes, et à l’Ouest par le caractère inondable de la plaine alluviale. Les parcelles constructibles se font de plus en plus rares quand on prend en compte les contraintes présentes (bruits des infrastructures, zones inondables). L’habitat est principalement pavillonnaire, et se concentre autour du bourg ancien, de son église en bordure du bocage et de la route de Toulouse. A partir des années 1970, l’habitat pavillonnaire est venu «remplir» l’espace entre le bourg et la route départementale 1113 et ainsi remplacer les jardins maraîchers qui autrefois permettaient l’autonomie alimentaire du village. On voit clairement ces espaces maraîchers sur la photo aérienne de 1961, de petites parcelles longilignes dans la continuité des habitations. La limite communale entre Villenave-d’Ornon et Cadaujac se matérialise par l’estey de l’Eau Blanche. Elle forme une zone marécageuse avec diverses ramifications et plans d’eau. La forêt est composée d’espèces caduques et adaptées à une situation très humide: aulnes, peupliers, acacias. Elle abrite également une faune et une flore spécifiques et adaptées à cet environnement très humide. Le vison d’Europe (espèce protégé) a été aperçu dans cette forêt hygrophile. Mais quand on compare les deux photos aériennes, celle de 1961 et celle de nos jours, on voit que cette forêt n’était que partielle sur le

D1113 route de Toulouse

Autoroute A62


Place de l’église de Cadaujac

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N Photo aérienne de 1961

D1113 Route de Toulouse

Voie ferrée

D108

territoire et que beaucoup de parcelles étaient en prairies drainées (on aperçoit les rigoles de drainage au milieu de certaines parcelles). L’abandon des parcelles et le non entretien de ce réseau hydrique a conduit à ce paysage qui s’est complètement refermé et où la Nature a repris ses droits. Les prairies drainées ont laissé place à un tout autre milieu, une forêt gorgée d’eau, difficile d’accès mais riche au niveau écologique. Aujourd’hui la qualité de cet espace réside dans la transition douce qu’il opère entre les deux communes et le couloir écologique d’Est en Ouest qu’il représente. C’est une connexion directe entre les terrasses viticoles et le bocage.

Eglise, centre bourg

Voie ferrée

D108

Place de l’église


TRANSECT 1 Le bocage

Le bocage: «Un paysage d’enclos verdoyant» selon Meynier (1976). Le bocage est une forme paysagère issu d’un lien complexe entre l’homme et son territoire. C’est un paysage de parcelles clôturées qui forment un maillage plus ou moins dense, elles sont bordées par de la végétation, les haies.

60

Dans la plaine alluviale, entre la commune de Cadaujac et la Garonne on retrouve ce bocage. Ici, comme on la vu précédemment, ces terres sont dans un contexte géomorphologique spécifique qui a contraint les agriculteurs à drainer leur terre et en même temps à se protéger du fleuve et des marées. Ainsi le bocage est composé d’un réseau de multiples fossés à travers et autour des parcelles. Ils permettent d’évacuer l’eau vers les esteys puis la Garonne en hiver, alors qu’en été ils permettent de garder une bonne hygrométrie dans la plaine. Les haies qui longent ces fossés ont des usages multiples au sein du bocage. Les premières furent la production de fourrage ou de bois de chauffe, la protection contre les vents et la régulation du climat. Aujourd’hui on a compris que la haie contribuait également la conservation des sols, le maintien d’équilibres inter-spécifiques, et l’amélioration du cadre de vie. Visuellement elle délimitent des espaces clos. Le bocage ici crée littéralement des chambres dans le paysage, les parcelles sont petites (entre 1 et 10ha maximum) et entourées d’une haie souvent sur leurs quatre côtés. Ce sont des espaces qui ont une petite échelle et où l’humain a sa place. Immergé dans ce paysage on a l’impression qu’une multitude de clairières se succèdent les unes aux autres; l’espace clos des parcelles est à la fois rassurant et il pousse à aller voir ce qu’il se passe de l’autre côté. Souvent les haies


sont opaques mais quelquefois une fenêtre ou un passage permettent d’entrevoir la lumière présente dans la parcelle suivante : ce sont ces indices qui poussent à la découverte de ce paysage et ses richesses.

Deux «chambres paysagères» dans le bocage près de Cadaujac 61


TRANSECT 1 Le bocage

Le parcellaire du bocage est très ancien, il n’a pas subi de remembrement agricole. Certainement que le coût d’une restructuration hydraulique était trop important vis-à-vis de la capacité de production des terres. Ainsi comme on peut le voir sur le comparatif photographique ci-contre, les parcelles sont restées pratiquement identiques. De même, lorsqu’on superpose le cadastre Napoléonien les changements dans les formes du parcellaire sont minimes. Ce paysage est entretenu et travaillé par l’homme depuis très longtemps. Ce paysage est un héritage des générations passées, sa valeur patrimoniale est immense. Son fonctionnement a prouvé son adaptation au milieu, il est un écosystème paysager fragile qui a besoin de l’homme pour être maintenu en place. Les parcelles surlignées en blanc sur les photos ci-contre sont en train de s’enfricher ou sont déjà enfrichées. Abandonnées, les parcelles mettent moins de 5 ans à se refermer et à devenir un bois. Si la parcelle n’est plus entretenue, ses fossés attenants ne le seront plus non plus, ainsi l’eau s’écoulera de moins en moins et provoquera des inondations et des stagnations sur les parcelles adjacentes. L’abandon d’une parcelle peut provoquer à terme le dysfonctionnement de tout le bocage et son système hydraulique. La grande parcelle presque attenante à la Garonne témoigne d’une ancienne pratique agricole. La vigne fut en effet très présente dans la plaine alluviale avant de s’installer sur les terrasses plus à l’Ouest et n’était alors pas associée aux haies. Ainsi le bocage bien 62 que dominant n’était pas le seul paysage de la plaine. Aujourd’hui la vigne dans la plaine alluviale semble difficilement viable en prenant en compte la concurrence du PessacLéognan à quelques kilomètres à l’Ouest et le sol n’est pas le plus adapté à la production de vin. Il serait plus intéressant de ré-ouvrir ces parcelles pour les foins ou la pâture et de les réintégrer au système du bocage. Aujourd’hui ces prairies sont pâturées majoritairement par des bovins dits allaitants, la laitière ayant disparue. Mais la plupart des parcelles sont juste fauchées pour le foin.

Photo aérienne et cadastre Napoléonien, XIXe siècle

N


Photo aérienne de 1961

N

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Photo aérienne d’aujourd’hui

N


TRANSECT 2

Les terrasses viticoles et la forêt

Comme sur le transect précédent, la vigne et ses châteaux dominent ce paysage de terrasses. Par endroit on voit les premières parcelles forestières du plateau des landes apparaître. Le ruisseau du Breyra forme une petite vallée dans le paysage viticole ou la forêt et l’urbanisation viennent se réfugier. Le paysage est rythmé par les rangs de vignes en hiver comme à la saison végétative qui portent la vue au loin. Le regard est arrêté soit par les parcelles forestières soit par les imposantes bâtisses appartenant aux domaines viticoles. La «route des vins» sillonne ce paysage. Ce parcours touristique est évidement très développé sur l’appellation de PessacLéognan et profite de la proximité de Bordeaux et l’affluence de touristes que la ville génère. De nombreux panneaux nous invitent à suivre cette route des vins et à s’arrêter de châteaux en châteaux tous plus prestigieux les uns que les autres. Comme dans le transect précédent les paysages de la plaine alluviale ne sont pas visibles depuis les terrasses et aucune indication nous invite à aller découvrir les paysages du bocage et ses prairies humides.

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Le Breyra

Commune de Martillac


Rythmes, et légère ondulation dans le paysage des terrasses, la vigne nous conduit sur une parcelle forestière

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Château le Désert sur la commune de Villenave-d’Ornon


TRANSECT 2

La zone d’activité et les infrastructures

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Au niveau des grands axes légèrement plus à l’Est des vignes, on se trouve sur un point stratégique: Une sortie d’autoroute. Ainsi entre la commune de Cadaujac et de St-Médard-d’Eyrans cet accès à la voie rapide a généré un paysage de services avec l’élaboration d’une zone industrielle ou d’activités au plus près de l’échangeur. L’entre-deux, lui, reste désordonné, on y trouve des chapelets de pavillons, de l’agriculture, de l’équipement sportif et des espaces abandonnés qui s’enfrichent. Il est difficile d’avoir une lecture claire de ces espaces, c’est un patchwork paysager sans unité forte. En comparaison, sur la photo aérienne de 1950, on distingue le début du bocage en haut à droite de l’image, l’entre-deux alterne entre parcelles maraîchères, prairies et boisements. Le bocage au bas de la photo toujours dans l’entre-deux est déjà présent sur la photo de 1950, et on le retrouve sur la photo actuelle. Le ruisseau du Breyra passe un peu plus bas et cette zone est inondable, c’est pour cette raison que la structure bocagère a été conservée, elle est la plus adaptée à ce milieu. Comme avec la vallée de l’Eau blanche vue précédemment, on retrouve ici une continuité écologique avec un fort potentiel, reliant le paysage du bocage à celui des terrasses viticoles.

Le Breyra

D1113 route de Toulouse

Autoroute A62


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N Photo aérienne de 1950

Voie ferrée

D1113 Route de Toulouse

Voie ferrée


TRANSECT 2 Le bocage

Nous continuons notre chemin vers l’Est pour arriver sur le système bocager de ce transect, à environ deux kilomètres au Sud du transect précédent. La première chose frappante, lorsqu’on découvre ce paysage de bocage en comparaison avec le précédent, c’est la taille du parcellaire et la densité des haies. On peut qualifier le bocage d’ouvert, la vue porte loin et les haies peu denses ou inexistantes à certains endroits ne bloquent pas le regard. On a perdu l’ambiance intimiste et «sauvage» du bocage précédent, pour trouver un paysage vaste. Les parcelles sont toujours majoritairement des prairies pâturées par des vaches allaitantes ou par des ovins, mais on trouve également quelques cultures de blé et de maïs. En face de l’île de Lalande se situe la ferme exotique et un centre équestre ainsi que le petit port de l’Esquillot réaménagé depuis 1993. Cette attraction attire des touristes de la région et surtout les bordelais tout au long de l’année. C’est un pôle touristique qui permet une entrée sur l’ensemble du territoire du bocage.

68

N


69 Pâture de brebis sur la parcelle adjacente à la ferme exotique

Voie ferrée

D108

La Garonne

Le coteau


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Grande pâture, fossé de drainage marqué par un alignement de chênes

Grande pâture ovine avec le bâtiment agricole en son milieu


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TRANSECT 3

La grande palus

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Au Sud de la commune de Saint-Médard-d’Eyrans on retrouve toujours le paysage des vignes sur leur terrasses ondulées à l’Ouest. Au niveau des grands axes de communications, on note qu’ils perdent leur situations parallèles les uns des autres. L’espace entre ces axes devient alors de plus en plus important tandis que la voie ferrée s’éloigne vers la Garonne pour rejoindre les communes d’Ayguemorte-les-Graves et de Beautiran situées à la pointe Sud du bocage. Ces axes traversent la vallée du Saucats, estey majeur de la plaine alluviale. Cette vallée très marécageuse est colonisée par une forêt hygrophile qui est exploitée pour son bois. Elle est également très prisée des chasseurs, on peut rencontrer quelques palombières. Le Saucats a été canalisé et endigué depuis le XIIIe siècle, afin de pouvoir contrôler ses débordements. Son ancien lit étant l’actuel Estey Mort, ils communiquent toujours avec le Saucats à divers endroits grâce à des ouvrages hydrauliques. Bien que la forêt soit difficile d’accès et souvent partiellement inondée, les promenades le long du Saucats sur la digue sont possibles, car ses berges sont régulièrement entretenues. On peut ainsi découvrir ce paysage fermé ou l’Estey fait office de couloir et nous sert de guide. Il est possible de s’aventurer dans quelques parcelles forestières assez bien drainées.

Voie ferrée

D108

Le s

D1113 route de Toulouse

Autoroute A62

L’Estey Mort Le Saucats


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Parcelle forestière avec une palombière, nettoyée par les chasseurs

Lumière matinale sur le Saucats et ses digues


TRANSECT 3

L’Isle-Saint-Georges, le bocage et la vigne

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Tout au Sud de la plaine alluviale se dresse le petit village pittoresque de l’Isle-Saint-Georges. La commune n’a plus de terrains constructibles à cause du risque d’inondation et elle a stabilisé sa population entre 500 et 550 habitants depuis 40ans. Au cœur de la plaine, cette commune se démarque par rapport à ses voisines. Elle tire son nom de sa situation insulaire passée, cependant il reste difficile de savoir quand elle s’est rattachée à la rive gauche. Elle se situe sur un petit bourrelet alluvial qui la maintient en dehors des zones d’inondations mineures. Un petit port est présent en centre bourg et il est encore en fonction, il ne peut cependant accueillir que de petites embarcations, les péniches et autres bateaux touristiques venant de Bordeaux n’y ont donc pas accès. Ce village préservé de l’urbanisation présente un réel potentiel touristique au sein du bocage. Sur ce même bourrelet où s’est installé le village, on trouve encore des vignes de palus qui ont disparu dans tout le reste de la plaine alluviale. Ici, pendant l’attaque du phylloxéra, les ouvriers viticoles du village se relayaient pour surveiller pas moins de huit stations de pompage à eau qui permettaient d’inonder la plaine viticole et éradiquer l’envahisseur. Le coût d’une telle maintenance était amorti par le prix élevé du vin du fait de sa rareté.


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Promenade entre vigne et Garonne, retour vers le village

Le Saucats

D214

L’Isle-Saint-Georges


TRANSECT 3

L’Isle-Saint-Georges, le bocage et la vigne Le paysage agricole autour de l’Isle-Saint-Georges est très hétéroclite. On rencontre des cultures céréalières, des prairies, des pâtures, quelques peupleraies et la vigne. L’ambiance est ainsi très variée, on passe d’une parcelle ouverte, à une parcelle forestière puis à une culture de maïs qui limite la vue également en fonction de la saison. Je pense que cette diversité est une richesse et évite une monotonie dans le paysage. La polyculture si elle est pratiquée par un seul agriculteur assure à celui-ci une sécurité face au marché. Par exemple un maraîcher sur la commune s’est récemment mis à la culture d’escargots. Bien que l’impact sur le paysage soit presque inexistant, cet exemple permet d’illustrer la nécessité de certains professionnels de se diversifier. En effet, sur le reste du territoire de la plaine alluviale, la baisse de la population agricole, ainsi que le manque de logements et de bâti agricole pour les nouveaux arrivants rendent de plus en plus complexe le maintien de ces paysages dans le long terme. Aujourd’hui les parcelles enfrichées ne sont pas majoritaires mais gagnent progressivement du terrain. Comme dans le reste du bocage, un réseau complexe de cours d’eau artificiels créé la plaine. Mais ici, le maillage est beaucoup plus important que dans le reste de la plaine alluviale. Pourtant dans même temps il semble très bien entretenu. Dépendant des syndicats des marais (comme vue précédemment), la politique de gestion peut être différente d’une 76 commune à l’autre.

Deux vues dans les parcelles forestières sur la commune de l’Isle-Saint-Georges


Deux vues en direction de la Garonne, ci-dessus une pâture en bocage fermé, l’agriculteur a élargi le fossé pour permettre à ses bêtes de s’abreuver, Ci-dessous une parcelle de maïs, l’horizon est libre jusqu’au coteau d’en face. 77


LES HABITANTS DU BOCAGE Le paysage agricole bocager n’aurait pas de sens sans ses «habitants» qui entretiennent les prairies. Avant l’aire de la production intensive en France, les vaches laitières dominaient le paysage, aujourd’hui elles ont disparu ne pouvant pas faire concurrence à ces élevages laitiers intensifs à hauts rendements quantitatifs. Ainsi, on trouve de la race à viande, des ovins et de plus en plus de chevaux en gardiennage. L’élevage laitier à petite échelle pourrait être intéressant à réintroduire mais deux conditions sont nécessaires : Un bâtiment agricole dans le bocage pour faciliter la traite quotidienne du bétail et une valorisation du lait et des fromages sur le commerce local. Cependant l’ovin est aussi une bonne alternative, notamment parce qu’il exerce moins de pression sur les sols et ainsi détériore moins les prairies par temps humide en préservant mieux leur biodiversité.

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Chevaux dans les prairies de la commune de l’Isle-Saint-Georges


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Ci-dessus, une vache écossaise entretien une parcelle sur la commune de Cadaujac pour un exploitant viticole, Ci-dessous des brebis têtes noires sur une prairie à l’Isle-Saint-Georges


MILLE-FEUILLES

Des acteurs et des politiques sur le territoire Sur ce territoire sensible, divers acteurs et politiques de protections se superposent. Au premier abord cette multitude de données peut rendre la compréhension de la gestion du territoire difficile. Par exemple, pratiquement tout le site de la plaine alluviale est classé en Natura 2000 et de fait, ce ne sont plus les communes qui sont en charge de ces espaces, mais la communauté de communes de Montesquieu qui applique les orientations de gestion définies par le document d’objectif (DOCOB). En même temps la CDC a instauré une charte paysagère sur l’ensemble de ses 13 communes qui concernent tout son territoire. Les huit communes (Bègles, Villenave-d’ornon, Cadaujac, Saint-Médard-d’Eyrans, Ayguesmorte-les-Graves, Isle-Saint-Georges, Beautiran) concernées par le classement du bocage en Natura 2000 ne sont pas toutes dans la CDC, Bègles et Villenave-d’Ornon à l’extrémité Nord du bocage sont dans la CUB. C’est le conseil général qui prend en charge les concertations entre la CUB et la CDC de Montesquieu. Mais ce n’est pas là son seul rôle, il a un droit de préemption foncière au titre de la protection des espaces naturels sensibles (ENS). Il est l’acquéreur prioritaire sur les terres agricoles à la vente dans un périmètre précis (voir carte ci-contre). Ce périmètre ne s’étend pas sur tout le bocage, il est en cours d’étude pour être étendu aux communes 80 d’Ayguesmorte-les-Graves et de Beautiran. Je pense que cette démarche du CG est très intéressante sur le territoire. D’une part cela permet de ne pas laisser des prairies s’enfricher, se refermer et perdre leurs qualités paysagères et écologiques, d’autre part le CG s’efforce de passer la main à de nouveaux agriculteurs pour qu’ils gèrent ces espaces. Ces agriculteurs travaillent ainsi en collaboration pour trouver l’équilibre entre une bonne restauration des prairies et des haies sans que cela ne pénalise l’activité de l’agriculteur. Finalement le périmètre PPRI s’applique sur tout le territoire, il s’étend sur l’ensemble de la plaine alluviale et remonte le long de certains esteys jusque dans les terrasses viticoles. Ce périmètre protège le bocage de toute nouvelle progression de l’urbanisation en interdisant toute nouvelle construction d’habitation. Cependant concernant la problématique du bâti agricole manquant pour les nouveaux exploitants qui souhaitent s’installer, je me suis posé la question de la construction du bâti agricole dans le bocage. Le règlement stipule bien une exception dans le périmètre rouge: «Sont autorisés: -la construction, l’aménagement et l’extension de structures agricoles légères, liées et nécessaires aux exploitations agricoles en place [...], -la construction de bâtiments agricoles dans la limite de 800m2 d’emprise au sol par siège d’exploitation situé en zone inondable.»


N

N

Périmètre PPRI

N

Périmètre ZPENS et propriétés du département (vert)

N

Périmètre Natura 2000

Périmètre ZNIEFF

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DES RENCONTRES,

Des dynamiques positives sur le territoire Christophe, la relève est assurée Il m’a semblé essentiel dans ma démarche de terrain d’aller à la rencontre des acteurs du paysage et notamment de nouveaux agriculteurs s’installant sur le territoire, responsables du futur de nos paysages. Christophe Guénon est maraîcher Bio et débute son activité d’élevage bovin sur la commune de Léognan. Il loue des terres au CG sur la commune de Cadaujac pour produire le foin qui lui servira à nourrir ses bêtes durant l’hiver. Il travaille en étroite coopération avec Philippe Nadé (agent départemental du tourisme et de l’environnement) pour restaurer au mieux les nouvelles parcelles acquises qui étaient enfrichées. Il possède un troupeau d’une quinzaine de têtes de la race bordelaise (allaitante/laitière). Une vache qui ne compte qu’un peu plus d’une centaine d’individus aujourd’hui mais qui était répandue dans toute la France à la fin du XIXe siècle. Elle était reconnue comme la meilleure laitière de son époque. Christophe travaille donc également avec le conservatoire des races d’Aquitaine pour agrandir son troupeau et diversifier le patrimoine génétique en danger de cette espèce. Cette race qui ne peut pas concurrencer les vaches d’élevage industriel convient très bien à la fois à une production laitière et à la production de veaux élevés sous la mère, pour une commercialisation en vente directe. En maraîchage, Christophe travaille seul et produit environ 45 paniers à la semaine qu’il 82 vend en vente directe dans une AMAP locale. Le reste de sa production, le surplus, est vendu sur le marché des Capucins à Bordeaux.

Christophe entouré de ses vaches bordelaises


Vache Bordelaise sur la commune de Cadaujac vers 1920

Serre de production maraîchère sur l’exploitation à Léognan

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DES RENCONTRES,

Des dynamiques positives sur le territoire

Christophe m’a accompagné dans ses prairies et m’a exposé le travail entrepris en collaboration entre lui et le CG. Ils ont ré-ouvert des parcelles, débroussaillé et taillé les haies, ils ont broyé et légèrement enfouis les résidus végétaux (aucun labour n’est autorisé sur le périmètre Natura 2000), pour préparer les sols à la nouvelle pousse de ce printemps. Christophe n’est pas opposé à ce que des cheminements pour promeneurs longent ses parcelles, au contraire. Il espère juste que les promeneurs «seront respectueux et qu’ils ne jetteront pas tout un tas de déchets dans les haies, comme ce que l’on trouve le long de la départementale (D108)»

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Photos d’une parcelle tout juste fauchée, le fossé de drainage n’a pas était faucardé, son écoulement est encore bon


Photos comparatives entre le développement d’une haie sur une parcelle abandonnée (ci-dessus) et une haie qui vient d’être retaillée (ci-dessous). On voit sur la photo du haut la haie qui n’a pas été entretenue depuis quelques années s’étendre sur la parcelle de prairie et commencer le processus de fermeture du 85 paysage (les ronces sont les premières à coloniser, ce qui permet aux chênes et à d’autre espèces de feuillus de germer tranquillement à l’ombre de ses hôtes puis de s’épanouir après une à deux années)


DES RENCONTRES,

Des dynamiques positives sur le territoire Anne-Charlotte et Julien, une initiative soutenue Ils sont deux jeunes éleveurs qui vont s’installer sur la commune de Villenave-d’Ornon. Je trouve la démarche de la commune exemplaire, répondant aux problèmes financier et foncier que rencontre tout jeune agriculteur, et réglant le problème d’intégration du milieu agricole dans un contexte urbain. Le projet consiste à la construction d’une ferme et d’un laboratoire de transformation fromagère : ceci sur une parcelle communale pour ensuite la louer à des éleveurs mixtes ovin/caprin et produire des fromages pour une commercialisation en vente directe. Ces deux jeunes agriculteurs ont répondu présents à l’appel à projet ; ils étaient déjà à la recherche d’un projet agricole dans un contexte urbain, être agriculteur aujourd’hui ne rimant pas forcément avec s’isoler à la campagne pour eux. Un volet pédagogique est également prévu pour une découverte du fonctionnement de la ferme par les enfants, grâce a un évènement annuel: «la transhumance urbaine». En effet la commune possède des parcelles sur le bocage, qu’elle entretient déjà depuis 5ans en gestion raisonnée avec un autre éleveur. Le troupeau devra traverser la ville pour se rendre sur ces parcelles situées à environ 5 Km de leur ferme. La valorisation de ces «poches vertes» en ville par une production agricole est pour moi très intéressante, pédagogiquement parlant pour les futures générations et en terme de 86 paysage. On restaure l’équilibre d’un éco-système entre l’homme et son environnement naturel qui apporte toute la qualité paysagère et biologique au bocage.

Julien Bard et Anne-Charlotte Bellivier


Mailla, une reconversion maraîchère Elle est une jeune agricultrice qui se lance dans la production maraîchère en bio sur la commune de l’Isle-Saint-Georges. Elle devrait pouvoir commencer sa production cette année après avoir travailler le terrain (photo ci-dessous). La parcelle d’environ 1,5 hectares est collée au petit bourg de l’IsleSaint-Georges. Si bien que les riverains sont directement venus la voir alors qu’elle était sur sa parcelle pour discuter avec les propriétaires. Ainsi, en leur expliquant qu’elle allait produire des fruits (verger en projet également) et légumes en Bio, elle à conquis ses premiers clients. Mailla Gonzalez

Elle est également déjà en contact avec une AMAP locale pour vendre ses premières productions. À ma question sur le potentiel de production de sa terre, Mailla a été ravie de m’expliquer que cette parcelle a toujours été pâturée et fumée par la même occasion : un travail 87 d’amendement précieux. Bien que le paysage de cette parcelle soit modifié par l’activité de Mailla (cultures alignées, matériel de culture, serres de cultures), celui-ci le sera à petite échelle et intégré dans la maille bocagère (pas de restructuration de parcelle). Mailla va renforcer et entretenir cette maille bocagère pour une meilleure protection de ses cultures. Cette nouvelle installation est synonyme de dynamisme et de lien social qu’elle apporte au village et au territoire.

Future parcelle maraîchère au contact du bourg de l’Isle-Saint-Georges


LES FRANGES,

Rencontre de deux mondes

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Cette lisière est en quelque sorte le lieu le moins figé du territoire et en ceci le plus fragile. Elle peut être sujette à des changements brusques. Elle concentre les mutations urbaines et agricoles et représente le dialogue entre ces ‘deux mondes’. Elle est difficile a appréhender par sa complexité et sa diversité de situations. Sur le territoire, j’ai défini deux types de franges radicalement différentes. L’une est frontale : les habitations, des pavillons construits dans les 40 dernières années marquent une limite nette entre l’espace agricole et l’espace urbain. La photo ci-contre (non retouchée) illustre cette confrontation. Le nouveau lotissement construit divise la parcelle en deux et une simple clôture grillagée sépare l’espace urbain du bocage de la plaine alluviale. La transition est brutale, et l’ancienne haie qui marquait la limite de la parcelle s’est vue remplacée par une frange bâti uniforme. De plus la vue du paysage bocager n’est réservée qu’à quelques privilégiés, et le reste des habitants de la commune ne peuvent pas en profiter. Le deuxième type de limite est plus doux et généralement plus ancien, il mêle l’urbain et l’agricole d’une façon plus subtile. Ainsi lorsqu’on se trouve dans le parcellaire bocager la ville est perçue mais elle n’est pas omniprésente, on l’aperçoit entre deux arbres, puis elle disparaît à nouveau. Inversement dans le contexte urbain, le bocage se devine à travers de petites allées traversantes, et nous invite à sa découverte. Un travail sur cette frange me semble essentiel, pour permettre une meilleure transition entre l’espace du bocage et l’espace urbain, rendant ainsi la plaine agricole accessible à tous.

La frange frontale

La frange pénétrante


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ENJEUX DU TERRITOIRE La plaine alluviale possède un paysage unique: le bocage. Il réunit des qualités paysagères, humaines, faunistiques et floristiques singulières. Protégé pour sa biodiversité, le lien entre ces richesses écologiques et l’origine de celleci n’est pas toujours communiqué au grand public. Il est souvent paradoxal pour le public passionné de nature et de grands espaces d’apprendre que l’origine de cette biodiversité peut avoir un lien avec l’activité humaine. C’est le cas sur ce territoire, où la maîtrise de l’eau dans le but de rendre ces terres cultivables et nourrissantes a contribué à la naissance d’un écosystème complexe où l’homme est un élément indispensable à sa survie. Aujourd’hui «protégé» par le PPRI de la vague d’urbanisation et de la pression foncière liée à la proximité de la communauté urbaine de Bordeaux, le plus grand danger que pourrait rencontrer ce paysage d’exception serait la perte de son agriculture et des systèmes liés profondément à ce paysage (hydraulique, haie bocagère, pâtures...) et de sa biodiversité. Comme vu plus haut et à la rencontre entre la ville et son bocage, les franges deviennent des espaces clés avec des enjeux forts. Cette limite est le lien entre deux systèmes paysagers qui se regardent, mais qui ne communiquent pas nécessairement ensemble. Autrefois, les habitants étaient aussi les acteurs de ce paysage, un lien fort existait entre 90 l’agriculteur et ses terres. Aujourd’hui ce lien est rompu, et le paysage a perdu son rôle nourricier pour les populations locale. Les personnes faisant face a ce paysage, le regardant ou le parcourant n’ont pas conscience de sa fragilité et de son caractère éphémère. Il est primordial pour moi de reconnecter ces nouveaux citadins à leur paysage, et si ils ne peuvent plus être acteurs au sens agricole du terme, ils peuvent alors, et dans une conscience collective, le faire vivre par l’utilisation des ses produits, et par l’usage qu’ils en ont. La population agricole vieillissante, les problèmes de transmission des exploitations conduisent à la fermeture progressive du paysage, et à terme dans le cas le plus extrême l’abandon des parcelles bocagères cumulé à l’absence d’entretien du système hydraulique conduirait toute la plaine alluviale a être «envahi» par une seule et même forêt hygrophile impénétrable. Aujourd’hui l’enfrichement est limité (parcelle en vert sur le plan ci-contre) mais progresse sur l’ensemble du territoire. Le conseil général travail avec les agriculteurs locaux pour limiter cette progression, mais il devient difficile de tout «entretenir» et le manque d’agriculteurs se fait ressentir. Pourtant ces nouveaux postulants ne manquent pas et le potentiel est là, beaucoup d’agriculteurs comme Julien Bard et Anne-Charlotte Bellivier voient la proximité de la ville comme une chance et un confort. Le problème n’est pas là, mais plutôt au niveau du bâti agricole, il est très rare, pour une raison simple: les propriétaires de parcelles vendent le terrain mais pas le bâti agricole qui est souvent attenant à la partie habité. Mais différentes pistes et solutions se présentent pour régler la problématique bâti et réimpulser la dynamique agricole grâce à de nouveaux agriculteur.


Le PPRI

Les friches La frange pĂŠnĂŠtrante

La frange frontale Les entre-deux

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N

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2km

Carte des enjeux du territoire


I- Un territoire axé

II- Une découverte [des] axée 92

III- Parc agricole,

un contexte péri-urbain moteur d’une dynamique agricole


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LE PARC AGRICOLE J’utilise ici la notion de «parc agricole» pour décrire mes intentions de projet car c’est à l’interface de ce double enjeu qui lie un parc et une activité économique que l’avenir de ce site doit s’inscrire. Le «Parc», définit alors des paysages à voir, agréables, et gérés en accord avec ses milieux. Mais en élargissant les ambitions, c’est par ce biais que nous obtiendrons la promotion de l’image de marque de ces paysages, nécessaire à la prise de conscience de sa fragilité, et donc de la nécessité de lui apporter une attention particulière. Mais c’est également penser à l’agriculture et ses dynamiques économiques, car fondateurs de ces paysages et capables de produire des richesses. Ces richesses alimentaires locales sont éminemment importantes dans ce contexte périurbain et c’est sur cette interface que la ville renouera avec sa campagne, une campagne et des paysages vecteurs de richesse, d’écologie et de bien-être, où l’on pourra affirmer fièrement se nourrir en circuits courts. Ce n’est pas ici la définition d’un retour en arrière mais c’est dans la rétro-innovation que s’inscrit ma démarche de projet : s’attacher aux valeurs de l’existant, diversifier les pratiques et les modes de gestion et penser économie en parallèle de l’écologie. Mais c’est surtout cette pensée écologique qui m’anime : les paysages humides de Cadaujac sont une réserve essentielle pour la diversité de la faune et de la flore mais également une immense réserve d’eau filtrée naturellement et sur place. Alors bien sûr des exemples similaires existent, chacun en accord avec leur milieu, ce à 94 quoi je dois m’attacher ici, en accord avec mes lectures et mon analyse des lieux, locale comme plus globale. Je pense alors au parc de la Deûle, un parc périurbain du nord de la France, qui a été créé pour protéger les champs captants irremplaçables du sud de l’urbanisation lilloise. C’est un important espace de récréation dans une région densément urbanisée et pauvre en espaces verts. Initié en 1960 par l’état, et conçu par l’équipe du paysagiste Jacques Simon, ce grand parc de près de 400 Ha se caractérise par une situation humide et périurbaine similaire à celle de mon étude. Les solutions que ce parc proposent orientent notamment des dynamiques de gestions assurée par le syndicat mixte ENLM (Espace Naturel Lille Métropole) et dont les jardiniers sont formés sur place. Sur le site de mon étude aujourd’hui, ce seront les agriculteurs, appuyés par une connaissance fine des techniques de gestions et les institutions, qui seront les principaux jardiniers de leur paysage. Un autre exemple qui m’a guidé dans mon travail est celui du parc agricole Baix Llobregat proche de Barcelone. Ce parc exemplaire fut exporté dans différentes ville d’Europe. Il est né d’une révolte des agriculteurs traduit par la première campagne systématique de défense de l’espace agricole qui commença en 1977 avec des arguments qui prétendaient impliquer la société urbaine dans la défense de l’espace agricole. C’est dans ce lien retrouvé entre ville et campagne que je crois, et que je vais défendre dans les pages qui suivent.


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Plan du parc agricole de la Deûle à proximité de l’agglomération lilloise


LA STRATÉGIE Les enjeux sur ce territoire peuvent se résumer de la façon suivante:

La survie du bocage dépend du travail des agriculteurs, ce qui peut potentiellement produire un cadre de vie agréable ainsi que de nombreux loisirs sur le territoire pour les habitants proches. Et les agriculteurs ont besoin des habitants pour pouvoir maintenir leurs activités et donc le bocage et sa biodiversité.

Habitant

Achète les produits

Agriculteur

Exploite et entretient Cadre de vie

Loisirs, promenades et éducation

Produits issus de l’agriculture

Paysage de prairies bocagères

Biodiversité

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Le bocage est autant dépendant des agriculteurs que ceux-ci le sont des habitants des communes limitrophes et des visiteurs du bocage. Ainsi il m’a paru évident d’orienter ma stratégie sur deux axes: LES SEUILS DU BOCAGE: un travail sur l’accessibilité et la visibilité de la plaine alluviale à travers le territoire large de Bordeaux, ses terrasses viticoles ainsi que sa rive droite. LE PROJET AGRICOLE SUR MESURE: un travail à la fois dans le bocage en supportant les futurs projets agricoles, les installations en cours et les agriculteurs en place, ainsi qu’un travail au contact des infrastructures urbaines en réinvestissant des terres maraîchères sur les espaces d’entre-deux.


RD 1113 A62 Voie ferrée Connexions avec les terrasses graveleuses Portes d’entrées sur le bocage, aménagement pour l’accueil du public Chemins de découverte du Bocage «Reconquête» de l’agriculture Flux fluviaux, touristiques et commercials

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2km

Carte des intentions

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LES SEUILS

Une des problématiques majeures de la plaine alluviale est son enclavement et son manque de visibilité à l’échelle de l’agglomération bordelaise et ses alentours. Même à une plus petite échelle, et au sein même des communes proches, le bocage semble être une entité à part, déconnectée de la vie du bourg qui, elle, coincée et sectionnée par les axes de communications, est attirée inexorablement par l’agglomération. Nous allons explorer différents moyens de communications afin d’optimiser les connexions et les possibilités de découverte du territoire: • PAR LA ROUTE, La D108 venant de Villenave-d’Ornon, et reliant toutes les villes en limite du bocage, est un axe essentiel. C’est également une des portes d’entrée principales pour la découverte du bocage. • PAR LE FLEUVE, 98

Le Fleuve a toujours été navigué et utilisé depuis la première installation de l’homme sur ses berges. Il paraît évident de le réutiliser comme axe de communication, à l’heure où les moyens de transport «classiques» entament leurs mutations. Deux points stratégiques permettent l’accroche au territoire, la ferme exotique de Cadaujac et le petit village de l’Isle-Saint-Georges. • LIAISONS DOUCES (piéton et cycle): Le maillage des cheminements et des pistes cyclables est aujourd’hui discontinu sur l’ensemble du territoire. Il représente cependant un enjeu fort permettant l’entrée et l’exploration du paysage du bocage. Les entrées à restructurer sont: _Les trames vertes et bleues depuis les terrasses viticoles à l’Est _Le chemin de halage depuis Bordeaux _La lisière intelligente depuis les communes bordants la plaine alluviale Ensuite une réorganisation du maillage interne au bocage est nécessaire entre les chemins communaux et les chemins agricoles privés, pouvant potentiellement être pratiqués par les usagers.


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2km

Carte des localisations d’interventions


LES SEUILS Par la route, du couloir végétal à la révélation du bocage La route départementale (D108) est aujourd’hui très fréquentée dans les deux sens de circulation, et ce pour deux raisons. C’est tout d’abord un axe secondaire qui permet d’éviter l’intense fréquentation de la route de Toulouse (D1113) et ainsi rejoindre tout le chapelet de communes du Sud de l’agglomération Bordelaise. Deuxièmement, elle est empruntée par beaucoup d’usagers de l’autoroute A62, qui quittent la double voie à la sortie au niveau de Saint-Médard-d’Eyrans pour rejoindre le Sud de l’agglomération bordelaise et éviter l’affluence de la rocade.

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Cette voie traverse le début du bocage au Nord du territoire. Comme vu précédemment, cette structure paysagère est dense et remarquable, les parcelles sont irrégulières, étroites et la haie bocagère couvre les quatre côtés des parcelles. Cependant ces caractéristiques, qui font la richesse du paysage, ne sont pas perçus par les utilisateurs de la route départementale. La route est large, droite et bordée d’une haie dense et haute de chaque côté : on peut parler d’un couloir végétal, agissant à la manière d’oeillères sur les automobilistes. Le bocage et sa structure ainsi que le reste de la plaine alluviale ne peuvent pas être appréciés par les automobilistes. Il faut leur donner à lire le paysage et leur faire prendre conscience du paysage qu’ils traversent.

Deux situations prises sur la départementale D108, celle de gauche est la situation générale sur l’ensemble de la départementale entre Villenave et Cadaujac. La situation de la photo de droite où la haie du bord de route a été enlevé permet d’ouvrir le paysage sur la structure bocagère.


101 Principe d’alternance des vues sur la structure bocagère le long de la RD 108

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2km

Requalification de la RD 108


LES SEUILS Par la route, du couloir végétal à la révélation du bocage

Afin de réguler la vitesse de circulation et de révéler la structure bocagère, je propose de travailler à la fois sur le profil de la voirie et sur une gestion du végétal et une conduite souple des haies bocagères sur le long terme. On peut redimensionner la voirie et passer de 7,2m à 6m et insérer une piste cyclable se connectant au réseau de la Communauté Urbaine de Bordeaux. Cette piste cyclable serait séparée de la voirie par une bande enherbée afin de sécuriser les usagers de la voie douce. Une gestion de la structure végétale des parcelles bocagères va permettre de révéler ce paysage. Je propose plusieurs solutions pour la gestion de ces haies. L’idée générale étant d’ouvrir le paysage tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, en jouant sur une gestion dissymétrique des haies. Ces haies pourront alors être taillées, enlevées ou plantées d’arbres de hauts jets afin de dévoiler ou de susciter la curiosité en gardant les secrets du bocage.

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Situation actuelle Fossé

Pâture Alignement

Bande enherbée Voie Piste carrossable cyclable

Fossé

Pâture Alignement Vue ouverte

Situation 1: restructuration de la voie et plantation d’arbres d’alignements tiges hautes, la vue est ouverte des deux côtés

Voirie restructurée

Voie carrossable :6m

Bande enherbée et piste cyclable :3m


Voie Piste carrossable cyclable Bande enherbée Fossé

Alignement Pâture

Fossé

Pâture Haie

Vue semi-ouverte

Situation 2: restructuration de la voirie et suppression d’une haie et conservation de l’autre Voie carrossable

Alignement Pâture

Piste cyclable

Bande enherbée

Fossé

Pâture

Alignement

Haie

Pâture

103 Vue semi-ouverte Voirie restructurée

Situation 3: restructuration de la voie et préservation de la haie à gauche et taille de la haie à droite

Voie carrossable :6m Voie carrossable Pâture

Fossé

Bande enherbée et piste cyclable :3m

Piste Fossé cyclable Bande Haie enherbée

Alignement Pâture

Vue semi-ouverte

Situation 4: restructuration de la voie et suppression d’une haie et taille de l’autre haie

Voirie restructurée

Voie carrossable :6m

Bande enherbée et piste cyclable :3m


LES SEUILS Par le fleuve, à la reconquête de la Garonne Le fleuve, à la base de l’installation humaine sur ce territoire, autrefois axe de communication et de commerce, a aujourd’hui été délaissé au profit d’axes plus rapides plus efficaces et moins contraignants. Pourtant de plus en plus à la recherche de solutions plus économiques, plus douces et moins polluantes, l’activité fluviale se démocratise de plus en plus. L’exemple le plus frappant étant la navette fluvial de la CUB : le BatCub. Naviguant de rives en rives à l’intérieur de la CUB, ce bateau permet pour une somme modique d’apprécier un nouveau paysage sur la ville et ses rives. Il satisfera tous passagers pour qui le confort visuel et la découverte prévaudra sur la rapidité du trajet. Le port de l’Esquillot, restauré en 1993, peut aujourd’hui très bien remplir le rôle d’accueil du public sur le bocage. Situé au niveau de la ferme exotique il peut permettre la découverte du territoire aux visiteurs de la ferme à pied, à vélo ou même à cheval, à travers le réseau de cheminements. Le village de l’Isle-Saint-Georges me semble également un point d’accroche intéressant sur le territoire. Un petit port permet à quelques bateaux de plaisance de venir s’amarrer directement au cœur du village. Cependant la taille de ce port a ses limites et ne peut accueillir les navettes venant de Bordeaux ou d’ailleurs. Une halte nautique sur la Garonne 104 serait nécessaire pour rendre ce site touristique accessible et appréciable par tous.

http://www.gasconha.com/

Port de l’Esquillot


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1

2km

Les accès par le fleuve


LES SEUILS Par le fleuve, à la reconquête de la Garonne Le transport fluvial des visiteurs jusqu’au bocage pourrait vraiment être un atout conséquent pour la visibilité du territoire. Le voyage en soit devient alors ludique et plein de découvertes. Le changement de perspective consistant à admirer les berges d’un fleuve depuis l’eau est toujours une expérience enrichissante. Les nombreuses folies bordelaises et autre châteaux sont souvent exclusivement visibles depuis les berges du fleuve, et c’est ce patrimoine qu’il est important de rendre visible pour tous. La ripisylve est, de manière générale, dense sur tout le linéaire des rives. L’apparition de ces bâtisses, petits ports et autres carrelets se fait toujours par surprise tout au long de la balade. La découverte des îles du fleuve (île de Lalande, île d’Arcin) pourrait aussi être envisagée comme des étapes notamment pour leurs richesses biologiques et leur situation insulaire «abandonnée». Enfin une traversée entre rive droite et rive gauche notamment au niveau de l’Isle-SaintGeorges et de Cambes, deux villages pittoresques qui se font face semble intéressant. La Garonne est étroite à cet endroit, la traversée se ferait rapidement et bénéficierait aux deux rives. La construction d’une halte nautique sur la commune de l’Isle-Saint-Georges est donc nécessaire. Au niveau du port de l’Esquillot et de la ferme exotique, une communication sur l’ensemble 106 du bocage et des possibilités de parcours est nécessaire afin de guider les visiteurs vers le reste du territoire. Une location de vélo pourrait être envisager de façon saisonnale et un partenariat avec la ferme exotique permettrait d’organiser des randonnées équestres.

Halte nautique à l’Isle-Saint-Georges, Cambes en face


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Quinconces

B

Les hangars

Lormont-bas

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B

Embarcadéres

Stalingrad

Bordeaux-Belcier M.I.N. de Bordeaux

Stalingrad

Floirac-bas Bégles Terre-neuves 107

Camlanes-et-Meynac

La ferme exotique

Cambes L’Isle-Saint-Georges

Langoiran

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Le BatCub Navette fluvial départementale

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2km

Plan de circulation fluviale


LES SEUILS

Les voies douces, depuis les terrasses viticoles Les terrasses viticoles sont aujourd’hui envahies par une grande affluence touristique provenant de la région et d’ailleurs. Les visiteurs suivent la célèbre route des vins et vont de château en château sans prêter attention à ce qu’il pourrait se passer à quelques kilomètres d’ici, au contact de la Garonne. L’idée ici serait de profiter de cette affluence pour faire découvrir à certains touristes le bocage. Après avoir mis leur sens gustatif en éveil par les vignobles, la contemplation des paysages du bocage pourrait mettre une touche finale à cette découverte sensorielle. Ce passage entre le vignoble et la plaine alluviale est aujourd’hui rendu difficile par la traversée des infrastructures de communications et des zones urbanisées. Ainsi, je propose de se focaliser sur les vallées des esteys, véritables couloirs écologiques et transversales du territoire. Non urbanisés grâce à leur caractère inondable, ces espaces humides bénéficient d’une situation et d’un potentiel tout particulier. Ce sont des enclaves dans le paysage aujourd’hui abandonnées (au niveau de l’Eau Blanche) ou partiellement cultivées au niveau du Breyra et du ruisseau de Bourran. Leurs traversées serait l’occasion d’une remise en valeur de ces espaces pour créer de véritables portes d’entrées sur le territoire. Une communication sur la route des vins indiquant un itinéraire bis passant par le bocage est mise en place et un parking au niveau de la route de Toulouse permet de rejoindre un chemin conduisant au bocage. Il est ponctué de petites stations de repos et de découverte de l’espace environnant (panneaux de sensibilisation, et explications). 108 Au Sud de Cadaujac la vallée du petit ruisseau de Bourran s’étend sur 150m environ d’espaces agricoles. Aujourd’hui la traversée des infrastructures routières et ferroviaires est possible tout en restant proche du petit ruisseau pour enfin se connecter au maillage présent dans le bocage.

Cheminement entre l’estey de Bourran et les pâtures


109 Passage entre les terrasses viticole et le bocage, en rouge les stations

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Localisation du passage entre bocage et terrasses viticoles


LES SEUILS

Les voies douces, depuis Bordeaux via le chemin de halage Rejoindre le bocage depuis Bordeaux par la Garonne m’est apparu comme une évidence depuis le début de ce travail. Dans ma démarche ce fut d’ailleurs mon premier contact avec le territoire. Cependant partant à vélo depuis les quais de Bordeaux, j’ai dû malheureusement m’arrêter à l’extrémité Nord du bocage au niveau de l’estey de l’Eau Blanche. Il serait pourtant possible de traverser ce cours d’eau au niveau de la porte à flot un peu plus haut. S’appuyer sur la Garonne pour entrer sur un territoire tellement dépendant de son fleuve semble évident. Cet axe fort Nord-Sud constituerait la colonne vertébrale de tout le maillage de cheminements du bocage. Il serait possible de le rejoindre de n’importe quel chemin parcourant le bocage. La fréquentation de ce chemin ainsi que son aménagement sommaire permettrait également d’avoir un suivi régulier sur l’état des digues en bordure du fleuve. Tout au long de la balade, la vue sur la Garonne est discontinue. Ainsi, le promeneur alterne entre le paysage du bocage d’un côté et les ouvertures sur le fleuve et le coteau de la rive droite. La préservation de la ripisylve est nécessaire pour le maintien de la berge et la biodiversité de ce milieu. Le tracé n’est pas rectiligne, et il ne suit pas rigoureusement la berge du fleuve. En effet, Digue végétalisée Ripisylve arborée Cultures

Cheminement

La Garonne Carrelet

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Cheminement sur digue le long des berges Digue végétalisée et sentier

Cultures

Écluse : ouvrage endigué de gestion des niveaux de l’eau

Estey de l’Eau Blanche

Passage au-dessus de l’Eau Blanche, au niveau des portes à flot

Sentier


même si le chemin de halage est sous la propriété des voies navigables de France (VNF), certains propriétaires se sont accaparés les berges. Au lieu d’exiger la ré-ouverture du passage exclusif sur tout le linéaire, il me paraît au contraire intéressant de casser ce rythme linéaire et de s’aventurer par endroits dans le bocage permettant d’avoir un aperçu de sa structure paysagère pour ensuite revenir sur les berges et continuer la balade du fleuve.

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Le chemin de halage le long du fleuve


LES SEUILS

Les voies douces, la lisière intelligente

Les franges vus précédemment sont des espaces sensibles qui font la connexion entre les «deux mondes». On a défini deux visages à cette lisière, l’un frontal, l’autre où le contact est plus doux. Le premier a besoin de plus de subtilité et d’ampleur, le deuxième doit être conforté dans son épaisseur et sa continuité. L’idée serait alors de créer une interface accessible à tous, un espace de rencontres support d’usages, que j’ai nommé la «lisière intelligente». On a ici une opportunité de réconcilier le paysage urbain et le paysage agricole. Cette lisière se concentre à mêler les usages entre le monde agricole et le monde citadin. Inciter les citadins à prendre part à la confection et à l’entretien de leur paysage à petite échelle leur permettraient d’être également acteurs de celui-ci au même titre qu’un agriculteur. Cette lisière peut prendre une emprise de 30 à 50m en fonction du parcellaire disponible. L’idée serait de s’intégrer au maximum au parcellaire bocager et de reprendre la structure 112 de base. Cette lisière support d’usage utile pour les riverains et le système bocager se compose ainsi d’un cheminement, d’une noue de drainage, d’une double allée de fruitiers (un travail avec le conservatoire végétal d’Aquitaine pour des espèces adaptés au climat et au sol est à envisager) et de petite parcelles maraîchères à la disposition des habitants. Ce schéma n’est pas fixe et peut être modulé en fonction des situations et du parcellaire foncier disponible. Ainsi on pourrait faire varier la position du cheminement afin d’apprécier les différentes ambiances crées par la lisière. Ce cheminement continue le long des municipalités serait une réponse au chemin de halage. Ensemble ils forment la grande boucle du bocage, et le maillage principal d’où se connectera le réseau secondaire. Ce cheminement organise et connecte, il permet notamment de structurer les départs de découvertes du bocage depuis les communes et les points d’accueils stratégiques (places de marchés, places d’églises,...)


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2km

Localisation des lisières intelligentes


LES SEUILS

Les voies douces, la lisière intelligente

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Chemin en retrait entre prairie du bocage et lisière intelligente

L’alignement de chêne contre planté d’une ligne de fruitié et entouré de parcelles maraîchère


Nouveau lotissement sur la commune de Cadaujac

Verger, cheminement accompagné d’une noue

Prairie

Chemin communal

Alignement de chênes

Jardins partagés

Prairie

Lisière intelligente

Situation 1: vue ouverte et jardinée, cheminement en retrait

Nouveau lotissement sur la commune de Cadaujac

Verger, cheminement accompagné d’une noue

Haie bocagère en place Prairie

Prairie

115 Lisière intelligente

Situation 2: vue ouverte et jardinée, cheminement entre verger et potager

Nouveau lotissement sur la commune de Cadaujac

Situation 3: Chambre paysgère

Verger, cheminement accompagné d’une noue

Chemin communal Prairie

Prairie

Chambre paysagère, vue fermée et intime

Verger, Alignement de cheminement chênes accompagné d’une noue Chemin Exploitation communal maraîchère

Collège de Cadaujac Exploitation maraîchère

Situation 4: suivi de l’alignement de chêne entre deux parcelles maraîchères


LES SEUILS

Les voies douces, le maillage du bocage Les cheminements dans le bocage sont aujourd’hui nombreux et variés. Comme vue s précédemment, les ambiances sont diverses et font toute la richesse de la découverte du paysage du bocage. Cependant l’organisation de ce maillage est confuse, et il est difficile de savoir si l’on parcourt un chemin privé ou communale et l’entretien et la largeur de ces cheminements varient d’un endroit à l’autre. Beaucoup de sentiers sont discontinues et il est nécessaire, d’avoir une connaissance du territoire pour savoir si une boucle est possible, ou si l’on se retrouvera le passage barré par un estey ou une haie clôturée. Il devient difficile de sortir des sentiers battus, et il n’existe que peu d’accès publics au travers de cette maille parcellaire Il serait envisageable de passer une convention avec les agriculteurs et les municipalités pour pouvoir créer des cheminements passant sur des propriétés privées. Une simple clôture entre la haie et la parcelle pourrait permettre le passage dans le bocage. Ainsi on peut coudre un maillage fin, parcourant toute la plaine alluviale et découvrir les subtilités de ce paysage. Des stations de repos et d’informations seront créées, permettant de se localiser et d’être sensibiliser sur une spécificité du paysage environnant, comme la présence d’une fritilaire des marais (Fritillaire meleagris) ou la gestion particulière que mène en collaboration les 116 agriculteurs et le conseil générale pour sauvegarder au maximum la biodiversité et l’activité agricole.

Station au détour d’un chemin


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2km

HiĂŠrarchie des cheminements


UN PROJET AGRICOLE SUR MESURE UN OUTIL: LE PÉRIMÈTRE DE PROTECTION ET DE MISE EN VALEUR DES ESPACES AGRICOLES ET NATURELS PÉRIURBAINS (PPEANP)

Le bocage des bords de Garonne est aux portes de l’agglomération bordelaise. Cette situation aujourd’hui n’est pas prise en compte dans la gestion des espaces et du paysage de ce territoire. pourtant, la préservation des sols agricoles est un enjeu fort dans l’aménagement du territoire, notamment dans ce contexte périurbain. Le PPEANP définit un périmètre de protection et de valorisation sur des espaces agricoles sur le territoire, et il est adapté au contexte périurbain et ses enjeux. Ce périmètre garantirait une gestion cohérente des espaces agricoles ainsi que des espaces naturels sur l’ensemble du bocage des bords de Garonne. Dans cette perspective un programme d’action concret permet de mettre en place une stratégie de maintien de l’agriculture et de sa transition vers des pratiques plus durables. Il permet également d’instaurer le dialogue entre les agriculteurs et les collectivités et de les rassembler autour d’un projet commun. Et enfin il peut favoriser la coordination de la commercialisation des produits issus du bocage, notamment dans les circuits courts. L’outil PPEANP est plus durable que le document d’urbanisme car il garantit la stabilité foncière et la lisibilité dont ont besoin les exploitants en activité et ceux qui souhaitent 118 s’installer. Il offre la chance de stopper la spéculation foncière. Il viendrait compléter le périmètre ENS sur le territoire et permettrait d’avoir une emprise et un droit de préemption sur l’ensemble du bocage des bords de Garonne. Au nord de Bordeaux, dans le cadre de l’opération du parc des jalles le PPEANP a été instauré depuis 2012 sur une superficie de 785ha. Ce périmètre affiche de manière pérenne la vocation agricole de cette enclave maraîchère soumise à de fortes pressions foncières de par son contexte périurbain. Il est cependant encore trop tôt pour pouvoir tirer des conclusions positives ou négatives sur ce nouvel outil. Mais la démarche et les valeurs communes qui rassemblent les acteurs du territoire autour d’une même table est un souffle positif pour l’avenir des territoires périurbains.


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UN PROJET AGRICOLE SUR MESURE La question agricole est majeure sur ce territoire. Son dynamisme est la clé pour que le paysage garde toute ses qualités actuelles et les amplifient. On se retrouve face à plusieurs problèmes qui peuvent amputer à terme la dynamique agricole, et conduire progressivement à l’augmentation du nombre de friches sur le territoire, d’inondations dûes au manque d’entretien des réseaux hydraulique et ainsi de suite jusqu’à la fermeture totale du paysage et à la perte de la biodiversité et du patrimoine paysager de ce territoire. Pourtant de jeunes agriculteurs sont là, prêts à prendre la relève. Ils ont compris l’intérêt de la proximité de la ville comme support à leur activité. Cette reconnexion et cette reconnaissance des agriculteurs par les citoyens urbains est essentielle et offre de nombreux débouchés pour les produits issus de l’agriculture de proximité. Cependant l’investissement nécessaire à l’installation de nouveaux agriculteur est souvent trop important et a besoin d’être soutenu par les institutions publiques pour que le projet soit mené à bien, de la même façon que le projet de la mairie de Villenave-d’Ornon qui a financé la construction d’une ferme pour y installer deux nouveaux agriculteurs. Ainsi, une aide à l’installation et une réflexion sur le bâti agricole est à exposer. La diversification de la production agricole est un élément de réponse intéressant sur plusieurs niveaux. Il permet de varier les pressions sur le paysage et d’optimiser son mode de gestion. Par exemple, une parcelle qui a tendance à être plus humide que les autres 120 pourrait accueillir des ovins afin de limiter la dégradations des sols et de la prairie par le poids des bovins. Cela permet également d’avoir une plus grande offre de produits pour les consommateurs. Le retour de la vache laitière, qui historiquement dominait le bocage et la transformation du fromage sur place serait un atout formidable pour la dynamique du bocage et la reconnaissance de son authenticité. Enfin la reconquête des entre-deux par une agriculture maraîchère qui a disparu au profit de l’urbanisation pourrait permettre d’une part de restructurer ces espaces entaillés par les axes de communications et d’autre part de valoriser une terre par une production adaptée. Éducation, Découverte de la production agricole

Environnement, collecte des déchets organiques urbains

Sécurité alimentaire

A G R I C U LT U R E PÉRI-URBAINE

Développement économique

Cadre de vie amélioré, contact avec la ‘nature’

Santé, sport et nourriture de bonne qualité

Activités de loisirs, contact avec la nature

Interactions sociales


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Le bocage: un espace agricole


UN PROJET AGRICOLE SUR MESURE

Aide à l’installation, des friches à réinvestir

Les friches sur le territoire sont souvent des témoins précieux et rigoureux de la dynamique agricole. La petite taille des parcelles et leur encerclement par les haies accélère le phénomène de fermeture. Ainsi au bout de 5 à 10ans d’abandon il est difficile de déterminer les anciennes limites du parcellaire. Ces parcelles sont potentiellement de nouvelle terres disponibles pour les futurs exploitants. Le bois extrait de ces parcelles après défrichement peut être utilisé dans du mobilier (poteaux) nécessaire à la mise en place des cheminements, et même des bancs ou panneaux d’indication sur des parcelles abandonnées depuis plus longtemps où les sections seraient plus importantes. L’idée n’est évidemment pas de supprimer toutes les parcelles boisées. Au contraire, certaines sont aujourd’hui denses et impénétrables et abritent un biotope singulier. Le vison d’Europe a notamment été recensé dans les boisements sur les berges des esteys de l’Eau Blanche et du Saucats. 122

Dans l’intimité du bocage: parcelle en cours d’enfrichement, la haie gagne progressivement du terrain


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Les parcelles enfrichĂŠes sur le territoire


UN PROJET AGRICOLE SUR MESURE

Aide à l’installation, le problème du bâti agricole

Des terres sont disponibles pour l’exploitation du bocage, ce n’est donc pas un facteur limitant. Le problème en revanche se concentre sur le bâti agricole. Comme vu plus haut les agriculteurs vieillissants cèdent leurs parcelles mais pas le bâti agricole attenant. Les agriculteurs voulant s’installer doivent d’abord trouver un logement puis du bâti agricole pour l’exercice de leur activité. Je propose plusieurs solutions pour remédier à ce problème: -Réinvestissement du bâti vacant: Des bâtiments non habités sont disponibles dans les différentes communes du bocage. Proches des exploitations, ce sont des conditions idéales pour toutes nouvelles exploitations. Dans le meilleur des cas, le bâtiment peut aussi servir de bâtiment agricole, si les surfaces le permettent. Cependant il est plus probable que seulement la partie habitable soit disponible. Réinvestissement du bâti en ruine sur le bocage: Quelques bâtiments agricoles en ruines sont présents dans le bocage. Il serait intéressant de les restaurer et de leur redonner leur fonction d’antan. Ainsi, le patrimoine bâti peut être préservé, restauré et servir pour les nouvelles générations. 124

Construction de bâtis agricoles sur pilotis adaptés au caractère inondable du bocage: Comme vu plus haut le PPRI permet la construction de bâti agricole sous condition. Il serait intéressant de construire un bâti d’une part qui s’intègre dans le paysage du bocage, qui soit à son échelle et qui utilise des matériaux respectueux de l’environnement. Et d’autre part le bâtiment devra s’adapter à son environnement et notamment au caractère inondable du bocage. Une structure en pilotis peut être envisagé. Dans tous les cas les municipalités et la CDC doivent intervenir pour soutenir les projets d’installations ou lancer elles-même des projets de cet ordre de la même façon que la commune de Villenave-d’Ornon!

Réinvestissement du bâti en ruine sur le bocage


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Réinvestissement du bâti vacant dans les communes limitrophes

Construction de bâtis agricoles sur pilotis adaptés au caractère inondable du bocage


UN PROJET AGRICOLE SUR MESURE

Un exemple de ferme se raccrochant à la ville

Comme à Villenave-d’Ornon, l’aide à l’installation concernant un bâti peut être complétée d’un vrai projet d’exploitation, allant du terrain, au cheptel, jusqu’au produit transformé sur place (fromage de chèvre). Ici je propose un projet en limite Ouest du bocage sur la commune de Cadaujac. La lisière intelligente passe à cet endroit et elle viendrait prendre encore plus d’ampleur en s’accrochant au projet. L’idée étant d’installer une exploitation maraîchère à la fois entre le collège de Cadaujac et les terrains de foot et également de l’autre côté de la lisière sur les parcelles sableuses déjà en culture aujourd’hui. La proximité du collège et des équipements sportifs viennent renforcer la volonté d’intégration de l’agriculture au contact de la ville comme un équipement faisant parti du tissu urbain. Il rend également des services au même titre que le terrain de foot permet le loisir. Il valorise la terre par la production de biens consommables, il a un fort potentiel pédagogique au contact du collège, son impact sur le paysage est minime et ouvre sur le bocage. Les légumes pourraient être vendus directement au collège par un système de contrat aidé, ou aux AMAP locales, très demandeuses de maraîchers qui sont rares sur la partie Sud de l’agglomération. Des évènements pédagogiques pourraient être organisés, un ramassage collectif, ou les plantations à la belle saison viendraient aider le maraîcher dans les temps fort de l’année. 126 Une petite placette permet également d’organiser divers évènements en relation avec le maraîchage et le bocage, des marchés hebdomadaire pourraient ainsi prendre place au cœur des exploitations pour lier le consommateur et le maraîcher au cœur du lieu de production. Comme mentionné plus haut, un tel projet a besoin de provenir de la municipalité ou de la CDC pour qu’il soit concrétisé. Mais aujourd’hui, la municipalité de Cadaujac ne possède presque pas de foncier sur le bocage et ses limites (juste une petite parcelle en friche le long de la départementale 108.

En direction du collège de Cadaujac


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Plan de la ferme maraîchère au contact du collège et des équipements sportif de Cadaujac


UN PROJET AGRICOLE SUR MESURE Diversification / Valorisation

Les questions de l’identification des produits du bocage et leur valorisation par une transformation locale, ainsi que la recherche de nouveaux débouchés, est primordiale lorsque l’on aborde le sujet sensible de l’agriculture au contact de la ville. Il s’agit ici, non pas de protéger ou de “patrimonialiser” un type de production, mais bien de la rendre lisible dans la mentalité des riverains, et des habitants de la CUB en général. L’idée d’une “marque”, indiquant le lieu de production et garantissant un certain nombre de critére de qualités (production locale, transformation sur place, respect d’un cahier des charges “qualité”,...) est une une des pistes à envisager. Rassemblant l’ensemble des productions (maraîchage, productions laitières, bovins, ovins,..) sous un logo commun, elle pourrait assurer une reconnaissance de la part des consommateurs sur les marchés bordelais ou en épicerie fine. Le développement de la transformation sur place, et “à la ferme” permettrait d’augmenter la rentabilité des productions : séchoirs solaires, presseuse de jus, fruitières pour le fromage,... De même, une coopérative assurant le regroupement, le stockage, et la distribution, permettrait de réaliser des économies d’échelle dans un système solidaire d’entraide, et en soutien à la vente directe déjà en place sur le territoire. 128

L’agneau de pauillac, un exemple? Race: Issus des races Lacaune viande et Blanche du Massif Central

pour les brebis et Charolais pour les béliers Zone de production: Gironde Caractéristiques: Agneau né et élevé dans la Zone de production de Pauillac. Agneau élevé au pis de sa mère et éventuellement complémenté aux céréales. Agneau non sevré, de 40 à 75 jours maximum et ayant un poids carcasse compris entre 11 et 15 kg. La filière: 35 éleveurs Signe de qualité: LABEL ROUGE. IGP.

Source : www.label-viande.fr


lais

borde e g a c o b u d s it u d o Pr

Le bocage et la Garonne, un logo simple pour une identification claire Courges

Carottes

Tomates

Bovins / Agneau de Pauillac

Fromages

Jus de fruits frais Lait frais

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UN PROJET AGRICOLE SUR MESURE

Reconquête des entre-deux par le maraîchage

Comme montré dans les parties précédentes, les grands axes de communication du territoire ont créé des espaces «résiduels» accumulant les contraintes et qu’il est aujourd’hui difficile d’aménager. Cependant, nous avons également constaté grâce aux photos aériennes anciennes que ces espaces étaient autrefois des parcelles de culture servant à l’approvisionnement des villages alentours. En limite de zones humides et au début des terrasses graveleuses, le sol est propice à la culture maraîchère. Ainsi pour donner une unité à ces entre-deux mités par les entreprises, pavillons et autre terrains vagues, et valoriser les terres aujourd’hui délaissées, je propose de revenir implanter des cultures maraîchères. Au niveau des vallées des esteys traversant les axes de communication, le pâturage restera le type d’agriculture dominant, adapté au milieu humide et aux crues potentielles. Il me semble essentiel de redonner une cohérence aux espaces et et retrouver des usages productifs et récréatifs dans ce paysage entaillé. 130

réinvestir les interstices


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2km

ReconquĂŞte des entre-deux


LE PARC DU BOCAGE DES BORDS DE GARONNE

Le maintien d’une agriculture productive, un développement urbain raisonné, ainsi que le développement du tourisme sont l’avenir de ce territoire. C’est dans une symbiose des différents acteurs autour d’un projet d’ensemble, que le bocage et les valeurs que ce paysage représente, perdureront. Ainsi, multiplier les accès et la visibilité de ce territoire à l’échelle de l’agglomération est un premier pas permettant le support d’une agriculture raisonnable et locale en accord avec les systèmes paysagers et environnementaux en place. Ensuite soutenir l’agriculture et les agriculteurs, développer des projets et en communiquer les enjeux au niveau paysager et écologique est primordial. L’eau, l’agriculture, l’histoire et les différents milieux naturels et tous les liens entre ces composantes du territoire doivent 132 être exposés tout au long des parcours. En effet la pédagogie et la sensibilisation du public au paysage est un facteur essentiel à la pérennité du projet dans le temps. Enfin donner ce territoire à explorer et à déguster par les voisins et les visiteurs du bocage sont des priorités. Redorer l’image du bocage au travers de ses productions est un moyen de rendre le bocage attractif, viable économiquement, et support de nouveaux usages. Il est nécessaire de mobiliser différents acteurs autour de ce projet d’ensemble. Les agriculteurs, la communauté de commune de Montesquieu, les municipalités, les voies navigables de France ainsi que le conseil général devront travailler ensemble pour mener à bien ce projet cohérent sur l’ensemble du territoire du bocage. Le PPEANP peut être un outil de rassemblement autour de ce projet du parc agricole des bords de Garonne.


ge bordelais

Produits du boca

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ReconquĂŞte des entre-deux


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CONCLUSION

Faire se rencontrer Agriculture et Ville est aujourd’hui perçu comme étant une entreprise difficile à accomplir. L’inconscient collectif les sépare en «deux mondes» que tout oppose et qui devrait hypothétiquement s’affronter. L’un serait ainsi le négatif de l’autre, une sorte de ying et de yang, mais en moins équilibré. Pourtant, à y regarder de plus près, ces espaces peuvent fonctionner en osmose et se supporter l’un et l’autre par le biais d’un système cohérent et vertueux. A la rencontre de ces deux mondes, se crée une lisière. Cette frange parfois hasardeuse ou brutale peut alors devenir un espace riche et subtil, une transition douce qui gomme les aspérités et fait communier les deux parties. Mon projet de parc agricole tente de mêler les usages citadins récréatifs, sans pour autant perturber le travail de l’agriculteur. C’est plutôt en essayant de le comprendre et d’évaluer les enjeux de ses pratiques sur l’environnement et le paysage que cette symbiose peut devenir vecteur d’un cadre de vie particulièrement attractif. La valorisation du produit du bocage par la vente dans des structures locales, ainsi que son identification dans les mentalités du consommateur peuvent être le soutien principal 135 de cette structure paysagère. Mais une politique générale d’aide et de soutien du territoire doit être menée en concertation avec tous les acteurs du territoire afin de les convaincre du bien fondé d’un tel projet. Tout au long de mon travail, la découverte du territoire mais surtout les rencontres avec les acteurs du paysage, restent pour moi les moments forts de cette étude. Ces rencontres spontanées ou programmées au grè de mes pérégrinations m’ont permis d’établir une connexion forte avec mon site d’étude, une approche concrète qui m’a ancré dans le «réel» de ce territoire. C’est ici une prise de conscience pour ma vie de futur professionnel. Celle de pratiquer le terrain, inlassablement, de rester toujours curieux, en posture d’éveil et à l’écoute de ses habitants. Étudier leurs pratiques et leurs usages est une des clés qui permet de comprendre un territoire, et d’y construire un projet cohérent, en prise avec la réalité du terrain, et les aspirations des personnes qui le vivent, l’empruntent pour un jour ou le cultivent.


BIBLIOGRAPHIE > Territoire / Grand paysage :

Agriculture métropolitaine métropole agricole. Paris: MSH Paris, 2011. Lizet, Bernadette, and Ravignan. Comprendre un paysage : guide pratique de recherche. Paris: Institut national de la recherche agronomique, 1987. Brisson. Cheminements. Arles Versailles: Actes Sud École nationale supérieure du paysage, 2004.

> Réflexions / méthodologies :

Magnaghi, Alberto, Marilène Raiola, and Amélie Petita. Le projet local. Sprimont (Belgique: Mardaga, 2003. Friedman, Yona. L’architecture de survie : une philosophie de la pauvrete. Paris: Ed. de l’Eclat, 2003. Gracq, Julien. La forme d’une ville. Paris: J. Corti, 1985.

> Agriculture :

Donadieu, Pierre, and Gérard Santa. Campagnes urbaines. Arles, France Versailles: Actes sud., Ecole nationale superieure du paysage, 1998.

Pelt, and Franck Steffan. Cessons de tuer la terre pour nourrir l’homme! : pour en finir avec les pesticides. Paris: Fayard, 2012. Griffon, M. Nourrir la planète : pour une révolution doublement verte. Paris: O. Jacob, 2006. 136 Petrini, Carlo, and Laurent Palet. Terra madre renouer avec la chaîne vertueuse de l’alimentation. Paris: Ed. Alternatives, 2011. Erbe, Hugo, Michel Joseph, and Daniel Kmiecick. Agriculture biodynamique principe complémentaire : sur les recherches et découvertes de Hugo Erbe. Paris: Sang de la terre, 2011. Petit, Michel, and Pascal Tillie. Pour une agriculture mondiale productive et durable. Versailles: Éd. Quae, 2011. Garrouste, Laurent, et al. Pistes pour une agriculture écologique et sociale. Paris: Éd. Syllepse, 2014. Caplat, Jacques. L’agriculture biologique pour nourrir l’humanité : démonstration. Arles France: Actes sud, 2012.

> Participation :

Blondiaux, Loïc. Le nouvel esprit de la démocratie : actualité de la démocratie participative. Paris: Éditions du Seuil, 2008. Guibert, Joël, and Guy Jumel. Méthodologie des pratiques de terrain en sciences humaines et sociales. Paris: A. Colin, 1997. Michelin Yves. “Des paysages pour le développement local, Expériences et recherches innovantes dans le Massif Central”, Revue d’Auvergne N° 571

> Pour le plaisir :

Piano, Renzo, Renzo Cassigoli, and Olivier Favier. La désobéissance de l’architecte : conversation avec Renzo Cassigoli. Paris: Arléa, 2009. Morin, Edgar, and Kern. Terre-Patrie. Paris: Éd. du Seuil, 2010.


> Webographie www.racesaquitaine.fr http://www.terre-humanisme.org/ http://inpn.mnhn.fr/site/natura2000/FR7200688 http://www.persee.fr/ http://www.fedenatur.org/ http://agriculture.gouv.fr/ Et bien d’autre...

> Filmographie Serreau, Coline. “Solutions locales pour un désordre global (2010) Robin, Marie-Monique. “Le monde selon Monsanto”, “Les moissons du futur”, “Notre poison quotidien” Dhelsing, Marie-Dominique. “Au nom de la terre” Marant, Alexis. “Planète à vendre : délocalisation de l’agriculture”

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REMERCIEMENTS

L’aboutissement de ce travail n’aurai pas eu lieu sans le concours des personnes qui m’ont accordé de leur temps, soutenu et encouragé tout au long de ce travail. Merci:

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à mon professeur encadrant, Lionel Hodier à Graziella Barsacq, paysagiste DPLG à Marie-Ange Giraudel, professeur à l’ENSAP Bordeaux à Isabelle Maillé, service de l’environnement et ENS à Villenave-d’Ornon à Phillipe Nadé, Agent départemental du tourisme et de l’environnement à David Fort, service aménagement, planification et développement durable à Cadaujac à Christophe Guénon, agriculteur à Léognan à Mailla Gonzales, agricultrice à l’Isle-Saint-Georges à Julien Bard et Anne-Charlotte Bellivier, agriculteurs à Villenave-d’Ornon Un grand merci à mes amis et mes colocs, ainsi que tout particulièrement à Estelle, Benjamin, Étienne, Annette et Ivana, pour leur encouragement, leur patience et leur soutien infaillible. Merci à ma famille et à mes parents.


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